République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1180
Rapport de la Commission de contrôle de gestion concernant l'office des poursuites
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 11 et 12 mai 2017.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons le rapport divers 1180 en catégorie II, soixante minutes. Le rapporteur est M. Alberto Velasco... (Brouhaha.) Veuillez regagner vos places, s'il vous plaît ! J'attends que le silence se rétablisse, Monsieur Velasco. (Un instant s'écoule.) Voilà, vous avez la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Au préalable, je souhaite dire que bien que mon nom figure sur la première page, ce rapport est le fruit d'un travail conjoint avec ma collègue Sandra Golay dont je tiens à relever les compétences, qui ont été d'une grande utilité dans le cadre de nos travaux. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez reçu notre rapport, je pars du principe que vous l'avez tous consulté. Par conséquent, je ferai une brève introduction, ma collègue complétera mon intervention et nous répondrons ensuite aux questions qui seront soulevées. L'office des poursuites... (Brouhaha.) Bon, je crois que ça n'intéresse pas grand monde, Monsieur le président ! (Commentaires.)

L'office des poursuites - et aussi celui des faillites - est un service éminemment important pour notre canton, notre république. En effet, l'économie dans son ensemble en dépend, notamment les petites et moyennes entreprises avec des créanciers ou débiteurs. Si cet office ne fonctionne pas correctement, c'est l'économie qui en pâtit en premier lieu, ainsi que les citoyens et citoyennes. C'est la raison pour laquelle nous estimons - et notre rapport, si vous le lisez, en atteste - qu'il est extrêmement important que cet office fonctionne comme il se doit. Cela a été l'esprit de notre travail dans le cadre de notre opération: faire en sorte que cet office fonctionne comme il se doit. Mais pour cela, il faut qu'il dispose de moyens, que le personnel ait envie d'y travailler, que l'environnement de travail soit sain et la gestion de qualité. En lisant notre rapport, vous constaterez que ces conditions n'ont pas été remplies.

Chers collègues, j'aimerais rappeler qu'il ne s'agit pas de la première intervention concernant l'office des poursuites. En 2001, une sous-commission avait été créée, formée de M. Béné et de Mme Gobet Winiger - feu Mme Winiger, parce que, comme vous le savez, elle est décédée entre-temps. Lisez leur rapport: certains éléments qui y sont indiqués se retrouvent aujourd'hui, en 2017 ! Quant aux deux rapports du SAI de 2014 qui sont mentionnés dans mon rapport, ils soulignent déjà des éléments à risque au sujet de l'informatique. De même s'agissant des sommes figurant dans la comptabilité mais qu'il fallait attribuer, ou des comptes qu'il fallait coordonner - enfin, j'espère que ma collègue vous expliquera cela. Ce que je veux dire, c'est que ces deux rapports ont été rédigés en 2014; nous sommes en 2017 ! Alors peut-être, Mesdames et Messieurs, y a-t-il certaines choses dans notre rapport qui ne sont pas correctes - c'est en tout cas ce qu'il semblerait - mais enfin, après dix-sept ans sans mettre de l'ordre, après les deux rapports de 2014, même si nous avons commis quelques erreurs, je crois qu'on a bien peu à nous reprocher par rapport à l'étendue des problèmes actuels.

Nous devons faire preuve d'une grande humilité, Monsieur le président du département, et il s'agit de concentrer tous nos efforts pour que cet office fonctionne à nouveau le plus rapidement possible. Car ce n'est pas une question de deux ou trois mois, mais plutôt d'une ou deux années ! Je tiens tout de même à préciser que ce n'est pas seulement M. le conseiller d'Etat qui est mis en cause, parce qu'il a été élu en 2013 - comme moi, d'ailleurs - et que toute une série de magistrats - même de mon propre groupe, je ne le nie pas ! - ont passé avant lui. Or tous ces conseillers d'Etat avaient les conclusions de M. Béné et de Mme Gobet Winiger, ils auraient pu travailler dessus; pour autant, l'office des poursuites n'a pas bénéficié de la mise en place de ces recommandations. Je ne suis donc pas là pour incriminer M. Dal Busco, c'est tout un passé que je blâme.

Notre sous-commission a été constituée en février et nous sommes entrés en fonction au mois d'avril. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Au mois de mai, nous avons constaté d'importants dysfonctionnements, notamment des retards en matière de réquisitions de poursuites et autres documents que l'institution devait fournir. Nous nous en sommes ouverts au service du Grand Conseil, ma collègue et moi-même sommes tout de suite allés vers le conseiller d'Etat... (Le président agite la cloche pour indiquer que l'orateur parle sur le temps du groupe.) ...et, pendant l'été, nous avons tenu plusieurs séances avec le Conseil d'Etat. J'insiste sur le fait que le Conseil d'Etat a commencé à introduire des mesures, il n'est pas resté inactif: au mois de septembre, un encadrement important en matière de gestion a été réalisé. Encore une fois, nous ne jetons pas l'opprobre sur M. Dal Busco, j'ignore si le Conseil d'Etat était au courant de tous les éléments que nous relevions. En tout cas, quand nous les lui avons exposés, il les a notés et a pris des mesures. Toutefois, je le répète, la situation ne va pas être résolue en deux, trois ou six mois, ce sera un processus de longue haleine.

Ce qu'il faut savoir, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que la mise en place d'OPUS a été un vrai catalyseur. A travers ce projet qui n'a pas été amené comme il faut, nous avons découvert une grande souffrance du personnel. En effet, les trente personnes - ou plus - que nous avons auditionnées en commission venaient aussi au nom de leurs collègues et, à cette occasion, nous avons pris conscience que tous ces employés souffraient beaucoup. Cela dit, ils disposent également de qualités professionnelles considérables, ce sont des gens d'une grande conscience professionnelle, mais qui ne peuvent pas exercer leur fonction convenablement, soit en raison des problèmes informatiques, soit parce que la structure même de l'office ne leur permet pas d'effectuer leurs tâches. En termes de communication, par ailleurs, quand le personnel faisait face à des difficultés suite à la mise en place du logiciel et les transmettait aux différentes instances de la direction, ces informations ne passaient pas de façon adéquate. Nous avons observé qu'il manquait à la direction une sorte de cohérence qui permettrait un travail d'équipe intelligent pour le bien de l'office et de la république; cet esprit-là n'existe pas - enfin, c'est ce que nous avons noté, ma collègue et moi-même.

Mais nous avons découvert encore d'autres aspects, que nous avons relatés dans ce rapport. Il y a une chose importante à retenir, chers collègues, c'est que l'office des poursuites est un service de production, une petite usine: tous les jours, sans discontinuer, il produit des documents, des actes. Aussi, il devrait fonctionner dans cet esprit-là, une structure de production devrait être mise en place; actuellement, cet organe a une structure administrative avec des cadres, mais je pense que la structure de production est en train d'être instaurée, Monsieur le président. Les choses se font, mais elles vont prendre du temps.

Je vais encore citer quelques problèmes: le contrôle interne - à l'époque, ce Grand Conseil a tant insisté pour l'introduire dans cet office ! - n'a pas fonctionné comme prévu, non pas parce que la personne responsable n'était pas compétente, mais parce que, conceptuellement, la direction n'a pas compris sa mission et qu'au lieu d'intégrer les remarques que le contrôle interne lui signifiait, elle les prenait comme des critiques. Heureusement, ce contrôle interne nous a été extrêmement précieux à ma collègue et à moi-même, car nous avons pu, à travers ses rapports et ses informations, prendre connaissance de certains éléments qui ne fonctionnaient pas. Par exemple, les rapports du SAI qui doivent normalement aller au contrôle interne n'y ont jamais été envoyés, et celui-ci n'a jamais eu vent des importants rapports de 2014.

Ce que je veux signifier par là, c'est que l'office des poursuites n'a pas manqué de moyens. Non, il n'a pas manqué de moyens ni de personnel de qualité, les employés que nous avons reçus disposaient tous de savoir-faire ! Le vrai problème, c'est l'organisation, la mauvaise gestion des ressources: fondamentalement, la mise en place d'OPUS ne s'est pas faite correctement, on n'a pas tenu compte des avis des uns et des autres, et si on avait tenu compte de ces opinions, les choses ne se seraient pas passées ainsi. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je considère que nous devons maintenant épauler le Conseil d'Etat afin que cet office fonctionne comme il faut, particulièrement faire en sorte que les gens qui y officient retrouvent l'envie, le plaisir d'aller au travail, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Ceux qui vont payer par leur poste ne sont pas ceux qui ont le plus démérité, et je le regrette - il m'importait de le dire à M. le conseiller d'Etat. Les erreurs sont tellement partagées, Monsieur le président du département ! Il faudrait veiller à ce que ces personnes soient réintégrées dans d'autres services, parce qu'elles ont des qualités. Le problème... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...c'est que les employés fonctionnent en silos, et on ne peut pas dire à une personne qui a très peu de travail de se rendre dans un autre service parce que la structure est comme ça; ce qui serait judicieux, ce serait de former des gens pluridisciplinaires, car un poste est plus intéressant quand on peut travailler d'un côté, aller de l'autre, un mois ailleurs...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur.

M. Alberto Velasco. Pardon ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. Je n'ai plus de temps après ?

Le président. Non, c'est terminé ! Vous avez eu douze minutes, soit votre temps de rapporteur plus celui du groupe.

M. Alberto Velasco. Oh là là !

Le président.  Ça passe vite quand on parle, mais vos douze minutes sont épuisées.

M. Alberto Velasco. Alors laissez-moi trente secondes, Monsieur le président, j'ai presque fini. Je conclus en espérant, Monsieur le conseiller d'Etat, que les mesures seront prises, surtout vis-à-vis du personnel qui a énormément souffert et qui mérite d'être traité avec bienveillance, et qu'on fera en sorte que cet office des poursuites puisse remplir sa mission économique et de service à la population. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme Golay. (Un instant s'écoule.)

Des voix. Madame Golay !

Le président. Madame Golay, c'est à vous.

Mme Sandra Golay (MCG). Excusez-moi, Monsieur le président, et merci ! Encore un énième rapport sur l'office des poursuites ! Je pense que ce service a posé problème à l'ensemble des conseillers d'Etat qui se sont succédé et que durant toutes ces années, personne ne s'en est saisi à bras-le-corps pour le remettre en ordre. J'aimerais quand même remercier M. Dal Busco pour sa collaboration tout au long de l'audit: il s'est montré très ouvert et disponible s'agissant des problématiques que nous lui avons présentées.

Bien que l'outil informatique ne se soit pas révélé aussi performant qu'on l'aurait souhaité lorsqu'il a été mis en place, on reconnaît au magistrat son esprit d'entreprise pour avoir décidé de faire avancer et aboutir ce projet en germe depuis des années. Des équipes secondent le conseiller d'Etat et même l'office, malheureusement le projet n'était pas encore prêt, certains tests n'avaient pas été effectués grandeur nature et cela a empêché que le basculement s'opère comme on l'aurait voulu.

Malgré ce que mon partenaire d'audit a dit, il y a une base solide à tout ce que contient ce rapport, nous avons été extrêmement pointilleux, tous les éléments qui y figurent sont probants. Seuls deux points ne sont que des allégations, et je regrette qu'on n'ait attiré l'attention de la presse que là-dessus: ce ne sont que deux petits points, tout le reste constitue les vrais problèmes que nous devrions tous ensemble essayer de régler au plus vite pour le bien de la population et de l'économie genevoises.

Il faut souligner que les personnes que nous avons rencontrées - et même celles que nous n'avons pas rencontrées qui, au quotidien, font des efforts dans leur métier - sont très dévouées, elles travaillent aujourd'hui dans des conditions qui ne sont pas optimales. Voici ce que j'ai envie de dire ce soir: regardons vers l'avenir, essayons de mettre en place des mesures, donnons-nous les moyens pour que tout cela se passe au mieux et que ces projets informatiques puissent aboutir, devenir performants pour l'usage qu'on en fait.

Je voudrais encore attirer l'attention de ce parlement sur un point: lorsque nous acceptons des projets pour lesquels on nous promet un certain rendement sur investissement, on devrait, en tant que parlementaires, mettre en place un dispositif pour avoir un retour, par exemple au niveau des ressources humaines. Quand on nous promet que des postes seront supprimés grâce à nos grands investissements informatiques, on devrait se doter des outils pour qu'au bout d'une année, on ait un «reporting» dessus et qu'on soit sûr que les investissements que nous faisons nous rapportent tout ce qu'on nous avait fait miroiter.

Enfin, il est très important, et je le dis de manière plutôt générale, que nous veillions à la qualité de l'environnement de travail du personnel de l'Etat, qu'il puisse travailler dans de bonnes conditions. En effet, dans cette affaire de l'office des poursuites, il y a aussi eu un gros problème de ressources humaines qui n'est pas anodin, certains problèmes ont été en grande partie dus au fait que les services n'étaient pas performants. Mais je m'en remets entièrement au Conseil d'Etat ainsi qu'à l'équipe qui va mettre ce dispositif en place, parce qu'ils sont tout à fait conscients de ces éléments. Voilà, il me reste à remercier M. Velasco, qui a travaillé sur cet audit avec moi, de même que le conseiller d'Etat.

M. Bertrand Buchs (PDC). Lorsque j'ai pris connaissance de ce rapport sur l'office des poursuites, j'ai été effaré, j'ai eu peur. En effet, des faits graves y sont dénoncés: on parle de harcèlement sexuel, de vol, de corruption. Il s'agit soit d'allégations, soit de faits avérés; dans le second cas, si on est au courant de ces faits-là, la seule chose qu'on doit faire, c'est les dénoncer immédiatement au procureur général. Lorsque j'ai lu ce rapport, j'ai demandé qu'on saisisse le procureur général et que le rapport ne soit pas publié, à moins qu'il s'agisse purement d'allégations. Mais si ce sont des allégations, on ne les met pas dans un rapport ! On se retrouve aujourd'hui dans une situation extrêmement grave: ce qui y est écrit est-il vrai ? On est en train de mettre des choses sur la table qui risquent de rompre la confiance qu'on a dans l'Etat, on parle de vol, d'entrer dans certains endroits et de se servir comme on veut, certaines personnes licenciées il y a dix ans viennent nous dire que c'était un scandale, qu'un tas de choses sont arrivées... Or rien n'est prouvé ! Rien n'est prouvé ! On ne peut pas soutenir un tel rapport où rien n'est prouvé, c'est gravissime.

Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés ? Que nous a dit la Cour des comptes quand on lui en a parlé ? Que nous aurions dû saisir le procureur général ! Et qu'est-ce qu'on apprend la semaine dernière ? Que le procureur général a demandé qu'on lui remette le rapport parce qu'il veut enquêter ! On ne peut pas voter ce rapport, on ne peut pas le voter ! Soit les faits sont vrais et, dans ce cas, c'est gravissime, ça relève du pénal et on a le courage d'entreprendre ce qu'il faut, soit ce ne sont que des allégations et, à ce moment-là, on ne les publie pas, on n'en parle pas ! Pour notre part, nous ne pouvons pas voter ce rapport, ce n'est pas possible, on n'a pas le droit d'avancer ces choses-là sans être sûr de ce que l'on dit, ce que vous avez écrit est gravissime.

Si c'est vrai, alors bravo; mais si c'est faux, on n'a pas le droit de jeter des gens en pâture ainsi, on n'a pas le droit d'attaquer un conseiller d'Etat sur des faits qui ne sont pas prouvés, votre méthodologie est gravissime, vous auriez dû prouver que c'est vrai, vous auriez dû... (Commentaires de M. Alberto Velasco.) Je m'excuse, Monsieur Velasco, mais quand vous avez découvert qu'il y avait du harcèlement sexuel, du vol, de la corruption, vous auriez dû arrêter vos travaux et déposer plainte, ce qu'a fait la Cour des comptes. Quand la Cour des comptes... (Remarque de M. Alberto Velasco.) Elle ne l'a pas fait ? (Remarque de M. Alberto Velasco.) Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas le SAI... (Commentaires.) Le courage aurait été de porter plainte, ce que vous n'avez pas fait... (Le président agite la cloche.) ...donc, pour nous, ce rapport ne vaut rien, ce ne sont que des allégations, nous ne pouvons pas le soutenir et nous ne le voterons pas.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Sormanni pour une minute et cinquante et une secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que président de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais signaler que la sous-commission a effectué un excellent travail, lequel a fait l'objet de discussions en commission et a été voté à l'unanimité, Mesdames et Messieurs, PDC compris ! (Exclamations. Commentaires.) Je vous transmettrai la feuille ! Il est donc un petit peu facile de venir faire des critiques aujourd'hui. Les membres de la sous-commission ont collaboré avec le Conseil d'Etat, ils l'ont immédiatement appelé quand ils ont constaté l'étendue des dégâts dans cet office.

Je rappelle quand même que l'office des poursuites connaît des problèmes depuis les années nonante; or le temps passe et une partie d'entre eux demeurent non résolus. Eh bien ce n'est pas normal, et je crois qu'il faut taper du poing sur la table une bonne fois pour toutes et voter ce rapport. La commission a fait son travail, elle a estimé qu'il restait un certain nombre d'incertitudes sur des choses qui ont été entendues et a mandaté le service d'audit interne et la Cour des comptes pour confirmer les problèmes éventuels de vol, de corruption, de harcèlement sexuel. La commission a fait son travail, et il se trouve que le procureur général nous demande son rapport... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ce qui est tout à fait normal.

Je pense qu'il y a un certain nombre de choses qu'il faut supprimer une fois pour toutes et je ne vois aucune raison de ne pas voter ce rapport. Ce rapport est objectif, certains éléments y ont été indiqués, il fallait bien que ça sorte à un moment donné et qu'on demande aux organes compétents d'aller plus loin car une sous-commission composée de députés ne dispose pas de tous les moyens nécessaires...

Le président. C'est terminé, Monsieur...

M. Daniel Sormanni. Je conclus ! ...de tous les moyens nécessaires pour ce faire. Voilà pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter ce rapport ce soir.

M. Yvan Zweifel (PLR). Permettez-moi d'abord, au nom du groupe PLR, de remercier nos collègues, Mme Golay et M. Velasco, qui, dans le cadre de ce rapport, se sont lancés dans un gros travail d'audit consistant - vous l'aurez compris, Mme Golay l'a déjà dit - à récolter un certain nombre d'éléments probants. Que sont des éléments probants ? Ce sont des preuves sous la forme de documents internes ou externes, d'auditions, d'échantillons, de statistiques - et tout ce qu'on peut imaginer d'autre - qui viennent étayer des constatations et permettent aux contrôleurs de proposer des recommandations, ainsi que l'ont fait Mme Golay et M. Velasco.

Maintenant, il est clair que tous les éléments n'ont pas la même valeur. Lorsque vous disposez d'un document extérieur à l'office qui démontre par A + B l'un des constats que vous avez faits, vous possédez des preuves solides pour argumenter; a contrario, lorsque vous avez pour seule information le témoignage d'un employé de l'office d'il y a dix ans - qui, de surcroît, l'a quitté fâché - et qu'aucun autre fait ne vient corroborer ce que cette personne a déclaré, alors je suis au regret de vous dire que cet élément n'a pas le même poids que d'autres.

Pourquoi est-ce que je dis ça, Mesdames et Messieurs ? Parce que le PLR a tiré deux conclusions de ce rapport. La première, c'est que certaines observations sont argumentées et vérifiées à l'aide d'éléments probants extrêmement forts. Citons par exemple les sondages effectués par les auditeurs, qui sont allés voir ce qu'il y avait dans le coffre. Il n'y a rien de plus fort que ça, il ne s'agit pas de quelqu'un qui vous a donné un document, c'est vous qui êtes directement allés voir ce qui se passait. En revanche, d'autres observations ne sont pas très étayées et malheureusement, Mesdames et Messieurs, il faut le reconnaître ici, il s'agit de constats extrêmement graves. M. Buchs l'a dit, on parle de vol, de corruption, de harcèlement sexuel. Oui, Mesdames et Messieurs, c'est grave !

Naturellement, il était normal d'en prendre connaissance, mais il aurait fallu d'autres aspects probants pour confirmer ces propos. Le PLR, lui, estime que les choses que vous avez découvertes n'auraient pas dû figurer dans ce rapport, parce qu'il s'agit d'un rapport de contrôle de gestion; vous auriez dû en faire part au procureur général et les dénoncer afin que le rapport se concentre sur les éléments de gestion prouvés, étayés - et que vous avez d'ailleurs parfaitement étayés. Il fallait parler des autres problèmes, c'est juste, mais il fallait le faire au travers de la justice qui est compétente pour cela, et nous espérons - le PLR le souhaite en tout cas vivement - que la justice sera saisie et ce travail réalisé.

Sur le fond, maintenant, et indépendamment des accusations de vol, de corruption et de harcèlement sexuel, certains dysfonctionnements ont quant à eux été clairement soulignés par les deux investigateurs: on parle de retards dans l'édition de commandements de payer ou d'actes de défaut de biens, d'extraits du registre des poursuites inexacts, de plus de 60 000 doublons, de 14 000 faux débiteurs, d'ADB bloqués, d'inventaires du coffre incomplets. Ces choses-là sont prouvées, et nous devons en tenir compte, ce sont des dysfonctionnements graves. M. Velasco l'a dit à juste titre: l'office des poursuites et des faillites constitue un rouage essentiel pour l'économie et les entreprises de notre canton. Or ces dysfonctionnements coûtent de l'argent aux entreprises comme à l'Etat, on ne peut pas les balayer d'un revers de main, à plus forte raison - je le dis avec plaisir parce que mon collègue Jacques Béné est juste à côté de moi - quand on sait qu'un rapport avait déjà mis en avant ces problématiques en 2001, c'est-à-dire il y a seize ans ! Depuis, certaines difficultés n'ont toujours pas été réglées.

Il faut néanmoins reconnaître - Mme Golay l'a fait - que le département a pris les choses en main et, à cet égard, on peut féliciter M. Dal Busco; d'ailleurs, la plupart des recommandations émises dans ce rapport ont été acceptées par le département, donc il ne s'agit pas de blâmer le conseiller d'Etat ou son département. Ce rapport non seulement représente un soutien au département et à M. Dal Busco pour que le ménage soit fait, mais sert aussi d'aiguillon pour que rien ne soit oublié.

Je conclurai par ceci, Mesdames et Messieurs: le PLR relève des problèmes de fond quant à certains éléments de ce rapport qui ne sont pas assez étayés, mais je ne suis pas d'accord avec M. Buchs - vous lui transmettrez, Monsieur le président: on ne peut pas, d'un revers de main, balayer des dysfonctionnements graves qui ont été prouvés simplement parce que d'autres ne le sont pas. Cela n'est pas responsable et, vous le savez, le PLR est un parti particulièrement responsable. Pour paraphraser Jean-Luc Mélenchon, Monsieur le président, le PDC ne peut pas manifester des pudeurs de gazelle en commission, puis venir exprimer ici une colère de rhinocéros ! (Rires.) Ce n'est tout simplement pas correct. M. Buchs aurait dû faire part de sa colère en commission au lieu d'approuver ce rapport et de venir ensuite nous la déverser en séance plénière. A mon sens, et à celui du PLR, ce n'est pas correct.

Mesdames et Messieurs, la sous-commission a tapé un bon coup de pied dans la fourmilière de l'office des poursuites et des faillites, nous devons aujourd'hui nous montrer responsables et assumer ce coup de pied, nous devons soutenir le département pour que le ménage soit fait - et pas seulement avec l'aspirateur qui se trouvait dans le coffre. Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose donc de soutenir ce rapport et d'en prendre acte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce parlement et le Conseil d'Etat savent depuis de nombreuses années que la situation de l'office des poursuites est pour le moins préoccupante. C'est tout d'abord la question de l'informatique qui avait attiré l'attention tant de la commission des finances que de celle de contrôle de gestion. Ensuite, des courriers anonymes sont arrivés dans les messageries de certains députés, et la commission de contrôle de gestion a alors décidé de constituer une sous-commission et de demander à deux commissaires d'enquêter. Après de longs mois de travail intense, le rapport de la sous-commission a été présenté, accompagné d'un certain nombre de recommandations.

Je tiens à préciser que les Verts ont accepté ces recommandations et confirment le fait que l'office des poursuites a de nombreux défis à relever, tout d'abord informatiques, bien évidemment, mais également liés au contrôle interne, à la gestion des risques ou des ressources humaines, lesquels doivent véritablement être améliorés. Ce soir, nous nous accordons tous pour dire que l'ambiance délétère qui semble régner au sein de ce service est néfaste tant pour ses collaborateurs que pour la qualité des prestations fournies à la population.

Si les Verts se sont abstenus sur ce rapport - d'ailleurs, Monsieur Sormanni, j'espère que vous reconnaîtrez que ma position a été constante - c'était plutôt par inquiétude quant au fonctionnement de notre parlement. En effet, l'enquête menée par les députés fut longue, et je ne doute pas de la sincérité de leur engagement; par contre, il nous semble que ce Grand Conseil doit réfléchir davantage à la manière dont il entend traiter des témoignages accablants venant affecter la réputation et le travail des collaborateurs de l'office, en particulier quand des accusations de vol ou de corruption sont formulées. Loin de nous l'idée de dire qu'il ne faut pas en tenir compte, mais il est de notre responsabilité de vérifier et de recouper les informations reçues si nous désirons publier des accusations aussi graves, notamment lorsqu'elles proviennent d'un employé licencié. Ce travail de vérification est extrêmement délicat; peut-être, Mesdames et Messieurs les députés, touchons-nous là aux limites de notre exercice de miliciens.

Je suis convaincue que si, au lieu de publier ces déclarations telles quelles, la commission de contrôle de gestion les avait transmises à une instance neutre pouvant mener des vérifications - c'est d'ailleurs ce que j'avais demandé - notre travail n'en aurait pas pâti, il aurait même gagné en crédibilité. La sous-commission n'avait pas besoin de ces témoignages pour rendre des conclusions et des recommandations utiles au département et à l'office des poursuites. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts s'abstiendra sur ce rapport. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède la parole à Mme Engelberts pour trois minutes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. N'étant pas membre de la commission, je me suis livrée à une analyse beaucoup plus théorique en examinant la nature de ce rapport. Même s'il contient des propositions probantes, j'en arrive un peu aux mêmes conclusions que ma préopinante, sauf que personnellement je ne m'abstiendrai pas, je le refuserai.

En effet, il y a eu un problème fondamental de méthodologie dans l'établissement de ce rapport: on ne comprend pas quels en sont les objectifs, rien n'est défini, aucun cadre n'est donné. On se trouve d'abord dans un domaine informatique, puis dans celui des ressources humaines, à un autre moment on évoque des problématiques de rythme, de processus, de production de documents. Normalement, il faudrait se référer aux rapports antérieurs afin de déterminer quelle a été la progression. Quand on effectue l'évaluation d'un service dont on sait qu'il connaît des difficultés depuis un certain temps - depuis plus de seize ans ! - le minimum des choses est tout de même de définir les problématiques, de les lister, de mettre des priorités ainsi que d'évaluer les ressources internes de ce service.

Il ne sert à rien de dire - et là, je parle du rapport, je ne m'adresse pas aux personnes - que le personnel se donne beaucoup de peine; pour moi, ça ne signifie rien ! Que fait le personnel pour arriver à quel résultat ? Il y a eu beaucoup de progrès en seize ans, même si l'informatisation s'est faite de manière assez abrupte. Cela dit, il est impensable qu'un nouveau système informatique fonctionne avant trois ou quatre ans, n'importe quel expert vous le dira. Pour ces raisons-là, je refuserai ce rapport.

Par ailleurs, on ne relève que le côté négatif; pour ma part, j'ai véritablement eu l'impression... Enfin, ce n'est pas une impression, c'est objectif: j'ai noté tout ce qui était à charge dans cette évaluation et je trouve que ce n'est pas normal. Si certains éléments sont tout à fait objectifs - mes collègues l'ont bien souligné - d'autres relèvent de l'appréciation personnelle. Or quand on fait une évaluation, on n'a pas à donner son avis... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...mais on suit une méthodologie de travail pour arriver à un résultat. C'est donc d'un oeil assez sévère que j'ai lu ce rapport, et j'ai été étonnée.

L'absentéisme, par exemple: on dit qu'il y a de l'absentéisme, mais on ne donne aucun pourcentage, aucun point de comparaison avec les années précédentes: est-ce qu'il a évolué, dans le bon sens, dans le mauvais sens, pourquoi, comment, à quel moment ? Voilà, et je me suis aussi posé la question - je conclurai par là...

Le président. C'est terminé, Madame, je vous remercie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Bon...

Le président. C'est au tour de M. Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Ça tombe à pic, Monsieur le président, je suis à ma place, je suis debout, tout va bien ! Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un rapport qui, bien sûr, a des limites: la méthodologie a ses limites, certaines conclusions sont plus étayées, plus établies que d'autres, c'est évident; mais, Mesdames et Messieurs, quelle alternative avons-nous ? Nous devons entendre les auteurs de ce rapport, nous avons créé une sous-commission de la commission de contrôle de gestion, nous avons délégué deux députés de différents bords qui ont établi un document mettant le doigt sur des problèmes absolument réels, lesquels ne tombent pas du ciel.

En effet, Alberto Velasco a commencé son intervention en évoquant le rapport de 2001; sauf erreur, nous y étions pour quelque chose ! A la fin des années nonante déjà, mon collègue Pagani, en tant que syndicaliste du SSP, en tant que défenseur des conditions de travail du personnel de l'office des poursuites et des faillites, avait mis le doigt sur toute une série de problèmes. D'ailleurs, il en a payé littéralement le prix parce qu'il a été traîné en justice pour des propos critiques qu'il avait tenus s'agissant du fonctionnement de cet organe et du contrôle de celui-ci par les instances chargées de le surveiller.

Aujourd'hui, nous sommes saisis de ce rapport, nous devons évidemment prendre acte de celui-ci, de ses qualités comme de ses défauts, de ses nombreuses recommandations - je ne sais plus combien il y en a... (L'orateur feuillette le rapport.) Bon, elles ne sont pas numérotées, mais il y en a une dizaine... (Commentaires.) Plus, pardon: une vingtaine ou une trentaine qui sont toutes frappées au coin du bon sens. A cet égard, rappelons qu'il ne s'agit que de recommandations: on sait bien dans cette enceinte que les recommandations du parlement adressées au Conseil d'Etat ne constituent pas des décrets à exécuter instantanément et intégralement, mais des requêtes pressantes sur un certain nombre de points concrets où des dysfonctionnements ont été relevés. Nous demandons au Conseil d'Etat de prendre des mesures, d'agir, de transformer la situation, de tenir compte des conclusions de ce rapport, et si sur tel ou tel aspect nos recommandations s'avéraient inopportunes, inexécutables ou problématiques à ses yeux, il ne manquerait pas de venir nous expliquer pourquoi il n'aurait pas appliqué ceci ou cela et pour quelles alternatives il aurait opté afin de répondre aux dysfonctionnements sur lesquels le doigt a été mis dans ce rapport.

Nous devons remercier nos collègues qui ont exécuté ce travail, quelles qu'en soient les limites - notre mission de parlementaires miliciens a certaines limites, bien entendu, mais nous avons aussi des qualités, des capacités critiques qui ne seraient pas celles d'auditeurs professionnels engagés et payés par le gouvernement pour évaluer le fonctionnement de ses services ! Pour notre part, nous sommes très attachés à l'activité de la commission de contrôle de gestion, à notre mission de haute surveillance du gouvernement et à la manière dont fonctionnent les services qui en dépendent. De ce point de vue là, nous n'aurons pas les pudeurs de gazelle...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député...

M. Pierre Vanek. Oui ?

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. Christian !

Le président. Monsieur Grobet ? Merci.

Une voix. On s'occupe de ça !

Le président. Je vous laisse poursuivre, Monsieur Vanek.

M. Pierre Vanek. Merci, il n'y a pas de problème.

Une voix. Si tu nous écoutes, Christian...

M. Pierre Vanek. A juste titre, Christian Grobet a mis un terme à mes élans oratoires quelque peu redondants, donc je conclus en disant que nous n'aurons pas les pudeurs de gazelle que le représentant du PLR reprochait au PDC. Si notre représentante s'est abstenue en commission, nous voterons le rapport et ses recommandations ce soir.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs, j'ai présidé la commission de contrôle de gestion de fin janvier 2016 à début mars 2017. Le mandat qui a été confié à la sous-commission constituée de M. Velasco et de Mme Golay a débuté en février 2016. Je tiens à souligner ici leur remarquable travail ainsi que leur honnêteté. Rappelons qu'il y a eu exhortation et levée du secret de fonction pour toutes les auditions, qui ont chacune fait l'objet d'un procès-verbal rediscuté avec la personne entendue et validé par celle-ci. Par conséquent, tout ce qui figure dans ce rapport est réalité.

En ce qui concerne la transparence, on peut difficilement faire mieux. Dès la fin du printemps, nous avons conversé avec le président de la sous-commission, Alberto Velasco: les événements étaient tellement graves que nous avons pris la décision, M. Velasco, Mme Golay et moi-même, d'en informer le magistrat, ce qu'il a d'ailleurs accepté. A cet égard, nous le remercions car c'était dans l'intérêt général, et l'objectif de la sous-commission a toujours été d'oeuvrer dans l'intérêt général; chaque fois qu'un problème extrêmement grave se présentait et dépassait ses compétences, le ministre de tutelle, M. Dal Busco, était mis au courant, alors il convient quand même de remettre un peu l'église au milieu du village !

Comme cela a été dit par l'un de mes préopinants, plusieurs rapports ont été déposés dès les années nonante - le dernier, établi par Mme Winiger et notre collègue Jacques Béné, remonte à 2001. L'une des problématiques principales cristallisées lors des auditions, c'est la souffrance du personnel. En effet, on a constaté un niveau de stress très élevé, les gens étaient au bord du burn-out, et c'est vraiment triste d'en arriver là. Le problème numéro un de l'office des poursuites est donc lié aux ressources humaines. Ensuite, il y a eu des dysfonctionnements à tous les niveaux: le travail en silos, le service d'à côté qui ne sait même pas ce qui se passe, le basculement informatique pour lequel le personnel n'a pas été formé et qui a généré 14 000 faux débiteurs, 60 000 doublons et j'en passe, le taux d'absentéisme - cela a été relevé par une préopinante - de l'ordre de 10% ! Plus grave encore, le retard dans les radiations, aussi bien pour les poursuites que pour les actes de défaut de biens: c'est extrêmement grave, c'est véritablement catastrophique pour notre économie !

La sous-commission a établi 27 recommandations, et si vous consultez la page 60 du rapport, vous verrez que celui-ci a été accepté par 13 voix et 2 abstentions, une d'Ensemble à Gauche et une des Verts. Cela signifie que le PDC l'a accepté ! Ce rapport reflète le travail de la sous-commission, mais il est certainement bien en dessous de la réalité. En tant qu'ancien président de la commission de contrôle de gestion et au nom du groupe UDC, je vous demande de l'approuver. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Riedweg, qui dispose encore d'une minute quarante-huit.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Voilà plus de quinze ans que l'office des poursuites donne du fil à retordre aux politiciens, et cela dans bien des domaines. Pas moins de quatre conseillers d'Etat ont été impliqués dans les difficultés qu'il rencontre ! Faut-il rappeler que ce service emploie 250 collaborateurs, brasse 490 millions de francs et en redistribue 224 dans l'économie, délivre quelque 430 000 actes chaque année ?

Apparemment, c'est le changement de logiciel informatique - dont le coût s'est élevé à 8,9 millions - qui serait à l'origine des dysfonctionnements. Des exemples de mauvaise gouvernance, il y en a: des courriers à destination de créanciers comportant l'adresse des débiteurs qui ont été retournés à l'office des poursuites, le système qui attribue des poursuites à des homonymes, le service des prestations complémentaires qui ne touche plus d'argent de l'office, des avocats qui se retrouvent avec des poursuites de leurs clients en leur propre nom...

Heureusement, certains efforts ont été déployés par le département en matière de diagnostic, de réformes managériales et de formation afin de ne pas pénaliser des milliers d'entreprises mais aussi de simples citoyens qui voudraient postuler à un emploi, trouver un appartement ou encore obtenir un prêt. Il semble que la situation s'améliore puisque le nombre de réquisitions de poursuites en stock a diminué, passant de 55 000 à 15 000 en un an, et que leur temps de traitement est passé de 56 à 24 jours. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Le département a accepté 23 des 27 recommandations émises par les députés de la sous-commission et la Cour des comptes s'est saisie de ce dossier très sensible, surtout à l'approche des élections. La sous-commission a pris acte de la décision du Conseil d'Etat et de sa détermination à améliorer la situation dans cet office dont l'activité est indispensable à la population comme à l'économie du canton. Merci, Monsieur le président.

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais remettre les choses au clair: j'ai voté ce rapport sous l'expresse condition qu'il soit transmis au procureur général. Si ce rapport est vrai, il faut le voter, je l'admets tout à fait... (Exclamations. Commentaires.) J'admets tout à fait qu'il faut le voter... (Commentaires. Le président agite la cloche.) J'admets tout à fait qu'il faut le voter s'il est vrai; mais, dans ce cas, ayons le courage de le remettre au procureur général ! Je veux bien qu'on me reproche des pudeurs de gazelle mais, en réalité, c'est surtout le reste de la commission qui en fait preuve, parce que quand on lit de tels faits et qu'on n'a pas le courage d'aller les dénoncer devant le procureur général, c'est qu'on a vraiment des pudeurs de gazelle ! Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur. Madame Golay, vous avez une minute.

Mme Sandra Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. On ne peut pas laisser M. Buchs dire ça, je suis désolée ! Lorsqu'une personne nous a notamment confié avoir peur pour sa vie, nous avons transmis cette information au conseiller d'Etat deux semaines après, donc nous n'avons pas manqué à notre devoir. Face à tous ces éléments qu'il faut un peu pondérer - la personne était peut-être en conflit avec sa hiérarchie, nous ne le savions pas - nous devions quand même faire preuve d'une certaine réserve, on ne peut pas accuser les gens à tort et à travers non plus, et ce n'est pas ce que nous avons fait.

Par contre, en tant que députés, alors que cette personne maintenait ses dires - elle avait été non pas assermentée mais en tout cas exhortée, avertie que ses propos allaient être rapportés au procureur général et pouvaient être mis devant la justice - nous ne pouvions pas les omettre dans le rapport ! Dans ce cas, nous nous serions retrouvés, nous, en faute; mais nous ne pouvions pas non plus porter des accusations qu'une tierce personne avait tenues devant nous, nous n'avions pas les éléments. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un audit du SAI, mais il nous a été refusé par la commission.

M. Vincent Maitre (PDC). J'entends l'UDC et le MCG nous expliquer que le travail a été fait et bien fait car les hypothétiques infractions pénales commises au sein de l'office des poursuites ont été dénoncées. Oui, mais à qui ? Au Conseil d'Etat ! En un mot comme en cent, on est en train de nous dire que lorsqu'on apprend qu'un crime a été commis, on va en informer l'auteur, c'est totalement ahurissant !

En effet, en tant que responsable du sort de ses employés, le gouvernement est potentiellement responsable des infractions pénales qui seraient, à un titre ou à un autre en termes de responsabilité civile, commises au sein de l'Etat. Ce que je constate, c'est que, la bouche en coeur, l'UDC et le MCG nous disent avoir informé la seule personne qui, si on lui prête vraiment tous les maux de la terre, aurait été susceptible d'étouffer l'affaire, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, mais en tout cas pas l'autorité pénale compétente pour poursuivre. Expliquez-moi, Mesdames et Messieurs, ce qu'aurait pu faire le Conseil d'Etat en cas d'infractions pénales avérées si vous n'en informez pas les autorités judiciaires ?

On nous dit encore, et je reprends les propos du député UDC... (Commentaires.) ...que sous prétexte que ces mêmes faits sont rapportés par une personne exhortée, alors ce doit être parole bénite. Et surtout, on ne recoupe pas les informations, on ne les vérifie pas, on ne les étaie pas ! C'est ça, pour vous, un travail responsable ? (Commentaires.) Non, Mesdames et Messieurs: manifestement, ce rapport est l'oeuvre de deux va-t-en-guerre, il est d'un amateurisme consternant et c'est pour cette raison qu'il doit être refusé.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Je m'exprime toujours en tant qu'ancien président de la commission. La transparence a toujours été le maître mot, et ce dès le départ. On ne peut pas transgresser les règles, travestir la vérité...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur. (Rires.)

M. Christo Ivanov. Merci, Riedweg ! Comme d'habitude !

Le président. La parole revient au conseiller d'Etat Dal Busco.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté ce débat avec beaucoup d'attention, comme vous pouvez l'imaginer. C'est vrai, l'office des poursuites connaît des difficultés depuis de longues années, plus exactement depuis la fin des années nonante, en particulier des carences en matière d'organisation, de management, de performance de l'outil informatique.

Petite parenthèse: je me permets juste de préciser, parce que j'ai entendu certains d'entre vous évoquer l'office des poursuites et des faillites, que les deux organes ont été séparés il y a quelques années et que l'office des faillites fonctionne à merveille - j'utilise ce terme avec beaucoup de conviction - à tel point d'ailleurs que la réforme de son système informatique permet aujourd'hui de restituer du personnel, donc son efficacité augmente.

J'en reviens à l'office des poursuites qui, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont indiqué, revêt une très grande importance en termes de nombre d'employés - plus de 200 collaborateurs y travaillent - mais également et surtout pour l'économie et les citoyens genevois, car ce sont plus de 200 millions de francs qui sont redistribués. En tant que ministre des finances, département de tutelle de cet office - je spécifie tout de même qu'il relève du droit fédéral et qu'une chambre de surveillance lui est assignée - je partage parfaitement, et le Conseil d'Etat avec moi, la préoccupation des députés de la commission de contrôle de gestion quant à sa bonne marche.

Je le dis avec force, de même qu'avec une certaine immodestie, car nous n'avons pas attendu - je n'ai pas attendu, mon département n'a pas attendu - que ce rapport soit déposé pour agir. En effet, vous le savez - ou vous ne le savez peut-être pas, alors je le redis ici - ce n'est pas dans le style de la maison de cacher la poussière sous le tapis; peut-être cela a-t-il été le cas par le passé, je n'en sais rien - d'aucuns l'ont en tout cas affirmé - mais ce n'est pas le style de la maison actuellement. Voilà bientôt trois ans que nous nous attelons à remettre les choses en ordre en prenant des mesures, en instituant des réformes qui vont dans le sens souhaité par la commission. Un plan d'action a été mis en place depuis plus de deux ans, essentiellement dans deux domaines: celui du management - il y a en effet passablement de choses à faire à ce niveau - et celui des ressources humaines - il y a aussi des problèmes de personnel. Six mois après mon entrée en fonction, soit dans le courant de l'été 2014, nous avons décidé de nous séparer de l'ancien préposé, puis nous avons mis en oeuvre des processus de redressement en profondeur des ressources humaines dans une volonté de réorganisation de l'institution; il s'est notamment agi de remplacer celles et ceux qui ne donnaient pas satisfaction. Le mouvement est en cours, et vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'est pas si simple de réorganiser des services au sein de l'Etat, il y a des procédures d'une certaine lourdeur à suivre - je ne vais pas m'attarder là-dessus, les démarches sont initiées, les choses sont en cours.

Le but, Mesdames et Messieurs - M. Velasco l'a très bien exprimé - est de donner, voire de redonner pour certains collaborateurs, du sens au travail qui est le leur au quotidien et qui, c'est vrai, se caractérise par une certaine routine, par une mécanique quelque peu industrielle - mais pas uniquement. A cet égard, je tiens à souligner que la grande majorité des collaboratrices et collaborateurs s'investissent avec beaucoup d'engagement, même pendant cette période ou ces années difficiles - en tout cas depuis que j'ai le privilège de connaître cet office - et je voudrais ici les remercier publiquement et chaleureusement.

Le principal élément qui a été source de problèmes - mais il fallait l'aborder, il fallait l'affronter de manière décisive - c'est la refonte informatique. Mesdames et Messieurs, le système informatique utilisé par l'office des poursuites datait, jusqu'à Pâques 2016 encore, d'il y a trente et un ans. Oui, trente et un ans ! Il ne fonctionnait plus et a d'ailleurs induit toute une série de dysfonctionnements qui sont apparus tels des révélations, notamment lors du passage au nouveau programme, décidé il y a plus de huit ans déjà. Ce basculement a donc été opéré en mars 2016: après avoir été consulté, le comité de projet a décidé à l'unanimité que c'était bon, qu'il fallait se lancer, qu'il s'agissait d'une condition nécessaire - certainement pas suffisante, mais nécessaire - pour remettre l'office sur les rails. Les difficultés que vous connaissez sont ensuite apparues, je l'ai dit, telles des révélations.

Cela dit, j'aimerais rappeler quelque chose s'agissant des chiffres. Le travail des commissaires a été important: il a duré plus d'une année; partant, certains chiffres qui figurent dans ce rapport datent eux aussi d'il y a une année ! Juste après le basculement informatique, en mai de l'année dernière, le stock de réquisitions en attente constitué par ce changement et donc le ralentissement du travail qu'il a induit s'élevait certes à 60 000; mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, il n'est plus que de 14 000. N'oubliez pas que plus de 400 000 actes passent chaque année par l'office ! Le temps de traitement a été divisé par trois, le nombre de réquisitions de continuer la poursuite par 2,5 et leur temps de traitement par le même rapport. Par conséquent, cette image négative appartient au passé. Je vous ai détaillé tout ce que nous sommes en train de mettre en place, il faut maintenant se concentrer sur le présent et regarder vers l'avenir.

La sous-commission a formulé quelque 27 recommandations; huit d'entre elles ont déjà été appliquées par le département des finances et quinze autres sont en cours de réalisation avec des délais précis de mise en oeuvre qui ont été transmis à la commission. Ces recommandations ne sont donc pas contestées, nous les partageons et, pour certaines, les avons même anticipées. Voilà la réalité actuelle, Mesdames et Messieurs les députés, mais les choses prennent du temps et une forme de sérénité est nécessaire durant ce processus.

Cela m'amène à ce qui, dans ce rapport, a suscité de ma part une certaine véhémence - que j'ai exprimée publiquement, ce qui en a étonné certains - parce que, dans le fond, c'est une tonalité bien différente que l'on ressent à sa lecture. Je vous le dis franchement, je me suis interrogé quant aux objectifs poursuivis par les commissaires. En effet, lors des six ou sept séances que nous avons tenues pour discuter de tout cela - nous avons dialogué de manière totalement ouverte, et je les en remercie - ils m'ont confié viser les objectifs qui sont les nôtres également, à savoir remettre de l'ordre au sein de l'office des poursuites, l'orienter à nouveau dans la bonne voie. Or, dans ce rapport, quelques éléments sont de nature à déstabiliser, et il ne faut pas oublier que la situation demeure fragile, Mesdames et Messieurs. J'ai parlé avec des collaborateurs, et ce qu'ils ont appris dans ce rapport les a plutôt désorientés, voire découragés.

Les aspects critiquables - je me permets de le répéter - sont liés à la temporalité: on allègue des faits sur la base de témoignages de personnes licenciées il y a dix ans - dix ans, Mesdames et Messieurs ! C'est tout de même un peu étrange. Quant à leur véracité... Personnellement, je n'ai pas reçu de preuves, on nous a transmis des soupçons de violation...

M. Alberto Velasco. Je vous les ai présentés, Monsieur le président !

M. Serge Dal Busco. Oui, absolument ! (Remarque de M. Alberto Velasco. Exclamations.)

Des voix. Chut !

Le président. N'interrompez pas le conseiller d'Etat, s'il vous plaît !

Une voix. Il est rapporteur, ça va !

M. Serge Dal Busco. Ces soupçons nous ont été rapportés, mais j'ai également demandé... (Remarque de M. Alberto Velasco.) J'ai demandé... (Remarque de M. Alberto Velasco.)

Une voix. Mais laissez-le parler !

M. Serge Dal Busco. A deux reprises, lorsque ces soupçons nous ont été rapportés - c'était en février et en avril - je me suis permis de demander à la commission de bien vouloir nous les transmettre afin de les remettre à la justice, au procureur général, ainsi que vous avez été nombreux à le suggérer. Cette requête a été formulée deux fois, j'attends toujours la réponse.

Si ces faits sont avérés, c'est évidemment grave et, dans ce cas-là, ils doivent être dénoncés - c'est ce que certains d'entre vous ont également signifié; mais s'ils ne le sont pas, ce que je pourrais comprendre, la capacité d'enquête des commissaires se retrouve limitée, et de telles allégations ne peuvent pas figurer - au conditionnel, de surcroît, avec toutes les précautions d'usage - dans ce rapport: elles lui confèrent une tonalité particulière qui, à mon avis, est préjudiciable dans le contexte de reconstruction en profondeur de ce service. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais vous communiquer.

Pour conclure, je voudrais vous convaincre que nous déployons maintenant un travail de fond qui va prendre un certain temps. A titre de comparaison, le système informatique de l'office des faillites a été changé en 2012 et a commencé à produire des effets mesurables deux ans plus tard; le basculement à l'office des poursuites ayant été opéré il y a une année environ, j'espère que nous constaterons la même tendance l'an prochain. Les tâches sont clairement définies, l'effort pour atteindre cette excellence reste à faire, il y a encore beaucoup de travail. Quel que soit le sort que vous vous apprêtez à réserver à ce rapport, vous devez avoir conscience que, du point de vue du département et du Conseil d'Etat, nous sommes déterminés à remettre une bonne fois pour toutes cet office des poursuites sur le droit chemin. Nos entreprises, notre économie et surtout nos citoyens l'exigent, ils attendent cela avec impatience. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur ce RD 1180. Je vous rappelle que l'approuver revient à en accepter les recommandations.

Mis aux voix, le rapport divers 1180 est approuvé et ses recommandations sont renvoyées au Conseil d'Etat par 68 oui contre 11 non et 10 abstentions.