République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12668-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous attaquons maintenant le traitement du PL 12668-A, à savoir le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019. Le premier débat est classé en catégorie II, cinquante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je constate tout d'abord que cette année, le temps de parole a été raboté par rapport aux années précédentes; c'est dommage, parce que les comptes représentent tout de même un moment important pour ce parlement. Mais soit, on s'adaptera... comme avec les masques !

Mesdames et Messieurs les députés, mon rapport contient en substance ce que je vais vous dire. Comme vous avez pu le constater, les revenus s'élèvent à pratiquement 9 milliards, moins les charges. Le Conseil d'Etat a relevé dans son exposé des motifs que le delta entre la croissance des charges et celle des revenus diminue; par conséquent, il se demande si nous pourrons faire face à la situation eu égard aux textes qui ont été votés dernièrement, à savoir la RFFA et le contreprojet à l'initiative 170. De notre côté, nous pensons qu'avec les moyens dont dispose une république comme celle de Genève, avec la richesse qui est produite dans ce canton, nous n'aurons pas trop de difficultés à affronter ces défis. Vous comprendrez, Monsieur le président, que les conséquences de la RFFA sont de la responsabilité du Conseil d'Etat, puisqu'il a milité très vivement pour que cette loi soit acceptée par le peuple; il en assumera lui-même la responsabilité.

Le PL 12668 a été accepté, Mesdames et Messieurs, mais comme vous le savez très bien, la gestion du Conseil d'Etat a été refusée. Il faut souligner ici qu'elle n'a pas été rejetée pour les mêmes raisons selon les groupes. Pour les représentants de la droite, les mesures structurelles sont insuffisantes face à la hausse des charges et toute augmentation fiscale est malvenue; ils refusent dès lors cette gestion, tout simplement parce que les mesures structurelles qu'ils appellent de leurs voeux n'y figurent pas. Pour la gauche, c'est le contraire: aujourd'hui, certaines prestations sont nécessaires, par exemple dans l'enseignement et la santé. Or lors du budget 2019, le nombre de postes a été diminué, et rien que pour ça, nous ne pourrons pas accepter la gestion du Conseil d'Etat. Pour d'autres partis, c'est la question des investissements qui pose problème, ils considèrent qu'il n'y en a pas assez dans certains établissements - mais, encore une fois, cela relève de la responsabilité du gouvernement.

Un élément a influé sur nos travaux, c'est le covid, ou plutôt les conséquences de cette crise, notamment ces files de quelque 5000 personnes qui allaient chercher un cabas alimentaire. Comment expliquer que du jour au lendemain, Mesdames et Messieurs, alors que des milliers de gens vivent sans papiers depuis des années et des années dans cette république, le Conseil d'Etat constate qu'ils existent - ils sont pourtant là depuis très longtemps - que suite à la pandémie, une catastrophe peut survenir et qu'il faut y faire face ? Qu'en est-il de ce qu'on appelle la prévision ? La gestion, c'est de la prévision ! Ces personnes contribuent à l'économie, on aurait dû prévoir que cela pouvait arriver. C'est assez dommageable, l'image que Genève a donnée en organisant des distributions de cabas aux gens; on aurait pu leur accorder des moyens financiers, un petit chèque chaque semaine, quoi ! Mais non, non: on distribue des petits cabas, et il faut bien contrôler, n'est-ce pas, pas que les gens les revendent ! C'est inadmissible, Mesdames et Messieurs, et rien que pour ça, nous ne pouvons pas approuver cette gestion.

Ensuite, Mesdames et Messieurs, il y a toujours 8000 à 9000 demandeurs de logements, la pénurie se poursuit année après année. Une fois, passe encore... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...mais enfin, au bout de quelques années, on devrait pouvoir résorber la carence ! Et surtout, il manque des logements d'urgence. Ce parlement en demande constamment, mais rien n'est fait, il y a toujours un manque. C'est à croire qu'il n'y a plus de besoins urgents dans ce canton !

Par ailleurs, il y a un constat tout à fait alarmant, c'est que les infrastructures des établissements...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Alberto Velasco. Ah bon ?

Une voix. C'est trop court !

Le président. Oui, le premier débat est classé en catégorie II, cinquante minutes, soit cinq minutes par...

M. Alberto Velasco. Mais je croyais que j'avais vingt minutes, Monsieur le président !

Le président. C'est cinq minutes par rapporteur et cinq minutes par groupe. Je cède à présent la parole au rapporteur de minorité, M. Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'année 2019 a été marquée par la réalisation de plusieurs projets significatifs. En voici quelques-uns: consolidation de la Genève internationale avec les travaux de rénovation de ses bâtiments, aboutissement de la RFFA et de son volet social cantonal, recapitalisation de la CPEG - même si le peuple n'a pas choisi la solution préconisée par le Conseil d'Etat - lancement du Léman Express, redimensionnement du réseau des TPG. La liste n'est pas exhaustive, je pourrais encore citer l'augmentation des prestations sociales de l'ordre de 83 millions ou le taux d'investissement qui reste relativement élevé, contrairement à ce que vient de dire le rapporteur de majorité. Le compte de fonctionnement de l'Etat tel qu'arrêté au 31 décembre 2019 présente un excédent de revenus de 188 millions qui viendra renforcer la réserve conjoncturelle.

Malgré ce bilan qui donne une image plutôt positive de la conduite des affaires dans notre République et canton de Genève, la commission des finances a refusé le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019. Je ne reviendrai pas sur les arguments des différents partis relevés dans le rapport de majorité. La minorité, quant à elle, a choisi d'assumer ses responsabilités gouvernementales et d'accepter la gestion de l'exécutif; cette même minorité avait pourtant, rappelez-vous, refusé le budget 2019, jugeant les charges trop élevées et les réformes structurelles appelées de ses voeux depuis de nombreuses années insuffisantes - on l'a entendu tout à l'heure. C'est d'ailleurs partiellement pour ces raisons que certains groupes de droite ont décidé de s'abstenir, voire de rejeter le présent projet de loi. Le budget 2019 avait déjà été alourdi de quelques dizaines de millions par une alliance gauche-MCG qui avait tenu à allouer davantage de moyens à l'Etat pour qu'il puisse mieux servir ses prestations à la population. Paradoxalement, certains alliés d'hier ont refusé plusieurs politiques publiques auxquelles ils avaient accordé plus de moyens; les esprits chagrins pourraient y voir la démonstration que donner toujours plus n'a pas forcément pour corollaire une augmentation de l'efficacité ou de l'efficience.

La minorité est d'avis que l'examen des comptes de l'Etat permet de jauger la gestion de chaque politique publique. Il n'est donc pas raisonnable, sur la base d'une réalisation qui ne plaît pas à l'un ou à l'autre des partis représentés, d'un programme qui n'a pas atteint ses objectifs ou encore d'un projet qui n'a pas été concrétisé, de refuser une politique publique dans son intégralité. Il en va de même d'un rejet pur et dur lié à une posture politique dogmatique ou encore de la référence à des événements qui ne concernent pas la gestion de l'année examinée; or c'est principalement ce type d'arguments que l'on a entendus dans le discours politique passionné du rapporteur de majorité.

Pour nous, un parti gouvernemental doit assumer ses responsabilités quant à la gestion de l'Etat et soutenir l'action globale de l'exécutif pour mener une politique au service des citoyennes et des citoyens. Il est beaucoup plus constructif et responsable de proposer des actions et des mesures correctrices que de rejeter purement et simplement tout ou partie du rapport examiné. En règle générale, les commissaires ont soutenu les politiques publiques gérées par leurs magistrats respectifs, mais les ont toutefois désavoués en rejetant la gestion du Conseil d'Etat dans son ensemble. Aux yeux de la minorité, la seule démarche objective consiste à examiner chaque programme et chaque priorité de chacune des politiques publiques, puis à se déterminer en fonction du bilan globalement obtenu; nous avons ainsi adopté toutes les politiques publiques, à l'exception d'une seule. Toutefois, ce refus ne nous empêchera pas d'accepter - et de vous recommander de le faire également - le rapport de gestion 2019 du Conseil d'Etat, car son travail est dans l'ensemble satisfaisant.

Forte de ce constat, Mesdames et Messieurs, la minorité n'interviendra pas systématiquement pour contrer tel ou tel argument dans les débats qui suivront. En revanche, ainsi qu'annoncé dans son rapport, elle présentera un amendement au projet de loi tel qu'issu des travaux de commission: il s'agit de revenir à la teneur initiale du texte. La minorité vous recommande vivement de le voter et, par là même, d'approuver la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019; cela implique, vous l'avez compris, que vous acceptiez préalablement l'entrée en matière. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). L'UDC n'est pas satisfaite de la manière dont le Conseil d'Etat mène sa barque, mais nous voterons tout de même l'entrée en matière sur ce projet de loi pour pouvoir discuter par la suite. Il ne s'agit pas de tirer à boulets rouges sur les membres du gouvernement; ils ont déjà beaucoup de travail à sept, alors maintenant qu'ils se retrouvent à 6,1, il est évident que la charge est considérable. A cet égard, je dois féliciter M. Poggia, je ne sais pas comment il tient le coup avec ce surplus de travail - faites attention à votre santé, Monsieur Poggia !

Parmi les points qui nous désolent, il y a d'abord l'histoire de SCORE: voilà des années qu'on nous promettait une nouvelle grille salariale pour l'Etat, qu'on nous disait que le projet était à bout touchant, qu'on allait le voter, et puis même si on ne le savait pas encore à la fin de l'année passée, cette réforme est maintenant abandonnée. Cela a coûté des millions pour rien ! Un nouveau système de rémunération est pourtant indispensable, parce que l'existant est beaucoup trop ancien. Voilà le premier point que je voulais soulever.

Deuxièmement, nous n'acceptons pas que le Conseil d'Etat ait proposé au Grand Conseil de déroger à une loi, celle qui interdit d'affecter le boni de l'Etat à la réserve conjoncturelle, juste parce que les investissements n'étaient pas couverts. Une fois de plus, on modifie la législation, et pour quelle raison ? Simplement pour repousser des échéances difficiles, c'est-à-dire le moment où il faudra réduire la dette et limiter nos dépenses. Le Conseil d'Etat ne prend aucune mesure pour réaliser des économies - nous allons le sentir encore cette année - pour mettre en place une administration plus moderne et plus souple.

Aussi, ce qui nous inquiète beaucoup, c'est que le Conseil d'Etat vise la quadrature du cercle: d'un côté, on accepte que la population de Genève augmente de façon démesurée - je rappelle qu'elle a crû de 125 000 habitants en trente ans - et de l'autre, on nous dit: «Nous allons tout mettre en oeuvre pour préserver l'environnement et maintenir la biodiversité.» C'est totalement antinomique ! Quand j'étais gosse, Mesdames et Messieurs, le canton de Genève comptait moins de 300 000 habitants, il y avait beaucoup de campagne, il n'y avait pas de problèmes de biodiversité; c'est la croissance démographique de ce canton qui fait que la biodiversité diminue. C'est tellement évident, tellement clair, et pourtant, le Conseil d'Etat ne semble pas l'avoir compris.

Alors c'est bien gentil de prendre des mesures, mais moi j'habite la campagne et je peux vous dire qu'il n'est pas un mètre carré de surface de compensation écologique qui ne soit pas foulé tous les jours par des centaines de personnes qui viennent se promener au vert parce que c'est agréable. Comment voulez-vous maintenir une biodiversité sur un territoire qui mesure à peine 250 kilomètres carrés - sans le lac - si la population continue à s'accroître ? On nous promet une Genève de bientôt 600 000 habitants ! C'est une question fondamentale, une grosse inquiétude, notamment vis-à-vis de nos enfants et de nos petits-enfants. Il s'agit de réfléchir au genre de monde que nous allons leur transmettre, parce que si on poursuit dans cette voie, on va se retrouver avec une seule ville qui s'étirera de Genève à Zurich. Est-ce que c'est vraiment ça que vous voulez ? Pour ma part, en tout cas, ce n'est pas ce que je souhaite pour la prochaine génération. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts, les comptes que nous examinons aujourd'hui représentent une sorte de bilan d'entrée, un point de référence. L'année 2019 que nous venons de traverser est la dernière année normale, je dirais, et nous voyons qu'ils sont essentiels pour comprendre ce que nous vivons et anticiper la suite. L'exercice que nous nous apprêtons à effectuer revêt ainsi une grande importance, ces comptes serviront de point de référence.

La grève des jeunes pour le climat nous a spécialement interpellés: ils nous ont demandé ce que nous faisions au sujet du réchauffement climatique, des îlots de chaleur qui se développent à l'intérieur de nos villes, ils nous ont demandé ce que nous faisions pour relocaliser l'économie et lutter contre l'effondrement de la biodiversité. Notre planète a des limites, et nous les avons dépassées; nous les avons dépassées plusieurs fois, en fait, mais cette responsabilité n'est pas que celle du gouvernement, c'est aussi celle de notre parlement. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat mènent une politique pour ce canton qui n'est pas celle que les Verts souhaiteraient, qui ne tient pas compte de l'ampleur de la catastrophe que nous sommes en train de vivre.

Nous constatons cette année que nous sommes particulièrement vulnérables: une vulnérabilité collective dont nous faisons l'expérience ensemble, même si elle est plus prégnante chez les plus faibles. Si, d'un point de vue comptable, les comptes de l'Etat que nous allons analyser maintenant sont extrêmement bien tenus - on le redira tout à l'heure - et que le travail de l'administration est remarquable, ils ne prennent en revanche pas la mesure de la crise que nous traversons.

Alors les Verts ont cette fois-ci décidé de refuser le rapport de gestion. C'est certainement une posture politique, mais c'est aussi un cri d'alarme, c'est dire à ce parlement et à notre gouvernement que nous nous trouvons dans une situation critique. Vous connaissez la légende du colibri, il ne s'agit pas juste d'une démarche morale individuelle: si le colibri n'entraîne pas l'éléphant dans sa mission de coupe-feu, s'il ne fait pas figure d'exemple politique pour les autres, son travail ne sert à rien. «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs», disait Jacques Chirac. Cette inquiétude-là, Mesdames et Messieurs, c'est avec un geste fort que nous tenons à la partager avec vous aujourd'hui.

M. Jean Burgermeister (EAG). D'abord, un petit mot pour répondre au rapporteur de minorité, M. Forni, qui mettait en doute l'utilité des quelques millions que nous avions, c'est vrai, réussi à arracher lors du budget 2019 avec l'ensemble de la gauche: pour l'essentiel, ces fonds sont allés à l'Hospice général et à l'hôpital public. Il est difficile aujourd'hui, Monsieur Forni, vous en conviendrez, de soutenir que les HUG et l'Hospice général n'ont pas besoin d'argent, qu'ils croulent déjà sous des sommes démesurées et qu'il n'était pas important de renforcer leurs moyens - sans doute pas de manière satisfaisante, mais un tout petit peu quand même - eu égard à la crise sanitaire et sociale majeure que nous traversons.

L'excédent de revenus 2019 - ces fameux 188 millions - montre que notre canton a les moyens de mener des politiques plus ambitieuses sur le terrain social comme environnemental; malheureusement, une majorité de ce parlement et le Conseil d'Etat pratiquent année après année la politique des caisses vides. D'ailleurs, immédiatement après avoir annoncé des comptes excédentaires, le gouvernement a essayé de faire passer... Non, pardon: il a réussi à faire passer la RIE III, rebaptisée RFFA, grâce à l'ajout de subsides d'assurance-maladie qui n'avaient rien à faire dans cette histoire !

Mesdames et Messieurs, c'est la multiplication des cadeaux fiscaux en faveur des grandes entreprises et des personnes les plus aisées de ce canton qui assèche les caisses publiques, qui empêche ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat de poursuivre une politique de redistribution des richesses. Résultat ? De plus en plus d'économies budgétaires qu'on appelle dans le jargon «compression des charges», une explosion des inégalités sociales. A Genève, des richesses colossales sont concentrées entre un tout petit nombre de mains. Un rapport de la Confédération montre que notre canton est celui dans lequel la fortune est la moins bien répartie et croît le plus rapidement, c'est-à-dire qu'il y a un petit groupe d'ultrariches qui s'enrichissent à une vitesse folle pendant que des pans toujours plus larges de la population s'appauvrissent.

Or au lieu de contrer cette situation par un développement des services publics, par une consolidation des prestations à la population, la majorité de ce parlement et le gouvernement la renforcent en démantelant les services publics. On le voit à l'heure de la crise: le Grand Conseil vote bien plus rapidement des compensations aux cadres d'entreprises que des aides aux travailleuses et travailleurs qui, du jour au lendemain, ont pourtant perdu tous leurs revenus. La crise dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui montre l'importance vitale des services publics; l'hôpital en est évidemment devenu le symbole, et s'il a réussi à faire face à la première vague de la pandémie, c'est avant tout grâce au courage et à l'abnégation des salariés des HUG ! Leur engagement ne doit pas masquer, Mesdames et Messieurs, à quel point les politiques de restrictions budgétaires menées année après année, et ce alors que nous avons les moyens de renforcer les services publics, peuvent être dangereuses pour la population.

A l'avenir, on le sait, nous aurons besoin d'une intervention massive de l'Etat pour redistribuer les richesses, pour protéger les citoyens face à la crise sanitaire, face à la crise sociale qui gagne du terrain, et pour cela l'Etat aura besoin de ressources. Nous savons aussi qu'elles manqueront cruellement dans les mois et les années à venir, et c'est pourquoi il est urgent de s'attaquer aux privilèges des plus aisés de ce canton qui ne paient pas les impôts qu'ils devraient. Ensemble à Gauche a commencé le travail: nous déposerons lundi notre initiative pour imposer les gros actionnaires au même titre que n'importe qui dans cette société, au même titre que les salariés, les retraités et les petits actionnaires. Les gros actionnaires doivent s'acquitter d'impôts sur la totalité de leurs revenus, ni plus ni moins; cela devrait permettre à l'Etat de percevoir entre 100 et 150 millions par année, ce qui représente pour 2020 le déficit de l'Hôpital cantonal.

Il faudra aller plus loin, évidemment, il faudra multiplier les initiatives qui s'attaquent aux privilèges des plus riches afin de garantir le financement des services publics, car nous le savons aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons plus nous voiler la face: le démantèlement des services publics nuit gravement à la santé, l'austérité tue. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien que la gestion financière du Conseil d'Etat pour l'année 2019 ne pose factuellement aucun problème au regard de la loi et du budget, notre parlement s'apprête à s'adonner à son exercice préféré: la mise en accusation du Conseil d'Etat et de sa gestion politique, objet de toutes les récriminations électoralistes, malintentionnées et inappropriées. On devrait se limiter à se référer à 2019 en ce qui concerne cette thématique. Sans grande surprise, l'enjeu sera pour chaque parti de glorifier son magistrat et d'encenser sa ligne politique, indépendamment de toute analyse critique sérieuse; cette session sera également l'occasion pour chaque groupe de jeter l'anathème sur les autres conseillers d'Etat dont le moindre projet, programme ou ouvrage déplaît fortement.

Or la situation politique actuelle de même que l'allongement constant de notre ordre du jour exigent de nous, députés, des actions bien plus urgentes et consistantes qu'un vulgaire combat de coqs. A ce titre, le PDC regrette que le rapport de gestion ait été refusé à la commission des finances par cinq partis, dont trois gouvernementaux, ceux-là même qui avaient négocié et obtenu le budget 2019 qu'ils réclamaient à cor et à cri, mais qui en conspuent aujourd'hui la gestion par notre exécutif. Ce n'est pas sérieux, c'est même lamentable ! Le PDC, alors même qu'il avait refusé le budget 2019, votera pour sa part ce rapport de gestion, non pas que le Conseil d'Etat soit exempt de reproches, loin de là, mais il faut savoir faire la part des choses: sanctionner huit politiques publiques sur treize par colère, déception ou frustration n'est pas à la hauteur du mandat qui nous a été confié ni des responsabilités qui sont les nôtres vis-à-vis de l'action gouvernementale.

Le Conseil d'Etat a oeuvré du mieux qu'il a pu, mais il ne peut pas fonder une vision politique viable sans la coopération fondamentale du parlement dont le fonctionnement et les travaux requièrent la même cohérence, la même efficacité et la même raisonnabilité que celles que nous, députés, exigeons de lui. Il est impératif que nous cessions de faire porter au Conseil d'Etat la responsabilité de tous les maux de cette république, maux le plus souvent induits, entretenus et instrumentalisés par un Grand Conseil divisé, sans orientation claire ni compromis solide; il est impératif que nous dépassions notre incapacité à dialoguer pour définir ensemble une orientation politique ambitieuse, durable et réaliste pour Genève et sa population; il est impératif que nous nous affranchissions de nos travers parlementaires pour retrouver la capacité de forger ensemble des actions politiques solides, basées sur la confiance et la concertation.

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en présence du dernier exercice comptable relativement stable avant l'impact financier durable de plusieurs réformes majeures et de la crise sanitaire. Le PDC est convaincu que la constante augmentation des charges et l'invariable absence de réformes structurelles ne pourront constituer de solution soutenable à court terme pour notre canton. Alors que la dette s'aggrave considérablement, nous devrons nous poser la question des arbitrages à effectuer afin de contrôler les charges de fonctionnement tout en garantissant les services essentiels à la population.

En attendant le projet de budget 2021, il est urgent d'abandonner les postures idéologiques stériles et de nous recentrer sur la réalité du rapport de gestion 2019 du Conseil d'Etat afin d'adopter avec pragmatisme, sérieux et responsabilité un bilan de fonctionnement objectivement satisfaisant au regard de la loi et du budget. Mesdames et Messieurs les députés, ne nous perdons pas en sautes d'humeur et tâchons de rester dignes du mandat qui nous a été confié. La république et le peuple de Genève nous regardent et nous jugent. Merci. (Applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit bien pour nous aujourd'hui d'examiner le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2019, et non d'évaluer sa gestion de la crise sanitaire. Néanmoins, la pandémie que nous vivons constitue un formidable révélateur: révélateur de la vulnérabilité de l'Etat dans les périodes de crise, révélateur des dysfonctionnements de certains services publics qui n'ont plus les moyens d'assurer leur mission, révélateur aussi de la réalité économique et sociale d'une partie de notre population que certaines et certains refusaient de voir jusqu'à maintenant.

Cette situation est très peu enviable, et l'image de ces longues files d'attente de personnes allant chercher de l'aide alimentaire aux Vernets, qui nous ont fait connaître jusque de l'autre côté de l'Atlantique, n'est que la pointe de l'iceberg; en réalité, c'est le résultat de plusieurs années de mesures d'efficience et d'une politique de rigueur qui ont non seulement asséché les finances publiques, mais également mis sous pression bon nombre de services de l'Etat et d'établissements subventionnés, tant et si bien que ceux-ci marchent désormais sur un fil, en équilibre précaire, et ne sont absolument pas préparés à subir le moindre choc.

Si l'on effectue une analyse plus précise des différentes missions de l'Etat et des services publics, le constat est passablement négatif. Les EPI, par exemple, se retrouvent dans une situation véritablement catastrophique: manque criant de personnel, augmentation des cas et des personnes à encadrer, à tel point qu'aux dires même de la directrice de cette institution, la situation fait courir un risque important tant aux employés qu'aux patients.

On relève par ailleurs une hausse constante du nombre de personnes à l'aide sociale ces dernières années, sans que des moyens financiers suffisants soient accordés à l'Hospice général. Ainsi, cette structure se trouve aujourd'hui dans l'incapacité de s'acquitter d'une partie de ses tâches, pourtant inscrites dans la loi, comme l'accompagnement administratif des bénéficiaires, et ce évidemment au détriment de leur réinsertion.

Si on s'attarde sur la situation dans les EMS, elle n'est pas plus réjouissante: en dépit d'une initiative acceptée par le peuple, les effectifs sont actuellement insuffisants pour encadrer les bénéficiaires, et la pression sur les coûts que subissent ces entités les amène régulièrement à devoir faire le choix d'externaliser une partie de leurs services et de leurs employés, ces derniers venant alors grossir un peu plus les rangs des working poors.

En ce qui concerne les HUG, les différents plans de mesures dits d'efficience et le virage ambulatoire font subir une pression énorme aux salariés. De plus, en raison du manque de matériel et d'infrastructures, l'hôpital a énormément de peine à gérer des situations anormales, des situations de choc, des situations de crise - nous l'avons vu ces derniers temps.

En matière de politique environnementale, le Conseil d'Etat prend de nombreux engagements, mais fait preuve de très peu de volonté politique pour réaliser ces ambitions affichées; bien souvent, il se contente de nous faire miroiter une solution qui tourne exclusivement autour du projet technologique sans prendre de mesures plus audacieuses pour limiter notre impact sur l'environnement et le climat.

Dans le domaine de l'éducation qui, aux yeux du parti socialiste, constitue un vecteur essentiel pour réduire les inégalités, le gouvernement ne peut que colmater les brèches et tenter péniblement de répondre à la croissance démographique. Pourtant, la réalité que vivent les enseignants est tout autre: les cas se complexifient, les besoins particuliers des élèves augmentent, et tout cela nécessite des moyens supplémentaires.

Quant au droit au logement, ce n'est de loin pas une réalité, tandis que la politique anachronique menée au niveau pénal fait exploser la population dans nos prisons. Certaines personnes résidant à Genève ont énormément de peine à obtenir le renouvellement de leur permis, ce qui les prétérite dans leurs recherches d'emploi. Bref, la situation est extrêmement peu enviable.

Il faut toutefois noter que le Conseil d'Etat n'est pas seul responsable: c'est l'ensemble de la majorité de droite du Conseil d'Etat et du Grand Conseil qui, année après année, a asséché les finances publiques et nous a mis dans cette situation. Nous refuserons donc le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR). Comme cela a été dit, il s'agit ici du rapport de gestion pour l'année 2019. Cet exercice 2019 est lié à un budget que le groupe PLR avait refusé. Par conséquent, nous ne nous sentons pas comptables, sans mauvais jeu de mots, de la gestion qu'en a faite le Conseil d'Etat, et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus en commission comme d'ailleurs nous le ferons aujourd'hui sur ce rapport de gestion.

J'aimerais rappeler que si le groupe PLR avait refusé le budget 2019, c'est tout simplement - vous le savez, on le répète sans cesse - parce qu'aucune réforme structurelle de fond n'avait été engagée par le Conseil d'Etat, parce qu'il n'y avait pas de frein efficace à l'expansion sans limites des dépenses de l'Etat de Genève. Or, Mesdames et Messieurs, d'autres l'ont déjà dit, mais pour de mauvaises raisons à mon avis: la crise du covid-19 que nous connaissons - et qui a lieu en 2020 - devrait quand même nous ouvrir les yeux sur un certain nombre de points.

D'abord, la Suisse s'en sortira certainement mieux que d'autres pays - d'un point de vue économique, j'entends. En effet, elle a eu l'intelligence, lorsqu'il y a eu de belles années, des années de vaches grasses, grâce aux mécanismes de frein à l'endettement et au déficit qui existent au niveau de la Confédération et dans plusieurs cantons, de mettre de l'argent de côté pour les moments plus difficiles, c'est-à-dire précisément ceux que nous connaissons en cette année 2020, et c'est pourquoi la Confédération s'en sortira bien, la plupart des cantons aussi.

A Genève, évidemment, au lieu de prendre exemple sur les autres cantons et sur notre beau pays, on préfère regarder ce que fait notre voisin français, comme s'il s'agissait d'un modèle à suivre, ce même voisin qui connaît depuis 1976 un déficit structurel monumental - je n'étais même pas encore né. Cette crise, je le disais, doit nous ouvrir les yeux; elle doit nous ouvrir les yeux sur le fait que lorsque l'économie va bien, alors il faut mettre de l'argent de côté pour que lorsque ça va mal, on puisse aider tous ceux - tous ceux ! - qui se trouvent dans le dénuement. C'est malheureusement l'exact contraire que l'on fait, et on ne peut s'en prendre qu'à nous-mêmes aujourd'hui.

Au sujet de ce qu'a dit mon préopinant d'Ensemble à Gauche, qui est contre les politiques de restrictions budgétaires, j'aimerais le rassurer: pour l'instant, on ne connaît tout simplement pas ça. Quelle est la réalité des comptes, Mesdames et Messieurs ? Je parle bien des comptes, de ce qui a été approuvé par ce parlement au niveau comptable: de 1998 à 2019, une augmentation de 24% de la population alors que dans le même temps, les charges de l'Etat ont crû de 54%. Comment ose-t-on parler de restrictions budgétaires lorsque la hausse des charges de l'Etat est le double de celle de la population ? Peut-être devriez-vous porter votre masque un peu plus bas, Monsieur Burgermeister, vos yeux ont dû être cachés et vous avez mal lu les chiffres. La réalité, donc, c'est d'abord une bonne nouvelle: les restrictions budgétaires n'ont jamais été appliquées à l'Etat de Genève, vous devriez vous en réjouir.

Pourquoi n'ont-elles pas été appliquées ? Parce que dans le même laps de temps, Mesdames et Messieurs, les recettes fiscales, elles, ont augmenté de 100%. Alors venir critiquer ceux qui ne paient prétendument pas d'impôts alors que ce sont précisément eux qui versent l'immense majorité de l'impôt sur le revenu comme de l'impôt sur la fortune, c'est juste faire fi de la réalité comptable et budgétaire de notre canton; il serait temps, s'il vous plaît, d'ouvrir les yeux.

Le groupe PLR a évidemment certaines critiques à émettre sur le Conseil d'Etat, mais elles sont d'ordre global: l'impression de n'avoir aucune équipe sur le terrain, mais sept joueurs - ou 6,1, comme le disait mon préopinant - avec chacun qui prend la balle de son côté sans savoir exactement où se trouve le but adverse. Et ça, c'est dommage. Quant à nous, nous souhaiterions non pas un travail en silos, mais une vraie action d'équipe, des départements qui ne dressent pas chacun leur liste au père Noël au moment du budget, mais se mettent d'accord sur les priorités de l'Etat, mettent en oeuvre ces priorités-là, investissent des moyens dans celles-ci, arrivent à ouvrir les yeux et à se dire: peut-être y a-t-il d'autres domaines où il n'y a plus de priorités, certaines prestations votées il y a quinze, vingt ou trente ans ne sont plus d'actualité, cessons cela, prenons les moyens qui existent et mettons-les là où on considère qu'il s'agit de priorités pour notre population.

Nous connaissons aujourd'hui une situation terrible, mais plus au niveau sanitaire, puisque je rappelle au Conseil d'Etat, qui a lui aussi un problème de vision, qu'il n'y a absolument plus personne en soins intensifs aux HUG, qu'il n'y a plus de décès dus au covid, et c'est tant mieux, ce sont de bonnes nouvelles; non, la situation est terrible économiquement et socialement, et nous espérons que le Conseil d'Etat ouvrira les yeux, non pas sur les comptes 2019 qui sont bouclés ni sur le budget 2020 qui a été voté - par nous, pas par eux - mais bel et bien sur le budget 2021 et les suivants. Merci.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Dans le cadre des débats sur le budget 2019, le MCG a joué un rôle central afin que nous obtenions des moyens supplémentaires pour les HUG et l'IMAD. La crise du covid, cette terrible pandémie que nous avons traversée - que nous traversons encore - a confirmé que nous avions raison, que cette direction était la bonne, quoi qu'en aient dit certains à l'époque.

Ce qui nous déplaît fortement, ce qui ressort de manière dominante pour nous dans la gestion du Conseil d'Etat, c'est sa politique de mobilité. En effet, les conséquences de cette politique dogmatique, politicienne sont catastrophiques pour la prospérité de notre canton: elle fait fuir les contribuables, elle dissuade l'activité économique, elle crée des nuisances, elle entraîne un gaspillage généralisé. Il suffit de se rendre dans certaines gares du CEVA, comme le soulignait quelqu'un ce matin sur «La Première» de la radio suisse romande: ce sont des espaces vides ! Franchement, avoir versé autant de milliards pour un résultat pareil...! On attend encore pour voir le bilan final, mais on est grandement dubitatifs.

Autre problème important à nos yeux, c'est qu'on investit beaucoup trop dans la mobilité, on engage des sommes conséquentes. Or cela se fait au détriment des HUG qui connaissent un grave déficit avec certaines de leurs cliniques et structures hospitalières. C'est quelque chose d'inquiétant, on devrait opérer un rééquilibrage.

Rééquilibrage nécessaire aussi au niveau des bâtiments de l'Etat qui sont négligés, qui ne sont pas suffisamment entretenus; il faudrait s'atteler à leur rénovation complète. J'aime bien quand certains parlent de réchauffement climatique, mais ce ne sont pas quelques centimètres supplémentaires de pistes cyclables qui auront un effet décisif sur l'état de la planète. En revanche, en rénovant les immeubles de l'Etat, on aura une influence notable et concrète. C'est là qu'il faut mettre en oeuvre une politique déterminante, une politique offensive.

Concernant un sujet qui nous est cher, c'est-à-dire la préférence cantonale, si nous nous réjouissons de la ligne suivie par le DSES, il faudrait aller encore plus loin, instaurer une vraie politique de préférence cantonale. Voilà l'objectif que nous devons atteindre. Malheureusement, malgré des efforts déployés dans quelques départements, la politique menée n'est pas encore suffisante. Le but, c'est vraiment de protéger l'emploi des résidents genevois, de protéger nos PME qui souffrent, de protéger notre patrimoine naturel cantonal.

L'un des préopinants de l'UDC a justement évoqué le bétonnage, la destruction de la nature genevoise; voilà quelque chose d'important ! Notre objectif, au final, l'objectif que nous défendons parfois dans le désert, parfois en trouvant des relais - mais c'est hélas trop rare - l'objectif du MCG est de protéger les citoyens.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. En premier lieu, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à remercier le rapporteur de majorité, M. Velasco, ainsi que le rapporteur de minorité, M. Jean-Luc Forni, pour leurs rapports respectifs. J'aurai l'occasion de reprendre la parole plus longuement s'agissant des comptes.

En ce qui concerne le rapport de gestion, votre débat fait office de défouloir, même s'il est assez calme, je le reconnais, et empreint d'amabilité: ce que le Conseil d'Etat a fait faux, ce qu'il aurait dû faire différemment, ce que vous auriez souhaité, ce que vous auriez fait si vous aviez plus de pouvoir, ce que nous aurions dû faire si nous nous entendions mieux... Nous en prenons acte, Mesdames et Messieurs, mais soyez assurés que l'ensemble de mes collègues et moi-même avons eu pour volonté de gérer au mieux ce canton en 2019 et que nous avons utilisé les deniers publics conformément à vos demandes, conformément à vos décisions - nous serons amenés à en reparler.

Vous savez, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat est ce qu'il est, le Grand Conseil aussi, la population également. En 2019, le Conseil d'Etat a dû composer avec certains choix de votre parlement, choix que nous avons respectés, mais qui allaient dans des sens totalement opposés. Naturellement, cela a compliqué la donne, il a fallu faire face à une augmentation des prestations d'un côté et à une baisse des revenus de l'autre. Vous conviendrez avec moi que l'équation, par certains moments, peut se révéler peu lisible.

Je n'entends pas vous le reprocher, vous êtes le législatif, vous votez des lois et la population les valide, mais sachez qu'aucun d'entre nous n'a pas eu à coeur de faire ce pour quoi nous avons été élus. Contrairement à ce qui a été indiqué, contrairement à ce que certains d'entre vous ont souligné, nous ne fermons pas les yeux, nous nous regardons, nous nous parlons, nous agissons ensemble en essayant de faire au mieux. Dès lors, nous prenons acte de votre «y a qu'à, faut qu'on», et je me réjouis que nous nous penchions enfin sur des éléments plus financiers. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12668 est adopté en premier débat par 65 oui et 12 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons au deuxième débat, pour l'examen du rapport de gestion du Conseil d'Etat, c'est-à-dire l'étude des politiques publiques. Chacune des politiques publiques sera appelée, il y aura un débat, au terme duquel le Conseil d'Etat répondra aux questions, puis elle sera soumise au vote. Je vous rappelle que les rapporteurs ont vingt minutes à disposition, les groupes trente minutes, chaque intervention étant limitée à cinq minutes.

C - COHÉSION SOCIALE

Le président. Nous commençons par la politique publique C «Cohésion sociale». La parole est demandée par M. le député Christo Ivanov, à qui je cède le micro.

M. Christo Ivanov (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais intervenir sur deux points de ce rapport 2019 en lien avec le sport. Le premier concerne la future patinoire...

Le président. Monsieur le député, nous traitons la politique publique C «Cohésion sociale» !

M. Christo Ivanov. Ah oui, c'est la politique publique D ! Pardon ! (Commentaires.)

Le président. Nous aborderons en effet la question des sports lors de l'examen de la prochaine politique publique. Je passe la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la politique publique de la cohésion sociale se déploie depuis près de vingt ans sur un terrain particulièrement difficile, marqué par une dégradation très importante du contexte économique et social, et cela n'est rien en comparaison de la crise majeure à laquelle les incidences de la covid-19 vont nous confronter. Les inégalités n'ont cessé de se creuser, la pauvreté et la précarité de se développer. Tous les signaux d'alarme sont au rouge. Les files d'attente de la faim, de la honte, ont fait exploser cette réalité à la face de notre canton. Pour l'heure, on retiendra qu'en 2018, 14,4% de la population avait besoin d'une aide de l'Etat pour faire face à ses charges. Pour l'aide sociale au sens strict, il faut savoir que le nombre de demandes a augmenté de 110% en onze ans, cela avec des effectifs bloqués durant plus de dix ans, soit avec des moyens insuffisants pour réellement aider les personnes à s'autonomiser.

Tous les services publics et privés liés au bien-être économique et social de la population travaillent à flux tendu. Ils manquent de moyens et leur expertise n'est pas reconnue; plus grave encore, leurs constats et leurs propositions ne sont pas pris en compte. Les politiques d'austérité mises en place par une majorité de ce parlement sont en train de tourner à la farce: elles finissent par induire des coûts plus importants que les pseudo-économies qu'elles étaient censées rapporter. Pour agir sur les besoins sociaux, il faut développer des alternatives, c'est-à-dire travailler sur l'emploi, sur la protection des travailleurs et travailleuses, sur les assurances sociales. Il faut en réalité accepter d'investir les moyens nécessaires pour faire face adéquatement aux besoins sociaux et économiques de la population. Il faut accepter de changer de paradigme en matière de politique sociale et économique. C'est à cela que nous vous appelons. En l'état, estimant que la politique publique C ne dispose pas des moyens de se déployer ainsi qu'elle le devrait, le groupe Ensemble à Gauche la refusera.

M. Bertrand Buchs (PDC). Cette politique publique est essentielle. Elle doit être menée et il faut la soutenir. Déjà avant la crise liée au covid - Mme Haller l'a relevé tout à l'heure - elle touchait de nombreuses personnes: à peu près 15% de la population avait besoin d'une aide sociale. Nous voterons donc cette politique publique parce que, je le répète, elle est essentielle et que l'Etat fait un effort énorme pour celle-ci.

Il se trouve toutefois, et cela nous cause du souci, qu'elle devient de plus en plus complexe, mais non pas par la faute du Conseil d'Etat. En effet, entre ce que demande la Confédération, ce que doit faire le canton et les lois qui doivent être modifiées, cette politique publique atteint un degré de complexité tel qu'on a beaucoup de peine à suivre et à comprendre ce que l'on doit faire, s'agissant des coûts - qui paie quoi ? - mais aussi de la répartition des tâches - qui s'occupe de quoi ? - entre ce que fait le canton et ce que devraient peut-être faire également les communes.

Avec le rapport de gestion que nous votons, nous nous trouvons véritablement à un carrefour; nous verrons l'année prochaine, avec le nouveau budget, ce qui devra être fait, mais le parti démocrate-chrétien souhaite vraiment décomplexifier la politique sociale. On s'est rendu compte que certaines personnes n'avaient plus accès à l'aide sociale simplement parce qu'elles ne comprenaient plus à qui elles devaient la demander. On s'est également rendu compte que des organes externes à l'Etat devaient fournir un effort énorme pour aider les gens à obtenir leurs prestations. Le parti démocrate-chrétien a toujours essayé de rendre les procédures plus simples pour que les usagers puissent obtenir ce à quoi ils ont droit. Or on a constaté qu'avec le nombre de dossiers qui augmentait, les services de l'Etat avaient beaucoup de peine à suivre et qu'ils étaient aussi confrontés à un gros problème d'absentéisme, il faut le reconnaître: si vous consultez l'annexe au rapport sur les comptes, le bilan social de l'Etat, vous verrez que le taux d'absentéisme au sein du département de la cohésion sociale est énorme. Cela démontre qu'il y a une souffrance et qu'il existe un problème dans les services qui gèrent la politique sociale.

Une réforme de cette politique est nécessaire, et nous l'appelons de nos voeux. M. le conseiller d'Etat Apothéloz a formulé plusieurs propositions, mais nous attendons de sa part qu'on aille un peu plus vite et qu'on obtienne des réponses à nos questions. Il nous semble que cela fait maintenant plusieurs années qu'on demande cette réforme, en tout cas depuis le début de cette législature, et nous avons eu de la peine à voir poindre de nouveaux projets de lois et des changements structurels pour cette politique publique.

En conclusion, nous la voterons, mais pour l'année prochaine - nous verrons avec le budget que vous nous soumettrez - il faut vraiment que la politique sociale soit beaucoup plus facile d'accès, que les gens puissent obtenir ce à quoi ils ont droit et que les services de l'Etat fonctionnent de façon plus simple, avec moins de souffrances parmi les gestionnaires de dossiers. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S). En onze ans, l'aide sociale a vu son taux augmenter de 110%: c'est le reflet d'une précarité grandissante et d'une société de plus en plus inégalitaire. Pour le groupe socialiste, il faut urgemment travailler sur les conditions de production de cette précarité sociale. Le rapport sur la cohésion sociale, pour sa part, rend compte des actions menées pour parer aux fragilités sociales. Cette mission, avec le budget attribué, dans le cadre donné, a été réalisée. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à soutenir cette politique publique et remercie les employés de l'Etat qui l'ont mise en oeuvre.

Toutefois - cela a été rappelé par mes deux préopinants - de nombreux efforts restent à faire. Il faut définitivement tourner le dos à la coûteuse logique d'austérité concernant des services comme l'Hospice général ou le service de protection de l'adulte, car si les chiffres 2019 sont qualifiés de bons, voire très bons s'agissant de l'inflexion de la courbe de l'aide sociale, en même temps, le rapport sur le non-recours à l'aide sociale montre que celui-ci explose. Question: les chiffres sont-ils bons parce que de moins en moins de gens ont besoin de l'aide sociale ou parce que ceux qui en ont besoin n'arrivent jamais au bon endroit pour l'obtenir ? Les barrières qui empêchent le recours à l'aide sociale sont trop nombreuses; le simple fait de devoir composer un numéro payant empêche certains de s'adresser aux bureaux qui pourraient leur délivrer des prestations. Cela renvoie de nombreuses personnes dans le néant statistique. Ces personnes, on les a vues surgir aux Vernets dès le mois d'avril. Elles ont pourtant des droits, qui sont aujourd'hui bafoués.

Un satisfecit toutefois sur le front des mineurs non accompagnés: le Conseil d'Etat a bougé, le parlement a bougé. S'agissant du parc d'hébergement, on arrive également à la fin des grandes opérations, avec l'inauguration des foyers de Rigot, de la Seymaz et de Saconnex, qui ont permis une meilleure prise en charge des personnes relevant de l'asile.

Le groupe socialiste vous invite donc à soutenir la politique sociale. C'est un oui d'encouragement pour poursuivre le travail entrepris, mais nous sommes bien conscients qu'à l'avenir il faudra faire encore mieux et beaucoup plus. En 2020, l'Hospice général devra faire face à une augmentation importante des coûts. Il va bientôt se trouver à court de réserves conjoncturelles. L'insertion professionnelle sera beaucoup plus difficile. Les sorties de l'aide sociale seront de plus en plus ardues et le nombre de personnes qui devront y recourir plus élevé. Aujourd'hui et à l'avenir, le non-recours à l'aide sociale ne peut plus être, ne doit plus être la variable d'ajustement de l'Etat. Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG a refusé cette politique publique, parce qu'un certain nombre de points fonctionnent au ralenti au sein du département. On attend des actions de sa part; on attend qu'il prenne en main certains aspects, notamment en coordonnant des opérations avec les communes. Il nous semble qu'elles sont complètement abandonnées à leur sort en ce qui concerne l'aide sociale d'urgence, la politique des sans-abri, et j'en passe. J'allais dire qu'on a un peu l'impression que ce département dort sur ses lauriers, mais en réalité il dort tout court ! Il n'y a pas de lauriers ! Il y a quelque chose à faire dans cette politique publique, or le Conseil d'Etat est terriblement passif en la matière et ne fait pas avancer les choses qu'il est urgent de faire avancer. Voilà quelques éléments qui font que le MCG refusera cette politique. Merci.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous remercie tout d'abord pour l'accueil généralement favorable réservé à cette politique publique C, dont les enjeux - vous en avez cité quelques-uns - sont importants pour les Genevoises et les Genevois. Il s'agit d'un budget conséquent - quelque 2 milliards - qui a trait principalement à des prestations en faveur de notre population.

Dans vos propos, vous apportez des éléments structurels: comment faire en sorte, à travers la lutte contre le non-recours, que cette politique publique soit destinée prioritairement à la population concernée ? Je me réjouis que cette question du non-recours soit amenée dans cette enceinte. En effet, pendant trop longtemps plusieurs pays et administrations publiques se sont voilé la face quant à la difficulté d'accès aux prestations, dont on sait aujourd'hui que plus elles sont prises en amont, moins elles coûtent cher à un Etat. Raison pour laquelle je me suis engagé dès 2018 à faire en sorte que nous puissions travailler les uns avec les autres sur ce problème de non-recours. Evidemment, lorsqu'on se penche sur cette question, on aborde aussi celle de la logique de la procédure, du contrôle de cette logique et de la façon dont nous sommes toutes et tous capables de faire confiance à l'administration.

Il faut par ailleurs constater qu'il y a des évolutions dans la prise en charge des personnes concernées. C'est le cas notamment de l'Hospice général, mais aussi du service de protection de l'adulte, qui a vu doubler le nombre de personnes sous mesures de protection et dont les moyens n'ont pas suivi de manière proportionnelle, de sorte que des choix ont effectivement été opérés pour que le minimum de la prestation puisse être maintenu. Cela étant, il convient de rappeler les engagements du Conseil d'Etat, qui s'échelonnent sur trois niveaux.

Le premier est celui de la prévention. Nous sommes convaincus que, dans l'investissement social, nous sommes capables de nous améliorer. A ce titre, Monsieur le député Sormanni, vous avez raison: les communes ont un rôle essentiel à jouer dans ce premier volet qu'est celui de la prévention, dans leur capacité à être plus proches de leur population et à mettre en oeuvre des politiques d'accès aux prestations financières d'accompagnement social. En ce sens, nous avons encore des efforts à faire, car il existe toujours des communes dans lesquelles il n'y a aucune prestation sociale pour les habitants, et je parle également de populations larges, comme les travailleurs pauvres, les familles ou les personnes âgées. Ce travail autour de la question de la prévention a été entamé avec l'Association des communes genevoises, et nous le formaliserons dans le courant de l'année pour pouvoir vous proposer une modification législative, soit au travers de la loi sur la répartition des tâches, soit par le biais de la future loi sur l'aide sociale et l'insertion.

Le deuxième principe fort est celui de l'accompagnement: la qualité de l'accompagnement est l'un des éléments permettant d'améliorer la sortie du dispositif d'aide sociale. Nous avons conscience que, dans la situation actuelle, et surtout depuis l'éclosion de la crise sanitaire, la question de la sortie va être particulièrement difficile à traiter, tant il est vrai que, pour quitter ce dispositif, il est aussi nécessaire de s'appuyer sur un tissu économique dynamique. Il faut ainsi que les entreprises engagent ces personnes, qui sortent parfois d'un parcours chaotique. Nous avons également besoin de travailler sur des éléments importants, je pense notamment à la problématique du surendettement, qui constitue aujourd'hui une vraie difficulté du point de vue de l'insertion. Le département oeuvre à l'élaboration d'un projet de loi visant à réunir, là encore, communes et canton dans un dispositif assez novateur.

J'ajoute que le travail sur l'hébergement d'urgence qu'a évoqué M. le député Sormanni a été largement préparé, puisque mon département a soumis en janvier de cette année 2020 à l'Association des communes genevoises un avant-projet de loi sur la question de l'hébergement d'urgence. Entre la gestion de la covid d'une part et l'entrée en fonction des nouvelles magistrates et nouveaux magistrats d'autre part, ce sujet sera repris à l'automne avec l'ACG pour qu'elle puisse statuer, puisque l'article 2, alinéa 2, de la loi sur l'administration des communes stipule que celles-ci doivent être consultées.

Je me réjouis d'ores et déjà de la capacité du département et du Conseil d'Etat à apporter un certain nombre de réformes - vous les avez appelées de vos voeux et je les rejoins - parmi lesquelles celle de la loi sur l'aide sociale et l'insertion, qui a fait l'objet d'un large travail avec plusieurs experts. Par ailleurs, certains projets que nous planifiions - et que nous planifions toujours - de concrétiser ont dû être mis au ralenti, je pense notamment à celui des prestations complémentaires familiales. Pourquoi ? Tout simplement parce que, la Berne fédérale ayant décidé de demander aux cantons d'agir dans le cadre de la nouvelle réforme des prestations complémentaires fédérales et désormais aussi cantonales, nous avons dû mettre de l'énergie et fixer des priorités - puisque ni votre commission des finances ni votre Conseil n'a souhaité accorder des moyens supplémentaires au service des prestations complémentaires - pour assumer non seulement les affaires courantes, mais également les projets de la Confédération, sachant que nous avons un délai au 1er janvier 2021 pour la mise en oeuvre de cette nouvelle loi fédérale sur les prestations complémentaires. Et puis, comme les bonnes surprises ne viennent pas seules, Berne a aussi décidé cette année de confier aux communes l'application d'une nouvelle réforme sur les prestations complémentaires, par l'adjonction d'une allocation rente-pont que les services des prestations complémentaires cantonaux devront mettre en oeuvre pour l'été prochain. Inutile de vous préciser que ce service en particulier est sous pression et qu'il a de la peine à gérer tant le quotidien que les projets que j'entreprends avec la direction du service - j'ai évoqué certains de ces éléments. Donc, non, le département ne fonctionne pas au ralenti; au contraire, il est animé par de nombreux projets et actions que nous menons afin de réaliser ce que vous avez toutes et tous voulu, c'est-à-dire augmenter la qualité de vie des habitantes et habitants de notre canton.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à votre approbation cette politique publique C.

Mise aux voix, la politique publique C «Cohésion sociale» est adoptée par 30 oui contre 25 non et 15 abstentions.

D - CULTURE, SPORT ET LOISIRS

Le président. Nous abordons maintenant la politique publique D «Culture, sport et loisirs». Je passe la parole à M. le député Christian Zaugg.

M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne disposons que de très peu de temps. Je dirai que, dans un département où il ne se passe pas grand-chose en matière de culture et de sport - mais ce n'est pas dû au seul conseiller d'Etat Thierry Apothéloz - le groupe Ensemble à Gauche n'attend que de voir la mise en oeuvre de l'initiative «Pour une politique culturelle cohérente à Genève», acceptée par 83% du corps électoral. Une initiative que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat s'obstinent à ignorer en refusant par là de tenir compte de la volonté populaire, ce qui n'est pas conforme aux fondements démocratiques de notre Etat de droit. Quant au sport, il faudra faire un peu mieux que de gérer le fonds alimenté par la Loterie romande. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Christo Ivanov, maintenant nous traitons vraiment la politique publique relative au sport. C'est à vous !

M. Christo Ivanov (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Excusez-moi pour tout à l'heure ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai quelques interrogations sur ce rapport, qui est un peu lacunaire. On voit bien que le sport est le parent pauvre: je le dis souvent, Genève n'est pas le tiers monde du sport, mais le quart monde !

En ce qui concerne la nouvelle patinoire, il est indiqué en page 222 du rapport qu'on s'oriente vers un financement par l'Etat de la future patinoire du Trèfle-Blanc. Vu notre niveau d'endettement et les années qui nous attendent - je pense aux déficits qui vont être récurrents - il semble que nous nous dirigions vers une période de vaches maigres jusqu'à ce que notre économie puisse repartir, même si l'UDC espère bien entendu que cette reprise sera la plus rapide possible. Par conséquent, comme la patinoire et le Stade de Genève dépendent de la LRT, il faut revoir cette position qui veut que la nouvelle patinoire soit financée par l'Etat. Il conviendra de s'ouvrir à des fonds privés pour parvenir à réaliser enfin cet ouvrage, qui est le voeu de beaucoup de monde.

S'agissant du pôle football, l'Association Genève Education Football doit déménager de Balexert, vraisemblablement aux Evaux, pour permettre la construction du cycle d'orientation du Renard. Il sera nécessaire d'accélérer le mouvement, car s'il fallait environ huit ans pour bâtir une école ou un cycle d'orientation il y a quelques années, les procédures durent aujourd'hui de dix à douze ans. Il serait donc bon qu'on arrive à accélérer le mouvement, si j'ose dire !

Pour finir, j'ai une question pour le Conseil d'Etat concernant le Pré-du-Stand. Le peuple a refusé, à neuf voix près, le déménagement du pôle sportif au Pré-du-Stand. Qu'en est-il du recours qui est toujours pendant ? Aurions-nous enfin une réponse ? Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Emmanuel Deonna (S). Le groupe socialiste appelle à approuver la politique publique D. Il souhaite cependant dresser plusieurs constats et poser quelques questions aux autorités.

On peut se réjouir des contrats de prestations votés par le Grand Conseil pour les trois musées soutenus par le canton - Croix-Rouge, MAMCO et fondation Bodmer. Le soutien accru à la chaîne du livre est aussi une bonne nouvelle. Au sujet du financement du Grand Théâtre, on doit toutefois déplorer la stagnation des discussions entre la Ville et le canton. Quant aux travaux de la Maison de Rousseau et de la littérature, ils ont pris un peu trop de retard, semble-t-il. Le département de la cohésion sociale - cela a été rappelé par mon préopinant d'Ensemble à Gauche - ne doit pas négliger l'initiative 167 «Pour une politique culturelle cohérente à Genève». Quel soutien financier concret y a-t-il pour la création artistique, tant pour la création indépendante que pour les institutions ? De quelle manière le tissu associatif sera-t-il intégré à la vision de politique culturelle ? L'initiative a été votée par le peuple avec une majorité écrasante et suscite beaucoup d'attentes dans les milieux culturels.

Le canton a confirmé son soutien à la relève sportive, avec deux centres de relève supplémentaires, mais le Conseil d'Etat recevra-t-il le soutien nécessaire pour Team Genève ? On espère qu'il l'obtiendra via le Fonds de l'aide au sport et le concordat romand lié à la loi fédérale sur les jeux d'argent. Le sport joue un rôle crucial pour la cohésion sociale. L'office cantonal de la culture et du sport organise plusieurs centaines de cours d'initiation pour les enfants et adolescents du canton par le biais de «GE DECOUVRE» et «GE DECOUVRE en été». Des milliers d'enfants s'adonnent ainsi pour la première fois à des activités culturelles, sportives et de loisirs; il faut s'en réjouir et persévérer. Un dépassement dans les comptes 2019 - lié semble-t-il au rattrapage de l'annuité 2016 - est en revanche préoccupant, notamment en ce qui concerne la FASe. Enfin, il reste la grande question - déjà soulevée par mes préopinants - du serpent de mer de la nouvelle patinoire, qui est toujours en route, et de la suite de l'affaire du Pré-du-Stand. Il y a beaucoup d'incertitudes sur les terrains des Evaux: l'élite du Servette FC va-t-elle vraiment pouvoir s'entraîner comme elle le doit ? Cela nous préoccupe en tant que socialistes.

M. François Baertschi (MCG). Il est certain que les affaires culturelles et sportives sont essentiellement du ressort des communes. Le canton a donc un rôle qu'on pourrait qualifier de subsidiaire ou de secondaire en la matière. Néanmoins, il joue un rôle important notamment pour la fameuse patinoire, dont on a besoin de toute urgence, mais sans précipitation. J'entends par là que cette patinoire doit être construite selon un modèle financier bien meilleur que celui du Stade de Genève, qui était une véritable catastrophe - ce que chacun sait. Ainsi, ce qui est important ici, c'est de ne pas reproduire les erreurs qui ont été commises autrefois. Il me semble dès lors que l'attitude du Conseil d'Etat est sérieuse. Il est vrai qu'on peut éventuellement déplorer une certaine lenteur, mais elle est sans doute préférable à la précipitation.

Les années précédentes, nous nous sommes inquiétés du nombre considérable de frontaliers travaillant à Genève-Plage. Nous nous réjouissons donc de voir que le nombre de frontaliers baisse et qu'il y a une amélioration notable en la matière. C'est malgré tout un symbole important pour ce secteur, car il est incompréhensible qu'on y engage aussi peu de résidents genevois. Je parle entre autres des piscines municipales, où il y a un excès d'employés frontaliers, ce qui est absurde et tout à fait incompréhensible, je le répète.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat, vous savez que le sport d'élite n'est pas du tout ma tasse de thé, mais j'aimerais faire part d'un constat dramatique à Genève: des familles n'arrivent pas à inscrire leurs enfants dans des écoles de sport, que ce soit de football, de basket, ou autre, tout cela parce que ces clubs ont besoin de moniteurs et qu'ils n'en ont pas les moyens. Il est quand même gravissime que l'on ne parvienne pas à faire en sorte que les enfants de ces familles - notamment celles qui ont peu de moyens, je peux vous le dire ! - fassent du sport dans un club, alors que nous avons mis en place une politique de sport d'élite. C'est un constat, et il faut y mettre un terme. L'égalité d'accès à l'enseignement est garantie par notre constitution, mais l'accès au sport doit l'être aussi.

S'agissant des piscines, je salue votre effort, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque vous avez effectivement été ouvert à ce domaine. J'ajoute que les citoyennes et citoyens genevois ne vont plus à la piscine pour se mouiller ou se rafraîchir, mais pour pratiquer un sport et être en bonne santé. Le canton devrait se préoccuper de cela ! Par ailleurs, eu égard à la température qui augmente, peut-être faudrait-il ouvrir les piscines à partir de 7h du matin - ce qui créerait aussi quelques emplois. Merci.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais apporter quelques éléments d'éclaircissement et de réponse quant à vos différentes interrogations sur cette politique publique D qui, comme cela a été dit - et cela me fait plaisir - concerne non seulement la culture et le sport, mais aussi les loisirs. Dès cette semaine, d'ailleurs, des cours sont proposés aux enfants pour leur permettre de découvrir un sport, de la science, de la culture et différentes pratiques. Cette question des loisirs traverse le département dans sa capacité à délivrer des prestations, vous l'aurez compris en vous rappelant ce que je vous ai indiqué à propos de la politique publique C.

L'initiative 167, votée par le peuple genevois à 83% en mai 2019, on l'a dit, est l'occasion de repenser le dispositif d'accès à la culture, ainsi que la relation qu'entretiennent les communes et le canton avec les infrastructures et la création. Le souhait des initiants comme des Genevoises et des Genevois était de s'assurer que le canton et les communes puissent s'engager dans un partenariat de cofinancement. Evidemment, une fois passés les principes, quand on parle de cofinancement, de coordination, de concertation, tous ces éléments nécessitent du dialogue, et c'est ce que nous avons entrepris non seulement avec le Conseil consultatif de la culture, mais également avec les communes, pour aboutir à un projet que nous espérons porté par tout le monde, car nous en avons besoin.

S'agissant du sport, je vous invite à relire la loi sur le sport ainsi que la loi sur la répartition des tâches et son train relatif au sport. Je vous ai trouvés très durs, voire très injustes vis-à-vis des communes, puisque ce sont elles qui sont en fait chargées de la pratique sportive pour les clubs ainsi que des infrastructures pour les clubs et la pratique. M. le député Velasco abordait la question des écoles de sport, qui est également une compétence des communes. Mesdames et Messieurs, je vous ai trouvés injustes, car elles font déjà beaucoup. Je pense à la Ville de Genève, qui figure au premier rang de celles-ci, puisqu'elle consacre plusieurs centaines de millions aux investissements et au fonctionnement d'un tissu sportif dynamique ainsi qu'au soutien en faveur des associations sportives concernées. Dans l'exercice des compétences cantonales dans le domaine du sport, il faut également relever la volonté de construire des infrastructures d'importance cantonale, de même que des éléments liés à l'accès au sport, et nous y travaillons. Donc, non, la politique sportive au sens cantonal du terme n'est pas un parent pauvre; s'agissant de l'action du département de la cohésion sociale, elle est complémentaire à l'activité des communes, et nous y oeuvrons notamment avec le Conseil consultatif du sport.

J'évoquerai aussi deux éléments phares, à commencer - vous l'avez relevé - par celui de la patinoire. Comme vous l'avez dit, Monsieur le député Baertschi, nous sommes particulièrement soucieux de faire en sorte que les travaux puissent avancer correctement et en toute sécurité. Je ne souhaite pas revivre ce que nous avons vécu ces dernières années, où nous avons toutes et tous appelé de nos voeux une nouvelle infrastructure sans qu'elle n'ait pu voir le jour. Nous avons donc besoin d'avancer, et c'est ce que nous faisons. Nous avons pris une première option, qui est celle de faire en sorte que le projet puisse être entièrement revu et retravaillé avec les départements concernés, et j'aimerais à ce stade déjà saluer le département des infrastructures et le département du territoire, qui collaborent extrêmement bien et fortement avec le département de la cohésion sociale en vue de la construction de cette patinoire.

Quant à la stratégie que la délégation du Conseil d'Etat a souhaité proposer à notre gouvernement, à savoir un investissement public pour la réalisation de cette patinoire, c'est d'abord considérer que l'Etat a aussi un rôle économique à jouer. Je voudrais également vous assurer que nous ne sommes pas fermés à des collaborations avec le secteur privé, notamment s'agissant du financement du fonctionnement de cette future infrastructure cantonale, et nous avons un objectif commun avec le club, soit celui de réaliser cette magnifique patinoire dans un délai raisonnable et avec un financement qui sera soumis, Mesdames et Messieurs les députés, à votre approbation. En effet, il s'agit d'une inscription dans le plan des investissements de notre canton et nous vous soumettrons in fine un ou plusieurs projets de lois pour avancer sur ce projet de patinoire. J'ose donc espérer que les éléments de soutien que vous avez évoqués - et je vous en remercie d'ores et déjà - pourront se concrétiser par un vote de votre parlement.

Deuxièmement, le peuple a là aussi décidé, même par un nombre de voix restreint, de refuser le projet de soutien au pôle football au Grand-Saconnex, de sorte que nous avons été dans l'obligation de combiner deux intérêts publics: celui de construire un nouveau cycle d'orientation sur le terrain de Balexert et celui de permettre à nos équipes féminines, masculines et d'élite, ainsi qu'à notre relève sportive, de s'entraîner sur les meilleurs terrains disponibles. Pour cela, en raison de la décision négative du peuple genevois, nous avons été contraints de travailler à des plans alternatifs, et nous avons pensé - vous l'avez cité - au terrain des Evaux dans un premier temps, pour un accueil que nous construisons et coconstruisons avec le conseil de fondation. Quant à la question de savoir si le recours a abouti, je n'ai pas d'information de la part de la justice à ce stade, et vous connaissez le souci tout particulier du gouvernement de respecter la séparation des pouvoirs.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la politique publique D «Culture, sport et loisirs».

Mise aux voix, la politique publique D «Culture, sport et loisirs» est adoptée par 37 oui contre 13 non et 23 abstentions.

E - ENVIRONNEMENT ET ÉNERGIE

Le président. J'appelle à présent la politique publique E «Environnement et énergie». (Un instant s'écoule.) La parole est demandée par M. le député Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Cette politique publique est évidemment importante aujourd'hui. Malheureusement, on a de la peine à voir comment le Conseil d'Etat atteindra les objectifs de réduction de gaz à effet de serre exigés par ce parlement. Il s'agit, je le rappelle, d'une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Déjà pour les objectifs plus réduits qu'il avait en 2019, on peinait à voir la direction globale prise par l'exécutif afin d'y parvenir, d'autant plus, Mesdames et Messieurs - et on oublie souvent de le dire - que le gouvernement n'inclut pas les émissions générées par le transport aérien dans les objectifs qu'il fixe ! Le transport aérien représente pourtant environ 20% des gaz à effet de serre du canton; ainsi, tant que la politique environnementale ne prendra pas aussi en compte les déplacements aériens générés par Cointrin, elle ne sera véritablement que de la poudre aux yeux ! Je le regrette fondamentalement, d'autant que nous attendions un peu plus d'un magistrat, faut-il le rappeler, issu des Verts.

Je serai très bref sur l'érosion de la biodiversité. Nous avons entendu tout à l'heure M. le député Leyvraz, de l'UDC, se plaindre que l'augmentation de la population en était la cause. C'est évidemment plus compliqué à gérer quand il y a beaucoup de monde que quand il y en a peu; chacun peut le comprendre ! Cela dit, malgré une population croissante, il est à mon sens - et au sens d'Ensemble à Gauche - possible de maintenir et de protéger la biodiversité dans notre canton, y compris dans les zones fortement peuplées. Le problème, c'est que Genève n'a pas assez d'emprise foncière et n'a pas la possibilité - ni peut-être la volonté - de se doter d'une véritable planification du territoire qui mette la défense de la biodiversité au centre.

En réalité, pratiquement la moitié de la zone habitée du canton est occupée par des villas - qui logent à peine 10% de la population, bien qu'elles occupent la moitié du terrain habitable - sans aucune possibilité pour l'Etat d'actionner des leviers en faveur de l'environnement. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, le trou noir en matière de protection de l'environnement vient du fait qu'il y a beaucoup trop de villas à Genève. Il va falloir déclasser massivement en zone de développement pour avoir de véritables outils de défense de la biodiversité. Je vous remercie.

Présidence de M. Diego Esteban, premier vice-président

M. Philippe Poget (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne vais pas être aussi critique que mon préopinant; je vais soulever des points qui sont tout de même un peu favorables et d'autres un peu moins. Le Conseil d'Etat a enfin déclaré l'urgence climatique fin décembre 2019, avec des objectifs plus ambitieux: neutralité carbone en 2050, transition énergétique en passant à la géothermie pour le chauffage, réduction de la mobilité individuelle - et tout cela bien sûr avec une adaptation musclée du plan climat cantonal.

S'agissant de la politique des déchets, on attend la prochaine sortie de la révision de la loi sur les déchets qui devrait viser un taux de recyclage de 60% en 2023. Sans oublier évidemment que la réduction des déchets à la source doit rester notre priorité, ce qui permettra de diminuer les résidus comme les mâchefers, pour lesquels une solution est annoncée mais demeure encore incertaine.

Au niveau de l'eau, nous voyons que la problématique des micropolluants devient d'actualité: on a désormais la capacité de les traiter, par exemple à la STEP de Villette. Mais ce n'est qu'un premier pas, et il ne faut pas oublier non plus les autres pollutions plus classiques, connues et constatées, notamment dans l'Aire, rivière dont nous avons parlé récemment. Quant au lac, on observe de plus en plus la présence de particules de plastique de toutes dimensions, on voit donc que la tâche reste immense à ce niveau-là. D'autres points sont plus positifs, à l'instar de la poursuite de la politique de renaturation des rivières, de même que l'accès à l'eau pour le public, avec la réouverture de la plage des Eaux-Vives et la création d'autres plages, comme à La Plaine.

S'agissant du volet agricole, nous sommes satisfaits que le document «Agriculture 2030» ait été enfin publié et qu'il nous montre une évolution positive de l'agriculture. Nous avons également pris connaissance tout à l'heure des modifications proposées à la loi sur la promotion de l'agriculture, avec une intensification de la promotion des produits locaux, notamment par le label GRTA qui prévoit de s'étendre aussi bien pour les produits des bois que de la pêche, ainsi qu'avec des projets de vulgarisation comme MA-Terre.

On va finalement parler de la nature. C'est vrai qu'on a constaté une érosion de la biodiversité, mais il faut dire que le Conseil d'Etat, comme l'ensemble de l'administration, a fait là un travail assez remarquable et avec une grande concertation pour aboutir à un plan d'action de la biodiversité que nous allons étudier tout prochainement à la commission de l'environnement. Il va nous permettre de mener des actions pour soutenir et promouvoir cette biodiversité qui reste la base indispensable de notre vie.

Dans ce cadre, il est aussi prévu - je prends juste un exemple - de travailler sur les subventions à effet négatif. Il arrive effectivement qu'on dépense deux fois de l'argent: une fois en prenant une mesure qui va avoir un effet négatif sur la biodiversité et une autre fois pour réparer cet effet négatif. Je citerai, à titre d'exemple, l'étude du forum de l'Académie des sciences et du WSL qui vient de sortir: elle estime que 40 milliards de subventions sont attribués au niveau suisse pour différentes mesures qui ont un effet négatif sur la biodiversité.

Enfin, je pense que l'Etat travaille aussi sur une stratégie d'arborisation et de lutte contre les îlots de chaleur; il y a le projet Cool-City et d'autres mesures de nature en ville prometteuses, bien qu'insuffisamment mises en oeuvre actuellement. Les Verts et les Vertes considèrent donc que la gestion 2019 montre des pistes intéressantes et essentielles, mais que les moyens investis sont nettement insuffisants. Pour rappel, cette politique publique représente 1% des dépenses totales. Nous souhaitons réitérer ici notre exigence: il faut augmenter durablement ce budget, aussi bien dans le fonctionnement que dans les investissements. Ces derniers doivent devenir massifs si nous voulons non seulement reconnaître l'urgence climatique, mais également travailler à y répondre et investir pour une société en transition vers un avenir durable. Je vous remercie.

Mme Claude Bocquet (PDC). Le PDC acceptera la politique publique «Environnement et énergie». En 2019, le canton a effectivement déclaré l'urgence climatique et affiché sa volonté de réduire de 60% les émissions de CO2, répondant ainsi aux attentes exprimées par la population. Les SIG produisent 100% de leur énergie en renouvelable et font de gros investissements, notamment dans la géothermie, qui a un avenir prometteur dans notre canton.

L'un des défis du futur concernera l'irrigation des cultures, au vu du réchauffement climatique et des sécheresses qui deviennent annuelles. L'irrigation avec de l'eau potable, comme elle se pratique actuellement, est sans doute un non-sens écologique. Il s'agit de réfléchir à organiser des pompages directement dans le lac ou le Rhône pour assurer l'irrigation des cultures, et d'étudier des solutions garantissant un étiage suffisant des cours d'eau afin d'assurer la survie de la faune qui en dépend.

Les députés ont accepté de nombreux projets de lois, motions et résolutions en faveur de l'environnement et de l'agriculture en 2019. La volonté cantonale est évidente; le bât blesse au niveau fédéral, qui souvent ne suit pas. J'ai donc envie de pousser un petit coup de gueule, en souhaitant que Berne entende mieux les revendications des députés genevois concernant par exemple le moratoire sur la mise en place de la 5G ou la demande de référendum sur le traité de libre-échange avec le Mercosur. Et que dire du danger du transport de chlore qui transite par Genève ? Le Conseil d'Etat et le parlement ont à plusieurs reprises demandé que l'on trouve une solution permettant d'éviter le transport de chlore à travers l'agglomération genevoise et que la production de chlore se fasse sur les lieux d'utilisation. Nous n'avons malheureusement pas les moyens légaux d'imposer une telle solution. Selon Berne, il y a peu de risques qu'un accident de train se produise à Cornavin; nous l'espérons aussi, car un tiers de la population risquerait de mourir sur un rayon de 2,5 kilomètres.

Pour conclure sur une note plus gaie, je constate que la politique publique «Environnement et énergie» évolue dans le bon sens...

Une voix. Bravo !

Mme Claude Bocquet. ...même si certains partis estiment que ce n'est pas assez rapide et drastique, et que d'autres considèrent qu'elle limite trop les libertés individuelles. Le PDC joue un rôle central pour équilibrer le tout et trouver des consensus afin d'aller de l'avant. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais compléter les propos de mon préopinant Philippe Poget sur le volet énergétique de cette politique publique. On ne le dira jamais assez: suite à une motion des Verts relayant l'appel des jeunes pour le climat et au soutien d'une grande partie du parlement à ce texte, le Conseil d'Etat a déclaré l'urgence climatique dans le courant de l'année 2019, que nous passons ici en revue. Il a augmenté ses ambitions, puisqu'il vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60% d'ici 2030 et la neutralité carbone en 2050.

Nous saluons cette évolution, qui paraît insuffisante à certains et excessive à d'autres. Ce qui toutefois nous importe, c'est que cette transition soit crédible et que nous nous donnions les moyens de la réaliser. Le plan climat cantonal a été adapté en conséquence et diverses étapes de planification sont en cours, comme le plan directeur de l'énergie, mais il faudra bien passer de la planification à la réalisation à un moment ou à un autre. Nous sommes conscients du fait que la transition passera par toutes les politiques de l'Etat, y compris par un contrôle accru du trafic aéroportuaire. Vous transmettrez à M. Burgermeister que nous en sommes parfaitement conscients, tout comme notre magistrat, et que nous y travaillons. La politique énergétique, à la fois du point de vue de la production et de l'utilisation, tiendra cependant un rôle central.

Comme les années antérieures, nous relevons que l'Etat travaille main dans la main avec les SIG - les Services industriels de Genève - pour la mise en oeuvre de la politique énergétique. Mon intervention concernera donc aussi les SIG et je m'abstiendrai de toute prise de parole lorsque nous arriverons à ce point spécifique. Nous prenons note avec satisfaction du coup d'accélérateur donné à l'assainissement énergétique des bâtiments, soit par un contrôle accru soit par l'attribution de subventions accordées par l'Etat ou les SIG. Le taux d'assainissement reste toutefois largement insuffisant: au rythme actuel, il faudra environ cent ans pour atteindre les objectifs. Nous constatons aussi que la réalisation des énergies de réseau progresse, notamment grâce à GeniLac. Les SIG donnent également la possibilité d'acquérir des tranches de production d'électricité photovoltaïque à travers un système de mutualisation qui rencontre passablement de succès. Enfin, la prospection d'énergie géothermique progresse bon train.

Le bilan est donc globalement positif même si le rythme est encore trop lent - mais cela dépend aussi grandement des moyens en finances et en personnel que ce parlement voudra bien voter. On notera en outre passablement d'instabilité à la tête de l'office cantonal de l'énergie, qui a connu deux changements de directeur en trois ans. C'est le seul élément négatif que je relèverai ici. Nous apporterons par conséquent un soutien global, à la fois critique mais aussi en guise d'encouragement, à la politique publique E «Environnement et énergie». Je vous remercie.

Mme Léna Strasser (S). Mes préopinants ont déjà évoqué l'importance de cette politique publique; les manifestations des jeunes, suivis par des moins jeunes, dans la rue en 2019 l'ont martelé, et le Grand Conseil puis le Conseil d'Etat l'ont à leur tour revendiqué. Cette politique publique est également l'une des plus transversales - je pense qu'il faut le relever - puisqu'elle touche l'environnement, l'énergie et l'agriculture, mais aussi la mobilité, l'aménagement et, au final, la santé et la qualité de vie de nos concitoyens.

Le Conseil d'Etat affiche des ambitions, notamment avec le plan climat et le plan pour la biodiversité, et le département concerné est mobilisé et très actif, avec des projets encourageants et novateurs déjà évoqués dans les prises de position précédentes. Le parti socialiste estime toutefois qu'il est nécessaire d'investir plus fortement en matière environnementale, c'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote de cette politique publique.

M. Patrick Dimier (MCG). Cette politique publique est très intéressante car elle montre une dichotomie certaine entre le discours - celui des Verts - et l'action sur le terrain. Je voudrais me focaliser sur un point, parce qu'il est parlant à lui seul.

On nous dit qu'il faut lutter contre le réchauffement climatique. L'un des meilleurs moyens de le faire, c'est bien entendu de protéger la forêt, or les Verts semblent aujourd'hui clairement préférer la tronçonneuse à la tondeuse ! C'est une catastrophe permanente: cet été encore, alors que tout le monde sera en vacances, on va abattre des chênes pluricentenaires à Pinchat. Pourquoi ? Pour être dans la dynamique du camarade Burgermeister, qui s'est exprimé avant moi, pour densifier des endroits qu'il ne faut pas densifier, et ce non pas parce qu'il ne faut pas accroître la population - autre sujet - mais tout simplement parce qu'il n'y a pas les accès nécessaires ! Pour pouvoir y accéder, on doit flinguer - je répète: flinguer ! - des forêts et des arbres !

C'est une politique très belle sur le papier, mais elle est en réalité juste contraire à l'intérêt collectif concernant la protection de la nature. Et si on ne protège pas la nature, on ne pourra évidemment pas lutter correctement contre le réchauffement climatique. Cette politique est donc mensongère; elle est très plaisante parce qu'elle fait super bien à la télé, mais la réalité sur le terrain, c'est qu'elle est contraire à l'intérêt de la nature et de notre biodiversité.

Pour conclure, j'aimerais quand même aussi rappeler que si on veut améliorer notre mobilité, il ne suffit pas d'utiliser, nuitamment, de la peinture jaune en croyant que ça va aller mieux: il faut vraiment se mettre autour d'une table. C'est possible, on peut parvenir à coaliser des volontés pour faire en sorte que cette politique tienne debout. Merci.

Présidence de M. François Lefort, président

M. Adrien Genecand (PLR). J'ajoute, un peu dans le prolongement de ce que vient de dire M. Dimier, qu'il y a effectivement une grande différence entre le verbiage, les écrits et ce qui va se passer pour l'Etat. On ne va pas refaire l'historique sur le réchauffement climatique, la motion et l'urgence. La vraie question qui doit nous préoccuper consiste à savoir si toute l'administration est bien au diapason sur ce sujet. Voilà l'enjeu.

Après une séance de commission qui s'est déroulée pas plus tard qu'avant-hier, je n'ai pas l'impression qu'à l'Etat, notamment dans les services qui s'occupent de la réfection et de la construction des bâtiments, on ait bien saisi ce qu'a rappelé à juste titre le préopinant Vert, c'est-à-dire que l'objectif est une réduction des émissions de 60% d'ici 2030 et la neutralité carbone en 2050. Quand, à la commission des travaux, sur de grands projets de construction, la fonction publique - des représentants de l'Etat - nous explique qu'elle n'a pas vocation à l'exemplarité en matière d'énergie, Monsieur le président, chers collègues, je m'inquiète. Je m'inquiète du décalage total entre la capacité de l'Etat à produire des centaines de pages pour nous montrer tout ce qu'on va faire de bien en matière d'énergie et le comportement concret d'autres collaborateurs, qui ne rédigent pas, qui ne vivent pas dans la théorie mais font quant à eux de la pratique et construisent pour nous. Ceux-là nous disent qu'on ne leur a pas donné, a priori, de ligne politique d'exemplarité.

Il y a quand même un léger problème de direction et d'orientation: que se passe-t-il dans cet Etat pour qu'il soit capable d'écrire qu'il va faire des choses géniales tout en nous présentant des projets dans lesquels il nous explique qu'il n'a pas vocation à être exemplaire quand il construit par exemple une école ?

M. Marc Falquet (UDC). Comme l'ont dit assez sagement mes collègues, notamment mon collègue Leyvraz, il faut nous interroger sur les conséquences de l'augmentation continuelle de la population dans un petit canton comme le nôtre, avec une densité urbaine déjà énorme. C'est vrai qu'on entend de bonnes déclarations, de bonnes intentions: le plan climat, l'urgence climatique. Ma question va un peu dans le sens de mes préopinants: comment voulez-vous prétendre lutter contre la hausse de la température et défendre la qualité de vie alors qu'on ne fait que détruire la nature ? Si on veut véritablement défendre la nature, il faut interdire tout abattage - toute autre position va à l'encontre de la défense de la nature. Il faut interdire l'abattage des arbres en bonne santé: c'est ainsi qu'on défendra vraiment la nature, et pas avec un plan climat assez aléatoire.

Notre ville est déjà surdensifiée - je crois que c'est l'une des plus denses au monde - et nous suffoquons sous les effets de la réverbération, de l'asphalte et du béton. Or on continue, chaque jour, à bétonner le canton ! J'ai toujours vécu à Genève, et je vois depuis quarante ans que la qualité de vie se dégrade ! Vous parlez de qualité de vie à Genève; ça me fait bien rigoler, parce qu'elle se dégrade jour après jour. On doit maintenant avoir le courage de dire stop à l'augmentation de la population ! Il faut dire stop ! On pourra alors s'occuper de notre population, de la qualité de vie, et arrêter de construire et de bétonner.

Quant aux riches, certains les accusent d'assécher les caisses de l'Etat. En fait, c'est le contraire: ils contribuent énormément à les remplir. La meilleure, c'est qu'on veut transformer la zone villas en zone de développement; c'est pourtant là que se concentrent les riches ! Alors si on veut donner le coup de grâce à Genève, je pense qu'il faut effectivement transformer la zone villas en zone de développement. Les riches sont exaspérés parce qu'ils paient de fait beaucoup d'impôts, énormément d'impôts, et qu'ils ont très peu en retour ! Ils voient la situation se dégrader depuis des dizaines d'années et je crois qu'ils en ont ras le bol ! On doit avoir de la gratitude vis-à-vis des gens qui paient beaucoup d'impôts: ce sont eux qui remplissent jusqu'à présent les caisses de l'Etat, pas les pauvres ! Je remercie donc les riches et j'espère qu'ils resteront ! J'espère qu'ils resteront, parce qu'ils sont exaspérés de vivre à Genève, dans une ville où le trafic de drogue se fait sur la voie publique, avec des dealers et tout plein de gens qui profitent du système. Je crois qu'ils en ont ras le bol et je me demande comment ils font pour rester à Genève - pour tenir encore - parce qu'il y a beaucoup d'autres endroits bien plus agréables en Suisse ! Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Je voudrais répliquer brièvement à une ou deux interventions que je viens d'entendre. Tout d'abord, s'il est vrai que la population augmente, demandons-nous pourquoi. Il y a plusieurs raisons, mais la fiscalité - très attractive - attire un certain nombre de gens. On crée beaucoup d'emplois; eh bien il faut aussi les personnes qui vont avec ! Interrogez-vous donc également, de façon cohérente, sur la fiscalité.

S'agissant des arbres, je pense qu'il y a eu une évolution. A la commission des travaux, où il m'est arrivé de siéger avec un ou deux de mes préopinants, nous avons voté des budgets supplémentaires simplement pour pouvoir préserver des arbres, en faisant en sorte qu'ils soient épargnés par un chantier. La politique a donc changé et ces arbres, à l'avenir, seront préservés.

D'autre part, nous avons bataillé un moment pour faire passer un projet de loi afin que l'Etat construise l'ensemble de ses nouveaux bâtiments en THPE - en très haute performance énergétique. Eh bien ce que je trouve assez intéressant, après cette bataille, c'est qu'on veuille maintenant plus que la THPE, puisqu'on demande désormais la neutralité pour chacun des bâtiments que l'Etat va construire. Tant mieux ! Nous suivrons bien entendu cette politique; déposez un projet de loi et nous vous suivrons volontiers pour que tous les nouveaux bâtiments construits par l'Etat soient neutres en carbone et pas estampillés THPE. Nous vous suivrons volontiers, allez-y !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Je ne voulais pas prendre la parole mais, eu égard à l'intervention de M. Falquet, je constate qu'il y a dans ce parlement une espèce d'idéologie populiste sur la question de l'abattage des arbres. Si je comprends bien, vous préférez sauvegarder des arbres, n'est-ce pas, plutôt que de loger les personnes qui vivent dans un deux-pièces avec quatre enfants - ce qui arrive parfois ! C'est quand même un jugement qui m'étonne: les arbres, ça pousse tous les jours ! On en plante quotidiennement et ils peuvent pousser tous les jours ! Il faut par contre quatorze ans pour construire un immeuble ! Alors à un moment donné, Mesdames et Messieurs, vous savez, le populisme, le bien-être, les arbres... Moi aussi j'aime les arbres, j'aime la montagne, je fais beaucoup d'alpinisme, etc. Mais vous savez, entre abattre un arbre et pouvoir loger une famille avec des enfants pour leur permettre d'avoir un avenir, mon choix est clair, Mesdames et Messieurs ! Il est clair ! Autre chose: c'est vous qui avez instauré la politique du développement économique de Genève, c'est donc votre problème ! Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Ce que je viens d'entendre me force bien sûr à réagir. Lorsqu'on entend ce genre de propos et que l'on sait qu'il est possible - largement possible - de faire autrement que d'abattre des arbres pluricentenaires... Monsieur Velasco, on n'est pas là pour parler de petits arbres ordinaires: on parle d'arbres pluricentenaires ! Ce faisant, on s'en prend à ce qui est le plus efficace sur notre territoire pour protéger la qualité de notre air. Abstenez-vous donc, s'il vous plaît, de dire des choses qui ne tiennent pas debout ! La question n'est pas de construire des logements pour des personnes et des familles qui en ont besoin, mais de savoir où et comment on le fait !

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'accepter mes excuses pour ce retard; mon collègue Apothéloz m'a transmis l'essentiel du débat. La question de l'écologie, la transition écologique, la protection du climat, mais aussi la protection de l'environnement - quand on parle d'environnement, on parle d'environnement local, alors que pour le climat l'enjeu est vraiment global - sont des sujets extrêmement importants aujourd'hui. Ce sont des sujets prégnants, qui déterminent notre société et vont certainement marquer ce XXIe siècle. Ce sont par ailleurs des problématiques complexes.

S'agissant du climat, vous avez déclaré l'urgence climatique et, vous le savez, le Conseil d'Etat a repris votre résolution. Il s'attelle maintenant à la mettre en oeuvre, et c'est peut-être le premier point sur lequel donner raison au député Genecand: il est vrai que nous sommes dans un moment politique fait de beaucoup de déclarations, de stratégies, de plans, et qu'il est désormais temps de les mettre en oeuvre. C'est au pied du mur que l'on reconnaît le maçon ! Et c'est là qu'il va évidemment falloir faire des choix clairs et univoques, Mesdames et Messieurs les députés, si l'on veut atteindre ce premier objectif visant à réduire de 60% les émissions de CO2 en 2030 et parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050 - objectif que le Conseil fédéral a également fait sien pour l'ensemble de notre pays.

Parmi les postes d'émissions de carbone, certains relèvent essentiellement de compétences nationales, voire supranationales. On peut penser à tout ce qui est en lien avec la consommation: le canton n'a pas beaucoup à dire sur les importations et les exportations, sur les taxes ou sur les modes de consommation. L'aéroport est également un poste important d'émissions de CO2, mais la marge de manoeuvre du canton - qu'il met d'ailleurs à profit, il faut le dire - est là encore relativement étroite.

La compétence est en revanche cantonale sur les questions d'habitat, d'aménagement, de transports et de mobilité. Or ces postes, Mesdames et Messieurs - le logement et les transports - génèrent à eux deux 60% des émissions de notre population ramenées par habitant. C'est la majorité - 60% ! On sait en outre que la manière d'habiter est intrinsèquement liée à la manière de se déplacer; autrement dit, plus vous habitez en périphérie, dans des lieux très peu denses, moins il y aura de transports publics et plus vous aurez un usage accru de la voiture. Je crois que chacun le comprend intuitivement, et toutes les statistiques le confirment. C'est là que Genève est un cas un peu particulier.

Genève a créé 380 000 emplois sur le canton - presque 390 000 - alors que sa population active est de 240 000 personnes. Il y a donc 150 000 personnes qui ont un emploi à Genève pour lequel on n'a pas fourni de logement. Ces gens-là n'ont pas d'autre choix que d'aller vivre à l'extérieur du canton, chez nos voisins et compatriotes vaudois ou, en plus grand nombre, du côté français. Et une fois qu'ils sont de l'autre côté de la frontière, ils n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour l'essentiel d'entre eux; pour ceux qui habitent en France, c'est flagrant à plus de 90%. Vous voyez donc que le mécanisme qui consiste à figer notre territoire et à ne plus construire un seul logement parce qu'on ne doit plus abattre un seul arbre, comme certains dans la salle le proposent, serait en réalité une catastrophe climatique. On continuerait en effet à loger nos employés plus loin, à créer par conséquent une mobilité pendulaire encore plus importante et à émettre encore plus de CO2.

Et ne croyez pas que le CO2 émis en France n'est pas comptabilisé: s'il ne l'est pas au niveau de l'habitat, les déplacements des pendulaires rentrent bel et bien dans le bilan climatique du canton. Le ralentissement dans l'avènement de nouveaux écoquartiers se transforme ainsi en émissions de CO2. Et pas seulement en émissions de CO2: ces voitures - conduites par des gens qui n'ont pas le choix puisqu'on leur donne un emploi mais pas un logement - vont engendrer la pollution de l'air évoquée, mais aussi une pollution sonore qui pourrit la vie de beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens. Elles vont donc détériorer notre environnement.

Cet habitat distant, nous l'avons calculé, génère quatre fois plus de CO2 que si les gens vivaient dans l'un des nouveaux quartiers que nous construisons en ce moment à Genève. Quatre fois plus ! Il provoque l'abattage de cinq fois plus d'arbres, Monsieur Dimier - cinq fois plus d'arbres - et nécessite de couler 1,6 fois plus de béton qu'en habitant en ville ou dans les nouveaux quartiers. Prétendre qu'étaler notre habitat chez nos voisins, de manière d'ailleurs un peu hypocrite, est une solution écologique s'avère donc une contrevérité scientifique; les chiffres en matière d'émissions de CO2 et de particules fines le prouvent, de même que ceux qui portent sur toutes les émissions polluantes.

Alors construire, il le faudra, mais pas à n'importe quelle condition. Le Conseil d'Etat rejoint là les remarques - et partage parfois aussi les émotions - formulées autour de la nécessaire transformation urbaine, mais soyons réalistes sur les chiffres. Tout d'abord, la Suisse n'est pas le Brésil: ces vingt-cinq dernières années, la forêt a gagné l'équivalent de près de deux fois le territoire genevois ! La forêt suisse a gagné l'équivalent de près de deux fois la superficie de notre canton. La forêt gagne du terrain et c'est tant mieux ! Tant mieux ! A Genève, elle est globalement stable: on l'a dit, nous sommes un canton urbain, mais elle n'est pas en perte de vitesse. Les arbres sont remplacés, mais il faut aller plus loin.

L'objectif du gouvernement est d'augmenter la part de canopée - c'est-à-dire la surface des arbres qui permet l'ombre - dans un canton et une ville qui, comme le reste du continent, vont devenir toujours plus chauds en raison du réchauffement climatique. Mais, Mesdames et Messieurs, où planter davantage d'arbres ? Beaucoup mettent en corrélation l'abattage et les plans localisés de quartier, alors que les PLQ ne représentent que 5% des abattages d'arbres. La première question que je vous pose, c'est donc pourquoi, lorsqu'on parle d'abattage d'arbres, on ne parle que de 5% du problème ? Savez-vous ce qui occasionne l'abattage des 95% restants ? Eh bien, ce sont pour beaucoup les routes, la zone villas - 30% - et toute une série d'infrastructures, Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC et du MCG, que vous soutenez globalement à travers une politique favorable à l'automobile, qui est extrêmement gourmande.

Or si vous vous promenez dans les rues de Genève et que vous vous demandez où planter des arbres, il n'y a pas trente-six mille solutions: il faudra enlever les places de parc ! (Applaudissements.) Parce qu'il n'y a pas d'autre endroit ! Il n'y a pas d'autre endroit dans notre canton, à moins de raser des immeubles pour planter des arbres ! Promenez-vous et prenez en exemple les villes vertes, les villes beaucoup plus vertes que la nôtre sur notre continent et de par le monde, et vous verrez que la place des voitures - notamment la place du stationnement des voitures - est beaucoup plus faible. Il faudra faire des choix, Mesdames et Messieurs; faisons le choix de verdir Genève. Les espaces publics qui nous restent sont ceux que le XXe siècle a dévolus à l'automobile et qui étaient auparavant beaucoup plus dévolus à la nature. Nous devons retrouver ce qu'avaient nos ancêtres, nos prédécesseurs.

Ensuite, il est clair qu'il va falloir revoir le domaine du bâtiment. Je ne peux là qu'abonder encore une fois dans le sens du député Genecand. Le taux de rénovation de nos bâtiments est de 1%; à ce rythme, il nous faut un siècle pour revoir notre parc immobilier. Nous avons de beaux exemples - je pense entre autres au projet Onex-Rénove - de communes qui se sont engagées pour aboutir à un taux de rénovation de 7% grâce au partenariat public-privé. Et vous avez raison, Monsieur le député: il faut que nous soyons exemplaires au niveau de l'Etat. Même si nous avons beaucoup de bâtiments patrimoniaux pour lesquels le débat énergétique est un peu plus complexe, nous devons en tout cas être bien au-delà pour ce qui est des nouveaux bâtiments. Mais cela coûte - en investissements, surtout.

Peut-être - et j'en terminerai par là - cette transition écologique est-elle l'opportunité, pour nos collectivités et nos sociétés, d'aller vers un nouveau deal, tel que l'a évoqué l'ancien président Barack Obama. Il a parlé d'un «Green New Deal» qui consiste, à un moment difficile pour l'économie, à réinvestir au sein de celle-ci pour la relocaliser et augmenter ainsi la résilience de notre tissu d'entrepreneurs, et cela dans le sens de la transition écologique. Prospérité et transition écologique peuvent réellement aller de pair, et il y a là un beau défi. La rénovation des bâtiments notamment, qui implique tous les métiers du second oeuvre et l'engagement d'énormément d'entreprises locales, peut être une aubaine pour redonner du souffle à nos PME après - ou pendant - la crise économique actuelle.

Voilà le programme du Conseil d'Etat, qui s'engage résolument dans le sens de la transition écologique: plus de nature en ville, des choix clairs quant aux priorités et des investissements beaucoup plus importants dans la rénovation énergétique des bâtiments. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à votre approbation la politique publique E «Environnement et énergie».

Mise aux voix, la politique publique E «Environnement et énergie» est adoptée par 28 oui contre 23 non et 27 abstentions.

Deuxième partie du débat sur les comptes 2019 (suite du 2e débat): Séance du jeudi 27 août 2020 à 17h05