République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7525
6. Projet de loi de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, René Longet, Christian Ferrazino, Gilles Godinat et Chaïm Nissim allouant une subvention à la Fondation Elapsoïdea. ( )PL7525

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Une subvention de 50 000 F est allouée à la Fondation culturelle Elapsoïdea comme participation au fonctionnement du Vivarium.

2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.

Art. 2

Cette subvention est subordonnée à l'octroi de subventions complémentaires provenant de:

a) la Ville de Genève;

b) la commune de Meyrin.

Art. 3

L'urgence est déclarée

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le Fondation culturelle Elapsoïdea est née en 1982 sous l'impulsion de plusieurs herpétologues amateurs de Genève. Dix ans après sa création, elle inaugure (22 novembre 1992) un vivarium public au 32A, rue du Cardinal-Journet à Meyrin.

Pour financer la construction du bâtiment dont le coût total est de 2 400 000 F, les membre du Conseil de fondation réussissent à récolter en 1991-1992 plus de 600 000 F qui constitueront leurs fonds propres, obtiennent du département des travaux publics un droit de superficie et contractent auprès de la Banque cantonale de Genève un prêt hypothécaire de 1 750 000 F.

Aujourd'hui, les membres de la Fondation sont dans l'impossibilité d'assumer tout le poids financier que représente le fonctionnement de l'institution. La Fondation a besoin pour survivre d'une subvention annuelle de 110 000 F.

Dans la conjoncture économique actuelle, toutes les démarches entreprises par la Fondation pour l'obtention de sponsoring ou soutiens privés se sont avérées négatives. Sans une aide urgente des autorités, le Vivarium sera contraint de fermer ses portes en cette fin d'année. C'est pourquoi les membres de la Fondation estiment désormais indispensable d'obtenir une subvention de l'Etat de Genève (50 000 F), de la Ville de Genève (30 000 F) et de la commune de Meyrin (30 000 F).

L'utilité du Vivarium ne fait aucun doute, en atteste le nombre croissant de visiteurs (plus de 70 000 depuis son ouverture). Des milliers d'enfants du canton et des régions avoisinantes s'y rendent chaque année, ainsi que plusieurs clubs d'aînés et personnes de l'université du troisième âge.

La Fondation dispense des cours pour les jeunes, elle possède une école d'herpétologie qui accueille chaque année 80 jeunes. La Fondation dispense également des cours de formation continue, elle forme les pompiers et des associations de samaritains.

La Fondation met à disposition des écoles du matériel pédagogique et une bibliothèque spécialisée, elle fournit du venin aux laboratoires de recherches.

La Fondation possède la base de données la plus performante du monde concernant les serpents venimeux et le traitement des morsures (plus de 45 000 références). Elle travaille en étroite collaboration avec l'Hôpital cantonal universitaire en cas d'urgence.

De plus, la Fondation, en accord avec les offices vétérinaires, fédéral et cantonal, récupère chaque année plus de 100 reptiles et insectes. Elle sensibilise les amateurs à la réglementation en vigueur et constitue un relais de qualité. Elle est une étape pour les candidats qui souhaitent obtenir le certificat fédéral de capacité pour gardiens d'animaux sauvages et exotiques.

Le bénévolat des quatre membres de la Fondation dépasse aujourd'hui les 100 000 heures de travail. La qualité de leur travail n'a jamais été démentie.

Persuadée de l'utilité du Vivarium, la Banque cantonale de Genève a consenti à capitaliser les intérêts impayés et à accorder un allégement des charges de la dette hypothécaire en appliquant un taux préférentiel de 3%. Il faut maintenant que cet effort soit appuyé solidairement par des collectivités publiques, d'où le principe de ce projet de loi.

En conclusion, le Vivarium Elapsoïdea offre non seulement un lieu à caractère culturel et social, mais il contribue en outre régulièrement à divers types de formation et remplit une mission non négligeable sur le plan médical.

C'est pourquoi nous pouvons vous proposer de prélever sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat une subvention de 50 000 F, subordonnée à l'effort d'autres collectivités, et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi afin de permettre au Vivarium de rester un lieu vivant.

4

Préconsultation

M. John Dupraz. C'est le serpent à sonnettes du Grand Conseil ! (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur Dupraz ! On va écouter M. Blanc !

Une voix. Ça m'étonnerait ! (Brouhaha.)

M. Claude Blanc (PDC). Il y a quelques années, un certain nombre de personnes, probablement animées de bonnes intentions, mais n'ayant pas beaucoup étudié le problème qui se posait, ont décidé, d'une manière quelque peu téméraire à mon avis, de tenter une Xe expérience pour créer un musée. En effet, ce type de création est assimilable à tous les musées de notre canton qui nous coûtent la peau des fesses, si ce n'est celle du serpent ! (Rires.) On aurait pu y penser avant !

En lisant dans le projet du budget de fonctionnement de l'an prochain que les recettes de la Fondation Elapsoïdea couvrent la moitié de ses dépenses, je constate, en effet, que les participants à cette entreprise audacieuse ont fait preuve d'une certaine témérité. Vraisemblablement, ils n'en ont pas assez étudié les tenants et les aboutissants.

Etant proche des pouvoirs publics de ma commune, je me suis inquiété de ce qui se passait. Les promoteurs ont contacté les autorités communales en leur demandant un «coup de pouce», afin de lancer leur fondation. «Pour le reste - ont-ils dit - nous nous engageons à nous financer nous-mêmes.» Alors, la commune de Meyrin, naïve, a fait un geste initial en leur versant 50 000 F. M. Vodoz nous dira ce que l'Etat a versé. A mon avis, la banque hypothécaire s'est avancée inconsidérément dans ce projet, mais on verra tout à l'heure que ce n'est pas la première fois ! Ce qui devait arriver est arrivé : on s'aperçoit que cette affaire n'est pas viable, et on demande aux pouvoirs publics de suppléer à la somme qui manque au budget, soit la moitié de celui-ci.

Si, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous engagez à verser le montant de 50 000 F qui vous est demandé, subordonné à 30 000 F pour la Ville de Genève et à 30 000 F pour la commune de Meyrin, c'est à «perpète» que vous vous condamnez à verser de l'argent ! Il convient de savoir que le Conseil administratif de la commune de Meyrin a fait une proposition au Conseil municipal avec un préavis négatif. Il estime avoir déjà donné, et n'a pas la possibilité de soutenir une entreprise aussi téméraire.

Quant au financement de ce projet de loi, permettez-moi de m'étonner davantage ! De qui se moque-t-on ? La proposition de prélever cette somme sur le droit des pauvres est aberrante. Mais avez-vous pensé à l'énormité de ce que vous avez avancé ? On sait bien pourquoi le droit des pauvres existe ! Ce n'est sûrement pas pour payer les fantasmes «serpentins»... (Rires.) ...de certains téméraires. Je ne pense pas que nous ayons le droit d'utiliser le droit des pauvres pour se moquer du monde !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je répondrai à M. Blanc qui estime que les députés signataires de ce projet de loi sont téméraires. Eh bien oui, Monsieur Blanc, nous aimons vivre dangereusement, et nous assumons !

Ensuite, j'aimerais vous dire que ce projet de loi a deux particularités. Vous les avez soulignées. La première, en effet, concerne ce crédit que nous demandons, qui est subordonné à l'octroi d'autres crédits d'autres collectivités, de manière que les efforts soient conjoints pour la survie du vivarium. La Banque cantonale a fait le premier pas, puisqu'elle a accepté de faciliter les problèmes hypothécaires du vivarium.

Oui, Monsieur Blanc, vous avez raison, la survie du vivarium dépend d'un choix. Le parlement décidera si c'est le bon, mais il faut décider maintenant s'il doit fermer ses portes ou si plusieurs collectivités s'unissent pour le faire vivre.

Le deuxième point que vous avez souligné concerne le prélèvement sur le droit des pauvres. En effet, Monsieur Blanc, dans l'article de loi, il est écrit que le droit des pauvres est versé à raison de 30% à l'Etat pour être affecté à des activités et à des entreprises en faveur de la santé publique et du bien-être social. Le vivarium répond à l'un des aspects de cet article de loi sur le droit des pauvres, puisque ses membres donnent des cours de formation et de premier secours aux samaritains, aux pompiers et, certaines années, aux ambulanciers et qu'ils mettent à disposition du sérum pour l'hôpital. C'est pour cette raison que nous avons rédigé ainsi ce projet de loi. Maintenant, si vous avez d'autres idées pour trouver ce financement, je suis ouverte à vos propositions.

M. Max Schneider (Ve). Notre groupe s'est beaucoup concerté à propos de ce financement. Il émet certaines réserves quant au coût annuel de cette fondation. A part la charge salariale, le service de la dette, dont Mme Reusse-Decrey a parlé et qui, apparemment, est réglé, la charge de fonctionnement est extrêmement élevée. Elle résulte d'un chauffage électrique... (Brouhaha.) ...nécessaire pour maintenir une température relativement élevée au sein de ces locaux.

Toutefois, si l'on devait apporter un soutien financier à cette fondation, il conviendrait de faire une analyse énergétique de cet ensemble et trouver un moyen de chauffage plus adapté, afin de réduire ces charges de fonctionnement. L'OCEN a déjà investi pas mal d'argent pour l'éclairage. Je propose donc le renvoi en commission, afin que l'on puisse, entre autres, étudier cette question.

Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Je demande la discussion immédiate.

La proposition de discussion immédiate est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Une voix. Assis et couché !

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de discussion immédiate est adoptée par 35 oui contre 34 non.

Premier débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je dirai juste deux mots sur la discussion immédiate. Votre demande est de bonne guerre, après ce qui s'est passé tout à l'heure. Nous entamons la discussion, puisqu'elle a été demandée et acceptée. (Brouhaha.)

Des voix, imitant le sifflement des serpents. SSSSSSSSS !

La présidente. Chut, les serpents dorment la nuit !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. J'avise que je demanderai l'appel nominal, et tous ceux qui voteront «non» auront une mygale sur leur paillasson demain matin ! (Eclats de rire.)

La présidente. Poursuivez, Madame Reusse-Decrey !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je désire dénoncer une chose ici. Le jour où ce projet de loi a été déposé, il était signé par tous les partis. Le Conseil d'Etat ayant appris le dépôt de ce projet de loi a visiblement repris une partie de ses troupes en main, et, comme par hasard, un certain nombre de signatures a disparu. C'était justifié pour certaines, mais pas pour toutes. Je suis surprise de voir, en particulier, deux des signataires de ce projet de loi voter ce soir la discussion immédiate pour le rejeter.

S'ils ont envie de dire qui ils sont, ils le diront eux-mêmes ! Je pense à deux personnes, en particulier, qui n'avaient aucune raison de retirer leur signature et qui, ce soir, ont voté contre ce projet de loi. Je demande à ces deux personnes pourquoi il faut voter en discussion immédiate et, surtout, pourquoi il faut voter non à ce projet de loi.

Premièrement, le vivarium - je l'ai dit - apporte un certain nombre d'aspects positifs sur la question de la santé et de la formation aux premiers secours. M. Haegi a été très surpris d'apprendre que, si le vivarium fermait, ce serait le travail du vétérinaire cantonal de s'occuper, environ trois cents fois par an, des animaux exotiques, plus ou moins charmants, que des touristes bien intentionnés ramènent de leurs voyages et abandonnent peu de temps après. C'est lui qui les amène immédiatement au vivarium; si ce dernier ferme, le vétérinaire cantonal se débrouillera !

Le deuxième aspect concerne les écoles. Il serait intéressant que Mme Brunschwig Graf nous indique le nombre de classes qui, annuellement, se rendent au vivarium.

En troisième lieu, il y a l'aspect de la formation. Le vivarium est habilité à former des candidats à l'obtention du CFC de gardien d'animaux sauvages et exotiques.

Enfin, le vivarium possède une base de données unique au monde, qu'il a élaborée patiemment.

Il me paraît que tous ces éléments suffisent à convaincre que ce vivarium doit continuer à exister.

M. Pierre Kunz (R). Chaque année, ce Grand Conseil vote des millions de francs de subvention en faveur d'associations, d'institutions et de fondations pour l'unique raison qu'elles ont toujours reçu ces sommes, sans se demander, en toute sincérité, en quoi elles sont réellement utiles à notre communauté genevoise.

Or, nous savons - en tout cas, moi je sais - ce que Elapsoïdea fait pour notre canton ! Et nous savons, par expérience, l'engagement, la ténacité et les compétences de ceux qui oeuvrent au sein de cette fondation. Voilà pourquoi il est utile, surtout en discussion immédiate, que nous décidions que l'Etat doit aider, pas tout seul bien sûr, cette fondation à survivre.

M. Bernard Lescaze (R). Le problème posé par cette fondation et son vivarium est connu, non seulement de ce Grand Conseil mais de plusieurs communes. Au-delà de l'intérêt, sur lequel nous pourrons revenir, des activités qui s'y déroulent, il faut, malgré tout, rappeler la sécheresse de quelques chiffres. La fondation ne serait pas dans cet état si elle n'avait pas consenti, de manière très imprudente, à faire un investissement disproportionné par rapport à ses moyens, en construisant elle-même un vivarium et, pour ce faire, en empruntant des fonds.

En réalité, la subvention qu'on nous demande, en nous disant que les élèves viendront, et que ce sera très intéressant pour eux, doit servir essentiellement, à couvrir une partie - pas la totalité, car les banques ont déjà fait un effort - des importantes charges immobilières que la fondation a sur le dos.

Nous l'avons déjà dit dans un autre cénacle, à savoir en ville, ses activités sont intéressantes. On pourrait imaginer une aide au fonctionnement réel de la fondation, car son budget prévoit, hors charge immobilière, 100 000 F de déficit par an. De temps en temps, on doit tout de même reconnaître que les membres de cette fondation calculent largement. Par exemple, l'an dernier, ils avaient prévu 355 000 F de rentrées et n'ont eu que 80 000 F de recettes. Mais peu importe ! On pourrait imaginer de les aider, à condition qu'ils soient déchargés du «boulet» que constitue la dette de leur immeuble. Or, à mon avis, il n'appartient pas à l'Etat, ni à la Ville de Genève - puisque le vivarium n'est pas sur son territoire - de prendre en charge, soit les frais immobiliers du vivarium, soit de racheter leur immeuble avec les charges hypothécaires afférentes. Si une commune doit le faire, c'est bien celle de Meyrin ! Je suis heureux de voir que, dans cette assemblée, au moins un député qui est proche de Meyrin, semble être d'accord avec mes propos.

Que Meyrin fasse d'abord l'effort ! Nous, en tout cas, nous ne sommes pas d'accord, et pensons qu'il n'est pas normal que ce Grand Conseil soit appelé à voter une subvention qui ne servira pas tant à développer ou à maintenir les activités du vivarium qu'à payer les charges immobilières que, pour l'instant, cette fondation ne paie pas.

Au-delà des 2,4 millions de départ figurant dans la proposition des députés qui la soumettent au vote, s'ajoute un arriéré de dette s'élevant à plus de 2 millions. C'est dire que, sur le plan financier, la fondation est dans une situation très délicate et que nous ferions presque de l'acharnement thérapeutique en maintenant artificiellement cet établissement, alors que sa situation doit d'abord être assainie.

A ce moment, lorsque la fondation n'aura plus que les charges normales relatives aux visites du vivarium, à l'aspect didactique concernant les élèves des écoles, aux échanges avec d'autres vivariums - cela fait aussi partie de ses activités - nous pourrons entrer en matière. Mais, pour l'instant, c'est prématuré, car aucun des problèmes réels de la fondation n'est résolu et nous ne pouvons pas le faire par le vote de ce projet de loi. En l'état, nous sommes donc contre ce projet de loi.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Lescaze nous propose d'attendre pour intervenir que le vivarium n'existe plus. Il ne se soucie que des problèmes financiers du vivarium en omettant deux choses :

La première - et c'est curieux de votre part, Monsieur Lescaze - est de négliger l'apport important de fonds propres s'élevant à plus de 600 000 F, récoltés par la fondation provenant de fonds privés, pour jeter les bases de cette fondation. Un effort non négligeable a été fait pour lancer ce projet. Aujourd'hui, il s'agit d'un appel de fonds, en l'occurrence relativement modeste, par le biais d'une subvention de 50 000 F. Vous prétendez que la commune de Meyrin doit faire l'effort en premier de soutenir le vivarium et que ce dernier doit trouver d'autres solutions pour assainir sa situation. Or, si nous ne votons pas cette subvention, il y a fort à craindre que le vivarium ne puisse plus continuer ses activités.

D'autre part, Monsieur Lescaze, vous ne pouvez pas limiter votre intervention à une analyse strictement financière en occultant le rôle éducatif que cette fondation joue. Même en admettant que vous vouliez l'occulter - et M. Unger serait mieux placé que moi pour le rappeler - vous ne pouvez pas nier, outre le caractère culturel et social de cette fondation, qu'elle a une mission beaucoup moins connue, celle qu'a rappelée, tout à l'heure, Mme Reusse-Decrey et qui revêt une très grande importance. Il s'agit d'une activité concernant la santé publique : la création d'antidotes à partir du venin de serpents mis au service de l'hôpital, ce qui permet de sauver des vies humaines.

Par conséquent, celles et ceux qui ont demandé la discussion immédiate, l'ont fait, je l'espère, pour accepter cette subvention, comme l'a rappelé M. Kunz, tout à l'heure, puisque ce Grand Conseil peut se reconnaître dans les objectifs qu'elle poursuit. En tout cas, si on devait occulter l'aspect culturel et éducatif - comme M. Lescaze l'a fait - il me semble que l'on pourrait difficilement négliger l'aspect médical. Il serait particulièrement grave que le Grand Conseil manifeste le mépris le plus total pour cette fondation en refusant la subvention, particulièrement modeste, qui est proposée.

M. Armand Lombard (L). L'intervention de mon collègue Ferrazino m'intéresse, car elle attire notre attention sur la véritable utilité de cette fondation, ce qui n'a pas encore été fait dans ce débat.

Monsieur Ferrazino, sans bien connaître cette fondation, je reconnais son importance dans un lieu comme Genève. Je m'imagine, sans pouvoir l'affirmer, que des centres pour serpents venimeux, autres que celui de la fondation Elapsoïdea, existent dans des régions où il n'y a pas besoin de «cultiver» au chaud des vipères et autres sortes de bestioles... Sans doute, doit-on pouvoir en trouver dans les partis libéraux, non pas seulement à Genève, mais ailleurs dans le monde.

Sans vouloir diminuer la valeur du travail de cette fondation, il ne faut pas en surestimer l'importance, ni pour Genève ni pour les vies humaines qui en dépendent. D'ailleurs, elles n'en dépendent certainement pas.

Je regrette que cette fondation soit victime d'un certain nombre de décisions prises dans une période euphorique appartenant au passé, où tout le monde a pu bénéficier facilement de subventions et durant laquelle les milieux bancaires ont octroyé des crédits, entre autres, à ceux qui ont entrepris de réaliser cette fondation. Il est vrai que, à l'époque, on a vu trop grand. De pareilles suites financières sont apparues dans de multiples situations, mais l'Etat n'a pas l'obligation, ni ce Grand Conseil d'ailleurs, de réparer les erreurs de base, navrantes, il faut le reconnaître, qui ont été commises. Les banques responsables, qui ont octroyé des crédits, doivent se préoccuper de ce genre de situation.

Je ne comprends pas pourquoi une entreprise privée qui sauve des vies - en admettant qu'elle les sauve; c'est peut-être possible, après tout - ne trouve pas le financement nécessaire par le biais de subventions privées. Pourquoi l'Etat devrait-il sauver cette entreprise, alors que, vraisemblablement, la vente du projet auprès des membres de la fondation n'a pas été suffisante ? Combien d'autres sociétés dans la cité ont, me semble-t-il, des projets moins intéressants que celui-là, et vivent du soutien de leurs membres ?

Dans ce projet de loi, il apparaît que, dans la conjoncture économique actuelle, toutes les démarches entreprises par la fondation en vue de l'obtention de soutiens privés se sont avérées négatives. Alors, pourquoi le jardin botanique, le musée d'histoire naturelle obtiennent-ils des fonds privés en plus des subventions accordées par la Ville ? La participation des membres extérieurs est très importante et soutient de telles entreprises.

Donc, malgré tout le respect que j'ai pour cette fondation, ce n'est ni à notre Grand Conseil ni aux contribuables de financer un tel projet. Cette fondation doit assainir ses bases financières, et c'est difficile, puisque auparavant des efforts financiers sont à faire sur le plan immobilier. Elle doit s'adresser au secteur privé et au secteur bancaire avant de demander une aide à l'Etat. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Je reprends au vol les propos de M. Lombard pour affirmer que le monde médical n'a pas attendu l'apport significatif de cette fondation pour résoudre les problèmes inhérents à la thérapie par les venins de serpents.

Il est vrai que cet apport est utilisable, mais on ne nous fera jamais croire qu'il est indispensable aux progrès de la médecine et à la thérapie susmentionnée. Cette dernière lui est bien antérieure, et peut donc s'en passer.

Lors de son intervention, M. Lescaze a fait l'honneur à M. Kunz de penser qu'il était de Meyrin. Je lui dénie cet honneur. M. Kunz habite Laconnex et travaille à Vernier. Il n'a donc rien à voir avec le budget de la commune de Meyrin dont il n'est aucunement contribuable. Par conséquent, j'affirme que la commune de Meyrin a été abusée, à l'époque, par les promoteurs de la fondation qui lui ont fait croire qu'un simple coup de pouce initial leur suffirait. Aujourd'hui, on nous dit que ce coup de pouce initial ne suffit pas et que le budget doit être financé, pour moitié, par les pouvoirs publics.

Si nous avons été crédules à une certaine époque et que l'on a spéculé sur notre naïveté, cela ne signifie pas que nous devons persister dans l'erreur. Par conséquent, nous devons mettre un terme à cette expérience désastreuse.

M. Hervé Burdet (L). Je suis toujours surpris de voir à quel point ce Grand Conseil a la mémoire courte.

En effet, en date du 30 novembre 1995, il a déposé sur son bureau, à titre de renseignement, un rapport de ma main sur la fondation Elapsoïdea. Ce rapport, pour l'essentiel, décrivait tout ce qui a été dit ce soir et soulignait, à l'unanimité de la commission, la gravité de la situation financière de la fondation qui devait absolument trouver un arrangement pour son bâtiment. Celui-ci a la particularité d'être sis sur un terrain propriété de l'Etat - première collectivité publique impliquée - dans la commune de Meyrin - seconde communauté impliquée. L'endettement est si lourd que la fondation n'aura jamais, à vue humaine, les moyens de le couvrir.

Mme Reusse-Decrey m'accuse d'avoir voulu signer le projet de loi, puis de m'être dérobé. Mme Reusse-Decrey voudra bien reconnaître que je lui ai expliqué que l'article 1, qui alloue une subvention de 50 000 F, équivaut à un emplâtre sur une jambe de bois et que l'intervention du droit des pauvres est impossible; que l'article 3, qui décrète l'urgence, n'est pas de mise.

A partir de là, je présume que ce Grand Conseil proposera d'enterrer ce projet de loi qui ne tient pas debout. Mais il faut bien savoir que soit l'Etat, propriétaire du terrain, soit la commune de Meyrin, dans laquelle ces installations sont situées, soit la Ville de Genève qui, traditionnellement, s'occupe des musées dans cette République, devront, tôt ou tard, prendre la situation en main, parce que tous, ou l'un ou l'autre, en hériteront.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Sans refaire l'histoire, nous reconnaissons que des erreurs financières ont été commises. Mais quand M. Lescaze nous conseille d'attendre et d'assainir quelque peu les finances pour juger de l'opportunité ou non d'un soutien; quand j'entends M. Lombard tenir le même discours et dire : «Il faut revenir à des budgets plus modestes et on verra...», je réponds que nous ne verrons rien ! A défaut d'une garantie d'octroi de subvention, le vivarium fermera le 31 décembre.

Je fais remarquer à M. Lombard que ce n'est ni l'Etat ni le Grand Conseil qui subventionneront en totalité le vivarium. Il s'agit de lui allouer 50 000 F, en association avec d'autres collectivités. C'est donc un effort conjoint.

Monsieur Burdet, excusez-moi ! Vous avez signé les articles que vous venez de critiquer; je ne les ai pas changés après votre signature. (Exclamations.) Non, je n'ai rien changé à ce que M. Burdet a signé ! Alors qu'il ne dise pas que ces articles sont mauvais !

On a critiqué la gestion et d'autres choses encore. Ceux qui connaissent les lieux et le travail important qui s'y effectue auront relevé, dans le budget, un montant de 80 000 F pour les salaires et les charges sociales. Cela signifie l'importance du bénévolat. Chacun fait des efforts. Et la BCG, depuis le rapport de M. Burdet, a donné un premier signe dans ce sens en incitant d'autres collectivités à faire de même. C'est cela qui a changé depuis votre rapport, Monsieur Burdet !

Je souligne que cette demande de subvention ne constitue pas un oreiller de paresse. Il faut un investissement humain énorme pour qu'un tel lieu fonctionne avec seulement 80 000 F de salaires.

M. Hervé Dessimoz (R). Je m'exprime en tant que député représentant la collectivité de Meyrin.

En 1991, lors de l'octroi du droit de superficie par l'Etat de Genève, j'ai relu le Mémorial. A l'époque, je m'étais opposé à la proposition du président d'alors du département des travaux publics de concéder ce droit de superficie à la fondation Elapsoïdea, car j'estimais les prévisions budgétaires annoncées totalement irréalisables.

En cela, je considère qu'il faut avoir un comportement logique, nonobstant l'histoire, les événements, l'existence même de cette construction sur le territoire de notre commune, du fait que beaucoup d'enfants de ma connaissance, les miens et leurs amis, portent une attention particulière à ce lieu et aux animaux qu'il accueille.

C'est peut-être le moment de mener une réflexion sur les décisions qui ont été prises et celles que nous prendrons. En effet, le projet de loi traite le sujet d'une manière cavalière. Il le présente comme s'il s'agissait simplement de voter une clause d'urgence et d'octroyer 50 000 F pour sauver, soi-disant, une institution.

Figurez-vous que de nombreuses institutions, existant dans le monde économique, mériteraient les efforts demandés ce soir ! Je ne veux mettre la faute sur quiconque, une majorité de ce parlement ayant voulu la création de cette fondation et la BCG ayant consenti un prêt au taux de 3% - à faire rêver les commerçants qui cherchent à sauver des emplois, Madame Reusse-Decrey ! - mais ne nous reprochez pas d'exiger un temps de réflexion et une totale transparence quand ladite fondation ne fait même pas figurer dans son budget le droit de superficie octroyé par l'Etat, alors que celui-ci est censé lui fournir encore 50 000 F !

Je vous propose de reprendre votre projet de loi et de le présenter à nouveau en toute transparence, avec la réalité des chiffres que vous exigez de M. Vodoz lors de la soumission du budget. Cette réalité des chiffres est également exigée des patrons qui doivent fermer leur entreprise et qui sont accusés d'incompétence, parce qu'ils mettent au chômage des collaborateurs auxquels ils tenaient beaucoup.

Pour avoir assumé ce débat, pour n'avoir pas appuyé cette demande, mais pour apprécier le travail des collaborateurs d'Elapsoïdea, je pense utile de mener une réflexion globale...

Une voix. En commission ?

M. Hervé Dessimoz. Pas en commission, à moins que vous ne retiriez l'article 3, parce que ça, c'est trop ! Vous n'admettriez pas la clause d'urgence pour la dizaine de projets de lois que je suis à même de vous présenter pour sauver des entreprises genevoises !

M. Pierre-François Unger (PDC). M. Ferrazino m'ayant attribué je ne sais quels défauts ou qualités, son langage n'étant pas toujours d'une droiture évidente... (Rires.)

M. John Dupraz. Tu te laisses dire ça ?

M. Pierre-François Unger. ...je désire apporter quelques précisions à ses propos. Il a énoncé des choses exactes, s'agissant de faits scientifiques touchant à la fondation, et d'autres inexactes.

La fondation ne procure pas des antidotes à l'hôpital par grandeur d'âme, puisque leur fourniture relève d'une obligation, entrée en vigueur le 25 juin 1986, et figurant dans le règlement M 6 5. Cela antidate l'existence même de la fondation, alors que les collectionneurs d'animaux venimeux existaient déjà, j'en conviens, et qu'ils avaient accepté de fournir les sérums correspondants aux risques qu'ils encouraient et faisaient encourir à la population.

En revanche, cette fondation offre, sur le plan scientifique, une banque de données de tout premier ordre et de niveau mondial, ainsi que des venins - pas des sérums ! - d'un intérêt biologique fascinant, puisqu'il n'existe pas un seul laboratoire de biologie moléculaire au monde qui n'utilise telle ou telle molécule de venin pour tester des actions biologiques de certaines protéines.

Dès lors, nous pouvons décider la fermeture de la fondation et, par conséquent, la perte de ces deux richesses. Nous pouvons aussi laisser brûler une bibliothèque...

En ce qui me concerne, je ne voterai pas ce projet de loi, parce qu'il recourt à un mode de financement - le droit des pauvres - qui ne me semble pas convenable. De plus, la clause d'urgence ne me paraît pas évidente, puisqu'elle a été quasiment sollicitée, il y a une année, et qu'en fait sa demande est renouvelée aujourd'hui.

Je regrette que ce projet de loi n'aille pas en commission. Il aurait été intéressant d'entendre les représentants de l'université. Nous aurions pu discuter, au moins, du rachat de la banque de données et de l'entretien éventuel du vivarium en raison de son extraordinaire richesse biologique et scientifique pour la recherche médicale.

Je demande donc le renvoi de ce projet en commission.

M. René Longet (S). Après avoir entendu MM. Unger et Dessimoz, toute personne de bon sens admettra que nous menons, depuis une demi-heure, un débat de commission, et qu'il ne vaut pas la peine que nous nous disputions pour 50 000 F si la valeur des travaux d'Elapsoïdea est celle évoquée par M. Unger. D'ailleurs je n'en doute pas, puisque j'ai cosigné le projet de loi.

Nous pouvons en rester là si le Grand Conseil renvoie le projet en commission.

Je voudrais simplement attirer votre attention sur le budget, figurant à la page 4, qui a suscité des critiques totalement contradictoires : pour les uns c'est un gouffre; pour les autres un emplâtre sur une jambe de bois ! Ce budget a été calculé au plus près. Il présente un déficit d'environ 110 000 F, dont la répartition est prévue, notamment par le projet de loi, et sans que le canton en assume la totalité. Ce n'est donc pas une solution de facilité. Les efforts sont répartis et les collectivités citées, à savoir la Ville de Genève et la commune de Meyrin, n'entreront en action que si elles le veulent, l'octroi de notre propre subvention étant lui-même lié à leur décision.

Ce système évite l'effet dominos, car il oblige les collectivités à se concerter, et c'est ce qu'elles doivent faire.

Je pose la même question que M. Burdet : que se passera-t-il si personne ne fait rien ? Qu'adviendra-t-il des animaux ? Où les caser ?

Traiter ce problème par le biais des structures existantes, gérer le transfert des reptiles, reviendra bien plus cher que de profiter du savoir-faire de bénévoles et de professionnels dans des lieux adéquats. Il est donc un peu facile de prétendre, aujourd'hui, qu'il est impossible de sauver cette institution. Elle représente un capital en termes de connaissance, de compétence et d'expérience. Il serait irresponsable de la supprimer pour une somme de 50 000 F, puisque ce serait à nous d'assumer la gestion des installations, une fois l'institution fermée !

Il faudra considérer tous ces problèmes en commission, dresser un inventaire, analyser objectivement la situation et trouver une solution pour assumer ce qui existe, et dont beaucoup, ici, ont dit grand bien.

M. Michel Ducret (R). La question qui nous est posée est la suivante : faut-il assumer ce qui existe dans la structure actuelle ? Nous avons accepté la discussion immédiate, parce que vivarium et fondation sont deux choses différentes.

Nous avons affaire à un groupement qui a réussi à édifier une institution, certes intéressante, mais qui demande maintenant de l'argent à la collectivité publique - outre les nombreux avantages accordés lors de sa création - après avoir juré ses grands dieux que le fonctionnement et la rentabilité seraient totalement assurés par des bénévoles. Tout indiquait que cela ne pourrait être le cas, au point que le Conseil municipal de la Ville de Genève l'avait reconnu et avait refusé sa subvention de départ à l'époque. Cela n'a pas empêché ensuite le Conseil administratif de faire don d'un minibus à la fondation sans en référer au Conseil municipal.

Maintenant, nous sommes en face d'un budget avec ses salaires et ses charges. Le bénévolat se dissout peu à peu dans les réalités !

Nonobstant l'intérêt et les aspects culturels et scientifiques de l'institution, nous ne pouvons accepter l'octroi d'une subvention, en raison de ce qui s'apparente à une quasi-escroquerie morale, et non à des erreurs, comme l'ont prétendu certains préopinants.

Face aux inconséquences économiques de sa gestion et de ses prévisions, que cette fondation renonce ! Si le vivarium doit subsister, qu'il soit offert à une collectivité en échange de bons soins, et que la dette immobilière, trop lourde dès le départ, soit assainie.

Nous ne pouvons subventionner cette fondation, car nous avons été trompés. Ne serait-ce que pour cela, ce projet de loi est inacceptable.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Après avoir écouté les interventions de MM. Dessimoz et Unger, les auteurs du projet de loi sont d'accord de retirer la clause d'urgence, qui supprime le droit au référendum.

Comme nous voulons bien amender le projet de loi dans ce sens, nous redemandons un vote formel de renvoi en commission.

M. Pierre Meyll (AdG). J'interviens sur le renvoi en commission. Lors de notre séance du 30 novembre 1995, nous avions relevé ce qui suit dans le rapport : «La fondation souligne qu'elle a reçu environ cinquante-quatre mille visiteurs depuis octobre 1992 - dix mille adultes, dix mille jeunes, dix mille élèves et quinze mille gratuités diverses - soit à peu près vingt mille visiteurs par an. Elle fait donner par des bénévoles des cours de familiarisation avec les reptiles chaque année et a ainsi contribué à la formation de quatre-vingts élèves, cent cinquante pompiers et d'un bon nombre de samaritains. Elle a collaboré avec l'office vétérinaire cantonal et surtout l'office vétérinaire fédéral pour prendre en charge quelque deux cent cinquante reptiles depuis sa création.»

Si l'on reproche à ces gens une gestion d'amateur, alors prenons le mot «amateur» dans son sens étymologique, c'est-à-dire «aimer». De nombreux bénévoles travaillent effectivement pour cette association. Les salaires sont uniquement dus aux personnes qui ont la réelle occupation professionnelle d'assurer, chaque jour, l'entretien des reptiles et de l'immeuble. Il s'agit là de tâches journalières qui doivent être rétribuées.

Le projet de loi peut être revu en commission d'une manière plus sereine.

M. Ducret exagère en affirmant que ces gens ont trompé la communauté. J'ai eu connaissance de ce vivarium à l'occasion de différentes expositions organisées à Balexert, et, bien que je ne partage pas les idées de M. Kunz, je reconnais la valeur de son mécénat en l'occurrence.

Je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission et de revoir les comptes. En effet, le droit des pauvres y figure pour un montant de 10 000 F, alors que ce sont les gens de la fondation qui sont pauvres.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.