République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8437-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30) (Projet de loi scindé en deux)
Rapport de M. Alain Etienne (S)
Projet: Mémorial 2001, p. 735

Premier débat

M. Hubert Dethurens (PDC). En fait, ce projet de loi est une mise en conformité de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, donc une loi qui met la loi cantonale en règle avec la loi fédérale.

C'est vrai, ce projet de loi avait été voté à l'unanimité en commission - je le crois tout du moins, car je n'étais pas présent ce jour-là. Je suis un des seuls représentants agricoles dans cette commission et je dois dire que ce projet de loi touche énormément la zone agricole.

Je reviens tout d'abord sur les plans localisés agricoles. Le plan directeur comprend des zones spéciales pour l'implantation des serres. Et que fait-on dans ce projet de loi ? Au moment où on parle de simplification des procédures, on en rajoute une couche avec ce «plan localisé agricole» ! Au lieu de simplifier les procédures, on les complique singulièrement !

Jusqu'à maintenant, quand le département était saisi d'une autorisation de construire d'une serre, il la délivrait après les démarches usuelles, avec parution dans la "Feuille d'avis officielle". Dorénavant, il faudra d'abord adopter un plan localisé agricole ! En ce qui me concerne, je suis fermement opposé à cette manière de faire !

Le deuxième point sur lequel j'aimerais revenir - peut-être M. Moutinot confirmera-t-il ce qu'il avait dit en commission - concerne les bâtiments situés en zone agricole. Lorsqu'un bâtiment situé en zone agricole n'est plus affecté à une exploitation agricole, il est stipulé à l'article 27D : on le classe, on le met à l'inventaire ou on le maintient par un plan de site. Lorsque j'ai demandé ce qu'on devait faire de ceux qui ne se trouvaient pas dans l'une de ces trois catégories, M. Moutinot m'a répondu: on les rase...

Récemment, la LIPP V a été adoptée. On devra donc cadastrer et payer l'impôt sur la fortune sur des bâtiments qui pourront être démolis quelques années après... Il me semble que quelque chose ne joue pas dans tout cela ! Moi, je veux bien qu'on paye l'impôt sur la fortune... A mon avis, cela doit légaliser le bâtiment. Mais, en tout cas, je ne peux pas accepter de m'entendre dire que les bâtiments qui ne sont plus affectés à une exploitation agricole doivent être rasés !

C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, que je demande que ce projet de loi soit renvoyé en commission pour corriger certaines choses, car il serait ardu de le faire en plénière.

M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étonne de la position de M. Dethurens, parce qu'en fait, l'objectif de ce projet de loi est d'essayer de structurer et de renforcer le secteur agricole, notamment pour que les maraîchers se serrent les coudes et qu'ils se rassemblent. Cela a d'ailleurs été reconnu comme étant un élément fondamental de la politique qu'a suivie l'Association des maraîchers ces trente dernières années. Tout à coup, M. Dethurens, on ne sait pas trop pour quel motif - en fait, il n'a pas participé aux travaux de commission, je peux donc comprendre - vient remettre en cause le consensus qui a été trouvé en commission, après toutes les auditions qui ont été effectuées ! On ne va pas recommencer un débat pour le simple plaisir de convaincre M. Dethurens des bienfaits de cette proposition de loi, dont le but, je le rappelle, est d'essayer de donner une colonne vertébrale à certaines composantes de l'agriculture genevoise !

On essaie aussi de structurer certains autres secteurs de l'agriculture genevoise en commission de l'économie. M. Dethurens est d'ailleurs l'un des précurseurs de cette politique, et je suis donc tout à fait étonné, sous prétexte qu'il n'a pas participé aux travaux, de le voir remettre en cause l'ensemble des travaux de la commission.

Le président. Nous sommes en présence d'une demande de renvoi en commission. Un seul député par groupe peut donc s'exprimer. Je considère que le PDC, puisqu'il en a fait la demande, s'est exprimé sur le renvoi en commission. Il en est de même pour l'Alliance de gauche.

Je vous passe la parole, Monsieur Dupraz, pour le parti radical.

M. John Dupraz (R). Le groupe radical appuie la proposition faite par M. Dethurens.

Il nous semble en effet que certaines dispositions de cette loi sont un peu excessives et méritent d'être réajustées, ce d'autant plus que, depuis que cette loi a été votée en commission, vous avez dû tout de même vous rendre compte que la majorité de ce parlement a légèrement changé et que cela fait voir les choses un petit peu différemment...

M. René Koechlin (L). Je voudrais tout d'abord inviter M. Dethurens à assister aux séances de commission. Et, surtout, quand cette commission traite une question concernant la zone agricole, qui le touche apparemment de près.

J'invite également M. Dethurens à relire l'article 16, alinéa 3, de la loi fédérale, parce qu'en fait ces plans localisés agricoles ne concernent que les cas de constructions qui sont sans rapport avec l'agriculture. Pour toutes les constructions ayant un rapport avec l'agriculture, il n'est pas nécessaire d'élaborer de plans localisés agricoles. Il fallait le comprendre... Cela a largement été évoqué en commission...

C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est superflu de renvoyer ce projet en commission. On l'a suffisamment travaillé: on y a consacré plusieurs séances, sauf erreur - le rapporteur me contredira si je me trompe - et nous avons trouvé un consensus. Je vous rappelle en outre qu'il s'agit d'une loi d'application de la nouvelle loi fédérale sur la zone agricole... Ce n'est qu'une loi d'application cantonale. Elle est à mon avis bien élaborée, elle a été bien étudiée et, je le répète, il n'y a aucune raison de la renvoyer en commission.

M. Alain Etienne (S), rapporteur. Je rejoins les propos de M. Koechlin s'agissant du renvoi en commission.

Tout d'abord, nous avons répondu à la demande de la Chambre genevoise d'agriculture s'agissant du nom de «plans localisés agricoles». C'est en effet suite à une audition de la Chambre genevoise agricole que nous avons adopté ce terme.

Je rappelle par ailleurs qu'à l'article 20, alinéa 5, on parle de «constructions et installations excédant les limites du développement interne»... Ce n'est que dans ce cas-là qu'il y a lieu de procéder à des plans localisés agricoles ! Les craintes de M. Dethurens ne sont donc pas véritablement fondées, et je pense qu'il n'est pas utile de renvoyer ce projet de loi en commission.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je ne vais pas en «rajouter une couche», puisque, pour une fois, je suis d'accord avec M. Koechlin, et aussi, bien sûr, avec M. Etienne.

J'aimerais tout de même dire que c'est une drôle de façon de fonctionner... Si chaque fois qu'un député est absent des travaux de commission, il faut renvoyer les projets et recommencer tout le travail, tout cela parce que le sujet le touche de près, nous dysfonctionnerons encore plus ! Ce sera le sommet !

Je vous demande de refuser ce renvoi en commission.

Mme Anita Frei (Ve). Les Verts refusent ce renvoi en commission...

La commission, sous la législature précédente certes, a fait un travail sérieux, où il n'y avait pas d'opposition gauche-droite sur cet objet. La nouvelle majorité ne change donc rien. Les auditions ont été complètes. Cette solution a été négociée avec les milieux agricoles et avec leurs représentants. Il n'y a donc pas lieu de reprendre ces travaux.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter ce projet de loi, parce que certaines dispositions de la LAT adoptées par le souverain suisse en votation populaire ne peuvent pas être appliquées sans une législation cantonale d'application. Et c'est notamment le cas des autorisations pour l'utilisation des bâtiments agricoles à des fins d'habitation. Tant que nous n'aurons pas cette législation d'exécution, cette demande, faite par les milieux agricoles eux-mêmes, ne pourra pas être satisfaite.

J'ajoute que ce projet de loi a fait l'objet d'un examen détaillé, que nous avons trouvé un équilibre délicat, que nous avons tenu compte des avis des uns et des autres, que j'ai fait des promesses à la Chambre genevoise agricole, que j'ai tenues. Le seul groupe qui pourrait s'y opposer est l'UDC qui ne participait pas à nos travaux à l'époque...

Maintenant, Monsieur Dethurens, vous avez eu la courtoisie de m'informer de votre position, vous aurez donc aussi la courtoisie de m'écouter... Votre problème se pose à propos de la valeur fiscale d'immeubles construits en zone agricole et qui, effectivement, ne sont pas forcément destinés à durer éternellement.

Je vous confirme ce que je vous ai dit: ces immeubles peuvent être appelés à être démolis à terme et j'estime que sur le plan fiscal, cette situation doit mériter un examen attentif. Mais ce n'est évidemment pas dans une modification de la LaLAT que l'on va régler la fiscalité d'un bâtiment agricole inutilisé à ce jour.

Par conséquent, je vous demande de refuser le renvoi en commission et de voter ce projet de loi, tel qu'issu des travaux de votre commission.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets tout d'abord aux voix le renvoi en commission de ce projet de loi.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

(Exclamations et protestations.)

Le président. Bien, considérant que beaucoup de députés reviennent de la buvette, nous allons recommencer et procéder au vote électronique.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 41 oui contre 30 non et 1 abstention.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.