République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 18h20, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Natacha Buffet-Desfayes, Jennifer Conti, Sophie Desbiolles, Patrick Dimier, Marc Falquet, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Eric Leyvraz, David Martin, Philippe Morel, Youniss Mussa, Salika Wenger, François Wolfisberg et Céline Zuber-Roy, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Anne Bonvin Bonfanti, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Florian Gander, Corinne Müller Sontag, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Sébastien Thomas et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous informe que le projet de loi suivant est retiré par ses auteurs:

Projet de loi de Mmes et MM. Ana Roch, Danièle Magnin, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Thierry Cerutti, Françoise Sapin, Florian Gander, André Python, Sandro Pistis, Christian Flury, François Baertschi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Suspension provisoire de l'impôt sur les véhicules en dédommagement des aménagements routiers Covid-19) (PL-12740)

PL 13058-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Onex (création d'une zone de développement 4A, au lieu-dit « Onex-Centre »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de majorité de Mme Amanda Gavilanes (S)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons le traitement de nos urgences avec le PL 13058-A, classé en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Grégoire Carasso.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de modification de limites de zones sur le territoire de la commune d'Onex a été étudié par la commission d'aménagement entre mars et juin de cette année. Il porte sur le périmètre d'Onex-Centre et c'est la commune qui en est à l'origine: elle l'a conduit parallèlement à l'élaboration d'une image directrice.

En résumé, les objectifs sont les suivants: soigner l'aménagement des espaces publics, tendre vers des quartiers plus neutres pour ce qui concerne l'énergie, notamment à la faveur de rénovations, et enfin favoriser la mixité tant du point de vue social que des activités économiques - nous pensons en particulier au commerce de proximité. Sur le plan technique, il s'agit d'un passage de la zone ordinaire 4B à une zone de développement 4A, ce qui augmente les droits à bâtir, les faisant passer de dix à quinze mètres.

J'aimerais saluer, au nom de la majorité, la qualité du processus participatif mis en place par la commune; aucune opposition associative ne s'est manifestée, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, et sur les quelque 250 propriétaires, il n'y a eu qu'une seule opposition. Tous les préavis des services étatiques ont été positifs. La très large majorité de la commission d'aménagement vous invite dès lors à approuver ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Pour la minorité, ce déclassement est totalement inutile. Aujourd'hui, comme cela a été indiqué, le périmètre est en zone 4B, soit en zone ordinaire. Pourquoi faudrait-il le déclasser en zone de développement 4A ? La minorité ne voit qu'un seul et unique motif à cela: pour que la commune puisse encaisser des taxes d'équipement.

Il n'y a effectivement eu qu'une seule opposition pendant la procédure, celle d'un propriétaire institutionnel qui est Unia, mais il faut souligner que les autres propriétaires n'étaient pas forcément au courant des conséquences, à savoir qu'il y aura un contrôle des prix, il y aura des taxes d'équipement à payer.

Le pire, dans tout ça, c'est qu'on s'évertue à faire de la zone de développement alors que le potentiel de densité de la zone 4B n'est clairement pas atteint. Cela signifie qu'on peut parfaitement refuser ce projet de loi maintenant et densifier le secteur malgré tout, soit en démolissant et en reconstruisant, soit en réalisant des surélévations: vous gagnez en densité sans devoir passer par une zone de développement. Ce qui dérange les opposants, c'est qu'ils ont précisément un projet de démolition-reconstruction, c'est l'une des seules parcelles qui fait véritablement l'objet d'un projet; tous les autres terrains sont déjà construits.

La commune a été incapable de nous démontrer l'utilité de ce déclassement, elle n'a même pas été en mesure de nous dire s'il y aura des surélévations; aucun autre propriétaire n'a été approché concernant des travaux, il n'y a eu aucune discussion, donc on se demande bien de quel processus participatif parle le rapporteur de majorité, puisque aucune opération n'est prévue à l'heure actuelle. Il y a la rénovation des bâtiments, certes, il s'agit d'un ancien quartier datant des années 50 avec des immeubles vieillissants qui devront de toute façon être remis à neuf, mais a-t-on besoin de déclasser en zone de développement pour rénover ? Non, c'est une aberration.

Encore une fois, sur ce coup-là, la commune veut uniquement encaisser des taxes d'équipement, ce qui est regrettable, tandis que l'Etat cherche à exercer son contrôle comme il aime bien le faire alors qu'il y aurait sans doute d'autres priorités pour l'urbanisation, la qualité du bâti, le développement. Par conséquent, pour nous, cette modification est complètement inutile. Gardons la zone ordinaire et refusons ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Le groupe PDC-Le Centre soutiendra ce texte de loi. Cela étant, ce qu'a souligné le rapporteur de minorité n'est pas totalement faux; ce n'est pas totalement vrai non plus, mais nous avons également quelques réserves à émettre par rapport à ce projet.

La première d'entre elles concerne la question de la zone ordinaire. Voilà une commune dont le revenu médian figure parmi les plus bas du canton. Chaque fois qu'on entend Mme Kast, qui siège au Conseil administratif d'Onex depuis bientôt seize ans, à la commission fiscale, elle se plaint de ne pas avoir suffisamment de grands contribuables, elle déplore que sa commune n'accueille pas de hauts revenus. Partant, on peut s'étonner que la commune d'Onex ne tente pas d'exploiter davantage la zone ordinaire et préfère transformer celle-ci en zone de développement.

Un autre bémol que l'on pourrait formuler à l'encontre de ce projet a trait à la typologie des nouveaux logements. Il existe une certaine incertitude par rapport à l'exploitation du patrimoine immobilier: en cas de surélévation, par exemple, ceux qui se trouvent aujourd'hui en zone ordinaire devront-ils être en adéquation totale avec la 4A ? Quelle sera l'articulation entre l'ancienne zone ordinaire et la 4A s'il n'y a pas de destruction et de reconstruction, mais simplement une extension par le biais d'une surélévation ?

Enfin, dernière réserve, c'est la manière dont l'un des propriétaires, à savoir Unia, a été traité dans le cadre d'un projet qu'il avait déposé voilà plus de trois ans. Cela dit, cessons de faire la fine bouche, concentrons-nous sur les aspects positifs et ayons confiance en la capacité du Conseil d'Etat de réaliser une opération qui révolutionnera la commune; cela tombe bien, notre gouvernement est fort bien représenté ce soir.

Parce que oui, ce projet peut transformer positivement Onex, une commune qui est chère à mon coeur et à celui de pas mal de députés ici présents, qui a grandi très vite, trop vite, qui a notamment été coupée en deux par ce qui, de facto, était une autoroute, la route de Chancy; souvenez-vous, dans les années 80 et même jusqu'au début des années 90, il s'agissait d'une autoroute scindant véritablement en deux parties cette commune, laquelle a été privée d'un centre.

Avec la zone de développement et la possibilité d'avoir des équipements payés par les promoteurs - via la taxe d'équipement, donc -, nous pouvons imaginer un réel renouveau urbanistique de la commune. Ce périmètre, pour ceux qui le connaissent, est très peu attractif: il s'agit d'anciens HLM qui ont été sortis de ce régime et qui, aujourd'hui, du point de vue énergétique, esthétique, et à tout point de vue, finalement, méritent d'être rénovés. C'est la raison pour laquelle, avec un certain enthousiasme et en plaçant notre confiance dans le Conseil d'Etat, le groupe Le Centre acceptera ce projet de loi. Merci.

Mme Ruth Bänziger (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la modification de zone initiée par la Ville d'Onex vise, comme cela a déjà été signalé, à poursuivre les efforts pour développer et animer une centralité à Onex autour de la place des Deux-Eglises. Cette centralité est importante pour l'identité de la commune. Le périmètre concerné se situe entre la cité d'Onex, le vieux village et la zone villas.

Le projet permettra de favoriser le renouvellement des logements, d'améliorer la performance énergétique des bâtiments, ce qui va dans le sens de l'opération Onex-Rénove, de requalifier les espaces extérieurs pour plus de biodiversité et d'emplacements aménagés pour la collectivité, notamment sur les fonds privés au pied des immeubles, et de mettre à disposition la place nécessaire pour compléter les axes de transports en commun en direction de Confignon et de Bernex.

Par ailleurs, je précise que le passage de la zone 4B à la zone 4A permettra de réaliser des surélévations, ce qui n'est pas inutile. La zone de développement ne sert pas à encaisser de l'argent, mais à créer des équipements publics et des aménagements en faveur de la population. Ce sont là quelques-unes des raisons qui amènent le groupe des Vertes et des Verts à soutenir ce projet de loi; nous vous invitons à en faire de même. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots en faveur de ce projet de déclassement. Comme quelqu'un l'a relevé précédemment, il y a cette route qui traverse le coeur du village, et malheureusement, sauf à considérer qu'on y impose les 30 km/h, il sera un peu délicat de créer un centre entre l'ancien village d'Onex et le nouveau, ce sera difficile. Pour celles et ceux qui ne voient pas très bien où se situe le périmètre, c'est le vieil Onex et la place devant le temple qu'il est proposé de requalifier.

Nous avons juste eu quelques petits doutes en ce qui concerne la demande d'autorisation de construire en vue de la requalification d'un bâtiment déposée par les représentants du syndicat Unia. Malheureusement pour eux, ils sont arrivés soit trop tôt, soit trop tard. En effet, ils devront refaire un projet, rediscuter avec les autorités, et nous espérons que celles-ci les accueilleront avec bienveillance et essaieront d'arrondir les angles, parce que leur projet doit être revu. Evidemment, ils vont peut-être se lancer dans un recours, ce que nous déplorerons le cas échéant.

Toujours est-il que l'opération d'ensemble menée par la commune vaut la peine d'être soutenue, et c'est pour cela que notre groupe, tout comme la majorité de la commission, s'est déclaré favorable au projet; après en avoir discuté au caucus, nous avons jugé qu'il était évident d'approuver ce déclassement. Merci de votre attention.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). En mars 2021, le Conseil municipal de la Ville d'Onex a adopté une résolution approuvant l'engagement d'une procédure pour modifier les limites de zones sur le territoire dit Onex-Centre en vue de la création d'une zone de développement 4A. En octobre 2021, ce même Conseil municipal a préavisé favorablement la modification de zone qui nous est soumise aujourd'hui.

L'aménagement du périmètre visé par ce projet de loi a été réalisé dans les années 50 à 70. Aujourd'hui, les immeubles ne répondent plus aux normes légales en vigueur, ils nécessitent d'importants travaux. Les espaces extérieurs, en plus d'être vétustes, ne sont plus en adéquation avec les attentes et usages actuels. Bon nombre d'entre eux sont fermés au public, l'axe de la chaussée présente des complications pour les véhicules privés ou publics et génère de fortes nuisances pour les habitants des logements, tant en journée que la nuit.

Le résultat des études et réflexions menées par la commune, qui se sont déroulées en concertation avec la population, ainsi que l'image directrice réalisée ont conduit au vote favorable du Conseil municipal. Sur les quelque 250 propriétaires, seule une opposition a été formulée, signe que ce projet a du sens et qu'il convient tant à la commune qu'aux résidents; il permettra un renouvellement du centre d'Onex et une mixité de la population. Les deux autorisations de construire déposées durant les temps d'étude se sont vu opposer un refus conservatoire par le département et le recours à son encontre n'a pas abouti.

La caisse de pension du syndicat Unia, qui a présenté ces demandes, ne souhaite pas que le périmètre soit déclassé en zone de développement 4A, mais qu'il reste en zone ordinaire 4B comme c'est le cas maintenant, quand bien même ce n'est pas ce qu'Unia a pu prôner dans d'autres circonstances. Le syndicat propose un projet réfléchi qui a pris en compte les besoins des habitants actuels tout comme les critères de la commune, mais celui-ci nécessite encore des adaptations, quelle que soit la zone qui sera retenue.

Cela étant, au vu des explications reçues lors des nombreuses auditions effectuées par la commission et des bonnes volontés manifestées aussi bien par le conseiller d'Etat chargé du département du territoire que ses collaborateurs ou les promoteurs de la caisse de pension du syndicat Unia pour s'entendre en vue de réaliser le projet de construction déjà déposé, nous ne voyons rien à remettre en question dans ce projet de loi, lequel ne pourra qu'améliorer la qualité de vie de nombreux habitants. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons de l'accepter.

Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Stéphane Florey pour deux minutes cinquante-six.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. D'abord, j'ai une question pour vous, chers collègues: depuis quand est-on obligé de déclasser en zone de développement pour mener un projet urbanistique de qualité ? C'est une aberration totale, on marche sur la tête ! Vous prétendez qu'on est incapable de réaliser une opération de qualité autrement qu'en zone de développement, que celle-ci est nécessaire alors qu'on peut très bien faire la même chose en zone ordinaire.

Le plus grave, dans l'affaire, et cela n'a pas été mentionné, c'est que comme la conseillère administrative auditionnée l'a clairement dit, ce bout de déclassement n'est que le début s'agissant des intentions d'Onex. A ce propos, on verra la position de ceux qui défendent prétendument la zone villas et la zone ordinaire quand ce sera le moment de voter le futur, parce que comme elle l'a très bien fait comprendre, elle va ensuite s'attaquer à la zone villas en direction de Bernex. Ce périmètre n'est qu'un prétexte, on soutient vouloir faire de l'urbanisme de qualité alors que les vues d'Onex, c'est de grignoter gentiment sur la zone villas, et à ce moment-là, eh bien on verra si vous tenez toujours le même discours.

Encore une fois, la vérité sur ce déclassement, c'est que la commune veut encaisser des taxes d'équipement, améliorer ses recettes fiscales coûte que coûte, mais comme quelqu'un l'a noté, elle aurait d'autres moyens pour cela, à savoir attirer de gros contribuables avec de la zone ordinaire. On voit mal ce qu'elle pourrait faire de plus, puisque le bâti est déjà là, et il n'est même pas certain qu'on puisse surélever la plupart des bâtiments situés dans ce secteur. Au final, je le répète, ce projet de déclassement ne sert absolument à rien, on va juste perdre de la zone ordinaire. Je vous invite une nouvelle fois à le refuser et à laisser la commune d'Onex à ses rêves un peu fous. Merci.

Une voix. C'est bien, les rêves fous !

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG s'est également prononcé contre ce texte de loi, parce que comme l'a brillamment souligné notre collègue député Stéphane Florey, il n'est pas nécessaire de déclasser ce périmètre en zone 4A pour y mener des projets de construction, c'est déjà possible actuellement, on peut le faire.

Ensuite, ce qui a également conduit le MCG à s'opposer au présent objet, c'est qu'on prétérite la zone villas ! Je vous rappelle que la zone villas, c'est le dernier poumon vert dans ce canton aujourd'hui, qui héberge encore des arbres, des fleurs, des jardins, des insectes, des animaux - pensez aux petits hérissons, aux papillons, à nos oiseaux migrateurs et autres. Sans ces espaces privilégiés pour la nature, où iront toutes ces belles bêtes et ces braves animaux ? On ne sait pas. Où pousseront toutes ces fleurs colorées qui sentent bon, qui parfument nos rues et nos quartiers ?

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, le MCG vous invite à suivre le rapport de minorité et à refuser ce texte. Je vous remercie de votre attention.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de majorité ad interim. Je préciserai deux points. D'abord, j'ai l'impression qu'on ne parle pas du même périmètre. S'il y a précisément un enjeu de développement de la biodiversité à Onex-Centre, en l'état, ce n'est pas exactement le paysage tout «green» que nous a décrit notre collègue Cerutti. Mais effectivement, l'objectif est là, et c'est l'une des raisons pour lesquelles - j'ai cité les autres tout à l'heure - la commune souhaite, en parallèle à une image directrice, mettre en place un cadre pour l'aménagement qualitatif de cet espace.

Ensuite, M. Florey a naturellement des difficultés - vous transmettrez, Monsieur le président - sitôt que le mot «taxe» est prononcé, où qu'il soit, même par écrit. Comme vous le savez, la commune d'Onex ne distribue pas ses non-dépenses, quand elle en a, à des actionnaires, elle investit dans ses équipements. En l'occurrence, c'est pour des équipements publics que cette taxe est prélevée, et heureusement que cette mesure existe en zone de développement ainsi que toutes les autres qui l'accompagnent !

Pour le surplus, j'entends bien que vous vous mobilisez ici pour des enjeux futurs et j'aurais envie de conclure en vous citant: «Quand ce sera le moment de voter le futur, eh bien on se donnera rendez-vous.» Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous prie d'excuser mon collègue Antonio Hodgers qui ne peut pas être présent aujourd'hui et qui m'a chargé de vous communiquer la position du Conseil d'Etat. Cela tombe bien, parce qu'il s'agit d'un secteur que je connais bien, qui est cher à mon coeur comme à celui de beaucoup d'entre vous, d'après ce que j'ai pu comprendre.

On peut effectivement s'étonner de la position du rapporteur de minorité sur cette affaire, notamment lorsqu'il soutient que la seule motivation de la commune d'Onex est de percevoir de l'argent et des ressources pour revoir son urbanisme. Eh bien je ne vois pas ce qu'il y aurait de, comment dirais-je, pas honorable à utiliser des instruments qui sont à disposition, des instruments fort utiles pour les communes, surtout lorsque celles-ci ne figurent pas forcément parmi les plus dotées.

L'avantage de passer par une zone de développement, c'est que cela permet - je ne suis pas expert en la matière, mais je connais quelque chose au sujet - de bénéficier d'un certain nombre d'outils urbanistiques, d'aménagement du territoire. Par exemple, par le biais des PLQ, il est possible de déroger à des normes spécifiques de la zone. Cela octroie toute une série de facilités, surtout pour l'aménagement des espaces publics, et force est de constater, pour celles et ceux qui connaissent le périmètre en question, qu'il y a un potentiel d'amélioration certain dans ce domaine; c'est d'ailleurs précisément l'un des buts de ce projet.

Il est également intéressant de relever - nous l'avons constaté quand nous avons examiné le projet lors de sa présentation au Conseil d'Etat - que la modification de zone, contrairement à celles que l'on connaît généralement, est relativement modeste ou, à tout le moins, induit des gabarits plutôt réduits: en passant de la zone 4B à la zone 4A, on modifie la hauteur maximale des immeubles, qui peuvent s'élever jusqu'à quinze mètres, si ma mémoire est bonne. On n'est pas dans des déclassements habituels en zone 3 où on va beaucoup plus haut, il s'agit de quelque chose de respectueux, nous semble-t-il, qui se traduit d'ailleurs par la volonté de la commune, qui connaît particulièrement bien le territoire, d'assurer une transition entre le vieil Onex, situé d'un côté de la route de Chancy, et la Cité nouvelle, le tout de manière assez harmonieuse, je dois dire.

Je me permets encore d'ajouter ceci pour rebondir sur les propos de M. Desfayes, je crois, qui a parlé d'une autoroute: il est vrai que la route de Chancy était une autoroute à une certaine époque, mais les choses ont beaucoup changé depuis, même s'il y a encore des problèmes à l'heure actuelle et une sorte de petite césure. Cela étant, la couture entre le village d'Onex et la Cité nouvelle sera assurée notamment grâce à ce projet, elle sera en tout cas bien meilleure qu'elle ne l'est maintenant.

Comme vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, il y a plein de bonnes raisons - d'ailleurs, la belle majorité en commission le démontre - pour soutenir ce projet de loi du Conseil d'Etat, et c'est ce que je vous invite à faire dans quelques instants. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. L'assemblée est invitée à se prononcer sur cet objet.

Mis aux voix, le projet de loi 13058 est adopté en premier débat par 61 oui contre 18 non.

Le projet de loi 13058 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13058 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui contre 18 non et 2 abstentions (vote nominal).

Loi 13058 Vote nominal

M 2862
Proposition de motion de Souheil Sayegh, Patricia Bidaux, Claude Bocquet, Jean-Marc Guinchard, Sébastien Desfayes, Jacques Blondin, Jean-Charles Lathion, Jean-Luc Forni, Xavier Magnin, Bertrand Buchs, Olivier Cerutti, Christina Meissner pour un tarif « heures creuses » adapté aux ménages genevois
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.

Débat

Le président. Nous traitons l'urgence suivante, la M 2862, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur de cette proposition de motion, M. Souheil Sayegh.

M. Souheil Sayegh (PDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, que la lumière soit ! Au début, je pensais déposer une motion qui était simple et claire, et en discutant avec certains d'entre vous, je me suis rendu compte qu'elle ne l'était pas tant que ça. Cette motion a été déposée au lendemain de l'annonce par les SIG de l'augmentation de la facture d'électricité pour 2023. Je reconnais, le groupe du Centre l'admet également, que la gestion efficace des SIG a permis au canton de Genève de voir sa facture augmenter moins que celle des autres cantons, et nous les remercions. Sauf que l'inconscient collectif considérait naïvement que notre consommation électrique de nuit ou le week-end était meilleur marché. Il n'en est rien pour l'ensemble de la population.

Je vais rentrer dans le détail des profils simples et des profils doubles. Les profils simples, c'est ce qui s'applique en général pour la majorité de la population: un compteur unique, qui vous facture un tarif unique toute la journée, 24 heures sur 24, les sept jours de la semaine. Pour 2023, ce prix sera de 26 centimes pour l'énergie bleue et de 35 centimes environ pour l'énergie jaune.

Et puis, il y a le profil double: si vous consommez plus de 22% de votre volume d'électricité la nuit, après 22h, ou le week-end jusqu'à 17h et puis de nouveau à partir de 22h, vous aurez chez vous deux compteurs, un pour les heures dites pleines et un autre pour les heures douces. Ce compteur «heures pleines» vous facturera l'électricité 28 centimes pour l'énergie bleue et 37 centimes pour la jaune, la solaire; la nuit, par contre, vous passez à 19 centimes pour l'énergie bleue, pour faire simple, et jusqu'à 27 centimes en fonction de votre profil électrique.

Aujourd'hui, cette consommation est déterminée par ce que vous faites la nuit et le week-end. Sauf que ce n'est pas accessible à tous les ménages, et c'est là que se trouve le piège: beaucoup de ménages ont une buanderie collective, dont, si elle se trouve dans le sous-sol de leur habitation, ils ne peuvent pas imputer la consommation à leur consommation électrique effective, et d'autres n'ont pas l'autorisation de consommer la nuit pour ne pas importuner les voisins.

Par conséquent, si on veut doper sa consommation aux heures dites creuses, il ne reste que le week-end. Ainsi, votre samedi et votre dimanche, vous faites tourner les lessives et le lave-vaisselle, éventuellement vous rechargez le véhicule et vous préparez le repas avant 17h, toutes lumières éteintes. Et pendant ce temps-là, vos enfants ont trouvé de quoi s'occuper, parce qu'ils vont plier le linge, passer l'aspirateur et préparer le repas que vous prendrez après 22h.

Chers collègues, cette motion est d'une simplicité évidente: l'idée est d'envoyer un message aux SIG et à la population pour signifier à celle-ci que nous nous soucions de son porte-monnaie et de son pouvoir d'achat, en mettant en place un tarif «heures creuses» ou «heures douces» pour l'ensemble de la population, qu'elle dispose d'un compteur simple ou double. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement introduisant une deuxième invite. La première invite ne comprenait que les week-ends, à savoir le vendredi dès 22h jusqu'au lundi matin 7h. La deuxième invite comprend les quatre autres jours de la semaine, à savoir les heures creuses pour l'ensemble de la population, du soir, 22h, au lendemain matin, 7h. Le Centre, le futur ex-PDC, vous remercie de réserver un bon accueil à cette motion.

Une voix. Bravo !

M. Alberto Velasco (S). Je dois dire que, à la lecture de l'exposé des motifs de l'auteur de cette motion, on constate déjà que le sujet est d'une certaine complexité. Evidemment, vous savez qu'il y a l'énergie qu'on appelle «de réglage»: c'est l'énergie hydraulique de haute chute, c'est la plus chère, et elle intervient en général durant ce qu'on appelle les heures pleines, c'est-à-dire pour les usagers de ménages entre midi et 14h, quand il y a une demande importante. Pourquoi ? Parce qu'une centrale hydraulique répond à une variation de charge en quelques secondes, ce que ne peuvent pas faire les usines thermiques. C'est pour cela que c'est de l'énergie en bande. C'est la raison pour laquelle cette énergie de charge est facturée beaucoup plus cher, et l'énergie en bande est moins chère la nuit.

Mais, comme vous le savez, les SIG disent - moi je trouve que c'est un peu complexe, c'est pour ça que j'aimerais quand même qu'ils nous donnent des explications - que nous n'avons à Genève pratiquement que de l'énergie bleue, pas d'énergie nucléaire et pas d'énergie toxique - du point de vue du CO2 - et que nous n'avons que de l'énergie renouvelable. En général, puisque c'est de l'énergie dite renouvelable, on devrait payer tout le temps le même prix.

Je salue cette motion, puisqu'elle amène un sujet très intéressant, mais il y a peut-être un coût pour les SIG. Moi j'aimerais bien qu'ils nous disent ce que cela implique pour leurs coûts et s'il faut ou non que le budget de l'Etat compense cette perte - peut-être que c'est en effet une perte pour eux ? Parce qu'ils ont aussi des besoins financiers pour les futurs investissements. Par conséquent, je ne sais pas si l'auteur ou si le groupe PDC est d'accord, mais j'aimerais, Monsieur le président, qu'on renvoie cette motion à la commission de l'énergie. Il y a des sujets apparentés, et ce serait intéressant d'auditionner les SIG pour qu'ils nous expliquent en long et en large la complexité de ces tarifs différenciés et, fondamentalement, le coût que cela implique pour eux. Mon groupe propose donc, Monsieur le président, que l'on renvoie cette motion à la commission de l'énergie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous voterons sur le renvoi en fin de débat. Je passe la parole à M. André Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette motion déposée au début du mois a tout de même un petit caractère d'opportunisme. Pour rappel, les SIG avaient augmenté le prix de l'électricité de 1,5% au 1er janvier 2022 et ils l'augmenteront au 1er janvier 2023 de 22%. L'explosion du prix de l'énergie est effectivement problématique et aura un impact très important.

L'UDC s'engage pour préserver au maximum le pouvoir d'achat des Genevoises et des Genevois. Je le répète: l'UDC s'engage pour préserver au maximum le pouvoir d'achat des Genevoises et des Genevois. Mais, encore une fois, cette motion, qui est un pur et simple voeu politique, n'y répond pas forcément. Les questions qui se posent - et je rejoins mon collègue socialiste - sont les suivantes: que pensent les SIG de cette proposition ? Est-ce que ces deux possibilités de créneaux sont optimales ? Est-ce que cette nouvelle tarification est applicable ? Je pense qu'il faut absolument une réponse à ces questions.

De plus, d'autres textes visant à réduire l'éclairage, à réduire la consommation d'électricité, etc., etc., ont déjà été déposés. Comme cela a déjà été fait, je propose également le renvoi de ce texte à la commission de l'énergie. Je demanderai par ailleurs que cette commission traite l'ensemble de ces textes de manière urgente. Merci de votre attention. Je demande donc le renvoi à la commission de l'énergie.

Le président. J'ai bien compris, Monsieur le député, je vous remercie. Je passe la parole à M. Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les buts de cette motion sont tout à fait louables. J'en détecte deux: le premier objectif, c'est d'avoir une meilleure répartition de la consommation tout au long de la journée et que l'entier de la consommation électrique n'intervienne pas dans les heures diurnes. L'autre objectif est bien entendu d'essayer de réduire les coûts pour les ménages, puisqu'on parle d'une inflation en augmentation. Il est donc opportun qu'on puisse, à travers ce mécanisme, peut-être diminuer les coûts pour les ménages.

Mais, comme cela a déjà été dit, j'ai quand même un tas de questions sur la mise en oeuvre de cette motion. Merci à M. Sayegh de nous avoir quelque peu éclairés sur les divers types de compteurs qui existent, parce que cela ne figurait pas dans l'exposé des motifs. Je sais qu'il existe des compteurs qui permettent de distinguer le tarif de jour du tarif de nuit. Par contre, d'autres compteurs ne permettent pas de le faire - on compte uniquement des kilowattheures. A ce moment-là, comment va-t-on, in fine, distinguer ce qui a été consommé la journée de ce qui a été consommé la nuit ? Parce que justement, votre motion demande qu'on fixe ces heures creuses pour tous les ménages genevois; on ne distingue pas le type de compteur, tous les ménages genevois ont le même type de tarifs. Donc, techniquement, je ne sais pas exactement comment cela va se passer.

Après, j'aimerais aussi connaître les implications sur la gestion du réseau et notamment sur la politique de pompage-turbinage. A ma connaissance, actuellement, les divers services industriels pompent la nuit, par exemple dans des barrages, pour produire l'énergie pendant la journée. Est-ce que cela va avoir des implications sur cette politique de pompage-turbinage ?

Enfin, ce qui nous préoccupe surtout, nous, les Verts, c'est qu'on devrait réduire la consommation d'électricité de manière globale. Or la mesure proposée ne va pas forcément dans cette direction-là, puisqu'elle préconise essentiellement une répartition différente entre le jour et la nuit; ce n'est pas une mesure incitative à l'économie d'électricité, qui est tout à fait possible: on a parlé du programme éco21, qui permet justement de réduire la consommation énergétique. Vous avez peut-être aussi entendu les diverses propositions du Conseil fédéral pour réduire votre consommation énergétique, notamment sur les appareils qui disposent d'un système de veille. Pour nous, ce n'est donc pas forcément une mesure qui va globalement diminuer la consommation énergétique.

Par conséquent, comme cela a déjà été dit, c'est une vraie fausse bonne idée qui mérite très certainement d'être étudiée en commission, ce sur quoi je rejoins tous mes préopinants. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est juste pour dire qu'en tout cas, le fait que cette motion soit sur la table et qu'on en discute pose effectivement toute une série de problèmes. J'en évoquerai encore d'autres: comment se compose le prix de l'électricité aujourd'hui ? Il y a une considération toute bête: nous produisons, avec des moyens qui ont été rentabilisés, 30% de l'électricité de notre canton. Où retrouve-t-on ces investissements faits par la collectivité ? A quel moment est-ce que la collectivité s'y retrouve financièrement, quand elle doit faire face à la problématique que nous subissons par cette augmentation des prix ? J'aimerais bien le comprendre.

Il y a aussi l'autre problème qui est sorti dernièrement: les municipalités et l'Etat de Genève auraient été se fournir sur le marché libre et n'auraient plus eu la possibilité de revenir sur le marché contrôlé. Est-ce vrai ? Certains prétendent que non, moi y compris. Ce n'est pas tout simple. Je pense donc qu'il y a des choses à dire.

Les Services industriels ont effectivement proposé des économies; il faut voir les résultats de cette politique d'économie d'énergie, mais on pourrait aussi envisager d'autres mesures pour faire en sorte que nos concitoyennes et concitoyens économisent plus. On pourrait par exemple prendre l'ensemble de la consommation des ménages et décider qu'une fraction de 40% ou 50% est gratuite, ce qui ferait que les gens devraient se caler sur cette gratuité pour économiser l'énergie et que, s'ils la dépassent, ils devraient payer peut-être un peu plus. Cela permettrait d'avoir une stratégie radicalement différente de celle qui est proposée.

Pour ce faire, il faut d'abord avoir une connaissance - et c'est ça qui est important pour nous - de l'ensemble des éléments constituant le prix de l'électricité, des contrats qui ont été passés avec les uns et les autres et, cela a été soulevé, de la question des doubles compteurs. Avec la mesure proposée, les Services industriels devraient installer des compteurs dans chaque immeuble. Parce que ce sont en fait les propriétaires de villas qui ont ces doubles compteurs, pour faire en sorte de réduire le chauffage des boilers pendant la nuit, par exemple - ou même des chaudières à pellets ou pompes à chaleur notamment - et ainsi réduire la facture d'électricité.

Tout cela réclame non seulement un renvoi et une étude attentive en commission, mais aussi que les Services industriels ne soulèvent pas de la poussière pour bien nous enfumer, mais qu'effectivement, on joue le jeu et que l'on comprenne exactement ce qui est en train de se passer et de quels moyens et stratégies nous disposons pour faire face à cette situation et économiser de l'énergie. Je vous remercie.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Comme tout le monde le sait, nous vivons une grave crise énergétique, liée à une grave crise géopolitique. Nous connaissons tous les multiplications des frais liés à la production d'électricité et de gaz. Cette tension va demeurer, elle va continuer tout l'hiver et peut-être encore pour quelques années. S'agissant de ces hausses très importantes, nous le savons, les SIG mènent une politique assez conservatrice sur le long terme et, grâce à celle-ci, nous n'avons connu une augmentation que de 22% du prix de l'électricité, mais cette augmentation est malgré tout très importante. Elle génère une inflation et des difficultés pour les Genevois à payer ces factures.

Il faut aussi prendre en compte une tension sur la fourniture d'électricité avec des risques de délestage, en d'autres termes, des risques de coupure, qui pourraient avoir de graves conséquences, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour les PME. Nous sommes très dépendants des énergies produites en France et en Allemagne.

Cette motion apporte une solution - certes petite, mais toutes les petites solutions sont bonnes à prendre -, puisqu'elle permettra d'agir sur deux plans: premièrement, en allégeant la facture des ménages, en permettant d'utiliser davantage les périodes où il y a moins de demande; le deuxième intérêt de ce texte est de contribuer à lisser la production d'énergie, d'éviter justement de tirer sur le réseau quand on est en pic de demande, et ainsi d'avoir une meilleure répartition dans la journée.

A ce titre, le PLR va soutenir cette motion. Vu l'urgence, il ne souhaite pas de renvoi en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). Actuellement, la situation est difficile pour de nombreux ménages et habitants de notre canton. Ceux-ci ont des difficultés face à l'augmentation du coût de la vie, aux augmentations qui s'annoncent, à une inflation qui menace, à la crise énergétique, aux hausses du prix de l'électricité qui sont déjà annoncées. Face à ces difficultés, il est certain que nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons agir et trouver des solutions rapides. En cela, cette motion est intéressante et le MCG la soutient complètement. Il faut faire un effort rapide et concret pour les habitants de notre canton, pour toutes les personnes qui habitent dans notre canton. C'est quand même un dispositif qui permettra de réaliser des économies importantes et qui permettra d'utiliser de manière beaucoup plus favorable les heures creuses, c'est-à-dire de moduler la consommation d'électricité; il aura un effet régulateur à moyen et à long terme sur la consommation d'électricité.

Tout cela est important et c'est un non-sens que de vouloir l'envoyer en commission ! C'est une motion ! Ce n'est pas un projet de loi ! Si c'était un projet de loi, je dirais ok, envoyons-le en commission, cela a un coût, c'est quelque chose d'évident. Une motion, c'est une décision, ou plutôt une proposition de notre Grand Conseil, d'aller dans une direction. Après, c'est le travail du Conseil d'Etat de nous indiquer ce qu'il est possible de faire et ce qu'il va faire pour respecter la décision du Grand Conseil. (Commentaires.)

Donc, je vous en conjure, soutenez cette motion pour le bien de la population genevoise, qui subit une paupérisation générale. Je vais quand même vous rappeler, et je crois que c'est utile de le faire, que 10% de la population genevoise est au chômage... (Remarque.) ...ce sont les chiffres BIT, alors qu'en France voisine, on est à 7%. (Remarque.) La situation est inquiétante dans notre société. C'est vrai que, dans ce Grand Conseil, on n'a pas toujours conscience de ce que vit la majorité de la population, en particulier les plus précarisés ou la classe moyenne, la classe moyenne inférieure également... (Remarque.) ...qui est souvent la grande oubliée de ce Grand Conseil et des politiques publiques. Pour ces raisons, le groupe MCG votera la motion et refusera le renvoi en commission.

Une voix. Très bien !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Vanek, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe par contre la parole à M. François Lefort pour... douze secondes !

M. François Lefort (Ve). Oui, j'interviendrai très brièvement. Depuis hier soir, on n'arrête pas d'entendre parler de ce taux du BIT. C'est un sondage trimestriel, basé sur un nombre restreint de personnes !

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. François Lefort.  Ça n'a rien à voir avec le vrai taux de chômage ! Alors arrêtez de dire que le taux BIT est le vrai taux de chômage !

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. François Lefort. C'est faux ! (Commentaires.)

Le président. Merci. Monsieur Baertschi, il vous reste quinze secondes.

M. François Baertschi (MCG). Ce sera suffisant pour dire que c'est un chiffre reconnu de manière internationale, qui permet d'établir une comparaison. Je sais que ça dérange certains, mais c'est la vérité ! Je comprends que la réalité dérange...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. François Baertschi. ...certains membres de cette députation ! Merci. (Commentaires.)

Le président. Merci. Je donne la parole à M. Souheil Sayegh. Il vous reste deux minutes trente-trois.

M. Souheil Sayegh (PDC). Merci, Monsieur le président. J'ai cru à un moment donné que le BIT m'avait échappé. Je vais donc reprendre avec «Baissons immédiatement les tarifs !», pour rebondir sur ce sigle !

Non, s'agissant du renvoi, Monsieur le président, chers collègues, nous, nous pouvons le comprendre, parce que nous savons le travail qu'effectue la commission. Mais comment expliquer à la population que nous allons renvoyer tranquillement cette motion en commission, qu'on va gentiment discuter, interviewer les SIG, éventuellement les Zurichois, les Fribourgeois... (Commentaires de désapprobation.) ...afin de comprendre comment ça se passe, et enfin envoyer le résultat des travaux de commission en plénière au mois de mars ou l'été prochain ?

C'est une motion, c'est un message que nous envoyons à la population, lui signifiant que nous nous soucions actuellement et immédiatement de son pouvoir d'achat et de sa capacité économique. Cette motion n'a rien de contraignant, mais elle permet que le travail soit fait par le Conseil d'Etat et les Services industriels. Libre à la commission de l'énergie d'interviewer et de demander à qui elle voudra davantage d'explications. C'est une motion, on l'envoie au Conseil d'Etat pour recevoir des explications; on a besoin de montrer à la population qu'on se soucie de son porte-monnaie à la fin du mois. Je vous remercie encore une fois, chers collègues et chers partis qui soutenez cette motion, de lui réserver un accueil favorable.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, évidemment, ce texte est tout à fait honorable. Ses buts rejoignent les préoccupations du Conseil d'Etat concernant la question du pouvoir d'achat de notre population. Sur la suite que vous voulez lui donner, j'ai compris qu'un certain nombre de groupes demandaient le renvoi en commission. Soucieux d'alléger les ordres du jour de votre Grand Conseil et des travaux en commission, le Conseil d'Etat ne verrait pas d'objection à ce que ce texte lui soit envoyé directement. (Remarque.) Cela lui permettra d'éviter de se déplacer en commission pour être auditionné. Nous pourrons donc vous répondre et solliciter les SIG bien entendu... (Commentaires.) ...parce qu'il y a effectivement des questions techniques qui se posent - en l'occurrence, on l'a bien compris, la question du double tarif et de ces heures douces, comme les appellent les SIG.

Dans le cas d'espèce, le texte initial de la motion de M. Sayegh demande que l'on supprime les heures pleines pendant les soirs du week-end. Ce n'est finalement pas si simple d'apporter une réponse, et je suis bien emprunté pour ce qui est de vous donner des éléments techniques ici. Nous les demanderons, le cas échéant, aux SIG. C'est peut-être une solution facile, intéressante, mais peut-être pas, parce qu'il y a aussi la question des doubles compteurs. Au fond, ces tarifs différenciés sont justement là pour éviter des pointes de consommation: si par exemple, comme le demande M. Sayegh dans sa motion, on enlevait l'heure de pointe du soir le week-end, cela n'inciterait pas forcément les gens à éviter de cuisiner tout en mettant en même temps en marche leur machine à laver.

Il y a donc des questions techniques à se poser, notamment en lien avec la gestion du réseau. Par conséquent, si vous estimez opportune cette motion - que nous accueillons avec bienveillance -, votez le renvoi au Conseil d'Etat, et nous demanderons tous les renseignements et irons ainsi beaucoup plus vite. Merci.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Yes !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous passons à la procédure de vote. Je vous invite à vous prononcer en premier lieu sur le renvoi de cet objet à la commission de l'énergie. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Pour l'instant, il n'y a pas de vote. Nous allons essayer d'y remédier - avant de procéder au vote à main levée ! (Le président rit. Remarque. Rires.) Un petit instant et un peu de patience, s'il vous plaît ! (Commentaires. Rires.)

Une voix. On peut voter à main levée ou bien ? (Commentaires. Un instant s'écoule.)

Une autre voix. Ben retirez le renvoi en commission !

Une voix. Mais il faudra quand même faire l'autre vote ! (Un instant s'écoule.)

Le président. C'est réglé ! Nous relançons le vote, je rappelle que nous nous prononçons sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2862 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 45 non contre 40 oui.  (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Nous votons à présent sur l'amendement de M. Souheil Sayegh, proposant d'introduire une deuxième invite dont voici la teneur:

«- à demander aux SIG de fixer les heures creuses du lundi au jeudi de 22h00 à 07h00 pour l'ensemble des ménages genevois.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 67 oui et 10 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2862 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui et 20 abstentions (vote nominal).  (Commentaires et applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2862 Vote nominal

PL 12811-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Helena Verissimo de Freitas, Jocelyne Haller, Patricia Bidaux, Pierre Eckert, Pierre Bayenet, Cyril Mizrahi, Thomas Wenger, Diego Esteban, Badia Luthi, Sylvain Thévoz, Salika Wenger, Amanda Gavilanes, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Jean-Charles Rielle, Guy Mettan, Boris Calame, Adrienne Sordet, Katia Leonelli, Romain de Sainte Marie, Nicolas Clémence, Ruth Bänziger, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Claude Bocquet, Jean-Charles Lathion, Christina Meissner, Caroline Marti modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Droit à l'alimentation)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Diego Esteban (S)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12811-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Diego Esteban.

M. Diego Esteban (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, anticiper et préparer l'avenir en apprenant de notre passé: c'est, en résumé, la vocation du projet de loi que la majorité de la commission vous invite à soutenir aujourd'hui. Et pas besoin de chercher loin: même notre passé récent nous apprend beaucoup de choses sur notre rapport à l'alimentation et entraîne de nombreuses questions sur les troubles de l'alimentation, les pénuries, l'empreinte écologique, le traitement des animaux, la précarité des productrices et producteurs, et j'en passe.

Alors quand en 2020, pour obtenir une aide alimentaire, des milliers de personnes formaient de longues files d'attente sous le soleil des Vernets, c'en était trop. Ce spectacle n'avait pas de quoi inspirer confiance sur notre capacité à anticiper les défis, alors que le potentiel de notre canton existait bel et bien. Raison pour laquelle ce projet de loi fut déposé par notre ancienne collègue Helena Verissimo de Freitas, dans l'optique de fixer une base constitutionnelle pour le droit à l'alimentation et une véritable politique publique de l'alimentation.

Il existe déjà une politique publique de l'agriculture, c'est le volet de la production. Mais il manque aujourd'hui un équivalent du côté de la consommation, qui permettrait de favoriser une approche globale, de regrouper l'ensemble des protagonistes concernés et d'aller au-delà de la situation actuelle, dans laquelle s'enchaînent des initiatives souvent associatives, sans réelle coordination et à portée variable. Pour la majorité de la commission, il tombe sous le sens que l'Etat favorise une production locale, saine, issue de conditions socialement et écologiquement justes, et mobilise les enceintes scolaires pour effectuer un travail de prévention.

Il ne s'agit aucunement de faire des choix pour autrui, de dicter des habitudes alimentaires ou d'interdire quoi que ce soit. Bien au contraire, une véritable politique publique de l'alimentation devrait encourager, inciter et informer, tout en préservant l'autonomie de chacune et de chacun. La distribution de sacs de vivres ne favorise pas l'autonomie, par exemple, et l'avis de la majorité est que les meilleures solutions ne sont pas prises dans l'urgence. C'est justement cette capacité d'anticipation que ce projet de loi va impulser.

Si cette nouvelle base légale fonde une future politique publique, elle est également érigée en nouveau droit fondamental, un droit à l'alimentation qui serait séparé de l'actuel article 39 sur le droit à un niveau de vie suffisant. C'est finalement ce qui a été fait pour le droit au logement, autrefois inclus dans le droit à un niveau de vie suffisant, mais qui figure maintenant dans une disposition séparée, en raison de l'importance particulière de l'accès au logement pour la population genevoise. Ce nouveau droit à l'alimentation est basé sur des notions connues en droit international; les professeurs Hottelier et Tanquerel ainsi que les associations Slow Food et FIAN, auditionnés par la commission, ont été unanimes sur l'intérêt de l'ajouter dans la constitution.

Mesdames et Messieurs les députés, il est nécessaire d'ajouter à la liste des droits fondamentaux un droit à l'alimentation et de compléter la politique agricole par une politique alimentaire, afin d'assurer à notre canton la capacité de faire face à l'ensemble des défis liés à l'alimentation et de favoriser toujours plus une nourriture locale, saine et juste. La majorité de la commission vous invite à soutenir ce projet de loi.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Pour la minorité, il est inutile d'aller plus loin que ce que nous avons déjà. Nous avons déjà dans la constitution genevoise l'article 39 qui prévoit que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux. Est-ce qu'il faut encore ajouter à quel type d'aliment nous devrions avoir droit ? Est-ce que nous devrions ajouter encore dans notre constitution quel type d'alimentation serait le plus adéquat par personne ? Nous pensons que c'est inutile. Je reviendrai plus tard en détail sur notre position. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la découverte des longues queues pour l'obtention de sacs de denrées alimentaires dès le printemps 2020 a frappé les esprits. La crise covid a agi comme un révélateur et a provoqué un nécessaire électrochoc. Ce qu'on a qualifié de files d'attente de la honte a mis à jour une réalité trop longtemps occultée: celles-ci ont irrémédiablement mis fin au déni ambiant sur l'existence d'une terrible précarité et d'une grande pauvreté à Genève, totalement déplacées dans l'un des cantons les plus riches de Suisse.

Certes, la crise covid et ses incidences sur l'activité économique ont démultiplié les pertes d'emploi, les suspensions d'activité, les réductions de revenus. Autant de facteurs qui ont placé nombre de personnes en difficulté, notamment pour faire face à leurs besoins essentiels en matière d'alimentation. Dans ce contexte, la nécessité d'introduire un droit à l'alimentation est apparue. D'où cette démarche, qui consiste à inscrire ce droit dans la constitution en y adjoignant la notion d'une «alimentation adéquate» et le droit «d'être à l'abri de la faim».

Evidemment, d'aucuns objecteront, et avec raison, que les magnifiques droits fondamentaux inscrits dans la constitution ne sont pas opposables. C'est là une lacune particulièrement dommageable. Elle est atténuée néanmoins par l'affirmation contenue à l'article 41 de cette même constitution, qui stipule que ces droits «doivent être respectés, protégés et réalisés», et par cette autre mention cruciale, à l'article 43, qui déclare que «l'essence des droits fondamentaux est inviolable». Aussi, en dépit du caractère non opposable des droits fondamentaux, leur mention ne figure pas pour l'amour de l'art dans notre constitution. Elle est le rappel de l'essentialité de ces droits. Leur affirmation constitue un appel à mettre en place des politiques publiques et permet de fonder des prestations de l'Etat.

La crise alimentaire suscitée et accentuée par le covid a généré le besoin de consacrer le droit à une alimentation adéquate. C'est ce qui nous est présenté par ce projet de loi, qui estime nécessaire de mettre un focus particulier sur un besoin certes couvert par l'article 39 prévoyant le droit à un niveau de vie suffisant, mais noyé dans les divers aspects constitutifs de cette nécessité de couvrir les besoins vitaux des personnes en difficulté.

Affirmer le droit à une alimentation adéquate et la nécessité d'être mis à l'abri de la faim peut paraître incongru dans nos contrées, au XXIe siècle. Et pourtant, la réalité est venue bousculer nos certitudes, notre illusoire sentiment de sécurité. Après la crise du covid, la détérioration du pouvoir d'achat, consécutive aux multiples facettes de la crise économique, politique, écologique et sociale que nous connaissons actuellement, fait déjà sentir ses effets et va affecter durablement les budgets des ménages. Dès lors, mettre à l'abri de la faim, comme le revendique le projet de loi 12811, ou prévoir une alimentation suffisante ou appropriée est un impératif auquel nous ne devons pas nous soustraire; c'est une garantie que nous devons assurer à chacun, sans restriction d'origine ou de statut. Les droits fondamentaux, l'humanité, la générosité ne se chipotent pas; ils ne se prêtent pas à la ségrégation.

Pour ces motifs, notre groupe vous invite à accepter le projet de loi 12811. Je vous remercie de votre attention.

M. Yves de Matteis (Ve). Ce projet de loi vise à ancrer le droit à l'alimentation dans notre constitution, au même titre que le droit au logement, par exemple. A notre avis, ce nouvel article constitutionnel permettra à notre texte fondamental cantonal de gagner en complétude et en cohérence.

De même que la santé est caractérisée par l'OMS comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité», le droit à l'alimentation tel que visé par ce projet de loi doit non seulement permettre de faire en sorte que toute personne puisse manger à sa faim, mais il pourrait également avoir pour but de promouvoir une alimentation saine sur notre territoire. Au-delà, c'est aussi une alimentation durable, locale, diversifiée, accessible et produite dans le respect de l'environnement et des personnes qui pourrait être encouragée.

Comme le projet de loi constitutionnelle concernant la sécurité numérique, ce texte pourrait également permettre de jeter les fondements d'une future politique publique de l'alimentation, ce par le biais d'un ou plusieurs projets de lois à rédiger par la suite.

Ce projet de loi constitutionnelle ne concerne donc pas seulement les personnes qu'on a pu voir faire la queue aux Vernets pour obtenir des cartons de provisions, comme certaines personnes ont pu le laisser entendre lors des travaux de commission. C'est une problématique qui concerne l'ensemble de la population genevoise, dans un intérêt public bien compris. Cette modification devrait donc rallier tant les bancs de gauche, du centre que de la droite. En effet, une alimentation saine contribue évidemment à une meilleure santé, et donc à terme permettra aussi de contribuer à juguler les frais exponentiels des assurances-maladie, les frais médicaux en général, mais aussi à épargner les budgets des collectivités publiques.

De manière plus précise, ce projet de loi constitutionnelle pourrait encore davantage légitimer ou ancrer la promotion, dès l'école primaire, d'une alimentation saine, laquelle pourrait être encore encouragée dans les écoles, de manière appropriée aux différents ordres d'enseignement. Il est également impératif de revaloriser une alimentation de qualité, de proximité, et de retisser les liens entre la population locale qui consomme ces biens et le monde agricole; cela permettrait aussi dans le futur de souligner l'importance des métiers de la terre et le soutien nécessaire aux 388 exploitations, en 2021, du canton de Genève, en constante baisse depuis soixante ans. Je souligne en passant les conditions de travail difficiles au sein du monde agricole, avec notamment un salaire minimum fixé à 17,10 francs de l'heure pour les entreprises agricoles.

Pour toutes ces raisons, notre groupe approuvera, et même avec enthousiasme, ce projet de loi constitutionnelle et approuvera également un amendement déposé par le parti socialiste. Merci, Monsieur le président.

Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je me souviens d'un débat fort lointain et pourtant toujours actuel, le 24 septembre 2010: il s'agissait de déclasser les terres agricoles des Cherpines pour y bâtir du logement. Il nous était demandé de choisir entre deux droits fondamentaux: le logement et l'alimentation. Ces deux droits ne peuvent être et ne devraient jamais être opposables; c'est le «choix de Sophie» - et pour celles et ceux qui ne savent pas à quoi je me réfère, je leur conseille de voir ou revoir ce film bouleversant d'Alan Pakula, avec Meryl Streep face à un choix impossible.

Dès lors que le droit au logement a été inscrit au niveau constitutionnel, le droit à l'alimentation doit aussi l'être. «Le droit à l'alimentation est garanti. Toute personne a droit à une alimentation adéquate, ainsi que d'être à l'abri de la faim.» Evidemment, le terme «adéquate» doit être explicité. Pour le PDC, cette alimentation adéquate est une alimentation digne, issue d'une production saine et locale. Pour nous, il est important de le souligner. Il faut attirer l'attention sur la santé avant tout, car une alimentation se doit d'être saine, tant pour celui qui la consomme que pour celui qui la produit, et tant dans le mode de production que pour la terre et pour les animaux qui y contribuent directement ou indirectement.

Entre ce que l'on nous propose sur les étals et la saine volonté du PDC, il y a de la marge ! Inscrire cette volonté au niveau constitutionnel n'est pas anodin. Une alimentation saine est la seule à même de nous garantir à long terme notre qualité de vie et notre survie. Moins de sucre, plus de goût, plus de variété, de diversité et de biodiversité: au PDC, nous avons à coeur de défendre la qualité de vie des habitants à travers une alimentation saine, produite dans des conditions respectueuses des agriculteurs, de la nature et de notre futur. Le droit à l'alimentation ne peut être à géométrie variable; les adjectifs qui l'accompagnent sont des qualificatifs indispensables. Nous voterons avec enthousiasme ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je donnerai quelques précisions pour le groupe socialiste, parce que beaucoup a déjà été dit par notre rapporteur de majorité. Je vais donc essayer de ne pas répéter ses propos.

Je ferai quand même une remarque par rapport à la justiciabilité des droits fondamentaux. Sur ce point, je ne peux pas souscrire aux propos tenus par Jocelyne Haller précédemment, dans la mesure où, comme elle l'a dit elle-même, il y a un article 41 qui stipule clairement que quiconque assume une tâche publique est tenu de respecter, de protéger et de réaliser les droits fondamentaux. Le siège de la justiciabilité des droits fondamentaux se situe précisément dans l'article 41, ainsi que dans la précision de la formulation que nous avons choisie en commission - déjà sur la base du projet originel bien sûr, mais que nous avons précisée... (Brouhaha.) Si je peux me permettre de continuer ! Si je ne dérange personne, hein !

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez.

M. Cyril Mizrahi. Je disais donc qu'effectivement, nous avons une formulation très précise; il ne s'agit pas seulement d'un principe. Evidemment que tout droit fondamental comporte une composante programmatique, et celui-là également. Mais il y a aussi une composante de droit fondamental que nous avons décrite avec précision quand nous parlons d'alimentation adéquate. Il est clair que c'est important, ce n'est pas juste le droit d'être nourri: c'est le droit à une alimentation correcte et le droit d'être à l'abri de la faim. Nous savons donc que nous avons le soutien des associations spécialisées, comme FIAN Suisse, qui est vraiment l'association spécialiste de ces questions de droit à l'alimentation.

Il est donc évident que ces scènes de distribution de sacs alimentaires auxquelles nous avons assisté, cela ne convient pas du tout du point de vue de... Bien sûr, c'est mieux que rien, mais le droit à une alimentation dans le respect de la dignité, ce n'est pas ça; c'est que chacun, sans devoir faire une file d'attente, accède à une alimentation de qualité et soit à l'abri de la faim.

Je précise encore, par rapport à l'intervention de mon collègue de Matteis, que nous n'allons pas déposer d'amendement. Nous allons voter le texte tel qu'il est sorti de commission et je vous encourage à en faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Saudan pour deux minutes.

M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, on ne peut qu'être d'accord avec les buts de ce projet de loi et avec le fait d'inscrire ce droit à une alimentation adéquate dans notre constitution. Mais moi, je n'ai qu'un seul souhait: c'est que cela permette, par le biais de politiques publiques incitatives, de modifier les habitudes alimentaires de notre population. Parce que notre plus grand problème, ce n'est pas du tout l'insécurité alimentaire: c'est l'obésité, c'est la suralimentation - en particulier de malbouffe ! Il ne faut pas se tromper de cible: deux tiers de la population masculine adulte à Genève sont en surpoids. L'obésité est le plus gros problème de santé publique à l'heure actuelle partout, sous toutes les latitudes. Alors oui, inscrivons ce droit à une alimentation adéquate dans notre constitution, mais ne nous trompons pas de cible !

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Je crois qu'un gros mélange se fait entre beaucoup d'éléments. Ne pas laisser les gens mourir de faim, c'est ce que dit déjà notre Constitution fédérale, qui, depuis quelques décennies, donne l'obligation à l'Etat de garantir le minimum vital. C'est le principe de base, un principe de la Constitution fédérale, qui, quelque part, doit s'appliquer.

Maintenant, je vois qu'on veut étendre ce principe par un droit à l'alimentation. Mais il y a quand même quelque chose de dangereux. Vouloir le bien de la population, vouloir que les gens se nourrissent le mieux possible et aient certaines règles de vie favorables, d'accord. Mais est-ce à l'Etat de s'occuper de cela ? Est-ce l'Etat qui doit dire, par exemple, «ne mangez pas de viande !» ou «mangez moins de viande !» ? (Commentaires.) Est-ce à l'Etat de le dire ?

Je sais qu'il y a un parti dans cet hémicycle qui a fait ce débat, avec des interdictions de consommer tel type d'aliments. Jusqu'où ira-t-on pour le bien de la personne ? On a vu beaucoup de régimes - non pas des régimes alimentaires, mais des régimes politiques - qui cherchaient justement le bien de l'individu, et parfois, comme on le dit, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Quelque part, ce qu'on est en train de nous préparer ici, c'est la suite d'une certaine tendance sociétale, à savoir la création d'une société qui va dans une direction où l'on enlève la liberté individuelle, la liberté humaine. On amène des contraintes pour le bien de la population.

C'est ce que sera ce droit, parce que ce ne sera finalement plus un droit, mais cela va devenir un devoir ! Et on l'a très bien vu avec la discussion tout à fait symptomatique, dans un caucus, sur l'interdiction de viande, qui peut paraître anecdotique, mais qui est tout à fait révélatrice d'une certaine tendance, d'un certain penchant, pourrait-on dire, vers des attitudes au final liberticides. C'est cela que nous devons combattre. C'est ce que nous ne devons pas accepter.

C'est la raison pour laquelle le groupe MCG ne pourra pas soutenir cette norme constitutionnelle, parce que nous pensons que le respect des droits des citoyens doit primer toute chose, et si on veut améliorer les conditions de vie et améliorer l'alimentation générale, cela doit passer par l'information, par des suggestions, par quelque chose qui n'est pas obligatoire. Nous allons directement vers des obligations et vers un système contraignant, et cela, le MCG le refuse. Nous vous demandons de refuser ce projet de loi. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean-Marc Guinchard pour une minute trente.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Je n'utiliserai pas tout ce temps. Je voulais simplement rappeler à M. Baertschi que l'Etat est garant et responsable, institutionnellement et constitutionnellement, de la santé publique. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Je répète: la constitution genevoise, en son article 39, prévoit déjà que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux. Rajouter dans notre constitution que toute personne a droit à une alimentation adéquate pose des problèmes d'interprétation: comment définir et appliquer un droit à une alimentation adéquate ? L'intention est louable, mais le sens peut toutefois varier. Ce qui est adéquat pour les uns ne l'est pas forcément pour les autres. Pour les uns, le prix des aliments sera peut-être le seul critère adéquat. Pour les autres, une nourriture adéquate devrait prioritairement comporter des critères liés à l'équilibre de la santé et au renforcement du système immunitaire. D'autres critères comme le mode de culture, les conditions de travail, la production de proximité, le véganisme, peuvent être considérés comme adéquats pour d'autres encore.

Ce rajout est une intention louable, mais difficilement appréciable et difficile à mettre en oeuvre. Ce texte créerait plus de doutes et de divergences d'interprétation qu'autre chose. Encore une fois, l'article 39 de notre constitution genevoise est suffisant. Pour ces raisons, la minorité vous propose de refuser ce texte inutile, flou et difficilement applicable. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, il vous reste deux minutes.

M. Diego Esteban (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites, mais je rappelle que ce projet de loi a été pensé pour permettre à tout le monde d'avoir accès à une alimentation adéquate et à des informations liées à cette alimentation. N'est-ce pas un renforcement de la liberté individuelle que de confier à toute personne les outils qui lui permettront de l'exercer en toute connaissance de cause ? Concernant le rôle de l'Etat, le souci pour la majorité de la commission est de permettre une intervention bien avant l'arrivée d'une crise. Enfin, je rappelle que si la constitution cantonale reprend plusieurs éléments du droit fédéral dans son texte, c'est parce qu'une constitution n'est pas qu'un instrument juridique, c'est un code des principes et valeurs de notre société. L'accès à une alimentation adéquate en fait, au sens de la majorité de la commission, éminemment partie. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir ce projet de loi.

Une voix. Bravo !

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. J'interviendrai rapidement, Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour vous dire que cet article constitutionnel a son importance, puisqu'il nous permet de décliner ensuite ce droit à une alimentation adéquate - «adéquate» veut aussi dire «saine». Introduire le droit de bénéficier d'une alimentation saine et d'en avoir les moyens est en effet une modification nécessaire.

Nous devons constater que plus de 6548 personnes bénéficient encore aujourd'hui de colis alimentaires à Genève. Avant la crise covid, nous étions à environ 3500, selon les chiffres de Colis du coeur. Il y a donc un problème non seulement dans l'accès à l'alimentation, mais également dans la qualité de celle-ci; il s'agit de voir de quelle façon on peut l'améliorer. Nous avons à ce titre un intérêt tout particulier à ce que les politiques publiques concernées, en particulier celles du département du territoire et du département de la cohésion sociale, mettent en oeuvre cette disposition.

Le département de la cohésion sociale a assuré la coordination, après la Ville de Genève, de la distribution alimentaire, en pleine collaboration avec les communes et les associations, ce dont nous nous sommes réjouis. Néanmoins, cela a révélé en mars 2020 une crise alimentaire ainsi qu'un certain nombre de problématiques qu'il nous faut traiter.

Par ailleurs, le canton, grâce à votre soutien, a également appuyé une collaboration avec la Fondation Partage, la banque alimentaire, qui n'a jamais autant connu de besoins qu'aujourd'hui. Comme je l'ai dit, les départements concernés sont par exemple celui de la santé, celui du département du territoire pour ce qui est de l'agriculture, mais également celui de la cohésion sociale, puisque l'objectif est de mener une réflexion globale et interdépartementale s'agissant de la stratégie à mettre en oeuvre pour garantir une alimentation adéquate.

Nous estimons que ce droit à l'alimentation procède d'un enseignement que nous avons tiré et fait partie d'une évolution nécessaire que nous devons permettre à l'égard de celles et ceux qui, encore aujourd'hui, ne bénéficient d'une alimentation suffisante ni en quantité ni en qualité. Merci de votre soutien. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12811 est adopté en premier débat par 49 oui contre 43 non.

Le projet de loi 12811 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12811 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 43 non (vote nominal).  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12811 Vote nominal

PL 12740
Projet de loi de Mmes et MM. Ana Roch, Danièle Magnin, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Thierry Cerutti, Françoise Sapin, Florian Gander, André Python, Sandro Pistis, Christian Flury, François Baertschi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Suspension provisoire de l'impôt sur les véhicules en dédommagement des aménagements routiers Covid-19)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Le projet de loi 12740 est retiré par ses auteurs.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une bonne soirée, et, pour ceux qui participent, je vous donne rendez-vous demain aux Bastions à 13h45, à l'arrêt du tram, pour notre voyage dans le canton de Genève, dans la région d'Arve et lac. Bonne soirée et à demain !

La séance est levée à 19h45.