République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 11668-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Cyril Mizrahi, Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Salima Moyard, Christian Dandrès, Jean-Marie Voumard, Florian Gander, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Danièle Magnin, Jean Sanchez, Sophie Forster Carbonnier, Lisa Mazzone, Emilie Flamand-Lew, Boris Calame, Frédérique Perler, Jean-Marc Guinchard, Jean-François Girardet, Francisco Valentin, Sarah Klopmann, Henry Rappaz, Marie-Thérèse Engelberts, Irène Buche, Pierre Conne, Lydia Schneider Hausser, Christian Frey modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Droit d'initiative des députées suppléantes et députés suppléants)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 mai 2016.
Rapport de majorité de M. Thierry Cerutti (MCG)
Rapport de minorité de M. Murat Julian Alder (PLR)

Premier débat

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement du PL 11668-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, et je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques a examiné ce projet de loi lors de quatre séances en 2015. Que demande ce texte qui vous est soumis aujourd'hui ? Essentiellement que le règlement de notre Grand Conseil soit conforme à l'ordre constitutionnel genevois en donnant la possibilité aux députées suppléantes et aux députés suppléants de signer des interventions parlementaires ainsi que de déposer des questions écrites, comme il est mentionné dans le rapport de majorité.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour la minorité de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, il ne se justifie pas d'accorder aux députés suppléants le droit d'initiative leur permettant de présenter un projet de loi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...une proposition de motion, une proposition de résolution, un postulat ou une question écrite. En voici les raisons: tout d'abord, si l'institution des députés suppléants telle qu'elle a été conçue par l'Assemblée constituante genevoise avait au départ pour vocation de permettre aux députés titulaires de se faire remplacer, il n'a jamais été question de donner un quelconque droit d'initiative aux députés suppléants. L'article 3 de la loi portant règlement du Grand Conseil, en l'état actuel des choses, est ainsi parfaitement conforme à l'article 91, alinéa 2, de la constitution genevoise. En effet, lorsque la Constituante a imaginé le concept... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Un peu de silence, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! (Le silence se rétablit.) Monsieur Alder, vous pouvez poursuivre.

M. Murat Julian Alder. Je vous remercie, Monsieur le président. Lorsque la Constituante a imaginé le concept des députés suppléants, elle avait clairement en tête l'idée de créer des députés dont la mission était de remplacer, et je me réfère à la page 11 du rapport de minorité en citant un certain nombre de constituants appartenant à des groupes représentés ici: le constituant Thierry Tanquerel, du groupe socialiste pluraliste, évoquait «une meilleure association des "viennent-ensuite" au travail parlementaire, donc une transition en douceur». Lui-même reconnaissait que les députés suppléants avaient pour vocation de faire d'abord leurs premières armes en tant que suppléants puis, à terme, avec le jeu des viennent-ensuite, de devenir des députés à part entière. M. Souhail Mouhanna, du groupe AVIVO représenté par une partie du groupe Ensemble à Gauche, déclarait quant à lui: «au lieu que les objets soient discutés à quatre-vingts» - à l'époque, il était en effet question de réduire à quatre-vingts le nombre de représentants au Grand Conseil - «ils le seraient à cent soixante». Le constituant MCG - Mouvement Citoyens de Gauche... pardon: Mouvement Citoyens Genevois ! - nous rappelait «qu'un suppléant supplée, et ne s'ajoute pas au député». Enfin, M. René Koechlin, du groupe Libéraux & Indépendants, signalait la chose suivante: «Les suppléants sont des remplaçants et, comme leur nom l'indique, ils suppléent.» Dans sa teneur actuelle, l'article 3 de la LRGC est donc parfaitement conforme à l'article 91, alinéa 2, de la constitution. Comme vous le savez très bien, quand il y a un problème juridique et deux juristes, il y a forcément trois solutions; il n'est donc pas surprenant que l'avis de droit des professeurs Thierry Tanquerel et Michel Hottelier ne soit pas unanimement partagé par les juristes qui se trouvent dans ce parlement.

Je voudrais dire encore ceci: si on suit le raisonnement de la majorité de la commission, alors on considère en quelque sorte qu'il n'y a pas cent députés et un nombre inconstitutionnellement déterminé de suppléants au sein de ce parlement, mais une centaine de sièges que les députés titulaires et suppléants devraient se partager, à la manière des chaises musicales. Cette manière de comprendre...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Murat Julian Alder. ...la suppléance n'est pas conforme à la constitution ni au principe démocratique puisque le peuple élit d'abord cent députés titulaires. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Vanek (EAG). Nous venons d'assister à une démonstration juridique de Murat Alder visant à expliquer que ce projet de loi, pourtant voté par une très large majorité de la commission, ne serait pas conforme au droit. Il a fait un plaidoyer pour s'inscrire en faux contre l'avis des professeurs Tanquerel et Hottelier, constituants eux aussi, qui étaient venus nous dire de manière très catégorique que ce projet de loi était non seulement constitutionnel mais également nécessaire, faute de quoi les dispositions de la loi portant règlement du Grand Conseil risquaient d'être cassées par un processus simple, à savoir que des députés suppléants, puisqu'ils devraient avoir le droit de signer des projets de lois ou des propositions de textes parlementaires, en signeraient et verraient au nom de cette loi leur signature refusée par le Bureau; cette décision-là pourrait faire l'objet d'un recours et, in fine, il reviendrait aux tribunaux de trancher. C'est ce que demande Murat Alder, c'est-à-dire d'avoir un débat de juriste, et il nous pond quinze pages - enfin, je ne les ai pas comptées très exactement, mais disons un bon nombre de pages - de démonstration où il invoque des arguments juridiques et les intentions de la Constituante quand elle a voté ceci.

Non, Mesdames et Messieurs, assez ! Nous avons un texte, appliquons-le ! Il n'est certes pas très bon, cette constitution contient toutes sortes de dispositions qui posent problème, qui devraient être améliorées - sur ces bancs, nous avons un alibi puisque, lors de la Constituante, nous nous sommes opposés au vote de cette constitution et que nous avons mené une campagne qui a conduit 46% des citoyens de cette république à partager notre avis et à considérer que le projet de constitution qui nous était soumis n'était pas bon et qu'il valait mieux en rester à la version antérieure - mais appliquons-le ! Lors de l'Assemblée constituante, nous étions contre l'institution de députés suppléants, estimant qu'on courait le risque d'une députation à deux vitesses et, en effet, Murat Alder veut maintenir le statut inférieur des suppléants... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...considérant que la situation requiert une députation à deux vitesses.

Mesdames et Messieurs, je ne vais pas faire du droit, mais il y a un réel problème démocratique de ce point de vue là: vingt personnes ont été élues, ont été portées à cette place de suppléants par une élection populaire - tout comme les viennent-ensuite d'ailleurs, qui n'ont pas été élus le soir de l'élection mais sont arrivés dans les groupes par un procédé démocratique. Il pourrait donc y en avoir parmi nous aujourd'hui, il pourrait y en avoir vingt qui feraient la différence, qui voteraient - à main levée ou à l'aide de la machine si elle marche - qui décideraient de manière définitive d'une loi, de son acceptation ou non. On a vu dans certains cas des majorités se composer à un ou deux députés près... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur des questions extrêmement importantes. Les suppléants auraient donc le droit, en dernière instance...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Vanek. ...d'appuyer sur le bouton vert ou rouge et de faire les lois de cette république, mais n'auraient pas le droit très modeste qui leur est concédé par ce projet de loi de signer un projet de loi, une proposition de motion ? C'est une discrimination absurde: qui peut le plus peut le moins ! Il ne s'agit pas d'un argument de droit, mais d'un argument de bon sens. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Vanek. Je conclus ! ...notre groupe pense qu'il faut voter ce projet de loi sans tarder ni s'engouffrer dans des discussions juridiques byzantines à ce sujet.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Orsini, vous n'avez plus de temps de parole, je suis navré. Je donne la parole à M. Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Si le Grand Conseil comprend cent sièges, il est composé de députés dits titulaires et de députés dits suppléants, et ceux-ci en sont membres au même titre que ceux-là. Les suppléants et les suppléantes ne doivent pas être considérés comme des parlementaires de seconde zone ni comme des politiciens encore inexpérimentés. En effet, il peut s'agir d'anciens députés n'ayant pas été réélus à une faible différence de voix et qui deviennent alors suppléants lors de la législature suivante, ou encore de conseillers municipaux. Quand un suppléant remplace un titulaire à long terme, il peut contribuer aux travaux d'une commission mais, avec le règlement actuel, n'est pas autorisé à aller jusqu'au bout, soit à rédiger le rapport, ceci alors qu'il a les mêmes droits et devoirs qu'un député titulaire puisqu'il reçoit la même documentation et les mêmes indemnités. Par conséquent, il doit également avoir les mêmes prérogatives que le député qu'il remplace. Lorsque les députés suppléants votent en plénière, leurs voix comptent comme s'ils étaient députés titulaires. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il n'y a donc pas lieu de ne pas leur permettre de pouvoir s'exprimer comme les autres et de maintenir à tout prix des différences de traitement injustifiées.

L'erreur de la Constituante est de ne pas avoir prévu que les viennent-ensuite seraient élus en même temps que les titulaires, et le but de ce projet de loi est de corriger cela. Chaque député au Grand Conseil a la possibilité d'exercer son droit d'initiative parlementaire, ce qui veut dire que les suppléants en bénéficient, eux aussi - c'est ce qu'a voulu la Constituante et c'est la raison pour laquelle il y a lieu de modifier le règlement. En fait, le parlement est une sorte d'équipe de football; en cas d'empêchement d'un titulaire, le coach ne peut pas simplement interdire au remplaçant de jouer sous prétexte qu'il n'a pas l'habitude d'évoluer avec le groupe. Il faut se demander si le peuple, lors de l'élection pour sa représentation au Grand Conseil, avait conscience des distinctions faites entre députés titulaires et suppléants et s'il connaissait l'existence et le rôle de ces derniers. Le peuple vote aussi pour les suppléants au moment de l'élection ! Avec ce projet de loi, il s'agit d'élargir les compétences des députés suppléants élus en tant que viennent-ensuite et non de prétendre, comme le fait le rapporteur de minorité, que les suppléants ne doivent pas obtenir de compétences élargies. L'Union démocratique du centre vous demande d'accueillir favorablement ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député... (Brouhaha. Un instant s'écoule. Le silence se rétablit.) C'est mieux, merci ! La parole revient à M. le député Gabriel Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, les constituants, lorsqu'ils ont proposé le principe des suppléants, avaient le choix entre deux variantes: dans la première, que j'appellerais le système valaisan, les électeurs élisent, le même jour et en binômes, le même nombre de titulaires et de suppléants - il y a cent trente sièges en Valais, donc cela fait deux cent soixante - lesquels sont parfaitement interchangeables: le titulaire et le suppléant possèdent les mêmes droits et obligations, notamment le droit d'initiative parlementaire.

La seconde variante, qui a finalement été choisie, prévoit non pas l'élection mais la désignation de suppléants exclusivement destinés à remplacer, comme l'a dit le rapporteur de minorité, les titulaires élus lorsque ceux-ci sont empêchés de siéger. Dans ce système genevois, les suppléants ne détiennent pas la légitimité de siéger et de déposer des initiatives parlementaires alors que les titulaires, eux, sont pleinement élus et peuvent exercer ces droits. J'ai pu vérifier l'interprétation du rapporteur de minorité il y a deux jours: par hasard, j'ai croisé M. David Lachat, éminent constituant socialiste, qui m'a bien confirmé que c'était là l'interprétation juste, à savoir que les suppléants ne sont pas élus mais désignés pour le remplacement. Si vous voulez modifier le système à Genève, alors il faut modifier la constitution et déposer un projet de loi constitutionnel. Notre groupe rejettera ce projet de loi.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le jeune Murat Alder, rapporteur de minorité, est un brillant plaideur et on voit qu'il s'est donné de la peine - je ne veux pas dire qu'il en fait ni qu'il en a eu ! Il s'est fait plaisir en écrivant ce rapport de minorité qui, en réalité, Mesdames et Messieurs, ne prouve absolument rien, y compris au niveau juridique, et on aurait pu faire exactement le même exercice en sens inverse pour prouver qu'à aucun moment les constituants n'ont eu la volonté de faire des suppléants des sortes de sous-députés qui seraient privés de tout droit, en particulier de celui d'initiative.

L'interprétation historique convoquée par notre collègue Murat Alder ne permet pas de trancher et ne représente que l'un des modes d'interprétation, et je trouve assez cocasse de voir le PLR l'invoquer aujourd'hui alors que nous-mêmes, les socialistes, l'avions invoquée s'agissant de la question des compétences de la Cour constitutionnelle et que le groupe PLR nous avait dit: «Le texte est clair, pourquoi venez-vous convoquer ici des questions d'interprétation historique ?» Eh bien je vous rappelle maintenant, mes chers collègues du PLR, que nous avons également ici un texte très clair, un texte constitutionnel qui parle des membres du Grand Conseil. Et que proposons-nous avec ce projet de loi ? Simplement de reprendre le terme de «membre du Grand Conseil» dans la loi. Et on vient nous expliquer que cela ne serait pas conforme d'utiliser la même terminologie dans la loi que celle qui figure dans la constitution, dont une disposition stipule noir sur blanc que le Grand Conseil est composé de députés et de députés suppléants ?! Je pense que cette interprétation historique à laquelle se livre le PLR est complètement insoutenable.

Mais quand bien même il y aurait deux interprétations possibles, ce que je ne crois pas en tant que juriste, nous aurions ici à faire un choix, comme l'a dit mon collègue Pierre Vanek, un choix politique pour déterminer ce que nous voulons, s'il y a une raison objective de lier le fait de pouvoir signer des textes - parce que c'est de cela qu'il s'agit - avec la présence en plénière. Très souvent, des textes sont traités en plénière sans qu'un député soit nécessairement présent, on voit très bien que les deux questions n'ont rien à voir. A Neuchâtel, des députés suppléants ont aussi été instaurés par la constitution, qui ont le droit d'initiative sans que personne y trouve rien à redire. En réalité, la notion de remplacement n'implique pas du tout de priver ces personnes du droit de signer des textes.

In fine, last but not least, notre collègue Murat Alder cite Tanquerel contre Tanquerel, car en réalité, si on lit sa citation, on se rend compte que Thierry Tanquerel n'a absolument jamais dit qu'il fallait priver les députés suppléants du droit d'initiative, pour la simple et bonne raison que Thierry Tanquerel, mais également son confrère professeur à l'Université de Genève Michel Hottelier, membre éminent du PLR, se sont tous deux très clairement prononcés dans le seul avis de doctrine publié à ce jour pour dire que la traduction législative dans la LRGC, en termes de droit d'initiative, n'était pas conforme avec le texte de la constitution. Pour ces raisons juridiques comme politiques, je vous invite, chères et chers collègues députés ou suppléants, à soutenir ce projet de loi et vous en remercie.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai un énorme avantage, une très grande chance, c'est que je ne suis pas avocate - par moments, c'est rassurant, vous voyez. J'ai un plaisir immense à écouter les éminents préopinants, qui sont de brillants avocats, mais en même temps, je suis pour ma part un peu plus pragmatique - c'est parfois un inconvénient, dans d'autres cas un avantage, Monsieur le président. Ce que j'ai compris, c'est que si la Constituante et ses notables représentants qui se trouvent dans cette enceinte avaient voulu que nous siégions à cent vingt, à cent trente ou à cent soixante avec le titre de députés, nous l'aurions su et la constitution aurait été votée dans ce sens. Eh bien ce n'est pas le cas, Monsieur le président, c'est bête mais ce n'est pas le cas. Pour le parti démocrate-chrétien, tout est limpide et clair: c'est non à ce projet de loi ! Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts vous encourage vivement à voter ce projet de loi. Au moment où le projet de loi d'adaptation à la LRGC, c'est-à-dire à notre règlement, a été mis à l'étude en commission, les Verts étaient clairement opposés à l'instauration de députés de seconde zone qui viendraient en remplacement et travailleraient sur appel, ils étaient plutôt favorables à des députés suppléants qui puissent effectuer des remplacements de longue durée. Notre raisonnement est le suivant, et je rejoins ici Mme von Arx-Vernon en me félicitant de ne pas être juriste: si l'on précise, à l'article 27B du règlement du Grand Conseil, que les suppléantes et suppléants ont les mêmes droits et devoirs que les titulaires dans les limites fixées par la loi, ça signifie logiquement qu'on devrait leur accorder les mêmes droits et devoirs; or le Bureau, qui a préparé le projet de loi d'adaptation, leur fixe des restrictions de manière arbitraire.

Cela ne convient pas aux Verts; à la lumière d'un avis de droit dont le texte est extrêmement clair, la Constituante n'a pas été au bout de cette question, elle a décrété que ce Grand Conseil aurait désormais un certain nombre de députés suppléants et qu'il lui revenait de régler la loi d'adaptation, ce qui a été fait; elle a été acceptée, les Verts s'y soumettent car ils respectent la démocratie mais, sur ce point-là, nous saisissons l'occasion pour dire que les restrictions imposées aux députés suppléants ne nous conviennent pas et que nous acceptons avec enthousiasme que ces derniers puissent signer des textes. Ils siègent comme nous, ils nous remplacent, ils ont des idées. Au sein du groupe des Verts, nous intégrons pleinement nos suppléants au travail des titulaires et nous entendons qu'ils puissent signer également des projets de lois parce qu'ils sont membres et que nous refusons d'avoir une députation à deux vitesses avec des gens qui travaillent sur appel. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous encourage, au-delà des hypothèses juridiques brillamment énoncées par le rapporteur de minorité, à voter ce projet de loi - à charge du Bureau de demander un avis de droit le concernant, ce que, du reste, il n'a pas fait. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Comment peut-on concevoir deux catégories de députés qui n'auraient pas les mêmes droits, ne pourraient pas voter en plénière ou réaliser un certain nombre d'actions que l'on nous demande d'accomplir, en particulier lors des séances plénières ou dans les commissions ? Comment est-il possible d'entrer dans cette logique-là ? D'une certaine façon, c'est une logique d'Ancien Régime avec des citoyens, des bourgeois, des natifs, toute une catégorisation de notre société avec des droits à géométrie variable ! Pour le groupe MCG, ce n'est pas souhaitable et il faut améliorer ça parce que, ayant quelques années de pratique, nous nous rendons très bien compte qu'un certain nombre de députés suppléants ont envie de participer davantage à la vie de notre Grand Conseil. Pourquoi les en empêcher ? A notre sens, c'est complètement inutile: laissons-les agir de manière entière, c'est ce que le groupe MCG vous demande de faire en suivant ce projet de loi. Nous sommes d'ailleurs surpris de constater que le rapporteur de minorité, M. Murat Alder, qui est en général très intéressé par nos valeurs suisses et patriotiques, se place dans une logique non pas de la Suisse contemporaine d'après 1848 mais d'Ancien Régime. Là, mon cher Murat, je ne vous comprends pas tout à fait et j'ose espérer qu'au moment du vote, vous aurez le bon sens de changer d'opinion et de suivre la majorité. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et vous rappelle que vous devez vous adresser à la présidence. La parole revient à Mme Béatrice Hirsch pour deux minutes cinquante-trois.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, il n'est pas question d'avoir des députés de seconde zone; par contre, il y a des députés titulaires et des députés suppléants, comme l'a voulu la Constituante. Toute personne qui a soit participé au débat cité par M. Alder et d'autres dans cette enceinte, soit discuté avec des constituants à l'époque, se souviendra, s'agissant de la question des députés suppléants, que nous en avions besoin pour éviter le fait que des majorités ne changent au gré des absences de députés. C'était ça, la raison ! Aujourd'hui, vous allez voter un projet de loi qui, comme le disait ma collègue Mme von Arx-Vernon, amène la possibilité que cent dix-huit personnes signent un projet de loi alors que, selon la constitution, il y a cent députées et députés.

M. Vanek a dit que le professeur Tanquerel était affirmatif quant au fait que ce projet de loi était constitutionnel; mais il était aussi affirmatif pour dire que le choix du terme de «membre du Grand Conseil» n'était pas très heureux et portait clairement à confusion. En l'occurrence, ce n'est pas une question de députés de première ou de seconde zone; ce qu'il y a de sûr, si nous votons ce projet de loi, c'est qu'on ne saura plus ce que signifie le terme de membre du Grand Conseil. Selon certains articles, et M. Alder l'a très bien souligné, quand on parle de la majorité des membres, ce sont uniquement les cent présents - mais il faut le savoir ! - et dans d'autres, les membres sont au nombre de cent dix-huit. En gros, cela reviendra à l'appréciation de la personne qui lit, parce que ce mot aura, suivant les cas, des significations totalement différentes. Je peux très bien comprendre l'envie que les députés suppléants puissent signer des textes, rédiger des rapports, etc. En effet, pourquoi pas ? Seulement, dans les faits, le terme de membre du Grand Conseil aura une signification différente suivant les articles. On peut être juriste ou pas, ça n'a pas d'importance, Monsieur le président, mais dans un même texte...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Béatrice Hirsch. Je vais conclure, Monsieur le président. ...le même mot doit avoir la même signification. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous encourage à refuser ce projet de loi qui apporte plus de confusion qu'il n'en résout. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Antoine Barde, à qui il reste une minute et quarante-trois secondes.

M. Antoine Barde (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce qui m'épate, dans ce parlement, c'est qu'on passe autant de temps à se demander si les députés suppléants doivent avoir un droit d'initiative ou pas alors que notre constitution est tout à fait claire à ce sujet: tous les cinq ans, la population se prononce et choisit cent députés, point à la ligne; c'est simple, c'est pragmatique, il n'y a pas à tergiverser. Là, nous perdons notre temps. La population «qui nous a confié ses destinées» doit se poser des questions quant au temps que nous passons à nous préoccuper... (Remarque.) Eh oui, Monsieur Vanek, quand on voit ce genre de projet de loi qui abîme nos institutions, on se dit effectivement que ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux !

J'aimerais tout de même vous rappeler qu'on va être confronté à quelques problèmes: comment va-t-on faire par exemple - je crois que c'est inscrit dans la LRGC - pour convoquer une séance extraordinaire du parlement ? La proportion sera-t-elle respectée ? Et quand ce parlement demandera un référendum facultatif, va-t-on devoir se demander si la proportion se calcule sur cent ou sur cent dix-huit députés ? Nous n'aurons plus de références...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Antoine Barde. ...la proportion sera supprimée, ce qui nous posera un grand problème. Mesdames et Messieurs, je pense que nous avons autre chose à faire que de parler de ce genre de projet, comme de tant d'autres qui sont passés à la commission des droits politiques. Ce texte ne mérite pas votre approbation, le PLR vous encourage vivement à le refuser, et si vous ne le refusez pas, nous le combattrons devant la Cour constitutionnelle. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Cyril Mizrahi, vous avez la parole. (Commentaires.)

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président...

Le président. Ah non, excusez-moi, j'ai été mal informé: vous n'avez plus de temps de parole.

M. Cyril Mizrahi. C'est dommage, Monsieur le président !

Le président. C'est une appréciation toute personnelle, Monsieur le député ! Je donne la parole à Mme la députée Danièle Magnin, qui dispose encore de deux minutes dix-sept.

Mme Danièle Magnin (MCG). C'est bien plus qu'il n'en faudra pour dire ce que j'ai à dire, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, dans le cadre du Conseil municipal de la Ville de Genève, j'ai remplacé feu Soli Pardo, qui a été député sous la bannière UDC et a aussi siégé à la commission des travaux sous les couleurs du MCG. Il est tombé gravement malade et je l'ai remplacé pendant plusieurs mois. Ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai pas pu rédiger de rapports, je pouvais certes voter mais je n'avais guère de droits en tant que suppléante. Ma réflexion à ce sujet, c'est que le fait de ne pas avoir autant de droits lorsqu'on est suppléant que lorsqu'on est titulaire revient à une perte pour les partis. En effet, avoir un représentant qui ne peut exercer les droits liés à la fonction à la place de l'absent revient à se tirer une balle dans le pied. Je vous encourage donc, au nom du MCG, à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède la parole au rapporteur de minorité. Monsieur Murat Julian Alder, il vous reste seize secondes.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant pour dire à la majorité qui s'est construite aujourd'hui que les «sous-députés» ou les «députés de seconde zone» que vous avez évoqués, vous êtes justement en train de les créer ! A l'avenir, en effet, certains députés auront le droit d'initiative et siégeront en permanence tandis que d'autres auront aussi le droit d'initiative mais ne pourront siéger qu'en remplacement d'un député titulaire. Continuez comme ça, je vous en félicite ! (Quelques applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de majorité. J'aimerais juste dire deux mots. Tout d'abord, il faut savoir que ce projet de loi a été déposé par la majorité des partis représentés au sein de cet hémicycle puisqu'un PLR et un PDC étaient cosignataires, sans parler des Verts, d'Ensemble à Gauche, de l'UDC et du MCG. Il est important de le souligner, car ça signifie finalement qu'au sein des factions ou groupes politiques qui sont opposés à ce projet aujourd'hui, il y a des dissidents qui sont pour et pensent qu'il relève du bon sens de donner des prérogatives aux députés suppléants.

Ensuite, concernant les propos de notre collègue PLR Barde... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui disait que lorsque nous aurions des travaux à faire, vu que cette assemblée compte cent députés, nous aurions un problème par rapport aux suppléants, c'est tout simplement faux ! La loi ne change pas, la constitution ne change pas, ce sont toujours cent députés qui siègent, même si les suppléants auront désormais la possibilité de déposer des projets et de signer des interventions ou des questions écrites.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 11668 est adopté en premier débat par 53 oui contre 35 non et 1 abstention.

La loi 11668 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11668 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 36 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11668