République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12668-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019

Suite du deuxième débat

J - JUSTICE

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux sur le PL 12668-A. Nous sommes au deuxième débat et nous nous apprêtons à examiner la politique publique J «Justice». La parole n'est pas encore demandée ! (Un instant s'écoule.) Monsieur Alberto Velasco, rapporteur de majorité, je vous cède le micro.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, je pourrai ainsi finir mon rapport. Il y a une question récurrente dans ce Grand Conseil, à savoir le taux d'occupation de la prison de Champ-Dollon - certains ont justement évoqué tout à l'heure les Dardelles. C'est vrai qu'on observe une particularité à Genève: année après année, une densité de détenus, disons, inconnue dans d'autres cantons.

Le procureur nous a appris qu'il a appliqué le nouveau code de procédure pénale, et quand nous l'avons interrogé sur les travaux d'utilité publique, il a dit qu'à Genève, d'après lui, c'est difficile et qu'on ne peut pas. On constate pourtant - je l'ai appris - que ça se pratique par exemple à Fribourg. C'est possible. Nous avons donc effectivement la particularité dans ce canton de... je ne sais pas, d'avoir une politique de remplissage qui nous coûte d'ailleurs assez cher.

Ensuite, c'est assez... dérangeant - pour ne pas dire que ça nous interpelle, Monsieur le président - de voir comment le Ministère public se comporte en certaines occasions. On a vu un collègue menotté, enfermé, déshabillé, etc. Il y avait tout à l'heure une allusion à la Biélorussie pour justement critiquer les pratiques qui y ont cours; alors on doit être exemplaire dans ce canton ! Si on procède de la même manière, imaginez-vous ! Imaginez-vous ! C'est vrai que lorsqu'on a par exemple vu débarquer des procureurs au Conseil administratif, je me suis dit: mon Dieu, ils vont tous aller en prison ! Puis l'affaire, plus tard, a été classée. Et après c'était là; c'était le cirque, et c'était là !

Il y a également une affaire - une affaire avec un conseiller d'Etat - qui a duré deux ans et demi ! Alors que sur Vaud, ils ont classé l'affaire en six ou huit semaines ! Ce Grand Conseil et toute la république ont été tenus en haleine pendant deux ans: il démissionne ou il ne démissionne pas ? Est-ce qu'il reste ou pas ? Et puis le procureur s'amusait: je veux dire par là qu'on avait l'impression qu'il réglait ses affaires personnelles ! Je salue la qualité intellectuelle du procureur et son efficacité du point de vue de l'organisation - il faut le saluer, c'est quelqu'un de brillant - mais ce qui est gênant, Monsieur le président, c'est que j'ai l'impression que le Ministère public règle parfois ses affaires personnelles en utilisant le pouvoir qu'on lui a donné. Ce que je dis est un peu sévère, mais c'est ce que je ressens !

Il faut que cela s'arrête: on ne peut pas régler les comptes entre deux pouvoirs ou, disons, entre deux personnes. Le Ministère public est là pour rendre la justice selon le principe de l'égalité de traitement et en tenant compte du discours que vous avez fait tout à l'heure, Monsieur le président. Voilà tout ce que j'avais à dire concernant cette politique publique.

M. François Baertschi (MCG). Nous avons eu la désagréable surprise de découvrir que le Ministère public a une pratique très restrictive vis-à-vis du personnel de sécurité et du personnel de police, notamment dans l'application de Via sicura. On a vu des serviteurs de l'Etat dont le travail est d'aider les gens, d'aider à lutter contre la criminalité, être punis parce qu'ils étaient trop zélés ! Et cela, pour le groupe MCG, est inacceptable.

Ces pratiques sont excessives alors qu'on voit très bien qu'un certain nombre de délinquants peuvent courir à travers Genève, qu'il s'agisse de dealers de drogue ou d'autres délinquants - qu'il y a une non-sévérité à leur égard pour diverses raisons, qui sont peut-être compréhensibles ou qui le sont moins: nous ne savons pas exactement. Nous nous rendons compte qu'il y a une application du droit beaucoup plus sévère à Genève que dans d'autres cantons. Pour cette raison, le groupe MCG refusera cette politique publique «Justice»; nous ne pouvons pas tolérer qu'il y ait une sévérité excessive - abusive, pourrait-on même dire - à l'égard des serviteurs de l'Etat qui font leur travail et le font avec zèle.

Sans doute leur reproche-t-on un excès de zèle; sans doute préfère-t-on voir les criminels s'enfuir en France voisine; sans doute préfère-t-on que des délits soient commis pour respecter Via sicura de la manière la plus rigoriste qui soit, d'une manière tout à fait inacceptable. Nous pensons que cette sévérité excessive n'est pas tolérable, et c'est la principale raison pour laquelle nous refuserons cette politique publique J.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Il faut souligner que lorsqu'on parle de justice dans cette enceinte, on a surtout tendance à penser à la justice pénale qui ne représente pourtant qu'une petite partie du système judiciaire genevois, tant en nombre de magistrats que d'employés ou de décisions. C'est vrai que c'est le volet le plus visible, mais il faut rendre hommage à l'ensemble des juges civils, notamment administratifs, qui permettent à cette république de fonctionner en contrôlant par exemple l'activité des départements de l'Etat.

S'agissant ensuite du Ministère public, il faut aussi admettre que le procureur général actuel a fait quelque chose de positif puisque c'est lui qui, pour la première fois, a poursuivi certains agents de police, certains agents de l'Etat qui semblaient jusque-là bénéficier d'une espèce d'impunité généralisée - les poursuites étaient peu nombreuses et les condamnations inexistantes. On peut certainement critiquer le procureur général pour d'autres choses, je vais d'ailleurs le faire, mais il faut reconnaître qu'il a été le premier à avoir le courage de se mettre à dos certaines corporations - je pense notamment à la police - qui avaient malheureusement pour habitude de considérer qu'elles avaient intérêt à se protéger de manière systématique alors que le fait de pointer du doigt les moutons noirs est évidemment plutôt positif pour le corps. Mieux vaut se séparer d'un membre pourri que d'essayer de le cacher et de le conserver à tout prix, au risque qu'il fasse pourrir l'ensemble du corps !

Je tiens encore à souligner que la critique essentielle qu'Ensemble à Gauche adresse au Ministère public est récurrente: nous avons l'impression que la justice pénale se transforme en outil de politique migratoire. Ce n'est pas le cas uniquement à Genève; c'est une tendance générale qu'on rencontre dans toute l'Europe. Il est assez troublant, lorsqu'on se rend à la prison de Champ-Dollon ou à La Brenaz, de constater que la couleur de peau des détenus n'est pas la même que si on se promène par exemple en ville de Genève, sur le quai du Mont-Blanc. Il y a une concentration de détenus étrangers extraordinaire, et on se rend bien compte que ce n'est pas lié au nombre d'infractions commises proportionnellement par les personnes d'origine étrangère, mais à la pratique d'un certain profilage racial d'une part et d'autre part - on le répète régulièrement - au fait que, pour la même infraction commise, les personnes de nationalité suisse ou qui ont un permis de séjour en Suisse ont beaucoup moins de chances de se retrouver privées de liberté que celles qui n'ont pas de permis de séjour.

Il y a donc une sévérité accrue dans la pratique, même si ce n'est pas spécifié dans la loi, à l'égard des étrangers. Nous nous souvenons tous de l'époque de Bernard Bertossa, qui avait dit qu'il ne condamnerait pas les étrangers pour le seul crime de séjour illégal en Suisse. Nous regrettons cette période passée; nous regrettons que le procureur général actuel utilise, à notre sens, la justice pénale comme un outil de gestion des migrations. (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de minorité. Je voudrais simplement rappeler ici qu'il y a une séparation des pouvoirs entre le politique et le judiciaire. J'ai un peu l'impression qu'on se trompe de débat, ce soir: nous ne sommes pas là pour analyser la manière dont la justice est appliquée, mais plutôt les états financiers de la justice. Voilà ce que je voulais rappeler.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le député François Baertschi, la parole est de nouveau à vous. (Un instant s'écoule.) Monsieur le député François Baertschi, la parole est à vous !

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne voulais pas intervenir une deuxième fois, mais il est vrai que la déclaration du député d'Ensemble à Gauche m'a surpris. Il parle du mouton noir; des moutons noirs, il y en a dans la police comme il y en a dans toutes les professions ! Les avocats, par exemple: il y a des moutons noirs chez les avocats. Il y a des moutons noirs dans beaucoup d'autres professions. Je crois qu'il ne faut pas fustiger, montrer du doigt l'ensemble d'une profession. Il faut avoir une vision proportionnelle - avoir une proportionnalité, comme on dit dans le domaine judiciaire, et ce n'est malheureusement pas le cas. Je pense que ce n'est pas tellement sain de pointer du doigt des personnes qui font un métier difficile, c'est-à-dire les policiers - en fait, ils exercent une profession dont le but est de protéger notre république.

Je suis un peu surpris, pour ne pas dire déçu, d'Ensemble à Gauche que j'ai connu mieux avisé sur les sujets concernant la justice et la police. Je ne sais pas si c'est une inflexion de leur ligne politique - je ne le souhaite pas - mais en tout cas je le déplore. Nous, le MCG, nous continuerons bien évidemment à soutenir la police et les policiers, qui sont dans leur grande majorité des gens honnêtes qui se donnent beaucoup de peine pour nous. Ils ont beaucoup souffert durant le covid, comme beaucoup d'autres professions dans la santé et ailleurs, et je crois qu'on ne peut vraiment pas les critiquer de manière injuste comme cela se fait. Merci, Monsieur le président.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je me devais quand même de réagir aux propos de notre collègue Pierre Bayenet, qui est aussi mon éminent confrère. En ce qui concerne le PLR, nous ne regrettons pas M. Bertossa, bien au contraire ! Nous nous réjouissons que Genève ait depuis 2002 un procureur général qui applique la loi. J'invite M. Bayenet, s'il souhaite changer cette loi, à se présenter aux élections fédérales et à militer à Berne pour une modification des lois pénales qui régissent ce pays. On n'attend pas du procureur général qu'il fasse de l'obstruction et refuse d'appliquer les lois démocratiquement adoptées par le peuple de notre pays.

Je veux dire aussi que j'ai été surpris par son propos concernant la surreprésentation des personnes de nationalité étrangère au sein des prisons. C'est assez intéressant, parce que les partis issus de la droite de la droite ont tendance à dire que les étrangers commettent plus d'infractions que les Suisses et se réfèrent aux statistiques en matière de détention, et là, M. Bayenet vient finalement de faire exactement le contraire en nous disant que s'il y a plus d'étrangers que de Suisses en prison, c'est parce qu'il y aurait soi-disant un profilage racial et qu'on chercherait coûte que coûte à enfermer les étrangers en prison. C'est bien évidemment faux !

La seule explication valable au fait qu'il y ait plus d'étrangers que de Suisses dans nos prisons, c'est le risque de fuite lié aux procédures pénales. Bien sûr, lorsqu'on n'a qu'une seule nationalité et que ce n'est pas la nationalité suisse, eh bien dans l'écrasante majorité des cas, de manière très très naturelle, on est plus enclin à vouloir prendre la fuite et ainsi se soustraire à l'action pénale. C'est donc quelque chose de parfaitement logique; il n'y a là rien de xénophobe ni rien de xénophile. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). En un mot, je voulais aussi signaler que les lois ont changé depuis le temps du procureur Bertossa - que nous ne regrettons pas non plus - ce qui peut amener des différences dans les décisions. Merci.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le pouvoir judiciaire n'étant pas représenté ici, permettez-moi de faire quelques remarques en son nom - j'espère qu'il adhérera à mes propos sur ce que je viens d'entendre. L'Etat de droit n'est pas un self-service, Mesdames et Messieurs: on ne se sert pas quand on en a envie pour ensuite laisser ce qui ne nous plaît pas ! L'Etat de droit implique l'application de la loi, même si elle nous déplaît, parce que nous sommes précisément dans une démocratie et qu'il y a la possibilité de changer les lois qui nous déplaisent; le cas échéant, il faut vous y atteler. Encore faut-il réunir une majorité.

J'ai entendu des propos qui sont, semble-t-il, tous dirigés sur la pratique pénale du pouvoir judiciaire. Un député a néanmoins rappelé, tout en l'oubliant rapidement dans la suite de son discours, que le pouvoir judiciaire comprend aussi des magistrats dans les domaines civil, administratif et constitutionnel qui font un travail admirable. Ils permettent à notre société d'avoir sa cohésion sociale, car sans justice, il n'y a pas de prospérité - il n'y a pas de sécurité. Il suffit de regarder certains Etats dans lesquels la personne grugée doit se battre des décennies pour ensuite ne rien obtenir du tout. Finalement, plus personne n'a envie d'investir un centime dans ces pays. Chez nous, les honnêtes gens peuvent heureusement encore compter sur une justice qui leur donne raison. Pas toujours, mais, vous le savez, la justice n'est pas non plus une science exacte - certains disent que c'est une cire molle et que selon que l'on est à l'accusation ou à la défense, les mêmes faits peuvent se présenter différemment.

Nous ne sommes pas ici pour discuter des cas particuliers, pour savoir si la justice a parfois, sur le plan pénal, excédé les règles de la proportionnalité. Il y a des juges pour se prononcer, le cas échéant, sur les décisions d'autres juges et ce sont ces voies-là qui doivent être utilisées. Pour le reste, je pense que nous sommes ici pour regarder si l'argent alloué - l'argent du contribuable - pour que notre justice soit sainement rendue a été mis à profit correctement. Nous pouvons assurément répondre par l'affirmative à cette question, raison pour laquelle je vous demande d'approuver cette politique publique. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons maintenant au vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est rejetée par 43 non contre 18 oui et 15 abstentions.

K - SANTÉ

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement de la politique publique K «Santé». Je passe la parole à Mme la députée Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans un contexte de crise sanitaire, il est difficile de prendre du recul sur les décisions prises de façon quasi hebdomadaire par notre gouvernement pour ajuster les mesures de prévention et éviter à tout prix une deuxième vague de ce satané coronavirus. De plus, cette pandémie a sévi en 2020 à Genève et nous étudions les comptes 2019. Malgré cela, les rapports de gestion ainsi que la politique publique de la santé ont été imbibés par ce nouvel environnement, cette nouvelle manière de vivre, de co-vivre pour certains ou de co-survivre pour d'autres.

Aujourd'hui comme hier, les Vertes et les Verts appellent à davantage d'anticipation, notamment par une politique de prévention et de promotion de la santé à tous les niveaux. Certes, le Conseil d'Etat a rédigé deux rapports divers à ce sujet, mais ils ne sont pas encore applicables ni appliqués. Du coup, les comportements nuisibles à la santé se perpétuent dans certaines catégories de la population. L'alimentation saine et équilibrée devrait davantage être prônée à travers des campagnes de sensibilisation ou des actions transversales et interdépartementales. On pourrait aussi proposer une alimentation plus équilibrée au personnel des établissements publics, comme les HUG et les EMS.

Il y a aussi d'autres problématiques, telles que l'inévitable vieillissement de la population, qui implique une augmentation des soins complexes; le manque de structures en amont et en aval; le manque de collaboration interdépartementale, comme pour la question des patients sous mesures judiciaires qui restent hospitalisés plus longtemps et surchargent les HUG en psychiatrie; le manque d'ambition pour développer davantage l'interprofessionnalité et les synergies. Il existe donc un problème majeur s'agissant de la gestion de la santé.

Les Vertes et les Verts sont convaincus de l'importance de développer des politiques publiques en matière de promotion et de prévention de la santé, afin d'agir en amont plutôt qu'en aval. Par ailleurs, nous ne comprenons pas, en matière de prévention et de santé communautaire, le plan de réajustement financier consistant à couper dans la subvention cantonale actuelle de l'association PVA Genève, par exemple, qui aura pour effet, d'ici 2025, de supprimer la seule association communautaire défendant l'ensemble des personnes séropositives, alors que cette association donne pleinement satisfaction depuis des années.

Certes, la politique publique de la santé est gourmande et onéreuse, mais nous sommes convaincus que seule une vision holistique de la santé permettrait d'améliorer son fonctionnement et la qualité des prestations. Et là, je peux aussi mettre l'accent sur les proches aidants: les enjeux sont aussi considérables, concernant tant les mesures de répit qu'une reconnaissance et/ou des compensations financières.

Concernant l'IMAD et les HUG - nous y reviendrons plus tard - j'aimerais aussi insister sur la souffrance du personnel soignant et le travail toujours plus conséquent. La sous-dotation du personnel sanitaire peut mettre en péril la qualité des prestations et le «lean management» - mode de gestion du personnel - est fortement dénoncé par les syndicats de ce personnel soignant, qui n'a pas hésité, malgré des conditions de travail stressantes, à relever ses manches et à monter au front.

La pandémie du covid-19 a débordé sur les travaux de commission, mais elle a aussi révélé les carences de la gestion du Conseil d'Etat en matière de prévisibilité. Les HUG, visant sans cesse l'efficience au détriment de leur personnel en souffrance, travaillant à flux tendu, en sont un exemple. La gestion n'est donc pas toute rose et brillante.

Les Vertes et les Verts accepteront cette politique publique K, essentielle, mais restent sceptiques quant au manque d'anticipation et de promotion de la santé. Ils souhaitent également une meilleure gouvernance, notamment dans la gestion du personnel, ainsi que la reconnaissance des intérimaires qui, à force de travailler aux HUG depuis de nombreuses années, n'en sont plus. Nous attendons de réelles améliorations. Certains membres de notre groupe parlementaire ne soutiendront pas cette politique publique. Merci. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, il nous est impossible de traiter cette politique publique de la santé sans tout d'abord remercier avec force toutes celles et ceux qui, durant la crise sanitaire du covid, ont fait et font encore leur travail dans des conditions extrêmement difficiles.

Au mois de mars, nous étions toutes et tous à applaudir haut et fort au balcon l'engagement de ces professionnels. Nous y étions toutes et tous, car nous savions que ces soignants risquaient leur vie pour nous, mais aussi parce que nous avions peur. Peur que le système ne craque, qu'il n'y ait pas suffisamment de soignants et de moyens. Nous craignions que le système hospitalier ne parvienne pas à absorber cette crise. Les travailleuses et travailleurs ont tenu, mais à quel prix ? Au mois de mars, puis en avril, l'hôpital s'est arrêté de respirer pour s'occuper d'une seule maladie. Tout le reste a été ajourné, renvoyé, annulé. Suite à cela, une demande en autorisation de crédits supplémentaires de l'ordre de 110 millions a été adressée aux commissaires aux finances. 110 millions, c'est le coût provisoire que représente le covid sur tout ce que les HUG n'ont pu effectuer comme activités et une partie de ce qu'il engendrera en coûts directs. Il faudra aussi un jour dresser le bilan sanitaire de cet arrêt total.

Ces 110 millions ajoutés en urgence cette année représentent une partie du coût désastreux des politiques menées ces dernières années, pour lesquelles nous avons régulièrement été alertés par les syndicats et le personnel soignant. Ces alertes ont été niées au profit d'une politique de l'efficience et du management conduisant celles et ceux qui sont chargés de sauver des vies à risquer les leurs. Ces politiques ont fragilisé des services entiers à l'hôpital ou/et pour le maintien à domicile. Cette saignée des économies dans le domaine de la santé a été chèrement compensée, avec au passage une fragilisation des équipes soignantes.

Les HUG estimaient en 2019 qu'ils étaient bien dotés en personnel, mais, en même temps, les syndicats demandaient 500 postes supplémentaires. La suite de l'histoire a montré que les syndicats avaient raison. Leur combat a permis de faire certes un peu bouger les HUG, mais il reste tant à faire.

Condamnant cette gestion qui a calculé trop juste sans inclure le risque, le groupe socialiste refusera cette politique publique de la santé qui a fait mal à l'hôpital en 2019. Puisse la crise sanitaire servir d'exemple aux apprentis sorciers et aux férus du «new management». Si nous étions toutes et tous à applaudir haut et fort au balcon la vaillance des professionnels de la santé, nous devons continuer de soutenir la promotion d'un service public fort, inclusif et efficace, disposant de moyens en adéquation avec les tâches qu'il doit assumer. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, dans bien des domaines, nos certitudes, nos sécurités peuvent basculer rapidement; la crise du coronavirus l'a démontré. Les domaines de la santé, du social et de l'économie ont été sérieusement affectés et le seront encore plus dramatiquement dans les mois à venir.

Une telle catastrophe sanitaire ne pouvait se prévoir. En revanche, se garder d'une totale dépendance à l'égard de l'étranger pour certains types d'équipements ou assurer un seuil de ressources suffisant en personnel pour se garantir les moyens d'affronter dans de bonnes conditions de tels défis sont des impératifs de gestion auxquels nous ne devrions plus jamais déroger. Enfin, on ne peut que s'interroger sur les motifs qui ont conduit à ne pas affecter au renforcement des effectifs des HUG, par exemple, l'entier de la subvention de 8 millions que nous avions votée pour le budget 2019.

Cela étant, si la santé est un indicateur de bien-être ou de bien-portance de la population, elle est trop souvent considérée comme un marché. Un marché que certains ambitionnent de voir subventionné par de l'argent public, tant pour des milieux privés que publics. Etonnamment, les habituelles dénonciations du «trop d'Etat» par les milieux de la droite se font soudain discrètes. On l'a encore constaté récemment avec la question du financement résiduel ou la décision du Tribunal administratif fédéral sur la planification sanitaire cantonale.

Le domaine de la santé est particulièrement affecté par le dévoiement des objectifs sociaux de la LAMal, qui impose des contraintes faussant les rapports entre les différents protagonistes, faussant les éléments constitutifs des coûts de la santé et entravant l'accès aux soins pour une partie de la population. Si nous avons à Genève un système de soins de qualité, la question de la quantité adéquate de personnel médical, en particulier à l'IMAD et aux HUG, reste posée - des institutions qui ne peuvent être gérées comme de banales ou de sauvages entreprises...

Une voix. Ooh !

Mme Jocelyne Haller. ...ainsi que d'aucuns le souhaiteraient, notamment aux HUG, avec le «lean management».

Enfin, des domaines sensibles, comme celui de la psychiatrie, nécessitent des développements indispensables pour une meilleure adaptation aux besoins des patients, tout comme les domaines de la prévention et de la promotion de la santé devraient faire l'objet d'approches transversales pour permettre de mieux relever les défis de l'évolution des besoins de la population en matière de santé et, aussi et surtout, de prendre en compte les déterminants sociaux de la santé et d'agir sur ceux-ci. Nous aurons très certainement sous peu l'occasion de nous pencher à nouveau là-dessus.

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais l'organisation des débats sur ces comptes ne nous en laisse pas le loisir. C'est pourquoi, en l'état, je conclus en indiquant que notre groupe refusera cette politique publique. (Applaudissements.)

M. Emmanuel Deonna (S). Les professionnels de la santé réclament de meilleures conditions de travail. Le courage et l'esprit de sacrifice du personnel de santé ne peuvent pas faire oublier les politiques de restrictions budgétaires. Comment les autorités entendent-elles garantir le respect, la dignité et la sécurité des travailleuses et travailleurs de la santé ? Mesdames et Messieurs les députés, les politiques de rigueur sont très dommageables. Comme l'ont relevé tout à l'heure certains collègues, les EPI et l'IMAD manquent cruellement de moyens. Cela fait courir un très gros risque, tant pour le personnel que pour les patients. Aux HUG, les mesures d'efficience, les pressions managériales, la doxa du «new public management» ou du «lean management», toutes ces politiques ont entraîné un manque de matériel et la défaillance des infrastructures. Ces politiques ont dégradé l'atmosphère sur le lieu de travail et les conditions de travail au quotidien.

Aujourd'hui, une bonne partie du personnel des hôpitaux est plongée dans une grande souffrance. Comment les autorités entendent-elles soulager la situation du personnel de santé ? A propos du covid-19, certains hauts cadres du département de la santé et des HUG affirment avec aplomb que la crise sanitaire était absolument imprévisible. Dès lors, aucune leçon ne devrait être aujourd'hui tirée de cet épisode. Mesdames et Messieurs les députés, la crise pandémique a sidéré et continue à sidérer les gouvernements et les médias; le covid continue à alarmer grandement les populations.

Beaucoup d'incertitudes demeurent. Les inquiétudes sont souvent justifiées. Mais nos autorités peuvent-elles mettre tous les problèmes structurels et conjoncturels des hôpitaux et du personnel de santé sur le dos du covid ? Il est trop facile d'effrayer la population en l'assommant de statistiques et de mises en garde tout en manifestant, en même temps, une solidarité qui est, en fait, à géométrie variable. La surcharge des hôpitaux, l'immense difficulté pour ceux-ci de gérer des situations anormales comme le covid-19... La vérité est que tout cela est largement dû aux politiques d'austérité budgétaire. Qu'ont fait nos autorités pour contrecarrer les attaques permanentes des néolibéraux contre nos infrastructures et nos prestations publiques ? En réalité, quasiment rien.

Pour reprendre la formule de mon camarade Burgermeister d'Ensemble à Gauche: le démantèlement des services publics nuit gravement à la santé et l'austérité tue !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Je tiens d'abord à relever le travail exceptionnel réalisé par les HUG, par le département et bien évidemment par le conseiller d'Etat Mauro Poggia, ainsi que tous les employés de cette politique publique, le personnel soignant, bien sûr, mais aussi toutes les autres fonctions qui nous permettent d'avoir véritablement une Rolls. Quand j'entends certains préopinants parler, j'ai l'impression qu'on se trouve dans un hôpital de brousse ou dans un hôpital de district. Mais regardons ce qui a été fait ! Regardons, à la lumière de la crise covid, ce qu'on a réussi à faire ! Pour ma part, j'ai vraiment envie de remercier le conseiller d'Etat pour tout ce qui a été réalisé et je ne regrette absolument pas les moyens importants qui ont été alloués pour l'année 2020 ni ceux qui le seront à l'avenir pour régler l'aspect financier de la crise covid. En tout cas, le groupe MCG votera avec enthousiasme la politique publique K «Santé».

Mme Delphine Bachmann (PDC). Certes, nous pourrions parler de tout ce qui s'est déroulé sur le plan sanitaire avec le covid. Mais ce soir, ce qui nous intéresse, c'est avant tout la vision du Conseil d'Etat pour la période à venir, en lien avec la planification sanitaire, qui a été établie en 2019 et qui va courir jusqu'en 2023. Certes, j'entends ce soir que les soignants sont en souffrance. J'aimerais rappeler que s'ils peuvent être en difficulté, s'ils doivent être soutenus dans leur démarche, si on doit pouvoir compter sur un système de santé fort, nous devons avoir la dignité de laisser la souffrance avant tout aux patients, qui, sur leur lit d'hôpital, luttent pour s'en sortir.

Pour revenir à ce qui nous concerne ce soir, 2018 vient clore une planification houleuse, avec un arrêté du Tribunal fédéral qui a posé un couperet en disant: «Il faut penser autrement.» 2019 marque visiblement une nouvelle ère, avec une nouvelle planification: celle de la prise en compte des différents acteurs. La répartition des mandats de prestations entre les établissements hospitaliers se fait sur la base d'une évaluation des compétences et débouche sur une offre qualitative, avec des temps d'attente réduits pour la population. Dans un contexte de médecine qui se spécialise de plus en plus, elle permet aux cantons de fixer des normes sur les prises en charge, et c'est aujourd'hui rassurant pour les citoyens qui sont parfois perdus dans un large panel de choix dont la qualité n'est pas toujours assurée. Car si on peut parler du personnel, si on peut parler de la charge en soins, n'oublions pas que l'objectif de notre système de santé est avant tout de délivrer les justes prestations, au bon moment, de la meilleure qualité possible pour nos concitoyens. Certes, il y a les soignants, mais il y a aussi les patients.

La démarche entamée avec la nouvelle planification sanitaire en pousse également d'autres que les HUG à s'engager dans la formation et la recherche, et c'est une bonne chose que les responsabilités soient réparties. Reste à résoudre l'éternel problème de la formation des soignants: comment répondre aux besoins de notre canton sans devoir s'appuyer sur celles et ceux qui doivent passer la frontière tous les matins ? Comment rendre ces professions attractives ? Comment les revaloriser ? Il y a des éléments positifs, notamment dans la nouvelle loi sur les professions de la santé, qui vise à mieux encourager l'autonomie et la responsabilisation de chacun. La prévention reste également une des clés dans la gestion des coûts; elle est aujourd'hui à la charge de l'Etat. Elle doit être repensée et anticipée en fonction de la prévention qui est nécessaire demain, et non pas en fonction des politiques d'il y a vingt ans.

Enfin, certes, le covid est un élément d'actualité important. Mais nous devons être capables de penser à long terme les enseignements de cette crise, et je me réjouis de constater que Genève a été, dans ces temps difficiles, capable de fonctionner comme un seul et unique grand hôpital, où non seulement les politiques publiques, mais également les hôpitaux et les professionnels de la santé ont su tirer à la même corde, sans se soucier du reste. Mesdames et Messieurs, le PDC votera cette politique publique, car pour nous, elle va dans le bon sens. (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de minorité. Je suis un peu étonné du discours que j'entends sur les bancs de gauche. J'ai l'impression qu'on n'habite pas dans le même canton ou qu'on n'a pas vécu la même crise. Avec le rapporteur de majorité, dans le cadre de la commission des finances et des discussions sur les états financiers, nous avons procédé à l'audition des HUG, et la première chose que nous avons faite, c'était de remercier la direction de l'hôpital et le personnel soignant, en demandant à la direction de transmettre aux membres du personnel soignant notre reconnaissance pour la manière dont ils avaient géré la crise ainsi que la flexibilité dont ils avaient fait preuve. Parce que finalement, un système de santé, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas seulement prévoir des réserves et les engager quand il faut, mais c'est surtout savoir comment réorganiser les services, comment arranger les prises en charge pour pouvoir répondre à l'urgence. En l'occurrence, je n'ai pas l'impression qu'à Genève, quelqu'un soit resté sur le trottoir et soit mort, comme cela a été le cas dans certains pays outre-Atlantique. Le personnel, faisant fi de toutes les restrictions, malgré tout ce qu'on a entendu sur les bancs de gauche, a retroussé ses manches et a relevé merveilleusement le défi dont il était chargé. Nous ne pouvons que l'en remercier.

Maintenant, on a vu des choses quand même assez exceptionnelles, et ma collègue de parti l'a relevé tout à l'heure: on a vu que tout ce qui n'était pas possible avant la crise devenait possible grâce à la crise covid; que privé et public pouvaient s'allier pour assurer la complémentarité des prises en charge, qu'elles soient urgentes ou chroniques. Je pense que ce sont là les principaux enseignements - comme on l'a relevé dans le cadre de la discussion sur les futurs contrats de prestations et sur la planification sanitaire - que nous devons tirer de cette crise. Même si celle-ci n'a pas concerné l'année 2019 - et, je le répète, ce sont les états financiers de cette année-là que nous devons juger ce soir... On dit toujours au sujet des HUG qu'ils font l'objet de restrictions de crédits et de personnel; or nous en avons tiré les conséquences, puisque bon nombre d'intérimaires vont être stabilisés et que des réserves sont prévues pour permettre, éventuellement, si l'arrivée de cette deuxième vague se confirme, d'assumer les traitements médicaux que l'on est en droit d'attendre d'un canton comme Genève et d'un pays comme la Suisse.

J'ai entendu parler aussi de la prévention et de la promotion de la santé. Il est clair que c'est un élément important. Mais pour que la prévention et la promotion fonctionnent, il faut y mettre les moyens. Je rappelle que le plan cantonal de promotion de la santé et de prévention est doté d'un budget, qui n'a pas été forcément plébiscité voire voté lors des derniers débats sur le budget. Je pense donc qu'il faut continuer à travailler en réseau; il faut favoriser l'interprofessionnalité, ce qui est un grand challenge aujourd'hui pour tous les intervenants de la santé. L'enseignement de la crise covid, c'est justement qu'il faut favoriser ce nouveau mode d'approche du patient et cette nouvelle façon d'affronter l'actuelle crise sanitaire, tout comme celles qui pourraient arriver à l'avenir. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR). Monsieur le président, chers collègues, le groupe PLR acceptera la politique publique «Santé». Mon intervention portera essentiellement sur les HUG, pour dire notamment que je ne suis pas du tout d'accord avec les critiques formulées tout à l'heure par mes collègues des partis de gauche. Parler de management sauvage, d'infrastructures obsolètes, de personnel soignant menacé dans son travail et de malades qui auraient été non correctement traités au sein des HUG est tout à fait inadmissible.

Je tiens à vous rappeler que la commission de la santé a largement accepté le rapport de gestion 2019 des HUG et j'avoue ne pas comprendre comment il se fait qu'aujourd'hui, certains députés nous dépeignent l'hôpital d'une façon qui, comme cela a été dit, laisse à penser qu'il s'agit d'un tout autre monde que celui dans lequel nous avons la chance de vivre et la chance, entre autres, de pouvoir être soignés aux HUG - qui, je vous le rappelle, sont considérés comme l'un des meilleurs hôpitaux de Suisse et du monde. Cet hôpital dispose d'un personnel bien formé, en dotation suffisante, et bénéficie de toutes les infrastructures, et les moyens médico-techniques à disposition ont toujours été mis à jour. Les Hôpitaux universitaires de Genève font partie du réseau de la médecine hautement spécialisée et, à ce titre, ont une place à jouer sur le plan cantonal, fédéral et international. Je tiens, Mesdames et Messieurs, à vous le dire et je tiens aussi à rassurer la population qui nous écoute: oui, vous pouvez aller aux HUG; oui, vous serez bien reçus; oui, vous serez traités dans d'excellentes conditions de qualité et de sécurité des soins.

Cela étant dit, j'ai entendu des propos, s'agissant de la gestion de la crise sanitaire 2020 - qui formellement n'a rien à voir avec ce dont nous débattons aujourd'hui... Mais là encore, j'aimerais rappeler que les employés des HUG, pendant la crise sanitaire, ont été particulièrement protégés, probablement mieux que la population générale; ils ont eu la possibilité d'être nourris gratuitement et, pour ceux qui ne pouvaient pas rentrer chez eux, d'être logés gratuitement dans des hôtels genevois ainsi que de garder leur véhicule parqué de manière indéterminée dans les rues de Genève, sans subir aucune pénalité. Je tiens à rappeler cela. Il faut aussi savoir que les membres du personnel des HUG, pendant cette crise, ont eu la possibilité, pour ceux qui craignaient pour eux et leur famille, d'être attribués à un service non exposé aux risques sanitaires. Alors nous dire aujourd'hui qu'ils ont travaillé dans des conditions qui les exposaient au risque est absolument inadmissible. Ils ont probablement été mieux protégés que toute la population du canton de Genève en général. Ça, je tiens à le souligner.

Au passage, j'aimerais rappeler que tous les partis ont salué la manière dont le Conseil d'Etat - et particulièrement le conseiller d'Etat chargé de la santé, M. Mauro Poggia - a géré la crise sanitaire, en mettant en place sur-le-champ un comité de coordination avec les médecins traitants, les cliniques privées et les HUG, de manière que les patients qui devaient être traités en urgence et qui n'étaient pas contaminés puissent l'être et que des filières pour les personnes potentiellement contaminées soient mises en place de façon extrêmement rapide. L'ensemble des HUG a pris les dispositions nécessaires, dans une situation qui, il est vrai, n'était pas prévue, en tout cas s'agissant de la gestion stratégique de la crise - mais ça, personne ne l'avait prévu - et tout le monde a salué la manière dont cette crise a été gérée sur le plan sanitaire à Genève. Il n'y a pas de raison maintenant, tout à coup, parce que certains se préparent simplement à demander des postes supplémentaires dans le cadre des budgets à venir, de critiquer les HUG et de salir la réputation de cet établissement; c'est inadmissible. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (HP). Combien ai-je de temps, Monsieur le président ? (Un instant s'écoule. Remarque.) Merci pour votre mansuétude. Mesdames et Messieurs les députés, je vais sortir de mon devoir de réserve, parce que, vous le savez, je suis employé des HUG et cela fait trente-cinq ans que je pratique la médecine hospitalière. En préambule, je peux vous dire que durant toutes ces années, j'ai travaillé dans plusieurs endroits, que ce soit en France, en Afrique, en Australie ou en Suisse, et je n'ai jamais vu un hôpital aussi bien doté en personnel et en ressources logistiques. Vous transmettrez donc à M. Deonna que l'hôpital de Genève ne manque pas de moyens. On peut y obtenir un examen PET scan dans les 24 heures - vous pourrez aller très très loin avant de trouver un établissement aussi rapide. (Applaudissements.)

Si je me permets de prendre la parole, c'est parce que la stratégie mise en place par le Conseil d'Etat consistant à déclarer les HUG hôpital covid et à transférer tous les autres patients dans les cliniques privées du canton a payé. Elle nous a permis de dégager des moyens très importants en ressources humaines et cela a donné d'excellents résultats. L'hôpital et les HUG avaient prévu de pouvoir traiter jusqu'à 1000 patients avec des pneumonies. Nous n'en avons traité que 664, dont 64 aux soins intensifs - donc des malades très graves - avec un taux de mortalité inférieur à 20%. Ce résultat est remarquable. Il est remarquable parce que l'Etat, le canton de Genève, le département, nous a donné les moyens de mener la meilleure politique possible pour les malades qui souffraient du covid. Je ne peux donc que m'inscrire en faux contre les déclarations de mes préopinants et je ne peux que rejoindre ce qu'a dit M. Conne pour défendre les HUG. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Thomas Bläsi (UDC). Pour qu'une critique ait un sens, il faut qu'elle se base sur un minimum de faits et de réalités. Aujourd'hui, les critiques formulées à l'encontre des HUG ne se justifient absolument pas dans le contexte de la crise et dans le contexte de 2020. Les moyens mis en commun par l'Hôpital cantonal et les cliniques privées ainsi que les efforts fournis par le département et par son chef, M. Mauro Poggia, sont à souligner. Nous l'avons fait à la commission de la santé et nous le refaisons ici.

Il aurait été possible et souhaitable de rester dans le cadre des comptes 2019, car un certain nombre de critiques - constructives par ailleurs - auraient dû être émises sur ceux-ci, mais le débat et la crise sanitaire ont fait dévier la conversation, nos échanges et nos remarques sur les comptes 2020, ce qui rend les choses très compliquées et difficiles à lire pour notre population.

Concernant les états financiers 2019, l'UDC tient à souligner plusieurs éléments. Premièrement, les Hôpitaux universitaires de Genève reçoivent une subvention, qui s'est certes avérée nécessaire pour l'année 2020, mais qui est hors normes par rapport à ce qui se fait: plus de 800 millions, en constante augmentation. Soutenir que la population qui paie ces sommes-là ne fait pas les efforts, c'est vraiment une insulte envers elle et le personnel des HUG.

Ensuite, l'UDC a contesté un certain nombre de politiques des HUG, parce que les membres du personnel de certains services lui avaient transmis des informations inquiétantes. A chaque fois, nous vous avons soumis des propositions de motions, des textes, que ce soit pour l'ophtalmologie - un texte d'abord contesté par la direction, puis finalement admis - pour la dermatologie - c'était exactement la même chose - la psychiatrie, la maternité. Tous ces éléments que nous vous avons amenés au fur et à mesure, qui constituaient des critiques d'un parti d'opposition destinées à améliorer le système de santé, vous les avez souvent rejetés. Ces informations étaient malheureusement nécessaires et c'est aussi pour cela que désormais, de nombreux fonctionnaires se dirigent vers l'UDC, car ils savent que nous allons relayer leur message auprès du Conseil d'Etat, étant donné que nous n'avons absolument aucune réticence, aucune retenue à critiquer ce Conseil d'Etat dans son action.

Toutefois, aujourd'hui, l'UDC tient à souligner l'action remarquable menée par le chef du département, par ses services, par la direction des HUG, et le jour où nous aurons une critique à formuler, c'est qu'elle sera fondée. Mais pour l'heure, nous accepterons les comptes 2019 et nous estimons que des remerciements doivent aller au chef du département. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'interviens parce que dans mon rapport, j'avais parlé d'établissements de santé et pas seulement des HUG. C'est vrai que le bâtiment des lits 2 et la maternité sont exemplaires. Mais à la commission des finances, lors de l'audition du directeur et du président du conseil d'administration des HUG, où j'ai évoqué ce que j'avais entendu sur Beau-Séjour, ces derniers m'ont confirmé, avec une mine vraiment défaite, que ces établissements se trouvent dans une situation difficile et grave. On ne parle pas seulement de l'Hôpital cantonal que vous connaissez: on parle aussi de la clinique de Bel-Air, où il paraît que les infrastructures sont obsolètes, Mesdames et Messieurs, obsolètes ! Et ce n'est pas moi qui vous le dis: prenez le rapport de la commission des finances et lisez ce qu'ont dit le directeur et le président du conseil d'administration des HUG ! Ce ne sont pas les propos d'un groupe de gauche ! Et ce n'est pas un déshonneur que de constater que dans beaucoup d'établissements, il y a des déficits d'investissement ! On doit rappeler qu'ils existent et essayer de le corriger. Ce n'est pas si grave, Mesdames et Messieurs ! Il faut le corriger. C'est vrai qu'un travail exemplaire a été réalisé aux HUG. J'ai moi-même défendu ce qui a été effectué pour les infrastructures. Il n'empêche que deux établissements ont été délaissés. Voilà, Monsieur le président, je souhaitais souligner ce point, parce qu'il est apparu lors des auditions et qu'il a été confirmé par le directeur et le président du conseil d'administration. Merci.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier celles et ceux qui ont exprimé leur gratitude pour le travail effectué. Elle ne doit pas s'adresser à moi, bien sûr, mais aux directeurs généraux, aux cadres, à tout le personnel soignant, ainsi qu'aux nettoyeurs, qui étaient là et qui ont réalisé un travail admirable pendant cette crise. Ce travail n'est que la partie la plus visible de ce qui se fait tout le temps et de ce qui s'est fait également en 2019.

Il est vrai qu'avec cette crise, tous les projecteurs étaient braqués sur les Hôpitaux universitaires de Genève. Ils étaient aussi braqués - mais un peu moins - sur le travail de notre institution de maintien à domicile, qui, il faut le rappeler, a dû reprendre les soins à domicile de l'ensemble des patients qui n'ont pas pu être pris en charge par les institutions privées, qui ont protégé leur personnel. On voit ici tout l'intérêt d'avoir dans un canton comme le nôtre des institutions publiques sur lesquelles nous pouvons compter. Mais, on l'a dit, il faut le rappeler, on n'est pas bons tout seuls; et si les HUG ont pu devenir l'hôpital covid du jour au lendemain, c'est parce que des cliniques privées ont joué le jeu. Bien sûr, elles méritent aussi toute notre gratitude. C'est un engagement admirable; les adversaires d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui. Cela prouve qu'ils n'étaient pas vraiment des adversaires, mais des challengers, et je pense qu'on a toujours besoin d'être challengé pour devenir meilleur. En tout cas pour l'année 2019, nous pouvons être convaincus que l'argent public que nous avons engagé dans l'ensemble du travail... Et je reviendrai aussi sur d'autres éléments; on a beaucoup parlé des HUG, c'est vrai que nous sommes en crise sanitaire et notre attention a été braquée sur les mois difficiles que nous venons de vivre et dont nous ne sommes pas sortis - il faut le rappeler - mais beaucoup d'autres choses se font, avec le travail de la direction générale de la santé et l'ensemble des acteurs du secteur public et du secteur privé.

On nous dit que certains établissements sont obsolètes. En effet, certains bâtiments méritent d'être rénovés. Regardons ce qui s'est fait, promenez-vous dans le quartier Cluse-Roseraie et observez la qualité des bâtiments ! Il y a encore beaucoup de travail à accomplir, et bientôt, nous poserons la première pierre du nouvel hôpital de l'enfant et de l'adolescent, un établissement qui permettra d'améliorer encore la qualité des prestations dévolues à cette population: nous voyons que Genève est véritablement à la pointe de ce qui se fait en la matière. Nous pouvons être fiers de bénéficier d'un réseau de santé comme le nôtre.

J'ai entendu des paroles qui m'ont fait très mal; j'ai cru un moment m'être endormi et rêver que je me trouvais devant le parlement d'un pays en voie de développement. Certains me semblent ne pas vivre la réalité qui est notre réalité quotidienne. Nous avons entendu des discours qui, paradoxalement, pourraient être ceux d'enfants gâtés qui n'en ont jamais assez alors qu'ils sont dans un lieu que tout le monde aimerait habiter. Regardez un peu autour de vous, Mesdames et Messieurs qui êtes si critiques, regardez ce qu'il se passe outre-Atlantique, regardez ce qu'il se passe en Amérique latine, regardez ce qu'il se passe même pas si loin d'ici: Genève a pu accueillir des patients de France à un moment où ce pays était totalement débordé par les cas. C'est un bel exemple de solidarité internationale. Nous aurions pu faire davantage encore, nous étions prêts à le faire, parce qu'ici, nous avons pu, très rapidement, nous préparer.

Il est vrai que si demain une pandémie comme celle que nous avons connue, ce pic épidémique des mois de mars-avril, devait se reproduire, nous serions meilleurs encore. Nous n'étions pas tout à fait prêts, bien sûr, mais qui l'était véritablement ? Dites-le-moi ! Si ce n'est des pays qui ont l'habitude de faire face à des pandémies, comme en Asie, et qui ont aussi des régimes qui peuvent exiger une discipline autre que celle que nous connaissons ici, parce que nous sommes très attachés - et j'en suis très heureux - à la liberté individuelle. Il suffit d'ailleurs de surfer sur les réseaux sociaux pour voir à quel point les mesures mises en place rencontrent aujourd'hui des réticences. On considère que l'épidémie est derrière nous parce qu'il n'y a plus de morts; c'est comme si demain, parce qu'il y avait moins de morts sur les autoroutes grâce aux limitations de vitesse, on décidait de tout simplement abolir les limitations de vitesse, le résultat souhaité étant atteint. S'il n'y a pas de morts, c'est parce que nous sommes meilleurs, parce que les plus vulnérables ont appris à se protéger, parce que nos équipes de traçage sont extrêmement performantes et qu'elles réussissent à retenir, si j'ose dire, le virus avant qu'il ne se propage. Nous gérons le risque pour éviter d'avoir à gérer la maladie. Pour cela, nous avons besoin de la discipline de chacun.

Je n'en dirai pas davantage sur ce que nous vivons aujourd'hui. Quelques mots quand même sur d'autres belles choses qui sont réalisées, vous le savez, dans le domaine de la santé - on l'a presque oublié, avec cette crise sanitaire. Nous avons entendu une députée nous dire il y a un instant qu'il faudrait être meilleurs dans la prévention. Bien sûr. Le Conseil d'Etat a adopté le 11 septembre 2019 le plan cantonal de promotion de la santé et de prévention - nous attendons qu'il soit étudié en commission. C'est un document exemplaire, je crois pouvoir même dire unique en Suisse, avec une qualité des objectifs et surtout une possibilité réelle de les accomplir qui sont remarquables. La prévention, ce n'est pas qu'un problème du département de la santé. Notre santé, c'est à tous les instants que nous la travaillons et que nous la maintenons dans tous les domaines, et ce document présente véritablement une activité transversale de l'Etat dans celui de la santé, car tous les départements du canton sont impliqués dans cette action. Il existe aussi à Genève les actions pour les proches aidants, vous le savez, avec les relèves à domicile qui ont été mises en place, avec les cartes d'urgence, les numéros d'appel, les unités d'accueil temporaire de répit, et vous apprendrez le 30 octobre prochain - qui est désormais la journée des proches aidants - tout ce qui se fait et tout ce qui se fera encore dans ce domaine. Les proches aidants, dont on estime qu'ils sont au nombre de 60 000 dans le canton, sont des personnes qui non seulement nous permettent d'économiser des dizaines, voire des centaines de millions, mais qui apportent aussi une qualité, grâce à leur proximité, que même les meilleurs professionnels ne pourraient pas fournir. Mais ils ont besoin d'être aidés, d'être formés, et il y a une demande à ce niveau qui doit être entendue. D'autres actions encore vont être développées cette année pour les personnes âgées: la prise en charge par l'ensemble des acteurs ainsi qu'un plan COGERIA, avec la prise en charge de patients particulièrement vulnérables à domicile, le but étant d'éviter les hospitalisations. Nous le savons, c'est une qualité de vie que nous apportons à nos aînés, cette qualité de vie dont nous espérons pouvoir profiter un jour à notre tour.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je ne veux pas être trop long. La politique de la santé est certainement une superbe politique qui nous touche tous, parce que nous en avons tous besoin, et ce qui se fait ici, à Genève, je peux vous le garantir, est tout simplement exceptionnel. Mais il faut procéder à des arbitrages, c'est vrai, et j'ai entendu des députés regretter que l'on retire des soutiens à certains acteurs: c'est tout simplement parce que le monde change et que les besoins changent. Il faut s'adapter. Nous n'avons pas une planche à billets qui nous permet de constamment verser davantage à de nouveaux acteurs. A un moment donné, il faut retirer un peu à certains, parce qu'ils en ont moins besoin, pour pouvoir découvrir et mettre en place de nouvelles actions, qui relèvent de nouveaux défis.

Je vous demande de soutenir cette politique publique et, de manière générale, je regrette que la critique qui peut être émise parfois sur certaines actions dans certaines politiques s'exprime par des votes négatifs sur l'ensemble de la politique publique. Je pense que c'est un mauvais signe. Celles et ceux qui nous entendent et qui nous regardent se demandent finalement si le Conseil d'Etat effectue un si mauvais travail, pour mériter un tel traitement. Que l'on puisse s'améliorer est une chose, que l'on en vienne à refuser une politique publique en est une autre. Il faudrait, là aussi, faire preuve de davantage de discernement dans les votes que vous exprimez. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je soumets à votre approbation cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 57 oui contre 23 non et 5 abstentions.

Le président. Entre deux politiques publiques, je me permets de souhaiter un joyeux anniversaire à une éminente vigneronne qui siège parmi nous: Mme Claude Bocquet-Thonney. Chère Claude, joyeux anniversaire ! (Applaudissements.)

L - MARCHÉ DU TRAVAIL, COMMERCE

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement de la politique publique L «Marché du travail, commerce». La parole n'est pas encore demandée. (Un instant s'écoule.) Mme la députée Jocelyne Haller demande la parole et je la lui passe.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, le marché de l'emploi est en souffrance et cela était déjà le cas en 2019, avant la crise de la covid. Si les statistiques faisaient valoir une légère croissance, celle-ci restait de fait très inégalement accessible à la population. Preuve en est la prévalence du chômage, dont les chiffres - on ne le répétera jamais assez - ne reflètent pas la réalité du véritable nombre de chômeurs. Ils ne tiennent en effet pas compte des chômeurs en mesure d'insertion, pas plus que des chômeurs en fin de droit ou des chômeurs ayant épuisé leur droit. En fait, ils occultent tout aussi impunément la variable d'ajustement que constituent malheureusement les travailleurs frontaliers.

Le taux de chômage était extrêmement bas en 2019 - 3,9%, sachant toutefois que les modalités de calcul ont été modifiées en 2018, ce qui a permis de revoir ce taux à la baisse - mais il est déjà de 5,1% en juillet 2020. Le coronavirus étant passé par là, nous savons que la situation se détériorera encore plus. On voit que le chômage est en train d'exploser, et cela sachant que les travailleurs en RHT ne sont pas pris en considération. Le rapport du Conseil d'Etat indique que d'une dizaine de RHT en 2019, nous sommes passés à près de 15 000 cette année. Si ces personnes devaient voir leur contrat de travail résilié, et il y a malheureusement fort à parier que ce sera le cas pour bon nombre d'entre elles, elles viendraient grossir le nombre de chômeurs et se retrouveraient à terme, pour une grande part, à l'aide sociale, avec très peu de perspectives favorables.

La facture et la fracture sociales seront lourdes à affronter; les dégâts humains seront innombrables. M. Poggia avait annoncé dès le début de la crise que de nombreuses entreprises risquaient de ne pas se relever du confinement et que des licenciements massifs seraient à prévoir. La situation du marché du travail est d'ores et déjà difficile et elle va se dégrader à un degré particulièrement alarmant. Ainsi, au seuil d'une crise sociale et économique inédite, il est urgent d'engager des mesures structurelles de protection et de création de l'emploi. L'Etat doit jouer un rôle prépondérant en la matière: il doit favoriser les reclassements professionnels et développer la formation dans des domaines générateurs d'emploi - les soins à la personne, l'écoconstruction, l'écorénovation, etc. Autant de domaines où il est encore possible aujourd'hui de développer des postes de travail.

Il faudrait par ailleurs assurer une certaine autonomie à notre canton sur le plan de la production; on a vu à quel point notre dépendance à l'égard de l'étranger pouvait être préjudiciable. Enfin, le profit à tout prix et les délocalisations, en plus de leur face obscure, ont montré leurs limites objectives. Il faut aujourd'hui protéger les travailleurs, soutenir les entreprises pour autant qu'elles respectent scrupuleusement la réglementation et développer des alternatives au chômage structurel.

Le 27 septembre, nous devrons nous prononcer sur certains objets, en l'occurrence sur la libre circulation des personnes et sur le salaire minimum - deux occasions de soutenir concrètement le marché du travail. C'est un rendez-vous qu'il ne faut pas manquer et c'est pourquoi je vous invite à vous y trouver. Dans cette attente, le groupe Ensemble à Gauche ne soutiendra pas cette politique publique du marché du travail.

M. François Baertschi (MCG). Pour améliorer le marché de l'emploi, il faudra en effet impérativement voter oui, le 27 septembre prochain, à l'initiative de limitation. Avec elle, nous pourrons justement prendre des mesures intelligentes de modération pour permettre aux habitants de ce canton de trouver un emploi et ne pas être condamnés au chômage. Nous conseillons donc à tous nos auditeurs, à tous ceux qui nous écoutent, qui suivent nos débats, de voter oui pour faire en sorte que le dumping salarial des frontaliers ne soit plus possible. Le MCG vous conseille de voter oui le 27, et il soutiendra bien évidemment la politique publique L.

Le président. Merci beaucoup, Monsieur le député. C'est vrai que cette initiative est en plein dans le débat des comptes ! (Rires.) Bon. La parole est maintenant à M. le député Romain de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je resterai davantage sur le sujet...

Le président. Je vous en remercie.

M. Romain de Sainte Marie. ...mais je rebondirai sur les propos de M. Baertschi: pour lutter contre le dumping salarial, il est plus utile d'instaurer un salaire minimum. (Applaudissements.) Je referme cette parenthèse et j'en viens au rapport de gestion, si vous le permettez.

Il y a quand même une certaine inquiétude à avoir par rapport à la méthode utilisée par l'OCE, l'office cantonal de l'emploi, en constatant que le chapitre concernant cet office et le marché du travail commence par les projets de numérisation. Cela peut être un élément intéressant, tout à fait attractif pour la suite, et paraître une bonne solution quand on sait que le chômage a malheureusement toutes les chances d'exploser après la crise du covid. Je crois cependant qu'il est important de rappeler l'aspect essentiel de la relation humaine et du traitement humain des personnes en recherche d'emploi. Ce n'est pas un logiciel et un ordinateur qui permettront à ces personnes de retrouver un emploi et de résorber efficacement le chômage, mais un véritable investissement à l'OCE, notamment en matière de personnel.

Dans ce sens, les mesures liées à la réinsertion professionnelle seront essentielles; je pense par exemple aux ARE. Je pense également à l'allocation premier emploi puisque, on le voit et M. Poggia l'a dit, les jeunes sont parmi les premiers touchés par la crise du covid. Il sera par conséquent fondamental de développer les mesures de réinsertion professionnelle pour les publics les plus touchés. Je n'ai malheureusement plus de temps à disposition; je conclurai donc en disant que le groupe socialiste se montrera critique vis-à-vis de cette politique publique: il s'abstiendra et votera aussi non.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, plusieurs de mes collègues ont rappelé ce soir que nous devions nous concentrer sur un rapport de gestion qui concerne 2019, et à plusieurs reprises nous nous sommes écartés de cette voie sage pour nous préoccuper du covid ou plutôt, selon l'Académie française, de la covid et des conséquences qu'elle aura durant cette année. Mais c'est la première fois - et je regrette, Monsieur le président, que vous n'ayez pas jugé utile d'intervenir - que l'on donne des mots d'ordre quant aux votations du 27 septembre, ce que je trouve inadmissible.

En ce qui concerne cette politique publique L «Marché du travail, commerce», j'aimerais souligner que je serai moins critique que mes prédécesseurs - et non pas mes préopinants comme on a coutume de le dire dans cette enceinte. Je serai moins critique qu'eux, et je tiens à relever que l'office cantonal de l'emploi, sous l'impulsion du conseiller d'Etat chargé du département, a modifié sa façon de fonctionner et l'organisation de ses structures afin d'être plus à l'écoute des chômeurs ou des personnes en attente de placement. Il y a encore des efforts à faire; il faut notamment apporter une meilleure connaissance des besoins du marché du travail et du terrain aux employés, aux collaborateurs, de cet office.

Pour ce qui est du commerce, je tiens simplement à rappeler que nous étions en 2019 dans une phase importante puisque des négociations allaient se nouer entre les partenaires sociaux - nous savons que ce secteur a toujours été extrêmement difficile sur le plan de la concertation. Nous devrons être attentifs, l'année prochaine, soit à l'issue de l'année 2020, aux difficultés que rencontreront les commerçants, et en particulier dans les commerces de détail non alimentaires: ils sont particulièrement en souffrance et j'aimerais qu'on fasse des efforts complémentaires en leur faveur ces prochains mois. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Pour réagir rapidement aux propos de M. le député Romain de Sainte Marie lorsqu'il parle de l'emploi des jeunes et de la nécessité de trouver un emploi pour les jeunes - vous transmettrez, Monsieur le président - je rappelle quand même aux socialistes que leur groupe a refusé la proposition du département de M. Poggia relative à l'allocation premier emploi. Ils seraient par conséquent bien inspirés d'accepter finalement ce projet pour favoriser l'emploi des jeunes.

Je profite d'avoir la parole pour remercier tous les services liés à l'emploi de leur apport et de leur réactivité, notamment les caisses de chômage pour leur traitement des RHT: elles ont répondu très rapidement aux demandes des entreprises afin de les soutenir le mieux possible de façon que l'emploi soit conservé. Merci.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, M. Guinchard: il faudra effectivement s'occuper, dans les mois à venir, de tous les secteurs économiques que sont les restaurants, les petites entreprises ou encore les indépendants parce que ça va être très très difficile. Mais je voulais insister sur un fait, pour revenir à 2019 comme certains d'entre vous l'ont demandé: Monsieur le président, Monsieur le conseiller d'Etat, quand un placeur a un nombre de dossiers tel qu'il ne peut dédier que très très peu de temps à chaque chômeur, je vois difficilement comment cette personne peut les aider à trouver un job - un travail, excusez-moi. Vous savez, c'est dans les premiers mois du chômage qu'il est important d'assister la personne; plus le temps passe, moins il est facile de la placer. Et quelqu'un qui n'est pas placé, c'est quelqu'un qui se dégrade professionnellement, qui se dégrade émotionnellement, qui crée des problèmes au sein de sa famille et qui coûte ensuite à la société. C'est important !

Il y a une question que j'aimerais vous poser, Monsieur le président. C'est vrai que vous avez répondu à la RHT, mais le problème c'est que, au bout de trois mois, les petits patrons avaient pratiquement liquidé leurs réserves en payant les employés et ils attendaient toujours de recevoir ces sommes. C'est vrai également que vous avez organisé cela; ce n'est pas une critique, mais je voudrais vous demander si vous avez les moyens - si l'office cantonal de l'emploi a aujourd'hui les moyens - au cas où on viendrait à avoir des problèmes ces prochains mois, disons, d'y faire face. Est-ce qu'il vous faut des moyens supplémentaires ? Est-ce que le nombre de personnes qu'il y a aujourd'hui à l'OCE est suffisant pour s'occuper correctement des chômeurs ? Ou n'estimez-vous pas que quand on traite vingt à vingt-cinq dossiers par jour, ça devient effectivement difficile ? Est-ce que c'est possible, Monsieur le président, de nous dire si vous estimez qu'il vous faut plus de moyens ou si la situation est acceptable ? Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je suppose que vos questions s'adressent plutôt à M. Poggia, qui vous répondra. (Remarque.) Monsieur le député Serge Hiltpold, c'est à vous.

M. Alberto Velasco. C'est le président du département !

M. Serge Hiltpold (PLR). Je peux y aller, Monsieur le président ?

Le président. Allez-y, Monsieur Hiltpold.

M. Serge Hiltpold. Merci, Monsieur le président. Je crois que la crise que nous avons vécue nous a montré une chose essentielle: rien n'est jamais acquis. Et puis on a aussi un petit peu vu la résilience de nos entreprises et de nos employés à travers les efforts que chacun et chacune a dû faire.

Ce qui me dérange souvent dans le débat sur l'emploi, c'est le jugement de valeur que certains parlementaires portent sur les professions: telle ou telle profession mérite d'être soutenue, telle ou telle ne le mérite pas. Ces jugements de valeur sont particulièrement insupportables et je pense que l'office cantonal de l'emploi s'abstient justement d'en faire: il essaie d'intégrer le maximum de personnes dans les entreprises.

On entend beaucoup de discours, beaucoup de théories sur l'emploi et les demandeurs d'emploi. L'effort à faire, je crois que l'OCE commence de plus en plus à le comprendre, consiste à se rapprocher des entreprises parce que s'il n'y a pas d'entreprises - que certains diabolisent en présentant leurs dirigeants comme de méchants patrons - il n'y a pas d'emploi ! Ce contact, cet échange, est donc nécessaire. Et puis se préoccuper des entreprises, c'est aussi les laisser travailler, et j'aimerais là partager avec vous mon sentiment par rapport à ce qui m'est arrivé pendant le covid.

Après un mois de fermeture de l'entreprise, on ouvre le lundi. Le mardi, on se prend un contrôle de la Suva. Deux semaines plus tard, on se prend un contrôle de la TVA. Deux semaines encore après, on se prend un audit de sécurité. Et ensuite, on se prend les mesures de restriction du trafic au centre-ville ! Vous savez, nous n'avons pas besoin qu'on s'occupe de nous - nous savons nous occuper de nous-mêmes ! Nous essayons d'être résilients, de trouver du travail et de le faire, et surtout, à l'heure actuelle, de nous faire payer. Je pense qu'il faut laisser les gens travailler, leur faire confiance et sortir de cette image que l'on retrouve souvent à gauche, où le patron est décrit comme un méchant exploiteur.

Allez dans les entreprises privées et vous verrez que tout le monde tire à la même corde; quand vous mettez quelqu'un en RHT, il est aussi malheureux que vous parce qu'il touche 80% de son salaire mais est bien conscient que vous payez, vous, 100% des charges. Les personnes sont même souvent mal à l'aise et essaient d'être accommodantes: «Ecoute, je vais prendre une semaine de vacances et comme ça on déclenche la RHT un peu plus tard.» Et cette mentalité, à mon sens, c'est exactement ce que les deux votations attaquent: le salaire minimum parce qu'il concerne le dialogue social - le tripartisme est une valeur fondamentale de notre pays - et puis les conditions-cadres, à travers les bilatérales, qui nous assurent stabilité et sécurité.

Et je crois que ces deux piliers essentiels - le tripartisme, soit le dialogue social, et les bilatérales, c'est-à-dire les conditions-cadres - sont ce qui nous permet de tenir le choc et d'être résilients. Alors de grâce, ne parlons pas de ces votations qui se dérouleront dans un mois, mais ces piliers ont fait la Suisse moderne: ils nous rendent résilients et font que les différents secteurs ne se tirent pas dans les pattes les uns des autres - j'aimerais qu'on en soit conscient. Je salue par ailleurs le travail de l'Etat pour organiser puis placer les chômeurs, qui ne veulent pas tous rester au chômage: il y a beaucoup de personnes qui veulent travailler. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole à M. le député Romain de Sainte Marie, en précisant qu'il reste deux minutes vingt-huit au parti socialiste.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Concernant le chômage des jeunes, vous transmettrez à M. Sormanni que l'allocation premier emploi est un projet de loi du parti socialiste; le Conseil d'Etat a repris le concept en déposant un autre projet de loi. Nous n'avons toujours pas trouvé de compromis car pour obtenir un compromis, il faut être deux dans les discussions !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette politique publique concerne, pour ce qui est de mon département, la réinsertion des demandeurs d'emploi, soit l'office cantonal de l'emploi. C'est vrai que nous parlons ici de 2019, mais puisque nous avons remercié toutes celles et ceux qui, dans le domaine de la santé, se sont engagés, il faut également rappeler - certains l'ont fait brièvement - le travail qui a dû être fourni lorsque les RHT ont été acceptées plus largement par la Confédération. Nous sommes passés de 1 à 65 collaborateurs qui se sont consacrés exclusivement à ce travail; à ce jour, ce sont plus de 700 millions qui ont été versés dans le cadre des RHT pour le canton de Genève. Ce sont des sommes qui font évidemment frémir et montrent à quel point le patient est dans le coma.

Comment sera-t-il quand il se réveillera ? C'est la grande question ! Certains ne se réveilleront peut-être pas et nous aurons alors une explosion des licenciements. Nous avons assurément de quoi être inquiets; le chômage a augmenté, bien qu'il ait moins augmenté que ce que nous craignions: il est jusqu'à présent passé de 3,9% à 5,1%. Qu'en sera-t-il à la fin de l'année ? Selon les critères du SECO, nous avons actuellement 17 500 demandeurs d'emploi dans le canton. Mme Haller a rappelé que ce nombre n'inclut bien sûr pas toutes les personnes qui cherchent un emploi, mais il a été établi selon les critères applicables de manière uniforme dans toute la Suisse. Quel sera le taux de chômage à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine ? Nous devons évidemment être inquiets.

Si nous mettons en place des systèmes électroniques pour faire correspondre les demandes avec les offres, ce n'est pas pour déshumaniser le travail des collaborateurs de l'office cantonal de l'emploi, mais pour rendre cet office plus efficace encore. Les demandeurs d'emploi doivent en effet pouvoir rapidement identifier eux-mêmes les postes de travail pour lesquels ils ont le profil, tout comme les entreprises doivent être en mesure de voir rapidement quels sont les demandeurs d'emploi qui pourraient être engagés pour le poste à pourvoir. Nous allons donc être encore plus efficients dans les mois à venir, sans perdre évidemment de vue l'objectif, qui est celui d'accompagner nos demandeurs d'emploi et surtout de leur permettre, lorsque c'est nécessaire, d'acquérir la formation complémentaire indispensable pour être à niveau.

Nous avons besoin, cela a été rappelé, des employeurs. Il n'y a pas d'emploi sans employeurs, et nous avons travaillé dans ce sens. Je pense que la politique mise en place ces dernières années par le gouvernement genevois pour attirer l'attention de nos pourvoyeurs d'emploi sur les compétences que nous avons sur notre territoire commence à porter ses fruits. Ce n'est pas un hasard si une charte a été signée au mois de janvier de cette année avec la FER et la CCIG - malheureusement, la covid est une nouvelle fois passée par là - par laquelle ces deux faîtières patronales se sont précisément engagées à promouvoir auprès de leurs membres l'annonce systématique des postes vacants à l'office cantonal de l'emploi. Je rappelle que celle-ci n'est pas obligatoire pour la grande majorité des emplois qui s'ouvrent sur le territoire.

Nous aurons besoin de cette solidarité, Mesdames et Messieurs, demain encore plus qu'aujourd'hui: sans cela, les personnes qui seront laissées sur le bord du chemin seront de plus en plus nombreuses. Notre paix sociale, notre cohésion sociale, ne résistera pas si nos entreprises n'expriment pas de manière claire et déterminée leur volonté de donner une chance à ceux qui l'auront précisément perdue à la suite de cette crise sanitaire, qui désormais est aussi largement devenue une crise économique.

En ce qui concerne la surveillance du marché du travail et la régulation, nous avons bien travaillé, également pendant la crise, bien sûr: rappelez-vous lorsque seuls les magasins alimentaires étaient ouverts. On a tendance à oublier parce que la vie avance et que l'on regarde naturellement devant soi, mais le travail a été gigantesque pour vérifier dans toutes les grandes surfaces les plans de protection, les plans de circulation des clients. Aujourd'hui encore, il faut s'assurer que le port du masque est respecté et la solution hydroalcoolique bien mise à disposition; il s'agit donc d'un énorme travail. A part tout cela, la surveillance du marché du travail se fait évidemment aussi en collaboration avec l'inspection paritaire des entreprises. Si cette dernière a été largement mise à contribution dans le cadre de cette crise, elle est par ailleurs un partenaire régulier des agents de l'Etat dans ce domaine.

Nous avons mis en route une réforme de la loi sur les taxis et les véhicules de transport avec chauffeur qui est actuellement en commission. S'agissant de la loi sur les établissements publics, nous sommes quasiment à bout touchant. Citons aussi cette loi sur le tabac, une première pratiquement au niveau national - vous l'avez adoptée, vous vous en souvenez - qui va permettre de faire des achats tests dès l'année prochaine pour protéger les mineurs du tabac et de tous les produits associés. Nous avons donc - vous, nous; le parlement et le Conseil d'Etat - travaillé de manière efficace dans ce domaine.

Les discussions relatives aux horaires d'ouverture des magasins ont avancé. Peut-être ne le savez-vous pas: les magasins seront ouverts dimanche prochain. Il fera mauvais temps pour ce dimanche d'ouverture des magasins; cela intéressera peut-être certains téléspectateurs qui nous entendent. C'est un coup de pouce que l'on a voulu donner à notre économie locale pour lui permettre de repartir, et cela s'est fait précisément en concertation paritaire - l'ouverture les dimanches en fin d'année est bien sûr maintenue, comme d'habitude. Il y a donc un vrai dialogue social qui se construit quotidiennement sur notre territoire, et nous pouvons en être fiers. C'est le seul valable pour permettre une régulation de notre marché du travail et éviter le dumping salarial. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote d'approbation de cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique L «Marché du travail, commerce» est adoptée par 33 oui contre 24 non et 21 abstentions.

M - MOBILITÉ

Le président. C'est maintenant le tour de la politique publique M «Mobilité». (Un instant s'écoule.) La parole est demandée par Mme la députée Marjorie de Chastonay et je la lui donne.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, 2019, c'était l'année avant la crise sanitaire; il y avait de grandes attentes en matière de mobilité douce. Les textes en faveur de cette mobilité - l'IN 144 et la LMCE, la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée - étaient votés, plébiscités dans les urnes par la population genevoise, mais ignorés par le département. Tout était écrit sur le papier mais pas mis en application.

En 2019, les vélos et les piétons ne sont pas encore une priorité pour le département. Les cyclistes, à Genève, continuent à pédaler sur des bandes cyclables discontinues et s'arrêtant d'un coup net. Les piétons attendent toujours longtemps, trop longtemps, pour pouvoir traverser une rue. En ville de Genève, 45% des ménages ne possèdent pas de voiture mais subissent pourtant les nuisances sonores et la pollution engendrées par les automobiles - une pétition circule d'ailleurs actuellement contre le bruit. Les embouteillages récurrents, entre autres liés à la croissance démographique et à l'étalement urbain dans le Grand Genève, mais générés aussi par le manque d'alternatives pour les pendulaires se rendant sur leur lieu de travail, créent stress, tensions et pollution.

Le trafic de transit dans les quartiers est par ailleurs un problème conséquent pour la qualité de vie et la santé des habitants et habitantes de Genève. Nous déplorons également les investissements, énormes en matière d'infrastructures routières mais insuffisants pour la mobilité douce. L'année 2019 est notamment marquée par les travaux de la route des Nations, qui fait partie des projets d'agglomération de première génération. Cette route extrêmement coûteuse ne fera que favoriser l'attractivité, pour les pendulaires, du transport motorisé individuel au détriment de la mobilité douce que le Léman Express rend possible depuis le début de l'année. La prise en otage de la réalisation du tramway du Grand-Saconnex ne doit pas nous tromper.

2019, c'est aussi la construction de lignes de tram et des dépenses pour l'extension du tram en direction de Bernex-Vailly, réalisations liées au projet d'agglomération que nous saluons ici. C'est également l'année du CEVA, ou plutôt du Léman Express: les Vertes et les Verts saluent sa mise en service en décembre dernier, après tant d'années de tergiversations et de travaux. Le développement des transports publics, avec l'inauguration du tram 17 jusqu'au centre d'Annemasse, permet aussi d'améliorer le transfert modal. Ce développement des infrastructures et des alternatives est nécessaire et doit s'amplifier, notamment en permettant aux habitants et habitantes de la rive droite de prendre le train pour se rendre sur la rive gauche sans devoir passer systématiquement par la gare Cornavin - mais ça, c'est de la musique d'avenir.

En conclusion, nous nous réjouissons des progrès accomplis en 2019 sans pouvoir crier de joie au vu des problèmes subsistant encore, tels le manque de véritables pistes cyclables sécurisées ou les points noirs à certains carrefours, où la vie des cyclistes est véritablement en danger. La crise du covid-19 a été un déclencheur pour, enfin, après tant d'années, débloquer certaines rues et prôner le respect et l'utilisation de la mobilité douce, que ce soit à pied ou à vélo. Mais ça, c'est une autre histoire et elle se passe en 2020.

Puisqu'il me reste un peu de temps, je voudrais vous citer la page 7 du RD 1365, qui vient d'être ajouté à notre ordre du jour: «Il est par ailleurs d'autant plus important d'agir sur le développement de la mobilité douce qu'elle nécessite des infrastructures plus modestes que pour d'autres modes de transports. Néanmoins, ces infrastructures doivent être sensiblement améliorées et développées, afin d'attirer de nouveaux usagers qui délesteront d'autant les autres réseaux de transports déjà saturés.» Tout est dit !

Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts vont s'abstenir sur la politique publique M «Mobilité», dans l'espoir de pouvoir l'accepter lors des comptes 2020, quand le nouveau plan d'actions de la mobilité douce 2019-2023 que je viens de citer sera mis en application et les pistes cyclables provisoires covid-19 pérennisées. Merci.

Présidence de M. Diego Esteban, premier vice-président

M. Daniel Sormanni (MCG). Vous vous imaginez bien que le MCG va refuser cette politique non de la mobilité, mais de l'immobilité: même si elle n'a pas été véritablement amorcée en 2019, on ne peut effectivement pas se détacher de ce qui se passe actuellement. Quand on voit les propos qu'a tenus encore aujourd'hui dans la presse le conseiller d'Etat chargé de cette politique publique, qui dit qu'il veut favoriser les entreprises pour que les livreurs professionnels puissent mieux travailler ! Or ils sont coincés dans le trafic; c'est pire qu'avant ! Ils ne peuvent même plus s'arrêter pour faire une livraison parce qu'il y a désormais une piste cyclable et on ne peut même plus s'arrêter.

Je crois qu'on fait tout faux parce qu'on n'a simplement pas organisé ce qui devait l'être, à savoir une véritable concertation avec les acteurs. On dépasse les dispositions prévues dans la fameuse LMCE et, à mon sens, on est complètement à côté de ce qu'on devait réaliser. Oui, il faut des pistes cyclables ! Mais pas n'importe comment - pas comme celles qui ont été réalisées à la hâte, à coups de peinture, et d'ailleurs de manière illégale pour une bonne partie. Elles sont toujours sur la chaussée puisque la Ville de Genève n'a pas effacé tous les aménagements illégaux, notamment les 20 km/h en rose et les carrés roses, toujours sur les routes: ils ne représentent rien au regard de la loi et de l'ordonnance fédérales. Nous ne pourrons donc effectivement pas approuver cette politique publique et nous nous posons un certain nombre de questions sur les bases juridiques. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. En observant qu'il reste trois minutes et trente-quatre secondes au groupe Ensemble à Gauche, je cède la parole à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Pour redire ce que j'ai dit avant, c'est quand même assez extraordinaire de faire le bilan d'une politique publique dont le but est de «mettre à disposition de la population une offre de transports publics performante», mais sans que des cibles et des références soient précisées. On aurait au moins pu indiquer qu'on avait l'espoir, en 2019, de monter la vitesse commerciale à 17 km/h - on est encore en dessous puisqu'elle atteint 22 km/h dans la majorité des villes. En 2019, elle a par ailleurs diminué à cause de la politique menée auparavant par un conseiller d'Etat dont il vaut mieux ne pas citer le nom ! C'est quand même assez extraordinaire, et je demande que des critères, des cibles soient définis pour qu'on puisse évaluer la situation de manière à peu près probante.

Sur le fond, je prendrai comme exemple le bouchon survenu il y a deux jours: un seul accident provoqué sur le pont du Mont-Blanc - et j'espère qu'il n'a pas été trop grave - a bloqué tout le canton pendant plusieurs heures. Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que nous avons un véritable problème de répartition de la charge des transports; tant que nous continuerons à prétendre que les transports publics ne doivent pas avoir la priorité sur tout autre transport et que les pistes cyclables ne doivent pas maintenant être favorisées pour délester, comme l'ont dit certains des préopinants, la charge de trafic - elle ne se résorbera pas tant que l'affaire du covid ne sera pas réglée - nous ne sortirons pas de cette situation. J'appelle donc les autorités non seulement à participer à la Critical Mass de demain soir - M. Poggia a acheté un nouveau vélo - mais aussi à mettre en place des critères précis pour qu'on puisse évaluer les politiques, notamment en ce qui concerne la vitesse commerciale. Il leur faut prioriser, réellement prioriser, un certain nombre d'actions relevant de la politique des transports qui ont démontré leur efficacité. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Que dire de 2019 ? C'est un peu compliqué quand on voit la gestion calamiteuse de ce département et de cette politique publique. Bien sûr, pas un mot n'est dit sur les événements qui ont réellement marqué l'année 2019; on embellit, on se jette des fleurs parmi. C'est bien beau, mais quelle est la réalité ? C'est la mise en service ratée du Léman Express avec la grève de nos partenaires français: c'est ce qui arrive quand on s'évertue à travailler avec des partenaires qui ne sont pas fiables, qui n'appliquent pas les mêmes politiques qu'à Genève. Voilà ce qui s'est passé ! Et il n'y a pas un mot là-dessus dans le rapport.

En matière de gestion des travaux routiers, ça a été le pire été de ces dix dernières années - là encore, pas un mot sur tous les désagréments subis. L'année 2019 a été catastrophique concernant la gestion des travaux routiers. On ne parle bien évidemment pas de la suppression de 4000 places de parc qui fait l'objet d'un référendum sur lequel on votera bientôt. On ne parle surtout pas de la vitesse commerciale, qui n'augmente pas à cause de la gestion calamiteuse des feux de circulation et du fait qu'on permet de plus en plus - ce n'est pas une nouveauté du covid, c'est bel et bien le cas depuis plusieurs années - le partage des voies de bus avec les vélos, qui freinent et nuisent à la vitesse commerciale de nos transports publics.

Pas un mot non plus sur ce qui devrait être une vraie vision en matière de transports publics, à savoir comment attirer de nouveaux clients. A la commission des pétitions, nous avons auditionné le professeur Kaufmann, de l'EPFL: vous le connaissez tous, on le voit assez souvent dans la presse. Il nous a particulièrement dit que s'agissant des nouveaux clients, 2019 était une des pires années pour les TPG, voire la pire, parce que leur nombre n'augmente pas. Il n'augmente pas depuis que la population s'est fait avoir par Ensemble à Gauche et l'initiative pour la baisse du prix du billet. On le dit depuis des années mais ça n'augmente toujours pas ! En 2019, il y a eu moins de 2% de nouveaux clients ! Et le pire de tout ça, c'est qu'il ne s'agit pas de nouveaux clients en tant que tels; ce que je veux dire par là, c'est que ce ne sont pas des habitants de Genève - des gens qui habitent et travaillent à Genève - qui se sont dit un matin: aujourd'hui, je laisse ma voiture et je prends les transports publics. Non, ça, ça n'arrive pas à Genève ! Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ces 2% sont uniquement dus à l'augmentation de la population venant de l'étranger ou d'un autre canton. Ces 2% d'augmentation proviennent uniquement de là, ce qui démontre une gestion commerciale parfaitement calamiteuse pour attirer de nouveaux clients. C'est juste incompréhensible. Comment voulez-vous que Genève aille de l'avant dans sa mobilité avec une gestion pareille ?

Non, ce n'est vraiment pas sérieux. Ce département est catastrophique, complètement sinistré, et le groupe UDC refusera cette politique publique pour tout ce que j'ai dit et tout ce que je n'ai pas eu le temps de dire sur la gestion de ce département. Il la refusera purement et simplement et vous invite fortement à faire de même. Je vous remercie. (Huées.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, Stéphane !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle au groupe socialiste qu'il lui reste deux minutes et cinq secondes, ce qui me permet d'enchaîner en donnant la parole à M. Thomas Wenger.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je crois qu'on en a un peu marre de n'entendre que des critiques dans cette enceinte ! Nous discutons du rapport de gestion et des états financiers 2019; on peut certes émettre un certain nombre de critiques, mais on n'entend que des choses négatives dans le cadre de ces débats. A un moment donné, je pense qu'on doit parler des choses positives relatives à cette politique publique «Mobilité».

2019, Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est l'inauguration de notre Léman Express. Cette date - cette année - restera dans l'histoire de la mobilité genevoise: quand on sera en 2050, on parlera de 2019 parce qu'on aura inauguré le Léman Express. Le groupe socialiste veut aujourd'hui remercier l'ensemble des personnes qui ont oeuvré pendant plus de dix ans pour le réaliser, que ce soit au niveau cantonal, du département des transports, de l'Office fédéral des transports, des CFF ou de nos partenaires vaudois et de France voisine. Je pense qu'on doit les remercier. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Thomas Wenger. Quand j'entends les critiques sur le Léman Express, en particulier du MCG et de l'UDC - ce serait un fiasco, personne ne l'utiliserait, les gares seraient vides, etc. ! Mais est-ce que vous êtes déjà allés à 7h24 sur le quai à Pont-Céard, Messieurs - Messieurs, parce qu'il y a peu de dames - les députés UDC et MCG notamment ? Est-ce que vous êtes déjà allés à 6h51 sur le quai à Lancy-Pont-Rouge ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) A 7h41 à Versoix ou à 7h05 à Annemasse ? Juste avant le covid, 48 000 personnes prenaient le Léman Express en une seule journée alors que l'objectif est de 50 000; c'est un véritable succès ! Au lieu de critiquer tout le temps ce Léman Express, encouragez les Vaudois, les frontaliers et les Genevois à l'utiliser...

Le président. Il vous faudra conclure, Monsieur le député. Merci.

M. Thomas Wenger. ...pour diminuer le trafic automobile, les bouchons et la pollution ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements. Remarque.)

M. Jacques Blondin (PDC). Comme vient de le dire Thomas Wenger, 2019 est l'année du Léman Express. Les choses étaient bien parties pour lui à cette époque-là; on se rappelle que les travaux étaient à bout touchant. On s'attendait, selon les prévisions de mise en service, à décongestionner la ville de Genève grâce à une diminution des véhicules de 12%, ce qui devait bien évidemment permettre de fluidifier le trafic. On mettait également en place la ligne 17 en direction d'Annemasse après soixante et une années d'interruption, et les TPG avaient même réussi l'exploit de réadapter la moitié de leurs lignes de manière à les coordonner avec le Léman Express.

Gouverner, c'est prévoir, mais je trouve un peu facile de critiquer maintenant le chef du département: qui aurait pu penser, à peine le Léman Express inauguré, qu'il y aurait des grèves en France, des problèmes mécaniques sur le matériel roulant, que le covid ferait son apparition et, chapeau pour le dernier problème, qu'on ferait face à un manque chronique de chauffeurs et de mécaniciens ? Ces éléments remettent bien évidemment en cause la totalité de la stratégie: si vous lisez le programme du département relatif à la mobilité, l'année 2020 était celle du déploiement des effets de ces améliorations structurelles, mais l'urgence est bien sûr passée à autre chose.

Venons-en à l'actualité; on y est obligé puisque les critiques se font fortes par rapport à la congestion de la ville de Genève. Si la peur de prendre les transports en commun - pour des raisons évidentes - nous fait passer de -12% à +20%, il faut indéniablement agir. Les donneurs de leçon peuvent facilement intervenir et dire: eh bien voilà, on a fait faux, ce n'était pas la bonne chose à faire et il faut remettre les voitures en ville. Le chef du département nous réexpliquera alors sa stratégie; il fallait manifestement enlever un certain nombre de véhicules des routes. Pour ma part, je n'ai jamais compris le choix de M. Dal Busco comme une obligation pour tous les automobilistes de s'acheter une trottinette ou un vélo - bien évidemment pas ! Il s'agissait simplement de faire de la place pour décongestionner le trafic, ce qui théoriquement aurait dû faciliter les déplacements des entreprises.

Il se trouve que ça ne fonctionne pas ! L'explication, nous l'aurons; peut-être y a-t-il encore trop de véhicules. Peut-être qu'il y a un manque de concertation avec certains milieux. Je souligne par ailleurs, puisque nous en parlerons bientôt à l'occasion d'une votation, que la compensation des places de parking a aussi été discutée - ça allait également dans le sens d'une extension de la voie verte et d'une augmentation des pistes cyclables. Et je tiens à relever que ça s'est fait avec le soutien des milieux économiques, en espérant qu'ils n'auront pas changé d'avis et qu'ils soutiendront ce projet. Le parti démocrate-chrétien soutiendra donc cette politique publique. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. J'informe le groupe MCG qu'il lui reste quatre minutes et six secondes et je cède la parole à M. Patrick Dimier.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Le bon élément de l'exercice 2019 de ce département, c'est qu'il avait apparemment fait des économies sur les stocks de peinture - évidemment qu'il les a gaspillés en 2020 ! Mais nous sommes là pour parler de 2019. Plusieurs lois ont été votées pour assurer une fluidité sur la route; je rappelle à tout le monde qu'il y a la LMCE et plein d'autres choses, mais qu'il y a avant tout la constitution. Et cette constitution impose au département et au Conseil d'Etat d'assurer la fluidité des différents types de trafic ! Vouloir péjorer un seul type est tout simplement contraire à la constitution !

Evidemment, on provoque des bouchons - ils ne font pas plaisir aux viticulteurs et ils ont même tendance à nous saouler ! Non seulement ces bouchons ont été causés artificiellement, mais ils perdurent parce qu'on ne s'occupe pas de diminuer le flux des 185 000 véhicules qui entrent tous les jours sur notre territoire. Je veux bien comprendre qu'on ait besoin de gens qui viennent de l'extérieur, je veux bien comprendre qu'on ait eu des problèmes avec le train, mais on ne fait rien pour qu'il y ait un report des voitures sur le train - que j'applaudis, Monsieur Wenger: comme vous, j'ai pris le Léman Express. Comme vous, je l'ai utilisé et je constate une chose: il n'est presque - presque, je vais être honnête, presque - jamais plein, et ça veut donc bien dire qu'on a un déficit de communication. Mais on a surtout un déficit de politique générale en matière de report du trafic routier vers le trafic ferroviaire, voire vers le tram.

Je me pose vraiment des questions quand j'entends que la route des Nations est un gouffre, mais qu'on oublie de dire que sa construction va permettre la création d'une ligne de tram que tout le monde attend. Tout le monde l'attend pour relier la ville à l'aéroport, et plus loin si les Français le veulent bien. Je pense qu'on est en train de dire un peu n'importe quoi; il faut mettre de l'ordre dans cette politique publique. Cette politique publique ne nous convient pas et nous ne la soutiendrons pas ! Merci.

Une voix. Bravo !

Présidence de M. François Lefort, président

M. Stéphane Florey (UDC). Il y a quand même des discours assez hallucinants. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Blondin que les grèves étaient parfaitement prévisibles: on en a parlé tout au long du projet CEVA, et ce depuis le début. Depuis le début ! Ces discussions se sont accentuées quand on a appris qu'une société Lémanis, gérée par la SNCF et les CFF, allait être créée pour la gestion du CEVA. On le savait et nous leur avons posé ces questions. Nous leur avons demandé: que se passera-t-il quand nos partenaires - pas toujours très fiables - seront en grève ? On nous a assuré qu'il n'y aurait pas de problème. En effet, il n'y a pas de problème: on ne va plus en France quand il y a une grève ! C'est ça ? Alors bravo !

Encore une chose: si vous n'êtes pas pressé d'aller travailler, prenez le Léman Express parce que vous êtes sûr d'arriver en retard ! (Rire.) Les expériences qu'on a vécues depuis le lancement, ce sont des trains supprimés, des trains en retard, un manque de personnel. Alors si ça, c'est de la bonne gestion, eh bien vous m'excuserez, mais je ne suis pas convaincu.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de minorité. Qu'on le veuille ou pas, la région est bien une réalité et il est extrêmement difficile de vivre entre Genève et la France en voulant fermer les frontières - on l'a d'ailleurs vu: ça pose des problèmes, notamment au niveau des soignants. Je vous rappelle que 60% du personnel des HUG vient de l'autre côté de la frontière, il est donc juste de vouloir trouver des solutions au trafic transfrontalier.

Avec le Léman Express, qui est quand même l'une des principales réalisations de l'année 2019, nous avons à mon sens rattrapé un retard extrêmement important en matière d'infrastructures. C'est vrai que travailler avec une société mixte franco-suisse n'est pas forcément évident. On critique beaucoup les grèves des cheminots français, mais on peut aussi se poser des questions sur le manque d'anticipation quant à la formation des cheminots suisses. Avant de critiquer nos voisins français, nous ferions donc peut-être bien de balayer devant notre porte. Toujours est-il que le Léman Express est une réalité. Il va permettre de développer la mobilité de manière positive entre la Suisse et la France, notamment en matière de pollution, d'émissions de CO2. Je pense qu'on arrivera, petit à petit, à favoriser le transfert de la mobilité individuelle vers une mobilité collective - notamment quand on aura résolu le problème des parkings d'échange en France - ce qui est absolument indispensable.

S'agissant des pistes cyclables, Mesdames et Messieurs les députés, la LMCE prévoit clairement que les transports publics et la mobilité douce sont prioritaires dans l'hypercentre. Alors les mesures ont peut-être été appliquées un peu abruptement suite à la crise de la covid; il faut néanmoins se rendre compte que la méfiance des gens envers les transports publics aurait effectivement pu favoriser la mobilité douce. Je pense que même si la circulation est difficile par endroits, personne ne remet aujourd'hui en question la voie verte qui amène les frontaliers, bien souvent à vélo, depuis Annemasse jusqu'à Chêne. La difficulté est maintenant de trouver une solution pour prolonger cette voie verte et de faire en sorte que les différents modes de transport puissent coexister de manière satisfaisante dans l'hypercentre.

Il faut être un petit peu patient, Mesdames et Messieurs, et tirer les conclusions de cette première expérience pour apporter des améliorations là où c'est possible. Je pense néanmoins que la vision du magistrat, même si elle ne plaît pas à tout le monde, est juste, et la minorité la soutient. Je trouve au demeurant un petit peu dogmatique, je dirais, la position des Verts: ils s'abstiennent sur cette politique publique alors qu'elle va finalement tout à fait dans le sens de la politique qu'ils souhaitent soutenir et développer à Genève. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Effectivement, il faut une politique pragmatique: il faut arrêter avec les utopies - l'utopie du Grand Genève, l'utopie selon laquelle le CEVA va régler tous nos problèmes de circulation. La fausseté de cette hypothèse est démontrée et, de jour en jour, on s'en rend toujours plus compte. Le groupe MCG, bien évidemment, refusera donc avec conviction cette politique publique.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je voudrais juste dire un mot à tous ceux qui pensent qu'on peut obliger les gens à faire ce qu'ils ne veulent pas: ça ne marche pas ! Ça ne marchera jamais ! Ce n'est pas par la force qu'il faut passer. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Je ne souhaitais pas intervenir à ce stade du débat; les Verts voulaient s'abstenir parce que si de bonnes choses ont effectivement été faites en 2019, nous pensons qu'on peut bien entendu faire beaucoup plus, comme Mme de Chastonay l'a expliqué. Cela dit, au vu des arguments avancés dans ce débat par l'UDC et le MCG, une partie du groupe votera en faveur de cette politique publique.

Des voix. Bravo !

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce débat est finalement sans grande surprise: les positions sont figées depuis des lustres alors qu'a priori, depuis 2016, on nous dit qu'on a fait la paix des transports au travers de la LMCE, qui est pour moi la feuille de route. Je vais y venir dans quelques instants.

En prenant la responsabilité de ce département il y a un peu plus de deux ans, j'avais annoncé trois axes dans la politique que j'entendais mener. Le premier était de réussir la révolution des transports à la fin 2019, de faire en sorte que l'énorme travail effectué pendant de longues années par un nombre très important de partenaires puisse aboutir en temps et en heure à une réalisation. Je suis arrivé à peu près une année et demie avant son achèvement: mon rôle s'est finalement borné à veiller à ce que tout puisse converger vers cette date. Il consiste en quelque sorte à venir poser la cerise sur ce gâteau extrêmement complexe, ce à quoi on s'est attelés.

Une révolution comme celle-là, évidemment, touche non seulement la colonne vertébrale constituée maintenant par cette architecture ferroviaire, mais implique aussi un changement considérable du réseau des TPG au regard duquel ceux de décembre 2011, qui avaient fait couler passablement d'encre et de salive, sont infiniment moins importants. Il n'y a eu aucun problème ! Personne ne l'a relevé et je veux y remédier: les TPG ont fait un travail énorme pour réorganiser complètement leur réseau et tout s'est passé de manière absolument parfaite, sans que personne s'en rende même compte, et je voulais le relever ici. Je veux dire aussi que contrairement à ce que d'aucuns ont affirmé, en particulier M. Florey, la fréquentation en voyages/kilomètres a augmenté de 3,2% entre 2018 et 2019 et est par conséquent très nettement au-dessus de la cible budgétaire, qui était fixée à 1,8%. Voilà pour le premier élément.

S'agissant du Léman Express, bien sûr que sa portée sur les fonts baptismaux, disons, n'a pas été exempte de problèmes: si on avait voulu vraiment écrire un scénario catastrophe, on ne s'y serait pas pris autrement. Mais pendant une brève période, grosso modo entre la fin de la grève en France et les effets dévastateurs pour les transports en commun de la crise sanitaire, soit pendant quatre semaines environ, la fréquentation - pratiquement 50 000 passagers par jour - a été celle que nous escomptions à moyen terme, et celle-ci a donc été atteinte bien plus vite que prévu. C'était un vrai succès, et c'est une chose dont nous devons nous réjouir. Evidemment, les litanies de certains dans ce parlement - toujours les mêmes, mais on n'arrivera jamais à les faire changer d'avis - sont totalement inappropriées et à côté de la plaque.

Le deuxième axe que je souhaitais développer, et on y travaille, c'était le développement des infrastructures aussi bien routières que de transports en commun. Il faut se réjouir que des chantiers aient redémarré en 2019 - ça faisait plusieurs années qu'il n'y avait plus de chantier de tram - et puis surtout des mises en service, comme celle du tram transfrontalier 17. Certains pensaient que celui-ci serait en concurrence avec le Léman Express; pas du tout ! Les deux infrastructures ont trouvé leur clientèle, une clientèle qui en fait un usage tout à fait complémentaire. C'est un grand événement puisque, pour la première fois depuis de nombreuses années, un tram traverse de nouveau la frontière, et ça s'est parfaitement passé, dans une collaboration exemplaire avec nos partenaires français.

Les chantiers de certaines infrastructures ont pris quelque retard à cause de la crise sanitaire et nous allons tout faire pour que celles-ci soient mises en service dans les délais envisagés. C'est particulièrement le cas pour la route des Nations, qui permettra effectivement - je m'adresse là aux Verts - de réaliser une ligne de tram extrêmement performante. Et les deux choses - en tout cas pour le tram - auraient été tout simplement impossibles sans la construction de ce tunnel dont l'utilité n'est pas à démontrer.

Le troisième axe est celui qui, selon moi, du moins à entendre les débats, est probablement... Je vais vraiment m'employer à éliminer cette contradiction, ou en tout cas à rendre compréhensible ce qui figure dans la loi que ce parlement a votée il y a maintenant presque cinq ans - et que le peuple a votée à une large majorité: la LMCE. Nous nous rendons compte en effet, dans la pratique quotidienne, qu'il y a un terrible malentendu sur le contenu de ce texte. La loi, dans le fond, est extrêmement claire: c'est un vrai manuel, une feuille de route. Il suffit de la lire pour saisir ce qu'il faut faire et, comme vous le savez, l'exécutif est chargé d'exécuter les lois ! Il n'a pas à faire autre chose !

Que dit cette loi ? C'est un compromis - bien sûr que c'est un compromis ! Elle dit qu'on doit favoriser la fluidité du trafic individuel motorisé dans certains secteurs, et nous nous y employons: nous travaillons en particulier sur la moyenne ceinture et les quais. Ailleurs, pour apaiser précisément ces quartiers, c'est la mobilité douce et les transports en commun qui sont prioritaires ! Ce n'est ni le chef du département ni le Conseil d'Etat qui a décrété cela; c'est écrit dans la loi ! Voilà ce qu'il faut retenir, et j'invite celles et ceux qui brandissent la LMCE et la constitution pour dire que ce qui est fait ne correspond pas à ce qui y figure à relire tout simplement ces documents.

Lorsque, dans la constitution, on parle du libre choix, il s'agit du libre choix de tous les modes de transport - et il n'est pas seulement question de fluidité, mais également de sécurité. Pour que le libre choix puisse librement s'exercer, il faut que les différents modes de transport puissent s'employer en toute sécurité. Force est de constater que ce n'est pas toujours le cas pour certains d'entre eux, par exemple le vélo, y compris dans les zones où la loi précise par ailleurs que la mobilité douce et les transports en commun ont la priorité. Eh bien, c'est le rôle - et même le devoir - de l'exécutif de mettre en application ces dispositions qui figurent clairement dans la loi ! On ne fait rien d'autre que cela, et je m'étonne fortement des réactions qui ont été de mise et qui le sont encore lorsqu'on fait en sorte d'appliquer la loi, ce que nous allons évidemment continuer à faire.

Par rapport aux mesures déployées en 2020, je voudrais juste rappeler une chose: les dispositions qui ont permis leur réalisation sont elles aussi dans la loi. Dans le fond, notre objectif est de faire en sorte que ces équipements, ces aménagements soient pérennisés dans leur fonctionnalité - pas dans leur forme, provisoire - en respectant parfaitement les procédures en cours, c'est-à-dire les autorisations de construire et les possibilités de recourir. Si à Genève on n'avance pas suffisamment vite en matière de mobilité, et tout le monde s'accorde là-dessus, c'est qu'il y a, la plupart du temps, des recours lorsqu'on propose des mesures, lorsqu'on prend des arrêtés. Il y a même des recours, figurez-vous, sur les mesures provisoires ! Cela dure des mois et des mois devant les tribunaux.

Il faut donc savoir raison garder. Il faut rester calme, serein, le plus possible droit dans ses bottes, regarder ce que nous dit la loi à ce sujet et simplement l'appliquer avec détermination. C'est en tout cas ce à quoi nous allons nous employer pour la suite de cette législature. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je soumets cette politique publique à votre vote.

Mise aux voix, la politique publique M «Mobilité» est rejetée par 43 non contre 35 oui et 1 abstention.

A - AUTORITÉS ET GOUVERNANCE

Le président. Nous passons à la politique publique A «Autorités et gouvernance». La parole n'étant pas demandée, je la soumets à votre approbation.

Mise aux voix, la politique publique A «Autorités et gouvernance» est rejetée par 53 non contre 13 oui et 9 abstentions.

B - ETATS-MAJORS ET PRESTATIONS TRANSVERSALES

Le président. L'ordre du jour appelle maintenant la politique publique B «Etats-majors et prestations transversales». Personne ne demande la parole, nous passons donc au vote.

Mise aux voix, la politique publique B «Etats-majors et prestations transversales» est adoptée par 41 oui contre 21 non et 12 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, maintenant que toutes les politiques publiques ont été traitées, je vais mettre aux voix le projet de loi 12668 en deuxième débat.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article unique, nous sommes saisis d'un amendement qui se trouve à la page 293 du rapport:

«Article unique   Approbation de la gestion du Conseil d'Etat (nouvelle teneur)

La gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019 est approuvée.»

Cet amendement est présenté par le rapporteur de minorité, qui ne souhaite pas s'exprimer. Le rapporteur de majorité demande quant à lui la parole et je la lui passe.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je pense évidemment que la majorité refusera cet amendement, puisque celui-ci consiste à revenir en arrière pour accepter la gestion du Conseil d'Etat alors que nous l'avions refusée. Cet amendement ne tend qu'à rétablir la situation antérieure et je demande donc à la majorité des groupes, qui a voté contre cette gestion, de refuser l'amendement. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je soumets cet amendement à votre vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 11 oui et 16 abstentions.

Mis aux voix, l'article unique est adopté.

Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Il l'est. Etant donné l'heure, nous le commencerons demain matin à 8h avec les prises de position finales des groupes.

Quatrième partie du débat sur les comptes 2019 (3e débat): Séance du vendredi 28 août 2020 à 8h