République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1269-A
25. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre la fermeture du bureau de poste de la rue Beulet. ( -)P1269
Rapport de Mme Salika Wenger (AG), commission des pétitions

La disparition d'un bureau de poste est un événement grave dans la vie d'un quartier populaire comme Saint-Jean. Cette décision est représentative d'une politique de gestion du service public qui n'a plus rien à voir avec sa vocation d'équité de traitement et de service à la population. Dans le cas particulier, c'est du maintien d'une vie de quartier qu'il s'agit et visiblement cela est de peu de poids dans les prises de décision de la direction de la poste.

Cette discussion a déjà eu lieu lors de la séance du Grand Conseil du mois d'octobre, aussi la Commission des pétitions, consciente de la nécessité d'intervenir rapidement, a-t-elle décidé de renvoyer au Conseil d'Etat la pétition 1269 comme la majorité des députés l'a fait pour la résolution 409.

Par ce renvoi au Conseil d'Etat, la commission invite les conseillers à intervenir auprès de la direction de Genève et, si cela s'avérait nécessaire, auprès de la direction à Berne, pour empêcher la fermeture de ce bureau de poste que rien ne peut expliquer... sauf peut-être la recherche de profits plus élevés au détriment des usagers et de la législation fédérale sur la poste.

Une large majorité de la commission s'est prononcée pour le renvoi au Conseil d'Etat.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députéEs, à suivre le vote de cette majorité.

Pétition(1269)

contre la fermeture du bureau de poste de la rue du Beulet

Mesdames etMessieurs les députés,

C'est avec consternation que nous avons appris la décision du Géant Jaune de fermer notre bureau de poste, rue du Beulet à St-Jean, à la fin décembre 1999.

Ainsi, nous avons décidé, les habitants et les commerçants, de lancer une pétition, afin de nous défendre et à éviter un réel préjudice à notre quartier.

Il y règne depuis toujours une solidarité et des rapports humains si rares de nos jours. Cette fermeture va encore plus isoler les personnes âgées et les handicapés de tous âges, et aussi les petits commerçants au nombre de 14 uniquement dans la rue du Beulet où se trouve le bureau de poste.

Dans le quartier, il y a environ 50 commerces. Ceci se présente comme un petit village.

Nous devrions pouvoir, en janvier 2000, plutôt fêter les 50 ans de notre bureau de poste, et non que cela soit un enterrement pour notre quartier convivial et chaleureux où il fait bon vivre.

N.B. : 2096 signatures

Comité citoyen pour la sauvegarde de la poste de St-Jean

p.a. Mme Jacqueline Meng12, avenue de Gallatin1203 Genève

Débat

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Plus qu'à une demande de renvoi, mon intervention ressemblera à une interpellation très urgente... (L'oratrice est interrompue. Manifestation à la tribune.)

Le président. Un instant, Madame Wenger, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs à la tribune, je vous invite à retirer votre banderole et à ne pas manifester, s'il vous plaît... Sinon, je lève la séance ! (Protestations et brouhaha.)

Nous reprenons nos travaux. La parole est à Mme Wenger !

Mme Salika Wenger, rapporteuse. Je disais donc que mon intervention ressemblerait beaucoup à une interpellation très urgente, adressée à tout le Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, où étiez-vous ? Où étiez-vous mardi dernier lorsque trois cents habitants de Saint-Jean attendaient que vous les rassuriez sur le sort de leur quartier ? Inutile de faire appel à des agences de pub pour comprendre pourquoi le public a perdu toute confiance dans la politique !

Au moment des élections, tous autant que vous êtes, vous avez parlé de la politique de proximité, vous avez parlé de remettre l'homme au milieu de vos préoccupations, que sais-je encore ? Mais au moment où les électeurs vous rappellent vos promesses, ils reçoivent une lettre de M. Lamprecht dont le vide sidéral n'a d'égal que le cynisme... (Brouhaha.) S'il s'était agi d'accueillir une personnalité médiatique ou d'inaugurer une foire quelconque, c'est en rangs serrés que nous vous aurions vus devant les caméras de télévision. Evidemment, ce n'est pour vous qu'un dossier mineur, une lutte d'arrière-garde comme je l'ai entendu dire hier. La fermeture d'un petit bureau de poste dans un quartier populaire ne fait pas vibrer les foules. Elle peut au plus mériter quelques lignes au bas de la page 4 du journal.

Je ne me lasserai jamais de répéter encore et toujours que la démission des dirigeants politiques devant la toute-puissance des pouvoirs financiers est un fléau aussi grave que la libéralisation des services publics...

M. John Dupraz. La faute à l'OMC !

Mme Salika Wenger, rapporteuse. Mardi dernier, ils étaient trois cents à venir dire leur rage, leur déception, leur inquiétude. Et à toute cette émotion et à cette humanité, le responsable de la région vente de Genève - parce que maintenant c'est comme cela que l'on appelle le directeur de la Poste - le directeur de la Poste a répondu compétitivité, rentabilité, profit, concurrence, coût trop élevé de la masse salariale, etc. ! De qui se moque-t-on ? La Poste est encore un service public au service du public ! Et si elle n'avait pas été étranglée financièrement par la privatisation des Télécom, nous n'en serions pas là. J'entends parler chaque jour de modernisation des services publics. Pourquoi cette modernisation rime-t-elle toujours avec moins de services, plus chers, pour moins de public. Nous avons élu des députés, des conseillers nationaux, des conseillers d'Etat, pas un conseil d'administration ! Nous attendons d'eux qu'ils relayent nos luttes et nos espoirs. Pas qu'ils nous expliquent que ce qui est bon pour le marché est bon pour nous. Cette attitude paternaliste du politique finit par nous lasser. Et demain, c'est dans la rue que les habitants de Saint-Jean feront entendre leur voix !

Je conclurai par une expression de mon quartier, que je dédie personnellement à M. Koechlin : « Bougez-vous, ça urge ! ». (Applaudissements.)

Le président. Madame Wenger, je vous invite à respirer profondément et à rester assise à votre place... J'ouvre le débat... (Brouhaha et manifestation à la tribune.)

S'il vous plaît, il est interdit de manifester. Nous avons déjà vu votre banderole ! Madame Bolay, vous avez la parole !

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Globalisation, libéralisation. Deux mots qui mènent le monde. La fermeture du bureau de poste de Saint-Jean fait partie de cette volonté... (Brouhaha.)

Monsieur le président, j'aimerais un peu de silence, eu égard pour les personnes qui se trouvent à la tribune et qui se sont déplacées pour cette affaire qui les concerne. Je vous remercie !

Dans certains quartiers de Genève, évidemment comme par hasard dans les quartiers les plus populaires, on assiste à une véritable dépossession des habitants. On ferme des bureaux de poste, on ferme des succursales bancaires, on ferme des postes de police. On est en train de saccager petit à petit tout ce qui fait la vie d'un quartier et on est en train de créer de véritables ghettos. C'est choquant, inhumain et totalement inacceptable ! Dans son bulletin de novembre 1999, le géant jaune annonce un bénéfice de 239 millions pour l'année 1998. Le slogan de la Poste, c'est «ouvrir les voies de l'avenir». Pour le géant jaune, ouvrir les voies de l'avenir se traduit par la fermeture de bureaux de poste et par la suppression du statut des fonctionnaires. Je vous rappelle que 50 000 employés sont touchés par cette mesure et se verront proposer des contrats à durée indéterminée. En plus, les licenciements vont se chiffrer par centaines, par milliers.

La fermeture d'un bureau de poste est un coup dur pour les habitants des quartiers. Le Conseil fédéral a, dit-on, donné mandat à la Poste d'être un employeur progressiste, en lui demandant d'assurer une politique sociale responsable. De toute évidence, ce message n'a pas été entendu par les dirigeants du géant jaune, puisqu'il ouvre les voies de l'avenir en provoquant des désastres humains souvent irréparables. Raison pour laquelle je vous demande d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat.  

M. Jean Spielmann (AdG). Si l'on veut parler de la Poste, le mieux c'est parfois de lire directement les publications qu'elle édite. On comprend ainsi mieux certaines démarches entreprises dans ce pays. On comprend tout d'abord, suite aux décisions prises par les Chambres fédérales de privatiser une partie des Télécoms et de donner un nouveau mandat à la Poste, qu'une orientation très nette est donnée au géant jaune de notre pays. Ce qui est à mon avis regrettable, puisqu'une grande partie de la prospérité de ce pays résulte justement du fait que l'on a réussi à développer un Etat aussi diversifié que le nôtre, avec ses régions périphériques et sa diversité culturelle et économique, en offrant à tous et à toutes les régions des prestations de qualité et aux mêmes prix. Je veux bien sûr parler aussi bien de la Poste que des transports et des communications. Vouloir dès lors soumettre aux règles du marché, dans un pays comme le notre, des activités comme les activités de la Poste constitue à mon avis une erreur fondamentale et engendre des décisions telles que celle dont on vient de prendre connaissance.

Ce qu'il faut cependant savoir, c'est qu'il ne s'agit que d'un début. Si l'on examine les modifications intervenues jusqu'à présent et que l'on se donne la peine de lire les orientations futures, on s'aperçoit tout d'abord que le directeur de la Poste a été parachuté des Etats-Unis. Il dit très explicitement qu'il est venu ici avec des objectifs clairs, soumettre l'entreprise aux lois du marché et en faire, à l'amorce du nouveau millénaire, une entreprise rentable en modifiant ses orientations et en changeant la notion même d'entreprise. Si l'on regarde plus loin et que l'on examine les buts fixés à la Poste, on s'aperçoit qu'il ne s'agit dans le fond pas d'un cas isolé. On parle partout de business, de rentabilité et d'argent, de changer les modes de production. Je crois qu'il s'agit quand même, comme je l'ai dit hier dans mon discours, d'une réalité qui doit frapper tous les députés qui sont dans cette salle.

On parle donc de parts de marché. On acquiert des participations dans les grandes entreprises postales internationales, en Hollande, en Angleterre, en Italie ou encore en France, et l'on veut faire de notre Poste une entreprise capable d'être un opérateur sur le marché européen. A propos de ce marché européen, on peut lire dans une publication de la Poste certaines déclarations de directeurs de postes européennes, comme par exemple celles de la directrice de la poste belge : « Ces temps, on tire sur tout ce qui bouge, constate Francine Vatschook, présidente du comité d'administration de la poste belge. On achète tout ce que l'on peut acheter et l'on bouge partout où l'on peut aller. Aujourd'hui, c'est la guerre des postes en Europe ». Alors bien sûr, cette guerre des postes en Europe fera des victimes. Mais elle en fait d'abord dans notre pays. Or, il y a un certain nombre d'activités qui doivent échapper aux lois du marché et aux lois internationales. Donner comme objectif principal à la Poste et à ses activités de se soumettre à la rentabilité et aux finances internationales constitue une erreur fondamentale. La population a raison de réagir, parce qu'il faut maintenir la qualité de service public de la Poste.

Autre problème lié à la fermeture de la Poste de Saint-Jean, c'est toute la question de la convivialité, de l'organisation d'un quartier, de la vie associative. Il n'est pas possible de supprimer tout cela sous le simple prétexte des slogans que je viens rappeler et que l'on voit encore ailleurs dans les publications de la Poste. A toutes les pages, on ne parle que de « big business », de rentabilité et de finance. Or, on est en train de détruire le géant jaune. On explique aussi dans ces mêmes pages pourquoi les gens ne peuvent plus faire acheminer leurs paquets. Parce que l'on a tout automatisé ! On s'aperçoit tout d'un coup qu'il a fallu donner des cours aux employés pour que les paquets puissent encore passer à travers les différentes filières de la Poste. On a construit des centres régionaux que l'on veut entièrement automatiser. Or, rien ne fonctionne et l'on va rechercher les employés que l'on avait envoyés à la retraite anticipée afin qu'ils reprennent le tri manuel et assurent l'acheminement des paquets. C'est une monstre pagaille ! Et cette monstre pagaille est organisée de manière délibérée pour saboter le service public. Je crois donc que la population a tout à fait raison d'y veiller.

Le problème qui nous occupe aujourd'hui, c'est de savoir si nous voulons oui ou non maintenir dans les quartiers populaires et dans tout le canton un service postal à la population qui fonctionne. Je crois que c'est la moindre des exigences que peut avoir notre Conseil d'Etat par rapport à Berne. En ce qui me concerne, j'interviendrai à tous les niveaux pour maintenir la qualité de ce service public et tenter de revenir sur ces orientations totalement néfastes pour notre pays, pour le service public et pour les intérêts de la population. (Applaudissements.) 

Mme Myriam Sormanni (S). Je ne me suis pas beaucoup préparée pour cette intervention, mais je vais tout de même m'exprimer avec mon coeur et avec mes tripes, sans reprendre ce que j'ai dit lors de la dernière discussion consacrée à cet objet !

Oui, Saint-Jean est un quartier qui se bouge ! Oui, Saint-Jean est composé d'un grand nombre d'anciens et de sages qui sont des militants et qui peuvent nous donner des leçons. Nous nous sommes interrogés sur le pourquoi du non-fonctionnement de la démocratie de quartier et du conseil des anciens. Mais encore faudrait-il qu'on les écoute, que l'on se donne la peine de les entendre, ces gens-là !

Si l'on n'intervient pas en faveur du quartier de Saint-Jean, ses habitants risquent de rencontrer de grands problèmes. La Migros est déjà partie. Or, certaines personnes ont de la difficulté à se mouvoir. Je sais pour ma part ce que c'est, puisque j'ai travaillé pendant huit ans à la Croix-Rouge auprès de personnes âgées. Je sais donc ce qu'est une personne qui ne peut plus aller faire ses courses. Dans le cas d'espèce, il leur faudrait prendre deux bus, deux arrêts du 7, puis deux arrêts du 11, pour se rendre à la poste la plus proche, même le chemin de traverse s'avérant beaucoup trop long.

J'aimerais savoir ce qui s'est passé au niveau du Conseil d'Etat, puisqu'une résolution vous a été adressée. Qu'avez-vous fait ? Où en est-on ? Je trouve en effet qu'il faut absolument défendre les habitants de ce quartier et s'occuper de leur poste. On n'a pas le droit de la laisser disparaître. Il faudra que l'on manifeste ou que l'on entreprenne je ne sais quelle action, mais s'il vous plaît  - je n'ai malheureusement pas pu me rendre l'autre jour à l'assemblée des habitants, car il y avait le caucus de mon parti et je ne peux pas être partout ; je suis seule avec mes enfants et je fais ce que je peux - donc, s'il vous plaît, aidez les gens et écoutez-les ! On ne peut pas les laisser repartir comme cela.

Enfin, Monsieur Ducommun, je voudrais juste vous dire une chose : je suis enchantée de vous voir depuis hier au perchoir, mais ayez un peu d'humanité ! Il n'y a pas de quoi faire des reproches aux gens pour une petite banderole, surtout lorsqu'ils sont silencieux ! 

M. Rémy Pagani (AdG). J'ai bien entendu mes préopinants. Tout a été dit sur le fonctionnement de cette dynamique qui va nous écraser si rien n'est entrepris. Hier, je vous le rappelle, nous assistions à une concentration des petites Coop de quartier pour rabattre, disait-on alors, la population et les clients dans de grands centres de consommation. Aujourd'hui, c'est la poste que l'on supprime dans nos quartiers. Demain, ce seront d'autres services importants.

J'aurais imaginé, et mon étonnement est grand, que le Conseil d'Etat, le gouvernement de notre cité se mobiliserait, comme d'autres gouvernements, à Fribourg par exemple lorsqu'il s'est agi de liquider Feldschlösschen, se mobilisent pour protéger... (L'orateur est interpellé.) - Cardinal, pardon ! - pour protéger et pour défendre un minimum de convivialité dans les quartiers, un minimum de service à la population. Or, qu'entend-on aujourd'hui du côté des bancs d'en face ? Pas grand-chose, si ce n'est rien ! J'espère vous entendre, Monsieur Dupraz, vous révolter une fois de plus, agir concrètement, mais pas brasser du vent. Nous avons affaire aujourd'hui à une pétition d'habitants qui se mobilisent pour défendre la Poste. J'espère que cela ne s'arrêtera pas là et que ces habitants prendront en charge leur devenir, parce que s'ils comptent aujourd'hui sur le gouvernement, la démonstration est faite qu'il n'y a rien à attendre de celui-ci s'agissant de la disparition des services de proximité dans les quartiers populaires. Ils devront s'organiser, comme ils l'ont toujours fait jusqu'à maintenant, pour défendre le service public dans les quartiers, la diversité, et défendre de fait un des besoins vitaux de notre population. J'espère et je souhaite bon vent à tous les habitants dans cette mobilisation ! (Applaudissements.)

M. John Dupraz (R). La planète, les continents, l'Europe et la Suisse sont complètement malades de la libéralisation. La libéralisation est mise à toutes les sauces et l'on oublie qu'un pays, une société, une ville sont d'abord faits de femmes et d'hommes. Je trouve regrettable que l'on n'arrive pas à raisonner et à gérer les problèmes en termes sociaux et en termes environnementaux.

Je crois que M. Pagani faisait allusion tout à l'heure à Coop. Je trouve que vous auriez mieux fait de vous taire. Je suis moi-même administrateur de Coop et je peux vous dire que la Coop a fait un immense effort de rénovation des magasins, afin de proposer des magasins de quartier au service de la population. Et alors qu'elle veut construire un centre à la périphérie de la ville, pratiquement dans la ville, ce sont vos petits copains qui font opposition, qui empêchent que ce centre se construise rapidement et qu'il soit mis à la disposition des habitants de toute la cité. Alors, Monsieur Pagani, taisez-vous ! Vous êtes un empêcheur de tourner en rond, vous êtes un être nuisible et néfaste pour la République !

Revenons-en à la Poste. Je pense que les choses ont changé et que l'on ne peut plus prétendre aujourd'hui que la Poste ne doive pas aussi faire des efforts de restructuration et d'adaptation. Cela dit, j'estime que la Poste est avant tout une entreprise de service public à disposition des usagers et dans le cas particulier des habitants du quartier. Le problème qui se pose aujourd'hui est un problème qui doit être traité dans cette salle, mais au niveau du Conseil municipal, Monsieur Ferrazino, plutôt qu'au niveau de l'exécutif cantonal. C'est un problème typique de la commune. Les communes doivent donc s'investir pour trouver des solutions afin que la poste de Saint-Jean, dans le cas d'espèce, puisse rester ouverte. Vous ne pouvez pas toujours demander à l'Etat central de tout faire. Ce problème-là doit se régler au niveau de la commune. Je suis sûr que M. Ferrazino, nouvellement élu au Conseil administratif, soucieux des intérêts de la population, saura trouver les solutions adéquates afin que ce service public puisse rester à disposition des usagers.

Nous voterons le rapport concernant cette pétition. Nous vivons aujourd'hui dans une société qui devient un petit peu... je dirais stupide, et qui ne prend plus en compte que le profit immédiat au détriment des intérêts généraux de la population et de la société. Je crois qu'il faut redevenir raisonnable. On ne peut pas traiter le service public, quoi que l'on en dise, comme une entreprise purement privée qui doit dégager des profits pour les actionnaires. Le service public est au service de la population et ce service public a un coût.

M. Pierre Vanek (AdG). Je ne reviendrai pas sur le procès général de la mécanique néo-libérale qui détruit les services publics et les emplois. Nous avons eu un long débat sur cette question lorsque nous avons précisément renvoyé au Conseil d'Etat la résolution 409 il y a deux semaines. Nous avions à ce moment-là insisté sur le fait que la pétition des habitants devait être traitée avec la plus grande urgence que permettait le règlement. Ce fut le cas et j'appelle à présent le renvoi de celle-ci au Conseil d'Etat. Mais j'aimerais quand même faire quelques observations sur les propos de M. Dupraz.

Monsieur Dupraz, je partage bien sûr, comme chaque fois, vos propos et je bois du petit lait lorsque j'entends vos envolées contre le néo-libéralisme ! Mais là, quand même, ça finit mal ! Lorsque M. Pagani a décrit tout à l'heure le processus de concentration d'un certain nombre de commerces et la désertification des quartiers - une mécanique effectivement liée à des processus économiques - il aurait pu parler d'autres chaînes de distribution. La Coop a fermé plusieurs succursales, vous le savez bien puisque vous siégez, paraît-il, au conseil d'administration de cette entreprise. Celle-ci a fermé une petite Coop à côté d'ici, à la rue Chausse-Coq, une petite Coop à la rue de Rive et une petite Coop au Vidollet. Un problème se pose donc effectivement, il faut le reconnaître, dans nos quartiers. Un problème que nous vivons concrètement à travers cette histoire de la Poste. Une Coop a également fermé ses portes à Sécheron, etc. (Brouhaha.) On peut, Monsieur Dupraz, vous en dresser une liste.

Lorsque vous nous dites, Monsieur Dupraz, lorsque vous nous dites...

Le président. Monsieur Vanek, s'il vous plaît, veuillez vous adresser à la présidence et non pas entamer un dialogue avec M. Dupraz !

Pierre Vanek. Vous avez raison, Monsieur le président !

Monsieur le président, M. Dupraz a tort lorsqu'il prétend qu'il n'y a pas eu de fermeture de petites Coop. Et lorsqu'il explique qu'il ne faut pas s'opposer à la construction de grands centres commerciaux en périphérie, il démontre l'illogisme de sa pensée. Il le démontre aussi en rappelant que nous sommes saisis de cette affaire et que son groupe va renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, tout en disant que ce n'est pas au Conseil d'Etat de s'en occuper. Et alors que l'on doit ici faire pression sur le gouvernement pour qu'il entreprenne quelque chose, il précise que ce n'est pas à lui de s'en occuper, mais à quelqu'un d'autre, à la commune, par exemple, que ce Conseil d'Etat veut par ailleurs démanteler ! Mais il s'agit là d'un autre débat... Vous nous dites donc, Monsieur Dupraz, que le Conseil d'Etat a toutes les excuses pour ne rien faire et qu'il peut les puiser dans votre intervention !

Pour être concret et pour ne pas rester dans les discours généraux, je vous citerai un élément concret. Je crois qu'il a été mentionné par la rapporteuse, Mme Wenger. Les habitants du quartier se mobilisent. D'ailleurs, si le gouvernement n'a pas montré la solidarité nécessaire en participant à l'assemblée à laquelle il était attendu, les députés qui sont dans cette salle peuvent se rendre pour leur part demain matin à 9 h à la poste des Charmilles, où les habitants vont manifester. Ce serait un bonne chose. Cela permettrait de mesurer concrètement la réalité du problème en allant de la poste qui est en passe d'être fermée à celle où l'on veut transférer les habitants. Cela permettrait aussi de manifester une solidarité concrète et d'assurer une présence des élus de ce Grand Conseil sur le terrain. C'est une première chose concrète.

Deuxième chose concrète. Je crois que nous allons évidemment renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. J'aimerais cependant assortir ce renvoi d'une demande instante pour que le rapport ne soit pas rendu dans les six mois comme l'impose le règlement, trop souvent violé par le Conseil d'Etat, mais pour que ce rapport soit déposé pour la prochaine séance du Grand Conseil, afin de montrer que le gouvernement agit dans ce dossier, mais aussi pour que ce rapport puisse prendre en compte les démarches que le Conseil d'Etat aura entreprises à propos de la mise en oeuvre de la résolution 409, résolution invitant sous forme d'initiative cantonale les autorités fédérales à faire un certain nombre de choses, résolution qui invite évidemment aussi le Conseil d'Etat à soutenir cette initiative cantonale. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat est prêt à nous rendre compte d'ici deux semaines de ce qu'il aura tenté et essayé de faire dans ce dossier. Mon vote est évidemment assorti de cette condition. Si le Conseil d'Etat nous explique que la loi lui donne six mois pour répondre et qu'il verra bien ce qu'il fera, je proposerai à ce moment-là que cette assemblée vote une motion contraignante à son attention afin qu'il se bouge un tout petit peu l'arrière-train ! (Brouhaha.) 

M. Alberto Velasco (S). Par deux fois, les habitants du quartier de Saint-Jean se sont réunis. La première fois, vous n'étiez pas invité, Monsieur Lamprecht. La deuxième fois, les habitants se sont réunis exprès pour inviter les autorités. Je dois dire, Monsieur Dupraz, que la seule autorité qui était présente ce soir-là, c'était le conseiller administratif de la Ville de Genève. Ni le Grand Conseil, ni le Conseil d'Etat, ni le Conseil municipal de la Ville n'étaient présents. C'est dommage !

Les habitants ne comprennent pas pourquoi l'on ferme leur poste. Ils ne comprennent réellement pas pourquoi leur poste - au demeurant rentable, comme l'a dit M. Kunz, mais pas suffisamment - doit fermer. Ils ne comprennent pas pourquoi nous devons nous adresser à Berne pour obtenir une réponse, alors qu'ils ont un Conseil d'Etat dans cette République, qu'ils ont un gouvernement dans cette République. Ils ne le comprennent pas non plus. Je pense que vous leur apporterez des explications ce soir.

J'aimerais encore vous dire combien l'émotion est grande pour ces citoyens de Saint-Jean. Je crois qu'une réponse leur est due. Ceci étant, on a expliqué pendant longtemps aux habitants de ce pays, aux citoyens de ce pays, que Swissair était une compagnie nationale. On leur a aussi dit que Swisscom était une compagnie nationale et que la Poste était une administration nationale. Or, toutes ces entités nationales disparaissent ou vont disparaître les unes après les autres, remplacées par des sociétés privées. Eh bien cela, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Monsieur le président, les habitants ne le comprennent pas et je crois qu'ils ont aujourd'hui besoin d'une réponse de votre part, d'une réponse concrète. Nous sommes prêts à organiser une nouvelle rencontre avec vous afin que vous puissiez peut-être dialoguer avec eux, sur non seulement une possible réouverture, mais pour éviter une fermeture de cette poste. Il est très important, Monsieur Lamprecht, que nous trouvions une solution le plus rapidement possible. Dans ce sens, je souscris tout à fait à la proposition de M. Vanek de faire ce qui est possible pour qu'une réponse puisse être apportée dans les plus brefs délais. 

M. Hubert Dethurens (PDC). J'appartiens à un parti qui a comme devise « Au centre l'humain ». Nous voterons bien évidemment le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. J'aimerais cependant ajouter que je suis aussi magistrat dans une petite commune. Celle-ci rencontre aussi des problèmes avec la Poste. Le bureau de poste n'étant plus rentable, la commune a dû participer financièrement à son maintien, au travers de la location qui a été divisée par deux avec la régie des PTT. La commune a donc participé pour conserver son bureau de poste.

Je rejoindrai dès lors les propos de M. Dupraz, qui a expliqué qu'il s'agissait d'un sujet relevant principalement de la commune. Que l'on renvoie donc cette pétition au Conseil d'Etat et que le Conseil d'Etat appuie la commune après du conseil d'administration des PTT ou qu'un dialogue s'instaure entre la commune, le Conseil d'Etat et les PTT ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). J'interviens suite aux propos impolis, manquant d'éducation, tenus une fois de plus par M. Dupraz et me traitant d'être nuisible. Si M. Dupraz estime que je suis nuisible par rapport à cette centralisation, alors oui, j'espère être plus nuisible encore que cela par rapport au grand capital !

Monsieur Dupraz, j'aimerais vous expliquer quelque chose qui vous échappe bien souvent. Nous appartenons à une communauté dans laquelle vivent des personnes qui ne sont pas, comme vous et moi, suffisamment compétentes pour assimiler l'ensemble des évolutions techniques. Prenons un exemple au sein de notre Grand Conseil. Nous avons tous des ordinateurs. Quatre-vingt-cinq d'entre nous utilisent ces ordinateurs. D'autres personnes ne les utilisent pas et notamment, je crois, vous-même, Monsieur Dupraz ! En l'occurrence, le jour où nous déciderons de façon unilatérale, comme les multinationales, de supprimer le papier qui vous est nécessaire, à ce moment-là vous vous révolterez et vous vous révolterez légitimement ! Les personnes âgées dont vous vous moquez aujourd'hui revendiquent la même égalité de traitement dans le service public, c'est-à-dire une égalité de traitement pour l'ensemble de notre collectivité, que ce soit pour les forts comme pour les faibles. C'est ce que demandent les personnes âgées, c'est-à-dire un principe de justice sociale. J'estime dégradante et scandaleuse la manière dont vous vous comportez dans ce débat ! (Applaudissements.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, je donne encore la parole à M. Velasco, puis au Conseil d'Etat. Nous voterons ensuite.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais souscrire à la proposition de M. Dethurens. Je crois savoir que les habitants du quartier de Saint-Jean ont envoyé une lettre en ce sens au Conseil d'Etat, l'invitant à trouver une solution en commun avec la direction de la Poste, le conseil administratif et le Conseil d'Etat. La proposition de M. Dethurens est donc tout à fait bienvenue.

M. Carlo Lamprecht. Il y a tout de même des choses que je ne peux pas accepter, Madame la députée Wenger. Sachez tout d'abord que j'ai vécu dans une commune où l'on connaît les quartiers populaires. J'ai été responsable pendant dix ans d'un service social. Pendant dix ans, parfois même de nuit, je me suis rendu sur le terrain, aux côtés des personnes âgées, aux côtés des plus faibles, aux côtés d'une jeunesse un peu livrée à elle-même. J'ai mis sur pied des systèmes de financement pour les plus défavorisés de la commune, aussi bien pour les personnes âgées que pour les jeunes, afin qu'ils puissent, malgré la précarité de leurs familles, exercer un sport, profiter des loisirs et de la culture. J'ai donc été un homme de terrain.

Lorsqu'un problème se pose dans une commune, c'est au maire de la commune, c'est au Conseil administratif de s'en préoccuper. Je suis donc très heureux que le Conseil administratif de la Ville de Genève ait assisté à cette réunion des habitants.

J'aimerais vous dire une deuxième chose. C'est qu'un conseiller d'Etat n'a pas le don d'ubiquité. Il est fort possible qu'un conseiller d'Etat ait d'autres engagements, qu'il doive choisir et qu'il ait des priorités.

Je souhaite enfin revenir sur la lettre que vous citiez comme injurieuse, Madame Wenger, pour vous rappeler ce que je disais le 16 novembre, avant le débat de ce soir, Mesdames et Messieurs, avant toutes vos interventions : « C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous suivrons les résultats de votre assemblée et nous nous engageons à appuyer vos démarches dans toute la mesure du possible auprès des autorités de la Poste. » Je l'ai dit avant ce débat et je maintiens que je le ferai, comme d'autres l'ont fait. C'était le 16 novembre. Nous sommes aujourd'hui le 19. Alors n'accusez pas gratuitement le Conseil d'Etat de ne pas vouloir intervenir, de ne pas faire son travail, de ne pas avoir l'homme au centre de ses préoccupations ! J'ai toujours poursuivi une politique allant dans ce sens, même si ce fut parfois difficile. Alors, si les habitants du quartier de Saint-Jean, présents ce soir, se sont offusqués de mon absence, eh bien je m'en excuse, mais je ne pouvais tout simplement pas être parmi eux. J'ai par contre pris un engagement le soir même et par écrit : la lettre que vous considériez comme insultante expliquait que le Conseil d'Etat allait faire tout ce qu'il pouvait pour appuyer cette démarche. Il n'y a donc pas besoin de nous convaincre !

Je sais ce que représente dans une commune la fermeture d'un bureau de poste. Je sais combien cela peut incommoder les gens d'un certain âge, les invalides et les personnes qui n'ont pas les moyens de se déplacer. Je connais bien ces problèmes, Madame la députée. J'accepte très volontiers que vous vous laissiez emporter par votre enthousiasme - car vous intervenez avec beaucoup d'enthousiasme, pour défendre vos concitoyens. Mais sachez que même sans ce rapport qui sera voté ce soir, le Conseil d'Etat interviendra à la fois auprès du Conseil fédéral et auprès de la Poste à Berne pour que ce bureau de poste reste ouvert. (Applaudissements.) 

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

Le président. Cette pétition est donc renvoyée au Conseil d'Etat. Nous poursuivons à présent nos travaux avec le point... Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, vous êtes un président énergique et efficace. Je vous signale cependant que j'avais demandé la parole avant la prise de parole du conseiller d'Etat. D'autorité, vous ne me l'avez pas donnée, alors que le règlement prévoit, et je n'en abuse en général pas, la possibilité pour chacun d'intervenir trois fois dans un débat. Cette situation pose un réel problème, ce d'autant que j'ai à nouveau demandé la parole après la prise de parole de M. Lamprecht. Vous êtes passé d'office au point suivant, il faut donc être un peu plus attentif au respect des formes...

Le président. Monsieur Vanek, nous sommes six au Bureau et aucun de nous ne vous a vu lever la main. Mais poursuivez et concluez, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. J'ai levé la main à deux reprises. Il faut que le Bureau s'entraîne à bien regarder et à bien noter les demandes de parole !

Ce que je voulais dire - j'aurais souhaité le dire en présence de M. Lamprecht et je regrette qu'il ne soit déjà plus là - ce sont deux choses. La première concerne la demande tout à fait concrète que j'ai faite tout à l'heure. Je salue bien sûr tous les engagements que M. Lamprecht a pris à l'instant, mais ma demande portait sur une réponse rapide du Conseil d'Etat, lors de la prochaine séance du Grand Conseil et non pas dans six mois. C'est le premier point que je voulais souligner.

Deuxième point : je voulais intervenir dans le débat, avant la prise de parole de M. Lamprecht, sur la position que l'on a entendue et qui consiste à expliquer que ce problème est un problème communal qui doit être réglé au niveau communal. M. Lamprecht l'a dit, des députés de droite l'ont dit. Bien sûr que les autorités communales doivent s'engager sur ces questions-là. Cela dit, je crois que le mérite des grandes envolées du débat initial a été de démontrer précisément que cette question ne dépend pas que de la commune, de telle ou telle commune, mais constitue un problème à l'échelle du pays et en conséquence à l'échelle du canton. S'il est évidemment souhaitable que les communes interviennent, il est aussi souhaitable qu'un débat politique général s'instaure et qu'il y ait une intervention à l'échelle du pays, comme le demande la résolution 409 que nous avons votée il y a deux semaines et que le Conseil d'Etat est invité à appuyer. Ce problème-là n'est pas un problème local. Il y a, à l'échelle de la Poste, une planification systématique de fermeture des bureaux de poste non rentables. Ce n'est donc pas un problème local, c'est un problème réellement national qui est la manifestation d'un problème et d'une gangrène qui sévit, et là M. Dupraz sera d'accord avec moi, à l'échelle internationale. 

Le président. La parole est demandée par Madame la présidente du Conseil d'Etat.

Mme Martine Brunschwig Graf. Brièvement, Monsieur le président, pour ne pas laisser un député insatisfait dans ses réponses et rappeler que le Conseil d'Etat est toujours unanime dans ses prises de position, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de répondre au député Vanek ! En l'occurrence, les délais de dépôt des rapports étant largement dépassés pour la prochaine séance du Grand Conseil, dans quinze jours, je proposerai à mon collègue rapporteur et au Conseil d'Etat d'adopter un rapport sur papier, qui vous sera distribué, sur l'état du dossier et l'avancement des travaux, ce qui devrait vous satisfaire et éviter une nouvelle envolée violente suite au discours de mon collègue Lamprecht !