République et canton de Genève

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PL 10885-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Christina Meissner, Patrick Lussi, Marc Falquet, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Antoine Bertschy, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30) (Affectation du sol aux différents niveaux)
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de M. David Amsler (PLR)
Rapport de minorité de Mme Christina Meissner (UDC)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 10885-A. Nous sommes toujours en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de majorité, M. Amsler, est remplacé par M. Hiltpold, à qui je cède la parole.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je remplace effectivement mon collègue et non moins ami David Amsler. Je précise pour la plénière que nous avons consacré quatre séances de commission à traiter ce projet de loi. Au fond, ce texte est une partie de la vision du catalogue de bonnes intentions de Mme Meissner. Il s'agit ce soir des plans d'affectation du sol. Je me permets de citer - avec une certaine émotion - un extrait du rapport de minorité, qui illustre la conception du territoire de Mme Meissner: «Mes textes étaient des tentatives pour provoquer la réflexion. Sommes-nous capables d'innover pour demain ? Tous deux ont été refusés. Trop tôt, trop visionnaires pour que le parlement accepte ne serait-ce que de tenter la réflexion.» Les termes «visionnaires» et «trop tôt» me semblent quelque peu surfaits. Je parlerais plutôt d'une vision romantique et passéiste.

Je vais revenir sur les arguments techniques que j'ai pu tirer de la séance du 28 novembre 2012, avec une argumentation très précise qui a été apportée par le département. Les plans d'affectation du sol se déclinent en deux catégories: d'une part les plans d'affectation du sol généraux, qui fixent l'affectation du terrain et, d'autre part, les spéciaux ou dits de détail, où l'on fixe les implantations des immeubles, les dessertes, à savoir ce que traitent les PLQ du droit public genevois. Ce projet de loi concerne exclusivement les plans d'affectation du sol généraux. Il envisage une superposition. Je vais citer la législation fédérale concernant les principes généraux d'aménagement du territoire, en particulier un extrait de l'article 3, alinéa 3 de la LAT: «Les territoires réservés à l'habitat et à l'exercice des activités économiques seront aménagés selon les besoins de la population et leur étendue limitée. Il convient notamment de répartir judicieusement les lieux d'habitation et les lieux de travail» et de les doter d'un réseau de transports suffisant, puis «de préserver autant que possible les lieux d'habitation des atteintes nuisibles ou incommodantes, telles que la pollution de l'air, le bruit et les trépidations». Il est important de préciser qu'il est très difficile de superposer une zone à une autre. S'agissant du fond de ce projet de loi, le fait de dire que l'on pourrait superposer tout type de plan de zone à bâtir n'est pas compatible et contraire au droit fédéral. Cela ne s'inscrit pas non plus dans le cadre de la LaLAT. En vertu de ces arguments fondés et techniques, j'invite ce parlement à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose d'introduire dans la législation la possibilité de superposer les usages plutôt que de les aligner les uns à côté des autres, comme c'est le cas aujourd'hui. Par ce principe, il s'agit de renouveler la ville avec ses multifonctionnalités. Non pas à la chinoise - comme d'aucuns me l'ont reproché en commission en disant que je voulais faire vivre, travailler et mourir les gens au même endroit dans leur usine - mais en revenant à la logique du village, adapté cependant au monde moderne: une ville à l'opposé du zonage actuel qui envoie les gens travailler dans des zones industrielles, dormir dans les zones vouées à l'habitat et faire leurs achats dans des zones commerciales éloignées, ce qui conduit à un étalement urbain horizontal important induisant entre autres les problèmes de trafic que nous ne connaissons que trop bien. Il s'agit de renouveler le centre-ville, en minimisant les déplacements, en permettant de se loger, de travailler, de se détendre et d'effectuer des achats ou de faire du sport dans un espace restreint. Admettre la superposition des usages - par exemple sur le périmètre Praille-Acacias-Vernets - permettrait de répondre de manière plus satisfaisante aux besoins changeants de la société. Les techniques de construction, quant à elles, autorisent aujourd'hui des projets audacieux, autrefois considérés comme irréalisables, mêlant habitat, bureaux, commerces et loisirs. Même M. Saudan a proposé de mettre les dépôts TPG à la Jonction et de construire au-dessus des zones de commerce, de travail et d'habitat, voire de loisir.

Cette manière verticale - et non plus seulement horizontale - de commencer à penser l'aménagement est plus nécessaire que jamais. Nous ne pouvons pas continuer à nous développer en sacrifiant toujours plus de territoire, alors que le nôtre est exigu. Il s'agit véritablement de remettre en question nos méthodes et nos outils d'aménagement. Sommes-nous capables d'innover pour demain ? Oui ! C'est effectivement la question que ce PL pose. Trop tôt, trop visionnaire pour le parlement précédent ? Pour l'actuel peut-être aussi. En tout cas, je trouve qu'il est extrêmement urgent de se poser ce genre de questions. Peut-être mon projet de loi n'est-il pas le bon. Mais il s'agit aujourd'hui de repenser la ville en village à la verticale. On voit des choses extraordinaires dans le monde entier, mais on n'est pas capables de le faire chez nous.

On me dit que le PL n'est pas conforme au droit fédéral. Je suis désolée, mais cela n'a pas été affirmé. Le droit fédéral conçoit une certaine répartition au niveau des plans d'affectation. De fait, il limite la superposition de certaines zones à bâtir, mais pour des raisons de nuisances ou de risques. L'objectif n'est pas d'aller à l'encontre du droit supérieur. La difficulté majeure de la possible superposition des zones à bâtir que propose ce projet de loi est surtout technique, semble-t-il. D'où la préférence donnée aujourd'hui à la solution de zones mixtes, comme cela a été fait par la suite - c'est l'Etat lui-même qui l'a proposé - avec les zones d'activités industrielles et d'activités mixtes. Là, on a superposé les activités industrielles et commerciales. Je pense qu'il faut aller plus loin dans la réflexion, et inclure l'habitat et les loisirs ! Il n'y a pas d'industries lourdes à Genève. On peut donc l'imaginer.

On peut prendre le problème comme on voudra, on n'échappera pas à cette nécessaire remise en question des instruments actuels d'aménagement du territoire; plus on tardera, plus on risquera de figer la situation de manière définitive pour les nombreuses zones à bâtir. Dans tous les cas, je vous demande, si ce n'est d'adopter ce projet de loi, du moins d'entamer cette réflexion au plus vite. Appliquer la politique du chasse-neige en repoussant toujours le problème au parlement suivant n'est pas très responsable, ni de la part de notre Grand Conseil ni de notre Conseil d'Etat.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il faut le dire: dans la cuvée des projets de lois novateurs et visionnaires que nous traitons ce soir, celui-ci est un remarquable concurrent pour la première place sur le podium des projets du mercredi soir, un concurrent au ridicule projet 10637 que nous avons refusé avant la pause. Derrière la volonté louable de rationaliser l'usage du sol en créant des zones d'affectation différentes selon les niveaux, les auteurs de ce projet de loi nous proposent une véritable usine à gaz juridique, certainement incompatible avec le droit fédéral mais surtout ne proposant rien qui ne soit déjà réalisable dans le cadre des lois existantes. Par exemple, la création de zones d'activités mixtes dans les zones industrielles devient la norme avec la nouvelle loi que nous avons fabriquée il y a peu de temps. Il est possible de faire des zones mixtes dans les autres zones. Il est possible de faire des toitures végétalisées. Or chaque fois que nous vous en proposons ici, vous les refusez. Il est certainement possible de faire des zones sportives en hauteur, mais personne n'en a encore proposé. Quant à la production agricole au sixième étage, nous sommes franchement sceptiques quant au coût de la tomate du sixième étage, comme le seront certainement mes collègues paysans.

La seule solution pour utiliser rationnellement le sol, c'est de le protéger, et surtout d'économiser le sol agricole. Il s'agit de densifier prioritairement dans la zone à bâtir existante, au plus près des infrastructures de transport et des infrastructures de distribution d'énergie, d'eau potable et de collecte des eaux usées. Densifier dans la zone à bâtir, c'est déclasser ce qu'il faudra - et pas plus - de zones villas, puis densifier les zones déclassées grâce à la nouvelle loi de densification votée par le peuple le 9 février dernier. Enfin, ce sera aussi réussir le nouveau quartier Praille-Acacias-Vernets. Voilà la méthode. Nous la connaissons, il n'y en a pas d'autre.

Ceux qui nous proposent ce soir ce projet de loi prétendument novateur, ce sont ceux qui s'opposent en permanence à cette méthode. La première auteure de ce projet de loi, comme du projet de loi précédent, est aussi l'auteure du rapport de minorité sur le projet de loi de déclassement 10843 pour la création d'une zone de développement aux Corbillettes, que vous avez renvoyé en commission avant la pause. C'est aussi la rapporteure de minorité du projet de loi 11003 pour la création d'une zone de développement 4A au chemin de la Bourdonnette à Vernier, destinée à accueillir du logement pour nos aînés. C'est aussi la rapporteure de minorité du projet de loi 11030 pour la création d'une zone de développement 4A à Versoix pour du logement social. Ce sont eux qui s'opposent en permanence à la construction de logements, et ce n'étaient là que quelques exemples cocasses de leurs contradictions que nous avons au menu de cette session.

Maintenant, imaginez un instant la mise en oeuvre de ce projet de loi, les imbroglios juridiques qui en découleraient, la monstrueuse machine bureaucratique à mettre en place pour fabriquer les différents niveaux virtuels d'affectation. De la zone 2 au premier étage, de la zone 3 au troisième étage, de la zone agricole au dernier étage... Ce projet de loi n'est même pas une fausse bonne idée. Il ne sert à rien, il n'a servi qu'à perdre du temps. Il ne propose rien dans ses objectifs qui ne soit déjà possible. Il propose par contre des moyens alambiqués qui ne feront que compliquer les choses alors que nous avons besoin de simplification. C'est de la poudre aux yeux ! J'attire surtout votre attention sur la perversité qui se cache à l'article 18 de ce projet de loi.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. François Lefort. La nouvelle teneur de l'article 18, qui consiste à supprimer toutes les zones de développement dans le canton pour les remplacer par de la zone ordinaire, est un véritable danger. Ce projet de loi est non seulement inutile, mais surtout très dangereux. Nous l'avons refusé en commission, nous le refuserons encore aujourd'hui. Nous vous recommandons de faire de même si vous voulez qu'il reste des zones de développement à Genève.

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Bertrand Buchs (PDC). Déjà rien que pour comprendre la loi actuelle, il faut quasiment avoir fait bac +12. Désormais, avec le projet de Mme Meissner, il faudra faire maths sup pour comprendre ! (Remarque.) Mathématiques supérieures, oui ! Honnêtement, je n'ai toujours pas compris votre projet de loi, Madame Meissner. Je ne suis peut-être pas très futé - je l'admets - car je n'ai toujours rien compris. Ça me fait penser à un souvenir d'enfance: il est peut-être faux, mais en tout cas, j'ai l'impression qu'il y avait un magasin à Genève où, quand on prenait l'ascenseur, un groom disait: «Premier étage: enfants. Deuxième étage: dames. Troisième étage: messieurs.» Là, c'est la même chose. Premier étage: zone de développement 3, deuxième étage: zone de développement 5... C'est absolument impossible à faire ! Madame Meissner, vous vous êtes rendu compte, lorsqu'on a fait ce débat, que c'était impossible à faire. Vous vous êtes rendu compte que vous aviez peut-être une bonne idée au départ, mais que vous auriez dû retirer votre projet de loi. Nous perdons notre temps. Je vous remercie.

Présidence de M. Antoine Droin, président

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, je disais tout à l'heure que Mme Meissner est prolixe. Ce projet en est la démonstration. Au sein de la commission d'aménagement, nous avons eu une discussion avec le conseiller d'Etat Antonio Hodgers pour savoir si la pratique fédérale qui consiste à voter l'entrée en matière avant de choisir les auditions devait être retenue à Genève, de manière à éviter de perdre du temps sur des objets qui ne le méritent pas. Peut-être cette méthode est-elle un peu rude. Peut-être que faire des auditions est quand même bien. Dans le cas présent, je pense que c'était une bonne chose.

Il faut quand même laisser à Mme Meissner le fait qu'elle travaille, qu'elle fait beaucoup de propositions. Sur le tas, il y en a quelques-unes qui ne méritent pas de passer la rampe de ce parlement, et je crois que celle-ci en fait partie. D'ailleurs - et comme pour l'autre projet - il suffit de lire sa propre présentation relatée dans le rapport: «N'étant pas juriste, Mme Meissner ne souhaite pas se mettre dans une position qu'elle aurait de la peine à soutenir.» Je trouve ça joli comme image, quand on parle en 3D. Ensuite, pendant toute une longue période, elle se demande si elle va mettre ce projet au congélateur, au freezer, ajoute qu'elle doit parler à ses collègues. Finalement, elle décide un jour de le garder quand même, histoire d'amuser encore une fois le parlement. Je crois, Mesdames et Messieurs, qu'il ne faut pas en dire beaucoup plus. Ce projet ne répond à aucune demande non plus. D'ailleurs, il est encore plus difficile à comprendre que le précédent. De plus, il est clairement contraire au droit fédéral. Je vous propose donc de le refuser.

M. Eric Stauffer (MCG). Au MCG, on est toujours très amusé quand on entend autant de critiques sur un projet de loi proposé par l'UDC, signé conjointement par le MCG et l'UDC. Quand on entend le député Vert, qui est en train de répéter pour sa pièce de théâtre qu'il doit faire dimanche matin pour les élèves de 8e primaire, ou 8e secondaire... Enfin, peu importe, il s'entraîne donc pour le théâtre ce soir. Quand on entend les Verts, la critique est tellement facile ! Ce projet est dangereux, nuisible, «y a qu'à», «faut qu'on»... Or, pour l'instant, en matière d'aménagement, on n'a pas vu grand-chose émaner du groupe des Verts, si ce n'est la critique de ce que font ou essaient de faire leurs collègues. Certes, le projet de loi n'est pas parfait. Certes, il peut y avoir quelques anicroches avec le droit fédéral. Mais enfin, j'aimerais quand même qu'on vienne m'expliquer pourquoi et par quel saint miracle - je n'ai pas vraiment la réponse - nous sommes un canton de locataires, alors qu'en France voisine, des gens gagnent le SMIC et sont à 80% propriétaires de leur bien immobilier !

Ça fait longtemps que je suis en politique, puisque mon premier mandat comme conseiller municipal à Onex - j'étais alors un élu libéral - était durant la législature 1987-1991. J'étais donc sous la bannière libérale, avec, je le rappelle, l'excellent président de l'époque, Michel Balestra. D'ailleurs, s'il nous regarde, je le salue ! A cette époque déjà, le logement était un problème. Il y avait déjà une crise du logement. Mon Dieu, en 1987 ! Nous sommes en 2014, et il y a toujours une crise du logement. Quel est le problème ? Est-ce que c'est la gauche qui, avec sa LDTR, empêche tout le monde ou le plus grand nombre de devenir propriétaire ? Est-ce que c'est la droite qui veut maintenir des prix de terrain élevés ? Est-ce que c'est l'OLO qui ne fait pas bien son boulot ? S'il y avait une offre conséquente, les prix baisseraient. Peut-être maintient-on aussi artificiellement ces prix élevés et le manque de logements, ce qui fait que, dans une équation droite-gauche ou gauche-droite, tout le monde s'y retrouve avec son électorat ! La gauche va brandir le spectre des loyers chers, la droite va défendre les propriétaires et l'accession à la propriété. Finalement, le seul cocu dans cette équation, c'est le citoyen !

Je vous demande, Mesdames et Messieurs, quelle est la bonne solution. S'agissant de la bonne solution en matière de logement, je crois que le peuple a choisi. Il a élu un conseiller d'Etat. C'est échu à M. Antonio Hodgers. Personnellement, je souhaiterais - en tout cas le MCG l'appelle de ses voeux - qu'on se mette une fois tous autour d'une table, ou dans un parlement par exemple, et qu'on essaie juste de réfléchir intelligemment, pas uniquement pour faire du logement social subventionné, mais pour trouver un équilibre et débloquer la situation du logement à Genève.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. C'est quand même incroyable que décennie après décennie...

Une voix. Siècle après siècle !

M. Eric Stauffer. Ou siècle après siècle, si vous voulez; mais je pense qu'en 1818, ils avaient moins de problèmes de logement qu'on n'en a aujourd'hui ! On n'arrive pas à trouver de solution pour que les gens soient logés décemment, entre les classes défavorisées, les classes moyennes et les classes supérieures, pour que tout soit fait en harmonie.

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. Comme je le disais, de toute façon, parler ici ne sert à rien. Les dés sont jetés, chacun va camper sur ses positions avec ses dogmes, et le seul cocu, c'est le citoyen ! Je vous invite à voter MCG, ça changera un jour !

M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les conseillers... (Exclamations.) ...les députés, pardon ! Je trouve que M. Stauffer a posé une question essentielle - pour une fois ! - à savoir pourquoi nous sommes un peuple de locataires. D'une part, il y a une rente foncière qui satisfait les milieux financiers pour placer au chaud l'argent en Suisse. Ça, c'est l'évidence. D'autre part, Monsieur Stauffer - mais je vois que ça ne vous intéresse pas; vous faites la critique des autres, mais ça ne vous intéresse pas de comprendre ces phénomènes - les citoyens que vous appelez au vote n'ont pas les moyens de poser sur la table les 20% de fonds propres qui leur sont réclamés quand il s'agit d'acquérir des logements. Ou alors ils s'endettent de manière incroyable pour le restant de leur vie et, le cas échéant, risquent de tomber dans le chômage et de devenir perpétuellement assistés !

Je vous rappelle que les Etats-Unis ont voulu mener une politique d'accession à la propriété de tous les citoyens. Qu'est-ce que ça a donné ? Une crise financière planétaire - avec les subprimes - qui a mis sur les genoux l'ensemble des pays dits industrialisés. Ces deux phénomènes se conjuguant, ce n'est pas du tout le populisme de certains ou d'autres mais bien la situation et le système économique dans lequel nous nous trouvons qui forcent les citoyens à se retrouver dans ces situations. C'est-à-dire qu'ils paient une rente foncière et une rente immobilière qu'ils n'ont pas les moyens de payer en termes de loyer et, à la fois, ils ne peuvent pas accéder à la propriété parce que c'est tellement cher que cela les mettrait dans des situations intenables du point de vue financier, avec des endettements à hauteur de 60% de leur revenu. C'est inacceptable pour n'importe quel citoyen ! Voilà la première chose que je pensais dire.

Deuxièmement, Madame Meissner, j'aime bien les mille-feuilles en pâtisserie mais là, je crois que ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible ! Je vous donne un exemple concret. Dans une petite rue en face de chez moi - la rue du Vieux-Billard - il y avait un imprimeur dans une petite bâtisse destinée à l'artisanat et au commerce. Tous les matins, à 6h, on entendait le bruit suivant: pcht, pcht, pcht. Au bout de cinq ans, les locataires se sont plaints, ont fait des pétitions. Et - vous pouvez aller vérifier - cet imprimeur ne se trouve plus dans cette rue. C'est devenu un bureau. Ce sont d'ailleurs les fondations HBM qui ont repris ces locaux, où les dalles sont faites pour accueillir de l'artisanat. Madame Meissner, la réalité de nos concitoyens et concitoyennes, c'est qu'on ne peut pas mettre des boulangers ou des imprimeurs avec leur ventilation ou des choses comme ça dans des immeubles d'habitation. On ne peut pas faire cohabiter ce genre d'activités avec d'autres activités. Et je ne parle pas de mettre des bureaux ! Alors là, le petit artisan ou le commerçant qui possède un bâtiment se rendra vite compte que ses 250 F ou 300 F le mètre carré sont incomparables avec une rente immobilière de 500 F le mètre carré pour des bureaux. C'est clair, il changera l'affectation de son bien immobilier s'il a la chance de pouvoir accéder à la propriété. Madame Meissner...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Rémy Pagani. ...votre cause est juste. Je pense que le déclassement de la zone agricole et la densification des zones sont les bonnes mesures. Et le droit de préemption aussi ! S'agissant du droit de préemption, cent propriétaires de villa vendent leur bien, et c'est à l'Etat et aux promoteurs de pouvoir accéder à ces biens pour créer du logement. Là, il y a des potentialités. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous êtes pile dans le temps. Je passe la parole à M. le député Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif annoncé de ce projet de loi a été celui qu'a poursuivi la commission de l'aménagement durant la dernière législature. Cela a été au coeur de notre débat pour éviter le mitage du territoire et pour préserver la zone agricole autant que faire se pouvait. Mais le problème, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'UDC ne s'est pas associée à ce travail de lutte pour la densification des constructions. Je dois rappeler qu'il y a un projet de loi - le PL 10965 - qui vise précisément les indices de densité minimaux, et que l'UDC l'a refusé. Par la suite, vous avez effectivement fait un travail démentiel pour que ce projet soit rejeté par le peuple. C'est là quelque chose que l'on doit condamner. Je ne peux pas comprendre l'approche paradoxale qui est la vôtre. Vous souhaitez aujourd'hui superposer les affectations dans des immeubles au mépris des problèmes éventuels de conflits d'usage que cela peut poser. Par ailleurs, vous refusez de densifier la couronne urbaine comme vous l'avez fait tout à l'heure avec le déclassement des Corbillettes, et vous refusez également le PL 10965. J'appelle l'UDC à un peu de cohérence, et j'espère qu'elle saura faire un virage pour sortir de l'ornière où elle va malheureusement glisser, ainsi qu'une partie des habitants de notre canton si cette politique-là devait se généraliser. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de minorité Christina Meissner. (Un instant s'écoule.) C'est à vous, Madame !

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de minorité. Excusez-moi, j'étais encore stupéfaite par ce que j'entends dans ce parlement ! Entre ceux qui craignent que l'imprimerie ne s'installe en bas de l'immeuble et celui qui redoute - je cite - d'amener du logement dans des zones artisanales, commerciales ou tertiaires, qui s'inquiète de cette mixité, a l'impression de revenir au XIXe siècle ou en Chine, et n'est pas certain de vouloir promouvoir cette vision de la société...!

Mesdames et Messieurs les députés, on est mal parti pour densifier à Genève si on n'est pas capable d'imaginer un seul moment une mixité entre l'activité, le logement, le loisir, ceci du sous-sol au toit des immeubles. Il est vraiment temps de se demander si on ne peut pas imaginer cet aménagement à la verticale. Nous n'avons plus le luxe de l'espace. Je regrette qu'on me dise que ce n'est pas possible. On craint cette mixité, on ne veut pas cette société. Je me demande aussi qui est rétrograde, qui est celui qui ne veut pas voir l'avenir ! Ce parlement est capable, à partir d'un projet de loi, de développer des conceptions incroyables nous menant aux quatre coins de la planète ainsi qu'à des considérations s'éloignant totalement des projets de lois que nous examinons, et pas seulement celui-ci. Mais quand il s'agit de faire du travail concret, de réfléchir ensemble et de trouver des solutions ensemble...

Je ne prétends pas que ce projet de loi ci est la solution. Je dis simplement qu'il est urgent - urgentissime ! - d'arriver à débloquer les situations en matière d'aménagement du territoire. Il faut vraiment se demander comment on peut faire. Peut-être que ce ne sera pas la «metropolis», le village à la verticale - appelez-le comme vous voulez. Mais nous devons commencer à trouver des solutions. On a les instruments géotechniques pour le faire. A mon avis, il nous manque juste l'ouverture d'esprit pour y arriver.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, après un voyage en Chine, aux Etats-Unis, les subprimes, je crois qu'il faut revenir aux fondamentaux, avoir les pieds sur terre et se demander, puisqu'on parle d'étages, si on a effectivement la lumière à tous les étages ! (Rires.) Ce projet de loi - on vous l'a rappelé de manière synthétique - est inapplicable dans les faits et contraire au droit fédéral. Je ne vais pas monopoliser davantage le temps de parole, afin que nous puissions passer au point suivant de l'ordre du jour. Je vous recommande donc le refus de ce projet.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 10885 est rejeté en premier débat par 57 non contre 29 oui.