République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8662-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Luc Barthassat, Thomas Büchi, Hubert Dethurens, Janine Hagmann, Jean-Marc Odier, Olivier Vaucher, Pierre-Louis Portier, Alain Meylan, Blaise Matthey, Jacques Jeannerat, Gabriel Barrillier ouvrant un crédit d'investissement de 35'370'652F pour les travaux de construction d'une traversée en tranchée couverte du village de Vésenaz sous la T 105 - RC 1 route de Thonon (reprise du PL 7784)
Rapport de majorité de M. Hugues Hiltpold (R)
Rapport de minorité de Mme Morgane Gauthier (Ve)
P 1360-B
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la pétition pour un tunnel à Vésenaz
Rapport de majorité de M. Hugues Hiltpold (R)
Rapport de minorité de Mme Morgane Gauthier (Ve)

Suite du premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Nous rouvrons le tour d'interventions, puisque beaucoup de personnes ont déjà pris la parole. Je donne la parole au premier inscrit d'aujourd'hui, M. Carlo Sommaruga. M. le conseiller d'Etat Moutinot étant retenu, ce sera M. le conseiller d'Etat Cramer qui assurera son remplacement. Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.

M. Carlo Sommaruga (S). Je ne sais pas, Monsieur le président, si notre conseiller d'Etat en charge du DAEL viendra tout à l'heure ou pas du tout, mais il avait été suggéré hier que le débat sur cet objet reprendrait aujourd'hui vers 16 h.

Cela dit, dans la mesure où je vois que les bancs sont parsemés, je demande d'entrée de cause, Monsieur le président, que ce débat soit ajourné à une séance où tout le monde sera présent. Je vous remercie.

Le président. Je prie les trois orateurs inscrits de ne parler que de l'ajournement.

M. Rémy Pagani (AdG). Je rappellerai que le conseiller d'Etat qui n'est malheureusement pas présent actuellement et ne le sera pas du tout aujourd'hui - d'après ce que j'ai cru comprendre - nous a fait état d'une position assez difficile, à savoir que le Conseil d'Etat est favorable à cette traversée sous Vésenaz, mais qu'il ne s'agit pas d'une priorité et que, de ce fait, le Conseil d'Etat ne donnera pas son aval pour reprendre à sa charge la dépense importante de ce projet. Je vous rappelle qu'il est question de 35 millions, dont 6 sont pris en charge par la commune et 8 seraient éventuellement pris en charge par la Confédération. (Protestations.)

Le président. Monsieur Pagani, veuillez parler de l'ajournement.

M. Rémy Pagani. Oui, tout à fait. Je voulais donc dire qu'il y a là un problème juridique qui nécessite la présence du Conseil d'Etat, et justifie d'autant plus l'ajournement de nos débats.

M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président, je ne serai pas long et propose tout de suite que nous passions au vote.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 37 non contre 28 oui et 1 abstention.

Le président. Le débat continue. La parole est à M. le député Annen.

M. Bernard Annen (L). Nous sommes face à un certain nombre de réserves par rapport à ce projet de loi. Ces réserves, on peut les accepter ou les refuser. Un certain nombre d'entre elles sont - permettez-moi de le dire - dilatoires, d'autres sont réelles.

Je vais m'attarder sur une seule de ces réserves, la seule réelle, c'est-à-dire la couverture des frais financiers. Il est vrai que de ce point de vue, il y a problème, mais dans ce cas, posons-le en deux termes. Le premier terme est celui du plan politique: votre plan politique est de dire: «Nous sommes contre toute traversée, quelle qu'elle soit !» Et là, le discours des Verts est clair: «Nous sommes anti-bagnoles et nous allons le démontrer.» Dès lors, tout ce qui est lié aux voitures sera rejeté: le bruit - on l'a vu il y a quinze jours - est une notion qui, chez les écolos, doit être respectée et respectable; le bruit est une notion essentielle. D'un revers de main, d'un seul, on a refusé les protections contre le bruit, parce qu'on est contre la voiture. Cela veut dire qu'on est toujours contre la voiture. C'est un langage clair.

Il y a un autre langage - politique politicienne - qui, parce que c'est un projet qui vient de la droite, vise par n'importe quel argument, n'importe quel moyen à le botter en touche. On peut y revenir.

Je reviens sur cette question de la couverture des dépenses et des frais. C'est le deuxième terme. Si c'est une réalité, si nous sommes politiquement d'accord de faire cette traversée, il y a une seule et unique possibilité: il faut que le Conseil d'Etat reprenne l'investissement. Mais comme le Conseil d'Etat - ou du moins le conseiller d'Etat en charge du département - n'en veut pas, il faut trouver une autre possibilité.

La deuxième possibilité, c'est de trouver la couverture financière. Or celle-ci peut être trouvée en fonction du prochain budget d'investissement, dans lequel des priorités seront supprimées - comme vous l'avez fait durant la dernière législature - au profit d'autres priorités. Autrement dit, le nombre de millions destinés à cette traversée, on les enlèvera sur d'autres investissements, et ainsi la couverture financière sera assurée. C'est comme cela qu'il va falloir faire. Prononçons-nous donc sur une question politique: voulons-nous ou non de cette traversée ? En effet, dans la mesure où - vous l'avez bien vu dans l'exposé des motifs et dans la loi - le financement du canton est différé, il ne sera voté que dans six mois, avec le budget ! Et, dans six mois, ce parlement devra faire un choix politique - et là, je suis d'accord avec vous - et sera libre de choisir cette priorité, ou une autre !

Sinon, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le Conseil d'Etat qui peut faire tout ce qu'il veut, et seulement ce qu'il veut ! Et cela ne m'apparaît pas du tout acceptable, quel que soit le domaine, quel que soit le projet de loi que vous amenez, qu'il s'agisse d'une dépense de fonctionnement ou d'un investissement. Oui, jusque dans certaines limites, non au moment du budget. Au moment du budget, et notamment en matière d'investissement, nous pouvons choisir, nous, députés, les investissements à réaliser en priorité, dans l'enveloppe que le Conseil d'Etat admet pouvoir dépenser.

L'Entente désire soutenir ce projet de loi, faire de l'investissement autoroutier une priorité. Vous devrez vous plier à la majorité, car c'est ça la démocratie.

M. Christian Brunier (S). Si j'écoute Bernard Annen, j'en conclus qu'il y a deux raisons de s'opposer à ce projet: comme il nous l'a dit, on peut s'y opposer parce que l'on est écolo et anti-bagnole ou on peut polémiquer et s'y opposer uniquement parce que ce projet émane de la droite.

En premier lieu, je vous rappelle que le Conseil d'Etat est majoritairement de droite. On ne peut par conséquent l'accuser ni d'être anti-bagnole ni d'être anti-droite, puisqu'il provient essentiellement des rangs de la droite ! Comme il a été dit hier, la majorité du Conseil d'Etat est opposée à cette traversée non pas parce qu'elle la juge inutile, mais parce qu'elle estime qu'il ne s'agit d'une priorité ni en matière financière ni en matière de transfert modal du canton. L'argumentation de M. Annen tombe déjà en déliquescence.

En deuxième lieu, il n'est pas vrai que les opposants à cette traversée sont nécessairement des opposants aux bagnoles. Il convient simplement de reconnaître la réalité, à savoir la lutte contre les nuisances - car nul n'a, je crois, envie de développer les nuisances dans ce canton. Ce projet permet certes d'améliorer la situation de trois cents personnes, ce qui constitue un chiffre relativement important. Mais n'oublions pas que nous ne siégeons pas au conseil municipal de Collonge-Bellerive ! Il nous faut adopter une vision plus large de la situation. Or, la vision la plus large de la situation, soit l'étude commandée par le Conseil d'Etat et soutenue par la droite comme par la gauche, fournit une réponse: elle montre que la traversée de Vésenaz n'est une priorité ni en matière de transfert modal, ni en matière de lutte contre la pollution et contre le bruit, ni même en matière de politique des transports ! Si vous rétorquez que trois cents personnes subissent tout de même des nuisances sonores inacceptables - ce qui est vrai - il faudrait, par souci de cohérence, enterrer toutes les rues du centre-ville de Genève ! La situation inacceptable à Collonge-Bellerive est en effet exactement celle que vit la quasi-totalité de la population de la ville de Genève. Seriez-vous dès lors prêts, au nom du principe d'équité entre citoyens, à enterrer toutes les rues de la ville de Genève ? Et en avez-vous les moyens ?

M. Annen a mis en évidence un problème réel, à savoir l'aspect financier du projet. Je vous épargnerai, en la matière, un comparatif par rapport à toutes les dépenses d'investissements que vous prévoyez et me contenterai d'aborder vos projets routiers; je ne parlerai même pas de vos projets de transports publics ou d'immeubles. En ce qui concerne les projets routiers, je vous rappelle votre programme - puisque vous ne le relisez visiblement pas tous les jours... : vous y recommandez la traversée de Meyrin, la traversée d'Onex - du moins vos partis locaux la recommandent - le contournement de Chancy, la traversée du Grand-Saconnex, la voie Cottier, la traversée de la rade... (Vives protestations.)Mesdames et Messieurs les députés de la droite...

Le président. Monsieur Annen, merci d'écouter M. Brunier !

M. Christian Brunier. ...vous n'écoutez en tous les cas pas votre collègue Weiss. Ce dernier nous a en effet expliqué en long et en large combien les moyens financiers du canton étaient limités et à quel point il était nécessaire de réaliser des économies. Or, votre facture s'élève, strictement en matière d'investissements routiers, à quelque deux milliards ! Où trouverez-vous une telle somme ? Vous vous livrez à des promesses illusoires que vous êtes incapables de respecter ! Il s'agit de pure braderie, de l'électoralisme le plus populiste du genre !

M. Pierre Weiss. Je vous remercie de m'écouter, Monsieur Brunier !

M. Christian Brunier. Tout à fait, Monsieur Weiss: je vous écoute, et je demande le maintien d'une certaine cohérence entre les deux débats: il est impossible, d'une part d'exiger la réalisation d'économies, d'autre part de plaider pour des dépenses dans n'importe quelle infrastructure routière !

Il existe effectivement, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, un véritable problème de circulation. Ce problème ne se limite pas à Vésenaz, mais touche l'ensemble du canton. Je vous rappelle les chiffres publiés par le département de M. Cramer, que l'on ne peut guère qualifier d'anti-automobile... (Protestations.) ...puisque, comme j'ai cru le lire dans les médias, il est favorable à la traversée de la rade: selon ces chiffres, une augmentation de 40% de la circulation automobile est prévue d'ici 2015 si nous ne prenons pas des mesures draconiennes pour la limiter. Vous êtes donc en train de créer un bouchon généralisé sur un territoire exigu. Voici en quoi consiste votre programme politique: prévoir un bouchon généralisé sur tout le canton ! D'ici 2015, le centre de Meyrin-Village connaîtra les mêmes bouchons que ceux que nous trouvons quotidiennement en haut de la rue de la Servette. Je le répète: il s'agit de votre programme politique ! En créant des traversées souterraines, vous augmenterez l'attractivité du canton, ce qui provoquera une hausse des automobiles non pas de 40%, mais de 50% ou 60%. Tel est votre programme: il s'agit d'un programme à court terme et sans but général, qui n'est pas toujours suffisant pour gagner les élections... Enfin, à chacun ses responsabilités... (L'orateur est interpellé.)Oui, vous progressez, puisque vous êtes tout seul ! Les partis d'Union soviétique progressaient également lorsqu'ils étaient seuls !

Une voix. Tu sais de quoi tu parles !

M. Christian Brunier. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il existe actuellement un véritable problème de circulation, puisqu'un bassin de population de quinze à trente mille personnes se déplace actuellement énormément dans la région évoquée. Il faut donc trouver des solutions. Mais, hors de toute considération idéologique et en tenant uniquement compte du développement du territoire, la seule solution viable est - et vous le savez ! - de développer des parkings d'échange en complémentarité à Genève-Plage et à la Pallanterie, voire plus loin, et de mettre en place un réseau de transports publics efficace. Je vous invite à consacrer au développement des transports publics les deux milliards que vous êtes prêts à investir dans la construction de nouvelles routes pour faire plaisir à vos copains - qui sont pro-bagnoles d'une manière primaire ! C'est uniquement ainsi que nous résoudrons véritablement le problème des transports de Collonge-Bellerive ainsi que des autres quartiers et que vous serez cohérents avec votre politique ! (Applaudissements.)

Le président. Douze orateurs sont encore inscrits, sans compter M. le conseiller d'Etat. La parole est à M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S). J'ai entendu hier M. Barrillier affirmer que si nous ne votons pas ce projet, nous jetterons dix millions par la fenêtre.

Une voix. C'est clair !

M. Alberto Velasco. Pour ma part, je dirais plutôt que si nous votons ce projet, c'est trente-cinq millions que nous jetterons par la fenêtre ! Vous nous demandez de voter trente-cinq millions pour obtenir dix millions de la Confédération, car nous résoudrons - paraît-il - un problème. Mais vous savez fort bien que nous ne résoudrons rien ainsi, puisque le même problème se posera à nouveau d'ici quelques années: les automobilistes passeront par-dessus le tunnel censé fluidifier le trafic en provenance de Thonon, car celui-ci se trouvera bouché ! Je comprends fort bien le ras le bol des habitants de Vésenaz, qui en ont marre de la circulation et exigent une solution. Mais, comme M. Brunier l'a relevé, la solution pourrait résider, comme dans d'autres pays, dans un RER entre le centre-ville et Thonon. Certains pays se dirigent déjà dans cette voie, et c'est cette direction qu'il faut selon moi suivre. Vous travaillez pour votre part sur des projets déjà caducs ! Zurich a essayé de mettre en place des mesures analogues à celles que vous préconisez; or, le canton a fait marche arrière, car il a réalisé que ces mesures constituaient de véritables aspirateurs à voitures, et s'est tourné vers d'autres solutions, notamment les transports publics. Je fais donc savoir aux habitants de Collonge-Bellerive qu'ils auront malheureusement dépensé de l'argent en vain et qu'ils n'auront rien résolu avec un tel projet. Je les invite plutôt à s'investir dans un projet de transports publics.

J'ajouterai que les Genevois et les Genevoises qui se rendront à la plage d'Hermance en été n'emprunteront pas ce tunnel, mais devront passer par-dessus; ils traverseront par conséquent tout de même le village. Cette solution n'est donc qu'un pis-aller ! Nous avons assisté hier à un débat sur les comptes durant lequel on nous a dit qu'on broyait du noir et qu'on broierait peut-être du rouge. Il y a donc une incohérence de la part de nos amis d'en face: quand il s'agit des transports ou des dépenses publiques - notamment sociales - vous nous demandez, à nous la gauche, de mettre le frein. En revanche, quand il s'agit de faire une traversée totalement inutile, vous êtes prêts à voter sur le siège les trente-cinq millions ! C'est d'une incohérence totale ! Nous refuserons pour notre part ce projet et j'espère, Messieurs, que vous réfléchirez avant de voter ces trente-cinq millions !

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président

M. Hubert Dethurens (PDC). Comme chacun répète les propos qu'il a tenus en préconsultation, je répondrai à M. Brunier de la même manière que je l'ai fait en préconsultation: s'il s'agissait d'un projet bénéficiant uniquement aux trois cent cinquante habitants de Vésenaz, il serait affolant de dépenser trente-sept millions. Mais je rappelle que pas moins de trente mille voitures passent quotidiennement et que le quart nord-est du canton est desservi par cette route. Il est vrai que, si l'on réalise ce tunnel, il faudra sans doute également créer quelques infrastructures en amont, car il s'agit d'une pénétrante, au même titre que la route de Chancy est une pénétrante pour la ville de Genève. Je souhaite par ailleurs revenir sur le rapport du Conseil d'Etat, qui fixe des ordres de priorité.

Le tunnel du Grand-Saconnex constitue la première priorité. Depuis deux ans que je siège dans ce parlement, nous avons voté plusieurs centaines de millions pour le CEVA ainsi que cinquante ou soixante millions supplémentaires pour les TPG. M. Cramer ici présent nous a assuré que des contreparties seraient mises en oeuvre pour les routes. Or, en deux ans, nous n'avons fait que voter un projet d'étude pour le Grand-Saconnex ! Cela signifie qu'aucun coup de pioche n'aura été donné dans le tunnel du Grand-Saconnex d'ici la fin de la législature. Il est facile de se cacher derrière des priorités dont on sait qu'on ne les réalisera pas !

La voie Cottier constitue la deuxième priorité. Or, le département des travaux publics vient d'autoriser la construction de deux maisons implantées sur les réserves destinées à la réalisation de la voie Cottier. Il s'agit là d'un signe clair de la volonté de non-réalisation de cette deuxième priorité. C'est comme si le conseiller d'Etat Unger décidait de bloquer tout nouveau projet dans le domaine social tant que le RMI ne serait pas instauré ! Cela est inacceptable ! Je suis d'accord avec le fait qu'il existe des priorités dès lors que la réalisation de ces priorités est lancée. En revanche, si tel n'est pas le cas, passons au projet suivant - en l'occurrence le tunnel de Vésenaz !

J'ai perdu le fil... Encore une fois, compte tenu du fait que ces deux priorités ne seront pas respectées d'ici la fin de la législature et que, comme l'a dit M. Barrillier, la Confédération est prête à financer le projet à hauteur de huit millions, je pense que le Conseil d'Etat... (L'orateur est interpellé.)Oui, il y aura également Meyrin comme troisième priorité. Mais au rythme auquel nous allons, ne parlons pas de Meyrin avant six ans ! Enfin, jusqu'alors, l'enfer était pavé de bonnes intentions. Désormais, le Conseil d'Etat l'est également...

M. Carlo Sommaruga (S). Je voudrais aborder en premier lieu la question du financement sous un angle plus général qu'elle ne l'a été tout à l'heure. Il nous a été dit par un député libéral qu'il était incompréhensible que l'on ne puisse pas déposer un projet de loi comportant des dépenses d'investissement dans la mesure où l'on supprimerait par ce biais la liberté démocratique de pouvoir choisir les investissements que l'on souhaiterait voir se réaliser dans ce canton. Je rappelle que, si cette clause a été introduite dans le règlement du Grand Conseil, c'est uniquement pour maîtriser les dépenses et permettre aux instances maîtrisant le budget - soit les conseillers d'Etat et le Conseil d'Etat in corpore- de connaître la dépense pour l'année courante, maîtriser le budget et planifier les investissements. Il serait en effet quelque peu surprenant que l'on trouve systématiquement au sein de ce Grand Conseil des majorités pour des dépenses de plusieurs millions, comme dans le cas de ce projet de loi, simplement pour satisfaire un électoralisme municipal, qui au surplus ne touche que quelques centaines d'individus - soit une population infime de ce canton - moyennant des dépenses extrêmement élevées. (L'orateur est interpellé.)Non, le problème n'est malheureusement pas régional ! Je reprends: c'est donc pour cela que le règlement du Grand Conseil a prévu que les projets de lois déposés par les députés intègrent la question du financement. Je rappelle que même dans le cadre d'un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat où étaient apparues des difficultés de financement - à savoir le projet de loi de financement de la Halle 6 - la majorité avait trouvé un complément de financement pour permettre la réalisation rapide des travaux. Ceux qui veulent réaliser un tel investissement doivent proposer des solutions et réfléchir, si nécessaire, à l'instauration d'un impôt pour la réalisation de ce genre de projets. Ils constateront dès lors que les propres automobilistes et les propres habitants de cette région diront non à leur projet ! Il est un peu facile de vouloir la prestation de l'Etat alors que le coût est finalement payé par la collectivité de l'ensemble du canton.

Le débat de cette journée vient en urgence. Mais je rappelle que les députés des bancs d'en face ont mis des dizaines d'années à ressortir des tiroirs le projet CEVA alors qu'il s'agit là...

M. John Dupraz. C'est de la provocation !

M. Christian Grobet. Tu te souviens qui l'a enterré, Dupraz ?

Une voix. Et qui c'est qui l'a ressuscité ?

Le président. S'il vous plaît, Messieurs Grobet et Dupraz. Je vous propose d'en discuter à la buvette et de laisser M. Sommaruga nous parler tranquillement !

M. Carlo Sommaruga. Je reprends: il a fallu des dizaines d'années pour ressortir des tiroirs le projet CEVA, alors que l'on sait que ce projet permet de structurer des déplacements de pendulaires pouvant venir d'Evian ou de Thonon jusqu'à Genève grâce à des lignes de rabattement sur cet axe ferroviaire et, ainsi, de desservir l'ensemble de l'agglomération genevoise. Dès lors, venir aujourd'hui demander l'urgence avec un projet à courte vue alors qu'il nous a fallu tant d'années pour faire ressortir le projet CEVA relève d'un électoralisme de bas étage qu'à l'expression d'un quelconque sens des responsabilités ou souci de planification de l'aménagement du canton à long terme !

Cet électoralisme et cette volonté d'immédiateté de débat se retrouvent également dans le domaine de la justice. Comme cela a été évoqué hier, il existe actuellement des recours pendants contre les autorisations délivrées qui ont été admis par la commission de recours en matière de construction. Un recours a été déposé au Tribunal administratif contre cette décision, et vous savez que la procédure prendra un certain temps si elle doit monter jusqu'au Tribunal fédéral. Quoi qu'il en soit, en l'état, la seule décision connue - même si elle n'est pas entrée en force - est celle qui donne raison aux recourants en refusant le projet. Je ne comprends dès lors pas votre empressement à voter un crédit d'investissement qui pourrait ne jamais être utilisé, puisque la justice tranchera en dernier lieu. Le plus simple aurait été d'attendre que la justice ait rendu sa décision avant de décider d'une dépense. Il est clair que le débat que vous menez est d'ordre idéologique: il s'agit d'une volonté de forcing plutôt que d'attendre que la situation se décante d'elle-même et que le projet soit définitivement enterré non par vos propos, mais par ceux de la justice !

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits Mmes et MM. Grobet, Barthassat, Koechlin, Pagani, Rodrik, Hagmann, Catelain, Kanaan, Wisard-Blum, Spielmann, Annen, Reymond, Cramer, Barrillier et Etienne.

M. Christian Grobet (AdG). Hier soir, M. Renaud Gautier nous a fort justement rappelé que le premier devoir de notre Grand Conseil est de respecter les lois que nous avons votées. A cet égard, le projet de loi qui nous est soumis prévoit en son article 9 que «la présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève du 7 octobre 1993». Je vous lis l'alinéa 2 de l'article 52 de cette loi extrêmement importante - votée, de mémoire, en 1993 pour mettre de l'ordre dans la problématique des crédits de constructions et d'investissements: «Il ne peut être demandé l'ouverture d'un crédit que pour des travaux entièrement étudiés et dont l'exécution peut être entreprise immédiatement». Il s'agit là du texte même de la loi. Nous pourrions dès lors arrêter le débat ici puisque, comme M. Sommaruga et d'autres l'ont fort justement rappelé, l'autorisation de construire a été annulée et les travaux ne peuvent pas être immédiatement exécutés. Il faudrait savoir...

M. Annen rigole mais, comme ancien président du Grand Conseil, j'allais précisément lui rendre hommage. Je le rassure immédiatement: il s'agira d'un hommage sincère. En effet, hier soir, des collègues de son parti, M. Muller en tête - à vrai dire, je crois qu'il ne s'agissait que de lui - banalisaient le problème de la couverture financière en allant jusqu'à prétendre, au sujet de la loi relative au versement de subsides sur les carnets d'épargne-logement dont nous avons débattu il y a une semaine, que le problème de la couverture financière était résolu par des questions fiscales - ce qui est complètement faux ! Dans ce cas, l'article 97 de la constitution est particulièrement claire. Je ne lirai pas l'article 96, car une note de M. Raphaël Martin circule à son sujet, mais j'y reviendrai lors du deuxième débat - s'il a lieu. L'alinéa 2 de l'article 97 stipule clairement, en matière de couverture financière, que l'emprunt ne peut en aucun cas être considéré comme une couverture financière. Or, tout à l'heure, M. Annen a reconnu que ce point posait problème - dans des termes certes soigneusement choisis pour ne pas causer trop de peine à ses collègues. Le problème est clair à mes yeux: la couverture financière n'est pas prévue de manière adéquate dans le projet de loi. Nous reviendrons à cette question par la suite, car d'autres points s'avèrent problématiques dans l'article de loi. Je les alléguerai au fur et à mesure des neuf articles en cause. Voici quel est le danger de faire les choses à la va-vite, Monsieur le président - ou Monsieur le vice-président, car j'ignore s'il faut vous appeler président ou vice-président lorsque vous présidez. (Brouhaha.)Lorsqu'on veut aller trop vite et que l'on bâcle le travail, on aboutit à des lois qui comportent de graves erreurs.

Je donnerai maintenant la position de l'Alliance de gauche sur le fond. Nous sommes favorables à ce que les ordonnances fédérales en matière de protection de l'environnement, et plus particulièrement les ordonnances sur la protection de l'air et sur la protection contre le bruit, soient respectées. La situation dans l'ensemble du canton, mais tout particulièrement en ville de Genève, est absolument intolérable. Cela est notamment le cas en matière de bruit, puisque plus de trois cents kilomètres de routes dépassent les valeurs limites et une quarantaine de kilomètres dépassent les valeurs d'alarme. Et où ces secteurs de routes se trouvent-ils de manière prépondérante ? En ville de Genève ! Les dépassements en dehors de l'agglomération urbaine sont, pour employer un anglicisme, «peanuts». C'est en ville que les citoyennes et citoyens subissent les nuisances causées par le trafic automobile. On se rend par ailleurs compte qu'il n'existe en ville de Genève pas de protection physique suffisante pouvant ramener ces nuisances à un taux respectant la loi; le seul moyen sera de diminuer le trafic. Mais que propose-t-on au sein de ce parlement pour réduire les nuisances subies par les habitants de la ville ? On propose d'amener davantage de voitures en ville, soit d'augmenter les nuisances, et ceci - comme on l'a vu lors des débats de la semaine dernière - sans verser un seul centime à la Ville de Genève ! Alors même que le projet de loi sur les routes propose de faire inscrire dans la loi de multiples voies de circulation comme voies de transit d'intérêt cantonal, toutes ces routes ne bénéficieraient pas de la moindre subvention ! Ce parlement est en revanche prêt à dépenser une cinquantaine de millions pour couvrir un petit secteur de route en invoquant le respect des normes OPAir et OPB. Je m'excuse auprès du rapporteur général, dont j'ai évidemment lu avec attention le rapport, de parler avec une telle franchise, mais il ne s'agit que d'un simple prétexte pour tenter de justifier ce projet de loi. En ce qui concerne les normes OPAir, la situation risque de s'aggraver avec le passage en dénivelé. On constate en outre un aggravement du bruit aux deux extrémités du tunnel. Et même si l'on parvenait à améliorer légèrement la situation, je vous rappelle qu'il s'agit d'un investissement de cinquante millions - et ceci pour combien d'habitants !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Christian Grobet. Je ne veux pas sous-estimer les nuisances que subissent les bordiers de cette route, mais je me permets de souligner que certains endroits regroupant une population beaucoup plus importante mériteraient de bénéficier de l'attention voulue. Ce tunnel remet par ailleurs en cause la prolongation éventuelle du tram. Enfin, le gain apporté pour les automobilistes serait au grand maximum d'une minute - je me montre même optimiste, car le village de Vésenaz applique les 40 km/h sur environ deux kilomètres de distance. Je me demande quel est le gain de temps qui sera obtenu. Il s'agit d'argent jeté par la fenêtre ! C'est la raison pour laquelle nous sommes formellement opposés à ce crédit.

M. Luc Barthassat (PDC). Nous avons entendu passablement d'avis et de commentaires entre les séances d'hier soir et d'aujourd'hui. Je ne peux quant à moi m'empêcher de trouver quelque peu bizarre - permettez-moi de le souligner - que vous, représentants de l'Alliance de gauche, des socialistes et des Verts, qui inscrivez dans vos programmes électoraux que vous allez combattre les nuisances sonores et vous attaquer aux problèmes de circulation, vous vous opposiez à chaque fois que nous proposons un projet concret et sur le point d'aboutir. Vous trouvez toujours de bonnes excuses pour vous opposer à ces projets; M. Brunier a encore rappelé ces prétextes tout à l'heure. Vous promettez ensuite, et vous vous opposez continuellement ! La seule chose que vous êtes pressés de faire, c'est précisément de ne rien faire ! De plus, comme à votre habitude, vous ne proposez rien ! Je vous rappelle que cinq mille cinq cents signatures ont été déposées en juin 2001 au service de notre Grand Conseil. Encore hier soir, M. Pagani nous reprochait de vouloir tenir nos promesses électorales. C'est quand même un comble ! Eh bien oui, Monsieur Pagani: je suis de ceux qui soutiennent ce projet, et je le revendique aujourd'hui, d'une part parce que je tiens mes promesses, d'autre part parce qu'il s'agit d'un bon projet. On nous dit que ce projet n'est pas une priorité pour le Conseil d'Etat. Eh bien, peut-être qu'aujourd'hui ce Grand Conseil va changer le cours des choses et le cours des priorités du Conseil d'Etat ! Il est bon de rappeler que c'est le Grand Conseil qui décide de certaines choses dans ce parlement ! Le Conseil d'Etat prendra à son tour toutes ses responsabilités face à une partie importante de notre population. Et vous qui, sur les bancs d'en face, demandez des projets de relance de notre économie: en voilà un ! Je vous rappelle que, dans la conjoncture actuelle, cinq cent personnes se trouvent aujourd'hui au chômage dans le secteur du bâtiment.

Pour conclure, je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes face à deux collectivités qui soutiennent ce projet de loi: la Confédération et la commune de Collonge-Bellerive. Le parti démocrate-chrétien vous demande aujourd'hui de les soutenir et de voter ce projet de loi.

M. René Koechlin (L). Je suis plus qu'étonné: je suis abasourdi, stupéfait ! On offre à ce canton, sur son territoire public, un ouvrage utile, nécessaire - indispensable selon certains - à moitié prix: il coûte à l'Etat la moitié de son prix de revient. C'est du gâteau: cela n'arrive presque jamais ! (Brouhaha.)Et sur ce gâteau, Mesdames et Messieurs, on y ajoute une cerise ! Cela plaît à M. Vanek !

M. Pierre Weiss. Une cerise verte !

M. René Koechlin. Voici en quoi consiste cette cerise: le loyer de l'argent ne sera à la charge du canton qu'à partir de la sixième année. On nous offre donc encore de payer les intérêts de l'emprunt pendant cinq ans ! Par ailleurs, nous sommes habitués à ce que la Confédération participe à des réalisations de cette importance. C'est une preuve de l'impact de cet ouvrage que de savoir qu'à Berne on est prêt à en payer le quart. Mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'une commune accepte de subventionner l'opération dans les mêmes proportions que la Confédération: c'est du jamais vu ! Les ouvrages prioritaires, dont parlait M. Moutinot hier, n'obtiendront pas un centime des communes concernées: il ne faut pas y compter ! Les représentants de la commune de Meyrin ici présents pourront nous le confirmer.

M. Brunier évoquait tout à l'heure le risque de bouchon généralisé. Or, nous proposons un ouvrage qui doit précisément réduire les bouchons - dans une proportion modeste, nous en convenons, mais il faut bien commencer par quelque chose - et vous vous y opposez !

M. Sommaruga déclare qu'il faut attendre; on ne cesse d'attendre dans ce canton, sur je ne sais combien d'ouvrages ! Il prétend que les événements se poursuivent d'eux-mêmes... comme par miracle ! (Rires.)Il faut être croyant: agenouillons-nous pour prier le ciel qu'un jour cette traversée de Vésenaz se fasse comme ça, on ne sait comment... Mais ensuite, le même M. Sommaruga déclare que nous n'avons que trop attendu pour le projet du CEVA et qu'il s'agit d'un véritable scandale, puisque nous avons enfin voté, après quatre-vingt-dix ans, un crédit pour la construction de cette voie. Vous nous reprochez d'avoir attendu pour le CEVA, et vous nous demandez d'attendre pour le projet du tunnel de Vésenaz ! Il faudrait savoir ce que vous voulez ! Exigez-vous qu'on attende ou êtes-vous furieux qu'on ait trop attendu ? Il faudrait savoir ! (Applaudissements.)

Enfin, M. Grobet chipote. Il chipote (L'orateur imite M. Grobet.): «Ah na na, ce n'est pas conforme au règlement, ce n'est pas conforme à la loi. On ne peut pas voter une loi de crédit sans un projet». (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Je m'adresse au président; or, quand je m'adresse au président, je parle de M. Grobet à la troisième personne du singulier ! Monsieur le président, je m'adressais là, tout à fait exceptionnellement, à M.  Pagani... (Rires.)Mais ce que ne dit pas M. Grobet... Il a changé de place, mais je l'ai repéré !

M. Christian Grobet. C'est pour mieux vous entendre !

M. René Koechlin. Ah bon ! C'est comme le petit chaperon rouge (L'orateur prend une voix haut perchée.): «C'est pour mieux t'entendre...» (Rires.)Ce qu'il ne faut donc pas oublier, c'est que nous avons voté un crédit de quatre cent vingt millions comme un seul homme pour le CEVA - dont je demeure l'un des partisans - ... pour un projet qui n'existait pas ! Quand cela vous arrange, il n'y a pas de projet, et quand cela vous arrange encore, un projet existe même s'il n'existe pas ! Tout cela, c'est n'importe quoi, Mesdames et Messieurs les députés ! Quant à moi, je vous demande d'accepter le cadeau que nous fait ce soir la commune de Collonge-Bellerive et de voter rapidement ce crédit de construction ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Après les gesticulations de M. Koechlin, il sera difficile de faire retomber ce projet dans la réalité. Je ne ferai pas de l'idéologie sur ce projet. (Rires et protestations.)Monsieur Koechlin, vous avez raison sur un point: quand ce parlement traite de bons projets et est décidé, il vote rapidement. Malheureusement, ce projet est à mon sens - et je ne suis pas le seul à le penser - mauvais, et ceci pour deux raisons d'ordre technique. Je précise qu'il ne s'agit pas de mes propres arguments, mais que je ne fais que reprendre les arguments ayant motivé le refus de la commission cantonale de recours en matière de constructions. La décision de cette dernière repose sur deux éléments dont nous devrions tous être conscients. A part les gesticulations qui, comme je l'ai dit hier soir, ne servent qu'à appuyer votre programme électoral, il existe des réalités concrètes que vous ne contournerez pas.

En premier lieu, ce projet ne correspond pas aux normes OPB que vous avez votées dans un parlement majoritairement de droite aux Chambres fédérales. Or, selon la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions cet inconvénient doit être considéré comme grave au sens de l'article 14, alinéa 1, lettres a) et e) de la LCI dans la mesure où le projet ne permet pas de s'insérer sans difficulté dans le flux de la circulation. L'ensemble de la problématique du bruit et de la pollution atmosphérique constitue un point incontournable qui devrait, j'espère, amener le Tribunal administratif à confirmer la décision de la LCI.

En deuxième lieu, les normes européennes de sécurité maintenant admises en Suisse n'autorisent pas la réalisation de ce type d'ouvrage. Il est dit dans ce rapport qu'aucune étude n'a été menée à ce sujet. Or, si le Tribunal administratif menait une étude, il réaliserait qu'il n'est plus possible de construire un ouvrage de plus de cinq cents mètres n'étant pas doté de deux tubes pour assurer la sécurité des individus et de la foule d'automobilistes qui y passera.

Pour ces deux raisons et même s'il a été étudié, validé et accepté par le Conseil d'Etat il y a dix ans, ce projet n'est pas acceptable. Je vous rappelle, notamment en matière de normes de sécurité, que des accidents graves et terrifiants ont eu lieu dans des monotubes ces dix dernières années. C'est pourquoi jamais plus il n'y aura désormais de monotube au-delà de cinq cents mètres. Or, l'ouvrage proposé mesure cinq cent vingt mètres ! Il vous faut donc revoir votre copie ! Si M. Koechlin, qui est un spécialiste, avait fait preuve d'imagination, il aurait pris ses crayons et dessiné un projet correspondant aux normes de sécurité et abaissant les normes OPB de telle manière qu'il ne rencontre plus d'opposition de la part des tribunaux. (L'orateur est interpellé par M. Annen.)Pas du tout: comme M. Annen le sait fort bien, quand des projets sont tirés en bas dans ce parlement, c'est qu'ils sont réellement mauvais. Vous n'auriez autrement aucun problème à le faire passer, puisque vous disposez de la majorité. Or, cela fait trente ans que ce projet ne parvient pas à passer ! Vous pouvez bien entendu faire des effets de manches pour faire bonne figure devant un programme électoral que vous avez soutenu. Toujours est-il que, lorsqu'on traite concrètement de tels projets en commission, chacun se rend compte des difficultés et des problèmes techniques qu'ils soulèvent. C'est pourquoi ce projet ne pourra même pas voir le jour, même si l'on vote aujourd'hui ces trente-cinq millions et que l'on nous offre un cadeau ! J'attends à cet égard que les autorités de Meyrin prennent la parole pour vous dénoncer: certains projets devraient selon vous passer parce qu'ils obtiennent des cadeaux, tandis que d'autres ne pourraient pas passer parce qu'ils n'ont pas obtenu de cadeau ! M. Koechlin a ici ouvert une brèche assez extraordinaire dans ce canton: certaines communes seraient privilégiées, d'autres non. Je le répète une ultime fois: ce projet de loi n'a, selon moi, aucun avenir concrètement et techniquement parlant !

M. Albert Rodrik (S). Je voudrais avoir la possibilité de mener un autre genre de dialogue que celui prévalant depuis un moment. Quand ce parlement s'échauffe sur les questions de logement ou d'aménagement, il a tendance, tous partis confondus, à oublier ce qui se passe dans d'autres domaines traités par ce même parlement. Permettez-moi de vous parler brièvement de la situation en commission fiscale. Pourquoi donc, me direz-vous ? Vous allez voir ! Il existe aujourd'hui aux crochets de cette commission des projets d'inspiration libérale, radicale, parfois démocrate-chrétienne - parfois non - qui engendrent des manques à gagner de l'ordre de quatre cents à cinq cents millions. Vous recevrez dans un mois les rapports relatifs à un bon rabotage - sinon un démantèlement - des droits de succession dont la facture s'élèvera à quelque quatre-vingt millions. Vous commencerez à réaliser, avec la dissipation des fumées roses de la conjoncture, la signification du cadeau de 12% de rabais sur l'impôt des personnes physiques proposé par les libéraux, cadeau qui a rencontré un beau succès.

Dès lors, oubliant tout cela, nous voulons un petit «joujou» à l'entrée de Vésenaz... Bien, bien... Le dilemme a été abordé par MM. Koechlin et Pagani: l'un a parlé de cadeau, l'autre d'abomination. Je vous parlerai pour ma part d'égalité de traitement: combien des quarante-cinq communes peuvent mettre sur la table neuf millions et demi pour une réalisation qu'elles ont choisie en vertu d'un droit particulier de chaque commune à faire l'aménagement du territoire ? Cela ne tient pas debout ! Et la commune de Collonge-Bellerive prendra-t-elle à charge les huit millions et demi si, comme il est probable, la subvention fédérale se révèle aléatoire ? Mesdames et Messieurs, pouvez-vous répondre à ces questions ? La seule question qui reste ouverte est la suivante à mes yeux: la majorité qui nous gouverne est-elle simplement momentanément amnésique ou l'aphasie s'est-elle vraiment installée pour de bon ?!

Mme Janine Hagmann (L). Le vice-président du Grand Conseil nous félicitait tout à l'heure d'être parvenus à traiter dans son entier un projet de loi en deux mois. En ce qui concerne ce projet de loi, je vous rappelle qu'il y a exactement trente ans que les habitants de la région en ont ras le bol ! J'aimerais faire remarquer aux personnes convaincues que ce projet ne concerne que trois cents habitants que le groupe transports de la commission cantonale d'urbanisme - ce qui n'est pas rien ! - a écrit que la traversée de la localité de Vésenaz répondait à un intérêt local et régional. La commune de Collonge-Bellerive aurait tout à fait eu la possibilité, avec l'accord de l'OTC - accord obligatoire pour les routes cantonales - d'embêter les automobilistes de toute la région en mettant des chicanes, en faisant des rétrécissements et en envoyant les automobilistes dans une autre direction. Or, cela ne fut nullement le cas: la commune de Collonge-Bellerive a décidé d'assumer les trente mille véhicules en provenance de France ou d'un autre lieu transitant par son territoire. A cet égard, il n'est guère raisonnable d'affirmer que les personnes venant de France devraient se rendre à leur travail en vélo: cela est impossible !

L'un des députés a cité la commission fiscale. J'aimerais pour ma part citer la commission des travaux: cette dernière étudie actuellement, dans une presque magnifique unanimité, un projet de loi qui octroie sept millions pour une passerelle réservée aux cyclistes et aux piétons. Je ne conteste nullement la création de cette passerelle qui mènera au Stade de Genève. Je constate cependant que nul ne discute la mise en place de cette passerelle, car le Stade est actuellement à la mode: et cherche à être rempli. Pour ma part, je veux bien que sept millions soient consacrés à cette passerelle pour cyclistes et piétons, mais je veux également que l'on s'occupe d'une traversée de voitures qui embête la population depuis plus de trente ans !

Pour conclure, il faut cesser de prétendre que personne ne pense aux transports publics. Je vous rappelle que la «Feuille d'avis officielle» du 25 septembre a publié le nouveau réseau des transports publics genevois; ce plan de réseau constitue une annexe de la loi sur les réseaux des transports publics. Or, on peut y constater qu'à l'horizon 2010 une ligne de tram est prévue jusqu'à Vésenaz. Dans les circonstances actuelles, comment voyez-vous un tram s'arrêter à Vésenaz sur la route de Thonon ? Si une tranchée couverte existait, elle donnerait au contraire la possibilité en surface d'implanter dans d'excellentes conditions des transports publics efficaces. C'est pourquoi je vous recommande de voter ce projet de loi.

M. Gilbert Catelain (UDC). La caractéristique principale de l'axe routier de la route de Thonon réside dans le trafic de transit, qui représente dix-neuf mille véhicules par jour. Il existe donc bien là un véritable enjeu d'intérêt public dépassant largement les frontières communales et auquel, à ce jour, seul le projet qui vous est présenté apporte une solution. Ce projet présente en outre des avantages pour tous les modes de transports puisqu'il répond à l'article 160 A de la constitution genevoise concernant le libre choix du mode de transport - libre choix auquel le peuple de cette République est attaché.

M. Brunier excelle dans la désinformation en prétendant que la traversée de Vésenaz ne bénéficie qu'à trois cents habitants. Il se moque éperdument des cinq mille signataires de la pétition 1360 «Pour un tunnel à Vésenaz» et des vingt ou trente mille usagers qui empruntent cette artère quotidiennement. Son sens de l'équité prête à sourire, du moins à discussion. Pour reprendre les termes employés par M. Velasco, j'ajouterai que la route de Thonon est et restera un aspirateur à voitures avec ou sans tunnel, mais dont il faut absolument changer le filtre de Vésenaz sous peine d'explosion. Il faudrait même envisager un projet de loi qui oblige le trafic de transit à contourner les agglomérations en surface ou en sous-sol.

En ce qui concerne le financement du tire-bouchon de Vésenaz, ce parlement ne s'est pas embarrassé de scrupules pour voter un budget de quatre cent millions pour une ligne ferroviaire qui ne bénéficie d'aucune autorisation et qui n'aboutit nulle part, puisque la liaison avec Annemasse n'est pas prête de voir le jour ! Je demande à la gauche un effort de cohérence en matière budgétaire: ce qui est valable pour CEVA l'est aussi pour la traversée de Vésenaz. Quant à la pollution et au bruit, elle n'est pas due à la voirie, mais bien aux automobiles qui empruntent cette voirie. Le Conseil d'Etat encourage pour sa part l'acquisition de véhicules écologiques. Qui vous dit que dans vingt ans les nuisances dues au trafic automobile ne seront pas inférieures à celles de CEVA ? Nul ne peut l'affirmer ! (Rires.)Mesdames et Messieurs, nous avons entendu vos arguments. Ne nous prenez pas pour des demeurés: vos arguments d'aujourd'hui n'auront certainement pas le même poids ni dans la réalité de demain ni dans la politique des transports publics et privés. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en conjure: faites preuve de fair-play; soyons constructifs et avançons dans nos débats !

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

M. Sami Kanaan (S). J'ai écouté soigneusement les interventions de nos collègues qui défendent le projet. Il est exact - cela a été rappelé, je crois, par M. Barthassat - que la réduction des nuisances dues au bruit ou à la pollution de l'air, ainsi que l'amélioration des conditions de mobilité dans le canton occupent une bonne position dans les programmes de la gauche. Récapitulons les raisons qu'on nous donne d'accepter ce projet: la première est la réduction des nuisances dues au bruit. Cela est vrai, mais pour trois cents personnes seulement, tandis que ces nuisances augmentent pour ceux qui habitent aux deux sorties du tunnel. On ne peut rien dire d'autre, il s'agit de faits objectifs: les nuisances diminuent pour trois cents personnes, pas pour cinq mille ! Ce chiffre est mensonger.

Une voix. Cinq mille cinq cents personnes ont signé !

M. Sami Kanaan. Quant aux nuisances liées à la pollution de l'air, elles ne vont pas diminuer, puisqu'il y aura autant de trafic qu'avant, même s'il passera ailleurs. Je vous rappelle aussi qu'il faudra aérer ce tunnel et qu'il y aura donc des nuisances particulières liées à ces cheminées d'aération et aux sorties du tunnel.

Y a-t-il amélioration de la qualité de vie ? Oui, dans le village de Vésenaz, il y aura probablement une diminution du trafic, mais elle sera partielle puisque la route d'Hermance continuera à déboucher au milieu du village. De plus, je vous laisse expliquer à certains riverains et bordiers de la route de Thonon qu'ils devront être expropriés à cause des deux sorties du tunnel.

Assiste-t-on à une amélioration de la fluidité ou de l'accessibilité ? Non, ce n'est pas le cas. On transforme une voie de surface en une voie unique - j'insiste là-dessus - et à double sens dans le même tube, en souterrain. On n'augmente pas les capacités du réseau routier, et on n'augmente pas non plus le réseau de transports collectifs. Il n'y a aucune amélioration de la capacité de transport ou de la mobilité, de quelque nature que ce soit.

Favorise-t-on le transfert modal ? Non. Il n'y a aucun projet, concomitant et corollaire au projet du tunnel, d'extension du réseau de tramways ou même de simple amélioration de la desserte des lignes E ou G. Je suis étonné qu'il n'y ait aucune proposition dans ce sens de la part des communes concernées, alors qu'il est notoire que ces deux lignes sont surchargées et insuffisantes. Au contraire, les projets du Grand-Saconnex ou de Meyrin mettent sur le même plan les changements de la voirie ou du réseau routier avec ceux des transports collectifs.

Concernant le financement, on nous dit que parce qu'une commune est prête à mettre 12 millions - encore faut-il pouvoir se le permettre - et parce qu'il y a une subvention fédérale, nous devons dire oui. C'est là une drôle de manière de raisonner: parce qu'il y a de l'argent ailleurs, nous devons faire quelque chose. C'est peut-être ringard, mais, en ce qui me concerne, je me demande d'abord si cet objet est utile, et, à partir de là, je profite d'opportunités extérieures. Si elle reçoit le feu vert pour son projet - ce qui est loin d'être sûr - la commune recevra de toute façon la subvention fédérale.

Vous prétéritez d'autres projets plus urgents, par exemple celui de Meyrin. Nous n'aurons pas de subvention fédérale pour tous les projets que Genève voudra bien soumettre à Berne. De toute façon, cela reste des deniers publics. En fait, ce projet est indécent - cela a été dit - parce qu'on satisfait aux besoins d'une petite quantité de personnes, alors que des propositions pour toute l'agglomération urbaine sont attendues. Quels sont les crédits que vous êtes prêts à voter ? et pas seulement pour la ville de Genève, mais pour les habitants de Meyrin, de Carouge, de Lancy et de Vernier ? Toute cette agglomération urbaine souffre bien plus du bruit. M. Catelain nous reproche d'oublier les cinq mille signataires de la pétition, mais nous, nous pensons aux deux à trois cent mille personnes qui habitent en tissu urbain et qui souffrent beaucoup plus du bruit que les trois cents personnes qui profiteront de ce projet.

Ce projet est indécent de ce point de vue là. C'est une absence profonde de sens de l'équité qui caractérise cette majorité, qui ne prend aucunement compte des intérêts de la population urbaine et se contente, loi après loi, de favoriser des groupes privilégiés de la population: les propriétaires, les patrons et la campagne. En ce sens-là, vous représentez de moins en moins la population de ce canton. Les dernières élections municipales devraient d'ailleurs vous servir d'avertissement, puisque dans les communes urbaines - autant que je sache - l'Entente n'a pas vraiment brillé par ses résultats. L'élection du 2 mars devrait elle aussi vous servir d'avertissement: arrêtez de mépriser et d'ignorer les gens qui habitent en tissu urbain et qui ont de réels besoins, contrairement au cas que vous défendez.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Ce projet de traversée de Vésenaz constitue une fuite en avant particulièrement nombriliste, le tunnel de 520 mètres de longueur n'améliorant la qualité de vie que d'une infime partie des habitants de la région, pour un investissement de plusieurs dizaines de millions de francs. Et pourtant, ce coin du canton n'est pas particulièrement à plaindre. Il ne subit pas les nuisances de l'aéroport, ni celles de l'autoroute, et encore moins celles des voies CFF. De plus, Vésenaz n'a rien à voir avec le boulevard du Pont-d'Arve, par exemple, qui doit offrir plus de logements et mériterait pourtant un meilleur sort. Certes, la volonté de réduire les nuisances liées au trafic de transit dans Vésenaz est légitime et louable, mais elle ne nous paraît pas du tout prioritaire en regard des autres projets de même nature et plus urgents, projets caractérisés par des bénéfices sociaux, environnementaux ou économiques nettement supérieurs. Décidément, une majorité de ce parlement ne veut en aucun cas réfléchir globalement aux problèmes liés à la circulation à Genève.

Pourtant, dans son rapport, M. Hiltpold relève très justement le fait que les Genevois sont de plus en plus nombreux à souffrir du bruit, et particulièrement de celui engendré par la circulation routière. Le rapporteur nous suggère d'ailleurs de visiter le site de l'Etat concernant le bruit - ce que j'ai fait. Le cadastre du bruit nous décrit une situation inquiétante un peu partout dans le canton, mais particulièrement en ville de Genève, comme le disait M. Grobet tout à l'heure. Je ne citerai que quelques exemples de rues concernées par des valeurs d'alarme: le boulevard Georges-Favon, l'avenue du Mail, le boulevard du Pont-d'Arve, la rue des Deux-Ponts, l'avenue de l'Ain. Je m'arrêterai ici, car j'épuiserai les minutes qui me sont imparties si je voulais être exhaustive. Ces quelques rues que je viens de citer représentent beaucoup d'habitants et de commerçants riverains affectés par des nuisances sonores relevant de l'insupportable. Un insupportable que ces personnes doivent pourtant supporter tous les jours, sans qu'une majorité de ce parlement se soucie réellement de leur sort.

Face à ce diagnostic inquiétant révélé par le cadastre du bruit, que nous propose la droite pour améliorer la situation de ces sites les plus gravement touchés ? Rien, ou plutôt si: elle nous propose d'augmenter encore le trafic. L'exemple fort récent de la campagne électorale en ville de Genève est particulièrement édifiant. La gauche était clouée au pilori de l'Entente, accusée d'empêcher les automobilistes de se déplacer, à cause de ses projets visant à redonner plus d'espace aux piétons, plus de lignes de trams, et à encourager la mobilité douce.

Pour revenir à la problématique du bruit, la droite au sens large - donc avec l'UDC - ne veut globalement rien changer. Localement par contre, si la commune concernée est financièrement aisée, avec de très bas centimes additionnels, et qu'elle peut se permettre un caprice certes coûteux, lui évitant de baisser à nouveau ses impôts - ce qui ferait jaser - alors la droite accorde son soutien. Et tant pis pour les autres communes qui peinent à financer les demandes sociales en crèches, en jardins d'enfants, en EMS, consécutives à la solidarité en matière de construction de logements sociaux sur leur commune ! Elles continueront à subir les nuisances de trafic et à payer des centimes additionnels élevés, faute de pouvoir participer au tour de table financier des projets d'enterrement des voitures.

Le message que risque de donner la droite aujourd'hui, si elle persiste dans sa volonté de soutenir ce projet, est inquiétant. Il risque de creuser encore plus le fossé séparant les communes riches, préservées des nuisances et proposant un bas taux d'imposition communale, de celles dont la situation est diamétralement opposée. Je voudrais profiter de ce débat pour vous rappeler que le bruit n'est qu'un des nombreux problèmes liés au trafic automobile, un autre étant la pollution de l'air. En Suisse, la pollution de l'air est responsable chaque année de 45 000 cas de bronchite et de 23 000 cas d'asthme chez les enfants. Pour la Suisse toujours, on estime à 7 milliards par an le coût de la santé occasionné par ce fléau dont la moitié peut être imputée au trafic automobile. En conclusion, nous sommes donc bel et bien confrontés à un vrai problème de santé publique. Que l'on se préoccupe du bruit ou de la pollution de l'air: cacher les voitures dans les traversées souterraines de villages ou de rues ne change rien aux problèmes. Cela ne fait que les déplacer. C'est la fameuse solution qui consiste - vous m'excuserez l'expression - à cacher la merde au chat.

Des voix. Oh ! Miaou !

Mme Ariane Wisard-Blum. Pour terminer, les Verts rappellent un de leurs principes d'action qui consiste à penser globalement et agir localement et à la source. Dans l'intérêt de tous, il serait plus judicieux d'encourager et d'investir dans le transfert modal. Ainsi, les Verts sont prêts à dire oui à la construction de parkings d'échange en amont de Vésenaz, ils disent oui également à des transports publics améliorant la desserte dans ce coin du canton, et enfin ils vous confirment leur non exprimé en commission à la construction d'un ouvrage coûteux et à l'utilité très limitée.

M. Jean Spielmann (AdG). Beaucoup de choses ont été dites, un certain nombre de choses a été écrit, notamment dans le rapport de la majorité en ce qui concerne l'historique de ce projet, mais permettez-moi quand même d'y apporter quelques corrections et quelques ajouts. Certains éléments importants ont déjà été votés par ce parlement, et pourtant vous n'en parlez pas.

Le Grand Conseil a déjà voté la traversée en tranchée couverte de Vésenaz et le tunnel de Collonge. Ce vote a eu lieu après de longues discussions similaires à celles d'aujourd'hui, durant lesquelles nous nous étions demandé comment on pouvait au mieux résoudre le problème de la traversée automobile de Vésenaz. Fallait-il aller jusqu'au chemin des Peutets et trouver une solution intermédiaire permettant de résoudre aussi bien la question du trafic sur la route de Thonon et de celui en direction d'Hermance ? Comment résoudre le problème de la traversée de Vésenaz sans créer de problèmes à Collonge ou à Corsier ? Ce projet de loi avait été discuté en long et en large et, en définitive, approuvé par ce Grand Conseil. Je suis peut-être un des rares ici, avec quelques autres, à avoir déjà voté le tunnel de la traversée de Vésenaz et, dès lors, on peut se demander pourquoi il n'a pas déjà été réalisé. Vous avez parlé d'une histoire vieille de trente ans, mais je vais vous dire pourquoi le projet n'a pas été réalisé: c'est parce que les gens de la commune s'y étaient opposés, qu'ils avaient lancé un référendum et, en votation populaire, n'avaient pas voulu de cette traversée !

Une voix. Ah bon ?

M. Jean Spielmann. Et vous venez nous expliquer que nous devons prendre position. Je me permets de vous rapporter les propos d'un député libéral, prononcés lorsque le Conseil d'Etat a pris acte du résultat de la votation des citoyens de la commune de Collonge: «Du moment que les citoyens ont refusé ce tunnel et cette tranchée couverte, il ne nous reste plus qu'à retirer ce projet de loi.» Certains ont prétendu que la population n'était pas contre la tranchée couverte de Vésenaz, mais que le problème concernait plutôt Collonge ou le chemin des Peutets. Un député libéral s'est alors levé pour dire: «Je m'inscris en faux contre les commentaires qui ont été faits. Il n'est pas vrai que la majorité soit en faveur du tunnel de Vésenaz, le décompte des bulletins le démontre.» Et soudain, aujourd'hui, on change d'avis ?

M. Olivier Vaucher. En quelle année ?

M. Jean Spielmann. C'est vrai que c'est de l'histoire ancienne, mais pourquoi les citoyens n'étaient pas d'accord ? (Protestations. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Barthassat, s'il vous plaît !

M. Jean Spielmann. C'est exactement dans la période qui est citée dans le rapport de majorité, même si ce petit passage - qui me semble important - a été omis dans le rapport. On n'y dit pas que la traversée a déjà été votée, et surtout pas que le peuple avait refusé !

Pourquoi, en 1978, les citoyens de la commune ont-ils refusé cette traversée ? Pourquoi le conseil administratif de la commune a-t-il mis plus de dix ans avant de revenir avec un projet - qui n'est pas celui d'aujourd'hui ? C'est parce que le problème de cette traversée est complexe. L'idée générale, acceptée même par les citoyens de la commune de Collonge - qui ne sont pas plus bêtes que d'autres - est de dire qu'il faut favoriser les endroits où il y a de vrais problèmes de circulation. Les solutions qu'il faut trouver consistent à limiter le bruit là où il y a beaucoup d'habitants. Or, le projet présenté veut résoudre un problème de circulation de transit qui intéresse relativement les habitants du coin, il les gêne plus qu'il ne les arrange. Et ainsi, on ne résout pas les autres problèmes de circulation sur le territoire de la commune, et je veux bien sûr parler de ce qui se passe du côté du chemin des Peutets, du côté de la traversée de Collonge, et entre Collonge et Vésenaz. Tous ces problèmes ne sont pas résolus par votre projet ! Vous faites un projet de traversée qui, en définitive, n'est ni utile ni nécessaire lorsqu'on compte les voitures sur le transit, mais qui, par contre, aura une influence considérable sur l'avenir, puisqu'il ouvre un passage pour un transit de voitures de toute cette région du canton et de la France voisine en direction du centre. Et c'est là le vrai problème ! Le tunnel que vous voulez construire aujourd'hui va à l'encontre de toutes les mesures de circulation que nous mettons en place, soit réduire le trafic de transit, faire changer de mode de transport les gens qui traversent des villages pour aller travailler en ville, et trouver des solutions de transport alternatives pour permettre de répondre au besoin de mobilité.

Dans le fond, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, vous allez sans doute bientôt venir avec un projet de traversée de Corsier, un autre pour Collonge et d'autres encore ! Mais, en fait, vous n'arrivez pas à résoudre la question de fond, car même avec tous ces tunnels, on ne résoudra pas le très important problème de la mobilité, qui exige un changement modal. Je prétends pour ma part que le projet présenté ici n'est pas un bon projet, parce qu'il ne tient pas compte des différents types de circulation sur le périmètre de la commune de Collonge, il ne prend en compte que le transit. En résolvant la question du transit, vous ne répondrez à aucune des préoccupations et des questions des habitants de la commune de Collonge, qui pour cette même raison avaient déjà refusé ce projet. Continuez sur cette voie, mais je vous assure que vous faites fausse route. Votre idéologie politique est de favoriser le transit, vous avez trouvé une commune d'accord de participer aux frais, mais en ce qui concerne le fond des problèmes de circulation, de mobilité et de transport dans ce canton, vous faites fausse route. C'est la raison pour laquelle nous refuserons ce projet de loi. Nous le faisons en toute conscience, car la population n'en veut pas, et qu'on ne veut pas faire le bonheur de certains contre l'avis de ceux-là même qui ont refusé cette proposition.

M. Bernard Annen (L). En effet, un certain nombre de choses ont été dites. Sur la base de ce que j'évoquais tout à l'heure, je me suis fait traiter de «pro-bagnole» par un «anti-voiture». Est-ce une guerre de tranchées entre les antiet les pro ? Une seule chose me fait sourire: je suis peut-être un pro-voiture, mais je roule à vélo, alors que celui qui est anti-voiture ne se déplace qu'en voiture...

Il y a une deuxième chose que j'aimerais dire: on fustige la droite de ne défendre que la voiture. Or, je vous rappelle que c'est la droite qui est à l'initiative du projet de liaison Praille-Eaux-Vives ! Un projet qui va exactement dans votre sens. C'était important de le dire.

Ce qui me paraît le plus fondamental, c'est que les majorités ont le libre choix de définir leurs priorités, et le respect que nous nous devons les uns aux autres - respect que la droite a eu pendant les quatre ans où elle était dans la minorité - devrait être de fait. Et vous devriez accepter aussi qu'il y a une majorité. Dans le cas qui nous concerne, il ne s'agit pas de deux cents, trois cents ou même cinq mille personnes, mais de la grande majorité de ce canton qui a voté pour le libre choix des modes de transport. Cette majorité, vous la piétinez, et cela est intolérable ! Vous devez au moins respecter l'article constitutionnel.

Je reviens sur la couverture financière. Il faut essayer de l'interpréter en fonction de la technique, et uniquement de la technique. La technique législative, vous en aurez un jour besoin, nous en aurons un jour besoin. Ne la bafouez donc pas. Et je vais essayer de vous démontrer ce qu'il y a d'absurde. L'absurdité, c'est qu'en matière d'investissement comme de fonctionnement, puisque nous sommes tenus de trouver une couverture financière, le parlement n'a pas d'autre possibilité que celle d'inverser les lignes budgétaires. S'il nous faut 35 millions, il faut les retirer de tel investissement pour privilégier celui-ci. C'est le seul moyen ! Tout le monde est d'accord avec cela. Quand vous venez, dans le cadre du budget, faire ce genre de propositions, on va vous dire que vous êtes bien gentils, mais qu'il n'y a pas de projet, et que sans projet, il est impossible d'intégrer un investissement dans le cadre budgétaire. Et ensuite, quand vous avez un projet, on vous dit que vous ne pouvez pas proposer ce projet, car il n'a pas de couverture financière. Il y a donc une absurdité qui peut se retourner contre vous - je ne parle pas du cas précis, mais uniquement de la technique.

En ce qui concerne aussi la remarque sur la ville de Genève: j'étais de ceux qui se sont fait interpeller par nombre de nos concitoyens sur la politique de M. Ferrazino. Or je leur ai dit très gentiment et très tranquillement que M. Ferrazino avait été élu démocratiquement et qu'il appliquait logiquement son programme. Comment voulez-vous, Mesdames et Messieurs, nous reprocher aujourd'hui d'appliquer le programme pour lequel nous avons été élus ? Vous dites: «enterrés à l'intérieur de la ville de Genève». Et alors ? pourquoi pas ? Je serai le premier à soutenir un projet d'amélioration, pour autant que la Ville de Genève paye, dans les mêmes conditions que Vésenaz, le tiers de la facture et plus ! (Protestations. Le président agite la cloche.)Proposez-le, payez-le, et on y réfléchira ensuite !

M. Sami Kanaan. C'est indécent ! C'est un hold-up de riches !

M. Bernard Annen. C'est peut-être, Monsieur, indécent, mais la grande différence entre vous et moi, c'est que je paye une taxe professionnelle. Lorsque vous aurez payé le centième de ce que je paye, vous pourrez commencer à critiquer (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît, pas d'attaques personnelles.

M. Bernard Annen. Je ne peux pas ne pas intervenir sur le fond de ce qui nous préoccupe à Vésenaz. Ceux qui connaissent la région savent qu'il y a une coupure physique dans ce village, avec d'un côté des écoles et des habitations, et de l'autre des habitations et un supermarché. A partir de là, lorsqu'on ose traiter cet ouvrage de joujou, alors qu'il y a des risques quotidiens d'accidents et qu'il s'agit de protéger des personnes et d'éviter des morts, je dis simplement que c'est irresponsable ! Mesdames et Messieurs, vous pouvez refuser les réalités, privilégier le monde imaginaire que nous offrent les Verts, mais nous sommes quant à nous obligés de nous occuper des priorités immédiates, et non d'un monde imaginaire dans un avenir imaginaire.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste encore cinq députés inscrits, nous reprendrons ce débat après les réponses aux interpellations urgentes.

Fin du débat: séance 37 du 4.04.2003