République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12399-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Mathias Buschbeck, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Alessandra Oriolo, Frédérique Perler, François Lefort, Jean Rossiaud, Paloma Tschudi, Adrienne Sordet, Yves de Matteis, Delphine Klopfenstein Broggini, Marjorie de Chastonay, Isabelle Pasquier modifiant la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (LaLCR) (H 1 05) (Pour plus de mobilité douce, alléger le principe de compensation)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 septembre 2019.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de première minorité de M. Mathias Buschbeck (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant, le PL 12399-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je laisse la parole à M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en commission, le PL 12399 déposé par le groupe des Verts a été traité en même temps que le PL 12417 du Conseil d'Etat visant une modification de la LaLCR, à savoir l'assouplissement du principe de compensation des places de parking. Or il se trouve que notre Grand Conseil a voté cette loi lors de la dernière session, loi qui a d'ailleurs été attaquée entre-temps par un référendum - le peuple aura peut-être le dernier mot sur cette question.

Le PL 12399 est bien plus... (Un instant s'écoule.) Comment dire ? Plus fort, plus exigeant que le projet de loi du Conseil d'Etat, qui était le fruit d'un consensus avec les milieux économiques. Pour nous, il va beaucoup trop loin et il est surtout devenu obsolète. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous demande de le refuser en rejetant son entrée en matière. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Chères et chers collègues, ce projet de loi a un grand mérite, celui d'apporter de la simplicité à une loi qui a tout d'un mille-feuille et que de multiples couches successives ont rendue totalement illisible. Dans ce texte, pas de pourcentages, pas de distances, mais un seul principe: lorsqu'on crée des pistes cyclables ou des zones piétonnes et que, pour ce faire, on doit supprimer des places de stationnement, il n'est pas obligatoire de compenser celles-ci dans un parking souterrain.

Ces derniers temps, tous les partis jurent qu'ils agissent pour le climat. Sachant qu'un tiers des gaz à effet de serre sont produits par le secteur des transports, il est évident qu'il faut favoriser les déplacements à vélo au détriment du trafic motorisé, c'est la moindre des choses si on veut vraiment atteindre l'objectif de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, ainsi que le prévoit le plan climat cantonal. C'est d'ailleurs ce qui se fait dans toutes les villes européennes. Mais à Genève, comme l'a dit le rapporteur de majorité, ça va trop loin, c'est trop. On voit là tout l'écart entre les discours et les actes. Nous demanderons par conséquent le vote nominal sur cet objet afin de connaître la position des candidats au Conseil national qui se trouvent dans cette salle.

Vous allez me répondre qu'il y a l'autre texte, celui que nous avons voté lors de la dernière session. Il n'est pas très ambitieux, mais qui peut le plus peut le moins, aussi les Verts l'ont-ils accepté dans un esprit de consensus. Mal nous en a pris: il a été attaqué en référendum par les excités du volant, ce que nous regrettons. Cela étant, pour des questions stratégiques, je conseille à ceux qui sont favorables à la loi que nous avons adoptée le mois passé de soutenir également ce projet-ci, à tout le moins de s'abstenir, car nul doute que les mêmes milieux l'attaqueront en référendum; à ce moment-là, vous pourrez dire: «Le nôtre est mieux, il est moins extrémiste», et il passera plus facilement la rampe.

Ainsi, autant pour des questions de fond que de stratégie, je vous invite à accepter ce projet de loi en précisant qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre les deux textes, puisqu'ils ne concernent pas les mêmes articles de lois; ils sont parfaitement complémentaires et cumulables. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en 2012, une majorité pro-voitures a décidé de graver dans le béton le nombre de places de stationnement dans notre centre urbain. Le principe est le suivant: à quelques rares exceptions près, toute place de parking supprimée en surface, peu importe pour quel motif, doit être compensée dans un ouvrage en sous-sol existant.

Or en fonction des quartiers, il n'y a pas forcément de parkings avec suffisamment de places libres à disposition, donc ce principe de compensation bloque purement et simplement des projets qui nécessitent la suppression de places de stationnement, notamment des projets d'aménagement en faveur de la mobilité douce comme des voies et zones piétonnes ou des pistes cyclables. Les conséquences sont immédiates: ça signifie que créer des zones piétonnes, libérer de l'espace public pour d'autres usages, améliorer la sécurité et la circulation des cyclistes et des piétons devient extrêmement difficile.

A l'heure actuelle, on le sait, le rapporteur de première minorité l'a rappelé, nous nous trouvons dans une situation d'urgence climatique, nous subissons des pics de pollution extrêmement importants qui ont un impact négatif sur la santé. Genève connaît également une congestion du trafic et, pour régler ces problèmes, il est primordial d'encourager par tous les moyens possibles le transfert modal du transport individuel motorisé vers des modes doux de locomotion, il est essentiel de créer des itinéraires directs et sécurisés pour la mobilité douce. Or ce sont précisément ces types d'équipements qui se trouvent bloqués en raison d'un dispositif passéiste et rigide.

Le Conseil d'Etat a fini par prendre conscience du problème - un peu tardivement, mais il l'a fait quand même - notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre de la LMCE, paralysée à plusieurs niveaux en raison de ce mécanisme, et a proposé un projet de loi d'assouplissement qui a été, on s'en réjouit, adopté à une très large majorité de notre Grand Conseil - avant d'être hélas, comme l'a indiqué M. Buschbeck, contesté par référendum. L'adoption de la loi du Conseil d'Etat, c'est bien, mais l'adoption du présent projet, c'est mieux, parce que loin d'être concurrents, les deux textes sont en réalité complémentaires: celui du gouvernement vise à alléger le principe de compensation, celui-ci propose de ne pas en tenir compte quand on crée des aménagements en faveur des modes doux de transport.

Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous nous trouvons aujourd'hui à un moment charnière: sans un changement radical de nos habitudes, notamment de nos déplacements, la crise climatique va s'aggraver. La question que je vous pose est la suivante: voulons-nous faire partie du problème ou de la solution ? Si vous optez pour la seconde réponse, si vous souhaitez faire partie de la solution, eh bien je vous invite à accepter ce projet de loi. Merci.

M. Stéphane Florey (UDC). Le discours qu'on a entendu, ouh là, ça fait peur: on nous menace de nous dénoncer à la population avec un vote nominal ! J'ai presque envie de dire qu'il faut vite qu'on change notre position !

Plus sérieusement, ce projet de loi ne sert strictement à rien, puisque tout récemment encore, une majorité de ce Grand Conseil a accepté la loi 12417 qui supprime déjà 4000 places de parc. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, ce texte fait l'objet d'un référendum... Enfin, il faut d'abord récolter les signatures, mais j'ai bon espoir que les référendaires en trouvent le nombre suffisant. Avant toute chose, on doit donc attendre la décision du peuple, déterminer s'il est d'accord avec la suppression des places de stationnement et s'il serait éventuellement prêt à aller encore plus loin, ce dont je doute fortement.

Non, ce projet de loi devrait être retiré en attendant une décision populaire; j'invite dès lors M. Buschbeck à le retirer et à patienter tranquillement jusqu'au prochain vote, comme je viens de le dire. Dans l'intervalle, nous le refuserons, et j'appelle la majorité à faire de même, à rejeter ce projet de loi qui ne sert plus à rien du tout. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est un peu étonnant: certains, comme M. Florey, préconisent d'attendre le résultat de la votation - si votation il y a - et d'autres considèrent que c'est trop tard, que la mesure n'est pas suffisamment percutante. Nous, à Ensemble à Gauche, nous estimons que nous devons faire face à nos responsabilités. Aujourd'hui, la crise climatique est certaine, des canicules sont annoncées: on en est à une semaine par année, alors qu'avant, c'était tous les dix ans; demain, ce sera quasiment un mois et après-demain, deux à trois mois chaque été.

Nous devons prendre nos responsabilités, d'autant qu'il existe des solutions: le vélo électrique, les trottinettes et d'autres choses. Nous avons la possibilité d'aller de l'avant et de faire partie de la solution face à l'urgence climatique. Je vous rappelle que ce n'est pas un vain mot, il ne s'agit pas de dire: «Oui, oui, on s'adaptera aux dérégulations du climat.» Des gens meurent maintenant déjà tout autour de la planète. Supporter des températures de 45 degrés, pour des hommes ou des femmes en bonne santé, ça passe, mais pour des enfants ou des personnes âgées, traverser de telles chaleurs constitue un véritable défi.

Mesdames et Messieurs, nous soutenons cette démarche qui vise à améliorer les conditions-cadres pour favoriser l'aménagement des transports doux, que ce soit la marche, le vélo, le vélo électrique, enfin toutes les possibilités qui s'offrent à nous. C'est pourquoi Ensemble à Gauche soutiendra ce projet de loi.

M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues députés, ce projet de loi répondait à une inquiétude, celle que le département mette dix ans à déposer le texte qu'il avait promis, selon les termes du premier signataire. Cette crainte ne s'est de loin pas concrétisée, puisque nous avons voté lors de la dernière session la loi 12417, une révision de la LaLCR qui permet de réaliser en grande partie les objectifs que ce projet-ci poursuit. Le même premier signataire, aujourd'hui rapporteur de première minorité, qualifie d'ailleurs le texte du Conseil d'Etat de «pragmatique», car il permet de débloquer la situation.

Le PLR a très majoritairement soutenu ce compromis pour faciliter la transition vers une mobilité douce intelligente et réussir l'intégration du Léman Express dans le schéma de mobilité du canton dès la fin de cette année. La modification de la méthode de calcul s'agissant du taux d'occupation des parkings en ouvrage répond à une logique implacable, à la fois pratique et économique. Les débats en commission sur ces deux projets ont par ailleurs montré que le nombre de places de livraison ne serait pas touché, ce qui est absolument nécessaire.

Avec les commissaires PLR, j'ai oeuvré à ce consensus afin de débloquer la situation. C'est donc le coeur léger que mon groupe et moi-même refuserons ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la pierre d'achoppement de la mobilité, le dispositif de blocage par excellence, c'est le principe de compensation des places de stationnement. Nous en avons discuté il y a un mois et, heureusement, une majorité a réussi à supprimer 4000 places de parc, ce qui nous permet déjà d'avancer tranquillement. Nous vous proposons maintenant de faire un pas de plus pour opérer une véritable révolution en matière de déplacements: le présent texte admet des exceptions à la loi dès le moment où l'on réalise des projets liés à la mobilité douce, comme des aménagements cyclables, piétonniers ou de transports publics.

De manière générale, le contexte est extrêmement favorable, en raison non seulement de l'urgence climatique - c'est un peu paradoxal - qui nous oblige à agir de manière ambitieuse, mais aussi des habitudes des gens. Une enquête intéressante a été menée par l'EPFL: basée sur plus de 2000 personnes actives, elle montre que l'image de la voiture est en train de régresser, ou du moins que celle-ci a de moins en moins la cote, tandis qu'en parallèle, le vélo est beaucoup mieux vu. Ces résultats coïncident avec l'augmentation du nombre de cyclistes - même si, globalement, la part modale du vélo reste extrêmement faible, avec quelque 6% à 7% des usagères et usagers de la route.

Alors pourquoi le vélo peine-t-il à percer ? Pourquoi n'arrive-t-on clairement pas à changer cette tendance ? C'est parce que les infrastructures ne sont pas suffisantes. Le handicap principal, c'est la sécurité, la sécurité pour les cyclistes, mais aussi pour les piétons. Il se trouve que le magistrat vient de présenter son Plan d'actions de la mobilité douce 2019-2023. Si on se réjouit de découvrir que 96 projets sont planifiés, il est évident qu'il ne faut pas se contenter de les annoncer; on en a fait l'expérience avec le Plan d'actions de la mobilité douce 2015-2018 dont 29% des mesures seulement ont été réalisées.

Il s'agit aujourd'hui de concrétiser ces intentions, d'aller de l'avant, il ne s'agit pas juste de dire, je prends un exemple précis, qu'une voie verte est prévue entre Versoix et Chambésy. En effet, cette voie verte n'est autre qu'un chemin existant - que j'emprunte régulièrement, au demeurant - qui est certes très bien à la campagne, mais aménager une vraie voie verte... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci. ...si on décide de mettre le paquet là-dessus - et on aurait raison de le faire - ça signifie un itinéraire en site propre, sécurisé, bidirectionnel pour les cyclistes comme pour les piétons.

Par conséquent, si on veut faire preuve d'ambition en matière de mobilité douce, parce qu'il est nécessaire de changer de cap, de changer de paradigme, il faut aller plus loin, il faut faire un pas supplémentaire, et le projet de loi des Verts nous offre cette opportunité. Aucune autre ville, aucun autre canton n'a dans son corpus législatif de disposition sur la compensation des places de parc; c'est un mécanisme qui, par définition, bloque toute possibilité d'évolution. La proposition que nous vous soumettons ici est excellente et nous permettra réellement de mener la révolution dont nous avons besoin. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Florian Gander (MCG), député suppléant. J'aimerais revenir sur certains propos tenus plus tôt par ma collègue socialiste, Mme Marti. Les partis de gauche ont tendance à oublier que quasiment la moitié du trafic qui sature le réseau genevois est due aux frontaliers. Eh oui, on en revient toujours à la question des frontaliers, on ne peut pas y échapper ! Nos résidents, sous la contrainte de suppressions aléatoires de places de stationnement, font l'effort - je dis bien: font l'effort, parce qu'ils y sont un peu obligés - de changer de moyen de transport, et il est vrai que de plus en plus d'habitants, principalement dans le centre-ville, utilisent les transports publics ou la mobilité douce, par exemple les vélos électriques. On observe même une recrudescence des trottinettes électriques, et j'ai d'ailleurs déposé un texte à ce sujet qui est en traitement à la commission des transports.

Alors on ne sait pas quel mode de déplacement sera adopté demain, mais aujourd'hui, nous avons un sérieux problème. La question qu'il faut se poser est la suivante: combien de véhicules le canton peut-il encore absorber ? On arrive à saturation, et je pense pour ma part qu'on ne peut plus rien absorber. Ainsi, il faudrait plutôt faire un travail au niveau de l'engagement du personnel, favoriser les résidents afin qu'ils puissent employer des moyens de locomotion locaux comme les transports publics ou les vélos électriques qui sont plus pratiques pour se déplacer dans le canton que quand on vient d'Annecy ou d'Annemasse - je pense surtout aux gens qui viennent d'Annecy, voire de beaucoup plus loin, et qui ne circulent pas forcément en vélo électrique. Voilà, Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, le groupe MCG vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit, ce projet de loi a été étudié à la commission des transports en même temps que celui du Conseil d'Etat visant à assouplir le principe de compensation des places de parking, qui a été soutenu de manière large par Ensemble à Gauche, les Verts, le parti socialiste, le PDC et le PLR - le rapporteur de majorité était même PLR ! C'était un grand pas en avant, et même si le texte n'est pas assez ambitieux pour le groupe socialiste, c'était déjà un premier pas.

Pour beaucoup de monde, les bras nous en sont tombés quand on a appris que le TCS lançait un référendum contre la loi ! C'est là qu'on voit qu'en matière de mobilité, on a beau parler, crier, hurler urgence climatique tout le temps, certaines associations restent figées dans une mentalité du XXe siècle, c'est malheureux. On espère donc que ce référendum soit n'aboutira pas, soit que la population s'y opposera... En fait, on espère plutôt que le référendum aboutira et que la population s'y opposera dans sa grande majorité, ça fera comprendre aux gens qu'il faut évoluer en ce qui concerne nos déplacements.

Que demande ce projet de loi ? Il demande que le principe de compensation ne s'applique pas quand on aménage des infrastructures pour le vélo ou les piétons. Ça va clairement dans le sens de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, qui a été acceptée en 2017 par 68% de la population et qui stipule que dans les zones urbaines, la priorité est donnée aux transports publics et à la mobilité douce. Pour donner la priorité à la mobilité douce et faire avancer les choses, il faut créer des aménagements. Or leur construction est trop souvent bloquée par des recours qui invoquent précisément le principe de compensation, Monsieur le président, un principe rigide et ridicule non seulement en regard de la mobilité, mais également pour des questions financières, parce qu'une place de stationnement en ouvrage, c'est entre 50 000 et 80 000 francs l'unité ! C'est une aberration s'agissant de la mobilité tout comme c'est une aberration économique.

Aujourd'hui, la part modale du vélo à Genève est d'environ 6% - entre 6% et 7% - alors que dans des villes comme Copenhague ou Amsterdam, elle atteint plus de 50% ! On a parlé de vélo, de vélo électrique, de trottinette, de trottinette électrique: si on veut favoriser cette mobilité douce, nous devons offrir des aménagements, et le présent projet de loi va dans ce sens en simplifiant leur création. Le parti socialiste soutiendra ce texte de loi pour donner un coup de pédale dans la bonne direction, la bonne direction étant la mobilité douce. Bon Dieu, soyons ambitieux et visionnaires dans ce Grand Conseil pour la mobilité de demain !

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi a d'ores et déjà atteint ses objectifs - pour certains, partiellement, pour d'autres pas. Je vous rappelle qu'il a été traité en commission avec celui du Conseil d'Etat et que lors des discussions, on l'a dit, le premier signataire a clairement indiqué qu'il maintiendrait son texte quoi qu'il arrive, parce qu'il n'avait pas envie d'attendre dix ans avant que le Conseil d'Etat propose quelque chose.

Entre-temps, le PL 12417 du Conseil d'Etat a été largement accepté, il a fait l'objet d'un compromis, mais n'oubliez pas que le fait d'avoir provisoirement gelé le projet dont nous discutons aujourd'hui a joué un rôle de stimulateur pour celles et ceux qui hésitaient encore à trancher. Au niveau du consensus et de la réflexion, on a déjà largement tenu compte de ce projet de loi, il est quand même important de le souligner.

J'ai moi-même été consterné d'apprendre que la loi à peine adoptée ici, le parti socialiste de la Ville lançait un référendum contre le parking des Clés-de-Rive, qui faisait quand même partie du deal général, suivi ensuite par le TCS contre ladite loi, ce qui est regrettable. Pour nous, aller encore plus loin maintenant, c'est rallumer une guerre des transports qu'on essaie précisément de stopper dans l'intérêt de tous, sachant que le cheminement vers la mobilité douce va se faire de toute manière.

Je rappelle enfin que le Léman Express entrera bientôt en fonction et qu'on ne peut pas encore mesurer ses effets, sans parler des modifications à la loi qui ont été votées il y a un mois; il faudrait commencer par supprimer une partie des 4000 places en question pour observer les conséquences que ça aura sur le trafic et la réalisation de pistes cyclables. Pour toutes ces raisons et afin d'assurer la paix des braves, si vous me passez l'expression, le parti démocrate-chrétien vous incite à refuser ce projet de loi. Merci beaucoup.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, mobilité douce, d'accord, mais clairement pas sous la forme d'un hold-up comme le propose ce projet de loi des Verts ! Vous avez dit tout à l'heure, Monsieur Wenger, que la part modale du cyclisme était de 6% à Genève. 6%, c'est-à-dire rien ! Nous, au Mouvement Citoyens Genevois, on est d'accord de changer de vision, d'appréhender les choses autrement, de se mouvoir au sein de notre canton de façon différente, à pied ou en utilisant le vélo, voire les transports publics. Mais nous pensons aussi aux citoyennes et citoyens de notre canton, aux résidents de notre canton qui seront les premiers prétérités par ce projet de loi, qui seront les premiers à être enquiquinés par ce projet de loi.

Je rappelle, comme l'a dit notre collègue Florian Gander, que le gros problème aujourd'hui, c'est que la majorité du trafic qui entre sur notre territoire est un trafic transfrontalier, venant de France ou du canton de Vaud, donc c'est là-bas qu'il faut commencer par trouver des solutions, y construire des parkings, inciter les gens à emprunter nos transports publics, pourquoi pas développer les transports publics - c'est ce qui se fait aujourd'hui en collaboration avec les TPG. Le Mouvement Citoyens Genevois ne votera pas ce projet de loi. Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Quelques mots suite aux propos de M. Blondin sur le parking des Clés-de-Rive. La décision de ne pas soutenir ce projet répond à la même logique que la suppression ou l'allégement du principe de compensation: il s'agit de sortir du mécanisme de chantage dans lequel on nous enferme trop souvent. Vous voulez une zone piétonne ? Vous voulez des aménagements cyclables ? Eh bien vous devez accepter un parking ! Quand bien même celui-ci se situe en plein centre-ville, ce qui va totalement à l'encontre de la planification qu'on essaie de mettre en place pour faire sortir les voitures du centre. Si on veut qu'elles en sortent, il faut d'abord éviter de les y attirer, et un parking constitue le meilleur moyen pour cela.

Ensuite, pour répondre à M. Gander qui, une fois encore, pointe du doigt les frontaliers, je dirais que c'est précisément en limitant le nombre de places de stationnement dans les centres urbains de notre canton qu'on incitera les frontaliers, mais également les résidents genevois, à utiliser d'autres modes de transport pour se rendre au centre de l'agglomération, ce qui diminuera les émissions de CO2 tout comme l'engorgement de nos routes. Je vous remercie.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. A écouter la majorité, on a un peu l'impression d'entendre: «Circulez» - c'est le cas de le dire - «y a rien à voir, la loi que nous avons votée le mois dernier suffira pour mettre en oeuvre une politique ambitieuse.» Mesdames et Messieurs, les modifications à la loi que nous avons adoptées le mois passé ne suffiront clairement pas pour respecter la volonté populaire, celle qui s'est exprimée lors du vote de l'initiative sur la mobilité douce, qui demandait des pistes cyclables continues et sécurisées dans l'ensemble du canton en l'espace de huit ans; le délai de huit ans est échu, elles ne sont pas là.

Ça ne suffira pas non plus pour respecter la volonté populaire qui s'est exprimée lors de l'acceptation de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, laquelle donne la priorité aux modes de transport doux au centre-ville, tout comme la volonté populaire qui s'est exprimée lors de la votation sur l'arrêté constitutionnel fédéral concernant les voies cyclables.

Enfin, vous ne respectez pas non plus le plan climat cantonal qui vise une réduction des gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030. Non, la loi que nous avons adoptée le mois dernier ne suffira pas, et je voudrais vous entendre à ce sujet: que comptez-vous faire pour concrétiser la volonté populaire ? Aujourd'hui, vous ne répondez pas à la question, et nous le regrettons. Je vous remercie.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Demain, nous roulerons à l'hydrogène, nous roulerons à l'électrique, nous roulerons dans des véhicules hybrides, donc cette question sera largement réglée dans moins de cinq ans. Je rappelle que la loi 12417 qui a été votée dans cet hémicycle il y a un mois permet déjà de supprimer 4000 places de stationnement en surface. Le texte a fait l'objet d'un compromis, comme cela a été souligné, qui a été accepté par ce parlement, il est maintenant combattu par référendum; ça s'appelle la démocratie. Quand j'entends mon collègue Vert parler des «excités du volant»... Il ne faut tout de même pas exagérer !

Comme l'a dit mon préopinant Blondin du groupe PDC, on peut s'inquiéter de la situation liée au parking des Clés-de-Rive. Tôt ou tard, il faudra trouver une solution pour compenser toutes les suppressions de places au quai Gustave-Ador et dans la zone des Eaux-Vives; si vous voulez aller y manger une pizza le soir, vous tournez pendant deux heures ! A mon avis, le parking des Clés-de-Rive représente une excellente solution, d'autant qu'un projet de piétonnisation va avec. Cela permettra, je l'espère, d'opérer un transfert modal.

Enfin, l'économie a besoin de places de livraison, c'est une évidence, et il manque énormément d'espace pour les livraisons... Ah, et pour revenir au transfert modal que je viens d'évoquer, il faut rappeler que beaucoup de gens ont déjà opté pour les deux-roues, mais pas seulement les vélos, aussi les motos. En effet, plus de 50 000 personnes roulent en deux-roues motorisé dans ce canton, et il conviendra également de leur trouver une solution dans les années à venir, le plus tôt sera le mieux. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la volonté du Conseil d'Etat de développer la mobilité douce est sans faille. Comme cela a été rappelé au cours du débat, nous avons présenté avant-hier le Plan d'actions de la mobilité douce 2019-2023 qui contient des objectifs parfaitement atteignables, c'est la caractéristique de ce programme. Il ne s'agit pas d'un inventaire à la Prévert, mais d'un ensemble de mesures exécutables, finançables - elles sont d'ailleurs financées - et donc réalistes, et nous ferons tout pour les mettre en oeuvre.

Lors des discussions le mois dernier, j'ai eu l'occasion de dire tout le mal que je pense de la loi qui figure dans notre corpus législatif depuis 2012 et qui bloque non seulement de nombreux projets, mais également la concrétisation de la volonté populaire, en particulier l'application de la LMCE. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat avait déposé son projet de loi 12417 qui, lui aussi, se distingue par des buts quantifiables. Ce texte, qui a réuni une large majorité dans ce Grand Conseil, vise à exécuter la LMCE: priorité à la mobilité douce et aux transports en commun dans les zones urbaines et fluidification du transport individuel motorisé sur les axes prévus à cet effet dans un délai de cinq ans.

Si cette loi est acceptée, pour autant que le référendum n'aboutisse pas à la fin du mois, ou si le peuple est appelé à se prononcer suite au référendum et qu'il le fait comme nous le souhaitons, c'est-à-dire de manière favorable, nous pourrons mettre en oeuvre la LMCE dans un délai d'environ cinq ans, ce qui paraît raisonnable et compatible avec les exigences opérationnelles de notre administration. Cette loi - je parle bien de celle qui a été votée par votre parlement le mois dernier - nous permet donc d'atteindre nos objectifs. Il est clair qu'on peut se montrer encore plus ambitieux - à titre personnel, je dirais que si on pouvait s'éviter des obstacles inutiles, j'en serais ravi - mais dans le cas d'espèce, les objectifs qui sont les nôtres et qui sont largement partagés, qui sont ceux sur lesquels le peuple s'est prononcé en 2016, seront atteints avec cette loi.

Par conséquent, la proposition que vous examinez ce soir est inutile, même si elle peut sembler souhaitable. Qui peut le plus peut le moins: chacun connaît le dicton, mais en l'occurrence, ce n'est pas indispensable. Ce qui est indispensable, en revanche, c'est que la vaste majorité qui s'est exprimée dans ce parlement en faveur du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat se retrouve, cas échéant, pour combattre le référendum. En effet, si cette loi adoptée par votre assemblée n'est pas confirmée par la population, eh bien là, nous aurons de gros problèmes. C'est dans cette perspective unificatrice que je conclus mes propos. Merci de votre attention.

Le président. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière...

M. Mathias Buschbeck. Vote nominal !

Le président. Etes-vous suivi ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Je lance la procédure de vote nominal.

Mis aux voix, le projet de loi 12399 est rejeté en premier débat par 55 non contre 41 oui (vote nominal).

Vote nominal