République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.

Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Jennifer Conti, Joëlle Fiss, Marta Julia Macchiavelli, Patrick Saudan, Pierre Vanek, Salika Wenger et Yvan Zweifel, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Patrick Malek-Asghar, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Je vous informe que le Bureau a décidé de lier les points 176 et 181, à savoir le PL 13043 et la M 2801. Il s'agit de deux urgences concernant l'OCAS que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2569
Proposition de motion de Mmes et MM. Claude Bocquet, Bertrand Buchs, Patricia Bidaux, Christina Meissner, Anne Marie von Arx-Vernon, Souheil Sayegh, Jean-Luc Forni, François Lance, Delphine Bachmann pour l'instauration d'un label cantonal « Egalité salariale »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Débat

Le président. Nous reprenons avec la fin des extraits et traitons la M 2569 dont le délai de traitement en commission est dépassé. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi à la commission de l'économie, s'il vous plaît.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2569 à la commission de l'économie est adopté par 46 oui (unanimité des votants).

Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).

P 1978-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Imposition des parents avec garde partagée et autorité parentale conjointe
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Débat

Le président. Nous passons au dernier point des extraits, à savoir la P 1978-B dont le délai de traitement en commission est également dépassé. L'objet est classé en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à Mme la députée Véronique Kämpfen.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Merci, Monsieur le président. La commission fiscale a traité cet objet au cours de quatre séances; il s'en est suivi une résolution de commission - votée donc à l'unanimité de la commission - adressée aux Chambres fédérales. Ce sujet a par conséquent été dûment traité, raison pour laquelle je propose, au nom du groupe PLR, de prendre acte de cette pétition et du rapport du Conseil d'Etat.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots pour vous indiquer que la commission fiscale a effectivement traité cette pétition. Elle n'était toutefois pas unanime: le groupe socialiste avait pris un rapport de minorité que j'ai déposé, mais le rapport de majorité ne l'a pas été, raison pour laquelle cet objet arrive maintenant avec un délai de traitement dépassé.

La pétition 1978 pointait du doigt un problème relatif aux couples divorcés ou séparés qui ont une garde partagée, l'autorité parentale conjointe, et ne se versent aucune contribution de part et d'autre. Eh bien dans ces cas-là, jusqu'à très récemment, l'administration fiscale appliquait le barème réduit d'imposition au parent qui gagnait le plus, ce qui était assez contre-intuitif et incompréhensible pour les contribuables. Un contribuable est monté jusqu'au Tribunal fédéral pour faire valoir ses droits et contester cette lecture de l'administration fiscale cantonale. Il a obtenu gain de cause, ce qui a conduit l'AFC à revoir sa pratique, mais pas encore de manière tout à fait satisfaisante, dans le sens où c'est au contribuable, au parent en question, de prouver qu'il contribue de façon exactement équivalente à l'entretien de l'enfant. Le fardeau de la preuve revient donc au contribuable; s'il arrive à faire la preuve qu'il contribue de façon exactement équivalente à l'entretien de l'enfant, le parent qui gagne le moins peut obtenir le barème réduit. Dans le cas contraire, s'il n'arrive pas à en faire la preuve ou s'il n'entreprend simplement pas la démarche parce qu'il n'est pas au courant, eh bien le barème réduit est toujours octroyé au parent qui gagne le plus.

C'est une situation insatisfaisante; il serait bon de corriger cette inégalité de traitement qui fait que, dans le cas de deux parents aux revenus relativement similaires qui ne versent pas de contribution d'entretien et ont la garde partagée, un seul peut bénéficier de ce rabais d'impôt et l'autre absolument pas. Raison pour laquelle le groupe socialiste souhaite malgré tout - et malgré les efforts, il faut le reconnaître, de l'administration fiscale, qui a revu ses pratiques, mais pas de façon suffisamment convaincante - le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée, cette demande sera traitée à l'issue du débat. Monsieur le député Sandro Pistis, vous avez la parole.

M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Pour notre part, nous souhaiterions quand même que cette pétition retourne en commission puisque, à première vue, des rapports n'ont pas été déposés. Différentes interventions ont été faites dans cette commission, il y a eu des prises de position. Il est un peu regrettable de ne pas avoir un retour clair sur une pétition et c'est pour ce motif que je demanderai que ce texte retourne à la commission fiscale. Merci.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je n'arrive pas à comprendre la raison de la discussion puisque c'est le rapport du Conseil d'Etat que nous traitons. La pétition a par conséquent été adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat, et c'est son rapport qui nous revient en plénière. Ce n'est donc pas la pétition, mais simplement le rapport ! Je pense que cette discussion ne sert à rien du tout. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter en premier lieu sur la demande de renvoi à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi pour six mois (article 194 LRGC) du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1978 à la commission fiscale est rejeté par 34 non contre 25 oui.

Le président. Je vous demande maintenant de vous prononcer sur le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1978 est rejeté par 39 non contre 25 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1978.

Le président. Nous en avons terminé avec les extraits; trente objets ont été traités.

R 981
Proposition de résolution de Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Alexandre de Senarclens, Jean Romain, Yvan Zweifel, Francine de Planta, Alexis Barbey, Beatriz de Candolle, Céline Zuber-Roy, Raymond Wicky, Serge Hiltpold, François Wolfisberg, Pierre Nicollier, Patrick Dimier, Fabienne Monbaron, Jacques Béné, Patrick Malek-Asghar, Bertrand Buchs, Marta Julia Macchiavelli, Marjorie de Chastonay, David Martin, Boris Calame, François Lefort, Ruth Bänziger, Yves de Matteis, Pierre Eckert : Ligne CFF Genève-Lausanne : pour une mobilité fluide et sans trous
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.

Débat

Le président. Nous passons aux urgences votées en début de session en commençant par la R 981, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. le député Murat-Julian Alder, auteur.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le 9 novembre 2021, l'incident ferroviaire dit de Tolochenaz a eu pour effet de couper le canton de Genève et le district de Nyon de tout accès par le rail au reste de la Suisse, et cela pendant plusieurs semaines. Nous tenons ici à remercier les CFF d'avoir rapidement pris les mesures d'urgence qui s'imposaient, notamment en assurant une liaison par bus entre Allaman et Morges. Nous remercions aussi les entreprises, et leurs salariés, qui ont oeuvré à la reconstruction de la ligne interrompue. Malheureusement, comme l'avait relevé à juste titre notre conseiller d'Etat chargé des transports, ce type d'incident pourrait se reproduire dans les années à venir. Contrairement aux axes ferroviaires Olten-Zurich ou Lausanne-Berne, il n'existe - hélas ! - aucun itinéraire alternatif direct entre Genève et Lausanne. C'est cette lacune ferroviaire que la proposition de résolution 981 se propose de combler.

Ladite résolution, que le groupe libéral-radical a déposée le 17 novembre 2021, procède d'une démarche entreprise avec le PLR vaudois, qui a d'ores et déjà obtenu le renvoi de son objet au Conseil d'Etat de notre canton voisin. Nous remercions aussi les représentants des groupes du Centre et des Verts qui ont rejoint les signataires de notre proposition. Il est vrai que le PLR a pour habitude de rappeler que les résolutions à l'attention de l'Assemblée fédérale doivent être utilisées de manière parcimonieuse. L'importance de l'enjeu pour notre région exige toutefois que l'arc lémanique s'adresse à la Confédération d'une seule et même voix.

Il y a plus de douze ans, l'union sacrée des partis gouvernementaux que sont le PLR, le PDC, les Verts et les socialistes a permis de convaincre le peuple genevois de réaliser le Léman Express. Cette infrastructure ferroviaire historique est un succès incontestable - nous en avons d'ailleurs encore parlé hier soir -, sauf peut-être quand il y a de la neige comme ce matin. Désormais, nous en appelons à une union encore plus grande de la classe politique genevoise afin de convaincre la Confédération, aux côtés de nos homologues vaudois, que l'arc lémanique mérite lui aussi un développement ferroviaire digne de ce nom, au même titre que les régions de Berne ou de Zurich. C'est donc avec beaucoup de plaisir que nous vous invitons à voter la proposition de résolution 981. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'en profite pour vous souhaiter, au nom de l'assemblée, un joyeux anniversaire. (Exclamations. Applaudissements.) Monsieur le député Thomas Wenger, à vous la parole.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il va de soi que le groupe socialiste soutiendra cette résolution. Notre Grand Conseil genevois doit en effet présenter un front politique commun, et celui-ci doit aussi s'étendre, mon collègue Murat Alder l'a dit, à tout l'arc lémanique - soit à nos collègues du parlement vaudois - pour faire du lobbying et demander clairement à Berne d'investir plus dans le réseau ferroviaire entre Genève et Lausanne.

On l'a notamment évoqué en rapport avec le Léman Express: à Zurich, ça fait trente ou quarante ans qu'ils l'ont compris et qu'ils font front commun - quels que soient les partis, de gauche, de droite - pour demander de l'argent, des financements à la Confédération. Qu'ils ont obtenus: ils ont créé depuis trente ans un réseau de S-Bahn absolument incroyable. Berne a suivi, puis Bâle; quant à nous, nous avons toujours plus ou moins tourné le dos à la Berne fédérale.

Depuis dix ou quinze ans, les choses ont changé puisque nous avons effectivement réussi - en faisant front commun, comme mon collègue PLR l'a également rappelé - à voter les crédits et à en obtenir de la Confédération pour construire notre Léman Express. Je l'ai dit hier et je le redis, même si ça chauffe les oreilles du MCG: ce Léman Express est un véritable succès - pas seulement pour Genève mais pour toute l'agglomération franco-valdo-genevoise - avec plus de 50 000 utilisatrices et utilisateurs par jour, et M. le conseiller d'Etat Dal Busco nous l'a aussi rappelé. Les chiffres sont implacables, et donc déclarer - je reprends les propos tenus hier soir par mon collègue MCG - que c'est un courant d'air quand on va dans les gares du Léman Express, eh bien votre discours, Monsieur Dimier, c'est du vent ! Il suffit d'aller dans ces gares pour voir le monde qui prend les trains du Léman Express, que ce soit à Genève, dans le canton de Vaud ou en France voisine.

Oui, nous devons faire front commun: il n'est pas possible que tout un réseau ferroviaire soit bloqué à cause d'un trou à Tolochenaz. A l'heure actuelle, 60 000 personnes environ prennent le train ou en descendent à la gare de Cornavin; à l'horizon 2030, 100 000 voyageurs sont prévus sur la ligne entre Genève et Lausanne, que ce soit sur des InterCity, des InterRegio, des régionaux ou le réseau du Léman Express et du RER vaudois. Nous devons donc absolument afficher aujourd'hui un front politique commun pour demander plus d'investissements à la Confédération et aux CFF afin de disposer d'un réseau ferroviaire encore meilleur et d'une vraie alternative à la voiture. C'est le seul moyen d'avoir une mobilité plus durable. Merci.

M. François Baertschi (MCG). Pour répondre une fois de plus au député Thomas Wenger, le Léman Express, c'est un flop ! C'était un flop ce matin, avec des retards considérables sur le réseau parce que ce Léman Express, bien qu'il soit en site propre, ne résiste pas à la neige. Il a des retards considérables ! Un député a pu observer trente-cinq minutes - trente-cinq minutes ! - de retard, ce qui veut quand même dire que c'est un flop à ce niveau-là, comme c'est bien évidemment un flop sur d'autres points, malheureusement.

Pour en venir à cette résolution, si le groupe MCG la soutient - et la soutient avec conviction -, nous déplorons malgré tout que le PLR, qui avait lancé... Le PLR lance parfois de bonnes idées, mais il ne va pas jusqu'au bout. C'est notamment le cas de la fameuse boucle ferroviaire: il nous a lâchés en pleine campagne ! Il a lancé le projet d'étudier - étudier, ce n'est pas grand-chose ! - cette boucle ferroviaire, et hop: il nous a lâchés en pleine campagne ! Alors c'est bien gentil, je remercie très profondément le groupe PLR d'avoir déposé cette résolution, mais j'espère qu'il ira jusqu'au bout.

Quant à la fameuse boucle qui était tellement contestée, eh bien elle correspond à la demande de la résolution ! C'est-à-dire un doublement de la voie entre Genève et Lausanne. C'est déjà un début à l'extrémité du réseau, à Genève. Je crois qu'il faut commencer à défendre les intérêts genevois et arrêter de plier devant les CFF qui n'y comprennent malheureusement rien, qui n'ont rien compris à Genève. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Genève a d'abord été reliée au réseau français et que ce n'est qu'ensuite que Cornavin l'a été au réseau suisse via Lausanne. Il faut donc renouer avec la primauté de Genève, la primauté des intérêts genevois, et aller dans cette direction.

Nous soutiendrons cette résolution. Le message que nous livrons est le suivant: arrêtons avec les projets foireux tels que le Léman Express, c'est-à-dire très coûteux et avec un rapport coûts-bénéfices malheureusement insuffisant. Je n'ai pas dit qu'il était nul: le MCG n'a jamais dit qu'il était nul, mais que c'est disproportionné, mal adapté et que ce n'est pas ce qu'il faut pour Genève. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous voulons en revanche des transports publics, des transports ferroviaires de qualité, mais qui soient bien étudiés. C'est cela qui est nécessaire pour Genève et c'est pour cette raison que nous soutiendrons avec conviction cette résolution...

Le président. Merci.

M. François Baertschi. ...en souhaitant qu'elle ne soit pas abandonnée en cours de route. Merci, Monsieur le président.

M. Jacques Blondin (PDC). Au PDC, nous allons évidemment soutenir cette résolution. Je voudrais juste faire un rappel historique: il y a plus de quarante ans que la problématique de cette ligne Genève-Lausanne a été identifiée. Entre-temps, il y a eu les transversales alpines et d'autres projets à Genève, et les milliards de la Confédération sont plus partis vers la Suisse alémanique que vers la Romandie. Il est donc grand temps de poser des questions et de mettre la situation en avant à Berne, mais c'est effectivement à nos élus genevois sous la coupole de faire le job pour que nous puissions, de manière homogène, négocier avec la Berne fédérale en évitant les Genfereien habituelles, quand parfois certains groupes n'arrivent pas à s'entendre avec d'autres.

Et puis profitons aussi de cette résolution pour nous poser la question de cette métropole lémanique. Swissmetro a été discuté il y a pas mal d'années; c'est une hypothèse. La temporalité va évidemment être bloquante dans cette affaire: si on doit discuter de projets à quarante ans, ça va être long. Je pense que le projet de la résolution, c'est d'aller beaucoup plus vite et je me réjouis, à cet égard, d'entendre les propos de M. Dal Busco. Le PDC soutient donc fermement cette résolution. Merci.

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts remercie le PLR d'avoir pris l'initiative de déposer cette résolution. Il l'a cosignée avec plaisir, en particulier parce que le texte qu'on adresse à Berne est pour une fois justement de compétence fédérale. C'est donc un message fort que nous devons faire passer.

Vous le savez, le train a un bilan carbone incomparable à tous les autres. C'est un facteur 4 pour tous les trajets en train qui sépare ce mode de transport de la voiture en particulier; le ferroviaire sera par conséquent très important pour l'avenir des transports, tant pour les trajets courts que pour les destinations plus lointaines. Tous les adeptes de la mobilité électrique doivent en effet savoir que le passage à une voiture électrique ne réduit les émissions que de 50% environ. Dans le futur, cette ligne Genève-Lausanne sera donc très importante pour les passagers - pour accompagner le développement de l'arc lémanique, pour les trajets vers Morges, Lausanne, mais également Berne, Zurich ou encore pour desservir toute l'Europe du Nord et l'Europe de l'Est, avec probablement aussi un retour des trains de nuit.

Elle sera en outre fondamentale, et on l'a peu mentionné jusqu'à maintenant, pour le transport de marchandises qui est en très forte croissance et qui va continuer à croître. Il faut savoir que sur cet axe transitent d'importantes quantités de légumes que l'on achète ensuite tous les jours dans les commerces, mais aussi du ciment, du bois - et bientôt, on l'espère, encore plus -, tous les colis que nous commandons sur internet, etc., etc. Cette ligne arrive aujourd'hui clairement à saturation: il n'y a plus assez de sillons si bien que tout se bloque à la moindre anicroche, parfois pour quelques heures, parfois, comme on l'a vu, pour quelques semaines.

Genève est donc bien trop vulnérable avec son raccordement actuel au reste de la Suisse et il est extrêmement important de remédier à ce problème. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Parce que c'est bel et bien en développant une offre de transports en commun de qualité que les gens feront le choix de renoncer à la voiture. Quant au tracé de cette future ligne, les Verts préféreront qu'elle puisse se réaliser sans dommage ni emprise sur les surfaces agricoles...

Le président. Merci.

M. David Martin. ...et naturelles, et pourquoi pas plutôt sur la partie occupée aujourd'hui par le réseau routier. Merci beaucoup.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les cantons suisses alémaniques, et surtout leurs grandes métropoles Zurich, Berne et Bâle, ont en effet compris depuis longtemps comment trouver des financements à Berne. On a vu comment Zurich a financé son métro et toutes ces véritables oeuvres d'art, car avec les problèmes liés au franchissement de la Limmat, ça a été un véritable exploit technologique - j'ai eu l'occasion de visiter les chantiers, c'était impressionnant. Eux, ils ont compris et ils ont su développer leur réseau. Nous, à Genève, nous sommes toujours en retard d'une guerre et il s'agit aujourd'hui de rattraper ce retard à l'échelle nationale. Bien que nous soyons l'un des maillons importants du pays, nous voyons des faiblesses à l'heure actuelle - au niveau de l'arc lémanique également.

Le groupe UDC soutiendra la résolution déposée par le groupe PLR et autres signataires demandant d'inscrire dans la planification ferroviaire, à l'horizon 2035, la construction d'un tracé alternatif et d'une troisième voie en surface ou en sous-sol. On peut effectivement se poser la question d'enterrer le chemin de fer - on l'avait envisagé lors d'un projet de métro entre Genève et Lausanne. Ça peut véritablement être une possibilité sur l'ensemble du tracé entre Genève et Lausanne.

En ce qui concerne le Léman Express, que j'ai pris ce matin, j'ai été atterré de voir les retards accumulés de trente-cinq minutes à Genève-Champel, puis le train s'arrêter à Cornavin au lieu de continuer jusqu'à Coppet, privant ainsi les voyageurs de la suite de leur trajet. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a de nombreux retards et annulations de trains - sans d'ailleurs que les voyageurs en soient informés. J'espère, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous ferez le nécessaire pour que ces problèmes soient résolus. Le groupe UDC votera cette résolution. J'ai dit, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à M. le député Bertrand Buchs pour une minute et quarante-huit secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je m'interroge sur le débat, parce que j'entends toujours les mêmes paroles depuis dix ans, c'est-à-dire: il faut agir à Berne. Et depuis dix ou quinze ans, on n'a rien fait pour avoir une deuxième ligne de chemin de fer entre Lausanne et Genève. Tous les jours - ce n'est pas seulement quand il y a un trou à Tolochenaz, mais tous les jours - les trains ont du retard ! J'ai une assistante médicale qui vient de Lausanne et il n'y a pas un jour où elle n'est pas en retard ! Les personnes qui attendent à la gare de Lausanne ne savent par ailleurs absolument pas si le train va arriver ou pas.

Il y a donc tous les jours des dysfonctionnements sur cette ligne parce que, comme l'a très bien dit M. Martin, elle est complètement surchargée. Ce n'est pas dans dix, vingt ou trente ans que vous allez avoir un problème: c'est dans peu de temps que cette ligne ne pourra plus fonctionner et que les gens ne pourront plus l'emprunter pour se déplacer. Les gens vont donc reprendre leur voiture pour se rendre au travail: ça ne sert à rien de prendre le train puisque le train est aléatoire; vous ne l'avez jamais à la même heure, vous ne savez jamais quand.

Et puis j'aimerais quand même dire ici, puisque j'ai la parole, que je fustige la prise de position des CFF, qui ont été en dessous de tout dans cette affaire. Ils n'ont présenté aucune excuse et donné aucun dédommagement aux personnes qui ont perdu des heures de travail et ils ne se sont pas excusés auprès du gouvernement genevois. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ça fait plaisir, et aussi bizarre, de voir votre parlement parfaitement unanime sur un objet. Mais c'est pour la bonne cause, et vous avez bien raison de montrer cette belle unanimité. Comme vous avez pu le constater - plusieurs d'entre vous l'ont relevé - les gouvernements vaudois et genevois se sont manifestés extrêmement vite dans le cadre de cette affaire. Nous sommes intervenus auprès du Conseil fédéral pour demander précisément qu'on porte une attention bien plus forte à cette problématique; en ce sens, le trou de Tolochenaz a été un révélateur. Chacun a ainsi pu réaliser ce qui peut arriver si un accident de ce type se produit - il s'est produit et va se reproduire; il a donc été un révélateur.

Je pense que la prise de conscience a été forte, elle a été importante, pas seulement parce que la métropole lémanique est le deuxième pôle de développement économique du pays, mais parce que c'est une évidence. Et je dois dire que nous avons été tout à fait surpris - ma collègue Mme Gorrite, du gouvernement vaudois, également -, mais agréablement surpris, par la réaction de Mme Sommaruga qui nous a très rapidement invités à une réunion pour échanger sur ces problèmes. La prise de conscience de la cheffe du DETEC, tout comme celle de l'Office fédéral des transports, est à mon sens très forte suite à cet incident.

Alors que va-t-il se passer maintenant ? La planification ferroviaire se fait par étapes: tous les cinq ans environ, on attribue quelque 6 milliards de francs à l'amélioration de l'infrastructure. C'est à peu près ce que nous permet de faire le fonds d'infrastructure ferroviaire, alimenté d'approximativement 1,2 milliard par année, qui doit être réparti sur l'ensemble du pays. Ce pour quoi nous plaidons, gouvernements vaudois et genevois, c'est pour une plus juste répartition mais aussi un effet de rattrapage. Outre la particularité que cette ligne entre Genève et Lausanne est la seule liaison ferroviaire entre deux grandes villes à ne pas bénéficier d'une redondance, le degré de vétusté sur ce tronçon est effectivement assez conséquent.

Il y a la volonté d'améliorer tout ça: on a par exemple commencé à le faire, il y a une quinzaine d'années, entre Coppet et Genève lorsqu'on a ajouté une troisième voie qui aujourd'hui sert pour le Léman Express. C'est à peu près la même chose qui est prévue entre Morges et Allaman à l'horizon 2035, soit une troisième voie, pour un investissement de 700 millions environ, mais dans une logique, entre guillemets, de «rapiéçage», c'est-à-dire qu'on rajoute un petit tronçon après l'autre. Force est de constater qu'avec l'avancement de l'urbanisation sur tout le tracé, ce sera de plus en plus difficile de réaliser ces projets. Il y aura des recours, les délais seront extrêmement longs, et c'est pourquoi un tracé nouveau, alternatif, qui a déjà fait l'objet d'un certain nombre d'études prospectives, doit être maintenant privilégié; on doit mettre en place cette solution.

Il faut par ailleurs veiller à ce que les prochains investissements, notamment ceux qui sont déjà acquis - les 700 millions dont je vous parlais -, aient ce qu'on appelle une compatibilité ascendante. Il ne faut pas que ces 700 millions soient investis dans une logique de rapiéçage: il faut qu'ils soient investis pour que l'ouvrage que l'on va réaliser entre Morges et Allaman soit compatible avec une nouvelle ligne; ce montant devra peut-être - et même certainement - être augmenté. C'est l'idée et je pense que c'est ce vers quoi on se dirige.

La résolution que vous vous apprêtez à voter avec une belle unanimité est le pendant de celle que le Grand Conseil vaudois a votée. Ce sont donc deux textes importants, qui vont vraiment donner une assise très forte à notre action, et je ne peux que vous remercier et remercier les auteurs de l'objet pour cette initiative - initiative coordonnée entre les deux parlements. On l'a fait au niveau des gouvernements et c'est très bien que ça se fasse au niveau des parlements. Ensuite, on verra évidemment comment les choses se dérouleront. Il faudra développer tout le travail de lobbying et les alliances. Cette problématique a d'ailleurs été mise en exergue - et soutenue - par la Conférence des transports de la Suisse occidentale, soit les cantons, représentés par les conseillers d'Etat chargés des transports; nous avons donc aussi le soutien de cette conférence. On va par conséquent dans le bon sens et je vous remercie vivement pour votre soutien.

Je voudrais me permettre, Monsieur le président... J'avais envie de le faire hier soir à la faveur d'un texte qui était traité, où on a entendu pour la énième fois les sempiternelles, comment dirais-je, doléances et critiques formulées par M. Baertschi, du MCG. Il a recommencé aujourd'hui; ça devient franchement pénible, Monsieur Baertschi. Ce matin, il y a effectivement des problèmes... (Remarque.) C'est pénible; c'est totalement faux et gratuit, à dire la vérité ! (Remarque.) Vous vous affichez en expert de la chose ferroviaire mais en réalité, vous ne faites qu'aligner des contrevérités et des absurdités ! Ce que je voulais donc vous dire, c'est qu'il y a effectivement des problèmes sur le réseau aujourd'hui, mais pas seulement sur celui du Léman Express. Les informations sur la situation sont en train de nous parvenir... (Remarque.) ...et c'est l'ensemble des réseaux de transports qui sont aujourd'hui affectés, vous le voyez bien. Je suis venu en tram; j'ai eu la désagréable surprise d'être stoppé à un carrefour parce qu'il y avait des voitures en travers, au demeurant pas équipées pour l'hiver... (Remarque.) ...ce n'est donc pas toujours la faute des transports publics. Heureusement d'ailleurs que notre réseau de transports publics, en particulier de trams, se développe et le LEX également: c'est justement grâce à ça que la circulation n'est pas totalement congestionnée. Toujours est-il que mélanger un objet qui concerne les grandes lignes et la liaison au reste de la Suisse avec des histoires de boucles qui n'ont strictement rien à voir et le Léman Express, c'est vraiment du n'importe quoi ! En général, je ne tiens pas ici, devant vous, des propos musclés, disons - je suis beaucoup plus modéré -, mais là, à dire la vérité, il y en a franchement un petit peu marre. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que l'usage veut qu'on ne s'exprime pas après le conseiller d'Etat; en l'occurrence... (Protestations.) Laissez-moi terminer ! ...en l'occurrence, Monsieur Baertschi, vous avez été cité nommément et je vous accorde vingt à trente secondes pour répondre, mais ce n'est pas pour amorcer un nouveau ping-pong.

M. François Baertschi (MCG). Non, je ne me permettrai pas. Et contrairement au magistrat, je serai respectueux de ses propos. Si je respecte tout à fait sa vision des choses, je remarque que l'inverse n'est pas vrai. Nous avons des opinions différentes; je crois que le débat démocratique veut qu'il y ait un respect réciproque entre les députés et le Conseil d'Etat, quelles que soient...

Le président. Merci.

M. François Baertschi. ...les opinions des uns et des autres. Je respecte votre opinion; je ne suis pas du tout d'accord avec vous, néanmoins je vous écoute...

Le président. Merci.

M. François Baertschi. ...et je prends note de vos idées et de vos opinions.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur la prise en considération de ce texte.

Mise aux voix, la résolution 981 est adoptée et renvoyée à la Confédération suisse par 78 oui et 2 abstentions.

Résolution 981

PL 13043
Projet de loi de Mmes et MM. Sylvain Thévoz, Diego Esteban, Badia Luthi, Nicole Valiquer Grecuccio, Glenna Baillon-Lopez, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Xhevrie Osmani, Caroline Marti, Jean-Charles Rielle, Daniel Sormanni, Jocelyne Haller, Amanda Gavilanes, Pierre Vanek, Boris Calame, Alessandra Oriolo, Marjorie de Chastonay, Marta Julia Macchiavelli, Didier Bonny, Philippe de Rougemont, Ruth Bänziger modifiant la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales (LOCAS) (J 4 18) (Pour une garantie du versement des prestations aux retraités le premier jour ouvrable de chaque mois)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 11 et 12 novembre 2021.
M 2801
Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Vanek, Pablo Cruchon, Jean Burgermeister, Salika Wenger, Daniel Sormanni, Jean Batou, Bertrand Buchs, Rémy Pagani, Jocelyne Haller, Claude Bocquet, Patrick Dimier, Patricia Bidaux, Olivier Baud, Nicole Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Grégoire Carasso, Didier Bonny, Nicolas Clémence, Caroline Marti, Glenna Baillon-Lopez, Xhevrie Osmani, Marjorie de Chastonay, Marta Julia Macchiavelli, Boris Calame, Philippe de Rougemont contre des fins de mois difficiles arbitrairement prolongées par l'OCAS
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 11 et 12 novembre 2021.

Premier débat

Le président. Nous passons aux urgences suivantes. Je dis «aux urgences», car il s'agit de deux points liés: le projet de loi 13043 et la proposition de motion 2801. Ils sont classés en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à M. Sylvain Thévoz, auteur du projet de loi.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le 26 octobre 2021, l'OCAS - l'office cantonal des assurances sociales -, vous vous en souvenez sûrement, par lettre circulaire, annonçait à ses plus de 60 000 bénéficiaires que le paiement des rentes allait être repoussé au sixième jour ouvrable, ce qui impliquait des versements pour l'année 2022 jusqu'au dixième jour, si on compte les jours fériés et les week-ends. Il y a eu une levée de boucliers; les bénéficiaires ont été particulièrement choqués. Le ton de la lettre était abrupt. L'OCAS rappelait même qu'il pouvait techniquement opérer les versements jusqu'au vingtième jour du mois, ce qui a provoqué un mouvement de panique chez certains aînés, certaines personnes en situation de précarité n'ayant que cette rente pour vivre, ou principalement celle-ci, avec des conséquences, vous pouvez l'imaginer, sur le paiement du loyer, de l'assurance-maladie et de toutes les factures mensuelles qui allait être mis à mal par une décision administrative tombant d'une manière abrupte dans un courrier que nul n'avait vu venir.

L'AVIVO, l'association de défense et de détente des aînés, a été la première à monter au front pour s'insurger. M. Thierry Apothéloz, magistrat, a ensuite fait part de son indignation. L'OCAS a pu s'exprimer notamment sur «Léman Bleu», sans véritablement prendre la mesure de cette décision, sans non plus s'excuser, reconnaissant une erreur de communication, mais tardant à prendre des mesures pour, je dirais, rectifier le tir. L'OCAS mettait en avant la machine, l'informatique qui l'empêcherait dorénavant de faire les versements comme c'était l'usage au premier jour ouvrable de chaque mois.

Mesdames et Messieurs, les deux objets qui nous sont soumis visent à revenir à la méthode antérieure, c'est-à-dire à un versement au premier jour ouvrable. Dans un courrier du 30 novembre, l'OCAS rectifie le tir, fait un pas dans la bonne direction en annonçant que désormais, il effectuera les versements au quatrième jour ouvrable, ce qui implique quand même des versements effectifs parfois jusqu'au sixième jour - par exemple les premières rentes de 2022 arriveraient le 6 janvier. Cela ne nous semble pas encore suffisant, d'autant plus que si l'OCAS a pu reculer du sixième jour ouvrable au quatrième, pourquoi ne pas revenir au premier jour ? Là, l'OCAS dit que ce n'est pas possible: «L'informatique nous en empêche.» Toujours cette même réponse. Le basculement sur un nouveau système informatique qui concerne 17 caisses cantonales sur 26 oblige l'OCAS à décaler ces versements. Nous pensons que si l'OCAS a pu revenir du sixième jour au quatrième, il est encore possible de faire un bout du chemin. En tout cas, nous devons entendre l'OCAS sur la manière dont cela s'est fait et dont cette décision a été prise. Pour rappel, le conseil d'administration n'a pas été, semble-t-il, informé, alors que la loi l'y oblige. Le Conseil d'Etat n'a pas été informé non plus. La communication a été déficiente, et nous ne sommes pas, à ce jour, persuadés des explications de l'OCAS.

L'AVIVO est montée au front, mais, vous le savez très bien, les rentes ne concernent pas que les aînés: elles concernent aussi l'assurance-invalidité, et, là aussi, dans le nouveau courrier du 30 novembre, il n'y a pas véritablement de prise en compte de ce pan-là, de ces personnes qui touchent l'AI. Quel a été l'impact sur les institutions ? Quel est l'impact sur les curateurs ? Quel est l'impact sur une série d'institutions qui verront les versements décalés en raison d'une décision abrupte qui s'appliquera dès le 6 janvier 2022 ?

Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons et d'autres encore que d'autres personnes pourront exprimer, nous vous invitons à voter sur le siège la motion qui demande au Conseil d'Etat de tout faire pour que l'OCAS revienne à un versement au 1er du mois et à renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi qui, lui, inscrit dans la loi sur l'OCAS - la LOCAS - l'obligation...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Sylvain Thévoz. Je termine, Monsieur le président. ...d'effectuer ce versement au premier jour ouvrable.

Peut-être encore un mot. Ce qui a particulièrement choqué, c'est que cette décision qui concerne des aînés, des retraités, des personnes touchant l'assurance-invalidité et qui a été prise de manière abrupte - s'il faut lui trouver, je ne dirais pas un point positif, mais un élément dont nous devons nous inspirer - révèle le fait que la précarité sociale est telle que, pour ces personnes-là, décaler de dix jours le versement de la rente, c'est véritablement les mettre dans des difficultés extrêmes. Ce sont plus de 60 000 personnes qui vivent à Genève sans ressources, sans réserves et qui, par une décision administrative, se trouvent dans la plus grande difficulté. Merci donc de voter la motion sur le siège et d'accepter le renvoi du projet de loi à la commission des affaires sociales.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci. Vous ne voulez pas donner la parole à l'auteur de la motion d'abord ?

Le président. L'auteur de la motion est M. Pierre Vanek, qui est absent.

M. Bertrand Buchs. D'accord.

Le président. Suivent M. Pablo Cruchon, qui a quitté la salle, M. Jean Burgermeister, qui a quitté la salle...

M. Bertrand Buchs. Bon, alors je prends volontiers la parole !

Le président. ...Mme Salika Wenger, qui est absente, puis M. Daniel Sormanni. Donc si M. Sormanni veut présenter la M 2801, je lui donne volontiers la parole. Sinon, elle est à vous, Monsieur Buchs.

M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup. Je la prends volontiers. Il est vrai qu'au début de cette affaire, le parti du Centre - PDC - s'est associé avec les autres partis pour protester contre la façon de procéder et la décision de verser les rentes des personnes âgées le 6 du mois, mais nous avons par la suite obtenu les explications que nous avions demandées sur la raison pour laquelle les versements seraient effectués le 3, et ces explications nous conviennent.

Il faut simplement savoir que lorsque quelqu'un décède le premier jour du mois à 0h01, la personne a le droit de toucher la rente du mois qui vient. Sa famille touche donc sa rente AVS. En revanche, si quelqu'un décède une minute avant la fin du 31 ou du 30 du mois, si on verse la rente le 1er du mois, on va la verser à tort à la famille, et il faut ensuite récupérer l'argent. Le problème se situe uniquement là. Les risques de ne pas pouvoir récupérer l'argent sont trop grands, ce qui fait que tous les organismes qui versent des rentes, notamment AVS, comme le font les caisses privées comme la FER, versent le troisième du mois pour pouvoir modifier dans leur système informatique les données en fonction des trois premiers jours du mois qui se sont écoulés. C'est tout simplement cela le problème. Par ailleurs, verser le 3 ou le 4 du mois, si on est dans un week-end, est tout à fait suffisant.

Il aurait fallu l'expliquer d'une manière beaucoup plus claire. Il aurait fallu ne pas faire paniquer les personnes âgées, et la façon de procéder a été tout à fait scandaleuse, mais le Conseil d'Etat a pris les bonnes décisions, a négocié et a trouvé une solution qui, pour nous, est satisfaisante. Par conséquent, nous ne voterons ni le projet de loi ni la motion et nous ne voterons pas non plus le renvoi du projet de loi à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le courrier de l'office cantonal des assurances sociales de fin octobre annonçant à ses bénéficiaires le retardement du versement des rentes au sixième jour ouvrable du mois, contre le premier jusqu'à présent, a suscité à juste titre le tollé que l'on sait. Cette lettre a mis en avant que cet office était coupé de la réalité du terrain, agissant hors sol et sans prendre la peine de consulter notamment les associations qui soutiennent tout au long de l'année les bénéficiaires qui font appel à leur aide. Il est vrai que l'office n'a même pas informé son conseil d'administration, ce qui veut tout dire.

Depuis cette annonce, le dossier a évolué, puisque le délai de versement a été ramené, dans un premier temps, au quatrième jour ouvrable, puis au troisième. Une solution jugée acceptable par le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz et également acceptable, mais pas satisfaisante, par l'AVIVO, qui bénéficiera d'un financement pour accompagner les personnes mises en souffrance par ce changement.

Alors tout va bien dans le meilleur des mondes, Genève restant malgré tout parmi les cantons qui versent le plus rapidement les rentes ? L'avenir le dira. Mais, en attendant, ce couac a démontré une méconnaissance de la réalité à laquelle une partie des personnes de notre canton au bénéfice d'une rente est confrontée, certaines d'entre elles se trouvant sur la corde raide à chaque fin de mois.

Les Vertes et les Verts entendent tirer quelque chose de positif de ce cafouillage. La députation Verte souhaite renvoyer directement la motion au Conseil d'Etat pour manifester sa désapprobation quant à la manière dont ce dossier a été traité par l'OCAS, et le projet de loi à la commission des affaires sociales afin de procéder à des auditions. Elle pourra ainsi mieux appréhender la situation d'une partie des retraitées et retraités de notre canton. C'est le moins que notre parlement puisse faire pour les 62 000 personnes dont la rente est versée par l'office cantonal des assurances sociales. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Jean Burgermeister, vous pouvez prendre le temps de parole réservé à l'auteur pour présenter la M 2801.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Je ne fais que remplacer modestement l'auteur, Pierre Vanek, qui n'a pas pu venir. Il aurait évidemment souhaité pouvoir défendre cette motion. Je me rallie à la proposition qui a été faite de renvoyer le projet de loi en commission, mais de voter la motion sur le siège, parce qu'il y a une urgence manifeste à exprimer le désaccord de ce parlement face à une décision aussi arbitraire que bureaucratique, qui complique concrètement et de manière importante la vie de nombreux retraités, peut-être 10 000, 20 000, 30 000 retraités sur les 60 000 qui perçoivent les rentes OCAS, qui se trouvent dans une situation véritablement précaire.

Dans le fond, c'est cela que la modification arbitraire et bureaucratique de l'OCAS a révélé: c'est ce grand nombre de personnes, de retraités en situation de précarité pour qui la fin d'un mois et le début de l'autre sont un jeu de jonglage permanent et terrible; ces personnes qui se sont retrouvées dans un véritable désarroi lorsque l'OCAS a affirmé, du jour au lendemain, et pour le moins sans prendre de gants, que les rentes seraient désormais perçues le sixième jour ouvrable, c'est-à-dire, comme cela a été relevé par M. Sylvain Thévoz, le huitième ou neuvième jour, parfois même le dixième jour du mois.

La proposition qui nous est faite, l'accord trouvé et présenté par l'OCAS comme un compromis acceptable - c'est-à-dire de verser la rente au quatrième jour ouvrable, ce qui signifie, on l'a dit, pour certains mois, le cinquième ou le sixième jour -, manifestement ne satisfait pas. Et on ne peut pas dire, Mesdames et Messieurs, qu'un problème technique empêche de verser les rentes plus tôt, puisque, jusqu'à maintenant, c'était fait ainsi. Cela veut dire que c'est possible, et il est impensable que les prestations à la population s'adaptent aux services, aux ressources techniques plutôt que l'inverse. Il faut que l'OCAS se dote d'outils qui lui permettent de délivrer les prestations dans les temps requis - et qui étaient ceux en vigueur jusqu'à très récemment, ce qui montre que cette manière de procéder est possible. Par ailleurs, je m'étonne vraiment de ce fonctionnement terriblement bureaucratique, où des entraves techniques sont prises comme prétexte pour compliquer la vie des gens, à l'insu d'ailleurs du conseil d'administration de l'OCAS, et à l'insu, d'après ce que j'ai compris, du Conseil d'Etat lui-même, qui s'en est offusqué.

Tout cela interroge fondamentalement et je pense que voter cette motion, c'est aussi rappeler ce que sont les services publics qui doivent être, précisément, au service de la population, qui doivent répondre aux besoins, aux besoins prépondérants de la population, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes qui se trouvent dans une situation de précarité. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter sur le siège cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Ce n'est plus la peine: mon collègue a exprimé tout ce qu'il y avait à dire, et je n'aurais pas le temps de dire ce qu'il aurait fallu ajouter. Merci.

M. Jean Burgermeister. Mais si, parce que j'avais le temps d'auteur ! Toi, tu as le temps du groupe. C'est pour ça que j'ai pris la parole ! (Commentaires.)

Le président. Madame la députée, je vous rappelle que le groupe Ensemble à Gauche dispose encore de quatre minutes de temps de parole.

Mme Jocelyne Haller. Bien, je vous remercie. J'aimerais juste insister sur le caractère arbitraire de cette décision; le fait que l'on invoque encore aujourd'hui l'informatique comme prétexte pour ne pas pouvoir servir une prestation due à la population est une insulte à l'intelligence. On nous a souvent servi ce prétexte. Aujourd'hui il n'est plus acceptable.

Ce qui semble particulièrement choquant dans cette situation, c'est que les personnes ne peuvent pas faire le joint, elles ne disposent pas des ressources suffisantes pour pouvoir tenir d'un mois à l'autre si on rallonge les délais. Certains évoqueront le fait que celles et ceux-là bénéficient de prestations complémentaires cantonales: effectivement, mais ces prestations sont versées à partir du 10 du mois. Et cela n'est possible que parce que les rentes OCAS sont, elles, versées dès le premier jour ouvrable. Alors retarder encore le versement des rentes, c'est imposer une translation de tous les paiements vers la deuxième semaine, c'est reporter une grande partie de la circulation de l'argent dans notre canton. Accessoirement, relevons que les créanciers de ces personnes apprécieront.

Quant à l'argument selon lequel retarder le versement des rentes permet de s'assurer de la conformité des informations dont disposerait l'OCAS, il paraît spécieux: en quoi le report de cinq jours ouvrables rendrait-il l'information en question plus précise ? Les décès et autres changements de situations influençant le montant des rentes seraient-ils plus nombreux en fin de mois ? Cela paraît étonnant. Créer de tels inconvénients pour les bénéficiaires de rentes pour un tel motif n'a pas de sens, d'autant moins que les problèmes liés à ces changements de situation peuvent se régler, le cas échéant, le mois suivant.

Cela étant dit, créer un nouveau service, imposer aux rentiers qui seraient en difficulté le fait de devoir faire appel à l'AVIVO, imposer à celle-ci une nouvelle prestation à assurer à ses membres ou à ses non-membres, pour répondre à une décision technocratique totalement hors sol et hors de propos n'a pas de sens. Finalement, on se tape sur le ventre en disant qu'un accord a été trouvé, alors qu'en fait l'Etat va devoir payer l'AVIVO pour effectuer une prestation dont il n'y aurait pas eu besoin si simplement le versement des rentes au premier jour ouvrable avait été maintenu.

C'est pourquoi notre groupe, comme cela a été indiqué précédemment, vous demande de voter cette motion immédiatement en la renvoyant au Conseil d'Etat. Nous accepterons que le projet de loi soit renvoyé à la commission des affaires sociales pour examen, mais il aurait mérité, lui aussi, un vote sur le siège. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Je ne vais pas répéter tout ce qui vient d'être dit, mais en effet, nous-mêmes, au sein de notre secrétariat, nous avons été noyés dans les e-mails de nos membres les plus âgés qui se retrouvaient potentiellement dans des situations difficiles. Il faut donc effectivement agir là-dessus.

Maintenant, s'agissant des deux objets, le groupe UDC soutiendra la motion, parce que, pour nous, il semble légitime aujourd'hui d'agir, même si on reconnaît que le Conseil d'Etat a déjà pris les choses en main, qu'il a déjà répondu et qu'une solution pérenne semble avoir été trouvée. Toutefois, pour nous, à ce stade, il convient d'apaiser ce débat en votant cette motion, pour obtenir une réponse qui finalement confirmera la solution trouvée.

En revanche, le projet de loi est parfaitement inutile et même trop rigide. Je verrais mal qu'on inscrive dans la loi une telle rigidité. Si à l'avenir, pour telle ou telle raison, on avançait encore ce délai, il faudrait automatiquement repasser par un projet de loi, qui pourrait être contesté pour une histoire de dates. Non, moi je pense qu'il faut quand même avoir une certaine souplesse. Ce qu'il s'est passé, oui, c'est regrettable pour nos retraités, avec tous les problèmes que cela a causés, mais, pour nous, il ne faut surtout pas inscrire cela dans la loi, d'autant plus si des solutions ont réellement été trouvées: on obtiendra la réponse au travers de la motion. Le groupe UDC en restera là et vous invite à faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à M. le député André Pfeffer pour une minute et quarante-cinq secondes.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas ajouter grand-chose à ce que vient de dire mon collègue. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il y a vraiment eu un couac du point de vue de la communication et surtout s'agissant des raisons pour lesquelles ce report a été justifié. Mais j'aimerais quand même relever deux points.

Premièrement, cette situation est liée à un problème informatique. Le service a entièrement refait son système informatique, avec l'aide de dix-sept ou dix-huit autres cantons. C'est un projet qui a été étudié pendant six ans et dont l'exécution a duré six ans également. Il est donc vraiment très très étonnant que notre Conseil d'Etat tombe des nues trois jours avant la mise en application d'un tel projet. Cela montre un peu la qualité du travail et surtout du suivi du travail.

Le deuxième point qu'il faut relever, c'est que, malgré tout, la responsabilité de ce service consiste aussi à régler ce type de problèmes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Actuellement, les propositions qui ont été faites, c'est que, s'agissant du paiement de la rente, on passe du sixième jour du mois au quatrième jour...

Le président. Merci.

M. André Pfeffer. ...puis au troisième jour. Pour finir, ils ont prévu une mesure d'accompagnement social...

Le président. Il faut conclure.

M. André Pfeffer. ...avec l'aide de l'AVIVO. Donc, s'il est nécessaire de faire plus...

Le président. Merci.

M. André Pfeffer. ...c'est quand même dans un tout premier temps la responsabilité...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. André Pfeffer. ...de la fonction publique. C'est pour cette raison que...

Le président. Je vous remercie.

M. André Pfeffer. ...nous refusons le projet de loi, mais acceptons la motion.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont déjà été dites. Cette affaire montre bien qu'il y a eu un problème à la tête de cet office pour qu'on en arrive à des décisions aussi aberrantes: verser les rentes le sixième jour, alors qu'elles arrivent sur le compte des bénéficiaires au mieux deux jours après le versement... Rendez-vous compte des situations problématiques auxquelles cela peut mener !

Evidemment, ce qu'il serait intéressant de savoir, c'est ce qui a généré cette problématique. Un problème informatique ? Non, laissez-nous rire ! Le problème informatique se passe entre la personne qui est assise sur la chaise et l'ordinateur qui est posé sur le bureau. Ce n'est pas l'informatique. L'informatique, on lui fait dire ce que l'on veut. Malgré les progrès de l'intelligence artificielle, c'est quand même encore les êtres humains qui programment ces systèmes et qui font les choses ensemble !

Des questions sont ouvertes et j'espère qu'on pourra y répondre à la commission des affaires sociales - j'ai d'ailleurs déposé une question écrite urgente à ce sujet: quand a-t-on décidé cette réforme du système informatique ? Par quel organe ? Avec quelle légitimité ? Quel était le cahier des charges pour ce nouveau programme ? Parce qu'il était peut-être prévu qu'on retarde le paiement. Quelle procédure a été mise en place ? Est-ce que cela a fait l'objet d'un marché AIMP ? Quel est le coût de cette réforme ? Pourquoi un mandataire... J'ai l'information que c'est un mandataire français qui a réalisé cette réforme ! Est-ce que le cahier des charges a été respecté dans son intégralité ? Ce sont toutes des questions qu'il faudra évidemment traiter et auxquelles nous attendons qu'on réponde d'une manière tout à fait adéquate.

Ce qu'il se passe est inadmissible ! Dire aux gens: «Désormais vous aurez votre rente une dizaine de jours après le début du mois !», ce n'est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs le MCG a signé la proposition de motion et le projet de loi. Nous renverrons donc bien sûr cette motion au Conseil d'Etat et le projet de loi à la commission des affaires sociales pour obtenir des réponses adéquates aux questions qui ont été posées par les uns et les autres ici, et notamment à celles que j'ai posées à travers ma question écrite urgente. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Serge Hiltpold (PLR). Je crois qu'il faut garder la tête froide par rapport à ce projet de loi, parce qu'on nage complètement dans le délire en voulant légiférer sur une date de paiement ! J'aimerais juste vous rappeler un élément, d'abord sur l'office cantonal des assurances sociales. Que fait cet office ? Il délivre 140 000 versements mensuels pour un montant de 1,6 milliard. C'est la tâche qui lui est attribuée. Le problème n'est pas du tout de nature informatique: c'est une réflexion de bon sens qui implique, comme l'a relevé mon collègue Buchs tout à l'heure, de vérifier les éléments nécessaires avant de verser la rente. Ce n'est pas du tout un problème informatique. Et en réalité, c'est ce qu'il se passe pour pratiquement toutes les caisses des autres cantons et les caisses privées: vous vérifiez l'état de la situation avant de procéder au versement. Cela peut être un déménagement, le décès d'un conjoint, le décès de la personne, et vous évitez ainsi aux collaborateurs de l'OCAS un travail inutile de modification a posteriori, en leur permettant de le faire a priori. C'est ça ! C'est simplement une mesure qui a trait au fonctionnement et qui relève du bon sens. Donc quand j'entends qu'on ne délivre pas la prestation... En fait, c'est tout le contraire ! On va pouvoir utiliser ces collaborateurs pour faire autre chose qu'un contrôle a posteriori. Ne mélangeons pas les choses ! Si vous voulez vraiment rendre l'OCAS plus efficient pour les bénéficiaires, il faut justement changer ce système. Et c'est un système de bon sens !

En revanche, je vous rejoins sur le fait que la communication n'a pas été bonne. Sur ce point, on est tout à fait d'accord. Cela aurait pu être mieux réalisé. Mais maintenant, il faut être pragmatique. Ce délai a été ramené au plus court pour permettre de bonnes vérifications. Donc si vous voulez vraiment aller au fond des choses, je vous demande simplement de ne pas travailler dans l'émotionnel et de garder la tête froide en renvoyant ces deux objets à la commission de contrôle de gestion pour pouvoir traiter certains éléments confidentiels, parce qu'à la commission des affaires sociales, à mon avis, ça n'a aucun sens. Il faut renvoyer ces deux textes à la commission de contrôle de gestion ou alors les refuser. Mais il faut procéder dans un esprit constructif.

En conclusion, le groupe PLR vous demande de renvoyer ces deux objets à la commission de contrôle de gestion pour qu'on fasse toute la lumière sur cette affaire et pour que vous soyez rassurés quant au fait que ce sont des pratiques conformes, pleines de bon sens et qui vont dans le sens de l'efficience des collaborateurs, pour les assurés et l'ensemble de la population. Parce que ce sont de vraies réformes, qui sont efficientes. Merci beaucoup.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Il est pris bonne note de votre demande. Monsieur François Baertschi, vous avez la parole pour une minute trente-cinq.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Derrière cette affaire, il y a plusieurs scandales qui se cachent: le premier, c'est que les retraités doivent subir des retards de paiement, ce qui est véritablement inacceptable; le deuxième concerne la société qui a mis en place ce système informatique. Il semblerait - une question écrite urgente a été envoyée à ce sujet, nous attendons avec impatience la réponse - que ce soit une société française...

Une voix. Ah ! Haha ! (Exclamations. Commentaires.)

M. François Baertschi. Eh oui ! Encore une ! On va chercher tous les services hors du canton du Genève ! Dans les réponses transversales, nous avons appris que les fournisseurs de certains départements sont à plus de 50%, voire plus de 60% situés hors du canton ! C'est un véritable problème pour l'économie genevoise. Les entreprises genevoises doivent payer des impôts, mais on ne les choisit pas pour faire du travail. Donc ça, c'est aussi un problème, on marche sur la tête dans cette république. Je vous remercie de soutenir les deux propositions législatives. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme la députée Jocelyne Haller pour une minute et vingt-quatre secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Hiltpold que c'est quand même la première fois que je l'entends se préoccuper à ce point du confort des employés d'un service cantonal. Ce n'est pas du tout le sentiment que j'ai eu hier lorsque nous traitions les projets de lois connexes. Ce n'est pas non plus ce que j'aurais entendu dans le cadre du budget, si nous avions pu le traiter.

Cela étant dit, aujourd'hui, quand on nous parle de ce confort-là - et Dieu sait si notre groupe est soucieux des conditions de travail du personnel des services publics ! -, lorsqu'il y a 60 000 rentiers, dont un grand nombre ne disposant pas des moyens de faire face à ce délai et à ce changement d'habitude dans leur manière de gérer leur budget, qui vont être affectés par cette décision et qui vont subir un préjudice, ce qu'on est en train de nous dire, c'est que ça arrange l'administration, ça arrange le personnel, alors que je ne crois pas que le personnel soit en difficulté par rapport à cela. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Jusqu'à maintenant, ces rentes étaient versées le premier jour du mois, sans que cela pose de grands problèmes. Et encore, je le répète...

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. ...s'il doit y avoir des corrections à apporter, celles-ci s'effectuent simplement le mois suivant. Alors ne venons pas rendre plus difficiles les conditions de vie...

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. ...d'une partie de la population qui rencontre déjà de grandes difficultés, simplement pour honorer une décision...

Le président. Merci, Madame la députée...

Mme Jocelyne Haller. ...purement technocratique.

Le président. ...c'est terminé. Je rends la parole à M. le député Sylvain Thévoz pour trois minutes et treize secondes.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je répondrai peut-être juste à MM. Buchs et Hiltpold, qui semblent convaincus que le fait de décaler le versement des rentes va mettre fin à tous ces calculs difficiles, liés à des décès, à des déplacements, et va donc permettre d'effectuer des versements plus précis. C'est peut-être en partie vrai - nous devrons étudier cela à la commission des affaires sociales -, mais ça ne l'est pas forcément, parce que si les gens n'annoncent pas nécessairement un déménagement, un décès ou une séparation, l'OCAS continuera à verser des rentes qui ne seront pas exactes et il y aura de toute façon des mécanismes de rectification. M. Buchs prend un exemple où, si une personne décède à 23h59, la rente est versée, mais si elle décède à 0h01, la rente n'est pas versée; mais de toute façon, entre le moment du décès, l'annonce à l'OCAS et le traitement, il y aura des décalages, des inexactitudes, des rectifications à apporter. Alors oui, peut-être réduira-t-on la marge d'erreur - et encore, ce n'est pas sûr. A notre avis, il est préférable de renforcer la manière dont les bénéficiaires communiquent avec l'OCAS, la manière dont sont transmises les informations et dont elles sont traitées. Pour ce faire, il serait plutôt intéressant de mieux communiquer avec les bénéficiaires. Or force est de le constater, l'OCAS a fait tout l'inverse finalement: il a décidé d'une méthode de façon «top-down», sans prendre le temps de consulter et de s'appuyer sur les bénéficiaires.

Enfin, on pourrait imaginer que s'il peut, en cinq jours, grâce à une action de concertation, ramener le versement de la rente du sixième jour ouvrable au quatrième, il peut le ramener au deuxième ou au premier. Mais peut-être - vous avez raison, Monsieur Hiltpold - faudrait-il des moyens différents, davantage de personnes pour traiter les données, pour en garantir une exactitude la plus parfaite possible.

Nous ne pensons pas que ce soit aux aînés, aux personnes en situation d'invalidité d'être la marge d'adaptation, d'être la marge de manoeuvre de la machine informatique, de la machine qui effectue les versements. Le message donné par l'OCAS est désastreux. Il est important de voter cette motion sur le siège et de renvoyer le projet de loi à la commission des affaires sociales pour pouvoir se poser ces questions, comme l'a très bien dit M. Sormanni: comment a été décidée l'entrée dans ce système ? Comment en a été évalué l'impact ? Il faut que les personnes qui ont pris ces décisions puissent en répondre et nous éclairer sur ces points qui ne sont à ce jour pas encore totalement clarifiés. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons encore une fois, non pas à renvoyer cette motion ou le projet de loi à la commission de contrôle de gestion, comme le propose le PLR, mais à voter la motion sur le siège et à renvoyer le projet de loi à la commission des affaires sociales. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à M. le député Bertrand Buchs pour deux minutes et dix secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe du Centre - PDC - va s'associer au PLR pour demander le renvoi à la commission de contrôle de gestion, parce que le débat montre bien qu'il y a une question de fond sur la décision qui a été prise, sur la façon dont elle a été prise et sur les discussions qui ont abouti à cette décision. Là, il est juste que les députés puissent poser des questions et obtenir des réponses, qu'ils obtiendront beaucoup plus facilement à la commission de contrôle de gestion - puisque nous avons accès à tout - qu'à la commission des affaires sociales. Maintenant, je répète que les caisses privées paient au troisième jour, chaque mois; cela se passe sans problème, simplement pour la raison - comme l'a très bien exprimé M. Hiltpold - qu'un contrôle a priori des rentes permet d'éviter un travail supplémentaire et inutile impliquant des pertes financières, qui, d'une façon ou d'une autre, vont rejaillir sur les prestations qu'on pourrait allouer à d'autres bénéficiaires en matière d'assurances sociales. Tous les cantons suisses - dix-sept cantons - procèdent ainsi, et la raison est purement technique et administrative. S'agissant de l'autre problème, qui est un problème de fond concernant la façon de communiquer, la façon de décider, et les relations avec le Conseil d'Etat et d'autres services, nous sommes entièrement d'accord d'en discuter à fond à la commission de contrôle de gestion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de donner la parole à Mme Danièle Magnin, je l'informe qu'elle a vingt-trois secondes à sa disposition.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. (L'oratrice rit.) Les paiements tardifs entraînent des frais de rappel. Et les frais de rappel, cela ne profite ni à l'industrie ni à l'économie du pays. Je voudrais simplement mentionner le sophisme de la vitre cassée de Frédéric Bastiat, qui dit que la destruction n'aboutit à rien. Et là, on détruit la confiance que les gens peuvent avoir...

Le président. Merci.

Mme Danièle Magnin. ...et leur argent, puisqu'ils ont des frais de rappel. Voilà, j'ai fini, merci.

Le président. Merci. C'était très ponctuel, Madame la députée. Je rends la parole à M. le député Jean Burgermeister, auteur, pour une minute et quatre secondes.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Le député François Baertschi disait qu'il y avait plusieurs scandales cachés dans cette affaire. En réalité, il y en a un principalement, c'est la précarité, la pauvreté, qui frappe des dizaines de milliers de retraités dans ce canton, pour qui le recul de quelques jours du versement de la rente entraîne des situations extraordinairement compliquées d'un point de vue financier, pour ce qui est de payer les différentes factures; des gens qui se retrouvent parfois après une vie de travail dans une situation extraordinairement précaire. C'est cela, le principal scandale de cette affaire, et c'est cela qui avant tout doit interpeller ce parlement ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est à cette question-là que nous devons apporter des réponses en priorité !

Le président. Merci.

M. Jean Burgermeister. Alors l'idée, comme le veut la droite, que tout cela est secondaire, à côté du bienfait d'efficience...

Le président. Merci.

M. Jean Burgermeister. ...que l'on gagnerait en repoussant la date du versement...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. ...a évidemment une fonction bureaucratique qu'on ne peut pas accepter... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)

Le président. Monsieur le député Marc Falquet, je vous prie de m'excuser, mais le groupe UDC n'a plus de temps. Je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais être relativement sobre. Il semblerait que la majorité de votre parlement souhaite pouvoir discuter de l'un ou des deux objets liés à cette affaire OCAS, qui, comme cela a été dit - le gouvernement l'a exprimé dans le cadre de son point de presse hebdomadaire -, est parfaitement regrettable. Regrettable notamment par la communication, qui a été qualifiée d'abrupte, et j'emploie également volontiers ce terme, car cette décision n'a effectivement pas fait l'objet d'une information au département. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. le député Pfeffer, il ne s'agit pas d'un service de l'Etat, mais d'un organe - l'office cantonal des assurances sociales - qui est autonome et qui peut, partant, prendre un certain nombre de décisions, ce d'autant que sa mission unique est de verser, selon les normes fédérales, les rentes AVS et invalidité ainsi que celles pour impotents.

Au-delà des questions de forme - une fois encore, le gouvernement rejoint les différentes personnes qui se sont exprimées au sujet de la difficulté que représente le fait de recevoir une telle lettre, mettant en cause notamment le paiement de son loyer selon les règles habituelles à Genève -, il y a une question de fond autour de la nécessité de reprendre le système informatique de l'OCAS, qui est bien sûr inévitablement lié aux normes fédérales. Dans ce sens, nous avions - et nous avons - besoin de faire évoluer notre système informatique. Sans évolution, nous ne pourrions évidemment pas accéder à des prestations - c'est un peu comme si je demandais à celles et à ceux qui tapotent sur leur ordinateur aujourd'hui de travailler encore sur un Commodore 64. C'est la raison pour laquelle nous devons faire évoluer ce système informatique - mais pas au détriment des rentes des bénéficiaires. L'accord trouvé, consistant à faire en sorte que le versement puisse se faire 48 heures plus tard que ce qui était pratiqué jusqu'ici, paraissait être effectivement aux yeux du gouvernement, comme aux yeux de l'AVIVO et de l'OCAS, une possibilité.

Je souhaiterais rapidement revenir sur un élément, à savoir la révélation d'une telle affaire, car oui, la question de la précarité des aînés dans ce canton se pose. En 2016, le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'établir un premier rapport sur la pauvreté à Genève, mettant en exergue cette population cible, et nous avons besoin, je l'espère avec votre accord, dans le cadre des travaux de commission, de pouvoir faire le point également sur ce volet-là et de pouvoir, gouvernement et parlement, travailler à la résolution de cette problématique que certaines et certains d'entre vous ont relevée, ce à quoi je peux me rallier.

Monsieur le président, je termine cette intervention en espérant que le projet de loi sera renvoyé en commission. S'agissant de la motion, il appartiendra à votre parlement de décider du sort que vous lui réserverez. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais d'abord voter sur la demande de renvoi du projet de loi 13043 à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13043 à la commission des affaires sociales est adopté par 46 oui contre 43 non.

Le président. La demande de M. Hiltpold de renvoi à la commission de contrôle de gestion ne concerne par conséquent plus que la motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2801 à la commission de contrôle de gestion est rejeté par 61 non contre 28 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 2801 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 35 non.

Motion 2801

PL 12862-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Bayenet, Jocelyne Haller, Françoise Nyffeler, Christian Zaugg, Salika Wenger, Pierre Vanek, Olivier Baud, Jean Batou, Emmanuel Deonna, Badia Luthi, Diego Esteban, Sylvain Thévoz, Grégoire Carasso, Nicole Valiquer Grecuccio modifiant la loi pénale genevoise (LPG) (E 4 05) (Pour mettre un terme à la criminalisation de la mendicité et amnistier les victimes de cette disposition)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Dilara Bayrak (Ve)
Rapport de troisième minorité de M. Pierre Bayenet (EAG)
PL 12881-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Jean Romain, Yvan Zweifel, Fabienne Monbaron, Jacques Béné, Raymond Wicky, Véronique Kämpfen, Alexis Barbey, Beatriz de Candolle, Philippe Morel, Charles Selleger, Jean-Pierre Pasquier, Patrick Malek-Asghar, Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, Virna Conti modifiant la loi pénale genevoise (LPG) (E 4 05) (Adaptation de l'interdit pénal de la mendicité en suite de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 19 janvier 2021)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de majorité de M. Murat-Julian Alder (PLR)
Rapport de première minorité de M. Pierre Bayenet (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Dilara Bayrak (Ve)
Rapport de troisième minorité de Mme Xhevrie Osmani (S)

Premier débat

Le président. L'urgence suivante réunit le PL 12862-A et le PL 12881-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Sans plus attendre, je cède la parole à M. Pierre Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je rappelle la situation que nous connaissons à Genève s'agissant de la législation sur la mendicité: depuis 2008, la loi pénale genevoise interdit la pratique de la mendicité sur l'ensemble du territoire cantonal.

En février 2014, une personne fut déclarée coupable de mendicité par le Tribunal de police du canton de Genève et condamnée à s'acquitter d'une amende de 500 francs assortie d'une peine privative de liberté de cinq jours en cas de non-paiement. Elle fit appel de cette décision devant la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice, alléguant notamment une violation de sa liberté de communication, de l'interdiction de discrimination indirecte et de sa liberté personnelle ainsi qu'une interprétation arbitraire de l'article 11A de la loi pénale genevoise en raison de l'absence de définition légale de la mendicité. L'instance débouta la requérante de tous ses griefs.

Elle saisit alors le Tribunal fédéral d'un recours contre la décision de la Chambre pénale d'appel et de révision, reprenant en substance les doléances formulées devant les juridictions cantonales. Dans son arrêt du 10 septembre 2014, le Tribunal fédéral rejeta sa demande, confirmant ainsi les décisions de la justice cantonale. Par conséquent, entre le 24 et le 28 mars 2015, cette personne fut placée en détention à la prison de Champ-Dollon pour non-paiement de l'amende.

Cette affaire fut ensuite portée devant la Cour européenne des droits de l'homme qui, le 19 janvier 2021, rendit un arrêt donnant en partie raison à la requérante et demandant à la Suisse, donc à Genève, de revoir sa législation en matière de réglementation de la mendicité. Cet arrêt se fonde sur les faits suivants: l'interdiction générale de la mendicité prévue par une disposition pénale constitue une exception au sein des Etats membres du Conseil de l'Europe; la sanction est grave, automatique, quasi inévitable et atteint la dignité humaine d'une personne extrêmement vulnérable sans autre moyen que la mendicité pour survivre; la mesure est disproportionnée à la lutte contre la criminalité organisée et à la protection des droits des passants, résidents et propriétaires des commerces; enfin, il existe d'autres options moins restrictives.

La réaction des autorités genevoises de poursuite pénale fut immédiate: le procureur général suspendit l'application de la loi pénale genevoise réprimant la mendicité dans les jours suivant la publication de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire en février de cette année. Or la non-application d'une loi ne pouvant être que limitée dans le temps, il est nécessaire de légiférer afin de modifier la loi pénale genevoise pour la rendre compatible, d'une manière ou d'une autre, avec l'arrêt de la CEDH.

En quoi consiste le PL 12862 ? Il formule quatre propositions de modifications de la loi pénale genevoise. D'abord, il prévoit purement et simplement l'abrogation de l'article 11A, ce qui dépénalise totalement la mendicité, non seulement l'acte de mendier, mais aussi celui d'organiser la pratique et d'instrumentaliser à cette fin des personnes mineures ou dépendantes. Il introduit en outre un nouvel article qui amnistie de toutes les sanctions ordonnées en vertu de l'ancien article 11A, rétrocède les amendes et frais d'ores et déjà perçus et dédommage les personnes ayant été mises en détention en leur versant une indemnité.

Considérant qu'il n'est pas raisonnable ni acceptable de ne disposer d'aucune législation concernant la mendicité, la majorité de la commission judiciaire et de la police vous invite à refuser ce projet de loi qui, je le répète, vise à abroger la base légale permettant de cadrer la mendicité, à amnistier de toutes les sanctions ordonnées en application de l'ancien article 11A de la loi pénale genevoise, à rétrocéder des amendes et frais d'ores et déjà perçus et à dédommager les personnes ayant été mises en détention.

Si la loi pénale genevoise est jugée trop stricte par la Cour européenne des droits de l'homme dans la mesure où elle dispose une interdiction généralisée de la mendicité sur le territoire cantonal, il n'en demeure pas moins que cadrer la mendicité est non seulement possible, mais surtout nécessaire dans l'intérêt à la fois des Genevoises et des Genevois, des commerçants, des restaurateurs et des personnes mendiantes elles-mêmes. Réglementer cette pratique aura pour effet d'une part d'éviter que des tensions, voire de la violence, n'apparaissent entre les promeneurs ou les clients des commerçants et les mendiants, d'autre part de mieux protéger les mendiants contre l'exploitation de leur vulnérabilité.

Dans un premier temps, la majorité de la commission judiciaire vous demande de refuser le PL 12862 qui abroge l'article de la loi pénale genevoise sur la mendicité; nous discuterons ensuite du second objet, le PL 12881, lequel propose une modification de cette loi permettant de cadrer la mendicité de manière proportionnelle et compatible avec l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Merci, Monsieur le président.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le 19 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt condamnant la Suisse dans une affaire très particulière. En substance, la Cour a estimé qu'une interdiction pure et simple de la mendicité telle que nous la connaissons à Genève est excessive et disproportionnée; elle a également critiqué le mécanisme prévu en droit suisse par lequel on sanctionne une personne avec une amende, puis avec une peine privative de liberté de substitution dans le cas où elle ne serait pas en mesure de s'acquitter de ladite amende.

En revanche, à aucun moment la Cour européenne des droits de l'homme n'a consacré un quelconque droit absolu de mendier comme bon nous semble, à toute heure, en n'importe quel lieu et sous la forme que l'on souhaite. En effet, les Etats membres du Conseil de l'Europe sont et demeurent libres de restreindre la pratique selon différents critères: l'endroit, la forme ou le caractère organisé, ce qui nous a d'ailleurs été confirmé par deux professeurs de la faculté de droit de l'Université de Genève que nous remercions pour leur expertise.

Le projet de loi 12881 poursuit précisément l'ambition d'adapter l'interdit pénal genevois de la mendicité aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme de même qu'aux engagements pris par la Suisse envers le Conseil de l'Europe. Il faut rappeler que, par le passé, Ensemble à Gauche avait déjà tenté de dépénaliser la mendicité à Genève dans le cadre du projet de loi 12021. La différence avec le projet de loi 12862 que ce groupe nous présente aujourd'hui, c'est que ce dernier entend en plus amnistier et rembourser les personnes à qui des amendes ont été infligées. Même Me Dina Bazarbachi, qui est célèbre pour défendre la cause des mendiants roms, nous a indiqué en commission que c'était tout simplement irréaliste.

Je ne saurais présenter mieux les choses que la rapporteure de majorité sur le PL 12021, notre regrettée collègue Anne Marie von Arx-Vernon, qui avait tenu les propos suivants à l'époque: «Ces mendiantes, ces mendiants sont sous l'emprise de communautés, de clans, de familles et de systèmes organisés. Ils sont amenés par bus, on leur promet une vie et un travail honorables alors qu'ils se retrouvent à mendier et à donner leurs recettes aux organisateurs sous divers prétextes. Ils sont aussi victimes parce qu'on les force à commettre des infractions: ils se voient obligés de se prostituer, de cambrioler et de voler. Cette loi-là ne vise pas à criminaliser les pauvres, mais à rendre visible cette criminalité qui est l'une des plus graves de notre époque ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est Interpol, Europol et Fedpol qui le disent: cette loi est un outil qui permet de contrôler la mendicité qui, souvent, est associée à d'autres formes de délits.»

En conclusion, Mme von Arx-Vernon nous expliquait que la mendicité est souvent organisée de telle manière qu'elle relève de la traite des êtres humains. Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous demandons de voter l'entrée en matière sur le PL 12881. Si le président me le permet, je commenterai tout à l'heure brièvement l'amendement déposé par les groupes PLR, PDC, UDC et MCG. Merci de votre attention.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Tout d'abord, j'aimerais remercier M. Bayenet qui n'est pas parmi nous aujourd'hui, mais qui avait déposé le PL 12862, lequel fait en réalité justice eu égard à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous ne pouvons qu'approuver ce texte, car la dignité de personnes a été atteinte par la façon dont elles ont été traitées.

Deuxièmement, Mesdames et Messieurs, il faut séparer la question de la traite des Blanches de celle de la mendicité. Un amalgame est opéré ici par la droite pour tenter de criminaliser la pratique de la mendicité. Etre mendiant n'a rien de pénal. On invoque l'argument de la traite des Blanches, mais vous savez, il y en a ailleurs et sans mendicité, hein ! Des gens qui ne sont pas mendiants sont aussi soumis à ces réseaux, donc ça n'a rien à voir avec le sujet.

Enfin, observer l'acharnement dont ce parlement fait preuve depuis une dizaine d'années vis-à-vis des Roms me désole. Il s'agit d'une communauté avec une culture, un passé, un savoir, et je trouve dommage qu'année après année, on s'en prenne constamment à ces personnes. C'est indigne, réellement, je le dis: c'est indigne ! Surtout qu'en 2008, rappelons-le, quand la droite avait déposé son projet de loi, celui-ci avait servi d'instrument de campagne électorale, ça a permis à certains députés d'atterrir à Berne, le tout sur le dos des Roms.

Ce que ces collègues nous proposent aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est la chose suivante: «Oui, on va autoriser les gens à mendier, mais en les mettant à une certaine distance.» C'est ce qu'on appelle la stigmatisation d'une collectivité ! Vous savez, il n'y a pas si longtemps en Europe, on disait de la communauté juive... (Remarque.) Oui, oui, mais je le dis, parce que les grandes dérives naissent toujours de l'accumulation de petites mesures. On commence gentiment et, peu à peu, on en arrive à de grandes dérives. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe actuellement en Europe où se déploie un discours d'extrême droite extrêmement grave. Extrêmement grave ! (Applaudissements.)

Par conséquent, je tiens à rappeler ce qui s'est passé autrefois: d'abord, on a dit aux Allemands qu'ils ne devaient pas acheter de marchandise dans les commerces tenus par des Juifs, puis on s'est mis à casser leurs magasins. A la fin, on a créé des ghettos pour la communauté juive, parce qu'il ne fallait pas qu'elle côtoie les Allemands, on a mis les Juifs de côté. Certes, on n'en est pas là, je suis d'accord avec vous, on est en Suisse, mais vous voyez quand même qu'il faut faire très attention avec les stigmatisations.

Dire aux gens: «Vous pouvez mendier, mais installez-vous à cinquante mètres», c'est absolument infect. Surtout s'agissant de personnes qui ne sont pas du tout agressives. Je suis désolé, mais moi, je n'ai jamais été importuné ! J'habite dans un quartier populaire, à la rue de Carouge, et je n'ai jamais été agressé par un Rom, au contraire: ils font un sourire, vous donnez ou vous ne donnez pas, mais ils ne gênent personne. Personne ! Je regrette ainsi que sitôt la décision de la Cour européenne des droits de l'homme publiée, la droite remette un projet de loi sur le tapis pour essayer de cadrer cette pratique.

C'est honteux, Mesdames et Messieurs, il faut arrêter de stigmatiser ces personnes. Le commerce est libre, comme vous l'affirmez vous-mêmes; quiconque peut décider de mendier, chacun est libre de le faire. Vous savez, il est possible que l'un de nous ici soit un jour amené à demander l'aumône, peut-être. Peut-être ! Alors je vous demande d'accepter l'entrée en matière sur le projet de loi 12862 déposé par M. Bayenet et de refuser le texte présenté par Murat Alder. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Ce sujet, très émotionnel, a été traité de manière inacceptable en commission. Les positions, qui se basaient peut-être sur les relais que peuvent avoir certains députés, ont été caractérisées par de vagues relents de racisme, par des propos vraiment inadmissibles envers certaines communautés. Je tenais à commencer mon intervention en dénonçant cela et je continuerai en soulignant tout ce qui ne va pas dans le PL 12881, tant dans le processus mené que dans le résultat auquel nous avons abouti.

On parle ici de pénalisation de la mendicité. Non, mais il faut se le dire: la pénalisation de la mendicité ! On cherche à interdire un phénomène, à empêcher des personnes qui n'ont pas grand-chose d'essayer de sortir de la précarité en demandant l'aumône, et si elles se font attraper, vu que la mendicité est pénale, eh bien on les amende. Il faut savoir que le taux d'opposition aux peines infligées dans ce contexte est de 100%, donc tant au niveau financier que moral, on en arrive à des situations absurdes, car l'Etat perd de l'argent en sanctionnant des personnes qui n'ont pas les moyens de payer.

Dans la mesure où ces gens ne peuvent pas s'acquitter des montants à verser, ils se retrouvent dans une situation encore plus terrible, qui est malheureusement causée par le cadre fédéral. En effet, on leur dit: «Si vous ne pouvez pas payer, eh bien vous allez vous libérer de votre dette envers la société en purgeant une peine privative de liberté de substitution.» Les personnes qui mendient se retrouvent en prison parce qu'elles ne peuvent pas payer leur amende, une amende qui leur a été infligée précisément parce que, n'ayant pas de moyens, elles cherchaient à s'en sortir en mendiant.

Ce sont justement ces circonstances qui ont été dénoncées par la Cour européenne des droits de l'homme. La question, pour certains, était de savoir comment rédiger cette loi pour qu'au final, on puisse en quelque sorte contourner cette obligation imposée par la Cour européenne des droits de l'homme et s'en sortir avec une loi bis qui, dans les faits, en revient à une interdiction générale - je reviendrai là-dessus plus tard.

Aujourd'hui, je le répète, des personnes vont en prison parce que, du fait qu'elles sont pauvres, elles ne peuvent pas régler une amende qui leur a été administrée précisément parce qu'elles sont pauvres. Il a été très compliqué pour les commissaires d'effectuer ce travail intellectuel, personne n'a remis en question l'absurdité de cette situation. C'est pourquoi je me permets de le faire maintenant.

Qu'y a-t-il d'autre qui ne va pas dans ce projet de loi ? Il y a un problème moral. On parle ici de personnes qui ne sont pas forcément des Roms. Il faut savoir que celles et ceux qui tombent dans la mendicité peuvent être des personnes souffrant d'addictions, des personnes qui se retrouvent dans une précarité extrême en attendant que le filet social vienne les aider, et c'est précisément parce que la société n'arrive pas à combler ce manque dans les temps que des gens se retrouvent à mendier dans la rue.

Il faut encore souligner quelque chose d'important: certains députés s'en sont offusqués, mais ce n'est pas parce qu'on interdit la mendicité que la pauvreté n'existe plus, ce n'est pas parce que vous empêchez ces personnes de montrer leur misère en cherchant à s'en sortir qu'elles vont disparaître de la population. On a entendu de la bouche de certains députés - je ne citerai pas leur nom pour sauver le peu de considération qui pourrait leur rester au sein de la population: «Si ces personnes se retrouvent à mendier dans les vignes de Satigny ou de Dardagny, ce n'est pas notre problème, on ne veut tout simplement pas les voir dans les centres urbains.» Il est tout bonnement inadmissible de tenir ce genre de propos, et je suppose que les habitants de Satigny et de Dardagny seront très contents d'entendre ça.

Je finirai par le projet de loi en tant que tel ainsi que les amendements qui sont présentés: le tout est parfaitement inapplicable, les notions juridiques sont floues, on parle de «méthodes envahissantes», de «comportement de nature à importuner le public». Qu'est-ce qui importune le public ? La présence même de ces personnes, peut-être l'odeur qui s'en dégage, la couleur de leurs cheveux ? Tout peut déranger celui ou celle qui ne veut juste pas voir des pauvres, et c'est non seulement inacceptable, mais également impossible à mettre en oeuvre juridiquement.

Avec cette nouvelle version de la loi, on va clairement retourner devant la Cour européenne des droits de l'homme, on va se refaire taper dessus, parce que le texte, en posant dix conditions, en revient à une interdiction générale de la mendicité: dans les rues, dans les zones à vocation commerciale, dans les cimetières, aux abords des écoles, dans les bureaux de poste, dans les banques, etc. Au final, cela revient à proscrire de nouveau la mendicité, donc la loi va clairement se faire retoquer par la Cour européenne des droits de l'homme. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité ad interim. Aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est qu'on criminalise la pauvreté. Le droit de mendier est un droit fondamental, mais celui de ne pas avoir à mendier l'est plus encore. A défaut de pouvoir garantir à tout individu une protection qui lui épargne le recours à l'aumône, il nous faut régir la question de la mendicité. Ici, nous sommes confrontés à deux projets de lois. Il y a d'abord celui de M. Bayenet, le PL 12862, qui requiert une mise en conformité du droit genevois avec l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme et qui considère que notre arsenal juridique nous permet déjà de lutter, si nécessaire, contre les formes dévoyées d'exercice de la mendicité telles que les sollicitations agressives ou la traite des êtres humains. J'aimerais insister sur le fait que la manière dont M. Alder a décrit tout à l'heure les gens qui sont contraints de mendier, les faisant passer pour des criminels, est inacceptable; c'est une forme de stigmatisation qui condamne toute une catégorie de la population, c'est indigne de ce que nous pouvons et devons attendre de ce parlement.

Le texte proposé par M. Bayenet est frappé au coin du bon sens et empreint d'humanité, ce qui n'est pas le cas du second, mais il a malheureusement été rejeté au profit de celui-ci, qui apparaît sous la signature de M. Alder. Le PL 12881 prétend adapter la loi genevoise, mais rend au final l'exercice de la mendicité impossible par la mise en oeuvre d'une forme d'exclusion territoriale, interdisant la pratique de cette dernière dans tous les périmètres où elle peut avoir un sens, à savoir les zones commerciales et touristiques, aux abords des bâtiments publics, dans les gares, à moins de cinquante mètres des arrêts de transports publics, à moins de cinquante mètres des bancomats, banques, postes, etc. Plus tard, cette liste a été encore élargie, ce qui est une forme d'hypocrisie pendable: le texte rend la mendicité impossible tout en feignant de se conformer à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. On parle ici de droits humains, soyons bien clairs. Avec cet objet, on rejette et on stigmatise.

Le projet de loi a été amendé, mais sa forme finale n'est toujours pas acceptable au sens du respect des personnes, de la prise en considération de situations objectives dont elles sont susceptibles de faire les frais dans leur quotidien. Un nouvel amendement général nous est parvenu hier qui se situe dans la droite ligne de ce que je viens d'exposer. Nous ne le voterons pas, parce qu'il étend encore plus le périmètre d'interdiction; nous n'accepterons pas plus la clause d'urgence qui est proposée, car non seulement il n'y a pas péril en la demeure, mais cette volonté de rendre la loi applicable au plus vite vient confirmer qu'il s'agit surtout d'exclure un groupe de population en grande difficulté.

Il faut constater que le PL 12881 n'est pas plus conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme à son stade initial qu'au sortir des travaux de commission. Le texte a pour conséquence d'infliger à des gens de manière presque automatique et quasiment inévitable des sanctions lourdes, soit des peines pécuniaires qui se transforment en peines de prison, pour le seul fait d'avoir mendié au centre-ville, sans égard pour leur vulnérabilité, la nature de leur mendicité ou le fait qu'ils ne soient ni agressifs ni intrusifs.

Les auteurs estiment qu'ils n'interdisent pas la mendicité - il faudra qu'ils nous en convainquent - et ne font que la réglementer. Cet argument est spécieux, car en réalité, ce projet de loi proscrit formellement la mendicité dans le centre urbain et les lieux de passage alors que, par essence, ce n'est que là qu'elle peut se pratiquer avec l'espoir d'un certain résultat. Ainsi, on ne laisse pas la possibilité aux mendiants d'exercer leur activité de manière conforme à la loi; on va les pousser dans les bras de la police qui, immanquablement, les sanctionnera; finalement, ils se retrouveront emprisonnés pour la seule raison qu'ils auront mendié. Or c'est précisément ce que la Cour européenne des droits de l'homme a reproché à Genève et à la Suisse !

La manière dont M. Alder décrit les personnes contraintes par leur situation à mendier est inadmissible et grossière; il devrait s'excuser envers elles et cesser de les criminaliser. La pratique a besoin d'être encadrée, certes, notamment pour protéger les mendiants eux-mêmes et leurs enfants contre les abus dont ils pourraient être victimes et surtout pour les aider à sortir de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent. Pour lutter réellement contre la pauvreté et ses causes, il faut accepter de la voir, et non la rendre invisible. Or cette invisibilisation est l'objectif poursuivi par le PL 12881, non seulement l'invisibilisation mais aussi l'impossibilité pour les mendiants de demander l'aide d'autrui. C'est indigne. Voilà pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite, Mesdames et Messieurs, à rejeter le PL 12881 et à adopter le PL 12862 présenté par M. Bayenet. Je vous remercie de votre attention.

Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de troisième minorité. Le but des auteurs du PL 12881 était de trouver un compromis entre deux extrêmes, compromis qui, comme vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, n'en est pas un. C'est une position que le parti socialiste regrette et qui nous dérange particulièrement. L'auteur du texte a ainsi affirmé que «l'enjeu sera de trouver un compromis entre la variante purement abrogatoire et la variante proposée par le PLR puisqu'il n'a pas la prétention de dire que ce projet de loi est parfait ni qu'il est conforme en tout point au droit supérieur». Celui qui est venu nous présenter l'objet en commission n'était lui-même pas convaincu de prime abord par ce qu'il proposait !

Ensuite, j'imagine qu'avoir lu la presse ces derniers jours n'aide en rien, puisque j'ai cru comprendre que la loi telle que vous vous apprêtez à la voter sera attaquable en justice. Mesdames et Messieurs, nous avons mené plusieurs auditions qui, les unes comme les autres, ont montré qu'il ne convenait pas forcément d'interdire la mendicité - je parle de l'acte de mendier, de demander quelque chose lorsqu'on connaît une réelle misère. Pourtant, ce projet de loi vise à condamner toute personne qui oserait montrer sa pauvreté et la pénibilité de sa vie en cherchant un peu d'aide et de considération. Je vous laisse y voir la signification, voire la valeur, que vous voudrez.

Les espaces listés exhaustivement dans ce projet de loi représentent somme toute l'ensemble des zones urbaines du canton, là où il y a de la vie économique, du passage, bref les endroits les plus évidents où l'on peut rencontrer du monde. Vous comprendrez qu'une personne qui a besoin de soutien ne va généralement pas le chercher sous un arbre à la campagne où il n'y a nul passage. En adoptant pareil comportement, en occultant cette misère, vous n'aidez pas les gens à sortir de la détresse qui est la leur, ce que les partenaires sociaux, eux, cherchent à faire.

Concentrons-nous sur les Roms. Les différentes auditions nous ont permis de mieux connaître cette communauté, de découvrir le travail déployé par Caritas, pour ne citer que cette association. Aujourd'hui, la communauté rom n'est perçue qu'à travers une stigmatisation, elle est considérée comme une population dérangeante. Un vrai travail est mené par les partenaires sociaux, mais également par les Roms eux-mêmes, pour expliquer à ces gens les droits communs en vigueur sur le territoire genevois, leur donner accès à toutes les activités qui permettent la survie, mais aussi leur faire respecter les usages communs dans l'espace public. C'est tout un travail sur leur intégration et leur autonomie qui est mis en oeuvre.

Un point fondamental a été relevé pendant nos travaux: la mendicité a certes besoin d'être encadrée, mais surtout pour protéger les mendiants eux-mêmes et leurs enfants contre les abus et les réseaux dont ils peuvent être victimes. Ces réseaux d'exploitation humaine se sont d'ailleurs accrus, je vous le rappelle, lorsque la mendicité a été interdite. Fondamentalement, ce sont les réseaux de traite d'êtres humains qui préoccupent bien des pays et c'est sur ce front que nous devons nous battre.

Nous disposons d'un arsenal législatif suffisamment important pour réprimander, voire punir, tout comportement dangereux et troublant l'ordre public. Le rapporteur de première minorité l'évoque de manière assez précise dans son rapport. Nul besoin d'adopter une disposition spéciale. A Genève, on veut souvent en faire plus pour montrer qu'on apporte de la valeur ajoutée. Aujourd'hui, vous vous battez contre des gens, pas contre un phénomène qui utilise et exploite ces gens, ce qui est dommageable d'abord pour ces personnes, mais également pour l'image de notre canton. Je vous invite à rejeter le PL 12881 et à accepter le PL 12862. Merci de votre écoute. (Applaudissements.)

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous refusons catégoriquement de distinguer les bons des mauvais pauvres. Au contraire, nous nous battons contre la stigmatisation de la précarité. Le sans-abrisme, le mal-logement et la pauvreté privent les individus de leur dignité, de leurs droits humains. Au lieu de fournir des solutions de logement et des aides sociales adéquates aux personnes les plus vulnérables, plusieurs Etats en Europe préfèrent les pénaliser. Ces politiques permettent de traiter les membres les plus marginalisés de la société comme des criminels.

L'arrêt récent de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Lacatus contre Suisse concerne Genève; il a permis à la pénalisation de la mendicité de faire la une des journaux. Pour la première fois, la CEDH a déclaré que l'interdiction de la mendicité violait le droit au respect de la vie privée et familiale. Cet arrêt est réjouissant, Mesdames et Messieurs les députés, mais il ne précise pas que la pratique doit être décriminalisée. La pénalisation de la mendicité condamne et avilit les personnes pauvres et sans abri; celles-ci ont peu, voire pas d'autres options que l'aumône pour gagner de l'argent.

Malheureusement, comme l'ont rappelé certains préopinants, cette politique constitue seulement la pointe de l'iceberg; d'autres mesures sont déployées en Europe et en Suisse pour punir les gens en situation de précarité et ceux considérés comme indésirables. La criminalisation engendre la stigmatisation des personnes sans abri, elle peut mener à la violence, voire à des crimes haineux. Dans l'espace public, la pénalisation des mendiants a des conséquences dramatiques pour leur dignité.

Mesdames et Messieurs les députés, l'éradication de la mendicité ne passe pas par sa pénalisation, mais par une approche plus solidaire, par un accompagnement des familles à bas revenus pour accéder aux aides et ressources. Le projet de loi du PLR, en dépit des explications de M. Conne, ne rend pas la loi pénale genevoise compatible avec l'arrêt de la CEDH. Le PS vous invite à soutenir le projet de loi de la gauche, soit le PL 12862, pour mettre un terme à la criminalisation de la mendicité. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Sophie Desbiolles pour deux minutes trente-huit.

Mme Sophie Desbiolles (Ve). Merci, Monsieur le président. Rassurez-vous, Mesdames et Messieurs, ce matin, nul besoin de réfléchir à l'origine fondamentale de la précarité dans nos sociétés, à la question de savoir d'où elle vient et comment y remédier. Les travaux de la commission judiciaire ont tranché: on ne sait pas et on s'en fout ! Installez-vous bien, accrochez-vous, admirez l'outrecuidance de la proposition: vous n'avez pas d'argent, vous mendiez pour de l'argent, on vous punit de ne pas avoir d'argent en vous demandant de l'argent. C'est tout à fait grandiose !

Toute loi interdisant la mendicité est profondément injuste. Il est beaucoup plus facile qu'on ne le pense de tomber dans la précarité, surtout dans la huitième ville la plus chère du monde, donc si cette peur ne vous a jamais traversé l'esprit, tant mieux pour vous, vous figurez parmi les bien lotis. La mendicité comme dernière option n'est pas une faute personnelle, mais le reflet de l'échec de la société dans son entier. La logique consistant à cacher la précarité sous le tapis - ah non, pardon: hors des zones à vocation commerciale et touristique ! - parce qu'on refuse de la voir est inadmissible. Sans compter qu'éloigner la misère ne la fera pas disparaître, mais renforcera la discrimination et la précarité des personnes.

Alors de deux choses l'une: soit on marche carrément sur la tête, soit le PL 12881 est un vulgaire canasson de Troie visant à criminaliser la grande précarité. Normalement, à ce stade, on aurait dû entendre le bruit des neurones qui percutent; bon, ce n'est pas le cas. Force est de constater que nous sommes face au silence assourdissant de l'encéphalogramme plat des logiques néolibérales; tant pis. (Rires.) Ne reste plus qu'à espérer qu'un jour, nous entendrons la droite atterrir dans la réalité depuis sa stratosphère de privilèges, une droite décidément très à droite, qui ne s'en cache plus, et un centre qui a bien fait de laisser tomber le «c» de «chrétien».

Pour ces raisons, merci d'accepter le PL 12862. Je demande par ailleurs le renvoi en commission du PL 12881 pour que nous puissions trouver de vraies solutions, des solutions à la fois humaines et qui prennent le problème à la racine, et non en bout de chaîne dans une logique répressive.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Il en est pris bonne note, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission. Je vais demander aux différentes personnes qui ont rédigé un rapport de majorité ou de minorité si elles souhaitent s'exprimer sur cette requête. Madame Osmani ? (Remarque.) Non. Madame Bayrak ? (Remarque.) Oui, allez-y.

Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. La dernière version de ce projet de loi n'a pas été examinée en commission, l'amendement du PLR nous est parvenu à la dernière minute, donc je voterai en faveur du renvoi en commission et j'invite tout le monde à faire de même. Nous pourrons ainsi analyser les conséquences de cette nouvelle vision, la demande d'amendement déposée hier ainsi que la dernière version du texte qui a été votée, mais pas étudiée en commission. Merci.

Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de troisième minorité. Monsieur le président, le groupe socialiste est favorable au renvoi en commission. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité ad interim. Effectivement, il semble que tous les effets que peut produire ce projet de loi n'ont pas été suffisamment mesurés, nous soutiendrons donc le renvoi en commission.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Je suis tout à fait d'accord avec le renvoi en commission. Merci.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, l'amendement PLR-PDC-UDC-MCG que j'avais l'intention de vous présenter tout à l'heure est un amendement technique. Il ne s'agit absolument pas d'une nouvelle version du projet de loi, mais simplement d'une amélioration de la structure, d'une clarification et d'une simplification du texte. Invoquer cet amendement pour justifier un renvoi en commission est une manoeuvre purement «Dilara-toire». (Rires.)

Quant au fond, Mesdames et Messieurs les différents intervenants de la gauche, je respecte votre point de vue, croyez bien que je le respecte, mais il y a des choses que je ne peux pas vous laisser dire, et j'y répondrai de manière très simple: les réseaux qui organisent la mendicité à Genève doivent vraiment se réjouir de vos propos, parce que vous faites leur jeu. Je vous invite à refuser le renvoi en commission. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Je ne suis pas rapporteur sur le projet de loi pour lequel un renvoi en commission a été sollicité, mais puisque vous me donnez la parole, Monsieur le président, je m'oppose également à cette proposition. Merci.

Le président. Excusez-moi, j'ai dû mal comprendre. Madame Desbiolles, votre demande de renvoi concerne les deux objets ou seulement le second projet de loi ? (Remarque.) Seulement le PL 12881-A, d'accord. En effet, vous avez raison, Monsieur Conne. Le Conseil d'Etat désire-t-il intervenir à ce stade ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, alors je mets aux voix la demande de renvoi en commission du PL 12881-A.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12881 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 54 non contre 38 oui.

Fin du débat: Séance du vendredi 10 décembre 2021 à 14h

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure, je suspends les débats. Nous reprendrons nos travaux à 14h. Dans l'intervalle, nous sommes attendus sur la terrasse du premier étage du CICG pour la traditionnelle soupe de l'Escalade offerte par les maraîchers genevois, que nous remercions. Bon appétit !

La séance est levée à 11h55.