République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot et Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Erica Deuber Ziegler, Yvan Galeotto, Mariane Grobet-Wellner, Dominique Hausser, André Hediger, Maria Roth-Bernasconi, Stéphanie Ruegsegger, Louis Serex, Ivan Slatkine, Pierre Vanek et Alberto Velasco, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8547-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les eaux (L 2 05)
Rapport de majorité de M. John Dupraz (R)
Rapport de minorité de Mme Françoise Schenk-Gottret (S)
Projet: Mémorial 2001, p. 7451

Premier débat

Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez rien à ajouter... Avez-vous quelque chose à ajouter, Madame la rapporteuse de minorité ?

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Oui, beaucoup de choses, Monsieur le président, et ça n'étonnera personne, en tout cas pas les membres de la commission de l'environnement et de l'agriculture... (Exclamations.)

Ce projet de loi attendu avec espoir était un bon projet de loi. L'article 15 était de qualité acceptable, mais les travaux en commission l'ont déformé de façon inadmissible. Sa répercussion en matière d'aménagement du territoire est telle que nous nous sommes vus à contrecoeur dans l'obligation de faire un rapport de minorité.

L'article 15 initial traitait des surfaces inconstructibles et reprenait, pour l'essentiel, l'article 26 de l'actuelle loi sur les eaux, qui définit déjà les limites de construction, à 10, 30 ou 50 mètres, de la limite du cours d'eau dans des plans d'alignement.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les surfaces non constructibles définies par l'article 26 de l'actuelle loi sur les eaux, constituent une zone à protéger au sens de l'article 17 alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, lequel nomme d'ailleurs les cours d'eau, les lacs et leurs rives, comme zones à protéger. Le Tribunal fédéral a considéré qu'une «simple limite des constructions le long des lacs et cours d'eau ne suffit pas: il faut une zone protégée au sens de l'article 17 de la loi précitée pour soustraire définitivement à la construction les surfaces qui y sont comprises, surfaces qui ne peuvent pas non plus être prises en considération pour fixer l'indice d'utilisation des parcelles situées dans les zones à bâtir limitrophes». Vous trouverez des précisions dans l'annexe 2. Des dérogations peuvent être accordées pour la construction d'ouvrages dans ces surfaces inconstructibles pour autant que ceux-ci ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et ne mettent pas en danger les hommes et les biens.

Cette dérogation devra être approuvée par le département en charge de l'environnement, qui est l'expert en matière de protection et de gestion des cours d'eau.

S'agissant des abords des cours d'eau, l'article 3 alinéa 2 lettre c) de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire pose le principe selon lequel il y a lieu de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau. L'article 17 alinéa 1 LAT range notamment les rives des cours d'eau et des lacs parmi les objets protégés, appelés à figurer dans des zones à protéger. C'est-à-dire que les terrains concernés ne peuvent être considérés comme propres à la construction, selon la définition retenue pour les zones à bâtir.

La réalisation de ces principes d'aménagement implique la création de zones à protéger dont la délimitation détaillée relève de l'appréciation des autorités cantonales ou locales.

Les autorisations de construire sont traitées aux articles 22 à 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire qui distingue fondamentalement deux types d'autorisation de construire: - les autorisations conformes à l'affectation de la zone; - les autorisations non conformes à l'affectation de la zone, lesquelles se divisent en deux catégories, à savoir les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir, lesquelles sont réglées par le droit cantonal et les exceptions prévues hors de la zone à bâtir, lesquelles sont réglées de façon quasi exhaustive par le droit fédéral, sous réserve de dispositions d'exécution cantonale d'importance mineure.

L'article 24 LAT a la teneur suivante: «En dérogation à l'article 22 alinéa 2 lettre a) des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si: a) l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination; b) aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose.» S'ensuivent quatre dispositions, soit les articles 24 aà 24 d, LAT, qui énumèrent de manière exhaustive toutes les autorisations dont la délivrance est envisageable hors zone à bâtir et ne peut intervenir qu'à titre exceptionnel par dérogation, conformément à la systématique de la LAT.

C'est dans ce système que se situe l'article 24 c, LAT, qui a la teneur suivante:

«Hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination, mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise.

L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement. Dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être satisfaites.»

Lorsqu'il s'agit de surfaces inconstructibles et donc situées clairement hors de la zone à bâtir, toute autorisation ne peut être délivrée que par voie dérogatoire.

Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral fait que celui-ci prime le droit cantonal. Le législateur cantonal ne peut ignorer ou contourner le droit fédéral sans aller au-devant de sérieuses déconvenues au moindre recours, l'amendement de l'alinéa 6 risquant tout simplement soit d'être annulé en cas de recours de droit public au Tribunal fédéral, soit d'être déclaré inapplicable dans un cas d'espèce concret en cas d'entrée en vigueur.

J'ajoute un commentaire sur les alinéas 7 et 2 de l'article 15. La rédaction positive de l'alinéa 7 n'enlève rien au fait que les surfaces inconstructibles prévues par les zones à protéger ou les plans d'alignement sont en principe dépourvues de droits à bâtir.

Ces surfaces n'entrent pas dans le calcul de l'indice d'utilisation du sol, à moins qu'elles ne se superposent à des zones à bâtir protégées, adoptées conformément aux buts, principes et procédures, prévus par la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, ou à des secteurs déjà largement bâtis.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, une simple limite des constructions le long des lacs et cours d'eau ne suffit pas: il faut une zone protégée au sens de l'article 17 LAT pour soustraire définitivement à la construction les surfaces qui y sont comprises, surfaces qui ne peuvent pas non plus être prises en considération pour fixer l'indice d'utilisation des parcelles situées dans les zones à bâtir limitrophes.

Dès lors, la tournure positive de cette disposition «entrent (...) pour autant que» est regrettable du point de vue de la lisibilité de cette disposition pour le lecteur non averti.

Quant à la rédaction de l'alinéa 2, elle n'est pas meilleure. Cette disposition ne devra pas être interprétée par la suite comme une volonté du Grand Conseil de limiter la possibilité d'adopter une zone à protéger au seul cas où l'espace minimal pour un cours d'eau est supérieur aux distances mentionnées à l'alinéa 1, ce qui serait contraire à la LAT.

Par ailleurs, il est bien évident que les plans de site sont adoptés...

Le président. Il faut vous acheminer vers votre conclusion, Madame. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole.

Mme Françoise Schenk-Gottret. J'y arrive! Merci de votre indulgence, Monsieur le président !

...selon une procédure prévue par la LPMNS et non par la LaLAT seule citée dans cette disposition, comme le lecteur pourrait s'y tromper.

Aussi bien au sujet de l'alinéa 2 que de l'alinéa 7, les amendements suggérés en commission ont été refusés. Il ne faudra pas ensuite se plaindre de la mauvaise qualité technique de la législation applicable et dire que les lois régissant la matière ne sont pas claires et sont difficiles à interpréter.

Pour ne pas polémiquer inutilement, nous renonçons à présenter des amendements aux alinéas 2 et 7 de l'article 15. C'est regrettable, car ils auraient contribué à une meilleure lisibilité de la loi. Par contre, nous ne pouvons pas avoir la même indulgence, qui alors serait coupable, à l'égard des alinéas 3 et 6. C'est pourquoi nous vous proposons les amendements suivants qui remplacent la proposition du rapport de minorité: tout d'abord, compléter l'alinéa 3 de l'article 15 par une lettre d): «la rénovation, la transformation partielle, l'agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations en application de l'art. 24 cde la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979»; et supprimer l'alinéa 6.

J'en ai terminé !

Le président. Merci, Madame la rapporteuse. Vous avez parlé huit minutes trente... Vous remarquerez que nous vous avons laissé...

Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. John Dupraz (R), rapporteur de majorité. Je ne m'attendais pas à ce que le rapporteur de minorité se lance dans un deuxième rapport complémentaire de minorité...

En ce qui concerne la majorité de la commission que je représente ici, je vous renvoie aux explications concernant l'article 15 aux pages 6, 7 et 8 du rapport. Maintenant, je ne peux préjuger d'une décision du Tribunal fédéral en cas de recours, et je laisse la responsabilité des gens qui feraient un tel recours.

La majorité souhaite soutenir le Conseil d'Etat dans sa détermination à protéger les cours d'eau et à promouvoir une utilisation rationnelle et économe de l'eau. C'est dans ce sens que nous avons voté cette loi et que nous la soutenons. Je considère que la minorité mène ici un combat d'arrière-garde inutile, qui remet en cause, sur des points mineurs, l'ensemble d'une loi qui est utile et nécessaire pour notre canton.

M. Christian Bavarel (Ve). Après les propos tenus par les deux rapporteurs, je rappellerai simplement de quoi nous parlons.

Le but de la loi que nous étudions ce soir est de fixer des objectifs de qualité des eaux, de régler la gestion quantitative des cours d'eau, de définir et de gérer l'espace nécessaire aux cours d'eau, de veiller à une utilisation parcimonieuse de l'eau, d'assurer la protection des cours d'eau et favoriser leur amélioration, de gérer les systèmes d'évacuation et de traitement des eaux. C'est de cela dont nous parlons ce soir.

J'aimerais vous dire comment s'est passée ma journée au travail. Je suis jardinier comme vous le savez et, en arrivant au jardin botanique, j'ai trouvé mes collègues, qui sont pompiers volontaires, avec des poches sous les yeux. En effet, ils ont passé la nuit à mettre des pompes à divers endroits de manière à pouvoir évacuer de l'eau afin de préserver des installations et des habitations d'utilité publique. Nous avons également passé notre journée, au jardin botanique et dans les annexes situées autour du jardin botanique, à installer des pompes pour évacuer l'eau. Nous voyons très clairement aujourd'hui que nous avons un problème et que nous n'avons pas de base légale suffisante pour pouvoir gérer l'hydrolicité de ce canton. C'est de cela qu'il s'agit ce soir ! Nous sommes en train de discuter d'une loi qui permettra d'avoir les outils légaux pour pouvoir gérer des cours d'eau et éviter que des gens n'achètent des terrains en zone inondable et se retrouvent un jour spoliés pour avoir construit une villa dans une zone qui n'aurait pas été définie comme inondable. Ainsi, les gens qui ont des villas déjà construites - ou d'autres types d'habitation - dans de telles zones sauront de quoi il retourne, ce qui est une bonne chose ne serait-ce que pour prendre des mesures de prévention.

Certaines dispositions provoqueront certainement quelques mécontentements ici ou là. En commission de l'environnement et de l'agriculture, nous nous sommes surtout penchés sur ces différents objets. Il est vrai que quelques dispositions spécifiques pourraient être améliorées. En général, c'est le cas: dans toute loi il y a des choses qui ne nous satisfont pas forcément.

Pour l'heure, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'avoir conscience de l'importance de cette loi et sur quoi elle porte exactement. Nous, les Verts, nous soutiendrons cette loi, qui permettra de gérer les cours d'eau et l'hydrolicité de ce canton, et nous vous invitons à faire de même.

M. Alain Etienne (S). Ce projet de loi devait être traité au départ sous l'angle de la préservation de l'environnement, avec notamment la mise en place de SPAGES - schémas de protection, d'aménagement et de gestion des eaux.

Dans sa grande sagesse, le Conseil d'Etat avait évité de trop modifier l'article 15 concernant les surfaces inconstructibles, afin de ne pas ouvrir un débat sous l'angle de l'aménagement du territoire. Une majorité de la commission, composée des partis de l'Entente, appuyée à la fin par le parti des Verts, ne s'est pas gênée pour se faire le relais du lobby des milieux immobiliers...

M. John Dupraz. Mensonge ! (Exclamations.)

Une voix. Tu le laisses parler, oui ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Etienne, continuez, mais n'attaquez pas vos collègues !

M. Alain Etienne. Le parti socialiste aurait pu voter cette loi telle que présentée par le Conseil d'Etat et se concentrer sur les raisons de la modification. Il semble que cette pratique devient courante sur les bancs d'en face: j'en veux pour preuve l'exemple récent de l'amendement visant à supprimer les PUS dans un projet de loi qui donne une base juridique aux plans directeurs communaux.

Je déplore cette façon d'agir. Encore une fois, nous le répétons, si vous voulez ouvrir un débat sur telle ou telle de vos préoccupations, faites des projets spécifiques.

Le parti socialiste refusera ce projet de loi tel qu'il ressort de la commission. Nous refusons les avantages particuliers qui sont donnés aux propriétaires. Nous vous l'avons dit: les modifications apportées sont contraires au droit fédéral ou mal rédigées, et peuvent apporter la confusion.

Je tiens aussi ici à déplorer les mauvaises conditions de travail qui ont eu cours à la commission de l'environnement.

M. Dupraz parle dans son rapport de l'audition des représentants du DAEL. J'ai plutôt eu l'impression qu'une simple place de strapontin leur avait été réservée pour nous expliquer les implications de ces amendements ! (Exclamations.)J'ai parfois l'impression que les relations particulières nouées entre les représentants élus des milieux agricoles et des milieux immobiliers avec le département... (Exclamations.)...nuisent au bon travail de la commission.

M. Blaise Matthey (L). On peut avoir évidemment une appréciation très différente à l'issue des travaux de notre commission...

Personnellement, j'ai le sentiment que nous avons atteint deux objectifs: le premier était de préserver la santé et la qualité des eaux de notre canton. Nous y avons tous veillé et personne n'a le monopole de cet objectif, contrairement à ce qui vient de vous être dit.

Deuxième chose: nous avons veillé avec un soin tout particulier au respect du droit fédéral et, sur ce point aussi, je pense que personne n'a le droit de dire, à ce stade, quelle est la bonne lecture du droit fédéral, ce d'autant que nous avons justement veillé, grâce aux consultations qui nous ont été données par les départements, à ce que les dispositions soient conformes au droit fédéral. M. le rapporteur Dupraz avait d'ailleurs fait un travail minutieux à cet égard.

Par conséquent, le parti libéral soutiendra ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Hubert Dethurens (PDC). L'actualité récente de ces dernières vingt-quatre heures - comme l'a dit M. Bavarel - nous rappelle qu'il est peut-être urgent de légiférer. Mme Schenk-Gottret se réjouissait de cette loi... Certains milieux idéologiques que vous représentez s'en réjouissent peut-être... Des habitants de Lully, par exemple, se réjouissent peut-être aussi que certaines mesures de protection soient mises en application...

Monsieur Etienne, vous n'admettez pas que nous déviions sur l'aménagement du territoire... Je crois au contraire que cette loi est intimement liée à l'aménagement du territoire ! Je ne vois pas pourquoi cette loi devrait être l'apanage exclusif des milieux de protection de la nature ! Bien sûr, vous devez participer à l'élaboration de cette loi, mais le débat sur l'aménagement du territoire ne peut pas être éludé dès lors que certaines zones où plus rien ne pourra se faire seront définies. L'aménagement du territoire fait intrinsèquement partie de cette loi: c'est une évidence.

Le PDC, naturellement, soutiendra le rapport de majorité. J'ajoute que j'avais déposé un amendement il y a un mois. Suite à des discussions et à un avis de droit, je retire cet amendement, et j'en dépose deux nouveaux... (Eclat de rire général et applaudissements.)

Le président. On se réjouissait trop vite !

M. Hubert Dethurens. J'ai pu discuter avec le président Robert Cramer, et nous sommes tombés d'accord...

Une voix. C'est de la magouille !

M. Hubert Dethurens. Je reviendrai sur ces amendements.

Le président. Monsieur le député, vous ne manquerez pas de nous faire parvenir rapidement ces amendements, de façon que nous puissions les faire photocopier et que tout le monde sache de quoi nous parlons.

Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. John Dupraz (R), rapporteur de majorité. Je ne veux pas polémiquer avec M. Etienne, mais il y a des propos que je ne peux laisser passer sans réagir... C'est tout de même un peu fort de m'accuser d'être le relais des milieux immobiliers, car je suis par définition, par nature, par essence, par situation, fils de propriétaire - petit propriétaire ! Nous n'avons fait que proposer le maintien des droits acquis et rien d'autre ! Ce projet ne donne ni droits à bâtir ni autorisations de construire supplémentaires ! Toute la législation, s'agissant des autorisations de construire, de la protection du patrimoine bâti s'applique, aussi je peux dire que vous menez vraiment un mauvais combat ! Monsieur Etienne, je vous fais aimablement remarquer que par votre profession vous êtes bien plus proche des milieux immobiliers, qui parfois vous donnent du travail, que moi qui suis agriculteur...

M. Robert Iselin (UDC). Mon intervention sera très courte. L'Union démocratique du centre considère que c'est une bonne loi.

Par contre, j'estime - et certains de mes collègues avec moi - que les articles 16 et 17 doivent être corrigés dans le sens suivant: «Pour les eaux transfrontières les objectifs sont fixés de manière concertée avec les autorités vaudoises ou françaises.» et non pas le contraire.

La Versoix n'est pas un obstacle absolu à nos contacts avec le canton de Vaud...

Le président. Vos amendements seront mis aux voix... La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. L'actualité d'aujourd'hui, l'actualité de cette fin de semaine et, malheureusement, je le crains, l'actualité de demain et de la semaine prochaine, donne raison à cette loi et rend dans le fond assez futile une bonne partie des propos que j'ai entendus tout à l'heure...

Quelle est la situation dans le canton de Genève, aujourd'hui, au moment où je vous parle ? C'est que à peu près tous les cours d'eau de ce canton sont en train de déborder. Et, lorsqu'ils ne débordent pas, la gestion de l'hydrolicité telle que nous l'avons pratiquée jusqu'ici, les contraintes trop modestes que nous nous sommes imposées, et, assurément, les changements climatiques dont nous sommes victimes - mais dont nous sommes peut-être aussi à la source... - ont pour conséquence qu'un certain nombre de nos concitoyens se trouvent aujourd'hui dans des situations difficiles.

Je ne vous parlerai pas ici de la Seymaz où les marais du Sionnet sont actuellement en train de reconquérir leur territoire et rendent ainsi incultivables une bonne partie des plaines.

Je ne vous parlerai pas du Foron: la canalisation de ce cours d'eau y est devenue telle que la seule chose que l'on peut espérer, c'est que les digues tiendront.

Je vous parlerai peut-être de la Versoix. L'endroit où se trouvent actuellement les forains est sous l'eau et un grand nombre de familles, ce soir comme hier soir, devront aller chercher ailleurs leur hébergement.

Et je vous parlerai enfin de Bernex et du village de Lully, déjà fortement frappés au mois de mars 2001 non pas tellement par des inondations dues à l'Aire mais par des eaux de ruissellement de la commune, eaux de ruissellement pour lesquelles la commune, comme c'était d'ailleurs son devoir, a déposé un projet de construction - nous l'avons reçu en mars 2002 - pour canaliser ces eaux. Les autorisations adéquates ont été délivrées au mois d'août par le DAEL, le département qui s'occupe des autorisations de construire. Bien sûr, tous les préavis favorables ont été donnés par le département dont j'ai la charge. Malheureusement, aussi bien les conditions climatiques que le souci légitime des ingénieurs et de la commune de s'assurer de quelques renseignements nécessaires ont retardé les constructions prévues. A toutes fins utiles, je précise à l'attention des habitants de Lully - s'ils m'écoutent - que si ces constructions avaient déjà débuté, les inondations auraient été encore plus fortes, car Lully aurait été un véritable chantier...

Cinq cents personnes ne vont pas pouvoir dormir chez elles cette nuit en raison des débordements des eaux... Et c'est de cela dont parle cette loi et non de questions d'aménagement du territoire ou de droit !

Cette loi parle surtout des SPAGE, c'est-à-dire des schémas de protection et d'aménagement de gestion des eaux... Mais que cela veut-il dire en bon français ? Que le canton de Genève entend, à la suite des recommandations de la Confédération, se doter d'un outil qui lui permette de gérer ses eaux, c'est-à-dire de faire en sorte que les eaux de ruissellement et que les eaux de pluies puissent être correctement recueillies, correctement retenues dans certains cas à la parcelle, dans d'autres cas amenées sur des cours d'eau, qui dans ce cas doivent représenter des déversoirs suffisants.

Ce dont parle cette loi, ce sont des zones de danger ! Ce dont parle cette loi, ce sont des zones inconstructibles ! Parce que vous devez savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que, dans ce canton, l'autorité n'a aujourd'hui pas le droit de décréter de zones inconstructibles, et c'est ce qu'on vous demande à travers cette loi.

Ce dont parle cette loi, c'est de la qualité des eaux, c'est de leur quantité, c'est de la nécessité de la gérer avec parcimonie !

Ce dont parle cette loi, c'est de faire rentrer dans notre législation sur les eaux des principes essentiels qui sont des principes de prévention et des principes de causalité.

Et ce dont j'entends aujourd'hui parler dans ce débat, ce sur quoi un certain nombre d'entre vous vont s'opposer: c'est de questions qui me semblent, ma foi, bien philistines... On parle ici du sexe des anges ! On parle de la formulation de l'article 15 de la loi dans laquelle certains mots qui figuraient auparavant sous la forme affirmative seront mis dorénavant sous une autre forme... Je ne vais pas m'attarder sur ce débat.

Je vous dis simplement que j'ai demandé aux services de l'administration de faire un avis de droit sur le texte de la loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, et cet avis de droit montre que ce texte est conforme. J'ai aussi soumis cet avis de droit à mon collègue, Laurent Moutinot, qui, par un courrier du 7 juin - il est vrai que les travaux ont ensuite traîné - m'a confirmé que l'interprétation de la législation fédérale que le Grand Conseil avait faite dans sa majorité et celle des services de l'administration dont j'ai la charge était conforme au droit fédéral.

Bien évidemment, mon collègue préfère les formulations qui étaient usitées auparavant, car elles s'inscrivent dans le cadre de la législation habituelle en matière d'aménagement du territoire, mais il peut s'accommoder des nouvelles, et c'est au fond ce qui m'importe.

Voilà ce que je peux dire sur cet amendement. Le Grand Conseil tranchera. Le Conseil d'Etat, pour sa part, avait déposé une autre version de ce texte, plus proche de celle que vous propose Mme Schenk-Gottret. Je n'y vois donc rien à redire. Je vous dis dans le même temps que vous ne violez pas le droit fédéral et que, au fond, vous ne changez pas grand-chose en adoptant le texte issu des travaux de la commission.

Je dis enfin, au sujet de l'amendement présenté par le groupe UDC, qu'il corrige heureusement une omission de la commission. Il va de soi que lorsque nous citons des autorités étrangères, nous faisons passer en priorité les autorités vaudoises: vous savez bien à quel point ce canton nous est cher...

Pour terminer, pour ce qui est des amendements proposés par M. le député Dethurens, nous devrons les lire ensemble avant de les commenter. (Applaudissements.)

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Le conseiller d'Etat, M. Cramer, a parlé d'un avis de droit... Il m'a effectivement fait remettre cet avis de droit, qui n'avait rien de convaincant et qui a dû demander aux juristes qui l'ont fait un exercice de contorsionnement juridique... Et il le sait pertinemment ! C'est au rapporteur de majorité qu'il aurait fallu le communiquer ! Cela l'aurait peut-être aidé !

On peut se tordre le cou à 360 degrés, il n'en restera pas moins que l'alinéa 6 de l'article 15 est contraire au droit fédéral et que la rédaction des alinéas 2 et 7 est désastreuse, et tout ceci ne fera que contribuer à encombrer les tribunaux !

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 10.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Hubert Dethurens à l'alinéa 2 de l'article 11. Cet amendement a été distribué aux chefs de groupe et au Bureau. Je vais vous le lire pour que tout le monde en ait connaissance. M. Dethurens propose un alinéa 2, nouveau, ainsi libellé:

«Les surfaces agricoles sises dans l'espace minimal du cours d'eau ne sont pas soumises à des restrictions d'exploitation particulières autres que celles déjà prévues dans la législation fédérale, notamment celles régissant les normes PER (prestations écologiques requises), sous réserve de la signature d'une convention expresse entre les deux parties (Etat et exploitant).»

Monsieur le député, je vous donne la parole.

M. Hubert Dethurens (PDC). Monsieur le président, le but de cet amendement n'est pas de restreindre les SPAGES... Les agriculteurs demandent simplement de pouvoir faire leur travail normalement ! Si un champ de blé est inondé, ce n'est pas très grave: l'eau l'inondera mais après elle se retire. Les agriculteurs voudraient que les contraintes imposées n'aillent pas au-delà de la législation fédérale. Je ne mets pas en cause l'administration qui fait son travail, mais les agriculteurs ont un peu peur et ils redoutent qu'on leur impose de planter des roseaux et de cultiver des grenouilles dans ces SPAGES... (Rires.)

Une voix. Cultiver des grenouilles !

M. Hubert Dethurens. Elever des grenouilles, pour en manger les cuisses !

On veut simplement que figure dans la loi cette volonté de respecter la loi fédérale, rien de plus !

Le président. Bien, nous allons voter l'amendement proposé... Ah, je vois que M. le conseiller d'Etat Cramer et que M. Sommaruga veulent s'exprimer ! Il faut réagir, un peu plus vite ! (Rires et exclamations. Les députés font claquer leur pupitre.)Nous ne sommes pas ici pour dormir, Messieurs les députés !

Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.

M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, je réagis parce que ce qui a été dit oralement ne correspond pas à ce qui est écrit. Par écrit, il est dit qu'il faut respecter la législation fédérale et les restrictions qui figurent dans la législation fédérale et à la fin de l'amendement - et là, je ne comprends plus - après la virgule, il est précisé: «...sous réserve de la signature d'une convention expresse entre les deux parties - Etat et exploitant». Ce qui laisserait entendre que les restrictions fédérales sont appliquées, mais qu'on peut y déroger par convention privée entre l'exploitant et l'Etat de Genève.

Alors là, je ne comprends plus ! Qui est protégé ? Est-ce l'exploitant, en dérogeant de cas en cas, en fonction de sa demande, à la disposition fédérale ? Si ce n'est pas le cas, je propose à celui qui a fait ce projet d'amendement de laisser tomber tout simplement la dernière phrase qui est pour le moins ambiguë.

Le président. Monsieur le député, votre proposition serait un sous-amendement... Le cas échéant, vous voudrez bien me le faire parvenir...

La parole est tout d'abord à M. Hubert Dethurens, puis à M. John Dupraz, et à M. le conseiller d'Etat Cramer... Cet ordre vous convient-il ? Bien.

M. Hubert Dethurens (PDC). La fin de ma phrase a pour but de donner la possibilité à l'Etat et aux exploitants de conclure des conventions, comme, par exemple, pour la culture de prairies humides. Les exploitants bénéficieraient ainsi d'une subvention cantonale. Ces contrats existent déjà à l'heure actuelle pour certains domaines. Ce n'est rien d'autre !

M. John Dupraz (R), rapporteur de majorité. Je voudrais dire à notre honorable collègue, M. Sommaruga, que la pratique est courante... (Exclamations.)Depuis plus de dix ans, nous avons un projet exemplaire qui s'appelle «Perdrix» et une convention a été signée entre la Chambre de l'agriculture, le service de l'agriculture, le service de la forêt, de la faune et des paysages et la station ornithologique de Sempach, pour préserver des biotopes spécifiques à ces oiseaux qui ont de la peine à se maintenir sur notre territoire.

Ce que propose M. Dethurens est donc tout à fait logique, par rapport à la pratique actuelle. En effet, on peut considérer que, au-delà des normes fédérales, il peut y avoir un contrat entre les autorités locales, que ce soit une commune, le canton et des agriculteurs, pour prendre des mesures spécifiques en fonction de la particularité de certains endroits, pour que la protection de ces lieux soit encore meilleure.

Je trouve dommage que vous proposiez de supprimer la fin de la phrase.

M. Carlo Sommaruga (S). Je ne vais pas allonger les débats. Toutefois, si les conventions sont conformes au droit fédéral, cet amendement peut être proposé sans cette dernière phrase: cela ne pose aucun problème. Cette phrase laisse supposer que des conventions dérogeant au droit fédéral peuvent être passées... C'est cela qui est problématique !

Le fait de vouloir préserver des biotopes n'est pas problématique, puisque c'est conforme à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Ce que laisse entendre M. Dethurens dans son intervention est tout à fait différent. A partir de là et pour éviter toute confusion, étant donné que de telles conventions existent déjà et qu'elles sont conformes au droit fédéral - en tout cas je l'espère - il ne me semble pas nécessaire d'ajouter cette phrase dans le texte de loi.

Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Cramer, qui va éclairer notre lanterne.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je l'espère, Monsieur le président ! Mais j'aimerais tout d'abord dire à M. le député Dethurens que je ne partage pas sa prévention à l'égard des grenouilles... (Rires.)

Son amendement s'explique assez naturellement quand on entre dans la logique des compensations agricoles. Quel est le souci qui est exprimé dans cet amendement ? C'est que l'Etat n'aille pas au-delà de ce qui exigé par la législation fédérale en matière de restrictions d'exploitation particulières. C'est pourquoi l'amendement proposé stipule que: «Les surfaces agricoles sises dans l'espace minimal du cours d'eau ne sont pas soumises à des restrictions d'exploitation particulières, autres que celles déjà prévues dans la législation fédérale...». C'est donc une limitation qui est imposée aux autorités cantonales, et le souhait exprimé dans cet amendement, c'est que l'Etat n'aille pas au-delà de ce que prescrit la législation fédérale, sous réserve qu'une convention ait été passée avec les agriculteurs. Bien sûr, une convention passée avec les agriculteurs ne les autorisera jamais à violer le droit fédéral... L'autorité cantonale est puissante, mais elle n'a pas ce pouvoir !

En revanche, passer une convention avec les agriculteurs nous permettra, d'entente avec ces derniers, d'obtenir d'eux qu'ils acceptent de s'imposer des restrictions qui vont au-delà de ce qu'exige la législation fédérale, parce que la collectivité publique trouvera dans ces restrictions un intérêt de plus-value pour notre nature. Et l'agriculteur y trouvera un autre intérêt: celui qui sera prévu dans la convention. Il peut s'agir d'un intérêt d'entretien du paysage, ou d'autres types de compensations. C'est la convention qui le spécifie.

Il n'y a donc aucune crainte à avoir que la législation cantonale nous permette de déroger au droit fédéral... J'ai du reste entendu Mme Schenk-Gottret tout à l'heure, de façon très convaincante, nous rappeler que le droit fédéral s'impose en tout état.

Il s'agit simplement ici de pouvoir passer des conventions plus restrictives, parce que basées sur un accord.

Je profite de ce que j'ai la parole pour dire encore que l'amendement à l'alinéa 3 de l'article 11, qui vous sera proposé également par M. Dethurens, ne me pose pas de problème particulier non plus, dans la mesure où il reprend un certain nombre de principes bien connus.

Enfin, M. Dethurens ne l'a pas précisé, mais il va de soi que l'alinéa 2 de l'article 11 de ce projet de loi deviendra un alinéa 4 (nouveau) de sorte qu'on ne perde pas en cours de route et en fonction de ces travaux parlementaires une partie importante de cette loi.

Le président. Merci de cette précision. Mesdames et Messieurs les députés, je mets tout d'abord le sous-amendement proposé par M. Sommaruga à l'alinéa 2 (nouveau) qui reprend le texte de M. Dethurens mais qui supprime la fin de la phrase, soit : «...sous réserve de la signature d'une convention expresse entre les deux parties - Etat et exploitant.», ce qui donne:

«Les surfaces agricoles sises dans l'espace minimal du cours d'eau ne sont pas soumises à des restrictions d'exploitation particulières autres que celles déjà prévues dans la législation fédérale, notamment celles régissant les normes PER (prestations écologiques requises).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Je mets maintenant aux voix, l'amendement tel que présenté par M. le député Dethurens, alinéa 2 nouveau, à l'article 11, que je vous lis:

«Les surfaces agricoles sises dans l'espace minimal du cours d'eau ne sont pas soumises à des restrictions d'exploitation particulières autres que celles déjà prévues dans la législation fédérale, notamment celles régissant les normes PER (prestations écologiques requises) sous réserve de la signature d'une convention expresse entre les deux parties (Etat et exploitant).»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je vous propose maintenant de voter sur l'amendement de M. Dethurens, alinéa 3 (nouveau) de l'article 11, dont la teneur est la suivante:

«En cas d'altération de la stabilité ou de la qualité d'une parcelle, demeurent réservées les indemnités auxquelles pourra avoir légitimement droit le propriétaire.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que l'ancien alinéa 2, tel que vous le trouvez dans votre projet de loi devient l'alinéa 4, conformément à ce que vient de dire M. Cramer.

Je mets maintenant aux voix... Monsieur Rodrik, vous avez la parole.

M. Albert Rodrik (S). Au moment de passer au vote sur l'ensemble de cet article 11, je tiens à dire que nous devons le comprendre avec des amendements conçus subliminalement selon la version de M. Cramer, c'est-à-dire rendus compatibles avec le droit fédéral... Version subliminale !

Le président. Non, Monsieur le député, je crois que Monsieur le président Cramer a parfaitement expliqué de quoi il retournait !

M. Albert Rodrik. Je prends acte de son interprétation !

Le président. Ah, c'est ce que vous vouliez dire ! Eh bien, il va falloir interpréter l'interprète !

Je mets donc maintenant aux voix l'ensemble de l'article 11, modifié.

Mis aux voix, l'article 11 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 12 est adopté, de même que les articles 13 et 14.

Le président. A l'article 15, Mme Schenk-Gottret nous propose une lettre d) nouvelle. Voulez-vous ajouter quelque chose à ce que vous avez dit auparavant ? Bien, je vous donne la parole, Madame.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure, et je souhaite donc toujours présenter un amendement en ajoutant une lettre d), dont le texte vous a été remis.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement proposé par Mme Françoise Schenk-Gottret à l'alinéa 3 de l'article 15, que je vous lis:

«d) la rénovation, la transformation partielle, l'agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations, en application de l'art. 24c de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Vous nous proposez également un autre amendement, Madame, la suppression de l'alinéa de l'article 15. Je vous donne la parole, Madame.

Mme Françoise Schenk-Gottret(S), rapporteuse de minorité. Je maintiens cet amendement, Monsieur le président, soit la suppression de l'alinéa 6.

M. Claude Blanc. Pourquoi ?

Mme Françoise Schenk-Gottret. Pour son incompatibilité avec le droit fédéral, comme je vous l'ai expliqué longuement tout à l'heure et comme j'ai cru comprendre que cela vous indisposait !

M. John Dupraz (R), rapporteur de majorité. En accord avec le chef du département, je vous demande de bien vouloir voter ce texte tel qu'il vous est proposé. (L'orateur est interpellé.)Avec le chef du département rapporteur ! Vous en êtes où ?

Le président. Je prie les députés qui s'amusent avec le bouton de M. Muller de cesser d'appuyer dessus !

Bien, je mets aux voix l'amendement proposé par Mme Françoise Schenk-Gottret, qui consiste en la suppression de l'alinéa 6 de l'article 15.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 15 est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement à l'article 16, alinéa 3, proposé par M. le député Iselin qui propose d'inverser les termes, ce qui donne:

«...avec les autorités vaudoises ou françaises.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 16 ainsi amendé est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis du même amendement à l'article 17, alinéa 2, proposé par M. le député Iselin, soit:

«...avec les autorités vaudoises ou françaises.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 17 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 18 est adopté, de même que les articles 19 à 157.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).

Troisième débat

Le président. Avant de passer au vote en troisième débat, je passe la parole aux députés qui l'ont demandée.

M. Claude Blanc (PDC). Une chose ne me paraît pas très claire à l'article 25, qui figure en page 18. En effet, il y a un r majuscule à la Rade et, juste après, la rade est écrit avec r minuscule... Il faudrait savoir ce qu'il en est et faire un choix ! Soit il faut mettre un r majuscule dans les deux cas soit un r minuscule.

Le président. Nous vous remercions de votre remarque, Monsieur le député. Il en sera tenu le plus grand compte par le service de la législation lors de la relecture finale de cette loi avant la publication dans la "Feuille d'avis officielle".

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Je souhaite faire part d'une remarque de deux représentants des milieux de protection de la nature, à savoir que les atteintes aux principes d'aménagement du territoire sont telles dans cette loi qu'ils préfèrent ne pas avoir de nouvelle loi sur les eaux plutôt que celle-ci...

M. Alain Etienne (S). Comme je vous l'avais dit d'emblée, le parti socialiste était prêt à voter ce projet de loi tel qu'il avait été déposé par le Conseil d'Etat. Nous reconnaissons la pertinence des buts de ce projet de loi, mais, suite aux différents amendements qui ont été déposés et qui touchent l'aménagement du territoire, nous le refuserons.

M. John Dupraz (R), rapporteur de majorité. Comme l'a dit le chef du département, M. Cramer, cette loi a essentiellement pour but de protéger les eaux, les rives des cours d'eau, d'utiliser l'eau de façon rationnelle et économique. La majorité poursuit cet objectif, par contre, la minorité s'entête, se perd dans les détails et oublie l'essentiel...

La majorité soutient ce projet de loi et soutient l'action de protection de l'eau du gouvernement, contrairement à la minorité.

Le président. Nous allons passer au vote électronique sur l'ensemble de cette loi.

La loi 8547 est adoptée par article.

La loi 8547 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 19 non.

PL 8724-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit complémentaire de 28'136'542F pour le bouclement des lois 6058, 6060, 6319, 6321 et 6684 ouvrant des crédits de construction pour l'adaptation et le développement des installations cantonales de traitement des résidus Cheneviers III

Premier débat

M. Jacques Baud (UDC), rapporteur. 28 136 542 F pour un crédit complémentaire !

Il convient tout d'abord de dire que pas un franc de trop n'a été dépensé dans la construction de Cheneviers III. L'ensemble a été édifié à la satisfaction de tous, y compris des utilisateurs. Les comptes ne présentent aucune anomalie, et tout le monde a été payé, cela sans l'ombre d'un doute.

Alors, que s'est-il passé qui puisse non justifier mais expliquer un dépassement de budget d'une telle ampleur, soit 28 136 542 F ?

Question ayant été posée, réponse ayant été donnée, il y a quatre raisons principales à cet état de fait.

Premièrement, le budget initial était devisé à environ 220 millions. Devant l'importance de la somme et comme il s'agissait d'une urgence, le conseiller d'Etat de l'époque n'a pas voulu aller devant le Grand Conseil avec un projet de plus de 200 millions. Dès le départ, on savait donc qu'il manquerait quelque 20 millions pour la finition des travaux.

Deuxièmement, la subvention fédérale afférente à ce genre de projet a été plus que généreusement surestimée... Par conséquent, l'Etat a dû puiser dans sa caisse pour boucher le trou.

Troisièmement, on a sous-estimé l'augmentation du coût des matériaux, les conventions collectives, etc. Pour un chantier de cette importance, la note finale prend rapidement l'ascenseur.

Quatrièmement - et là aussi il semble qu'il y ait eu négligence - on a oublié certaines normes de sécurité afférentes à ce genre d'édifice, ce qui a impliqué études et travaux supplémentaires non compris dans le devis initial.

Que dire après tout cela sinon qu'il serait bon et sage de proposer à l'avenir des budgets au plus proches de la réalité des coûts, afin que les surprises ne soient pas trop désagréables... On parle sur certains bancs de transparence... Il semble que cette pauvre dernière ait disparu dans les tourbillons et les brouillards du Rhône ! Devant ce désagrément - car plus de 28 millions, c'en est bien un - il faut bien boucler les comptes: la loi l'exige.

Trois possibilités de vote s'offraient: tout d'abord, le non qui vous vient à l'esprit, mais dont la conséquence serait de renvoyer aux calendes grecques la solution de ce problème sans y apporter une quelconque amélioration; l'abstention, qui revient à se défiler devant une responsabilité qui, en tant que députés, nous incombe, à moins que l'on n'ait pas suffisamment d'éléments pour se prononcer, ce qui n'est pas le cas.

Je ferai tout de même remarquer que l'UDC n'a rien à voir dans tout cela, mais qu'elle sait prendre ses responsabilités.

Alors, ne reste que le oui, de façon à liquider cette triste affaire: oui, que je vous recommande de façon à ce que nos comptables puissent enfin dormir sur leurs deux oreilles.

La loi 8724 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.

M 1360-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la motion de M. Michel Halpérin contre la délation anonyme
Rapport de M. Alain Charbonnier (S)
Proposition de motion: Mémorial 2000, p. 8101

Débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je rappelle tout d'abord que la commission a refusé cette motion à l'unanimité, mais il a été décidé d'adjoindre au rapport la réponse qui nous a été donnée par le Conseil d'Etat.

Dans un article d'un journal de notre canton, le 16 août dernier, le député Michel Halpérin, disait espérer créer un débat sur sa motion contre la délation anonyme. Les commissions ne serviraient-elles à rien ? Au sein de la commission des droits politiques - les commissaires libéraux en général - nous disent que trop de débats sont faits en plénière et que ceux-ci devraient avoir lieu en commission... Il serait bon d'avoir un peu de cohérence !

De son côté, la commission des droits politiques a donc effectué son travail sur cet objet. Elle a pu constater la confusion induite par le titre de la motion. Une délation anonyme n'est pas une dénonciation anonyme, et ce n'est pas à M. Halpérin que je vais l'apprendre.

Je vais tout de même prendre le temps de vous lire la définition du Petit Robert de la délation: la délation est une dénonciation inspirée par des motifs méprisables. La première question est donc de savoir si la dénonciation anonyme est automatiquement inspirée par des motifs méprisables. La réponse de la commission est claire: c'est non. Plusieurs exemples ont été donnés en commission, en particulier par le Conseil d'Etat, comme celui de la protection des enfants. En cas de maltraitance d'enfants, on peut bien comprendre l'embarras d'un membre de la famille ou même d'un voisin de dénoncer le fautif sous son identité à la Protection de la jeunesse.

Je crois qu'il serait malvenu de soutenir - et je cite le député Halpérin - que de telles attitudes sont contraires à la plus élémentaire dignité et qu'elles sont celles d'un lâche.

La deuxième question est celle de la défense de l'intérêt public et de la sécurité. L'exemple que j'ai cité auparavant en est aussi la démonstration. La dénonciation anonyme d'employées de maison engagées sans permis de travail citée par l'auteur de la motion en est aussi une bonne démonstration. Les personnes sans papiers en règle sont exploitées par des employeurs qui ne leur offrent ainsi aucune protection sociale. L'intérêt général et la sécurité s'en trouvent donc affectés.

La délation qu'elle soit anonyme ou pas est intolérable, mais elle est difficilement identifiable pour l'administration. Le Conseil d'Etat nous a rassurés quant aux suites des démarches administratives lors des dénonciations anonymes. Il est attentif dans ces cas au droit de chacun, notamment le droit d'être entendu de la personne mise en cause.

M. Michel Halpérin (L). Cette modeste motion m'a permis d'apprendre beaucoup de choses. Et rien que pour cela, de mon point de vue très égoïste, je suis content de l'avoir déposée.

La première chose que j'ai apprise, c'est que les sujets éthiques n'intéressent réellement personne, notamment dans cette assemblée. J'ai déposé ce texte il y a deux ans, dans un silence d'une indifférence absolue, ce qui prouve au moins qu'il y a des sujets éthiques qui suscitent l'animation et d'autres qui suscitent le silence. Celui-ci fait partie de la deuxième catégorie.

La deuxième chose que j'ai apprise dans le cadre de cette motion, c'est que l'été les feuilles de la presse sont vides et que, si par hasard, on trouve un moyen de les remplir, tout est bon pour cela, y compris les motions qui n'intéressent personne en temps ordinaire. C'est ainsi que la presse cantonale s'est intéressée cet été, parce qu'il n'y avait rien de mieux à se dire ce jour-là et qu'il fallait remplir un peu de papier, à cette motion en bout de course - je ne dis pas qu'elle était essoufflée car son auteur ne l'est pas, lui. Dès lors, elle a commencé à susciter l'intérêt, tardivement, bien après que la commission s'y fut penchée.

La troisième chose que j'ai apprise, c'est qu'à partir du moment où elle intéressait la presse, elle intéressait le public. Et voilà que j'ai commencé à recevoir, bien plus que dans aucune de mes autres propositions, beaucoup de correspondance cet été et cet automne de citoyens qui avaient des opinions sur le sujet. Je voudrais les partager avec vous, parce que je sais que l'opinion de nos concitoyens vous intéresse.

La plupart de ceux qui m'ont écrit l'ont fait pour me dire qu'ils étaient favorables à la dénonciation, voire, Monsieur le rapporteur de majorité et d'unanimité, à la délation, mais pas anonyme... Ils m'ont expliqué qu'ils étaient fâcheusement impressionnés par certains abus dans le secteur administratif. Des abus, paraît-il, commis ou à l'encontre de la Caisse de chômage, m'ont écrit les uns, ou au détriment de l'Hospice général, m'ont écrit les autres, qui justifiaient, selon eux, que l'on se fâchât et que l'on dénonçât. Mais tous mes correspondants ont admis qu'il n'était pas nécessaire d'être anonyme pour dénoncer.

Un autre type d'intervention m'a été communiqué et m'a beaucoup intéressé qui provenait de fonctionnaires. J'ai eu le privilège de recevoir des confidences plurielles de fonctionnaires me remerciant de ma motion, me disant qu'il serait heureux qu'elle soit adoptée par cette assemblée parce qu'elle les mettrait à l'aise... Parce que figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, certains fonctionnaires ne sont pas à l'aise, lorsqu'ils donnent suite à des dénonciations ou à des délations anonymes !

Voilà pour les premières leçons.

Ensuite, il y a eu une leçon intéressante sur la difficulté de s'entendre quand on n'est pas sourd... (Rires.)En quoi consistait-elle ? Oh, c'était très simple ! L'invite de la motion consiste à demander que l'on classe verticalement, c'est-à-dire en les mettant à la poubelle, les dénonciations anonymes dans les affaires de procédure administrative... Et voilà qu'on m'a objecté, comme tout à l'heure M. le rapporteur d'unanimité: «Que fait-on lorsque des enfants sont victimes de mauvais traitements ?» Ou bien, «Imaginez, Monsieur Halpérin, qu'un hold-up soit en train de se préparer au Rondeau de Carouge et qu'on ne tienne pas compte de la dénonciation anonyme qui annoncerait l'arrivée des malfaiteurs en cagoule et en pistolet !» J'ai répondu sur tous les tons, d'abord très calme et très pédagogique, comme vous me savez, ensuite légèrement plus ému, pour dire que ces cas relevaient du droit pénal, de la police judiciaire et qu'il ne fallait donc pas se faire de souci, car ma motion ne s'appliquait pas à ces cas. Mais voyez-vous, il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre... Deux ans après mes explications, le rapporteur d'unanimité continue à se boucher les oreilles à l'émeri ! Tant pis pour lui !

Et puis, la vraie question, la seule, c'est de savoir ce que vous jugez extrêmement important... La commission a en effet eu ce mot inoubliable, sous la plume de son rédacteur, je cite: «Concernant l'esprit de la motion, un député ne doute pas que M. Halpérin soit animé par de nobles sentiments - merci, Monsieur, ou Madame, le député ! - Il estime toutefois que cet esprit est une chose et ses effets une autre. - j'en conviens - Il engage la commission à se concentrer - concentre-toi, commission ! - uniquement sur l'invite, qui stipule clairement qu'en cas de dénonciation anonyme la procédure administrative n'est pas engagée. Il estime que cela a de graves conséquences.» Voilà qui est bien dit ! Je tourne donc la page à la recherche des conséquences, et je ne les trouve pas. Et je compte sur le rapporteur d'unanimité pour m'expliquer quelles seraient les graves conséquences pour la République si la dame portugaise, qui travaille dans un bistro ou qui fait des ménages sans permis de séjour, n'est pas dénoncée par sa voisine d'en face qui a un compte à régler avec l'employeur de la malheureuse ou est sa rivale en amour, et que de ce fait elle n'est pas expulsée... Où sont les dangers majeurs pour la République ? J'attends votre réponse, Monsieur Charbonnier, et je m'en réjouis déjà !

C'était tout l'objet de ma motion, alors, je suis content, Monsieur le rapporteur d'unanimité de vous entendre - vous, surtout - nous expliquer qu'il n'y a vraiment que des dangers pour la République à ne pas expulser les clandestins, compte tenu du fait que, comme ils sont déjà exploités par leur patrons, c'est bien la moindre des choses qu'il leur arrive un malheur supplémentaire !

Quant au Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, il est à l'origine du choix de la commission. Il y a une très belle lettre du Conseil d'Etat qui figure en annexe, et dont je vous recommande la lecture.

Que nous dit le Conseil d'Etat qui ait emporté l'adhésion unanime de la commission ? Il nous dit d'abord - est-ce vrai, est-ce faux ? - que selon lui: «Dans la plupart des services concernés, la proportion des délations anonymes est inférieure à 10% des causes de procédure administrative.» Je dis «est-ce vrai, est-ce faux ?» parce qu'il se trouve qu'un député - anonyme lui aussi, membre de la commission, mais ancien conseiller d'Etat en charge du département des travaux publics... (Rires.)- a expliqué, selon le rapport de la commission, que dans son département les dénonciations représentaient à peu près 50%, ce qui est bien plus que 10%. Mais il est vrai que dans certains départements on dénonce moins que dans d'autres, et la moyenne est peut-être exacte.

La deuxième remarque du Conseil d'Etat est la suivante: lorsque l'intérêt essentiel de l'Etat n'est pas menacé, lorsque les enjeux ne sont pas «vitaux» - pour reprendre l'expression du Conseil d'Etat - celui-ci n'entre pas en matière sur les dénonciations anonymes... Et là, à mon grand regret, car j'ai beaucoup d'affection pour tous les membres du Conseil d'Etat - passés et actuels - je dois dire que c'est un mensonge absolu ! (Rires.)Il n'y a pas d'exemple qu'une dénonciation anonyme ne soit pas suivie d'effet par l'administration, notamment dans les domaines qui, selon moi, ne mettent pas en danger la sécurité de l'Etat et pas davantage ses intérêts vitaux. A moins, naturellement qu'on considère - comme M. Charbonnier - que l'expulsion de la dame portugaise dont je parlais soit un intérêt vital et que sa non-expulsion mette en danger l'intérêt de l'Etat.

Voilà, ce que nous disait le Conseil d'Etat qui ajoutait - troisième curieuse prise de position - que, de toute façon, les intérêts de la personne visée par la dénonciation anonyme sont préservés, car celle-ci est entendue... J'en conviens, au bénéfice du doute.

Mais je vous ferai observer que la seule question que posait ma motion était de savoir s'il était bien convenable que des dénonciations, dont quelques-unes sont calomnieuses, restent impunies, puisque leurs auteurs restent dissimulés. A cela il n'y a pas de réponse du Conseil d'Etat, et pour cause...

Et voilà comment la commission unanime, suivant le Conseil d'Etat, rend une décision qui mérite - vous me pardonnerez de prolonger de quelques instants ma prise de position - qu'on s'y arrête ! Que vous dit la commission dans son rapport ? Probablement me mettant au bénéfice de la noblesse des sentiments, elle dit: «sur le principe, Halpérin a raison». Mais, comme sur la réalisation, ce n'est pas praticable, elle imagine de refuser la motion, en joignant la lettre du Conseil d'Etat, afin - pense-t-elle - d'envoyer un signal fort à la population et décourager les personnes qui utiliseraient la délation... Alors, ça, Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous dire que je reçois, depuis un an que la décision a été prise par la commission, un nombre de confidences des médecins qui soignent les députés membres de cette commission sur la difficulté qu'ils ont à se remettre des courbatures que ces contorsions leur ont occasionnées... (Rires.)...qui est fabuleux ! Encore aujourd'hui, il en est dans cette salle - et je soupçonne le rapporteur d'unanimité d'en être - qui souffrent de douleurs musculaires non maîtrisées du fait des contorsions auxquelles ils ont dû se livrer pour parvenir à ce résultat.

Mesdames et Messieurs les députés, je conclus. La question qui vous est posée est celle-ci: de quelle Genève rêvons-nous ? D'une Genève qui fonctionnerait comme l'ancienne République de Venise où il y avait la «Bocca della verita» dans laquelle on pouvait enfoncer les dénonciations anonymes et avec elles ceux qui étaient visés ou bien d'une autre manière qui soit plus conforme à ce qu'un certain nombre d'entre vous affirment sur tous les tons, et généralement les plus pathétiques, en matière d'éthique.

Je pose la question et je vous invite à vous rappeler le premier vers du chant des partisans de Joseph Kessel: «Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?». (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Il est un peu facile, Monsieur Halpérin, de donner des leçons, en se servant de l'exemple des clandestins alors qu'en général vous ne les défendez guère...

Je voudrais simplement dire que notre société n'est pas égalitaire et chaque personne ne peut pas s'exprimer librement, Monsieur Halpérin, sans en subir des conséquences qui sont parfois dramatiques. Je prends l'exemple le plus important, je veux parler des rapports de subordination. Notre société met au pinacle le rapport salarial: eh bien, un ouvrier, un employé, ne peut pas s'exprimer avec son employeur sur un pied d'égalité, cela est évident.

Je prends un autre exemple. Les locataires, qui sont très majoritaires dans notre canton, n'ont pas un rapport égalitaire avec leur propriétaire. Ils ne peuvent pas dénoncer d'éventuels abus de celui-ci sans encourir des représailles, comme l'expulsion de son logement sous un prétexte ou sous un autre... (Exclamations.)...qu'il justifiera à un moment ou à un autre, voire un an ou deux ans après... Toujours est-il que les rapports de subordination existent !

Monsieur Halpérin, vous m'expliquerez comment notre société pourrait être gérée, si chacun d'entre nous devait voter à main levée face à son patron ou face à son régisseur ! De fait, le suffrage universel et la confidentialité et le secret du vote existent précisément pour entériner ce rapport de subordination que la majorité de nos concitoyens ont avec une minorité d'autres citoyens... De ce fait, et bien que vous vous drapiez dans vos conceptions éthiques de la société, il y a beaucoup d'injustices et certains de nos concitoyens, qui n'ont pas la connaissance de leurs droits ou qui n'ont pas un rapport égalitaire avec d'autres citoyens, doivent tout de même pouvoir dénoncer des abus.

J'en veux pour preuve les constructions illégales... Comme vous l'avez dit, c'est le département qui reçoit le plus de dénonciations. Et je dois dire que je ne vois pas comment des travaux illégaux pourraient être dénoncés autrement que de manière anonyme si c'est justifié. Il en est de même pour un ouvrier qui constaterait que son patron puise dans la caisse, mettant l'entreprise en péril, ou produit des matières dangereuses ou toxiques pour la collectivité. Il est nécessaire de préserver cette possibilité - non pas ce droit, Monsieur Halpérin - que donne la société pour garantir un minimum d'égalité, même si cela vous paraît complètement aberrant. Toujours est-il que la majorité de nos concitoyens...

Une voix. C'est de la lâcheté !

M. Rémy Pagani. Ce n'est pas de la lâcheté ! Quand on risque de perdre son travail ou son logement, je ne trouve pas qu'il est lâche de dénoncer de façon anonyme: c'est faire preuve de civisme... (Exclamations.)Oui, parfaitement ! C'est faire preuve de civisme de dénoncer - je ne parle pas de la délation - certains abus tout en se préservant des foudres de ceux qui ont le pouvoir aujourd'hui !

J'entendais vous dire cela, Monsieur Halpérin ! Je ne suis pas pour la société idéale que vous prônez, parce que cette société idéale que vous prônez est une société où les riches ont tout le pouvoir !

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Si le PDC vous invite à rejeter cette motion nonobstant la bonne foi de son auteur, c'est parce que c'est une mauvaise réponse à une bonne question.

La dénonciation anonyme est une méthode abjecte dans la majorité des cas, et dans certaines situations - nous le savons - d'abus ou de maltraitance, par exemple, sur les enfants, elle a du sens.

Puisque le Conseil d'Etat a assuré la commission de sa vigilance dans ce domaine, nous pouvons estimer que cette motion a rempli sa tâche de signal d'alarme. Nous pouvons donc la rejeter en sachant que ce signal sera entendu, du moins nous y veillerons.

M. Jean-Michel Gros (L). Lorsque l'automne dernier je suis arrivé à la commission des droits politiques comme nouveau député, j'ai été surpris, voire choqué, que la commission à l'unanimité ait décidé de refuser la motion de notre collègue Halpérin.

Il faut sans doute mettre cette touchante unanimité sur le compte des nombreux égarements qui ont émaillé la précédente législature...

Permettez-moi de vous dire que je continue de penser que les termes «dénonciation anonyme», «délation», «corbeau», etc., ne sont pas jolis jolis... Ils sont mêmes détestables ! L'état d'esprit dans lequel agissent ces lâches dénonciateurs n'est pas sans rappeler celui qui animait certains citoyens au-dessus de tout soupçon, qui, pendant la dernière guerre, indiquait discrètement à l'autorité la confession du locataire du dessus, parce que son appartement semblait plus confortable...

Certes, les conséquences ne sont plus les mêmes, mais les motivations sont-elles vraiment différentes ? Encore que les conséquences peuvent être parfois dramatiques... Pensons à ces femmes de ménage, cueillies à l'arrêt de bus pour être embarquées immédiatement à l'aéroport !

En rejetant cette motion, vous donnez, contrairement aux conclusions du rapport unanime de la commission, un très mauvais signal à la population. Vous encouragez nos concitoyens à donner cours à leurs sentiments les plus vils ! Vous leur dites: «Allez-y, dénoncez sans donner votre identité; vous ne risquerez rien; l'autorité enquêtera et prendra les mesures nécessaires !» Votre voisin fait du bruit avec sa tondeuse à gazon, téléphonez vite pour dire que sa femme de ménage a la peau un peu trop foncée pour être au bénéfice d'un permis ! Votre petit ami vous a plaqué : un petit contrôle fiscal ne lui fera pas de mal ! Et si l'on venait contrôler la cabane à outils de celui qui vient de me bousculer à la Migros... A-t-il vraiment obtenu toutes les autorisations requises ?

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le message que vous allez transmettre si vous refusez cette motion. Je vous demande donc de l'accepter pour donner l'occasion au Conseil d'Etat de nous donner des explications plus claires que celles figurant dans sa lettre du 26 février 2001 et qui est jointe en annexe du rapport de la commission. Cette lettre qui a joué un rôle déterminant dans la décision de la commission fourmille de malentendus et probablement d'omissions.

Deux exemples. Le Conseil d'Etat nous déclare que les dénonciations anonymes constituent une faible proportion de l'ensemble des dénonciations avec deux exceptions notables: le département des finances et l'office cantonal de la population. Fort bien ! Le phénomène se limiterait donc aux femmes de ménage et aux déclarations fiscales... Mais alors, et notre collègue Halpérin l'a déjà souligné, que penser de la déclaration d'un commissaire, ancien conseiller d'Etat, qui signale que la moitié des infractions liées à des constructions sont dénoncées anonymement au département des travaux publics ? «Il fait observer - je cite le rapport - que si celui-ci devait vérifier lui-même toutes les constructions, il ne faudrait pas dix mais cinq cents inspecteurs.» !

Alors, de deux choses l'une, soit le département actuel a engagé cinq cents inspecteurs soit il compte encore sur les dénonciations anonymes. Or, il n'est nullement fait mention du département de l'aménagement dans la lettre du Conseil d'Etat.

Plus loin, le gouvernement craint qu'une interdiction de poursuivre sur la base d'une dénonciation anonyme aille à l'encontre de la sécurité et de l'intérêt public, citant même l'exemple, à l'instar de Anne-Marie von Arx-Vernon, de la protection des enfants... Alors, là, je crois que le Conseil d'Etat s'égare ! M. Halpérin ne parle que d'enquêtes administratives - il l'a encore dit tout à l'heure - et non d'enquêtes pénales ! Il va de soi qu'une dénonciation fût-elle anonyme de préparation d'attentat, ou de meurtre, ou de mauvais traitements infligés à des enfants, mérite enquête. Le Conseil d'Etat est donc totalement hors du sujet.

Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette motion, de l'envoyer au Conseil d'Etat, afin de cesser d'encourager ces pratiques malsaines.

Et pour conclure, je citerai un éditorial de Jean-Noël Cuénod dans la «Tribune de Genève» du 28 août dernier. Je cite: «Avec les meilleures intentions du monde, nous pouvons concocter un monde invivable, irrespirable, où chacun devient le suspect de son voisin, où chacun se mue en flic de son prochain.» Et de conclure son édito ainsi: «Il est temps d'ouvrir la chasse aux corbeaux, avant qu'il ne soit trop tard.» (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore cinq orateurs inscrits. Le Bureau vous propose de clore la liste.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Bien, M. Halpérin s'est inscrit in extremis, ce qui fait six orateurs.

Monsieur Pierre Schifferli, vous avez la parole.

M. Pierre Schifferli (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, notre parti est attaché à une société de liberté et de responsabilité individuelle.

Nous ne comprenons pas comment les députés de ce Grand Conseil pourraient refuser d'inviter le Conseil d'Etat à introduire dans le corps législatif cantonal une interdiction d'initier des enquêtes sur la base de dénonciations anonymes. La loi qui sera édictée permettra de faire des réserves dans certains cas exceptionnels comme des crimes ou des actes graves.

En revanche, la dénonciation ou la délation anonyme est un acte méprisable. Et il est incompréhensible que les autorités puissent agir sur la base de tels comportements. Le groupe UDC vous demande d'appuyer cette proposition de motion sans aucune réserve.

La dénonciation anonyme est méprisable, pas la dénonciation. Le citoyen qui constate un acte illicite peut le dénoncer, mais pourquoi craindrait-il de signer, de donner son identité ? Nous avons une police et des tribunaux qui protègent les citoyens de ce pays, de ce canton. La protection des locataires est assurée, la protection des salariés est assurée en cas de représailles du patron qui pourrait réagir de la manière qui a été indiquée sur les bancs d'en face. Et la sanction pourrait être très dure pour ce patron.

Si une personne donne des indications à la police pour un crime qui est en train d'être commis, celle-ci peut agir sans interroger cette personne. La police a ses indicateurs, elle les connaît. Il ne s'agit donc pas d'une dénonciation anonyme. Le but de cette invite est de lutter contre la petite dénonciation méprisable, minable ! Et c'est cela qu'il convient d'interdire, ou, plutôt, les autorités sont invitées à ne pas donner suite à ce genre de comportement méprisable que l'on a pu voir dans toutes les sociétés totalitaires, au cours du siècle dernier. C'était effectivement durant la Deuxième Guerre mondiale dans les territoires occupés ou dans les sociétés communistes de la période d'après-guerre que l'on a trouvé le plus de dénonciations de ce type.

Alors, si l'on veut sauvegarder la liberté et encourager la responsabilité individuelle, il ne faut pas promouvoir ou protéger la dénonciation anonyme. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Bien sûr dans une société idyllique il serait normal que chacun puisse porter à la connaissance des autorités des infractions ou des faits qui devraient faire l'objet d'une enquête de la part de l'administration. Malheureusement, et c'est une constatation bien triste, de moins en mois de personnes osent intervenir, contrairement à ce que vous affirmez.

Vous dites, Monsieur Schifferli, que le personnel, les travailleurs, les locataires, sont protégés, vous savez que ce n'est pas le cas, et je pourrai vous donner maints exemples. Je suis, comme avocat, certainement comme vous-même, consulté par des gens - je ne parle pas du secteur privé - qui travaillent dans l'administration. Eh bien, je suis le premier à les dissuader, la plupart du temps, à vouloir porter devant des autorités supérieures de l'administration des cas de mobbing. Je les pousse plutôt à trouver des solutions.

En effet, que se passe-t-il ? La personne qui dénonce un supérieur hiérarchique - je peux vous le dire - c'est le pot de terre contre le pot de fer, et c'est toujours le supérieur hiérarchique qui l'emporte. Au niveau des locataires, c'est la même chose. Je crois savoir qu'il y aura une conférence de presse un de ces prochains jours de l'Asloca sur les pressions de plus en plus fortes qui sont exercées sur les locataires. J'ai vu M. Muller sourire tout à l'heure. Moi, cela ne me fait pas sourire d'apprendre que, suite à une contestation d'une augmentation de loyer par un locataire - ce qui est son droit le plus strict, pour reprendre vos termes - le régisseur téléphone au patron du locataire en lui disant qu'il ne lui donnerait plus de travail... Alors, évidemment, le patron intervient auprès du locataire pour qu'il retire son opposition à une augmentation de loyer...

Malheureusement, je peux vous dire que ce type de cas sont de plus en plus fréquents. Et les citoyennes et les citoyens ne sont pas tombés de la dernière pluie... Ils savent que le fait d'intervenir comporte des risques, en tout cas pour celles et ceux qui ont des positions de subordination - bien entendu, ce n'est pas le cas de Me Halpérin, ni le mien, ni le vôtre, Monsieur Schifferli.

M. Gros a fait allusion à un ex-magistrat du département des travaux publics... C'est moi ! (Exclamations.)A moins qu'il n'y ait quelqu'un d'autre... Voyez, cela ne m'aurait pas gêné que vous me nommiez ! Je n'ai pas considéré votre intervention comme une délation anonyme, mon cher collègue, même si je me sentais directement visé ! De toute façon, je voulais intervenir ! Je ne me souviens plus des termes exacts, mais je ne conteste pas ce que vous avez dit.

Que faut-il entendre par «délation anonyme» ? Monsieur Schifferli, vous avez fait une distinction, tout à l'heure, entre la personne qui dénonce de façon anonyme sur des affaires mesquines... Il me semble que la réponse du Conseil d'Etat est claire à cet égard: il n'y a pas lieu d'entrer en matière.

Mais, Monsieur Schifferli, quand le maire d'une commune vient dénoncer une infraction à la loi sur les constructions sur le territoire de sa commune au chef du département, en lui disant: «Je te signale qu'il y a une construction non autorisée dans le village, mais ce n'est pas moi qui te l'ai dit.»... Que faites-vous en tant que chef du département ? S'agit-il d'une délation anonyme, oui ou non ! Vous faites la distinction entre celui qui écrirait de manière anonyme et l'indicateur de police, je suis désolé, mais l'indicateur est bel et bien quelqu'un qui fait une délation anonyme, parce qu'il a la garantie de la part de l'agent de police avec lequel il traite que son identité ne sera pas révélée !

En ce qui me concerne, Monsieur Schifferli, je préfère recevoir une lettre anonyme d'un citoyen d'une commune me signalant une construction non autorisée que d'avoir l'information de la bouche d'un maire qui me demande de ne pas divulguer son identité... En tant que magistrat dans l'exercice de mes fonctions, vous ne pouvez pas savoir le nombre de personnes, y compris dans cette salle, qui sont venues me faire des confidences... (Exclamations.)Il n'y a rien d'étonnant, et l'Alliance de gauche a démontré sur toute une série de sujets qu'elle recevait beaucoup d'informations très diverses. Je peux vous le dire - c'est un secret de polichinelle - nous sommes peu nombreux dans notre formation politique et ce sont des personnes de l'extérieur qui nous donnent toutes ces informations, la plupart du secteur public mais aussi du secteur privé. Il s'agit même souvent de personnes qui ne sont pas de notre bord, figurez-vous ! On les écoute, mais on ne demande pas les noms. Car j'estime, en tant que député, Monsieur Gros, que, quand une infraction m'est signalée et qu'elle est réelle, il est de ma responsabilité de député d'intervenir. Et peu importe, en fin de compte, de connaître l'identité de celui qui m'a informé.

Monsieur Schifferli, vous avez évoqué certaines dénonciations anonymes durant la dernière guerre, qui, j'en conviens avec vous...

Le président. Monsieur Grobet, il est temps de conclure !

M. Christian Grobet. Je termine. ...sont épouvantables. Moi, je fais confiance au Conseil d'Etat et à l'administration pour savoir trier entre le grain et l'ivraie... Je suis navré, mais il y a trop de choses sérieuses... Une députée est intervenue tout à l'heure pour évoquer les problèmes qui préoccupent la population, comme la pédophilie, etc. On ne peut vraiment pas se contenter d'écarter ce genre d'informations, et je ne vois pas comment il est possible de tenir compte des informations uniquement dans les cas exceptionnels, Monsieur Schifferli !

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît, vous voulez bien terminer !

M. Christian Grobet. Il ne faudrait effectivement pas refuser cette motion mais, plutôt, la renvoyer en commission pour donner un signal positif à l'administration sur la manière dont elle doit traiter ce genre d'informations. Les écarter, c'est tout simplement irresponsable pour toute une série de cas !

M. Pierre Kunz (R). M. Halpérin nous parle de morale, d'éthique... M. Pagani et M. Grobet nous parlent des locataires !

Montaigne disait: «Entre mon honneur et ma conscience, je choisis toujours ma conscience.» Qu'aurait-il pensé de ces députés, représentants du peuple, censés être des exemples pour le peuple, qui, aujourd'hui, nous invitent à privilégier la délation anonyme, celle qui peut conduire aux pires abus, notamment aux abus de la technocratie ? Et tout cela parce que, selon nos collègues, il y aurait des citoyens incapables d'avoir de la conscience, d'avoir du courage.

Comment se fait-il que ces députés, représentants du peuple, soi-disant exemples pour le peuple, puissent nous enjoindre de recommander aux Genevois d'adopter un comportement méprisable, vil, plutôt que l'engagement du citoyen courageux ?

Refuser cette motion, c'est reconnaître qu'il y aurait dans notre population deux sortes de citoyens, ceux qui assument leur rôle d'être humain sur cette terre et les autres, ces inaptes, ces sous-hommes, incapables de s'occuper d'eux-mêmes et d'affronter les exigences de leur existence, des hommes qui ne peuvent tout simplement pas assumer leur rôle de citoyens parmi nous.

Eh bien, Mesdames et Messieurs, moi je refuse cette vision et j'accepte cette motion !

M. Michel Halpérin (L). Je serai très bref. Je vous dirai trois choses.

La première, c'est que je ne suis pas vraiment étonné de voir l'Alliance de gauche faire son fonds de commerce de la délation anonyme. En jouant au dénonciateur masqué tout à l'heure, Monsieur Pagani, vous avez précisément fait tomber les masques...

A partir d'aujourd'hui, Monsieur Pagani, je sais que vous n'êtes pas sérieux quand vous parlez de morale et de conduite convenable. Je sais aussi que vous encouragez la couardise et la lâcheté et je sais que vous considérez que les gens qui dénoncent les autres sous prétexte qu'ils ont peur de s'afficher sont des gens honorables. Eh bien, moi, je considère que quand ce qu'on dit est vrai on doit avoir le courage de le dire et d'en assumer les conséquences. C'est ça, la dignité élémentaire !

D'ailleurs, les exemples qui ont été donnés par M. Grobet - c'est ma deuxième remarque - vont parfaitement dans ce sens. Vous avez parlé de mobbing... Je peux vous dire, Monsieur Grobet - vous nous faites vos confidences d'avocat, permettez m'en une - que j'ai eu quelques affaires de mobbing à traiter ces dernières années, et je sais comment cela marche. Les adversaires sont nécessairement face à face: il faut bien que le mobbé dise au mobbeur ce qu'il pense de lui, et, par conséquent, il n'y a pas d'anonymat dans ces affaires-là. Au demeurant, s'il y avait des problèmes de préservation de la relation de force au sein d'une hiérarchie, il n'y aurait rien d'anormal à ce que l'administration protège l'identité du dénonciateur tout en la connaissant. La presse ne fait pas autre chose, qui connaît parfaitement ses sources et ne les révèle pas.

Par conséquent, lorsque M. Grobet nous invite, en ouverture de son oraison, à penser qu'il serait bien de suivre mes recommandations dans une société idyllique, mais que, malheureusement, notre société ne l'étant pas, il convient de plonger les mains dans la boue tous ensemble, permettez-moi de ne pas être d'accord avec lui !

Mesdames et Messieurs les députés, la question est simple: «Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?».

M. Rémy Pagani (AdG). S'il y a lieu de le préciser, je n'ai pas du tout défendu la délation, Monsieur Halpérin... Ou alors, vous m'entendez mal ! Une fois de plus, je vous renvoie la balle pour ce qui est des critiques et des mauvaises intentions que vous prêtez à la commission.

Cela étant dit, je vais vous citer un exemple tout bête, Monsieur Halpérin. Il y a une vingtaine d'année - j'étais jeune syndicaliste, et je m'occupais des vendeuses du centre commercial de M. Kunz - alors que je distribuais des tracts dans les magasins de ce centre, j'ai vu arriver M. Kunz me coursant - me coursant, oui ! - m'interdisant de continuer et me menaçant d'appeler la police pour me chasser du centre commercial... (Rires.)Je donne un exemple concret pour montrer à M. Halpérin que la réalité n'est pas la société idyllique dont il parle. Et la réalité, en l'occurrence, c'est que M. Kunz ne supporte pas qu'un droit élémentaire soit exercé dans ses magasins: je veux parler du droit d'expression syndical... C'est cela la réalité ! Je n'ose pas imaginer ce qui arriverait si une de ses vendeuses avait pris la liberté de le critiquer sur les normes salariales qu'il appliquait à ce moment-là...

Le président. Merci, Monsieur Pagani ! Vous vous asseyez, et vous arrêtez de mettre les gens en cause !

M. Rémy Pagani. Quand même ! Non, mais ça va !

Le président. Vous arrêtez de discuter !

M. Rémy Pagani. Non, mais ça va !

Le président. M. Kunz m'a demandé la parole. Vous vous adressez au président ! Monsieur Pagani, vous n'avez plus la parole !

M. Rémy Pagani. Je m'adresse au président ! Je suis désolé, mais j'ai été diffamé par M. Halpérin... (Le président agite la cloche.)...et j'ai le droit de répondre autant que je veux...

Le président. Non !

M. Rémy Pagani. Oui ! Ça suffit ! (Exclamations.)C'est n'importe quoi ! C'est n'importe quoi ! (Huées.)

Le président. Maintenant, Monsieur Pagani, vous vous asseyez !

M. Rémy Pagani. Non, vous me laisserez terminer, Monsieur le président !

Le président. Non, vous n'avez plus la parole !

M. Rémy Pagani. Ce n'est pas grave, je continue !

Le président. Vous avez été mis en cause, mais vous tenez des propos inadmissibles !

M. Rémy Pagani. C'est la réalité ! Je termine, Monsieur le président. Tant que M. Halpérin, pour couvrir...

Le président. Vous n'avez plus la parole ! Vous n'êtes pas de bonne foi !

M. Rémy Pagani. ...la fraude fiscale, pour couvrir des travaux illégaux...

Des voix. Il faut lui couper le micro !

Le président. Je ne peux pas, Messieurs, je n'ai pas le bouton !

M. Rémy Pagani. ...se permettra d'agir ainsi, je m'opposerai à ses conceptions !

Le président. J'aimerais maintenant que les députés s'adressent au président, comme le veut le règlement et cessent de s'interpeller, que ce soit sur les bancs de droite ou sur les bancs de gauche ! Vous devriez prendre exemple sur le parlement anglais qui ne cite jamais nominalement leurs contradicteurs.

M. Kunz ayant été mis personnellement en cause, je lui donne une minute pour répondre.

M. Pierre Kunz (R). J'aimerais simplement dire que les affirmations de M. Pagani sont un mensonge éhonté. Je n'ai jamais «troussé» M. Pagani... (Eclat de rire général.)Je n'ai jamais coursé M. Pagani, et d'ailleurs je n'en aurais pas eu l'autorisation, parce que les commerçants de Balexert sont totalement responsables, autonomes et libres d'agir dans leur commerce. Peut-être qu'il s'est fait courser par ces personnes, mais pas par moi ! (Exclamations.)

J'aimerais encore dire qu'il y a dans cette salle des députés qui savent qu'en tant que directeur du centre commercial de Balexert j'autorise des gens de milieux qui ne me sont pas du tout proches, Monsieur Pagani, qu'il s'agisse des Verts, des socialistes, et d'autres, à avoir des activités que je considère comme faisant partie de la démocratie même si elles ne me plaisent pas. Et il y a des députés ici qui peuvent en témoigner ! (Applaudissements.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Il m'appartient maintenant d'intervenir au nom de ce Conseil d'Etat qu'on a beaucoup cité dans ce débat. Tout d'abord pour vous dire que cette proposition est assurément adroite... (Rires.)Elle est habile - en ce sens le motionnaire a été aidé par la commission unanime à le désavouer - puisque celui-ci a obtenu un rapport, alors même que la motion n'a pas été renvoyée au Conseil d'Etat... En effet, la commission a jugé nécessaire d'interpeller le Conseil d'Etat, et ce dernier, respectueux de ce parlement, lui a répondu par écrit. Le rapport, vous l'avez. Il est en annexe à la motion.

Je pourrais m'arrêter là - parce qu'au fond à quoi sert-il d'aller plus loin dans le débat dès l'instant où vous avez la réponse à votre interrogation ? - mais je me dois d'aller un petit peu plus loin, car j'ai entendu un certain nombre de choses dans ce débat sur lesquelles je tiens à revenir.

Tout d'abord, la délation est assurément choquante dans un contexte où l'Etat n'est pas respectable, où l'Etat est indigne, où l'Etat est arbitraire et où le droit que l'on applique est le droit nazi... On y a fait beaucoup allusion ici: ce n'est pas le droit qui est appliqué dans notre canton ! Nous appliquons ici le droit de la République et canton de Genève qui est édicté par votre parlement. Et je pense que ceux qui se sont laissés aller à cette comparaison se sont laissés entraîner par un certain nombre d'images qui sont immédiatement associées au mot délation mais qui n'ont assurément strictement rien à voir avec nos institutions.

On a pris comme exemple, pour soutenir cette proposition de motion, le cas qui, assurément, nous touche le plus: le cas où l'objet de la dénonciation est un misérable, quelqu'un qui est venu chercher du travail ici et qui se trouve dans une situation de fragilité. Un travailleur clandestin, qui, à tout moment, effectivement, peut être victime d'un contrôle de police, d'une dénonciation, et qui peut se trouver sanctionné par un renvoi - qui est assurément la sanction la plus douloureuse que l'on puisse infliger dans un cas pareil. En outre, une amende peut être infligée à son employeur. Mais, dans le même temps, je trouve qu'il y a en filigrane derrière cette comparaison quelque chose, dans le fond, d'assez peu acceptable.

Moi, j'aurais souhaité que l'on prône la régulation de la situation des travailleurs clandestins et non de mettre en place des instruments juridiques qui permettent de faire perdurer une telle situation. Finalement, cela revient à autoriser à une partie peu digne de notre population d'exploiter la détresse humaine. Il y a d'autres exemples. Il en est un dont on a très peu parlé, à savoir la fraude fiscale. Eh bien, figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que je ne trouve pas honorable de frauder le fisc ! Je ne trouve pas honorable de vivre aux crochets des gens qui payent leurs impôts et il me semble qu'il n'y a rien de déshonorant, quel que soit le moyen par lequel l'Etat l'apprend, de stigmatiser les gens qui trichent, qui refusent de s'acquitter de ce devoir de solidarité que nous avons toutes et tous dans cette société, devoir de solidarité qui est fondé sur des lois que nous avons adoptées et qui sont automatiquement soumises à la censure du peuple parce que nous l'avons voulu.

Il y a encore d'autres cas où il faut dénoncer des situations de contraintes, des situations de brutalité, des situations de maltraitance à l'égard d'enfants et de proches.

Bien sûr, le procureur général peut recevoir des plaintes pénales anonymes... Mais pensez-vous vraiment que son rôle est de se substituer au service du Tuteur général ? Pensez-vous vraiment que c'est son rôle d'accueillir des enfants qui font l'objet de mauvais traitements dans les foyers ? La procédure administrative est assurément un des instruments qu'a trouvés notre Etat pour arriver à répondre à ces situations, et les dénonciations se justifient de façon évidente dans des cas pareils.

Je vous redirai la conclusion des propos que j'ai tenus en commission et que je vous transmets au nom du Conseil d'Etat, puisque nous avons eu la possibilité de discuter de votre proposition. Ce qui est important, ce n'est pas tant la façon dont l'autorité prend connaissance de telle ou telle situation... Ce qui est important, c'est la façon dont elle la traite. Ce qui est important, c'est la procédure qui va s'ensuivre. Ce qui est important, c'est de savoir si, dans le cadre de cette procédure, la personne qui est mise en cause aura la possibilité d'être entendue - et cela, honnêtement - qu'elle pourra faire valoir tous ses arguments et si, dans le même temps, on demandera à l'administration de s'expliquer totalement et de rapporter la preuve des accusations qu'elle porte.

C'est cela qui est important, et, pour ma part, je suis tout à fait confiant en la qualité des procédures suivies, puisque, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont les procédures de la République, celles que vous avez voulu instaurer. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur la motion. Nous ne votons pas sur les conclusions du rapport, mais je vous rappelle que la majorité de la commission demande le rejet de la motion. M. le député Halpérin a demandé le vote nominal. J'imagine qu'il est soutenu. Il l'est. (Appuyé.)

Nous votons donc à l'appel nominal sur la motion.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1360 est adoptée par 34 oui, contre 29 non et 5 abstentions.

Appel nominal

M 1448
Proposition de motion de Mmes et MM. Françoise Schenk-Gottret, Albert Rodrik, Thierry Apothéloz, Christian Bavarel, Christian Brunier, Jeannine De Haller, Laurence Fehlmann Rielle, Anne Mahrer, Rémy Pagani, Sami Kanaan, Ariane Wisard visant à introduire la "Vision zéro" en matière de prévention des accidents

Débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je ne vais pas reprendre les considérants ni les invites de cette proposition de motion...

Le président. Excusez-moi, Madame ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter Mme Schenk-Gottret ! Ceux qui veulent parler peuvent aller à la salle des Pas-Perdus ou à la buvette. Je vous remercie. Madame Schenk-Gottret, vous avez la parole.

Mme Françoise Schenk-Gottret. Je ne vais pas reprendre les considérants ni les invites de cette proposition de motion, ni encore moins m'étendre sur l'exposé des motifs: vous êtes censés l'avoir lu...

Je vais vous dire d'autres choses qui ne figurent pas dans ce texte, et je crois que cela ne sera pas superflu étant donné les réflexions surprenantes que j'ai pu glaner au hasard des réactions que cette motion a suscitées.

L'ONU et l'Union européenne inscrivent la «Vision zéro» dans leurs préoccupations et dans leur programme d'action. Voici deux attitudes qui devraient nous faire réfléchir, nous Genevois qui nous piquons d'ouverture au monde et aux Nations Unies et d'une ouverture à l'Europe. Il y a encore peu de temps, on acceptait, parce que l'on considérait cela comme inéluctable, un certain nombre de tués et de blessés graves dans la circulation routière.

On arrive aujourd'hui à des moyens et à des mesures proposés plus créatifs pour accroître la sécurité. Je cite la phrase de l'ingénieur en chef de la Société américaine des ingénieurs automobiles, Arlan Stahny, qui déclare: «Les accidents de voiture sont non seulement évitables, mais, vu l'état actuel de la technique, ils sont totalement aberrants.» Cette citation montre que «Vision zéro» est plus près d'aboutir techniquement que d'être acceptée par le public.

Le but de la sécurité routière n'est pas de réduire la mobilité, mais d'éliminer les accidents. Le système «circulation routière» se base en fin de compte sur une mobilité admettant une importante liberté d'action et la «Vision zéro» ne signifie pas que l'on doive limiter le système. Nous devons le rendre plus sûr. Les routes et les véhicules doivent être conçus de manière que la liberté d'action nécessaire soit garantie, tout en évitant les victimes. Parmi toutes les composantes du système, l'être humain est l'élément le plus faible. Il s'agit donc de construire un système humain véhicule/route qui tienne compte des usagers de la route actifs et passifs.

M. José Ferrer, directeur de la division transport de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe a asséné des chiffres chocs: «chaque année l'équivalent de la population de Lausanne est tuée sur les routes des pays occidentaux, la population totale de la Suisse est blessée gravement...». A-t-on le droit de banaliser ces chiffres effrayants ? Peut-on accepter ces millions de blessés et de tués chaque année dans nos pays dits développés ?

Si l'on se réfère à l'Office fédéral de la statistique, pour avoir des chiffres à l'échelon de notre pays, on apprend qu'il y a un accident toutes les six minutes, un blessé toutes les dix-neuf minutes et un mort toutes les quinze heures. En d'autres chiffres cela donne le décompte suivant: chaque année en Suisse ont lieu près de quatre-vingt mille accidents entraînant vingt-sept mille blessés et près de six cents morts. 20% des personnes tuées dans un accident de la route sont des piétons, une proportion élevée par rapport aux autres pays voisins : 12% en France, 13% en Italie, 14% en Allemagne.

Les coûts pour la collectivité sont considérables. L'Office fédéral de la statistique indique que les accidents de la circulation ont coûté 6,1 milliards de francs en 1997, soit l'équivalent de 1,6% du produit intérieur brut.

L'Europe a mis au point un livre blanc. Le gouvernement français récemment élu s'attaque à l'hécatombe routière.

En Suisse, un groupe d'experts mandaté par l'Office fédéral des routes et le Bureau suisse de prévention, a fait ressortir, sur la base d'une analyse de la situation actuelle, la nécessité d'agir et de formuler des mesures d'amélioration: au moyen de quels objectifs intermédiaires on devrait parvenir à la «Vision zéro», quelles mesures et conditions sont nécessaires à la réalisation de ces objectifs, quels sont les besoins légaux et financiers pour les mesures individuelles.

L'Office fédéral des routes élabore ces bases de travail avec l'appui d'experts externes, en collaboration avec des autorités et des organisations qui connaissent bien le sujet. Il s'agit notamment d'étudier les possibilités et limites des mesures légales, les améliorations à apporter à l'infrastructure et à la mise en oeuvre de la télématique routière, sans négliger toutes les problématiques liées à l'aspect médical, en accidentologie et biomécanique, aussi bien dans l'acheminement des secours que dans le traitement hospitalier.

Il n'est plus acceptable de considérer les morts et les accidentés sur les routes comme une fatalité «naturelle» - je mets naturelle entre guillemets. A Genève, un groupe dépendant de l'OTC travaille déjà sur le sujet. Il serait bon que nous ayons un bilan de la situation genevoise, de l'état des travaux de ce groupe et des mesures envisagées. L'Office fédéral des routes, lui, s'est engagé à réunir tous les intervenants dans un processus de concertation, une fois le processus de consultation terminé et son bilan achevé, afin d'obtenir le plus large consensus possible sur le choix des mesures à prendre et leur calendrier. Il serait appréciable que le canton s'inspire de cet exemple pour engager le même processus de concertation.

C'est pourquoi je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter que cette proposition de motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Qui oserait prétendre que les maladies cardiovasculaires sont le prix à payer pour notre vie de citoyens de pays riches ? Ou que le cancer est une fatalité ? Les accidents aériens ou ferroviaires qui défraient la chronique débouchent systématiquement sur une analyse minutieuse des causes, afin d'améliorer encore la sécurité de ces moyens de transports.

Comment ne pas s'étonner, alors, de l'incroyable tolérance, voire complaisance, de notre société face aux accidents de la route qui tuent ou handicapent lourdement ? Pourtant, en 2001, encore dix-sept personnes ont perdu la vie sur les routes genevoises et six cents en Suisse. On a également dénombré pas moins de six mille accidentés graves en Suisse, et, selon les statistiques de la police de notre canton, les accidents ayant entraîné des lésions corporelles ont augmenté de 30% en 2001. Pratiquement toutes les semaines, quelques lignes dans les journaux nous annoncent un polytraumatisé ou même parfois un mort dû à un accident de la circulation. On se dit résigné, que c'est bien triste, et on tourne la page. Certains pensent même que les statistiques suisses sont satisfaisantes en comparaison de celles de nos voisins et que ces accidents sont malheureusement le prix à payer, rançon de la sacro-sainte liberté de mobilité... Mais quelle mobilité ?

Pour les Verts, la mobilité des enfants, des personnes âgées, des piétons et des cyclistes, est actuellement fortement restreinte par les usagers de la route motorisés, et nous estimons que des mesures au profit des plus faibles doivent être une priorité. Il faut se rappeler que les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les jeunes. Ce seul argument devrait être suffisamment éloquent pour que nous adhérions tous au principe de «Vision zéro».

L'an dernier à Genève ce ne sont pas moins de quatre-vingt un enfants de 5 à 13 ans qui ont été victimes d'accidents de la circulation. Chiffres plus inquiétants encore, les accidents dont sont victimes les adolescents ont augmenté de 23% en 2001. Ces chiffres sont intolérables ! «Vision zéro» a des objectifs ambitieux: éduquer tous les usagers de la route - je dis bien tous; aménager les routes pour rendre les comportements dangereux pratiquement impossibles; améliorer techniquement les véhicules pour les rendre moins dangereux, pas seulement pour les conducteurs mais aussi pour les autres; optimiser le système de secours, tout en admettant que les humains commettent des erreurs: nous adhérons à ces principes. Toutefois, nous aimerions rappeler que nous pourrions actuellement faire mieux respecter les diverses lois régissant la circulation routière. Un sondage paru cet été nous apprenait que 93% des conducteurs n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle de vitesse et que ce chiffre grimpe à 98% pour les contrôles d'alcoolémie... La même étude relevait que 76% des Romands estiment nulle ou rare la probabilité d'un contrôle de vitesse et 93% celle d'un contrôle d'alcoolémie. Pour les usagers de la route, la peur du gendarme n'existe plus. Actuellement, à Genève, sur la route, sans la présence des responsables du maintien de l'ordre sur le terrain, nous sommes trop souvent confrontés à des situations de non-droit où prévaut le principe du «chacun pour soi». Il serait grand temps de donner un signal politique fort pour que cesse cette anarchie routière.

Par ailleurs, nous aimerions souligner que les Verts militent depuis longtemps dans le but de réduire le nombre des morts et des blessés graves sur la route, en préconisant une diminution drastique du trafic motorisé individuel au profit de la mobilité douce et des transports publics, ainsi qu'en diminuant la vitesse à 30 km/h dans les localités. Ces mesures, nous en sommes convaincus...

Le président. Il est temps de conclure, Madame !

Mme Ariane Wisard-Blum. ...permettraient d'observer une diminution importante des accidents entraînant des blessures graves ou la mort. Je conclus, Monsieur le président !

Zéro mort, zéro blessé grave sur la route... «Soyons réalistes, exigeons l'impossible !» déclarait Che Guevarra. S'appuyant sur ce principe révolutionnaire, les Verts pensent que «Vision zéro» est un combat qui mérite d'être mené. (Brouhaha.)A ce titre, cette motion mérite notre soutien !

M. Jean-Marc Odier (R). Cette motion parle de sécurité, et tout le monde, me semble-t-il, est favorable à l'amélioration de la sécurité sur nos routes. Cependant, cette motion comporte quelques défauts.

Si les règlements en matière de circulation routière étaient appliqués, la sécurité serait déjà largement améliorée. Vous pouvez réduire encore les vitesses autorisées: si elles ne sont pas respectées, cela n'améliorera pas la situation.

Cette motion part d'une philosophie scandinave qui repose sur quelque chose de très ancien, et il ne faut pas comparer ce qui se fait en Scandinavie à ce qui se fait chez nous. Les terrains sont totalement différents.

La proposition qui nous est faite se comprendrait dans un contexte très différent du nôtre, mais elle me semble très prématurée dans nos pays, voire provocatrice à l'égard des automobilistes. En outre, le texte est trop vague pour être voté ainsi, car il pourrait être interprété par la suite d'une façon que nous n'aurions pas souhaité. Par contre, le titre est tout à fait clair: il fait allusion à la «Vision zéro» que l'OFROU, l'Office fédéral des routes, a adopté, qui se traduit par des propositions très concrètes.

Accepter cette motion ce soir donnerait un signal très clair à Berne du soutien inconditionnel que Genève apporte à «Vision zéro», ce qui n'est pas le cas. Un autre point de cette motion me déplaît: si on peut être d'accord avec la sécurité on pourrait entrer en matière sur «vision zéro accident», mais j'ai l'impression que, pour une partie de ce parlement, cette vision se réduit essentiellement à une «vision zéro voiture»... Cet après-midi, M. Hodgers qui s'est exprimé sur la «journée sans voiture» l'a bien dit: dans dix ou vingt ans, il faudra bien qu'on n'ait plus de voitures ici.

Cette motion va être renvoyée en commission où elle sera transformée pour rendre les invites tout à fait claires et sur lesquelles tout le monde sera d'accord, puisque tout le monde est, en fin de compte, favorable à ce qu'il y ait davantage de sécurité.

La motion telle qu'elle est rédigée ne peut pas être acceptée. Si cette motion ne devait pas être renvoyée en commission, nous la refuserons.

M. René Desbaillets (L). En préambule, je précise que, comme tout le monde dans cette salle, je souhaite que le nombre des morts diminue que ce soit sur les routes, en montagne, à cause de la drogue, à cause du cancer, etc.

Mais ce n'est pas le moment de rêver: «Vision zéro»: est-ce l'intitulé d'une motion ou la qualification des motionnaires ? Je me pose la question... En effet, autant les motionnaires que les grands penseurs du BPA, Bureau pour la prévention des accidents, doivent avoir des oeillères ou les yeux bandés pour rêver de la sorte !

Voilà, Mesdames et Messieurs, quelques exemples de propositions du BPA, pour abaisser le nombre des morts sur les routes, qui laisseront certainement songeurs les automobilistes normalement constitués. Je cite:

- système obligatoire d'enclenchement automatique des phares: - moins quarante-cinq morts;

- péages sur certains tronçons de route: - moins sept morts;

- âge minimum fixé à 18 ans pour conduire les deux roues: - moins six morts... Pourquoi ne pas repousser l'âge minimum à 90 ans, comme cela il n'y aurait plus de morts du tout !

J'arrête là cette énumération car on pourrait me reprocher de confondre la salle du Grand Conseil avec celle du Petit Music-Hall ! Oui, arrêtons de rêver et revenons à la réalité ! Cette réalité qui nous montre que, grâce aux progrès techniques des automobiles et à l'amélioration du réseau routier, le nombre de morts sur les routes est passé de mille sept cent septante-trois à cinq cent quarante-quatre en trente ans, malgré un quasi triplement du trafic. Derrière les propositions du BPA et des motionnaires, il y a surtout la volonté de supprimer le trafic privé ! Alors, Mesdames et Messieurs les députés, ne tombons pas dans le piège de la «sécuritaiguë» avec complications et mettons cette motion «Vision zéro» aux oubliettes, qui effectivement est nulle !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. La sévérité du dernier intervenant est bien imméritée au regard de cette motion... En réalité, votre Conseil a adopté, il y a quelques heures, les principes de l'Agenda 21 qui parlent en particulier d'un certain nombre de choses s'agissant de la sécurité routière. Je trouve que la motion telle qu'elle est formulée est parfaitement acceptable, puisqu'en réalité le rapport qui pourra lui être assorti est pratiquement déjà écrit.

Nous avons pris un certain nombre de décisions au niveau du Conseil d'Etat, non pas, Monsieur le député Desbaillets, pour appliquer comme cela, la tête dans un sac, les directives du BPA... Beaucoup de choses ont été inventées pour améliorer la sécurité qui se sont révélées néfastes, ce n'est pas pour autant, Monsieur le député, qu'il faut renoncer à améliorer la situation ! Et c'est vrai, la mortalité sur les routes a diminué: il n'en reste pas moins que dix-sept morts pour un territoire aussi petit que celui du canton de Genève, c'est trop, car on peut améliorer les choses.

Les conseillers d'Etat d'ailleurs - si vous les croisez de temps à autre dans leur voiture privée - mettent régulièrement leurs phares, car il est prouvé que cela diminue le nombre des accidents, en particulier les accidents mortels.

Cette motion ne fait rien d'autre que nous demander comment nous appliquons les mesures de l'Agenda 21, que vous avez accepté. Nous y répondrons bien volontiers. C'est un problème de santé publique, mais c'est, plus généralement, un problème de développement durable auquel votre parlement a manifesté son attachement à réitérées reprises. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter en deux temps. D'abord sur la prise en considération de cette motion, puis sur le renvoi au Conseil d'Etat. Si celui-ci est refusé, elle sera renvoyée à la commission des transports.

Monsieur Jean-Marc Odier, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Odier (R). Je renonce, Monsieur le président. Je voulais m'exprimer sur la procédure, mais vous venez de dire ce que je voulais dire.

Le président. Je mets donc tout d'abord aux voix la prise en considération de cette motion.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il y a doute, aussi je vous propose de procéder au vote électronique. Comme cela, chacun sera assis à sa place. Il y a des gens en grappe, à gauche, à droite... Ce n'est pas possible de se rendre compte s'il y a une majorité dans ces conditions !

M. Jean-Marc Odier. Monsieur le président, il me semblait plus logique de voter d'abord sur le renvoi en commission !

Le président. Ça n'a aucune importance !

M. Jean-Marc Odier. Non, ce n'est pas pareil !

Le président. Si cette motion n'est pas renvoyée au Conseil d'Etat directement, elle sera renvoyée en commission. (Exclamations.)

Bien, puisque vous le désirez, nous procéderons d'abord au vote sur le renvoi en commission. Pour l'instant, je vous prie de vous prononcer sur la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 40 non contre 33 oui.

Le président. Cette motion n'est pas prise en considération. (Le président est interpellé.)Monsieur le député, j'ai dit, expressis verbis,que nous procédions au vote en deux temps, d'abord, sur la prise en considération de la motion, puis, ensuite, sur son sort: commission ou Conseil d'Etat ! Dans ces conditions, la motion n'est pas prise en considération. Nous passons aux points à traiter en urgence.

PL 8827
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de fonctionnement au titre de subvention cantonale annuelle de 495'000F en 2003, de 515'000F en 2004 et 545'000F en 2005 à l'association F-Information en vue de son regroupement avec la bibliothèque Filigrane

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

PL 8829
Projet de loi de MM. Christian Brunier, Michel Halpérin, Sami Kanaan, Bernard Lescaze, David Hiler, Antoine Droin, Antonio Hodgers attribuant une subvention de 160'000F à l'UEDH pour 2003, 2004 et 2005

Préconsultation

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Je suis étonnée que les auteurs du projet de loi ne prennent pas la peine de le présenter: ce serait la moindre des politesses ! (Exclamations.)Je comprends bien qu'il va être envoyé en commission !

Le président. C'est le tour de préconsultation, Madame !

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Une préconsultation sert précisément à prendre l'avis des groupes, et je trouve dommage que les auteurs ne prennent pas la peine de présenter au parlement les objectifs de ce projet de loi... (Brouhaha.)

Une voix. On sait pas de quoi on parle !

Le président. Madame, veuillez parler plus près de votre micro !

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Oui, mais je n'ai pas envie de me faire un lumbago, Monsieur le président ! (Rires.)

Pour nous ce projet de loi pose pas mal de problèmes. Tout d'abord, selon mes informations, l'Université d'été a été créée par l'OIDEL, l'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et la liberté d'enseignement, en clair l'école privée. L'OIDEL, elle, a été fondée avec un appui actif de l'Opus Dei, qui est comme vous le savez l'extrême-droite de l'Eglise catholique.

Je ne connais pas l'évolution de cette organisation, depuis 1995, date à laquelle elle a été créée, mais les ONG défendant les droits de l'homme avaient demandé que l'Université d'été se dote d'un conseil des ONG qui marque un peu de distance par rapport à ses fondateurs. Les ONG mêmes qui pensaient que l'université utilisait le nom d'université d'été de manière abusive, puisque beaucoup de formations sont données dans le cadre des droits de l'homme. Est-ce que le fait de s'appeler «Université d'été» suffit pour être légitimée ? Ce qui est sûr, c'est que cette université d'été sur les droits de l'homme a un relais fort bien organisé au niveau du parlement. Et puis, je rappelle qu'elle est déjà financée par le Département fédéral des affaires étrangères de la Confédération, la Direction du développement et de la coopération, la Division politique, l'Unesco, le Centre international des droits de la personne, le Développement de la démocratie, la Loterie romande, la Ville de Genève, etc.

Si j'ai bien compris les auteurs du projet de loi, le but est de créer un espace de formation de niveau universitaire... Des espaces de formation, il en existe déjà à Genève. Je citerai un organisme pour les jeunes...

M. John Dupraz. Vous ne pourriez pas le dire en commission ?

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. J'estime qu'un débat de préconsultation est fait pour donner son avis.

Le président. Veuillez, s'il vous plaît, poursuivre et terminer !

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Je veux parler du CODAP, le Centre de conseil et d'appui pour les jeunes en matière de droits de l'homme. La CODAP, ici à Genève, n'a certainement pas les relais qu'a l'Université d'été, puisque la CODAP a demandé un subside il y a déjà plusieurs années, et il semblerait que cet organisme soit promené de département en département, de commission d'experts en commission d'experts.

Donc, tant que la réponse à ces questions sur le contenu de l'Université d'été n'est pas clarifiée et tant qu'un état de la situation n'a pas été fait sur la formation donnée à Genève sur les droits de l'homme, nous nous réserverons par rapport à ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Les promoteurs de cette université, puisqu'il faut l'appeler par son nom, ont approché tous les partis politiques durant l'été pour essayer de demander l'appui de l'Etat dans une opération qui les honore... Mais comment pourrions-nous choisir entre tout ce qui se fait pour la promotion des droits de l'homme ?

En ce qui me concerne, j'ai été approché en tant que député démocrate-chrétien, puis j'ai approché Mme Brunschwig Graf... (Exclamations.)...pour lui demander ce qu'elle en pensait, parce qu'en fait je voulais savoir s'il était nécessaire de subventionner une telle organisation. J'en suis arrivé à la conclusion que je ne devais pas soutenir ce projet de loi parce que, en fait, il s'agit d'une université privée qui poursuit un but éminemment louable, mais beaucoup de gens poursuivent un but éminemment louable, et ils ne sont pas pour autant subventionnés par l'Etat... Mme Brunschwig Graf m'a convaincu que l'enseignement qui était donné à l'université allait aussi dans cette direction et qu'il n'était pas nécessaire qu'un organisme privé enseigne la même discipline.

J'ai donc été étonné de voir le nom d'un éminent député libéral parmi les signataires de ce projet de loi, alors que Mme Martine Brunschwig Graf m'avait convaincu de l'inopportunité de ce projet de loi...

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

Le président. La commission des finances examinera toutes les objections formulées. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au dernier point de notre ordre du jour. Je vous prie de bien vouloir vous asseoir, car le sujet est délicat, et je vous prie également de bien vouloir vous adresser au président. Je souhaite par ailleurs qu'il n'y ait pas d'invectives entre les députés, comme il y en a eu tout à l'heure. Ce n'est pas tout à fait digne de ce Grand Conseil.

R 466
Proposition de résolution de Mmes et MM. Ueli Leuenberger, Françoise Schenk-Gottret, Jeannine De Haller, Renaud Gautier, John Dupraz, Patrick Schmied pour un appel aux citoyens genevois à rejeter l'initiative populaire dite "contre les abus de l'asile"

Débat

M. Ueli Leuenberger (Ve). Je sais que les conditions d'écoute ne sont plus optimales, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'argumenter longtemps sur le bien-fondé de notre résolution. Ce n'est pas l'endroit non plus pour convaincre les députés de changer leur position.

Si nous proposons cette résolution, c'est pour que les Genevois qui sont encore hésitants sur le vote sachent clairement que toutes les formations politiques raisonnables du Grand Conseil genevois rejettent l'initiative intitulée «contre les abus de l'asile».

La tradition et la vocation humanitaire de Genève, cité de refuge, entre autres, siège du CICR, du Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU et du Haut Commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU, demandent que les citoyens rejettent massivement cette initiative xénophobe et trompeuse. Il ne faut pas que les gens se réveillent au moment de l'annonce du verdict populaire avec une Constitution fédérale modifiée et marquée au fer rouge.

Rappelons-nous, chers collègues, que notre Constitution fédérale commence par le préambule suivant: «Au nom de Dieu Tout-Puissant ! Le peuple et les cantons suisses, conscients de leur responsabilité envers la Création, résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l'indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d'ouverture au monde, déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l'autre et l'équité, conscients des acquis communs et de leur devoir d'assumer leurs responsabilités envers les générations futures, sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres...»

Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous demande de voter cette résolution.

Le président. Il y a beaucoup d'orateurs inscrits, aussi le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants que vous pourrez lire près de notre procès-verbaliste-teneur d'écran...

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Je demande à tous les intervenants de bien vouloir être relativement brefs.

Madame Françoise Schenk-Gottret, vous avez la parole.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Cette initiative est trompeuse... Elle prétend lutter contre de soi-disant abus du droit d'asile, alors qu'en réalité elle remet en question le droit d'asile lui-même et ceci dans une Constitution qui vient d'être révisée !

Je n'argumenterai pas en droit. Au nom du Conseil fédéral, la conseillère fédérale, Mme Metzler l'a fait. Trop tard, mais elle l'a fait !

Je préfère rappeler certaines valeurs fondamentales et ce qu'est l'esprit de Genève en Suisse et dans le monde pour montrer combien cette initiative doit être refusée. M. Leuenberger a lu le préambule de la Constitution dans le brouhaha.

Au titre II, chapitre I, aux articles 7 et 36, sont énumérés les droits fondamentaux. (Brouhaha.)Je n'en citerai que quelques-uns pour ne pas être trop longue:

- droit à la dignité humaine;

- à l'égalité;

- à la protection contre l'arbitraire et à la protection de la bonne foi;

- droit à la vie et à la liberté personnelle;

- droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse.

En regard de ce préambule et de ces droits fondamentaux, on voudrait:

- introduire la clause de l'Etat tiers qui verrait des candidats à l'asile revenir en Suisse clandestinement et vivre de façon marginalisée et précarisée;

- refuser l'asile aux personnes persécutées, aux victimes de tortures et de viols;

- déléguer la responsabilité du contrôle aux frontières à des tiers - compagnies d'aviation ou privés - en dehors du territoire helvétique;

- limiter les soins médicaux aux urgences, fournir un hébergement et une nourriture des plus simples, alors qu'un requérant d'asile touche trois fois moins que ce que reçoit une personne à l'aide sociale... (Brouhaha.)

- que la Suisse n'attire pas les réfugiés... Je rappelle que durant la guerre en Irak des millions de réfugiés sont allés en Iran, en Turquie et en Syrie et non pas en Suisse.

Genève est la patrie d'Henri Dunant, le siège du Comité International de la Croix-Rouge et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge... (Brouhaha.)...le siège d'organisations internationales à vocation humanitaire comme le HCR, par exemple... Monsieur le président, je vous demande d'obtenir le silence, s'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Madame Schenk-Gottret, il y a quatorze députés inscrits, alors je vous demande de conclure !

Mme Françoise Schenk-Gottret. C'est pour cela que je vous demande le silence !

Au nom du Dieu invoqué dans la Constitution, au nom des principes humanitaires qui nous animent tous, n'entachons pas notre Constitution avec l'article proposé par l'UDC.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Schifferli.

M. Pierre Schifferli (UDC). Par rapport à sa population, notre pays reçoit plus de demandeurs d'asile que n'importe quel autre pays européen. La géographie aidant, ceux qui arrivent par voie terrestre auront forcément transité par un pays démocratique, où ils auraient pu déposer une demande d'asile. S'ils ne l'ont pas fait, c'est par convenance personnelle et non pas par nécessité... Or, un demandeur d'asile est censé déposer sa demande dans le premier pays sûr dans lequel il arrive. Car le statut de réfugié a été conçu pour protéger des gens qui doivent impérativement fuir un danger concret et immédiat et non pour promouvoir un asile à la carte. C'est pour préserver ce principe que les renvois vers le premier pays d'arrivée commencent à entrer en pratique dans le système européen.

Vous dites que ce n'est pas vrai, mais ce que je viens de vous lire, ce n'est pas M. Schifferli qui l'a écrit, c'est M. Alexandre Casella, ancien directeur du Haut Commissariat aux réfugiés, et cela a paru dans la «Tribune de Genève», il y a deux ou trois ans. Cela fait plus de dix ans que l'administration fédérale, les oeuvres d'entraide et les médias tentent de nier ou de minimiser les dysfonctionnements dans le domaine de l'asile. Le cartel des oeuvres d'entraide a évidemment un intérêt vital à ce que ce businesssoit florissant... Des centaines de millions de francs, des milliards, disparaissent ainsi chaque année dans un appareil administratif boursouflé. Notre législation, et plus particulièrement la jurisprudence de la commission de recours en matière d'asile, favorise une immigration clandestine, un tourisme de l'asile, et partant les abus dans le droit d'asile. La population dont c'est notre mission de sauvegarder les intérêts en paye les frais, et les vrais réfugiés en pâtissent.

Avec son initiative l'UDC ne vise nullement à empêcher l'entrée en Suisse de personnes persécutées, elle vise à stopper légalement et politiquement les recours abusifs à l'asile, cela après avoir combattu depuis dix ans les excès dans le secteur de l'asile et alors que ses propositions ont toujours été refusées. Seuls 5 à 10% des requérants sont de vrais réfugiés. C'est déjà le cas aujourd'hui.

Une voix. C'est faux !

M. Pierre Schifferli. C'est le cas aujourd'hui, et, au fond, notre initiative aura pour effet, tout simplement, que les 90% qui seront refusés n'auront pas à subir une procédure longue, coûteuse et inutile. Pour ces cas, il n'y aura pas d'entrée en matière, bien que la notion de réfugié ait été systématiquement étendue pour forcer le taux d'admission. Quand une loi n'est pas respectée, c'est-à-dire qu'elle ne s'applique plus à 90% des personnes qu'elle est censée concerner, on doit se poser deux questions. Premièrement, cette loi est-elle utile ? Deuxièmement, les lois sont-elles encore appliquées ?

L'initiative UDC sur l'asile réduira le pouvoir d'attraction que la Suisse exerce sur les demandeurs. Elle stoppera le tourisme de l'asile, réduira le nombre de faux réfugiés, donc des coûts excessifs. Elle met en place une base légale efficace contre les abus. Il est vrai que les lois ne résolvent pas le problème politique, à savoir que le Conseil fédéral et le Parlement n'ont pas la volonté d'appliquer les lois existantes. En plus d'une réforme légale constitutionnelle en matière d'asile, c'est-à-dire le retour aux vrais principes du proscrit, du réfugié politique, de celui qui avait une activité politique à qui il convient de donner l'asile, la Suisse a besoin d'une réorientation politique dans ce domaine. Le peuple suisse a la possibilité de corriger ce tir: il le fera, et je pense que les citoyens genevois - d'ailleurs, beaucoup d'entre eux ont déjà voté sur ce sujet - n'ont pas besoin des leçons du Conseil d'Etat. Cette résolution qui nous est présentée en urgence arrive trop tard...

J'aimerais juste encore lire le premier paragraphe de l'initiative, parce que je pense que vous êtes opposés à cette initiative, je suppose que vous n'en connaissez même pas le texte...

Il est simplement dit que, pour empêcher le recours abusif au droit d'asile, la Confédération observe notamment les principes suivants: «Sous réserve des obligations découlant du droit international public, l'autorité - et c'est le point essentiel de cette initiative - n'entre pas en matière sur une demande d'asile présentée par une personne entrée en Suisse au départ d'un Etat tiers réputé sûr, lorsque - et j'insiste sur le mot «lorsque» - cette personne a déjà déposé ou aurait pu déposer une demande dans cet Etat.»

En d'autres termes, la personne originaire d'un Etat peu sûr, où il y a une situation de répression politique, qui se trouve depuis un mois, deux mois, six mois, en Italie ou en France, a eu le loisir de déposer une demande d'asile dans ce pays. Il est donc normal de ne pas entrer en matière, plutôt que d'entrer en matière pour signifier à un demandeur d'asile, après deux ans de procédure, qu'on ne peut pas lui accorder l'asile, car il ne remplit pas les critères requis. Aujourd'hui, l'administration est ainsi encombrée de façon totalement inutile. C'est comme si, au moment de déposer un recours manifestement irrecevable devant un tribunal, on devait juger le fond avant de juger la recevabilité.

Le président. Il vous faut conclure; vous avez déjà parlé sept minutes.

M. Pierre Schifferli. C'est la situation dans laquelle nous sommes maintenant.

J'écoute les arguments de ceux qui sont opposés à cette initiative, et je ne mets pas en doute leur bonne foi, mais j'estime que le texte qui nous a été présenté est insultant, parce qu'il sous-tend que nous sommes menteurs et que nous sommes xénophobes, ce que nous ne sommes pas. Nous voulons simplement régler d'une façon normale la situation par rapport aux abus s'agissant des demandes d'asile et faire en sorte que les procédures puissent être menées de façon correcte. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Iselin, la parole est à vous, mais il faut cesser d'applaudir si vous voulez parler !

M. Robert Iselin (UDC). Mon collègue Schifferli a dit l'essentiel de ce que je voulais dire.

J'aimerais simplement ajouter que l'initiative déposée par l'UDC ne créera aucun problème supplémentaire. Elle n'est pas contraire, comme vient de le démontrer M. Schifferli à la tradition humanitaire de Genève ou de la Suisse, qui n'ont jamais obligé la population de ce canton à héberger n'importe qui et à entretenir des étrangers qui se livrent au trafic de la drogue... Il n'y aura aucune conséquence désastreuse pour les personnes vraiment persécutées qui, si elles ne peuvent pas trouver asile parce qu'elles ne transitent pas par des pays sûrs, trouveront toujours une place chez nous. Mais elle empêchera la masse des requérants qui se livrent à ce qu'on appelle les demandes d'asile économiques.

Le peuple suisse en a assez de la politique laxiste de Berne. Je ne sais pas si vous réalisez que le résultat, c'est qu'il y a dans un village de Suisse allemande un Libanais qui a assassiné un de ses compatriotes et qui se promène en toute liberté et qu'on ne peut même pas le flanquer à la porte de la Suisse !

Tout ce qu'on cherche à faire, avec la proposition de résolution qui nous est soumise, c'est de prendre ce Grand Conseil en otage !

M. Christian Brunier (S). Il est maintenant 23h05. Nous débattons depuis près de neuf heures. Je crois que l'opinion de chacune et chacun est arrêtée sur le sujet qui nous est soumis. Deux personnes se sont exprimées en faveur de l'initiative, deux se sont exprimées contre. De ce fait, nous demandons l'application de l'article 79 qui permet d'arrêter les débats et de passer immédiatement au vote. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous ne connaissez pas tous le règlement par coeur, je vous lis l'article 79, alinéa 1, lettre a), que vient d'invoquer M. Brunier. «Clôture des débats: le Bureau ou un député - en l'occurrence M. Brunier - peut proposer d'interrompre immédiatement le débat - ce qu'il vient de faire - et, le cas échéant, de passer au vote;»

En revanche, l'alinéa 2 du même article précise: «La motion d'ordre doit être immédiatement mise aux voix sans débat - ce que je vais faire - et ne peut être acceptée qu'à la majorité des deux tiers des députés présents.»

Je prie donc chaque député de bien vouloir s'asseoir à sa place. Nous voterons au moyen du vote électronique. La sonnette est en train de sonner, et je prie les huissiers de bien vouloir fermer les portes. Je voudrais que tous les députés soient assis avant que le vote ne soit lancé, de façon qu'il n'y ait pas de contestation sur les résultats.

Monsieur Grobet, je vous prie de bien vouloir voter depuis votre place. Vous le savez, Monsieur le conseiller... (Rires.)Monsieur le député, vous m'embrouillez !

Que celles et ceux qui acceptent la motion d'ordre votent oui, les autres votent non. Si les deux tiers sont atteints, le débat sera clos, et nous voterons sur la résolution.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 51 oui, contre 12 non et 4 abstentions.

Le président. La majorité des deux tiers sur 67 votants est de 45, si je calcule bien. Les débats sont donc clos. En conséquence, et en application de l'article 79, je vous propose de voter, toujours au moyen du vote électronique, sur la résolution pour un appel aux citoyens genevois à rejeter l'initiative populaire dite «contre les abus de l'asile». Que celles et ceux qui l'acceptent votent oui, que celles et ceux qui la refusent votent non ! Le vote nominal a été demandé. (Appuyé.)

Mise aux voix à l'appel nomimal, la résolution 466 est adoptée par 54 oui contre 12 non.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la séance est levée. Je vous souhaite un bon week-end.

La séance est levée à 23h10.