République et canton de Genève

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PL 12270-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de MM. Marc Falquet, Stéphane Florey, Michel Baud, Bernhard Riedweg, André Pfeffer, Norbert Maendly, Christo Ivanov modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25) (A eux les vacances, à nous les nuisances : reprenons possession de notre aéroport pour notre économie et pour notre population !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 septembre 2019.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Premier débat

Le président. Nous abordons maintenant le PL 12270-A en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Edouard Cuendet, rapporteur de majorité.

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vais commencer par vous faire une confession - c'est assez rare ! (Exclamations. Commentaires.) Durant ma modeste carrière politique au Grand Conseil, on m'a souvent collé - à tort ! - l'image d'un homme élitiste... (Exclamations.) ...voire snob.

Des voix. Oh !

M. Edouard Cuendet. J'en ai beaucoup souffert ! (Rires.) Ce projet de loi m'a toutefois rassuré. En effet, les signataires de ce texte entendent supprimer 50% des créneaux horaires destinés aux vols low cost et les attribuer aux long-courriers ainsi qu'à l'aviation d'affaires. En bref, pour les signataires, les gueux ne devraient plus pouvoir voler et devraient laisser la place aux long-courriers et aux jets privés. On peut difficilement être plus antisocial ! La commission de l'économie ne s'est d'ailleurs pas laissé avoir par ce texte, que je qualifierais au sens premier de «projet jet-set»... (Rires.) ...puisqu'elle l'a sévèrement refusé.

Au-delà de cet aspect social, il y a évidemment un aspect juridique, et là je m'adresse à M. Mizrahi - vous transmettrez, Monsieur le président... Oui, dès qu'on évoque des notions juridiques, c'est à lui que je m'adresse ! Sur le plan juridique, nous avons noté en commission que ce texte contrevenait de façon criante au droit fédéral supérieur en la matière, puisque la question des créneaux fait partie de la concession octroyée dans le cadre de l'autorisation délivrée par l'OFAC et relève exclusivement du droit fédéral.

Par ailleurs, ce projet contient de nombreuses imprécisions, dans la mesure où il ne définit pas la notion de «low cost». Lors de son audition, le premier signataire nous a un peu éclairés sur la question en reconnaissant que le but était de bouter easyJet hors de l'aéroport. Cela dit, certains de mes camarades de commission ont fort opportunément fait remarquer qu'easyJet n'était pas la seule compagnie à offrir des billets à moindre coût et que d'autres compagnies dites régulières proposaient elles aussi des prix très attractifs pour certains trajets.

Je ne reviendrai pas sur les très nombreuses autres imprécisions qui émaillent ce texte, mais ce qu'il est intéressant de relever - et je me plais à le faire - c'est que même les pourfendeurs les plus acharnés de l'aéroport n'ont pas appuyé ce projet de loi: ils ont notamment admis qu'il ne pouvait en aucune manière être considéré comme un contreprojet à l'initiative 163 et qu'il ne méritait pas d'être soutenu. Pour toutes ces raisons, je vous invite - avec l'immense majorité de la commission de l'économie - à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Ce projet de loi s'attaque à un vrai problème. Il a pour objectif de corriger les erreurs commises ces dernières années et répond à une réelle problématique soulevée par les Genevois, y compris par les représentants de la CARPE. Les auteurs de l'IN 163 ne contestent pas l'utilité de l'aéroport mais souhaitent un développement qui repose sur la qualité et non sur la quantité. Même les adversaires de l'initiative ne veulent plus d'un aéroport favorisant la quantité ! Ce projet de loi répond à cette préoccupation et s'attaque à la vraie cause, à savoir le low cost.

Entre 2000 et 2030, le nombre de passagers sera passé de 7,6 millions à probablement plus de 25 millions. Il faut aussi savoir qu'aujourd'hui seuls 25% des voyageurs qui décollent de l'aéroport de Genève ont un lien avec notre canton. Ces personnes n'apportent strictement rien à notre économie ! L'aéroport de Lyon, dont la zone de chalandage est cinq fois supérieure, compte deux fois moins de passagers et nous envoie ses voyageurs low cost en bus, pour un prix de 9 euros par personne !

Il est vrai que les mouvements sur le tarmac, les autorisations de vol et les «slots» sont de la compétence de l'Office fédéral de l'aviation civile, mais cette mauvaise orientation, ce développement uniquement quantitatif est une création exclusive de nos autorités genevoises. Après la faillite de Swissair, Genève a déroulé le tapis rouge au low cost en favorisant les infrastructures et les équipements. Aujourd'hui, avec ce projet de loi, il est question de retirer partiellement ce tapis rouge. En effet, les Genevois, et pas seulement les 100 000 personnes qui vivent à proximité de l'aéroport, ne comprennent pas que ce dernier reste ouvert une heure de plus que celui de Zurich. Tout le monde soutient notre aéroport, mais l'immense majorité de la population veut et exige qu'il soit de qualité et au service de notre économie ainsi que de la Genève internationale. Merci.

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, «à eux les vacances, à nous les nuisances» ! Les Verts partagent grandement les préoccupations des auteurs de ce projet de loi, au sujet notamment - c'est le premier point - de la croissance fulgurante du trafic aérien. Je le rappelle, le nombre de passagers à l'aéroport de Genève est passé de 8 millions à près de 18 millions au cours des quinze dernières années, et on s'attend à ce que ce nombre atteigne 25 millions en 2030. Cette perspective a été remise en question ces jours, mais l'un des directeurs suppléants de l'Office fédéral de l'aviation civile - soit l'office qui pilote l'aéroport - a tout de même indiqué à la commission de l'économie il y a quelques mois à peine que ce pronostic de 25 millions de passagers était réaliste, voire conservateur.

La deuxième inquiétude concerne la croissance des vols low cost. La compagnie easyJet détient à présent 45% des parts de marché de l'aéroport, et en cassant les prix - avec en plus un aéroport basé à moins de 6 kilomètres du centre-ville - elle a permis l'essor fulgurant de nouvelles pratiques telles que les escapades d'un week-end dans une capitale européenne ou les sauts de puce vers une île méditerranéenne. Ces pratiques sont devenues excessives ! Pour rappel, près de 90% des vols au départ de Genève ont pour destination l'Europe et une grande partie de ces trajets pourrait être effectuée en train.

Troisièmement, cette forte croissance du trafic aérien a des répercussions importantes sur la population et l'environnement. A Genève, 100 000 personnes sont touchées par le bruit, et celui-ci affecte non seulement leur qualité de vie, mais aussi leur santé psychique et physique. Deux chiffres en attestent: 50 millions, soit l'estimation des coûts annuels pour la société engendrés par le trafic aérien si l'on considère l'impact du bruit et de la qualité de l'air sur la santé, et 25%, puisque l'aéroport est responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre du canton.

Ce texte a été présenté par ses auteurs comme un contreprojet à l'initiative 163 pour un pilotage démocratique de l'aéroport. Je rappelle que cette initiative - sur laquelle la population est appelée à voter le 24 novembre - est nécessaire et, considérant son caractère raisonnable, elle n'a pas besoin de contreprojet. Nous vous invitons donc à refuser cette proposition de l'UDC, qui selon nous comporte deux défauts majeurs, à commencer par la question de la préférence cantonale. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Genève s'inscrit dans le développement d'une région, dans un environnement résolument transfrontalier, et nos échanges sont vitaux. Le multilatéralisme fait partie de notre ADN ! L'aéroport a forcément une vocation régionale et il ne peut se limiter à la vie économique du canton tel que le propose l'alinéa 2 de l'article 2. D'autant que, faut-il le rappeler, les nuisances contre lesquelles il convient de lutter touchent également les riverains des communes voisines vaudoises et françaises.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Isabelle Pasquier. Ah bon ? Je pensais pourtant que...

Une voix. Il y a un problème d'affichage !

Le président. Non, vous arrivez au terme de votre temps de parole !

Mme Isabelle Pasquier. Très bien. Je termine juste en évoquant encore la restriction du low cost. C'est une cible pertinente, mais la mesure n'est pas applicable. Pour réduire les nuisances, il faut agir sur la gouvernance de l'aéroport et lui fixer des objectifs afin qu'il ne veille pas uniquement à répondre aux besoins de mobilité, mais qu'il prenne aussi en compte son caractère urbain et les nuisances engendrées par le trafic aérien. Pour tous ces motifs, les Verts vous invitent à refuser ce projet de loi et appellent la population à soutenir l'initiative raisonnable sur l'aéroport le 24 novembre prochain. Merci. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je vous rappelle qu'il y a quelques années, l'ancien conseiller d'Etat avait effectivement comme but de développer l'aéroport de façon qu'il puisse accueillir jusqu'à 25 millions de passagers, ce qui signifie un avion toutes les nonante secondes. Je ne vous explique pas l'accroissement des émissions polluantes et des nuisances pour les riverains en termes de santé, etc.

Je ne sais pas si M. Cuendet est snob, mais il est en tout cas de mauvaise foi... (Protestations. Commentaires.) ...parce que ce projet de loi ne vise pas à supprimer 50% du trafic aérien, mais simplement à limiter la part des créneaux attribués aux vols low cost pour qu'elle n'excède pas 50% du trafic passagers, ce qui est totalement différent. En effet, le trafic low cost ne rapporte rien à notre canton, et on va en plus chercher des passagers jusqu'à Lyon en les faisant venir quasi gratuitement à Genève pour qu'ils aillent ensuite ailleurs. Nous souhaitons donc limiter le développement du low cost, parce qu'autrement on ne voit pas comment faire pour contenir le développement de l'aéroport ! Je ne crois pas que l'initiative des Verts - que je remercie - le permettra, car elle n'est pas contraignante.

Ce n'est effectivement pas un développement local que nous appelons de nos voeux: nous voulons qu'il y ait plus de long-courriers - qui génèrent moins de nuisances - car il y aura ainsi moins de trafic, et nous souhaitons également développer l'aviation d'affaires, dont les appareils, il faut le savoir, doivent souvent atterrir à Annemasse ou Annecy. L'aviation d'affaires rapporte pourtant beaucoup plus d'argent à Genève que les personnes en transit !

Pour toutes ces raisons, si vous voulez vraiment limiter le développement de l'aéroport, nous vous demandons, pour les riverains, pour la qualité de vie et la santé de la population, de voter ce projet de loi qui modifie la loi sur l'aéroport. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais pas que nous allions débattre à nouveau de l'IN 163 et de son contreprojet, puisque nous avons accepté ce dernier au sein de notre Grand Conseil.

Si vous lisez l'exposé des motifs ainsi que le détail du rapport, notamment la présentation de ce projet de loi par son auteur, vous pouvez constater à quel point ce texte est désordonné et a peu d'objectifs, mais aussi combien il est difficile de suivre un fil rouge pour arriver à une conclusion claire. Je ne peux que rejoindre le rapporteur de majorité sur ce point ! Cela vient entre autres du fait qu'il est malaisé de définir ce qu'est un vol low cost, puisque à l'heure actuelle la plupart des compagnies proposent des offres tout à fait alléchantes, même si elles n'atteignent pas les taux planchers pratiqués par easyJet.

J'aimerais par ailleurs souligner un élément intéressant qui figure dans ce rapport. S'agissant des agréments donnés par la Confédération, l'auteur du projet de loi dit que si Genève affiche une volonté politique, la Confédération n'a qu'à suivre. Eh bien non, Mesdames et Messieurs ! Nous avons un aéroport international, nous sommes soumis à certaines règles, et on ne peut pas tenir des raisonnements aussi simplistes et réducteurs.

On a présenté ce projet de loi comme une alternative à l'IN 163. J'ai parlé tout à l'heure de cette initiative et de son contreprojet, et les Genevois se prononceront sur ces deux textes à la fin du mois de novembre.

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'il est trop difficile et trop compliqué de définir, de déterminer réellement, en toute transparence - et je reprends là l'un des termes du projet de loi - ce qui est un vol low cost et ce qui ne l'est pas. On ne peut pas aboutir à une «lex easyJet» ou, pour rejoindre ce que disait M. Cuendet, une «lex easyJet-set» dans ce Grand Conseil, c'est pourquoi le groupe PDC vous recommandera de refuser ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pendant un instant je me suis demandé qui était dans ce corps et s'il ne fallait pas l'appeler à en sortir, mais finalement j'ai très rapidement reconnu M. Cuendet, notamment lorsqu'il a fait référence aux pourfendeurs de l'aéroport qui devaient être dans notre salle ! Alors je cherche, mais je ne trouve pas, à moins de penser que si on aspire à un développement maîtrisé de l'aéroport, comme le revendique l'IN 163, il faut nous considérer comme des pourfendeurs de ce dernier, auquel cas je crois que M. Cuendet devrait relire le texte de l'initiative et peut-être reconsidérer la question de fond.

Cela étant, le groupe Ensemble à Gauche a énormément de réserves à l'égard de ce projet, et nous appelons à le refuser. En effet, il pose selon nous une question importante, celle du développement débridé du trafic aérien, et notamment des vols low cost, mais le problème c'est qu'il s'en prend à la population qui n'a pas les moyens de voyager autrement et qui se trouve finalement coincée entre la nécessité - ou le plaisir - de voyager et le manque d'offres réellement accessibles. Je vous rappelle quand même qu'aujourd'hui des entreprises low cost - on peut voir leurs tarifs sur les affiches - proposent des voyages pour Lisbonne, Londres ou Paris pour un prix équivalant à celui d'un aller-retour Genève-Berne ! Et ce qui est problématique, c'est que ceux qui veulent réduire les vols low cost ne s'engagent pas en faveur d'un développement maîtrisé de l'aéroport, pas plus qu'en faveur de solutions alternatives à ce type de trafic aérien débridé. Nous pensons pour notre part qu'il est absolument indispensable de développer des alternatives au trafic aérien en élargissant par exemple l'offre des trajets en train, notamment de nuit.

En conclusion, nous allons refuser ce projet de loi, parce que s'il pose une question qui mérite de l'être, la réponse qu'il propose est tout à fait inadéquate. Je vous remercie de votre attention.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est intéressant de voir les contradictions des uns et des autres lorsqu'on parle de cette motion. Indépendamment du fait que le PDC la trouve mal rédigée ou qu'elle touche à un élément pertinent, mais pas percutant, j'aimerais revenir sur les propos qui viennent d'être tenus par notre très charmante collègue Jocelyne Haller du groupe Ensemble à Gauche, selon lesquels easyJet permet aux citoyens et aux citoyennes de notre canton ayant un bas revenu de voyager. C'est bien, c'est très bien, mais cette même personne va prochainement voter en faveur d'une taxe pour que ces gens ne puissent plus prendre l'avion, parce que soi-disant les vols low cost polluent. On est donc face à une contradiction qui est juste fatale ! Le PDC dit la même chose: on doit lutter contre le low cost, mais surtout pas de cette manière. En effet, il est préférable de taxer les gens qui paient, parce qu'une fois taxés ils voyageront certainement moins et par conséquent les avions ne décolleront plus du territoire genevois. C'est de l'hypocrisie crasse !

Le groupe MCG pense au contraire que chaque élément permettant de réduire le bruit et de s'engager pour la protection de notre environnement est bénéfique. Chaque pierre apportée à l'édifice en vue d'améliorer nos conditions de vie, notre cadre de vie, est utile ! Je n'entrerai pas dans le débat concernant la critique à l'égard de la rédaction de cette motion, mais ce qu'elle propose est intéressant. Je rappelle du reste qu'il s'agit d'une motion: il revient au Conseil d'Etat de l'appliquer ou pas, d'y répondre ou pas. En tous les cas, le MCG votera en faveur de ce texte et remercie l'UDC de l'avoir déposé.

Le président. C'est un projet de loi, Monsieur Cerutti !

M. Thierry Cerutti. Ah oui, un projet de loi !

M. Jacques Béné (PLR). Je confirme qu'il s'agit effectivement d'un projet de loi et qu'on ne va pas le renvoyer au Conseil d'Etat; on va simplement le refuser, c'est en tout cas ce que je vous invite à faire !

Mesdames et Messieurs, même si cet aéroport génère des nuisances et qu'il faut en être conscient afin de respecter les riverains, ce n'est pas avec ce projet de loi qu'on va y remédier, mais bien avec le contreprojet à l'IN 163 - deux textes sur lesquels nous voterons le 24 novembre. Le contreprojet est raisonnable et raisonné: il propose une solution équilibrée en vue d'un développement équilibré de l'aéroport, ce que l'initiative ne prévoit absolument pas.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs - et je vais être très bref - a été instrumentalisé par un affréteur de vols d'affaires pour le compte de l'UDC. Un élément a toutefois été malheureusement omis, à savoir que le plus gros transporteur de l'aviation d'affaires dans notre canton, c'est easyJet, qui transporte des dizaines de milliers d'hommes d'affaires de Francfort, Madrid ou Londres à Genève. C'est bien de cela qu'il s'agit ! Jusqu'à preuve du contraire, easyJet est effectivement le plus gros transporteur de l'aviation d'affaires à Genève, et s'il se trouve que cette entreprise a décidé, dans le cadre de sa politique marketing en matière de prix, de proposer des vols un peu moins chers à certaines périodes en fonction du délai entre la commande et la date du voyage, je rappelle que c'est une pratique à laquelle recourent également d'autres compagnies. On parle toujours d'easyJet - et je terminerai par là, Mesdames et Messieurs - mais si certains députés veulent profiter de la pause de la semaine prochaine pour passer un petit week-end à Barcelone entre le samedi 26 et le dimanche 27 octobre, il leur en coûtera 360 francs avec easyJet, alors qu'avec Swiss ils devront débourser 296 francs. Pourtant, on ne parle jamais de Swiss comme d'une compagnie low cost ! Je vous invite donc à refuser ce projet de loi et à passer à autre chose rapidement. Merci.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour le parti socialiste, ce projet de loi pourrait être comparé à une salade russe: on a mis plusieurs ingrédients dans un saladier, mélangé le tout et ajouté une sauce qui n'était pas bonne. Eh bien le résultat, au final, n'est pas très appétissant ! (Brouhaha.) Pourquoi ? Parce que l'alinéa 2 de l'article 2 de ce texte prévoit que l'activité de l'aéroport doit concourir au développement de la vie économique du canton, mais qu'en même temps il faut répondre aux besoins et aux intérêts de la population - on ne sait pas de quels intérêts et de quels besoins il s'agit - et limiter le bruit, la circulation routière ainsi que la pollution atmosphérique. Ces différents éléments ont été réunis et on ne comprend pas très bien comment on va réussir à faire tout ça ni quelle orientation on demande vraiment au Conseil d'Etat, enfin à l'aéroport.

On l'a rappelé, les projections prévoient 25 millions de passagers pour 2030 - alors qu'en 2018 on en comptait 17,7 millions - ce qui veut dire un vol toutes les nonante secondes, Mesdames et Messieurs. Un vol toutes les nonante secondes ! Pour ceux qui habitent dans l'enveloppe de bruit, qui est relativement large - c'est-à-dire dans les communes avoisinant l'aéroport et même plus loin, jusqu'à Satigny - imaginez ce que peut représenter un avion qui atterrit ou qui décolle toutes les nonante secondes ! Pour répondre à cette problématique, une coordination nommée CARPE a déposé une initiative, qui a été refusée par le Grand Conseil et qui va être soumise au peuple, on l'a dit, le 24 novembre prochain. Cette dernière demande un développement équilibré et maîtrisé de l'aéroport, soit un équilibre entre les intérêts de l'économie, de la Genève internationale ainsi que de la population genevoise et des alentours, qui aime voyager, et la protection de l'environnement, la diminution de la pollution atmosphérique et la réduction drastique des nuisances sonores.

L'UDC nous présente ce projet de loi aujourd'hui, mais elle est contre l'initiative de la CARPE, contre une taxe sur les billets d'avion sur le plan fédéral et bien entendu contre une taxe sur le kérosène, et elle pense qu'en déposant ce texte qui s'apparente à une salade russe, on va régler les problèmes des habitantes et habitants de Genève, ce qui est à l'évidence totalement faux. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Concernant l'initiative, il est intéressant de relever qu'elle émanait à l'origine d'associations environnementales et de riverains, avec la gauche, et qu'au fil du temps elle a été soutenue par de plus en plus de magistrats communaux. Le Conseil municipal de Versoix s'est prononcé à l'unanimité en sa faveur, et l'assemblée des délégués du PDC a contredit les députés du même groupe en acceptant d'appuyer elle aussi cette initiative. Nous espérons bien que le 24 novembre - je terminerai là-dessus, Monsieur le président...

Le président. Dépêchez-vous, Monsieur le député !

M. Thomas Wenger. ...nous pourrons voter oui à l'initiative et non au contreprojet, qui est un trompe-l'oeil, car c'est le seul moyen de réduire les nuisances de l'aéroport. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour une minute trente.

M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Le mouvement Planète bleue, que j'ai l'honneur de représenter ici ce soir... (Rire de l'orateur. Commentaires.) ...vous recommande de vous abstenir sur ce projet de loi pour les motifs qui ont été énoncés par M. Wenger. Personnellement, je m'abstiendrai pour une raison simple: en proposant ce texte, l'UDC va effectivement dans la bonne direction dans la mesure où elle veut lutter contre les nuisances de l'aéroport évoquées par les précédents intervenants, mais elle le fait de la mauvaise manière. Il s'agit donc d'un encouragement adressé à l'UDC pour qu'elle continue à aller dans ce sens, mais en précisant davantage sa pensée.

En effet, il faut plutôt soigner les alternatives, on l'a relevé. Je pense par exemple aux trains de nuit, à la taxe sur le CO2, à la limitation des vols de nuit - à Genève on est trop laxiste en la matière puisqu'on permet toutes sortes de dérogations, contrairement à Zurich qui sanctionne très sévèrement les vols de nuit - ainsi qu'à la lutte contre les pollutions et les nuisances provoquées par les avions, bien sûr. Compte tenu de ces différents éléments, il faudra selon moi soutenir l'initiative le 24 novembre, on l'a dit, parce qu'elle va dans le bon sens. Mais pour ce qui est de ce projet de loi, en tant que représentant du grand mouvement Planète bleue, je m'abstiendrai lors de son vote ! Merci.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute vingt-quatre.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On est quand même très surpris, dans ce débat, d'entendre des représentants des Verts et de la gauche défendre l'aviation, notamment pour de courtes distances, tout comme on a été très surpris de voir les mêmes milieux défendre les abattages d'arbres à une époque, même si certains changent un peu d'opinion maintenant. On se trouve dans une situation où chaque fois qu'une écologie est proche de la population, chaque fois qu'on essaie d'agir contre le réchauffement climatique de manière précise, comme le font nos collègues de l'UDC, qui offrent une solution... L'initiative de la CARPE, elle, n'apporte aucune solution ! Le contreprojet non plus ! Ce sont juste de grands principes généraux mis sur la place publique. Là, une solution est proposée, mais au nom de l'aviation - qu'on dénigre par ailleurs à longueur d'année - on nous dit qu'il faut refuser ce projet de loi. Où va-t-on ? Quelle est la clarté du débat politique ? Il y a eu des manifestations tout l'été, et un certain nombre d'électeurs vont voter Vert en étant trompés sur ce pour quoi ils vont voter...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Baertschi.

M. François Baertschi. Au niveau du PLR également, il va y avoir une tromperie générale concernant le problème du réchauffement climatique, et qui sera dupé là-dedans ? Ce sont les Genevois, une fois de plus. Une fois de plus, les intérêts des Genevois ne sont pas défendus !

Le président. Merci. La parole est à M. Marc Falquet.

M. Marc Falquet (UDC). Il me reste combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Cinquante-cinq secondes !

M. Marc Falquet. Merci. C'est vrai que l'initiative n'améliorera en rien la situation et n'apportera aucune solution. J'en suis certain ! Elle évoque un développement équilibré, mais comme les nouvelles technologies seront moins bruyantes, on nous expliquera dans quelques années que 25 millions de passagers, c'est tout à fait équilibré ! Donc ça ne veut absolument rien dire, et le texte n'est pas du tout contraignant. Notre projet de loi, en revanche, est contraignant: il vise à limiter le développement du low cost à 50% du marché. Je propose par conséquent que vous le souteniez dans l'intérêt des Genevois et des riverains, afin de limiter la pollution et les nuisances. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. L'initiative 163 sur laquelle nous voterons prochainement est vague et exprime surtout des intentions. L'objectif avoué des initiants était - et c'est toujours le cas - de fédérer plusieurs associations et, une fois le texte inscrit dans notre constitution, de déposer des projets de lois en vue de limiter trafic, pollution, bruit et autres. Avec cette approche, personne ne sait dans quelle direction nous irons ! La médiocrité et l'absence totale de leadership de notre Conseil d'Etat n'aident pas non plus. La situation se détériore dans notre canton et personne ne sait où nous allons. Zurich dispose de courbes PSIA et d'une convention d'objectifs cantonale depuis deux décennies. A Genève, le Conseil d'Etat déclasse des terrains comme Cointrin-Est ou Cointrin-Ouest, dont une partie se situe à l'intérieur des courbes PSIA, et de ce fait...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Pfeffer.

M. André Pfeffer. Non, j'ai chronométré ! (Commentaires.) Il me reste encore en tout cas une minute !

Le président. Non, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. André Pfeffer. De ce fait, ils sont inconstructibles...

Le président. Merci. Je passe la parole au conseiller d'Etat. (M. André Pfeffer continue à s'exprimer.) S'il vous plaît, Monsieur Pfeffer ! (Brouhaha.) Non, c'est terminé, vous êtes dans le rouge ! C'est à vous, Monsieur Dal Busco.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour les excellentes raisons évoquées notamment par le rapporteur de majorité, mais aussi par plusieurs d'entre vous, le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce projet de loi. Si vous le permettez, je vais toutefois profiter d'avoir la parole pour ajouter certains éléments et correctifs suite à quelques-unes des affirmations qu'on a entendues au cours de cet intéressant débat.

Concernant d'abord les 25 millions de passagers en 2030, je me permets de signaler à celui ou celle qui l'a affirmé qu'il ne s'agit pas d'une volonté du Conseil d'Etat. Il n'a jamais été question pour le Conseil d'Etat d'atteindre cet objectif ! C'est une prévision qui a émané de l'Office fédéral de l'aviation civile, on l'a relevé, en aucun cas un objectif.

D'autre part, on a bien entendu le rapporteur de minorité lorsqu'il a dit que le Conseil d'Etat manquait de leadership. Il a en outre cité Zurich en exemple, ce qu'il m'arrive aussi souvent de faire. Mais dans le cas d'espèce le Conseil d'Etat fait son job ! Nous disposons d'une convention d'objectifs depuis plusieurs années, et depuis le mois de mai nous en avons une nouvelle - nous l'avons signée avec l'aéroport - qui est extrêmement ambitieuse. C'est d'ailleurs le seul moyen d'obtenir des objectifs concrets s'agissant des nuisances provoquées par cet aéroport, dont il faut évidemment être conscient. Ce ne sont certainement pas les dispositions de l'initiative sur laquelle on va voter le 24 novembre prochain qui permettront concrètement d'améliorer la situation ! En revanche, la convention d'objectifs - que je vous invite à lire, Monsieur Pfeffer - fixe des buts extrêmement clairs et ambitieux. Le niveau maximum de bruit est pratiquement atteint aujourd'hui, et nous avons pour ambition que d'ici à 2030 le bruit diminue de façon à revenir au niveau auquel il se situait en l'an 2000. Voilà l'objectif ! Il est ambitieux, mais c'est un but atteignable grâce à l'évolution technologique et le renouvellement des flottes d'avions, un renouvellement qui est très fortement encouragé par une politique tarifaire dont les principes figurent dans la convention d'objectifs.

Voilà comment nous assumons ce leadership. Notre aéroport international est fondamental pour Genève, pour la Genève internationale et pour l'économie tournée vers l'exportation. Il provoque certes des nuisances que le Conseil d'Etat veut maîtriser, mais la convention d'objectifs, plus que tout autre moyen - plus que l'initiative, en l'occurrence - permettra d'atteindre ces buts, volontaristes, auxquels le Conseil d'Etat tient absolument. Merci de votre attention.

Le président. Merci. Nous passons tout de suite au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12270 est rejeté en premier débat par 76 non contre 14 oui et 1 abstention.