République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7271
5. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire des communes de Collonge-Bellerive et de Meinier (création d'une zone de développement industriel et artisanal). ( )PL7271

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan no 28715-515-525, dressé par le département des travaux publics le 22 septembre 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire des communes de Collonge-Bellerive et de Meinier (création d'une zone de développement industriel et artisanal à la route de Compois), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagenent du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité IV aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan no 28715-515-525 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les communes de Collonge-Bellerive et de Meinier ont émis le souhait que la zone de développement industriel et artisanal, créée au lieu-dit La Pallanterie dans le secteur des Moulins sis entre les routes de Thonon et de la Capite, soit étendue plus à l'est sur des parcelles situées en zone agricole, de part et d'autre de la route de Compois. Ce souhait répond à la volonté de regrouper dans une zone adéquate des artisans exerçant leurs activités dans les deux communes sur des terrains non prévus à cet effet. Cette demande a été par ailleurs confirmée par le Grand Conseil, qui a adopté le 7 mai 1992 une motion (M 793), sur proposition de cinq députés membres de la commission d'aménagement du canton, «invitant le Conseil d'Etat à engager une procédure de modification du régime des zones de construction sur le territoire des communes de Meinier et de Collonge-Bellerive».

Sur la base d'une étude d'aménagement menée par les deux communes, le département des travaux publics et de l'énergie a étudié plusieurs variantes d'extension de la zone de développement industriel et artisanal de La Pallanterie, en fonction de différents critères, tels que l'impact sur le site, le besoin économique, l'atteinte aux surfaces d'assolement.

Plusieurs enquêtes ont été effectuées par les autorités communales auprès des entreprises artisanales déployant des activités tant à Meinier qu'à Collonge-Bellerive, et susceptibles de s'implanter dans cette nouvelle zone, dans le but de connaître leurs besoins réels.

D'un commun accord avec les édiles de Collonge-Bellerive et de Meinier, et après discussions et négociations avec les propriétaires concernés, le département a délimité, de part et d'autre de la route de Compois, un périmètre restreint d'environ 33 000 m2. Le département a mis à l'enquête publique le projet y relatif de modification du régime des zones, dont le plan porte le no 28618-515-525, du 29 novembre 1993 au 14 janvier 1994.

Au cours de cette préconsultation, plusieurs propriétaires riverains ont transmis au département leurs observations qui vont toutes dans le sens d'une extension du périmètre à tout ou partie de leurs fonds supportant des bâtiments affectés aujourd'hui à des activités. Ces observations corroboraient, par ailleurs, la requête des deux communes d'accroître l'emprise de cette future zone afin de pouvoir tenir compte de demandes supplémentaires de localisation émanant d'entreprises n'ayant pas été recensées dans les enquêtes précitées.

Le département a accédé à ces requêtes. C'est pourquoi le présent projet de modification du régime des zones portant le no 28715-515-525 propose un nouveau périmètre d'une superficie d'environ 58 000 m2, dont l'emprise supplémentaire s'étend essentiellement sur la commune de Meinier, en direction du hameau d'Essert. Les parcelles concernées par ce projet de modification du régime des zones s'étendent sur une superficie de 49 900 m2 environ; elles sont toutes situées en zone agricole. Cependant, moins des deux tiers environ de la superficie à déclasser sont inscrits dans les surfaces d'assolement.

Le département a négocié l'achat de plusieurs parcelles privées, selon des conditions compatibles avec les objectifs fixés en la matière, en son temps par le Grand Conseil. Les communes de Collonge-Bellerive et de Meinier se porteront ultérieurement acquéreur des parcelles promises à la vente de l'Etat. Elles se proposent de mettre sur pied une fondation communale de droit public qui sera créée sur le modèle des principes de la FIPA, afin de mettre en valeur la majeure partie des terrains.

Le projet de plan directeur et son règlement annexé portant le no 28689-515-525, mis simultanément à l'enquête publique, définit, plus précisément l'aménagement de la future zone. Il prévoit notamment une seule voie intérieure desservant des bâtiments de bas gabarit (maximum 10 m), dont l'implantation préserve diverses échappées sur la campagne environnante. L'accès principal à cette future zone depuis la route de Thonon sera facilité par la réalisation d'un giratoire prévu à l'intersection des routes de Thonon et de la Capite.

Les problèmes d'évacuation des eaux claires, particulièrement aigus dans le bassin versant de Rouelbeau, faisant lui-même partie du bassin versant de la Seymaz, seront résolus par la construction d'un bassin de rétention composé de divers canaux. Ceux-ci, ainsi que de nouvelles plantations, agrémenteront  les  espaces libres et participeront ainsi à l'image de qualité dela future zone, que les édiles communaux et le département ont voulu lui donner.

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité IV aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée.

En conclusion, il faut souligner que ce projet de modification du régime des zones répond tant à la demande des communes de Collonge-Bellerive et de Meinier qu'à la motion 793 susmentionnée. Il est essentiellement motivé par la nécessité de regrouper, dans une zone adéquate, des entreprises localisées sur ces deux communes, dont certaines se trouvent à l'étroit, tout en respectant un site de grande qualité.

L'enquête publique ouverte du 10 octobre 1994 au 9 novembre 1994 a provoqué quelques observations qui seront transmises à la commission chargée de l'examen du projet de loi. Celui-ci a été approuvé favorablement, à l'unanimité, par le Conseil municipal de la commune de Collonge-Bellerive en date du 20 mars 1995 et celui de la commune de Meinier en date du 6 avril 1995.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons ce projet de loi à votre bienveillante attention.

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Préconsultation

M. Christian Ferrazino (AdG). Lorsque nous traitions du projet Reuters, M. Joye nous disait : «Il n'y aura plus de déclassement de terrains agricoles après Reuters». Or, nous avons affaire ici à un nouveau projet de déclassement de terrains agricoles pour créer une zone industrielle et artisanale à Collonge-Bellerive. Vraiment, cette commune est particulièrement gâtée en matière de projets de déclassement ! Mais ce n'est pas tout !

Selon l'exposé des motifs, le projet initial concernait un déclassement d'environ 30 000 m2, alors que l'on aboutit, en réalité, à un projet de déclassement portant sur 50 000 m2. Le département ne se contente pas de s'en prendre uniquement à la zone agricole, il s'en prend aussi à la zone industrielle et artisanale pour tenter de réaliser la mixité de ces zones, afin que commerces et bureaux puissent s'y installer.

M. Joye nous le confirmera sans doute tout à l'heure : plusieurs projets de ce genre sont actuellement étudiés par les services du département des travaux publics. Il y en a un, pour Thônex, que nous étudions à la commission de l'aménagement; un autre pour le chemin de l'Etang, à Vernier; un troisième pour la rampe du Pont-Rouge, à Lancy. Cela sans parler de la ZODIM à Meyrin.

D'un côté, il y a une volonté du département d'obtenir une modification des zones industrielles et artisanales pour permettre l'établissement de bureaux et de commerces et, de l'autre, la volonté de déclasser des terrains agricoles pour créer de nouvelles zones industrielles et artisanales !

C'est une politique à rebours du bon sens, Monsieur le président ! Si nous faisons en sorte que les zones industrielles et artisanales existantes puissent être modifiées en faveur d'activités commerciales et de bureaux, nous en viendrons - en fait nous y sommes déjà - à déclasser des terrains agricoles pour abriter des activités artisanales et industrielles.

Nous aurions pu attendre du Conseil d'Etat, surtout après le projet Reuters, qu'il ne privilégie pas à nouveau la commune de Collonge-Bellerive et que celle-ci ne reçoive pas le beurre et l'argent du beurre, avec un deuxième déclassement de cette nature. C'est le contraire qui se produit et l'Alliance de gauche s'opposera évidemment à ce projet de déclassement.

Dans l'immédiat, nous ne pouvons que relever l'incohérence de la politique d'aménagement du territoire actuellement menée par le département des travaux publics.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Suite au déclassement des terrains agricoles de La Pallanterie pour permettre l'implantation du centre administratif de la société Reuters, j'avais demandé et obtenu du président du département des travaux publics et de l'énergie la liste des projets et procédures en cours, auxquels la loi finalement votée faisait référence. Cette liste comprenait le périmètre dont il est question ce soir.

Cependant, nous accueillons ce projet de loi avec la plus grande réserve, en raison de la surface de la zone considérée, soit près de 6 ha situés dans une région sensible, puisque ayant fait l'objet d'une modification de zone importante, qui n'est pas encore entrée réellement en vigueur.

Notre réserve se fonde également sur la quantité de mètres carrés ou de mètres cubes actuellement disponibles à Genève, sous forme de terrains bâtis ou non bâtis en zone industrielle. On parle de plusieurs centaines de milliers de mètres carrés.

Je relève que, même si le but de ce projet de loi se limitait à mettre la zone en conformité avec les activités prévues, le périmètre proposé serait largement surdimensionné.

Nous n'ignorons pas que ce projet de déclassement est partiellement issu d'une demande en provenance des bancs de ce Grand Conseil. Toutefois, les temps changent, et je n'apprendrai rien à personne en disant que la crise sévit à Genève et qu'elle durera. Aussi, avant d'accepter qu'il soit procédé à un nouveau déclassement de cette importance, vous devrez nous prouver, non seulement son utilité pour des entreprises prêtes à s'engager, mais aussi que les terrains et les bâtiments sis en zones industrielles ont tous trouvé preneur.

M. Max Schneider (Ve). Je relève, tout d'abord, que nous attendons toujours les 40 000 m2 qui devaient être dégagés en compensation de Reuters.

Cette proposition de déclassement est fort intéressante, parce qu'elle profile, peut-être, le devenir de toutes les zones agricoles. Je rappelle que la zone, dont nous débattons, a été remblayée illicitement, notamment dans sa partie nord. Lors de la législature précédente, une plainte avait été déposée par le WWF contre M. Corthey, propriétaire d'une parcelle au bord de la Seymaz. La commission de l'environnement avait été saisie du problème et M. Corthey avait dit, fort justement, ne pas comprendre pourquoi on lui interdisait de cultiver en lui mettant des milliers de mètres carrés à ban, alors qu'à proximité, soit dans la partie nord, on acceptait les remblayages illicites. Le problème a pu être réglé, grâce à la commission de l'aménagement et à la commission de l'environnement.

Avec ce cas, nous avons l'exemple type de ce que pourront être les futurs déclassements des zones agricoles : on remblaie, on installe des serres, des ateliers, on construit des parkings ! Il suffit de se rendre sur place pour constater que la zone qui nous intéresse n'a quasiment plus rien d'agricole : elle est devenue une zone presque artisanale.

D'où mon inquiétude pour les zones agricoles. Dans un premier temps, on les transformera en zones d'activités artisanales, puis l'agriculture disparaissant, on les déclassera. Les députés qui siégeront en commission d'aménagement devront tenir compte des remblaiements illicites susmentionnés quand ils seront amenés à prendre leur décision.

M. John Dupraz (R). Il est vrai que le Conseil d'Etat a affirmé que le déclassement des terrains pour Reuters serait le dernier de cette importance, en zone agricole. Mais c'était avant l'adoption du nouveau plan directeur. Il est tout aussi vrai que le projet de loi 7271 est bien antérieur au projet Reuters et qu'il découle de longues tractations entre le Conseil d'Etat et les communes concernées, Meinier et Collonge-Bellerive.

Je comprends les réserves émises, car on ne peut, à la fois, déclarer un déclassement comme étant le dernier du genre, avant la révision et l'adoption du nouveau plan directeur cantonal, et demander la transformation d'une zone artisanale en zone administrative, comme c'est le cas à Thônex, ainsi que des terrains supplémentaires pour une zone artisanale et industrielle à la route de Compois.

Si le Conseil d'Etat avait présenté ce projet de loi et, simultanément, le projet de compensation, demandé par le Grand Conseil lors du déclassement pour Reuters, cela aurait mis du baume sur les plaies et nous aurait aidés à avaler le morceau.

Cela dit, nous ne nous opposons pas au renvoi du projet de loi en commission. Ainsi, nous pourrons l'examiner d'un oeil très critique.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Il s'agit d'un projet de création d'une zone de développement industriel à Collonge-Bellerive et Meinier, donc d'une opération mixte des deux communes.

La surface concernée est de 50 000 m2 en zone agricole. Ce projet, qui fait suite à une motion du Grand Conseil, a été préavisé favorablement et à l'unanimité par les deux conseils municipaux.

Madame Maury Pasquier et Monsieur Ferrazino, ce projet a été mentionné dans la liste établie en réponse à l'interpellation qu'a faite Mme Maury Pasquier, suite au déclassement Reuters. Cette liste mentionne expressément les objets dont les procédures seront poursuivies, parce qu'engagées avant Reuters.

Monsieur Ferrazino, vous avez raison de dire que la mixité des zones industrielles et artisanales pose problème, mais la dureté des faits économiques, c'est-à-dire le rapport désastreux entre l'offre et la demande, provoque ce genre de changement. Nous avons convenu d'en traiter amplement en commission de l'aménagement.

Pour parler d'incohérence au DTPE, il ne faut pas être au courant de ce que nous y discutons. Aussi, je vous recommande de lire les explications que nous avons données, lesquelles peuvent être critiquables et critiquées. Néanmoins, elles reposent sur une appréciation que Genève n'est pas seule à avoir, puisqu'elle est partagée par la totalité des villes suisses, des cantons et des pays étrangers confrontés aux mêmes problèmes.

Collonge-Bellerive doit "recaser" des artisans qui seront expulsés de leur résidence actuelle, c'est-à-dire du triangle formé par la route qui mène à la douane et par celle qui conduit à Hermance, Corsier, etc. Entre la réalité et vos souhaits louables, Madame Maury Pasquier, il y a un abîme ! Encore une fois, les députés et la commune proposent, le Conseil d'Etat propose et le Grand Conseil dispose !

Monsieur Schneider, le groupe de travail, qui s'occupe des compensations agricoles, a siégé à de nombreuses reprises ces derniers temps. Tous les acteurs des milieux agricoles, opposants compris, sont en train de discuter des modalités de détail de ce groupe de travail.

A mon avis, les problèmes écologiques ne sont pas suffisamment pris en compte par ce Grand Conseil et par notre législation - j'exprime ici une opinion personnelle. Je suis convaincu que nous devrions prévoir un montant spécial pour organiser des compensations, un montant de 10 millions par exemple. Ce sera au Grand Conseil de concrétiser sa volonté et de dire s'il entend prévoir un budget annuel de 10 millions pour des mesures de compensation agricoles et écologiques.

Je pense de même pour les questions touchant à l'énergie. Si on veut en planifier l'économie, on ne saurait demander aux Services industriels plus qu'ils ne peuvent. En effet, on les charge de fournir aux communes l'équivalent de 7% de leur chiffre d'affaires, quels que soient leur bénéfice ou leur déficit.

Je vous remercie de renvoyer ce projet en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.