République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11954-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant un transfert d'actifs entre l'Etat de Genève et la Fondation de la Maison Rousseau et de la Littérature
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 2 et 3 novembre 2017.
Rapport de M. Roger Deneys (S)
PL 11955-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une aide financière à la Fondation de la Maison Rousseau et de la Littérature pour les années 2017 à 2020
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 2 et 3 novembre 2017.
Rapport de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour: les PL 11954-B et PL 11955-B, qui seront traités ensemble en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur. Je la prends, merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour rappel, ces deux projets de lois ont déjà fait l'objet de travaux circonstanciés et exhaustifs de la commission des finances, comme mentionné à la page 2 de mon rapport. Six séances ont été consacrées à cette étude entre la fin de 2016 et le début de 2017, ce qui représente des coûts de traitement parlementaire - travaux en commission puis renvoi en plénière - qui s'élèvent certainement à 20 000 F.

Je vous rappelle que le PL 11955 prévoit de verser 115 000 F à la Fondation de la Maison Rousseau et de la Littérature pour l'année 2017. On peut donc se poser des questions quant au temps que nous consacrons à certains projets comme celui-ci.

Ces projets de lois ont d'une part pour but de délivrer un droit de superficie à la Maison Rousseau et de la Littérature - soit une subvention d'investissement de 1,5 million de francs - et d'autre part, comme évoqué, d'accorder une aide financière à cette fondation de 115 000 F en 2017, de 235 000 F en 2018 et de 385 000 F en 2019 et 2020. Pourquoi ce soutien ? Pour deux raisons. Tout d'abord, parce que la Maison Rousseau et de la Littérature a trouvé des financements privés pour rénover complètement cette maison historique, et aussi parce que la promotion du livre et de la lecture est a priori une tâche qui a vocation à être cantonale plutôt que municipale, comme la magistrate, Mme Emery-Torracinta, a eu l'occasion de nous le rappeler à maintes reprises. C'est donc dans ce cadre que se développe ce projet de loi.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut aussi rappeler qu'il s'agit d'une maison historique située pas très loin d'ici et dont la rénovation est retardée, notamment par notre incapacité à prendre une décision, depuis 2014, année où l'autorisation de construire a été délivrée. Il a pourtant été évoqué, entre autres par M. Cerutti, membre PDC de la commission des finances, que la rénovation d'une telle maison permet également à des artisans, à des professionnels compétents et expérimentés, de perdurer et d'assurer ainsi des rénovations de qualité pour des biens très particuliers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cette caractéristique a évidemment aussi comme conséquence des coûts supérieurs à ce qu'on peut imaginer pour la rénovation d'un immeuble d'habitation standard. Je vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à vous référer aux rapports PL 11954-A et 11955-A de M. Lussi d'une part...

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Roger Deneys. ...et de Mme Schneider Hausser d'autre part, qui expliquent plus en détail le projet lui-même et son financement. Mais, après ce deuxième passage à la commission des finances, je vous invite à accepter ces deux projets de lois et à ne pas dépenser des moyens supplémentaires pour simplement parler sans rien faire.

M. François Baertschi (MCG). Rousseau est un grand personnage de Genève, un personnage souvent maltraité par sa ville natale, et il mérite véritablement qu'on lui consacre ce lieu. Ce n'est que justice ! Au sein du groupe MCG, nous avions quelques questions, notamment sur les coûts de rénovation et sur divers éléments techniques, et nous voulions quelques explications. C'est pour cela que nous avons proposé un retour en commission: afin d'avoir toutes nos réponses, que nous avons reçues entre-temps. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de soutenir ces deux projets de lois.

M. Edouard Cuendet (PLR). Sans surprise, je ne partage pas l'enthousiasme de mes deux préopinants. Ces projets de lois - et ce projet tout court - pourraient être appelés, ou renommés: «Il a bon dos, Rousseau !» Parce que, si on regarde de plus près, on voit que seule une portion congrue du projet est consacrée à ce grand homme qu'était Jean-Jacques Rousseau: il y a juste un petit parcours initiatique au premier étage, tout le reste est consacré à d'autres activités. On nous a dit... et là, je contredis un peu M. Deneys: je pense que c'était utile de faire tous ces travaux en commission, parce que lors de l'audition de la fondation, on nous a beaucoup parlé d'un réseau de maisons de la littérature, principalement en Allemagne - il n'était plus question de Rousseau - et toutes ces maisons, en Allemagne ou ailleurs, étaient gérées par des villes ! Il aurait donc été logique que ce soit la Ville de Genève qui s'occupe de ces dépenses.

D'autre part, le président de la fondation, qui est du même parti que le rapporteur de majorité, nous a aussi beaucoup parlé de résidences pour écrivains. Ceux qui se sont penchés sur le projet peuvent constater que ces résidences devraient se situer au cinquième étage, que ce cinquième étage est vide et qu'il n'est pas financé ! Les frais d'investissement et de fonctionnement ne sont donc pas du tout garantis pour ces résidences d'écrivains, résidences qui en plus font doublon avec celles que la fondation Michalski vient d'ouvrir, sans argent public, à Montricher. On remarque dès lors que ce projet constitue une dépense nouvelle qui ne répond pas à un besoin de la population - on nous parle tout le temps des besoins de la population pour motiver les dépenses; or, ça ne répond pas à un besoin de la population. Mme la conseillère d'Etat va comme d'habitude nous dire que c'est un transfert de charges et que ça ne coûtera pas un centime de plus. C'est simplement faux, parce que, s'il était vraiment nécessaire, ce transfert de charges aurait pu être utilisé pour créer les innombrables postes d'enseignants qui sont réclamés au DIP.

Ensuite, on nous parle des mécènes. C'est amusant parce que je suis évidemment favorable aux mécènes, mais le problème - et c'est une préoccupation que certains, même à gauche, partagent avec moi - c'est que les mécènes en question prennent en charge des frais d'investissement mais pas de fonctionnement. S'il est vrai que les travaux sont ici couverts par le mécénat, les frais de fonctionnement ne sont pas du tout garantis par ce même biais. C'est donc à la collectivité de les assumer. A cela s'ajoute encore le fait que cette Maison Rousseau ne répond pas à une demande puisque la Société de lecture, qui existe depuis le début du XIXe siècle et fonctionne sans aucune subvention publique, se trouve cinquante mètres plus loin. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La Maison Rousseau va entrer en concurrence directe avec elle, et en concurrence plutôt déloyale puisqu'elle bénéficiera de larges subventions alors que la Société de lecture n'en bénéficie pas ! On nous dit que les activités seront totalement différentes alors que si l'on regarde le programme de la Maison Rousseau, c'est pareil: il y a des ateliers de lecture, des ateliers d'écriture et toutes sortes d'autres choses que la Société de lecture fournit déjà.

Les travaux en commission ont aussi été utiles parce qu'ils ont permis de déterminer, et je remercie monsieur...

Le président. Vous avez terminé, Monsieur.

M. Edouard Cuendet. M. Zacharias a relevé que le prix de transfert était totalement dérisoire par rapport à la valeur de l'immeuble, et que les coûts des travaux étaient disproportionnés ! C'est pour ça que le groupe PLR ne soutiendra pas ce projet. Merci.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'Etat ne peut pas valoriser lui-même cette maison, et il aurait le plus grand mal à la vendre. Nous avons une fondation qui souhaite faire rayonner une personnalité importante pour Genève, Jean-Jacques Rousseau, qui propose de promouvoir la lecture et la littérature, y compris auprès des classes du DIP - c'est un objectif que nous partageons - et qui peut faire un peu vivre la culture dans une Vieille-Ville parfois bien morne. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, arrêtons de tergiverser et votons en faveur de ces deux projets de lois.

M. Olivier Cerutti (PDC). Le parti démocrate-chrétien, lui, n'a pas changé de position: il a compris qu'il y avait là une opportunité, et cela pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'à mon sens, la figure de Rousseau, philosophe bien connu, a un rôle pédagogique, des relations avec le monde des instituteurs et de nos enfants, qui me paraît relativement intéressant. Pour cette raison déjà, c'est une belle opération.

Deuxièmement, on entre dans le partenariat public-privé. On sait que l'Etat, aujourd'hui, ne peut pas tout réaliser et on voit ici un partenaire privé qui vient offrir ses services et participer à la transformation de ce bâtiment. Comme certains, j'ai pu voir et contrôler les prix du mètre cube, et on peut effectivement s'apercevoir que transformer un bâtiment dans la Vieille-Ville n'est pas très simple, tant par les accès que par l'architecture du XVIIe qui, comme l'a signalé le rapporteur, demande l'intervention de spécialistes. A Genève, nous avons aussi besoin de pouvoir faire de la pédagogie à travers ces rénovations et susciter des vocations pour ces métiers, très intéressants, qui ont tendance à disparaître, notamment les tailleurs de pierre. L'Etat s'y retrouvera à travers toutes ces opportunités.

Je suis persuadé que la Maison Rousseau est une belle institution qui participe au savoir par la lecture. Je rappellerai à M. Cuendet que la Société de lecture, effectivement toute proche, a elle aussi bénéficié d'un bâtiment: l'ancien hôtel du résident de France, l'un des rares endroits où la messe catholique pouvait encore être célébrée à Genève sous l'Ancien Régime. (Exclamations.) Je vous remercie.

M. Marko Bandler (S), député suppléant. S'il est fort probable que l'histoire genevoise aura oublié, d'ici deux ou trois cents ans, le nom de M. Edouard Cuendet... (Remarque.) ...je pense cependant qu'elle se souviendra toujours du nom de Jean-Jacques Rousseau qui fait partie, à l'instar de Jean Calvin, Jean Piaget ou Eric Stauffer... (Commentaires.) ...des personnages qui auront marqué durablement l'histoire de notre république. Quand bien même Rousseau a toujours entretenu une relation pour le moins compliquée avec sa ville d'origine, il n'en demeure pas moins que son nom, partout dans le monde, est aujourd'hui indissociable de la ville et du canton de Genève.

Ce projet de loi a une double portée: il a évidemment une portée historique, mais il a également une portée économique que je vais vous détailler ci-après. S'il est vrai que la bibliothèque de l'Assemblée nationale française détient les exemplaires originaux du «Contrat social» de Rousseau, un ouvrage, comme vous l'imaginez, très cher aux socialistes, et j'invite M. Cuendet à le lire un jour - vous transmettrez, Monsieur le président - beaucoup d'oeuvres ont été rachetées par des sociétés suisses et rapatriées sous nos latitudes. On rêve du jour où on pourra enfin rapatrier le corps de Rousseau qui, comme la Joconde, ne demeure pas dans sa patrie d'origine, et c'est une injustice. C'est vrai, Genève a par le passé laissé détruire la maison de Rousseau à la rue de Coutance pour y mettre un grand magasin que les Genevois connaissent bien; il ne faudrait pas laisser partir ce qui finalement nous reste du patrimoine de ce grand philosophe. Car ce lieu qu'on vous demande aujourd'hui de nous aider à rénover est appelé à devenir un haut lieu européen de discussion et de dialogue fondamental pour les idées, pour la littérature, pour la philosophie des Lumières dont notre bien-aimé concitoyen a été l'un des chantres principaux.

Le PL 11954 se rapporte à la rénovation d'un immeuble ancien de la Vieille-Ville, au numéro 40 de la Grand-Rue, qui sera transféré à la Maison Rousseau et de la Littérature sous forme d'une subvention d'investissement, comme on l'a fait pour d'autres bâtiments tels que la Maison de l'Ancre des EPI. La valeur comptable de l'immeuble est de 1,52 million; en complément, un droit de superficie de cinquante ans renouvelable est accordé. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Comme je n'ai plus beaucoup de temps, je termine. Je voulais simplement dire encore que, depuis sa création, 30% du financement de la MRL provient des activités et des dons et 70% des aides financières publiques. A l'acceptation de ce projet de loi, la MRL pourra disposer d'un budget de fonctionnement de l'ordre de 770 000 F. Cette subvention octroyée est le fruit d'une réallocation interne du service de la culture du département de l'instruction publique. Avec ce projet, nous avons véritablement l'opportunité de développer un concept novateur et réellement digne d'intérêt pour les Genevois - pour les écoles...

Le président. Il ne vous reste plus de temps, Monsieur le député.

M. Marko Bandler. ...pour les écrivains et pour le grand public, mais également pour le tourisme et pour l'aura de notre cité, qui va bien entendu en bénéficier.

Le président. Je vous remercie. Je passe la parole à M. le député Pascal Lussi. Patrick Lussi ! (Rire.)

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président de séance. Chers collègues, vous allez peut-être m'en tenir rigueur, mais je vais surtout faire cet exposé sur le ton de l'humour. Parce qu'avec tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent, nous sommes dans un registre où on essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Je m'explique: dans le rapport de 136 pages que j'ai déposé, le PL 11954-A, il ne s'agissait pas de dire qu'on ne veut pas de Maison Rousseau, il ne s'agissait pas de dire qu'on ne veut pas de rénovation; si vous avez pris la peine, cher préopinant, de lire le rapport, il s'agissait de dire que beaucoup de questions se posaient par rapport à l'élaboration, au projet - pharaonique - de construction qui n'avait plus rien à voir. C'est pour ça que mon collègue a dit que Rousseau avait bon dos.

Mais, et je passerai un peu par l'humour, il y a des moments dans notre situation, dans notre vie, où il faut croire aux enchantements. (Remarque.) Il y a eu un enchantement tout à fait... Un chevalier de la Table ronde - la Table ronde n'était pas en Angleterre, elle était à Genève - dans une réunion, a enchanté, endormi, les autres participants et, du jour au lendemain, le 31 août, toutes les positions ont changé: c'était magnifique, c'était absolument nécessaire ! On n'était plus dans la Maison Rousseau, on avait totalement oublié le projet de construction dont la réalisation et la démesure faisaient l'objet de quelques critiques ! Ce qui fait qu'au bout de l'enchantement, eh bien... Est-ce qu'on est dans «Le Livre de la jungle», vous savez, quand le boa arrive, qui s'est endormi ? Enfin, il y a tout un groupe qui a changé de position. C'est ça, Mesdames et Messieurs les députés, que nous discutons aujourd'hui: un changement de position par enchantement. Malgré tous les bons arguments avancés, il ne s'agit pas de dire qu'on ne veut plus de la Maison Rousseau, mais que le projet n'est pas adapté à nos finances et à la situation. Pour finir, je ne peux pas m'empêcher de dire - et je sais qu'on m'en voudra - qu'une bonne partie de mon rapport, qui affirmait que ce projet n'est pas bon, émanait d'un éminent membre de ce parti qui a subi un enchantement. Je vous remercie, Monsieur le président, l'UDC s'abstiendra.

Une voix. Bravo.

M. Jean Batou (EAG). Il est vrai qu'une éminente personnalité a été auditionnée et que le PLR a changé de position à l'issue de cette audition - je complète l'intervention de mon préopinant - et je m'en réjouis. Je m'en réjouis ! J'aimerais dire deux mots en ce qui concerne Jean-Jacques Rousseau, qui nous écoute peut-être de quelque part. Il faut quand même rappeler que c'était un gamin déshérité de Genève, un gamin dont le père a dû s'exiler à Nyon, qui de nos jours relèverait de la politique A03 et serait sans doute placé dans un foyer, qui à l'âge de 16 ans a fugué et a quitté cette république ingrate. Aujourd'hui, se taper sur le ventre pour expliquer combien il a de comptes à rendre à Genève me fait un peu sourire.

Jean-Jacques Rousseau, puisque nous le fêtons aujourd'hui et lui consacrons une maison - à lui et à la littérature - ce dont je me réjouis, écrivait en 1755, dans son «Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes», et je m'excuse parce que ça nous rapporte à notre discussion précédente sur les impôts: «Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire: ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables: gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.» Magnifique, n'est-ce pas ! (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek. Quelle horreur, c'était un communiste !

Une voix. Bravo !

M. Jean Batou. J'adore les applaudissements de cette assemblée devant la pensée de ce philosophe qui était bien sûr au contact de ses homologues français des Lumières, mais qui, à l'époque, avait été jeté au dehors de Genève à coups de pied au cul... (Exclamations.) ...par le patriciat genevois. Je suis d'ailleurs ravi - heureux retour des choses - qu'une représentante du patriciat genevois auditionnée par notre commission ait demandé qu'on ait plus de respect pour la figure de Jean-Jacques Rousseau et que tout le monde ici, dans une belle unanimité, vote donc en faveur de ce beau projet. Un seul regret pour Ensemble à Gauche: que l'on cède une entreprise patrimoniale et culturelle de cette importance au privé, alors qu'il appartiendrait au public de s'occuper de valoriser la pensée de Rousseau, l'oeuvre de Rousseau et les jeunes talents littéraires de langue française. Merci. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on entend de belles phrases ce soir, et peut-être que Rousseau aurait aujourd'hui été aux HUG - vous transmettrez à M. Batou, Monsieur le président - vu qu'il n'y a pas de place dans les foyers: il aurait donc, entre guillemets, «bénéficié» d'une hospitalisation sociale.

Une voix. A La Brenaz !

M. Daniel Sormanni. Mais, pour répondre aussi au député Lussi - vous lui transmettrez, Monsieur le président - je crois que tout ça, c'est finalement la faute à Rousseau ! Le projet qui nous est présenté ici est à mon avis équilibré, d'abord parce que, maintenant, la politique du livre est en effet du ressort de l'Etat ! Et plus la Ville de Genève ! La subvention à «La Fureur de lire» a été transférée de la Ville de Genève au canton; ce n'est tout de même pas rien !

Le projet de subvention qui nous est présenté pour faire marcher cette Maison Rousseau est modeste et nécessaire. Et le transfert du bâtiment est nécessaire ! Vous croyez que l'Etat de Genève et l'office des bâtiments, sans leur faire injure, vont prendre ça en main et le rénover à grands frais ? Avec un appel d'offres AIMP ? Et que ça coûtera moins cher que ce que nous proposent des privés ? J'ai l'impression de ne pas avoir bien entendu ! Ces mots auraient dû venir d'autres bancs ! Or, on nous dit aujourd'hui qu'un projet mis en place et financé par des privés coûte trop cher. Eh bien, non ! Probablement pas. Je pense que les privés vont chasser le gaspi, si je puis m'exprimer ainsi, avec beaucoup d'attention, et faire en sorte que le coût de cette rénovation soit raisonnable. Il y a en tout cas une chose qui est sûre: si c'est l'Etat qui doit le faire, il ne le fera pas. Il n'arrive déjà pas à rénover ses bâtiments; il nous promet cent ans pour les remettre aux normes actuelles, donc vous pensez bien qu'il ne va pas s'occuper de ce bâtiment-là. Je crois que participer au rayonnement de Rousseau est une nécessité, même s'il a renié la nationalité genevoise à la fin de sa vie - mais bon, il a été chassé de Genève. Je crois que ce rayonnement mondial, des Etats-Unis au Japon, est important; on se doit de l'honorer. Ces deux projets de lois sont parfaitement raisonnables et je vous invite à les soutenir ! (Quelques applaudissements.)

Une voix. Ah, bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à la députée Engelberts pour une minute et demie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je m'étonne que l'on parle de cette manière de Jean-Jacques Rousseau ! Bien sûr, on parle de la restauration de la Maison Rousseau, de qui va rénover quoi; une certaine responsabilité nous incombe en la matière, à mon avis. Je pense à l'apport de Jean-Jacques Rousseau, ce trublion, aux idées bien installées d'une époque. C'est vrai qu'il fait partie des Lumières, mais il était en même temps tellement contesté, tellement poursuivi qu'il est finalement parti de Genève, comme on l'a dit, avec un coup de pied bien senti. On ne peut pas être insensible à l'apport et à la vision pédagogique de Rousseau, même si on n'est pas d'accord avec cette manière de penser ! Rousseau interpelle, interroge, et il faut peut-être distinguer la part du philosophe de la part de la personne qu'était Rousseau. Quant à moi, en tout cas, je retiens sa philosophie le fait qu'il ait introduit le sens de l'observation pour les enfants, le sens de l'adaptation à la nature et le fait qu'il ait amené dans son siècle une autre façon de penser et de voir le monde. Cette sensibilité-là, genevoise, il faut la maintenir, il faut la garder ici ! Elle nous donne l'envie de la lecture, de l'enseignement, de la formation, et, pour cette raison, je rends un très grand hommage à ce philosophe - quoique je préfère Voltaire ! (Exclamations.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait à peu près huit ans que j'ai l'occasion de fréquenter la commission des finances - quatre ans comme députée, quatre ans comme conseillère d'Etat - et cela fait huit ans que j'entends trois litanies. Première litanie: il faut fusionner les associations, les institutions, etc., afin de faire des économies d'échelle. Deuxième litanie: il faut travailler en collaboration avec le privé et trouver des fonds privés chaque fois que c'est possible. Troisième litanie: en matière culturelle, il faut faire des choix ! Le département doit faire des choix et décider de privilégier certains domaines plus que d'autres. Avec les deux projets de lois qui vous sont présentés aujourd'hui, nous répondons parfaitement à ces trois objectifs. Pourquoi ? Parce que la Fondation de la Maison Rousseau et de la Littérature est elle-même issue de la fusion de deux entités: l'Espace Rousseau et l'Association pour une maison de la littérature à Genève. Deuxièmement, le département a fait des choix puisque la politique du livre, dans le cadre de la répartition des tâches canton-communes, revient au canton. Et nous souhaitons favoriser la politique du livre. Mais le projet de loi sur le fonctionnement ne vous coûtera pas un centime de plus: ce sont des réallocations à l'interne du département qui permettront de le financer. Enfin, concernant l'investissement, il a été rappelé que toute la rénovation du bâtiment va être financée par des donateurs privés. (Remarque.) Il s'agit donc là d'un projet exemplaire qui nous permet de valoriser le livre. Parce que, cette Maison, que va-t-elle faire ? Certes, cela a été rappelé, elle va mettre en oeuvre et valoriser le patrimoine littéraire et intellectuel de Rousseau. Mais elle va surtout faire - et peut-être en premier lieu - de la médiation culturelle autour du livre. Elle va démocratiser l'accès au livre, organiser des rencontres entre les auteurs et les lecteurs - ce qu'elle fait déjà, mais de manière embryonnaire, elle a besoin de plus d'espace - essayer de promouvoir le livre sous toutes ses formes, accueillir des classes. Et vous savez combien il est important que les élèves aient accès aux livres dès leur plus jeune âge, non seulement pour leur ouvrir l'esprit mais aussi pour pouvoir développer leurs capacités d'apprentissage en français. C'est donc un projet extrêmement intéressant, qui permettra également d'accueillir en résidence des auteurs et de favoriser ainsi la création littéraire. Par conséquent, c'est un projet que le Conseil d'Etat vous engage à soutenir aujourd'hui. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Monsieur le député Bandler, c'est pour quoi ?

M. Marko Bandler (S), député suppléant. C'est pour demander le vote nominal.

Le président. Etes-vous suivi ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11954 est adopté en premier débat par 59 oui contre 17 non et 10 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

La loi 11954 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11954 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 17 non et 11 abstentions.

Loi 11954

Le président. Nous passons au second projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11955 est adopté en premier débat par 60 oui contre 16 non et 11 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Article 1... Monsieur Velasco ?

M. Alberto Velasco. Monsieur le président, vous avez oublié le titre et le préambule. (Commentaires.)

Le président. C'est juste.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 11.

Troisième débat

La loi 11955 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11955 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 21 non et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11955