République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11501-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Lydia Schneider Hausser, Frédérique Perler, Pierre Vanek, Roger Deneys, Lisa Mazzone, Rémy Pagani, Olivier Baud, Salima Moyard, Jean-Charles Rielle, Christian Frey, Cyril Mizrahi en matière de chômage et d'emploi
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 11 et 12 mai 2017.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de première minorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 11501-A, que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Si nous dépassons 19h, nous en tiendrons compte pour la pause. Le rapporteur de première minorité, M. Deneys, est remplacé par Mme Schneider Hausser. Monsieur Béné, je vous passe la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi vise à résoudre le problème du chômage à Genève. Résoudre ce problème est important, mais si ce projet de loi était vraiment valable, on aurait imaginé qu'il soit signé par plus de monde d'Ensemble à Gauche et des socialistes. (Brouhaha.)

Le président. Un petit instant, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, un peu de silence ! (Le brouhaha persiste.) S'il vous plaît ! Regagnez vos places ou allez discuter à la salle des Pas-Perdus, je vous remercie. Allez-y, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que ce texte vise à résoudre le problème du chômage en créant des emplois. C'est une nouvelle idée: on crée des emplois, subventionnés, bien sûr, avec des salaires qui sont bien évidemment au-delà de ce que le peuple a refusé le 5 juin 2016 à plus de 65% - mais les auteurs de ce projet de loi essaient de se frayer un nouveau chemin avec cette nouvelle loi concernant le chômage.

Mesdames et Messieurs, ce texte est totalement déconnecté de la réalité. On nous annonce qu'il coûterait plusieurs centaines de millions, bien évidemment sans aucune valeur ajoutée, alors qu'en fait, ce qu'il faut... (Brouhaha persistant.)

Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, on ne s'entend pas ! Déjà que les micros ne sont pas bons ! Allez discuter derrière ! Le PLR, au fond, s'il vous plaît ! En plus, c'est l'un des vôtres qui parle ! Je ne comprends pas ! (Le silence se rétablit.) Je vous remercie. Allez-y, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. ...alors que ce qu'il faut pour maintenir et développer l'emploi à Genève, ce sont bien évidemment des conditions-cadres favorables, stables, une fiscalité raisonnable et une prévisibilité juridique à long terme pour les entreprises, et non pas, comme cela a été voté, de nouvelles taxes. Le problème du chômage n'est pas à minimiser, bien sûr. Les mesures qui permettent aux chômeurs d'être accompagnés et motivés à retrouver un emploi existent et font déjà l'objet d'un soutien clair de notre parlement. Elles doivent évidemment être évaluées régulièrement pour qu'on soit certain qu'elles atteignent les objectifs fixés. Comment peut-on, Mesdames et Messieurs, imaginer résoudre le problème du chômage en créant des postes «fonctionnarisés» à coup de subventions étatiques financées bien évidemment par tous les contribuables ? Des salaires de plus de 5000 F par mois pour ces postes, c'est ce qui a été proposé, alors que bon nombre de conventions collectives ne prévoient même pas ce niveau. C'est pourtant ce que les auteurs de ce projet laissent entendre, en proposant, et c'est le comble, qu'une taxe supplémentaire sur les entreprises soit créée pour financer cette nouvelle dépense. On sait qu'une partie de ce parlement rêve encore d'une économie planifiée; on peut le comprendre. Mais quand d'autres partis gouvernementaux se lient, eux, à cette nouvelle cause, ils font preuve à notre avis d'un manque de lucidité attristant, alors que notre canton a besoin de décisions politiques fortes, qui soutiennent les acteurs économiques et leur assurent une certaine stabilité.

Comme je l'ai déjà dit, ce projet de loi coûterait des centaines de millions. Ce n'est pas surprenant, venant des auteurs. Ce qui est plus surprenant, c'est qu'en commission, il a été dit par l'une des deux rapporteuses de minorité: «Dans notre monde, le travail est très valorisé par rapport à l'aide sociale.» On n'est plus surpris de rien, Mesdames et Messieurs ! Au déficit qui nous est déjà annoncé pour 2018, de l'ordre de 260 millions, ce texte ajouterait en gros 250 millions. On serait à plus de 500 millions. On va encore voter très certainement durant cette session un projet de loi sur les TPG, cela représente quelques dizaines de millions. La fête continue ! Mesdames et Messieurs, je vous laisse juges de ce que nous devons faire de ce projet de loi. La majorité vous invite à le refuser massivement. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, avec 13 000 dossiers d'aide sociale et en conséquence plus de 26 650 personnes touchées, avec 15 603 dossiers à l'OCE, chômeurs, demandeurs d'emploi, et donc environ 30 000 personnes touchées parmi les familles et les proches, on arrive à 50 000 personnes sur 450 000 habitants de Genève qui sont concernées par des problèmes de non-emploi: ce n'est pas rien ! Cela représente un neuvième de la population. En plus, nous ne parlons même pas encore des emplois précaires, qui ne sont pas suffisants pour faire vivre les gens ou une famille. En parallèle, je voulais noter que le 5 juin 2016, nous avons eu une votation sur un sujet qui semblait extraordinaire: le revenu de base inconditionnel. A Genève, cette votation a, mine de rien, remporté 35% des votes en sa faveur: c'est peu, ce n'est pas suffisant, c'est minoritaire, mais tout de même, rendez-vous compte que nous avons 35% de votants qui sont, quelque part, des allumés - la majorité nous traite en effet d'idéalistes, de rêveurs, voire d'allumés. Les questions se posent; l'absence du plein emploi, la saturation du développement économique tel que pensé par le marché nous poussent à oser d'autres idées.

Mesdames et Messieurs, ce que les partis de l'Alternative amènent dans ce projet de loi, c'est justement une alternative. Nous proposons un système qui inclut toutes et tous les demandeurs d'emploi, que ces personnes soient au chômage, à l'aide sociale, au service de réinsertion professionnelle; nous proposons un processus de qualification, de formation et de création d'emploi via l'Etat, oui, sur la base d'un programme cantonal d'insertion professionnelle, un suivi individualisé et des formations qualifiantes, actuellement octroyées au compte-gouttes et qui seraient ainsi mieux mises en valeur. Le deuxième axe - le rapporteur de majorité l'a relevé - est le programme cantonal de création d'emploi. Ces emplois publics seront une véritable offensive contre le chômage et la disqualification de milliers de personnes et pourvoiront de professionnels des domaines qui manquent actuellement de forces vives. En 2015, la Cour des comptes a relevé la diminution des moyens octroyés à l'aide à l'insertion professionnelle: que ce soit suite à la réforme cantonale de 2007 concernant les emplois temporaires cantonaux ou à la dernière réforme de l'assurance-chômage, les résultats ont été évidents: à chaque fois, une augmentation du nombre de personnes à l'aide sociale a eu lieu. Il s'agit de recréer de l'inclusion, à défaut d'exacerber les difficultés, le ressentiment, voire la colère des laissés-pour-compte. Certes, ce projet de loi est ambitieux, mais allons-nous encore regarder longtemps le nombre de personnes et de familles à l'aide sociale augmenter sans initier une réforme importante ? Aurions-nous peur que l'argent circule et que des personnes puissent sortir de l'assistanat en devenant salariées plutôt qu'en restant stagiaires perpétuels, comme c'est le cas dans certains secteurs de ce monde de l'assistanat ?

Bien sûr, ce projet va coûter; mais est-ce que maintenir un neuvième de la population dans des revenus qui permettent juste l'alimentation, et encore, ce n'est pas aussi dangereux ? On a articulé un coût d'environ 100 millions pour ce projet de loi. Mais quelle horreur ! Quelle horreur ! Imaginez, pour 50 000 personnes touchées directement et indirectement, 100 millions, peut-être même plus ! Au passage, je voudrais relever que nous avons à l'ordre du jour un projet de loi fiscale - le PL 11393 - qui élargit le bouclier fiscal et qui coûtera au bas mot - estimation minimale - 90 millions par année pour faire des cadeaux à 6208 personnes richissimes de Genève. Où se situe l'exagération ? Qui plus est, avec davantage de salariés, la pyramide fiscale pourrait être un peu moins déséquilibrée.

Mesdames et Messieurs, la norme, dans notre société, est, heureusement ou malheureusement, le travail. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Tant que nous catégoriserons celles et ceux qui n'en ont pas, tant que dans chaque catégorie nous ferons des économies, nous créerons des exclus, des personnes non reconnues dans leur intégrité et dans leur citoyenneté. Nous regrettons que ce projet de loi n'ait pas été pris en compte, n'ait pas été travaillé en commission, et que seule une non-entrée en matière ait été la réponse d'une majorité sur un travail qui méritait d'être discuté.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aux enfants, on dit: «On ne dit pas: beurk ! On goûte, puis on dit: j'aime, ou je n'aime pas.» Or, la majorité de la commission de l'économie n'a pas voulu goûter, et elle a dit: «Beurk !» En l'occurrence, c'est une manière un peu étroite de considérer la problématique de l'emploi et du chômage, qui aujourd'hui inquiète et concerne une grande partie de la population. Des postes fonctionnarisés, une économie planifiée, manque de lucidité, méconnaissance du terrain, développer l'assistance: que n'a-t-on entendu à propos du projet de loi 11501 ! Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage; quand on ne veut pas remettre en question la politique actuelle de gestion du chômage ou s'inquiéter de la détérioration du marché de l'emploi, on disqualifie ceux qui ont l'outrecuidance de proposer un changement de paradigme et l'on dit qu'ils n'y connaissent rien, eux qui sont quotidiennement sur le terrain auprès des chômeurs, auprès des gens à l'aide sociale. Alors oui, le projet de loi 11501 est un projet ambitieux; il n'a jamais été question de le dissimuler. Il propose un véritable changement de cap en matière de lutte contre le chômage et sur le plan de la protection de l'emploi et de son développement. Oui, les chiffres qu'il propose en matière d'indemnisation et de couverture d'indemnités pour les chômeurs en fin de droits sont idéaux. Lors de l'audition des signataires du projet de loi, il a été clairement signifié qu'il fallait dissocier les deux aspects, à la fois la structure du projet de loi, les propositions de réorganisation qu'il avançait et la question des coûts et des montants d'indemnisation proposés, parce que les auteurs ont considéré qu'à ce stade, il n'y avait pas lieu de se censurer et de faire comme si aujourd'hui, à Genève, on pouvait vivre correctement avec 3400 F. Il s'agissait donc d'indiquer un horizon, des montants qui correspondent à ce dont on a besoin pour vivre aujourd'hui à Genève. Quand bien même ces chiffres seraient supérieurs aux conventions collectives, ça devrait nous amener à réfléchir. Le projet de loi pose avant tout la nécessité pour l'Etat de jouer un rôle moteur en matière de protection de l'emploi; il vise à empêcher la disparition de postes utiles, et surtout leur travestissement en des postes de réinsertion, qui devient le prétexte à une sous-enchère salariale sous couvert de pseudo-bienveillance. Il propose aussi de rendre à l'OCE, l'office cantonal de l'emploi, la compétence première de l'insertion, et à l'Hospice général sa vocation première, celle de l'action sociale, cela sur la base d'un certain nombre d'indications qui affleuraient déjà dans l'évaluation de la LIASI, évaluation qui par la suite a été confirmée par le rapport Evaluanda.

Ce projet de loi développe encore deux axes particulièrement prépondérants dans la lutte contre le chômage: la mise en place d'un suivi personnalisé essentiellement orienté sur le retour à l'emploi et qui proscrit la banalisation du chômage en fin de droit et le défaussement sur l'aide sociale, contrairement à ce qui se fait aujourd'hui. Il insiste encore fortement sur le développement de la formation et des reclassements professionnels en collaboration avec l'OFPC et subsidiairement aux lois sur la formation permanente et sur la formation continue. Il prévoit encore des dispositions particulières pour les chômeurs âgés. Et qu'on ne vienne pas nous dire que là, on parle de ce qu'on ne connaît pas ! Enfin, le texte ouvre une voie pour commencer à considérer la situation des permis G qui cotisent au chômage en Suisse et qui n'y ont aucun droit.

Alors oui, ce projet de loi contient de nouvelles dispositions qu'il aurait absolument fallu examiner, dont il aurait fallu finalement pouvoir se saisir afin de réfléchir sur la manière de les améliorer si elles ne satisfaisaient pas. Mais le traitement dédaigneux réservé à ce texte montre bien, finalement, le mépris dont une certaine majorité a fait preuve dans la commission pour des préoccupations qui sont actuellement ce qui empêche de dormir une grande partie de la population. Il propose de mieux surveiller le marché de la réinsertion... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...de lutter contre le business de l'insertion et notamment de veiller à ce que des postes ne soient pas travestis en postes de réinsertion alors qu'il s'agit de véritables postes de travail - c'est notamment le cas des emplois de solidarité: il ne s'agit pas simplement de les supprimer, mais de les remplacer par de vrais emplois. Oui, cela demande un effort de l'Etat, cela a un certain coût, et le rapport de minorité s'efforce de montrer que ces sommes sont dépensées déjà aujourd'hui, mais d'une manière qui n'a aucun sens, qui porte atteinte non seulement...

Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.

Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers, merci. ...à la qualité de vie des chômeurs, mais aussi aux conditions de travail de l'ensemble des travailleurs, parce que la pression qui s'exerce aujourd'hui sur les chômeurs est répercutée sur ceux qui ont un emploi et se traduit par une sous-enchère salariale et des dégradations de leurs conditions de travail.

Pour tous ces motifs, nous préconisons de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie pour qu'elle fasse enfin ce que lui demandait le Grand Conseil en lui renvoyant ce projet de loi, c'est-à-dire qu'elle l'examine sérieusement et avec le plus grand intérêt. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent prendre la parole. Monsieur Béné ? (Remarque.) Non, très bien. Madame la rapporteure de première minorité ?

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Oui, nous sommes bien sûr favorables au renvoi en commission. Comme je l'ai dit, les travaux n'ont pas été réalisés et nous aimerions qu'ils le soient.

Le président. Merci, Madame. Monsieur le conseiller d'Etat ? Il est ailleurs, nous allons donc pouvoir procéder au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11501 à la commission de l'économie est rejeté par 52 non contre 27 oui.

Le président. Le débat continue. La parole est à M. Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est irréaliste et confond - une confusion probablement volontaire - des termes comme le droit au travail, l'obligation par l'Etat d'engager et la création d'emplois qui ne seraient ni justifiés économiquement ni ne correspondraient à un besoin. Dans nos sociétés socio-libérales, le rôle de l'Etat est et devrait être de favoriser les conditions-cadres et de promouvoir un environnement favorable pour permettre à notre économie de prospérer, de se développer et bien entendu de créer des emplois. Le rôle de l'Etat n'est pas de se substituer à l'économie, et encore moins de créer des postes et des emplois fictifs et artificiels. Ce projet serait un gouffre, hors de toute réalité économique. Il faut regarder ce qui se passe autour de nous: le salaire médian genevois est de 7500 F par mois; en France, où l'Etat s'occupe quasiment de tout, il est seulement de 2200 euros par mois. Mais attention, nos amis français bougent et essaient de corriger le tir. Au contraire du projet de loi que nous discutons, il est question en France d'alléger le code du travail, de libéraliser les marchés et de baisser les charges et la fiscalité. Il serait aussi temps que nous ouvrions les yeux à Genève: il y a effectivement 15 300 chômeurs inscrits à l'office cantonal de l'emploi. Si nous y additionnons toutes les personnes qui sont à la recherche d'un emploi, pratique appliquée dans les pays européens, nous atteignons un nombre encore plus important. Ce résultat est catastrophique et nous place dans une situation presque similaire à celle de la France. Comment Genève, avec un tissu économique exceptionnel et envié par le monde entier, arrive-t-elle à avoir un tel nombre de personnes sans emploi ? En appliquant les règles européennes, Genève a un taux de chômage euro-compatible, un taux de chômage pratiquement du double de celui qui existe en Allemagne actuellement.

Le mal genevois est pourtant connu: les raisons sont liées à notre surréglementation et à notre culture d'interventionnisme. La législation genevoise est la plus lourde par rapport à celles de tous les autres cantons suisses. A Genève, nous avons les règles pour les marchés publics les plus contraignantes. Genève effectue autant de contrôles et d'inspections que ce que font tous les autres cantons suisses réunis. Genève est le meilleur élève pour l'application des mesures de compensation liées à la libre circulation. Bref, Genève est le champion de la réglementation, Genève est le champion de l'encadrement et Genève est le champion de l'étouffement de l'économie. Les auteurs de ce projet de loi ont raison lorsqu'ils relèvent que la situation liée à l'emploi est dramatique et inacceptable; mais les auteurs de ce projet de loi se trompent totalement sur les mesures et les actions à entreprendre. Pour cette raison, le groupe UDC refuse ce texte. Merci de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, il a été dit tout à l'heure que ce projet de loi était ambitieux. L'ambition, si mes souvenirs sont bons, c'est la recherche ardente de la réussite. Eh bien là, on est mal partis ! En 2016, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le revenu minimum ou le revenu de base inconditionnel a été refusé à plus de 65% par le peuple, tant en Suisse qu'à Genève. Ce projet de loi est l'exemple typique des relents d'une économie planifiée dont les échecs ne sont plus à démontrer. Ce même projet de loi, à coup de salaires à 5000 F, va coûter plus de 600 millions de francs que nous n'avons pas, que nous n'avons plus. Le projet de loi ne crée pas de postes de travail, il se contente de créer des salaires complètement artificiels et qui se transforment petit à petit plutôt en rentes de situation. Le texte est manifestement irréaliste, irréalisable, et très certainement, comme vous le savez tous, si vous êtes de bonne foi, hors budget. Le groupe démocrate-chrétien vous incite donc à suivre la majorité de la commission, majorité d'ailleurs confortable, et à refuser cet objet. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été qualifié d'ambitieux: je crois que c'est le maître mot, puisqu'on l'a utilisé même à droite. Je pense qu'il est en effet ambitieux, et nous devons faire preuve d'ambition, en tant que députés. Je regrette que la majorité de la commission de l'économie n'ait pas fait preuve de beaucoup d'ambition dans son travail. Je ne vais pas revenir dessus, mais il reste que le nombre d'auditions et le traitement accéléré de ce texte ambitieux laissent quelque peu pantois.

Mesdames et Messieurs, la situation à Genève n'est pas catastrophique, mais elle se détériore. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. J'entends souvent critiquer, sur les bancs de la droite, les projets de lois sur l'emploi venant du parti socialiste et de l'Alternative. Ce projet-ci s'inscrit parmi tant d'autres. Il est difficile de comprendre pourquoi on nous reproche de tenter d'être actifs pour créer de l'emploi dans notre canton, de faire en sorte qu'on puisse insérer les jeunes dans le monde du travail et que des seniors puissent retrouver un emploi. Ce projet de loi est donc ambitieux, il fait face à de vraies problématiques: on sait notamment que le service de réinsertion professionnelle, le SRP, dysfonctionne; ses objectifs ne sont malheureusement pas remplis - on l'a vu notamment avec le rapport de la Cour des comptes. On le voit aussi sur le marché de l'emploi avec des profils de seniors qui se retrouvent au chômage après plusieurs années d'emploi mais qui n'arrivent pas à se réinsérer dans le marché du travail. Or, dans ce texte, il y a une logique, encore une fois: il intervient en matière de formation, car on sait qu'il y a de vraies lacunes dans ce domaine au niveau du chômage, et l'enjeu pour les années à venir, c'est la formation et la formation continue, mais aussi les problèmes que l'on connaît en matière d'insertion professionnelle, avec un rapport de la Cour des comptes qui relève des profils de chômeurs en fin de droit de plus en plus jeunes et de mieux en mieux formés. Nous avons donc un vrai problème d'insertion professionnelle, et là encore, on espère qu'il y aura des aides pour que les jeunes puissent entrer dans le marché du travail.

Il est assez piquant d'entendre à droite qualifier de trop onéreux ce projet de loi et des politiques publiques d'aide à l'embauche, alors que l'on voit la même droite proposer une réforme de l'imposition des entreprises qui aurait coûté environ 500 millions de francs; et on reproche à ce texte qui tend à créer de l'emploi de coûter 100 millions de francs et d'être trop onéreux ! Or on sait le problème que connaît le canton de Genève, avec une croissance des recettes fiscales sur les personnes morales et une diminution des recettes sur les personnes physiques, comme on l'a vu à l'occasion des derniers comptes, ceux de l'année 2016: c'est tout de même incompréhensible qu'il n'y ait pas de redistribution des richesses dans notre canton, que celle-ci ne fonctionne plus. Quand la droite propose 500 millions de rabais fiscaux aux entreprises alors que les gens gagnent de moins en moins, que les bas salaires sont toujours plus bas et que les salaires de la classe moyenne stagnent, nous devons faire preuve d'ambition, comme ce projet de loi, faire preuve d'ambition en matière d'emploi et développer des politiques publiques qui seront certes onéreuses, mais... Ce n'est pas moi qui le dis, mais le rapport mandaté à la Haute école de gestion par le Conseil d'Etat dans le cadre des travaux sur la RIE III, qui rappelle une chose - je vois M. Dal Busco dire non de la tête, mais je suis sûr qu'il acquiescera ensuite, puisqu'il a bien évidemment lu ce rapport, tout comme moi: les dépenses publiques en matière de relance économique à court et moyen terme sont bien plus efficaces qu'une baisse de la fiscalité des personnes morales. C'est exactement dans ce cadre qu'intervient le présent objet: il s'agit de dépenses publiques ciblées en matière de création d'emploi. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est ambitieux, faisons preuve d'ambition et votons-le !

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs, encore quatre personnes souhaitent prendre la parole, et peut-être aussi le rapporteur de majorité. Si vous faites un peu court, on arrivera au bout, mais si vous parlez tous cinq minutes, on arrêtera à sept heures. Je vous laisse choisir au cours de vos interventions. La parole est à M. Sormanni.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, peut-être que ce projet de loi est ambitieux, trop, peut-être, en tout cas il aboutirait, si on le votait, à créer des emplois administrés. Ce n'est pas comme ça qu'on va résoudre le problème de l'emploi à Genève, j'en suis persuadé. Les dispositifs actuels visant à aider les Genevois ou résidents qui cherchent un emploi coûtent environ 50 millions de francs. Ces 50 millions sont assez bien utilisés, je pense, et le département travaille à améliorer ces différents dispositifs et à utiliser les dispositifs fédéraux, à savoir les AIT, financés, eux, par le SECO. Il faut travailler ainsi, je pense. L'autre voie n'est tout simplement pas réalisable; il faut donc continuer de travailler, d'améliorer ces dispositifs, le département le fait.

En plus, vous voulez ajouter évidemment tous ceux qui habitent dans cette tartufferie qu'est le Grand Genève, les permis G, j'en passe et des meilleures. Ce n'est pas ainsi qu'on va résoudre le problème de l'emploi à Genève, on le résoudra notamment en travaillant sur la préférence cantonale, mais pas seulement dans les administrations, les fondations et institutions proches de l'Etat, mais aussi dans l'économie privée, en insistant plus fort pour que les employeurs fassent plus d'efforts. Certains le font, mais beaucoup ne le font pas, et malheureusement, c'est bien ça le problème.

Et puis, vous transmettrez à M. le député de Sainte Marie - je termine là-dessus: dire qu'à Genève il n'y a pas de redistribution de la richesse, alors que c'est le canton le plus redistributeur de toute la Suisse, je trouve quand même que c'est un peu fort de café ! Je vous invite de ce fait à rejeter ce texte.

Une voix. Bravo !

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, «projet ambitieux», «l'ambition», «être actif», «la commission de l'économie n'a pas fait son travail»... Je vais vous dire un peu l'état d'esprit du travail de la commission. Par rapport à l'ambition: dans un projet de loi qui traite de l'emploi, on trouve à l'article 5, à la deuxième page du texte, la définition des jours fériés, avec cette mention, «en plus des trois jours désignés par l'article 19 de la loi fédérale, sont considérés comme jours fériés» cinq jours à Genève. A propos d'ambition, dans un projet de loi sur l'emploi et le travail, si on définit en tête de chapitre les jours fériés et les congés, de l'avis d'une personne comme moi qui suis patron, on ne prend pas tout de suite la bonne direction !

Ensuite, à la commission de l'économie, nous avons eu un regard très objectif, je pense, sur ce texte qui définit véritablement l'Etat refuge, avec une certaine nostalgie des emplois temporaires, avec des avantages sociaux, avec 5006 F par mois, alors que la population s'est opposée très clairement, comme l'a dit le rapporteur Jacques Béné, à l'instauration d'un salaire minimum sur le plan fédéral puis à celle d'un revenu minimum de réinsertion. La majorité de la commission de l'économie a simplement suivi la volonté du peuple et notamment du peuple genevois.

Le travail de l'office cantonal de l'emploi est bien de traiter le problème du chômage, non la création d'emploi. Pour celle-ci, il existe un service, qui s'appelle la promotion économique, qui fait très bien son travail. Liés à ce travail de promotion économique, nous avons, c'est vrai, des effets pervers du développement de l'emploi qui touchent notre aménagement du territoire, nos infrastructures et nos problèmes de logement. Mais c'est véritablement un travail très constructif, car lorsqu'on parle de développement du territoire, de transport et de logement, on parle simplement de création de richesse, d'emplois, que ce soit dans les transports, pour les routes, pour les transports publics, pour les bus, notamment avec des technologies comme celle développée par ABB Sécheron pour le bus TOSA - ça va jusque-là - ou, dans le secteur du logement, pour la construction d'habitations, j'en passe et des meilleures.

Il ne faut pas oublier que ce qui a fait le succès de la Suisse, c'est principalement l'arc lémanique; cette région représente toujours la majorité de la création du produit intérieur brut par des privés, par des entreprises, par des entrepreneurs, par des gens qui lancent des projets. Or, on ne lance pas des projets seul, mais avec des collaborateurs, des employés, et je pense que c'est véritablement dans ce sens-là qu'on doit aller. Que demandent les entrepreneurs, les gens qui ont envie de faire des choses ? Simplement qu'on leur donne de bonnes conditions-cadres, une bonne fiscalité, une sécurité juridique. Donnez-nous ça, on fera notre boulot, on gardera nos emplois, on les développera.

Enfin, je pense qu'il faut être constructif sur la formation, qui est un véritable problème, et les places de travail. On s'écharpe maintenant dans un débat qui, pour moi, appartient déjà au passé, et je le martèlerai encore, si j'ai la chance d'être encore ici lors de la prochaine législature: le véritable défi pour notre société est la transition numérique, avec l'adaptation des métiers, des ordonnances d'apprentissage, de l'orientation professionnelle dans un métier qui va changer tous les cinq ou dix ans, selon des cycles de plus en plus courts. La problématique, c'est que les personnes les moins qualifiées, gagnant les plus petits salaires, auront de moins en moins de facilité à trouver un emploi. C'est un véritable problème sur lequel nous devons réfléchir ensemble; ce n'est pas un thème de gauche ou de droite, et ce n'est pas l'Etat qui va le faire pour nous, il lui appartient, à lui, de mettre en place les conditions-cadres. Je pense que le rôle de l'Etat est d'encadrer une concurrence saine et loyale, de garder une fiscalité attractive, des conditions-cadres normales. La politique cantonale et celle de la Confédération ont démontré que dans le combat contre le chômage, la Suisse jouait bien son rôle: elle est prise en exemple. Je vous remercie de refuser ce projet de loi.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs, il y a encore bien des gens qui sont inscrits, nous en prenons note. Il faut réparer certaines défaillances électroniques dans cette salle, nous devons la quitter maintenant. Nous reprendrons les travaux sur ce projet de loi après les urgences, c'est-à-dire demain.

Fin du débat: Séance du vendredi 22 septembre 2017 à 18h05