République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 novembre 2019 à 20h30
2e législature - 2e année - 7e session - 37e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Grégoire Carasso, Pablo Cruchon, Edouard Cuendet, Amanda Gavilanes, François Lance, Guy Mettan, Philippe Morel, Patrick Saudan, Marion Sobanek et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Natacha Buffet-Desfayes, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Sylvie Jay, Badia Luthi, Youniss Mussa, Françoise Nyffeler et Helena Verissimo de Freitas.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Je passe la parole à M. le député Sandro Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG demande... (Un instant s'écoule.) ...demande une modification... Insérez vos cartes, s'il vous plaît ! (Rires.) ...une modification de l'ordre du jour. Voilà, merci ! (Remarque.) Ah oui, pardon: il s'agit de traiter en urgence les PL 12432-A et PL 12433-A intitulés «Présidence du Conseil d'Etat et département présidentiel». Nous sollicitons donc l'urgence sur ces objets liés.
Une voix. Bravo !
M. Sandro Pistis. Merci.
Le président. Je vous remercie. Pour que l'urgence soit acceptée, deux tiers des suffrages sont requis. Je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12432-A et PL 12433-A est adopté par 69 oui contre 15 non (majorité des deux tiers atteinte). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Nous traiterons ce point à la suite des autres urgences. (Brouhaha.) S'il vous plaît !
Des voix. Chut !
Le président. Un peu de silence !
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Yves de Matteis. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Yves de Matteis entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Yves de Matteis, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Yves de Matteis.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Dilara Bayrak. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Mme Dilara Bayrak entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Dilara Bayrak, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée suppléante au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: Mme Dilara Bayrak.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les procureurs entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Laetitia Meier Droz, M. Vincent Delaloye et M. Angelo Sole.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un magistrat du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Le magistrat entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Raphaël Martin.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, voici notre première urgence. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, mais il n'y a pas de demande de parole, donc je vous propose de vous prononcer immédiatement sur ce texte.
Mis aux voix, le projet de loi 12598 est adopté en premier débat par 67 oui et 3 abstentions.
L'article unique du projet de loi 12598 est adopté en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12598 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous traitons notre deuxième urgence, soit le PL 12604, en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, deux lois et une initiative ont été acceptées par notre Grand Conseil sur la CPEG: la loi 12404, la loi 12228 et l'initiative populaire 168 lancée par le Cartel et l'ASLOCA. (Brouhaha.) Si les gens pouvaient aller parler dehors, ce serait bien ! Avec le Cartel et l'ASLOCA, nous étions allés trouver le conseiller d'Etat pour lui demander de ne soumettre au peuple que la loi 12228; en contrepartie, nous nous engagions à retirer l'initiative. Il se trouve que le magistrat a refusé cette proposition, et c'est la raison pour laquelle les citoyens se sont retrouvés, dans un premier temps, à devoir se prononcer sur les deux lois, la 12404 et la 12228. La population a voté... (Brouhaha.) Monsieur le président, on ne peut pas travailler dans ces conditions !
Le président. Patientez une minute, le temps que le silence se rétablisse. (Un instant s'écoule.) Les personnes qui discutent sont priées de sortir !
Une voix. Chut !
Une autre voix. Il faut parler plus fort, on vous entend à peine.
M. Alberto Velasco. C'est finalement la loi 12228 qui a été acceptée. Quant à l'initiative, puisqu'elle avait été adoptée par le Grand Conseil, elle s'est transformée en loi, mais il y a eu un référendum. A l'heure actuelle, Mesdames et Messieurs, c'est la loi 12228 qui est en force. Le texte de l'initiative permettrait de modifier l'âge de la retraite des femmes, qui est passé à 65 ans avec la nouvelle loi, le faisant revenir à 64 ans.
Les principales revendications de l'ASLOCA ayant été intégrées à la loi 12228, il s'agissait pour les syndicats de prendre position, de déterminer s'ils voulaient revenir sur l'âge de la retraite des femmes. Ils se sont donc réunis et ont décidé que leur objectif avait été atteint avec la loi 12228; bien que l'âge de la retraite des femmes reste un problème, eu égard au vote du peuple et aux sommes engagées, ils ont estimé qu'il valait mieux s'en tenir à la loi actuelle.
C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, d'abroger la loi telle qu'issue de l'initiative Cartel-ASLOCA votée par notre Grand Conseil et, de fait, d'éviter au peuple de devoir voter sur un référendum qui ne nous paraît plus nécessaire. Voilà, Mesdames et Messieurs. Je vous invite par conséquent à soutenir ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Je prie les députés qui souhaitent prendre la parole de bien vouloir insérer leur carte dans le lecteur. Monsieur Pierre Eckert, c'est à vous.
M. Pierre Eckert (Ve). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, du point de vue de la recapitalisation de la caisse, de la primauté des prestations et de la répartition des cotisations, l'IN 168 est identique à la loi 12228 votée par le peuple au mois de mai dernier. Si la loi émanant de l'initiative, qui a fait l'objet d'un référendum, était soumise au vote et acceptée, la seule différence concernerait l'âge pivot des femmes, qui repasserait à 64 ans en lieu et place de 65 ans. A ce propos, la fonction publique se trouve actuellement dans une situation plutôt baroque: les femmes peuvent, ou doivent travailler jusqu'à 65 ans, mais touchent l'AVS à partir de 64 ans ! C'est bizarre, mais c'est comme ça.
Cela étant, nous considérons que le mieux est l'ennemi du bien et qu'il est plus judicieux de renoncer à soumettre ce texte à la votation populaire. Les mesures d'assainissement doivent entrer en vigueur dès le 1er janvier de l'année prochaine, si bien que ça générerait une grosse incertitude pour les affiliés de la caisse. Ne pensez toutefois pas que les Verts sont en faveur d'un âge de la retraite des femmes fixé à 65 ans.
Une voix. Ah bon ?
M. Pierre Eckert. Il est bien connu que nous préconisons une flexibilisation de l'âge de la retraite, autant pour les hommes que pour les femmes; nous sommes d'ailleurs pour une flexibilisation du travail tout court et soutenons à cet égard le revenu de base inconditionnel. Ce bémol étant placé sur la portée, le groupe des Verts vous recommande d'approuver le projet de loi.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est raisonnable que nous approuvions ce projet de loi aujourd'hui dans la mesure où, pour l'essentiel, la longue bataille pour sauver les conditions de rente des assurés de la CPEG a été gagnée, validée par le peuple, et faites-moi confiance, la chose n'était pas acquise d'avance - je vous parle en tant que député ayant siégé à la commission des finances.
Nous sommes arrivés à une solution qui satisfait la majorité populaire; si nous faisions maintenant voter - ou revoter ! - les citoyens sur la loi telle qu'issue de l'initiative qui demande grosso modo la même chose, sauf en ce qui concerne l'âge de la retraite des femmes fixé à 64 ans - question sur laquelle nous devrons certes revenir - il faudrait renégocier un certain nombre de dispositifs de la loi actuelle qui ne figurent pas dans l'initiative. C'est la raison pour laquelle nous vous recommandons d'accepter ce projet de loi qui entérine la situation présente, satisfaisante pour les assurés de la CPEG. Merci.
Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12604 est adopté en premier débat par 91 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 12604 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12604 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 91 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant de nos urgences, à savoir le PL 12496-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Hiltpold, rapporteur de majorité.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi regroupe trois contrats de prestations, conclus respectivement avec la Fondation d'aide aux entreprises - la FAE - la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, appelée communément FONGIT, et enfin l'Office de promotion des industries et des technologies, l'OPI. Ces trois contrats de prestations ont été étudiés relativement vite, je le concède, à la commission des finances, pour la période 2020-2023.
Je rappellerai les missions et les prérogatives de ces trois entités, premièrement de la FAE, qui est mise en cause par le rapport de minorité - je passerai donc un petit peu plus de temps dessus. Il y a une extension des prérogatives de la Fondation d'aide aux entreprises, et donc une augmentation du budget alloué - que vous trouvez à la page 50 du rapport - c'est-à-dire une augmentation de la subvention de 642 464 francs. La FAE, pour ceux qui ne connaissent pas cette fondation, est engagée auprès de 203 entreprises qui comptent 2664 emplois, avec un budget de 57,9 millions de francs. Les investissements de la FAE «rapportent», entre guillemets, 22,8 millions en revenus fiscaux, générés par les entreprises soutenues. La fondation a un rôle de suppléance, permettant de cautionner des investissements pour les PME. Les autres entreprises sont plutôt soutenues par l'OPI sur des projets comme celui assez emblématique du bus TOSA. Quant à la FONGIT, elle s'occupe plus particulièrement des start-ups. Ces trois entités ont été réunies dans un seul bâtiment que vous connaissez, celui de Plan-les-Ouates, au sein d'un secteur dévolu à l'innovation.
Ces contrats de prestations n'ont pas soulevé de débat majeur. Je rappellerai que pour ce qui est de l'étude de ces contrats, et surtout des rapports annuels, ces derniers sont renvoyés systématiquement à la commission de l'économie. Donc, chaque année, nous examinons point par point d'abord celui de la FAE, puis celui de la FONGIT, et enfin celui de l'OPI. Ensuite, toutes les questions qui peuvent être posées sur le «core business» de ces entités le sont généralement à la commission de l'économie. La validation de ces contrats de prestations à la commission des finances a donc été faite de manière relativement rapide, certes, parce que nous n'avons pas rencontré de problème majeur, en tout cas concernant la gestion.
Pour ce qui est de l'aspect financier, le projet de loi a été soutenu par la majorité de la commission, si ce n'est le MCG, qui avait des doutes sur la Fondation d'aide aux entreprises. Il est particulièrement dommage à mon avis de refuser ce projet de loi qui porte sur trois entités à cause de quelques questions au sujet de la FAE qui n'ont pas trouvé de réponse. Au nom de la majorité que je représente, je vous demande de soutenir ce projet de loi afin de ne pas mettre en péril ces trois contrats de prestations. De toute façon, les rapports de ces entités sont suivis chaque année par la commission de l'économie à laquelle nous pouvons demander tous les détails.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Une minorité de la commission aurait souhaité davantage d'éclaircissements, en particulier sur le fonctionnement de la FAE. Le fait que tous les groupes représentés au Grand Conseil n'aient pas de représentant dans le conseil de la FAE - contrairement à d'autres de ces commissions - donne lieu à un déficit de contrôle démocratique. Dans ces... (Brouhaha.)
Le président. Attendez, Monsieur Baertschi, deux minutes ! (Un instant s'écoule.) Voilà, c'est plus agréable.
M. François Baertschi. Dans ces conditions, le rôle du parlement cantonal est essentiel et implique un examen beaucoup plus minutieux qu'il ne l'est pour d'autres institutions publiques. Ici, cela ne fut pas le cas. Pour prendre un exemple parmi d'autres, nous avions une question concernant les pourcentages de permis G frontaliers dans le management de la FAE. Nous n'avons pas pu obtenir de réponse. Les travaux ont été expéditifs, comme ils le sont parfois dans certaines commissions. A notre sens, cela revient à ce qu'une entité échappe au contrôle démocratique qui est nécessaire, car c'est quand même l'argent public, l'argent du contribuable qui finance ces institutions; ce ne sont pas des institutions privées qui répondent à leur propre logique. Inévitablement, les citoyens et leurs représentants doivent donc avoir la possibilité d'opérer un contrôle spécifique, ce qui ne fut malheureusement pas le cas. C'est pour cela qu'à l'issue des débats, nous demandons que ce projet de loi soit renvoyé à la commission des finances. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci. Monsieur Hiltpold, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi ?
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au nom de la majorité, je vous invite à refuser ce renvoi et à voter ce projet de loi, afin qu'on puisse mettre en oeuvre ces trois contrats de prestations.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous allons donc passer au vote.
M. François Baertschi. Monsieur le président, j'ai bien précisé «à l'issue du débat» ! (Brouhaha.)
Le président. Pour les projets de lois, les demandes de renvoi doivent être votées tout de suite.
M. François Baertschi. Alors je retire ma demande !
Le président. Bien. Je donne la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je peine vraiment à comprendre les arguments du rapporteur de minorité. S'agissant de l'étude à la commission des finances et du peu de séances qu'on a consacrées à ce texte, je peux éventuellement l'entendre. Je siège à la commission de l'économie et non aux finances, mais M. Baertschi, qui a fait partie de la première, le sait très bien: chaque année, nous rencontrons la FAE, la FONGIT et l'OPI pour les rapports d'activité, nous avons l'occasion de poser toutes les questions, de nous renseigner très précisément sur les activités de ces trois organismes.
Je comprends encore moins la critique concernant la représentation populaire au sein de la Fondation d'aide aux entreprises. Effectivement, elle n'est pas parfaite: il n'y a pas précisément un représentant par parti présent au Grand Conseil, mais il y a quand même une représentation populaire. Nous avions justement à l'époque lutté contre la disparition de la représentation populaire, c'est-à-dire de la représentation par les partis politiques présents au Grand Conseil, mais elle existe toujours. Alors certes, ce n'est pas un par parti, mais la représentation se fait toujours. La critique sur ce point est donc totalement infondée, et elle l'est d'autant plus qu'en refusant le contrat de prestations pour ces trois organismes, on prend en otage les prestations et les services que fournissent ces organismes à un grand nombre d'entreprises à Genève. Tout cela sous prétexte que la représentation populaire par les représentants des partis ne serait pas parfaite, soit d'exactement un représentant par parti ! C'est totalement démagogue et c'est se moquer des entreprises genevoises qui bénéficient de ces soutiens financiers.
Il faut rappeler le rôle de ces trois organismes, puisque nous aborderons demain la question de la Banque cantonale de Genève. C'est important, puisqu'ils jouent un rôle réel dans notre économie. La Fondation d'aide aux entreprises intervient précisément là où les banques n'interviennent pas - c'est un problème qui leur appartient - puisque celles-ci demandent par exemple à de jeunes entreprises d'avoir les bilans sur au moins trois ans. Une entreprise qui n'a pas ces trois années ne sera jamais financée par une banque et c'est là que la FAE intervient, en permettant la création d'entreprises ou le développement de très jeunes entreprises. On sait que les règlements bancaires en matière de crédit sont devenus de plus en plus restrictifs et qu'il devient de plus en plus difficile pour les entreprises de bénéficier de ces crédits, qui pourtant peuvent les aider. Rappelons aussi que les PME représentent la plus grande part du tissu économique genevois... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et que c'est donc justement là où les banques ne jouent pas leur rôle d'aide à ces entreprises que la fondation, elle, le remplit.
Enfin, n'oublions pas la FONGIT qui favorise l'innovation et aide des start-ups - qui ont besoin d'un encadrement - à émerger, ainsi que l'OPI, qui promeut le tissu industriel. On sait qu'à Genève, le secteur industriel a chuté depuis des décennies...
Le président. Merci, Monsieur de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie. ...et qu'il est important pour notre canton que le tissu économique...
Le président. Merci. C'est terminé.
M. Romain de Sainte Marie. ...retrouve une part industrielle. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons l'impression à Ensemble à Gauche que ces trois institutions - la FAE, l'OPI, la FONGIT - sont des alibis pour une absence de politique de promotion industrielle. J'ai eu l'occasion d'en parler au conseiller d'Etat qui était - et qui est toujours - responsable de cette promotion, nous avons eu un échange de courriers. Je lui rappelais qu'à Genève, l'industrie pesait 11% dans le produit intérieur brut contre 18,5% en Suisse. Cela fait des décennies que le tissu industriel genevois se rétrécit et on nous amuse avec ces trois fondations et une promotion industrielle poussive. D'ailleurs, le directeur de la FAE se plaignait récemment dans la «Tribune de Genève» du fait qu'il allait recevoir 6 millions de subventions, selon le projet de loi qu'on nous soumet, alors qu'il en touchait 8,9 millions en 2010. De qui se moque-t-on ? De quoi parle-t-on ? Si vous avez eu le courage et la patience de lire les 177 pages du projet de loi, vous lirez des choses comme: «Leurs actions combinées constituent une partie importante du déploiement de la politique économique de l'Etat [...]» Ben bravo ! Si c'est une partie importante de la politique économique de l'Etat, ce n'est pas grand-chose de substantiel et de tangible pour la défense d'un tissu industriel d'avenir.
Pour cette raison, nous serions demandeurs d'un audit sérieux de la Cour des comptes sur le fonctionnement et l'efficacité de cette promotion économique, qui ressemble davantage à un faire-valoir pour le conseiller d'Etat qui en est responsable qu'à une politique sérieuse de promotion de l'économie genevoise et de son secteur industriel. Si un tel audit était réalisé, peut-être s'apercevrait-on que cela marche aussi mal que les subventions qui ont été versées à la Fondation Eclosion, sur laquelle le service d'audit interne de l'Etat, le SAI, a récemment fortement toussé.
Nous nous joignons donc à la demande de renvoi en commission pour que soit réalisé un examen sérieux de ces politiques de promotion industrielle - que tout le monde s'apprête à voter sans savoir exactement ce qui se passe dans la boîte noire. Si ce renvoi en commission n'est pas accepté, nous refuserons l'objet, non parce que nous sommes opposés à la promotion économique et à la promotion industrielle, mais parce que nous sommes contre les alibis et les faire-valoir qui ne sont vérifiés par absolument personne.
Le président. Merci. Je donne la parole à M. Hiltpold, sur le renvoi.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas accepter cette demande de renvoi en commission et à ne pas mélanger l'objet qui nous occupe avec la Fondation Eclosion, qui n'est pas concernée par ce contrat de prestations.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je vais tout à fait dans le sens du député Jean Batou, qui a mille fois raison. C'est vrai que le fonctionnement... Contrairement au député Romain de Sainte Marie, qui à mon sens, de manière idyllique, joue un peu au...
Le président. Sur le renvoi, Monsieur le rapporteur !
M. François Baertschi. Le renvoi est tout à fait pertinent, pour une raison très claire, et je pense que le Grand Conseil devrait le voter. (Commentaires.) Il suffit de voir le nombre de cafés-restaurants financés par la FAE. (Commentaires.) On nous dit que c'est financer l'industrie, alors qu'en fait on finance en grande partie des reprises de fonds de commerce. Il y a un dysfonctionnement sur de nombreux points - on en a vu deux ou trois, et...
Le président. Je vous remercie.
M. François Baertschi. ...l'essentiel, pour y voir beaucoup plus clair, c'est de renvoyer cet objet en commission, à tout prix. Je vous engage à massivement voter le renvoi, sinon à rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12496 à la commission des finances est rejeté par 70 non contre 19 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat. La parole est à M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Je suis un peu surpris par ce que je viens d'entendre de mes préopinants. A la commission des finances, on a entendu les directeurs de ces fondations, leurs discours ont été extrêmement convaincants. Ces gens effectuent un travail conséquent, qui consiste à maintenir le tissu industriel de Genève; c'est ce qui est en jeu, c'est très important. La FONGIT s'occupe des start-ups - plus de soixante ont été aidées en 2018 - et de levées de fonds, l'OPI s'occupe de l'innovation dans les PME, la FAE finance les entreprises sous forme de cautionnement, donc de garanties par rapport aux crédits. 79 ont été acceptés l'année passée. Ces trois organismes sont réunis maintenant sous le même toit à Plan-les-Ouates, ce qui favorise vraiment l'aspect organisationnel. On peut être content de leur travail, et il est nécessaire. Ces organismes remplissent un rôle important pour notre économie et méritent tout notre soutien. Au nom de l'UDC, je vous demande d'accepter ce projet de loi.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai bien écouté les différents arguments, notamment ceux d'Ensemble à Gauche et de la minorité. Du point de vue des Verts, un renvoi en commission ne se justifiait pas - du reste, ce Grand Conseil l'a refusé. M. Hiltpold, rapporteur de majorité, l'a bien dit tout à l'heure: les rapports annuels de ces entités sont étudiés et épluchés à la commission de l'économie et les contrats de prestations, ma foi, sont votés par la commission des finances. Du côté des Verts, nous avons invité nos commissaires de la commission de l'économie à bien vouloir nous faire rapport et nous leur avons transmis nos doléances sur le fonctionnement ou sur le contenu qui nous sont rapportés par ces trois entités.
Certains des Verts voteront ces contrats de prestations, d'autres s'abstiendront, comme cela a été le cas en commission. Pourquoi certains s'abstiendront-ils ? Pas parce que nous nous y opposons ou parce qu'il y aurait des doutes sur le fonctionnement de ces entités qui serait opaque: pour nous, il est important de conserver un cautionnement pour le tissu industriel genevois, mais certains s'abstiendront, parce que - et c'est un message au Conseil d'Etat - il conviendrait de revisiter les contrats de prestations en y introduisant aussi l'angle du développement durable sur la qualité des emplois créés et la qualité des entreprises qui fonctionneront sur notre territoire, qui forment un tissu de proximité. Il convient d'avoir à l'esprit aussi ces notions-là. Voilà pourquoi certains des Verts s'abstiendront, et non pas parce qu'ils refusent purement et simplement ces contrats de prestations. Je vous remercie de votre attention.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le parti démocrate-chrétien soutiendra cette politique publique. Il faut savoir qu'aujourd'hui, le succès de notre tissu industriel dépend essentiellement de son financement et que ce financement a besoin de cautions, et cette fois, c'est la caution de l'Etat qu'on apporte. La nature des risques est ainsi faite, Mesdames et Messieurs. Qui est d'accord d'engager des fonds sans savoir si la bienfacture et le succès seront garantis par telle ou telle stratégie économique ?
J'aimerais ouvrir une parenthèse sur un sujet dont on parle beaucoup en ce moment et qui est peut-être une des clés du succès de notre économie de demain, à savoir l'hydrogène. Oui, Mesdames et Messieurs, la production d'hydrogène permettra possiblement, demain, à la mobilité de se redéployer dans ce canton, et on voit que le succès passe aussi par ce genre de phénomène, c'est-à-dire qu'il faut oser. Or oser, c'est aussi cautionner. Je vous rappellerai que si aujourd'hui 2600 emplois sont soutenus par la FAE, c'est bien parce qu'il y a un succès derrière. Mesdames et Messieurs, il est important de continuer dans cette direction. Je ne fais pas partie de la commission de l'économie, mais quand on sait que chaque année un rapport est présenté auprès de cette commission, je crois qu'on peut faire confiance à celle-ci. Je vous remercie de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jacques Béné (PLR). Si ces trois organismes, Mesdames et Messieurs les députés, fonctionnent très bien et à satisfaction de la majorité de la commission de l'économie, leur fusion éventuelle avait été évoquée à un moment donné. Néanmoins, si vous regardez les sites internet de ces trois structures, vous constaterez que les objectifs sont effectivement bien différents et qu'il faut continuer à les soutenir dans la configuration actuelle. Il ne faut surtout pas avoir des considérations politiques s'agissant de la FAE. C'est de spécialistes que nous avons besoin et dont la FAE a besoin pour justement arriver à analyser concrètement les besoins des entreprises soutenues.
Si M. Batou souhaite que la Cour des comptes se penche sur l'organisation ou les objectifs que ces organismes n'atteindraient prétendument pas, notamment la FAE, il lui est tout à fait loisible d'intervenir, les interventions citoyennes sont toujours très respectées à la Cour des comptes. Mais il faut continuer à soutenir ces trois organismes. Pour les différentes entreprises soutenues, l'effet de levier est très important pour l'obtention de fonds publics. Bien sûr, on sait que les emplois ne sont pas concrètement un souci d'Ensemble à Gauche. En l'occurrence, s'agissant de la FAE, ce sont 2264 emplois qui rapportent 22 millions de francs en revenus fiscaux pour le canton. Je crois, Mesdames et Messieurs, que tout est dit.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. A la FAE, 20% des entreprises soutenues sont des cafés-restaurants, c'est-à-dire qu'un emploi sur cinq auquel on alloue un financement fait partie du domaine des cafés-restaurants. On nous parle de développement de l'industrie, de soutien pour l'hydrogène, pour les nouvelles technologies, pour tout ce qu'on veut, pour la vigueur de l'industrie ou de l'économie genevoise, et que fait-on ? Du financement de cafés-restaurants ! A-t-on besoin de spécialistes ultra ultra ultra pointus pour faire du financement de cafés-restaurants ? Je vous le demande ! Là, on rêve ! On rêve ! Je vous demande de refuser ce projet de loi, comme apparemment ce Grand Conseil ne veut pas le renvoyer en commission.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Hiltpold pour vingt-six secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rappeler quelques éléments s'agissant des projets. Il ne s'agit pas de restauration: c'est le projet TOSA développé avec ABB, celui des parcmètres intelligents avec IEM, de messagerie électronique avec Protonmail, de prothèses de colonne vertébrale avec Spineart. Ce n'est pas de la restauration, de la restauration rapide ni autre chose. On a des projets concrets, ce sont des leviers qui permettent de mettre l'innovation en place et de soutenir des investissements quand c'est nécessaire ou lorsqu'il y a des restructurations ou des redirections économiques.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité m'ôte les mots de la bouche en citant quelques beaux exemples, quelques fleurons de notre économie, que ce soient des petites et moyennes entreprises qui ont été renforcées dans leur activité par les contributions de la FAE ou des start-ups qui investissent et qui rénovent notre économie à leur façon. Les exemples cités sont tout à fait pertinents, je retiendrai notamment celui de la fabrication de prothèses de colonne vertébrale qui laissera peut-être envisager des développements intéressants, notamment dans le secteur politique, mais cela est une autre affaire.
Mesdames et Messieurs, le texte que l'on vote ce soir donne un signal extrêmement fort à notre économie, car c'est un soutien intelligent. Le député Béné l'a dit tout à l'heure: chaque franc investi a un effet de levier très important. Pas seulement parce que, c'est vrai, Monsieur de Sainte Marie, parfois les banques font défaut - mais parfois elles sont aussi au rendez-vous et on a un système intelligent de cautionnement - mais également parce qu'au-delà de l'aspect fiscal et des dizaines de millions de recettes supplémentaires, c'est de l'emploi, et de l'emploi nouveau, qui se crée grâce à ces entités de soutien.
Songeons qu'en 2030, près de 80% des emplois qu'on connaît aujourd'hui auront disparu pour muter vers de nouvelles formes de travail, orientées évidemment sur le numérique et - je m'empresse de le dire à Mme Perler - sur le développement durable. Aujourd'hui, le secteur de ce qu'on appelle les «green techs» est en pleine expansion, et oui, ces entreprises sont incitées par les organismes de soutien à la promotion économique à investir dans des économies d'énergie, dans des solutions propres et respectueuses de l'environnement. Nous aurons à coeur, je vous rassure - si c'est cela votre souci - de faire en sorte que ces préoccupations soient effectivement reflétées dans les contrats de prestations.
Pour rassurer celles et ceux qui croiraient encore que l'activité de ces organismes - pourtant largement surveillés et qui rendent chaque année, je le rappelle, un rapport qu'il vous est loisible de critiquer et sur lequel on peut poser des questions... J'aimerais rappeler que la FAE en particulier, cible des critiques du rapporteur de minorité, a fait l'objet il y a quelques années de cela - mais son fonctionnement est identique aujourd'hui - d'un rapport tout à fait correct de la Cour des comptes.
Je rappellerai aussi que dans le domaine de la restauration, on parle de 7% des aides au total: 15 sociétés actives dans la restauration sur plus de 106 dossiers dans ce domaine présentés. C'est donc un peu moins de 15% des dossiers qui ont été retenus, ce qui représente une moyenne tout à fait comparable à celles des autres cantons.
Mesdames et Messieurs, quand on voit le nombre d'entreprises soutenues ou créées, quand on voit le nombre d'emplois - ils se chiffrent en centaines - soutenus par ces organismes, quand on voit les recettes fiscales générées, on ne peut qu'approuver ce projet de loi, qui reste modeste - et c'est peut-être le seul point sur lequel je donnerai raison au député Batou. C'est un projet modeste dans son ampleur financière, mais aujourd'hui, l'enjeu principal, Mesdames et Messieurs, pour notre économie, c'est de favoriser la transition des emplois, et cela passe peut-être davantage par la formation - c'est un autre débat - que par des aspects financiers. Mesdames et Messieurs, je vous incite donc à suivre le rapporteur de majorité et à soutenir ce projet de loi comme un signal fort pour notre économie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12496 est adopté en premier débat par 66 oui contre 19 non et 8 abstentions.
Le projet de loi 12496 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12496 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui contre 19 non et 9 abstentions.
Débat
Le président. Nous continuons nos urgences avec le RD 1220-B, classé en catégorie II, quarante minutes. La parole est à Mme Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens ici en ma qualité de présidente de la commission de contrôle de gestion pour témoigner du travail sérieux qu'ont mené les commissaires dans cette situation particulièrement délicate. Il nous appartient, d'un point de vue institutionnel, de suivre les recommandations émises par la commission d'enquête parlementaire - la CEP - d'autant plus que c'est la mission que nous a confiée le Grand Conseil. Cette mission, nous l'avons assumée, et avec sérieux, en auditionnant les partenaires concernés. Dès lors - vous transmettrez, Monsieur le président - nous déplorons que le conseiller d'Etat ait jugé bon d'affirmer qu'il s'agissait d'un rapport de trop plutôt que d'entendre les recommandations que nous formulons, dans l'intérêt du personnel de la détention et des personnes incarcérées.
Nous déplorons également les propos qui ont été tenus par un haut fonctionnaire: ce dernier aurait pu adresser ses remarques, qui se veulent semble-t-il constructives, à la commission de contrôle de gestion plutôt que de s'attaquer au rapport de cette même commission. Nous retenons notamment de sa déclaration qu'il n'y a pas de défaut de surveillance. Nous nous en réjouissons et espérons qu'il en sera ainsi dans la durée ! Nous relevons cependant dans le même temps qu'il est affirmé qu'il n'existe pas de structures adéquates permettant d'accueillir les personnes qui quittent Curabilis pour une détention en milieu ouvert - soit 70% des quelque trente détenus qui sont sortis de cet établissement en une année - et que les lieux d'accueil ne seraient pas adaptés car pas assez sécurisés. Voici ce qu'il a dit, je cite, au sujet de Belle-Idée: «Un lieu ouvert, où l'on entre et d'où l'on sort sans contrôle. Il faut sécuriser et agrandir un lieu dédié à la détention en milieu ouvert.» Vous conviendrez que de telles déclarations laissent songeur ! A nos yeux en tout cas, il s'agit quand même de situations problématiques, et nous espérons que le Conseil d'Etat saura y répondre. Pour le surplus, nous déplorons à nouveau que cette personne n'ait pas sollicité la commission de contrôle de gestion au lieu de critiquer son travail, un travail qui a été accompli au plus près de la conscience de chacun et de chacune de ses membres. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur. La commission de contrôle de gestion s'est réunie à dix reprises pour étudier la réponse du Conseil d'Etat au rapport de la commission d'enquête parlementaire. Notre souci a été de voir si le Conseil d'Etat avait agi pour donner suite aux remarques de la CEP, s'il restait des problèmes ou au contraire si tout avait été réglé. Au terme des auditions, nous avons pointé différents problèmes qui nous ont amenés à émettre des recommandations. En effet, sans accuser personne, nous avons quelques préoccupations.
Le premier problème a trait à la sociothérapie. La commission d'enquête parlementaire avait insisté pour que la sociothérapie soit maintenue et pratiquée à Curabilis, éventuellement moyennant une réforme, or le Conseil d'Etat répond ceci: «Oui, on va le faire, mais on ne sait pas quand ni comment; c'est beaucoup trop tôt, on va attendre.» Pour nous, la sociothérapie est le point essentiel si l'on veut réintégrer des personnes qui purgent une longue peine, surtout celles qui peuvent poser des problèmes d'ordre psychologique. Il est essentiel de préparer leur sortie ! Pratiquer des «sorties sèches», comme on les appelle, c'est-à-dire sans sociothérapie, peut amener d'énormes difficultés pour le suivi et l'avenir de ces gens qu'on libère.
Le deuxième problème concerne Curabilis. Nous avons choisi Curabilis parce que les patients prisonniers dans cet établissement sont à peu près du type de l'agresseur d'Adeline: on y retrouve le même profil psychologique. Nous avons d'abord été étonnés du pourcentage d'absence des collaborateurs: le taux d'absentéisme atteint 12%, ce qui nous a semblé énorme. Nous nous sommes dit qu'il y avait peut-être un problème de gouvernance ou de satisfaction des collaborateurs.
Un autre élément nous a interpellés: le RD 1257 de la commission de contrôle de gestion sur la problématique «Pénitentiaire» avait très clairement recommandé de toujours intervenir à deux et d'éviter une proximité avec les prisonniers ou les prisonnières, or on s'aperçoit que les membres du personnel pénitentiaire oeuvrent la plupart du temps tout seuls et qu'il n'y a pas d'interventions en binôme. C'est une demande formulée par le personnel pénitentiaire ! Certaines fois, lorsque les effectifs manquent, c'est le personnel médical qui intervient, en binôme, alors qu'il ne bénéficie d'aucune formation sur la sécurité. On retrouve donc le même problème qu'à La Pâquerette, à savoir un problème de gestion de la sécurité.
Il existe aussi un manque de formation: on nous a dit que tout le monde était formé, mais les représentants des gardiens et gardiennes de prison nous ont appris quant à eux qu'il n'y avait pas de formation spécifique sur les troubles psychologiques. Il est pourtant important que les personnes amenées à travailler avec des détenus présentant de tels troubles puissent reconnaître certains symptômes et avoir une certaine vision des choses afin d'éviter d'être agressées. Je le dis honnêtement, nous avons entendu que beaucoup de gens n'avaient pas la formation nécessaire et qu'une des formations prévues à Fribourg n'avait jamais été suivie.
Troisième problème: la dangerosité et son évaluation. Pouvoir évaluer la dangerosité des personnes détenues dans ces lieux constituait aussi un point essentiel du rapport sur l'affaire Adeline. Cette évaluation, semble-t-il, fait fi des avis de la base, c'est-à-dire des gens qui travaillent sur le terrain et qui ont peut-être des remarques à communiquer sur le comportement des prisonniers ou des prisonnières. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je prends sur le temps du groupe, Monsieur le président ! Il est clair qu'il manque une remontée de ces informations à la direction en vue d'éviter des problèmes.
Sur le point de la dangerosité aussi, on avait vu avec l'affaire Adeline que lorsque quelqu'un est transféré en Suisse en provenance d'un autre pays, c'est la Confédération qui décide d'accepter ou non le transfert, après quoi le dossier est transmis au procureur général. Nous souhaitons pour notre part que le SAPEM, le service de l'application des peines et mesures, soit obligatoirement impliqué lors d'un transfert de l'étranger et que ce service active la commission d'évaluation de la dangerosité. C'est en effet de cette manière qu'on évitera de retrouver dans certains lieux des gens qui n'ont rien à y faire. Je vous rappelle que l'agresseur d'Adeline n'aurait jamais dû être placé à La Pâquerette et qu'on aurait dû le soumettre à une expertise psychiatrique à son arrivée à Genève, ce qui n'a pas été fait.
Un quatrième élément nous cause du souci: le soutien au personnel. Dans les situations difficiles, il n'y a pas de soutien ! Le ou la psychologue théoriquement rattaché à l'office cantonal de la détention est en arrêt maladie de longue durée et on doit donc faire appel à la structure mise en place pour la police. Nous souhaiterions qu'il existe une vraie structure psychosociale qui vienne en aide aux gardiens et gardiennes de prison chargés de ces personnes.
Dernier point: l'Observatoire des violences domestiques. Nous voudrions que celui-ci assure un suivi des récidives. Actuellement, ce sont purement des données statistiques, il n'y a pas de suivi des récidives, ni d'ailleurs de gestion des menaces, alors qu'on sait très bien que s'agissant des femmes battues, par exemple, il faut mettre en place une gestion des menaces, car les personnes concernées ont déjà eu des problèmes. Cette gestion n'est pas du tout prise en compte dans l'observation des violences domestiques.
Il doit y avoir une nouvelle discussion avec le Conseil d'Etat sur tous ces problèmes. C'est la raison pour laquelle la commission unanime a refusé ce rapport du Conseil d'Etat et demandé qu'il soit renvoyé à son auteur. Le but est de travailler ensemble à une meilleure sécurité afin d'éviter qu'un jour surgisse une nouvelle affaire Adeline. Il y a en effet eu des problèmes à Curabilis, dont un qui est traité par la justice; d'autres résultent d'une trop grande proximité entre les détenus et les gardiennes ou gardiens de prison. Je vous remercie.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la CEP a mis le doigt sur un certain nombre de dysfonctionnements, parmi lesquels la responsabilité du SAPEM et la confusion des rôles, en particulier entre les thérapeutes et les experts, l'absence quasi totale de supervision de La Pâquerette, son abandon par les HUG, qui ne la contrôlaient que par son secrétariat, l'existence d'une unité de sociothérapie pour des détenus en exécution de peine au sein d'un établissement de détention préventive, l'absence de cautèles lors des sorties, la confusion des rôles entre les sociothérapeutes et les agents de détention, et d'une manière générale le désintéressement presque total du Conseil d'Etat à l'égard d'une institution qui, malgré tous ces avatars, réalisait un travail remarquable. Dont acte.
Que s'est-il passé à la suite du terrible drame que l'on connaît, à savoir l'assassinat d'Adeline par un détenu manipulateur qui avait réussi, malgré quelques mises en garde de médecins, à tromper tout son entourage ? Un raidissement des attitudes, la suppression des sorties, la fermeture de La Pâquerette des champs et de Montfleury, la réaffectation de Curabilis et surtout la disparition presque totale de la sociothérapie. Une sociothérapie qui existe pourtant ailleurs, par exemple à St-Jean, un établissement sis dans le canton de Berne que la commission des visiteurs officiels a pu visiter à plusieurs reprises, notamment en compagnie du Conseil d'Etat, représenté par MM. Mauro Poggia et Pierre Maudet, lesquels ont semblé trouver un certain intérêt à cette démarche.
J'ajoute que la CEP elle-même a reçu le directeur de St-Jean, M. Manfred Stuber, pasteur, psychothérapeute et même - voilà qui va faire plaisir à Murat Julian Alder - officier... (Exclamations.) Ce dernier a fait une forte impression à la commission en lui présentant, sous forme de conférence, le fonctionnement de son institution et son mode de gouvernance. Chaque détenu y est placé sous la responsabilité de trois personnes - un psychiatre, un sociothérapeute et un maître socioprofessionnel - et toutes les décisions sont signées à trois, le directeur n'intervenant qu'en cas de litige. Les agents de détention ne fonctionnent que comme des membres d'un poste de police, opérant lorsqu'il y a des infractions uniquement. Faut-il ajouter que le fonctionnement de St-Jean, fondé sur trois unités progressivement ouvertes vers l'extérieur qui axent leur travail sur les stages et la réinsertion professionnelle, frise le 100% de réussite en matière de réintégration ?
Genève aurait pu tirer parti de cette expérience, d'autant que les recommandations de la CEP allaient dans ce sens, mais non, rien ! Le Conseil d'Etat a poursuivi sa politique restrictive, la tête dans un sac. L'instauration de bracelets électroniques, pourtant placée aujourd'hui sous la responsabilité du SAPEM, reste très timide, on continue à incarcérer beaucoup plus qu'à Zurich ou à Bâle et on persiste à affecter La Brenaz à de la détention administrative alors qu'elle est en chute libre dans toute la Suisse et que Favra et Frambois - qui sont des établissements concordataires - peinent à se remplir. Et comme si cela ne suffisait pas, on propose la construction d'un établissement de 450 places pour de l'exécution de peine en pleine zone agricole.
Alors oui, Ensemble à Gauche souhaite que le Conseil d'Etat tienne compte des observations de la CEP et qu'il oriente sa politique carcérale dans une direction beaucoup plus proche de celle qui est suivie par les pays nordiques et une partie de la Suisse alémanique, qui vident progressivement leurs prisons, contrairement à d'autres pays moins soucieux des droits de l'Homme et de la réinsertion professionnelle, qui eux les remplissent ! (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai brève. A l'issue de ces travaux, il a été navrant que la commission de contrôle de gestion constate que l'Etat, malgré une situation extrêmement grave, malgré les années écoulées, n'est toujours pas en mesure d'assurer pleinement la sécurité de ses employés lorsqu'ils se consacrent à leur tâche de gardiennage, que ce soit dans le cadre de la prison ou de la réinsertion.
Mon collègue Bertrand Buchs a suffisamment souligné les différents points que nous avons relevés comme n'étant pas encore résolus. Le parti démocrate-chrétien déplore vivement cet état de fait, et nous espérons que le Conseil d'Etat remédiera enfin avec efficacité et rapidité aux problématiques qui ne sont toujours pas réglées, afin d'éviter que nous devions attendre un autre drame pour prendre en main la situation et assumer nos responsabilités. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Le rapport de la commission d'enquête parlementaire faisait suite à quatre rapports ordonnés par le Conseil d'Etat, quatre rapports qui n'avaient absolument pas réussi à apaiser la situation, à apporter une transparence complète et à ramener finalement la paix à Genève. Le travail de la CEP, dont la mise en application avait été confiée au Conseil d'Etat, procédait essentiellement de la confiance dont fait évidemment preuve le parlement à l'égard du gouvernement, lequel n'a cessé de nous dire - principalement par la bouche de M. Pierre Maudet - que l'intégralité des recommandations étaient appliquées, et qu'elles l'avaient été en amont du rapport de la commission d'enquête parlementaire.
Le Conseil d'Etat nous a également indiqué qu'il existait une cellule de crise pour les collaborateurs en cas de problème, tel que préconisé par certaines recommandations de la CEP, mais il se trouve que la personne en question est en arrêt maladie depuis dix mois et qu'on ne sait pas si son poste sera reconduit.
Par ailleurs - on vous l'a dit - une formation continue a été mise en place, mais comme elle repose sur une base volontaire et qu'il n'y a pas suffisamment de personnes intéressées, elle est inopérante et inefficace.
Ce qui pose de très nombreux problèmes, dans cette situation, c'est qu'aujourd'hui encore on entend des cadres et des conseillers d'Etat expliquer que finalement tout va bien dans la république, alors que sur le terrain, ce qui se passe réellement et les différentes informations ne correspondent absolument pas à cette description idyllique. Ces éléments-là sont inquiétants, parce qu'ils font partie des prémisses qui ont créé, qui ont permis la survenue de l'affaire Adeline. Je le répète, cette dichotomie entre le terrain et la direction a posé énormément de problèmes.
J'ai également entendu le directeur médical de Curabilis, M. Giannakopoulos, expliquer que finalement tout roulait dans cet établissement. Pourtant, outre l'affaire qui s'y est produite - mes préopinants en ont parlé - et qui se trouve à l'heure actuelle devant la justice, un autre événement a eu lieu tout récemment: une gardienne s'est amourachée d'un détenu et a été dénoncée par une collègue, gardienne elle aussi. Or quelle a été la décision prise par la direction ? Cette dernière a choisi de placer la gardienne dénoncée à la surveillance vidéo de la collègue dénonciatrice lorsqu'elle s'occupe des détenus. De toute évidence, il ne s'agit pas là d'une bonne gouvernance !
J'ai par ailleurs entendu à la télévision un conseiller d'Etat dire qu'il était inadmissible que les députés fassent peur à la population. Eh bien je tiens à le rassurer: il n'y a aucune raison que le fait que les députés travaillent à la simple application des demandes qu'ils ont formulées à l'intention du Conseil d'Etat... Et ce n'est pas à ce dernier de fixer la latitude dont il dispose pour appliquer ces recommandations, mais bel et bien au parlement ! J'ai donc entendu ce conseiller d'Etat dire que ce serait anxiogène pour la population, mais je tiens à le rassurer, et du reste je trouve assez amusant que le même magistrat, la même semaine, ait décidé d'expliquer au Grand Conseil et au peuple qu'on ne maîtrisait finalement pas grand-chose en matière de terrorisme... Monsieur le conseiller d'Etat, je pense qu'il est bien plus rassurant pour les gens de savoir que les députés travaillent à l'application des mesures qu'ils ont réussi à instaurer, étant donné que les quatre rapports que vous avez commandités ont été incapables d'apaiser la population et d'expliquer ce qui s'était réellement passé à La Pâquerette. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Charles Selleger (PLR). Il est toujours délicat d'intervenir sur un sujet aussi chargé d'émotion - on le voit ce soir - une émotion qui perdure depuis six ans puisque le drame de La Pâquerette est survenu en 2013.
S'agissant du retard invoqué par certains... (Le micro de l'orateur ne fonctionne plus.)
Le président. On ne vous entend plus, Monsieur le député, votre micro a cessé de fonctionner ! (Un instant s'écoule.)
M. Charles Selleger. Ça marche, maintenant ?
Le président. Oui, c'est bon !
M. Charles Selleger. Certains se sont offusqués du fait que notre commission ait mis une année pour analyser la réponse du Conseil d'Etat au rapport de la CEP et pour rendre elle-même un rapport, mais il faut bien comprendre que, comme toutes les commissions du Grand Conseil, nous avons travaillé sérieusement et procédé à des auditions. On ne peut pas galoper sous prétexte que le temps a passé ! C'est vrai qu'une certaine période s'est écoulée, mais plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Il a notamment fallu du temps pour que la commission d'enquête parlementaire établisse son premier rapport, et la justice aussi, si on doit parler d'elle, a pris son temps, puisqu'il s'est passé plus de trois ans entre les faits et la condamnation du coupable.
Je ne vais pas revenir sur toutes les notions abondamment décrites par mes préopinants, mais j'aimerais insister sur la nécessité de la sociothérapie, car ce n'est pas un gadget, mais bien un élément essentiel. En effet, s'agissant des détenus, et particulièrement des détenus dangereux, il faut que la sociothérapie, après une phase de psychothérapie - qui peut être ordonnée par une mesure de justice ou spontanément demandée par l'intéressé - prenne le relais et place la personne incarcérée dans une situation qui lui permette raisonnablement et de façon sécurisée d'être rendue à la vie civile.
Bien entendu, d'autres points sont importants, comme la prise en considération de l'avis des agents de détention dans l'évaluation de la dangerosité. Ça semble une évidence, mais ce n'est pas ce qui est fait ! Je pense aussi au respect - certains l'ont déjà évoqué - de la stricte séparation des missions de chacun: le thérapeutique s'occupe du thérapeutique, le carcéral s'occupe du carcéral. Voilà en substance ce que je voulais dire ce soir. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bien !
M. Jean Rossiaud (Ve). La commission a décidé à l'unanimité de renvoyer ce rapport du Conseil d'Etat à son auteur, car elle n'était pas satisfaite de la réponse apportée par ce dernier. Je ne vais pas répéter ce qui a été dit, mais les Verts se joignent aux autres partis pour demander que la sociothérapie soit rapidement rétablie, que l'on remédie au taux d'absence des collaborateurs, que les interventions se déroulent toujours à deux, en binôme, que l'on renforce la formation et que l'on évalue de manière plus précise la dangerosité des détenus.
Après un drame aussi terrible, après une affaire aussi horrible, les Verts veulent absolument éviter toute instrumentalisation politique. Mon intervention sera donc brève. En guise de conclusion, nous aimerions dire au Conseil d'Etat que nous continuerons à suivre ses travaux avec précision et que la commission de contrôle de gestion va reprendre, mesure après mesure, recommandation après recommandation, tout ce qui a été envoyé au Conseil d'Etat depuis le début. Nous continuerons à suivre de manière précise et déterminée ce dossier ! Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis effectivement inquiet, mais ce n'est pas en raison de ce rapport et de ses conclusions. Si je suis inquiet, c'est à cause de la légèreté du travail - et je pèse mes mots - accompli par la commission de contrôle de gestion... (Exclamations. Commentaires.) ...de la légèreté du rapport présenté ce soir. Certains sujets ne se prêtent pas à des actions de politique politicienne car ils sont graves, et lorsqu'on traite de problématiques de cette importance, les mots se pèsent et les conclusions se sous-pèsent. En l'occurrence, les affirmations assénées dans ce rapport sont tout simplement scandaleuses !
Dans ce dossier, on a présenté un parti pris qui est évident depuis le départ, un parti pris qui n'a d'égal que la souffrance qu'il génère pour la famille et les proches, lesquels sont convaincus - après avoir non seulement lu ce rapport, mais aussi entendu les propos tenus par certains membres de la commission devant les médias, puis sur les plateaux de télévision - que ce drame n'a servi à rien, que nous n'en avons tiré aucune conclusion et qu'une telle situation pourrait survenir à nouveau. «Nous craignons sérieusement», ont dit certains d'entre vous, «que ce drame puisse se reproduire.» Voilà les mots qui ont été prononcés.
Lorsque l'on consacre dix séances à l'étude d'un objet et que l'on rédige un rapport de treize pages, Mesdames et Messieurs, dont neuf ne contiennent que la reproduction des propos tenus devant la commission et une porte sur l'Observatoire des violences domestiques... On s'interroge du reste sur la raison de sa présence à cet endroit ! Donc avec trois pages seulement, tenir une conférence de presse et aller dire sur les plateaux de télévision que le Conseil d'Etat n'a rien fait et qu'il n'a pas pris la mesure de ce drame, je pense que c'est tout simplement scandaleux, je le répète. Curabilis compte 93 agents de sécurité et 130 collaborateurs médico-soignants pour 92 détenus, or la commission n'a entendu personne. Personne, Mesdames et Messieurs ! Elle a en revanche auditionné le président de la section prison du syndicat de police, qui ne travaille pas à Curabilis; ce dernier est venu expliquer comment les choses se passaient, et la commission a fixé ses accusations - puisqu'il s'agit de véritables accusations péremptoires - sur la base de ces déclarations. Ce n'est pas sérieux, Mesdames et Messieurs ! Il y a une famille qui souffre encore aujourd'hui et qui aimerait faire le deuil de cette perte. Il y a des soutiens, des proches dont la plaie se rouvre chaque fois qu'ils voient le prénom de cette malheureuse victime sur une manchette de journal. On ne doit pas faire les choses à la légère ! On doit agir avec discernement, avec sérieux, et lorsqu'on porte des accusations, il faut être prêt à les étayer par des faits, Mesdames et Messieurs. Ce ne doit pas être simplement pour se donner un rôle de contrôleur de la république lorsqu'on ne fait pas son travail comme il devrait l'être.
Parlons de la sociothérapie. Un concept de réinsertion et de désistance, qui comprend naturellement la sociothérapie, a été mis en place pour les détenus en 2017. Mais la sociothérapie ne s'adresse évidemment pas aux détenus qui présentent une pathologie psychiatrique aiguë, soit ceux qui sont précisément pris en charge par Curabilis. Cette méconnaissance crasse de la différence élémentaire qui existe entre une peine et une mesure montre à quel point ce rapport a été fait pour être orienté à l'encontre du Conseil d'Etat. J'accepte toutes les accusations, toutes les critiques, Mesdames et Messieurs, mais il faut qu'elles soient sérieuses. Lorsqu'elles visent uniquement à faire le buzz et qu'en plus ce buzz crée de la souffrance, je ne peux pas l'accepter, et le Conseil d'Etat avec moi.
Curabilis souffre d'un manque de gouvernance, peut-on lire dans votre rapport. Pire, vous dites qu'on ne sait toujours pas s'il s'agit d'une prison dans un hôpital ou d'un hôpital dans une prison.
Une voix. Eh oui !
M. Mauro Poggia. La personne qui vient de s'exclamer ferait peut-être mieux de lire le règlement de Curabilis ! Je vous en donne même la référence: F 1 50.15. En voici un extrait: «1 L'établissement de Curabilis (ci-après: Curabilis) est un établissement pénitentiaire fermé avec une prise en charge thérapeutique élevée [...]». C'est donc bien un hôpital dans une prison, le personnel médico-soignant n'étant là que pour apporter les soins ordonnés par la justice. Je vous cite également un extrait du ROAC, soit le règlement sur l'organisation de l'administration cantonale - B 4 05.10: «c) l'office cantonal de la détention, auquel est rattaché le service des mesures institutionnelles pour les aspects sécuritaires [...]». De quoi est-il question ? Que sont ces mesures institutionnelles ? Il s'agit précisément du service médical qui apporte les soins ordonnés par la justice au niveau carcéral. Mesdames et Messieurs, dans un contexte aussi sensible et aussi douloureux, lorsqu'on ne lit même pas les textes de lois et que l'on assène des contrevérités, ce n'est pas faire preuve de sérieux.
Il y aurait tant à dire au sujet du contenu de ce rapport, Mesdames et Messieurs: mise en danger des agents de détention, manque de formation... Si vous aviez auditionné les personnes responsables, elles vous auraient expliqué quelles sont les formations dispensées régulièrement à Fribourg pour que les collaborateurs puissent savoir comment prendre en charge ce type de détenus. Bien sûr qu'il y a des dysfonctionnements individuels, comme dans toute prison ! Ne dites pas que les dysfonctionnements individuels sont dus à des problèmes organisationnels, car on en rencontre dans toutes les prisons du monde. Il n'est pas responsable de faire courir le bruit dans la population que le Conseil d'Etat n'a rien compris, que la situation est délicate et que nous vivons dans une société dangereuse. Je dirais même que c'est à la limite de l'irresponsabilité institutionnelle.
Mesdames et Messieurs, vous allez nous renvoyer ce rapport et nous allons bien sûr y répondre. Je pense toutefois qu'il serait temps de tourner la page, non pas pour oublier - personne n'oubliera ce drame et tout le monde continuera à en tirer les conséquences - mais parce qu'aujourd'hui nous nous trouvons dans un autre contexte. L'unité de sociothérapie a été fermée, et vous êtes d'ailleurs celles et ceux qui ont à l'époque applaudi à sa fermeture. Est-ce à dire que nous allons préconiser des sorties sèches, pour reprendre les termes que j'ai entendus ? Bien évidemment que non ! Cela dit, Mesdames et Messieurs, savez-vous depuis combien de temps nous essayons de construire une prison destinée à l'exécution de peine qui soit digne de Genève et qui permette de prendre en charge correctement les personnes condamnées, avec précisément ce concept de réinsertion et de désistance ? Nous attendons toujours que vous votiez les lois que nous vous avons soumises pour enfin donner les premiers coups de pioche. Aujourd'hui, la prison de Champ-Dollon compte plus de 620 détenus alors qu'elle devrait normalement en accueillir seulement 398, ce qui signifie que l'on doit mélanger les personnes en attente de jugement avec celles qui sont condamnées. Il existe pourtant une obligation de travail pour ces dernières ! Hélas, la prison ne dispose pas de suffisamment d'ateliers.
Tout cela se prépare, mais il faut en avoir les moyens. Vous ne pouvez pas nous reprocher des conséquences dont vous êtes la cause ! Mesdames et Messieurs, renvoyez-nous ce rapport, nous ferons le nécessaire pour y répondre, mais maintenant, je vous en prie, ne serait-ce que par respect pour cette famille qui a suffisamment souffert, ne parlons plus de l'affaire de cette malheureuse jeune fille, parlons de l'organisation pénitentiaire de ce canton. Je vous remercie.
Une voix. Ouh !
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur ce rapport du Conseil d'Etat, en vous rappelant que la commission a voté son refus et son renvoi à son auteur.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur le RD 1220 est adopté par 63 oui contre 9 non et 14 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat sur le RD 1220 est donc refusé.
Premier débat
Le président. Nous passons à la dernière urgence, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à l'auteur du rapport, M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi n'a pas fait l'objet d'un rapport, mais je prends effectivement la parole pour le défendre. Le 28 février 2019, le Grand Conseil a voté une loi pour instituer la Fondation PAV. L'objectif de ses auteurs, dont je n'étais pas, et de ses partisans, dont je n'étais pas non plus, était de pouvoir agir vite. A cette occasion, le parlement a adopté un amendement - un seul - pour stipuler que la fondation devait fonctionner de manière indépendante et a exclu, selon les règles de bonne gouvernance, la participation des députés. Personne ne l'ayant remise en question, la disposition légale qui prévoyait à la présidence un membre du gouvernement, ou du moins sa participation au conseil de fondation, est restée. Il faut savoir que les débats ont été très contrastés.
L'un des objectifs de la loi était de faire en sorte que la fondation, si sa création était votée, puisse commencer rapidement ses activités. Dès le lendemain - le 1er mars - le site internet de l'Etat indiquait, je cite: «Suite à l'adoption de la loi, le Conseil d'Etat adoptera les statuts et nommera le conseil de fondation de la FPAV. La Fondation PAV devrait ainsi débuter ses activités début 2020.» Nous sommes le 21 novembre et rien de ce qui était annoncé le 1er mars n'a été fait alors que ce printemps, des délais très courts ont été donnés aux partis pour désigner leurs propres représentants.
Il faut reconnaître que le président du gouvernement, appelé à siéger au sein de cette fondation, est passablement occupé avec un grand département - il faut le reconnaître. Toujours est-il qu'il est nécessaire d'avancer rapidement, et, à mon sens, de respecter les règles ordinaires de bonne gouvernance, à savoir un conseil indépendant, non directement rattaché ou lié au Conseil d'Etat, et que ce dernier doit nommer sous peu. L'exécutif pourra ainsi exercer pleinement son autorité de surveillance et faire en sorte que le conseil de fondation soit à même de travailler avec célérité. Voilà l'objectif de ce projet de loi: revenir sur une exception qui aurait pu avoir la vertu d'accélérer les choses, mais qui s'est révélée en être une où la situation n'a pas avancé plus vite qu'à l'ordinaire, voire où elle a avancé plus lentement. Merci, Monsieur le président.
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Il aurait été plus élégant d'attendre les explications de M. Hodgers, en sa qualité de président du Conseil d'Etat, plutôt que de demander l'urgence, mais comme ce projet manque d'élégance, je répondrai sur le fond.
On a gagné la lutte du PAV grâce à notre opiniâtreté: il a été attaqué chaque fois qu'il était possible, notamment par le PLR, et je le regrette. Nous avons enfin une loi PAV revisitée, nous avons enfin une fondation; on doit au moins reconnaître au président du gouvernement et chef du département du territoire la possibilité de s'y engager ! Pourquoi a-t-il voulu présider cette fondation ? Eh bien, dans un premier temps, parce que les montants de la dotation sont conséquents et qu'il s'agit d'en assurer le suivi et de bien diriger ces montants là où ils doivent l'être.
Le périmètre est important et la direction du PAV, qui dépend du département du territoire, conduit bien ses activités. Le dernier des projets, c'est le plan localisé de quartier Etoile 1: il va permettre de conjuguer les secteurs public et privé, soit l'Etat et la banque Pictet, qui possèdent des parcelles contiguës. Il est aussi nécessaire de coordonner la stratégie avec la direction du PAV; le magistrat a très clairement indiqué qu'il s'agit pour lui d'accompagner le lancement - le lancement uniquement - de cette fondation. Les partis ont par ailleurs été sollicités pour désigner leurs membres appelés à siéger au conseil de fondation et certains ont été un peu lents à répondre.
Le groupe socialiste trouve cet objet un peu revanchard. Il est à nos yeux légitime que le conseiller d'Etat, qui a défendu ce projet avec conviction et qui continue à le défendre avec opiniâtreté, dans l'intérêt du plus grand nombre, puisse mettre sur les rails la Fondation PAV. Le groupe socialiste demande de garder cet objectif, et d'arrêter surtout de prendre en otage les projets d'aménagement et de logement de ce canton dans un but politicien plutôt que de penser à l'intérêt général. Il refusera donc ce texte et regrette que l'urgence ait été acceptée sans que le conseiller d'Etat concerné puisse répondre. Merci beaucoup.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous sommes assez surpris par cette demande, d'autant plus que nous avions opté pour une position assez claire: cette fondation, en définitive, est une société de portage de dette. Je vous rappelle en effet qu'il s'agit pour cette fondation de payer les dédommagements, les déménagements, les impenses, en bref, de faire en sorte que les entreprises installées au PAV déménagent enfin et trouvent si possible des lieux où s'implanter. La fondation aura donc à dépenser 200 à 250 millions au bas mot, selon ce qui nous a été dit.
Je n'y crois pas forcément: je pense que le montant sera beaucoup plus élevé, et je trouvais responsable de la part du gouvernement, au moins à ce niveau-là, de prendre la présidence de la fondation pour assumer totalement son lancement et la pérennité de ses investissements. Parce qu'on viendra nous dire, dans cinq, six ou dix ans: «Oui, mais cette fondation, qui était une société de portage, a dépensé beaucoup d'argent; elle a pris beaucoup de risques.» Et puis on fera sauter le lampiste de service, c'est-à-dire son président, qui ne sera pas nécessairement le président du Conseil d'Etat ou un autre membre de l'exécutif.
Nous trouvons qu'il faut à tout le moins qu'on rediscute du sujet; il n'est pas bien raisonnable que cette proposition passe sur le siège. Je demande donc le renvoi en commission pour qu'on ait toutes les informations - y compris les arguments de celles et ceux qui voudraient se débarrasser de ces dettes qui vont s'accumuler - afin de maintenir la Fondation pour les terrains industriels dans un état financier équilibré: je rappelle qu'elle rapporte quand même à l'Etat de Genève, bon an mal an, 10 millions. Il y a là un mécanisme extrêmement dangereux, périlleux, et je demande le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons bien noté votre demande de renvoi en commission, mais dans quelle commission ? (Un instant s'écoule.) Monsieur le député Rémy Pagani ? (Commentaires.) Monsieur le député Rémy Pagani, dans quelle commission ?
Une voix. L'aménagement !
M. Rémy Pagani. L'aménagement ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député, nous voterons donc sur le renvoi en commission à la fin du débat. Monsieur le député... (Remarque.) Monsieur Nicollier, ce n'est pas le moment. Monsieur le député David Martin, vous avez la parole.
M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais aller dans le sens de mes préopinants. En juin 2018, la population genevoise a voté à plus de 60% en faveur de l'aménagement du secteur Praille-Acacias-Vernets pour en faire un nouveau morceau de ville avec plus de 12 000 logements - des logements en plein centre-ville dont notre canton a bien besoin. Pour faciliter la libération des terrains nécessaires à leur construction, notre Grand Conseil a approuvé en février dernier la création de la Fondation PAV. Celle-ci va être dotée de terrains d'une valeur de 600 millions qu'elle sera chargée de valoriser sur une durée de quarante ans, notamment en trouvant des solutions de relocalisation pour les entreprises occupant actuellement ce secteur. La nomination des membres du conseil de fondation par les partis et par le gouvernement est en cours et le démarrage de la fondation à bout touchant.
Ce soir, une majorité du parlement a demandé l'urgence pour retirer à l'exécutif le droit de siéger au conseil de cette fondation en prétextant que le dossier n'avance pas. Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une véritable cohérence à ce que le chef du département du territoire pilote la fondation pour son lancement. Il faut en effet assurer une bonne coordination entre l'office de l'urbanisme, la Fondation pour les terrains industriels et l'office du logement - ce n'est pas tous les jours qu'on dote une fondation de 600 millions de francs en terrains, les enjeux sont très importants. Le Conseil d'Etat a donc pris une décision responsable en choisissant de rester étroitement impliqué dans sa mise en place, du moins durant les premières années.
Ce projet de loi laisse à penser que le PLR, qui s'oppose d'ailleurs plus ou moins systématiquement à l'ensemble de la politique du logement du gouvernement, n'a toujours pas digéré d'avoir perdu le référendum sur la loi PAV et qu'il agit de façon revancharde. Laissons le Conseil d'Etat travailler sur ce dossier: la mise en place de la fondation a été promise pour début 2020, il est donc vraiment exagéré de parler de retard à ce stade.
Si les partis veulent rediscuter de la composition du conseil, il serait plus sage de renvoyer ce texte en commission pour entendre à ce sujet les partenaires concernés et l'exécutif. Les Verts demandent par conséquent le renvoi en commission et, s'il est refusé, vous invitent à rejeter fermement ce projet de loi en l'état. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. André Pfeffer (UDC). Le groupe UDC soutiendra ce projet de loi. Il faut rappeler les tâches de cette fondation. Si elle aura évidemment pour tâche de piloter le développement du PAV, elle aura aussi des fonctions telles que négocier le déménagement des sociétés locataires ou propriétaires de droits de superficie qui se trouvent actuellement sur le site, fixer des indemnités pour ces sociétés ou même racheter des droits de superficie. Certaines tâches de cette future fondation ne sont visiblement pas des activités régaliennes traditionnelles. Pour cette raison, il nous paraît normal que l'Etat et notre gouvernement restent à leur place, dans une fonction d'arbitre. C'est pourquoi le groupe UDC acceptera ce projet de loi. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Sébastien Desfayes (PDC), député suppléant. Le groupe PDC soutient ce projet de loi pour une raison très simple: on ne peut pas être en même temps arbitre, président du Conseil d'Etat, chef de département et président de la fondation. Il y a un principe très simple, celui de la bonne gouvernance, qui impose une certaine indépendance. Cette indépendance ne serait pas garantie avec un président du Conseil d'Etat tout-puissant, qui cumulerait les casquettes. Pour cette raison évidente, le groupe PDC soutient donc cet objet. Merci, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous débattons de la Fondation PAV pour la troisième fois - je vois qu'elle vous fascine ! Je pense qu'elle aurait été bien plus utile sous la forme que le Conseil d'Etat voulait lui donner il y a trois ans, mais une courte majorité a balayé ce premier projet. Cela nous a obligés à proposer une deuxième variante pour obtenir que la fondation soit votée; pourtant, nous revenons aujourd'hui encore sur un débat que l'on a déjà eu en commission.
Toutes les options se valent. En l'occurrence, bien qu'elle soit effectivement en contradiction avec la LOIDP - de manière temporaire, le temps d'une seule législature - la présence exceptionnelle d'un membre du gouvernement au sein du conseil de fondation se justifiait pour la majorité d'alors. Elle est à vrai dire assez logique puisque la Fondation PAV va devoir trouver sa place et un mode de fonctionnement adéquat avec d'une part la Fondation pour les terrains industriels, qui restera l'interlocutrice active des entreprises - y compris de celles qui doivent déménager du secteur concerné - et d'autre part la direction du PAV, rattachée au département du territoire et chargée de la planification. Voilà la proposition, largement débattue en commission, qui avait trouvé une majorité.
J'apprends aujourd'hui le dépôt de cet objet, qu'il est visiblement nécessaire de traiter toutes affaires cessantes, comme si ce parlement n'avait pas d'autres points à l'ordre du jour. Le Conseil d'Etat ne peut pas se prononcer sur un texte qui n'a ni été déposé en temps et en heure - soit qui figure deux ou trois semaines à l'ordre du jour, comme c'est normalement le cas pour les nouveaux objets - ni travaillé en commission, ce qui est la norme pour des projets de lois requérant une certaine réflexion. Je ne parle pas de l'excellent projet de loi accordant la bourgeoisie d'honneur à Michael Møller, qui a une dimension symbolique; ici, il s'agit d'une loi technique, vous comprenez qu'il est par conséquent difficile de se positionner. Je pense que les deux options peuvent se valoir, dans le fond, mais je pense surtout que les objets déposés par ce parlement méritent d'être travaillés sérieusement, et donc de l'être en commission.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission d'aménagement, que je soumets à votre approbation.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12613 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 55 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. Le renvoi en commission étant rejeté, je vous demande de vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12613 est adopté en premier débat par 51 oui contre 39 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 12613 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12613 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 39 non et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant notre dernière urgence, celle qui a été acceptée tout à l'heure. Il s'agit des PL 12432-A et PL 12433-A... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Pour commencer, la parole va au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous avons déjà parlé de la présidence du Conseil d'Etat ce soir, eh bien nous en reparlons maintenant. Le projet de loi 12432 que nous examinons à l'heure actuelle propose deux révisions de notre constitution cantonale: d'abord l'abrogation de la présidence quinquennale du Conseil d'Etat, instaurée par cette même constitution, et, en corrélation avec cette première modification, la suppression du département présidentiel. A l'époque, la Constituante avait souhaité revisiter la structure de l'action gouvernementale, en particulier par la désignation d'un représentant unique de l'exécutif - cet aspect n'est d'ailleurs mentionné que très marginalement dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat.
Sur le plan juridique, force est de constater que les modifications présentées par ce dernier sont tout à fait réalisables, comme l'ont mis en lumière tant l'audition du professeur Hottelier que la prise de position du professeur Tanquerel et les avis exprimés par différents membres de la direction des affaires juridiques de la chancellerie. Ainsi, c'est sur le plan de l'opportunité du texte que la majorité des commissaires se sont rapidement focalisés, car celui-ci ne repose sur aucune forme d'évaluation et ne cite pas le moindre problème que la présidence quinquennale aurait occasionné. Pire, il est présenté sur la base d'un seul événement, certes fâcheux, mais dont la rareté, voire l'unicité, ne devrait pas permettre d'en tirer des conclusions imposant un changement à si court terme.
Tout en admettant la pertinence des explications complémentaires fournies en commission par le président du Conseil d'Etat et la chancelière - explications bienvenues au regard d'un exposé des motifs particulièrement lacunaire - la majorité des commissaires ont estimé... (Commentaires.)
Des voix. Chut !
M. Jean-Marc Guinchard. Merci. Je reprends: la majorité des commissaires ont estimé qu'il est un peu trop tôt pour tirer un bilan aussi catégorique du système tel qu'il fonctionne actuellement, compte tenu du peu d'expérience du Conseil d'Etat en la matière et des difficultés qu'il connaît en ce moment. Ils sont convenus qu'une modification constitutionnelle - qui concerne tout de même notre charte fondamentale - ne saurait être envisagée dans la précipitation et sous la pression du temps. En effet, la constitution doit garantir le fonctionnement des institutions sur le long terme et ne pas être révisée au gré des problèmes que sont susceptibles de rencontrer les représentants des trois pouvoirs. En conclusion, Mesdames les députées, Messieurs les députés, la majorité de la commission vous invite à faire vôtres ses conclusions et à rejeter ces deux projets de lois. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Je m'inscris en faux contre les déclarations du rapporteur de majorité. L'exposé des motifs est sans doute léger, mais les faits plaident en faveur d'une réforme. Il s'agit d'en revenir au système antérieur et classique d'un tournus annuel de la présidence du gouvernement, c'est-à-dire au système prévu par la constitution fazyste de 1847 qui, à l'époque déjà, comportait la disposition suivante: «Le Conseil d'Etat nomme chaque année parmi ses membres son président et son vice-président. Le président n'est rééligible qu'après un an d'intervalle.» Nous justifions d'une expérience de plus de cent cinquante ans s'agissant de ce mécanisme, et c'est plutôt le fait de l'avoir modifié qui constituait une incongruité.
En Suisse, 19 cantons sur 26 connaissent ce tournus annuel automatique, c'est un modèle helvétique traditionnel qui proscrit la concentration potentielle de pouvoir entre les mains d'une seule et même personne liée à une présidence durant toute une législature, comme il proscrit, pour les mêmes motifs, d'autres fantaisies, par exemple l'élection directe par le peuple ou une présidence découlant d'un rating obtenu lors de l'élection populaire du gouvernement - c'est un peu ce qui s'est passé chez nous et on a vu que ça n'avait pas très bien marché. C'est un système traditionnel d'égalité républicaine: le président est un «primus inter pares», avec un accent non pas sur le «primus», mais sur les «pares», sur l'égalité. Evidemment, cela n'empêche pas que de fortes personnalités émergent au sein d'une équipe gouvernementale, mais le cas échéant, elles doivent leur prééminence à leur action ou à leur force de conviction, non pas à une désignation présidentielle malvenue en début de législature, avant même l'épreuve de toute action du nouveau collège.
D'ailleurs, face à la Constituante, le Conseil d'Etat avait défendu le système antérieur et il le défend encore aujourd'hui après avoir pratiqué le nouveau, alors pourquoi diable a-t-on voulu en changer ? Mais vous savez bien pourquoi on a voulu en changer: c'est un problème de rivalité avec la Ville de Genève, c'est la question du maire de Genève comme personnalité prépondérante, visible de l'extérieur. On se rappelle que Guy-Olivier Segond, en son temps - il avait beaucoup de qualités, mais cette proposition n'était pas la meilleure de ses idées, en tout cas pas une idée radicale ni républicaine - avait soutenu le projet d'un gouverneur pour Genève, à la mode des Etats-Unis, qui serait élu pour cinq ans - enfin, pour quatre ans à l'époque.
Ce n'était pas une bonne idée, mais la volonté de piquer, en quelque sorte, cette prééminence de la mairie de Genève est revenue régulièrement du côté de la droite: en 1999, sous la présidence de Martine Brunschwig Graf, le Conseil d'Etat avait imaginé le dépeçage de la Ville de Genève en huit communes, chacune d'entre elles aurait été reléguée au rang de petite municipalité, le canton de Genève serait devenu la République et Ville de Genève et le président du gouvernement aurait obtenu le titre de maire; le projet a été relancé par Olivier Jornot en 2006 avec un texte de loi qui visait la même chose. A la Constituante, même la commission qui a discuté de la réforme sur laquelle nous entendons revenir aujourd'hui s'est posé la question un peu incongrue d'accorder le titre de maire au président du Conseil d'Etat. Ce ne sont pas là de très bonnes idées. Tout ce qu'il y a là derrière, ce que nous vous proposons précisément de modifier, ce sont un peu des enfantillages.
Bien sûr, il y a aussi le fait - je vais prendre sur le temps de mon groupe - que le président est chargé, à travers le département présidentiel, des relations internationales, de tous ces trucs-là, ce qui déroge déjà à la règle constitutionnelle générale selon laquelle le découpage de l'administration cantonale en départements se discute en début de législature. Bon, on peut plaider pour ne pas rebattre les cartes chaque année, mais pourquoi spécialement pour cet aspect-là des choses ? C'est lié à une volonté de faire du président une personnalité qui émerge dans le domaine des mondanités et des relations internationales, lesquelles ont certes leur importance, mais quand même.
Le président a avancé un argument... Pardon: le rapporteur de majorité - enfin, l'ancien président du Grand Conseil, mais rapporteur de majorité en l'occurrence - a argué qu'il serait trop tôt pour bien faire, c'est-à-dire qu'il conviendrait de laisser aller la machine, car il est trop tôt pour réformer ce que le constituant a décidé. C'est absurde ! Quand on emménage dans un nouvel appartement et que l'on constate des défauts, on ne se dit pas qu'on va attendre dix ans avant d'appeler un artisan pour les réparer, histoire d'être sûr qu'il s'agit vraiment de défauts identifiés qui posent problème !
Ici, cela pose bel et bien problème, parce que - je serai court, Monsieur le président - c'est une porte ouverte aux coups d'Etat, Mesdames et Messieurs, aux coups d'Etat ! En fait, la disposition actuelle stipulant qu'on nomme un président pour la durée de la législature n'est pas respectée, et j'ai fait valoir à Antonio Hodgers que son ascension à la présidence constituait un coup d'Etat, puisqu'il ne devait y avoir qu'un seul président pour la durée de la législature à teneur de la constitution de la république ! Alors on m'a expliqué, du côté de la chancellerie, que le président précédent était consentant, qu'il avait démissionné et que l'autre avait pris sa place; mais à ce moment-là, c'est une disposition constitutionnelle en carton-pâte, puisqu'ils peuvent s'arranger entre eux à la tour Baudet, démissionner, puis se remplacer ! Autant l'indiquer franchement en mettant une disposition claire dans le texte constitutionnel.
En commission, un quarteron de constituants à la retraite - enfin, je crois qu'ils étaient quatre - pour reprendre une formule employée dans d'autres domaines, ont défendu bec et ongles leur travail créatif; à mon avis, Mesdames et Messieurs, c'est un travail créatif sur lequel ils doivent accepter de revenir. J'en appelle à revenir aux dispositions égalitaires et démocratiques issues du génie de James Fazy, à réintégrer un tournus à la suisse des présidents du gouvernement et à supprimer de notre ordre législatif et constitutionnel cet ovni qu'est le département présidentiel.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais essayer de ne pas répéter les propos du rapporteur de première minorité. Je rappelle d'abord que le Conseil d'Etat a toujours été contre l'idée d'un président unique, il soutenait le principe d'une présidence tournante. En Suisse, nous sommes très peu à avoir adopté un tel système, seuls les cantons de Vaud et de Bâle-Ville le connaissent également. Quant à la Confédération, elle fonctionne avec une présidence tournante qui fait parfois sourire certains pays voisins, puisqu'ils ont affaire à un nouvel interlocuteur chaque année, mais voilà, ça fait partie des beautés du système helvétique de compter chaque année un autre président et surtout de ne pas avoir une tête qui dépasse, comme on dit.
Venons-en à des arguments plus sérieux. Notre nouvelle constitution stipule que le Conseil d'Etat est une autorité collégiale et, en ce sens, nous ne voyons pas pour quelle raison il devrait y avoir un chef. Etre le président d'une entité collégiale, ça revient à conduire les séances ! C'est le cas ici au Grand Conseil, et il y a chaque année un nouveau président, ça ne nous dérange pas plus que ça, ce n'est pas une grosse affaire.
Le texte constitutionnel indique également que le département présidentiel coordonne les diverses missions du gouvernement. Or c'est un travail extrêmement difficile, on nous l'a dit en commission; à la rigueur, la personne la mieux placée pour avoir une vision globale de ce qui se passe dans l'ensemble des dicastères, c'est la cheffe du département des finances, mais un président ne peut pas, à lui seul, assurer la cohérence de l'action gouvernementale dans son entier.
Nous, les Verts, préférerions qu'un certain nombre de sujets, comme l'aménagement du territoire ou la mobilité, soient gérés par ce qu'on appelle des délégations. Comme vous le savez, le Conseil d'Etat est organisé en plusieurs délégations de trois magistrats qui s'occupent d'une thématique spécifique, et ce système nous paraît beaucoup plus efficace que celui d'une personne devant mener l'ensemble des tâches de l'exécutif.
Lors de la législature précédente, nous avons connu une présidence unique pendant quatre ans et demi, et il ne nous semble pas que ce système ait démontré une quelconque efficacité. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut en revenir à une présidence tournante. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le fait que le Conseil d'Etat dépose ces deux projets de lois est le signe qu'il se désavoue lui-même, c'est une honte ! Notre nouvelle constitution date de 2012... Bon, vous me direz qu'il faut tourner la page, on ne peut plus exactement la qualifier de nouvelle, mais quoi qu'il en soit, le principe d'une présidence unique pendant toute la durée d'une législature n'a pas encore vraiment été éprouvé dans la pratique.
Lors de la précédente législature, nous avons connu un modèle - avec François Longchamp pour président - qu'on peut qualifier de six plus un, c'est-à-dire six conseillers d'Etat pour six dicastères et un département spécifique pour la présidence. Ce système ayant été critiqué, il a été décidé, pour la législature suivante - celle que nous vivons actuellement, donc - de s'inspirer du mécanisme en vigueur chez nos amis vaudois, qui fonctionne parfaitement bien, à savoir sept départements plus une présidence qui reste la même durant l'entier de la législature.
Il se trouve que cette législature n'a pas très bien commencé pour le Conseil d'Etat, et force est de constater qu'elle ne se poursuit pas sous les meilleurs auspices. Ce que le Conseil d'Etat fait là, c'est son propre désaveu, il n'assume pas la responsabilité de sa gouvernance, il n'assume pas sa présidence unique, et cette déresponsabilisation se traduit par ces deux projets de lois qui disent à demi-mot: réinstaurons un tournus pour que nous n'ayons pas à assumer cette présidence durant la législature complète, ne suivons pas la nouvelle constitution. C'est extrêmement grave !
Si le navire ne vogue pas droit, Mesdames et Messieurs, il faut s'intéresser au capitaine, pas à la structure du bateau qui, quant à elle, ne pose pas de problème. Dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat ne parvient pas à fonctionner comme il se doit, et plutôt que de prendre ses responsabilités et d'assumer une présidence unique pour la législature entière, il demande son avis au peuple. En effet, puisque le PL 12432 est un projet de loi constitutionnelle, il y aura une votation populaire, cela aura un impact, les citoyens devront aller aux urnes et donner leur point de vue.
Non, ce procédé est honteux: le gouvernement doit prendre ses responsabilités, il n'a pas à modifier notre charte fondamentale. Nous devons mettre cette constitution à l'épreuve, déterminer si le modèle fonctionne et en faire le bilan, mais dans quelques législatures, pas maintenant, c'est beaucoup trop tôt. Par conséquent, le groupe socialiste vous invite à rejeter ces projets de lois. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les institutions sont plus importantes que celles et ceux qui les incarnent. Ces deux projets de lois visent à réorganiser la structure du Conseil d'Etat selon une logique et des priorités que le parti démocrate-chrétien n'approuve pas. On ne change pas les règles du jeu durant la partie et on assume les aléas du pouvoir, ce sont des principes non négociables à nos yeux. Ces textes sont une réaction face à une situation exceptionnelle, certes. Cela étant, un gouvernement n'édicte pas des lois pour gérer des particularités, mais bien pour servir et garantir l'intérêt général; ce n'est pas le cas de ces deux projets de lois, voilà pourquoi le parti démocrate-chrétien les refusera. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je viens d'entendre un mot... Le Conseil d'Etat nous prouve qu'il a pris conscience que quelque chose ne marchait pas, parce que les projets de lois dont nous sommes en train de débattre ont été déposés le 30 janvier 2019 déjà. Il l'a dit dès le début, même lors des travaux de la Constituante: il est opposé à une présidence pendant cinq ans.
Que s'est-il passé ? Certes, il y a eu quelques anicroches, des accidents de parcours durant la législature, mais le Conseil d'Etat avait déjà décidé de présenter ces textes avant, parce qu'il s'était rendu compte que le système ne fonctionnait pas à satisfaction. Peut-on dire, comme je viens de l'entendre, que le Conseil d'Etat ne s'est pas engagé ? Au contraire, pour une fois, il a pris tout le monde de vitesse en disant: «Nous pensons ceci, nous constatons cela, nous vous proposons d'en revenir à une présidence tournante.»
Mesdames et Messieurs les députés, relisez les débats de commission ! Quelqu'un a employé le terme de «quarteron»; je n'irais pas jusque-là, mais reconnaissez qu'il y a parmi nous d'anciens constituants qui s'accrochent bec et ongles à leur charte. Alors ils ont peut-être raison de le faire, Mesdames et Messieurs les députés, mais ce texte n'est pas descendu de l'Olympe, pour faire une allusion gréco-romaine, il n'est pas figé dans le marbre, il est vivant, il a d'ailleurs déjà été modifié quelques fois.
Les principaux intéressés nous disent: «C'était peut-être une bonne idée, mais ça ne fonctionne pas dans la pratique, nous souhaitons en revenir à la situation ante.» A mon avis, ce n'est pas se moquer des gens, c'est totalement justifié. En commission, nous nous étions abstenus - enfin, je m'étais abstenu, puisque je suis le seul représentant de mon groupe - en attendant d'en discuter lors du caucus. Aujourd'hui, l'Union démocratique du centre pense qu'il faut rétablir le système antérieur et c'est la raison pour laquelle elle vous recommande d'accepter ces deux projets de lois. Je vous remercie.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez les Verts attachés à la biodiversité résiliente et, de manière générale, à la diversité tout court. J'en appelle aux traditions de notre pays. La Suisse dispose d'un système proportionnel et non pas, comme nos voisins français, d'un système majoritaire; le nôtre est basé sur la collégialité. Voilà pourquoi nous tenons au terme de «conseiller d'Etat» plutôt qu'à celui de «ministre»: un ministre, c'est quelqu'un qui est en dessous du président. Pour notre part, nous avons des conseillers d'Etat qui forment un collège et qui prennent les décisions ensemble. C'est le système que nous connaissons chez nous, c'est très particulier.
Cette non-personnalisation des instances du pouvoir garantit la sécurité de notre pays et, en même temps, la stabilité du système. C'est ce qui fait que vous pouvez croiser un conseiller fédéral en train de se promener à pied. Si quelqu'un venait à l'assassiner, ce qui est une idée courante parmi nos voisins français, eh bien il ne se passerait rien, le modèle ne changerait pas. Notre système est résilient, il n'est pas centré autour d'une personne, c'est ce qui fait notre immense force.
Notre force, c'est ce collège, c'est le groupe qui agit ensemble, c'est ce parlement dans lequel nous siégeons avec des majorités plurielles; il n'y a pas de parti majoritaire ni de groupes minoritaires, il y a simplement des gens qui travaillent main dans la main pour chercher des solutions. Notre culture du compromis est forgée dans l'acier; on parle parfois de consensus mou, mais non, cette tradition du débat, parfois rugueux, nous permet de trouver des solutions ensemble pour le bien commun. Voilà la culture helvétique...
Une voix. Ah !
M. Christian Bavarel. ...voilà notre culture...
Une voix. Ah !
M. Christian Bavarel. ...et à gauche non plus, nous n'avons pas honte de revendiquer cette tradition et cette culture qui respectent les minorités, qui rendent possible la coexistence de quatre langues nationales, plusieurs religions et différentes populations. C'est la tradition helvétique, c'est à elle que j'en appelle et c'est pour cette raison que nous sommes d'avis qu'il faut voter oui à ces deux projets de lois. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, quand j'entends les Verts parler de tradition helvétique, ça me fait sourire, mais je m'en tiendrai là à ce stade, je m'en tiendrai là. Soyons un peu sérieux, Mesdames et Messieurs. J'aimerais vous citer deux passages du rapport de majorité sur l'audition du professeur Michel Hottelier, non seulement éminent professeur de droit, mais aussi ancien constituant PLR, qui «relève qu'il y a un problème du point de vue institutionnel. En effet, ce projet de loi ne repose sur aucune forme d'évaluation et ne cite aucun problème que la présidence quinquennale aurait pu occasionner.» Et encore: «Le professeur Hottelier relève qu'il reste, au final, une question juridique sous-jacente à ce projet de loi constitutionnelle. Il s'agit de savoir s'il faut modifier la constitution à la faveur ou à la défaveur de difficultés temporaires que peut traverser le pouvoir exécutif. En ce sens, il faut se demander si la constitution doit s'adapter à cette réalité, qui est, certes, très ennuyeuse.» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Mesdames et Messieurs, soyons sérieux, ou alors allons jusqu'au bout et assumons ! Assumez, chers collègues du PLR, admettez-le: vous trouvez en définitive que les présidents du Conseil d'Etat que nous avons eus jusqu'ici sont mauvais, que le gouvernement...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Cyril Mizrahi. ...n'assume pas les choix de sa présidence !
Le président. Je donne la parole au député...
M. Cyril Mizrahi. Et puis - j'en finirai par là, Monsieur le président - votons l'amendement...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Mizrahi ! La parole est passée à M. Patrick Dimier...
M. Cyril Mizrahi. ...qui consiste à... (Le micro de l'orateur est coupé. Huées. Commentaires.)
Le président. Monsieur Dimier, c'est à vous.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je fais partie de ce petit groupe, tant décrié par plusieurs d'entre vous, d'anciens constituants. Dans le discours que vient de tenir notre collègue Bavarel, un argument est juste... (Commentaires. Rires.) ...mais il est hélas mal utilisé. Ce qui est juste, c'est que le système suisse ne fonctionne pas avec une majorité et une opposition; chez nous, il n'y a pas de majorité unique, il y a des majorités qui se composent au gré des intérêts des uns et des autres. Les majorités sont composées de minorités et, de ce point de vue, il est tout à fait exact de dire que nous pratiquons une gouvernance de concordance et non de coalition.
Or dans une gouvernance de concordance, il faut trouver les moyens de se mettre d'accord. L'histoire récente, pour ne pas dire totalement contemporaine, de notre petite république a fait que cette concordance, peu de temps après avoir pris son envol, a rencontré quelques problèmes de carburation. Soit. Nous avons ainsi changé le capitaine de l'avion et mis son second à sa place. Il s'avère, pour des raisons que je ne veux pas connaître, que ce second n'a pas envie d'être le premier. Ça arrive ! Même les meilleurs et les plus brillants peuvent reconnaître, devant l'ampleur de la tâche, la difficulté qu'elle comporte, admettre que, ma foi, ce n'est pas fait pour eux. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'on doive changer l'ensemble du système.
Pourquoi le mécanisme de présidence fixe est-il si important ? A l'origine, il ne prévoyait pas sept départements plus un président, mais bien six départements et un département présidentiel, et toute l'architecture du système repose sur ce principe. Il se trouve qu'on fait fonctionner le système actuel, plus sophistiqué, plus compliqué, sur la base du vieux modèle fazyste de 1847. Genève, il faut le dire, avait la particularité avec les Etats-Unis de posséder la plus ancienne constitution - 1789 pour les Américains, 1847 pour les Genevois; pas très moderne, n'est-ce pas ?
Pour répondre à ceux qui pensent que les autres sont archaïques - je me souviens d'un débat récent - eh bien l'archaïsme est plutôt à chercher dans la manière qu'a le Conseil d'Etat de gérer la situation où il se trouve. Ces gens ont été placés devant le peuple par le peuple même, c'est à eux seuls que revient la responsabilité de gouverner et de trouver les solutions pour que ce soit possible, mais certainement pas en modifiant notre charte fondamentale.
Le président. Merci. La parole va à M. François Lefort pour une minute et onze secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. M. Mizrahi n'a pas eu le temps de lire son amendement, alors je vais le faire: «Le contenu de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est remplacé intégralement par la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847.»
Vous en conviendrez, Mesdames et Messieurs, c'est une potacherie de mauvais perdant que nous propose ce soir M. Mizrahi, à l'heure actuelle éminent député, mais - vous vous en souvenez - à l'époque éminent constituant qui, pendant quatre ans, a porté à bout de bras les travaux de la Constituante. Qu'est-ce qu'il nous demande maintenant ? Ni plus ni moins que d'opérer une sorte de hara-kiri de la constitution de 2012 !
Vous comprendrez également qu'au-delà de la potacherie de mauvais perdant, cet amendement est très dangereux: si, d'aventure, ce Grand Conseil venait à le voter - bien sûr, personne ne le fera - il aurait pour conséquence d'introduire une instabilité de l'Etat, en particulier s'agissant de toutes les lois que nous avons votées ces quatre dernières années dans le cadre de la nouvelle constitution. J'espère donc qu'aucun d'entre vous n'aidera M. Mizrahi à commettre ce hara-kiri et, pour cela, je vous recommande évidemment de refuser son dangereux amendement. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Il me reste peu de temps. Cyril Mizrahi a un train de retard: ce qu'il propose là - et il le sait très bien - il aurait pu le faire en 2012, car nous étions 46% de la population à vouloir en rester à la constitution précédente, non pas celle de 1847, mais celle de 1847 telle que modifiée par d'innombrables scrutins démocratiques.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas sérieux ! Nous avons déjà modifié plusieurs fois cette constitution, par exemple en abaissant le nombre de signatures à récolter pour les référendums; pas plus tard que lors la dernière session du Grand Conseil, Cyril Mizrahi a obtenu l'urgence sur un projet de loi constitutionnelle pour abroger l'article 48, alinéa 4, et étendre les droits politiques des personnes handicapées.
Comme l'a dit François Lefort, cet amendement est une plaisanterie, il faut voter les projets de lois. Je ne suis pas Hottelier, je ne suis pas ancien constituant, je ne suis pas au PLR, Monsieur Mizrahi, mais vous trouverez dans mon rapport au moins cinq bonnes raisons de modifier sur ce point la constitution telle qu'elle existe aujourd'hui.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Monsieur Mizrahi, vous n'avez plus de temps de parole... (Exclamations. Protestations.) Je passe la parole à... (Commentaires.) Je passe la parole à M. Jean-Marc... (Commentaires.) S'il vous plaît ! (Commentaires.) S'il vous plaît ! La parole revient à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Décidément, il ne fait pas bon être ancien constituant dans cette enceinte ni même rapporteur de majorité, si c'est pour se retrouver minoritaire... Mais ça s'apprend ! Bien. Mesdames et Messieurs les députés, je remarque que M. Vanek est un homme du passé: il fait assez régulièrement référence à des temps antérieurs. En l'occurrence, il a cité le génie de James Fazy, que j'admire moi aussi, mais j'en appelle pour ma part à celui de la Constituante, n'en déplaise à certains... (Exclamations.) ...Constituante qui a réussi le pari de mettre d'accord plus de onze groupes différents dont les objectifs étaient très différents, voire totalement opposés, et qui a achevé ce travail en quatre ans.
Il se trouve que le rapporteur de première minorité n'a jamais accepté cette constitution, il s'est toujours battu contre. C'est vrai que, dans l'intervalle, nous l'avons modifiée un certain nombre de fois, mais - j'insiste là-dessus - chaque fois que nous avons accepté des adaptations, celles-ci ont été pensées, soupesées, travaillées correctement en commission, puis votées, que ce soit par la droite ou la gauche de ce parlement. En tous les cas, elles ont invariablement fait l'objet d'un examen attentif.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, vous allez adopter deux projets de lois dont la seule justification est le fait qu'un président du Conseil d'Etat a trébuché lors d'un accident de parcours, ce qui suscite une réaction extrêmement virulente et radicale. Relisez l'exposé des motifs présenté par le Conseil d'Etat et vous constaterez qu'il est inconsistant, terriblement léger et assez peu sérieux.
Je reviens encore sur l'exemple cité en modèle, celui des Vaudois. Le rapporteur de deuxième minorité a indiqué qu'il fallait être ministre des finances pour bénéficier d'une vue d'ensemble; alors certes, M. Broulis était ministre des finances lorsqu'il était président du Conseil d'Etat, mais M. Maillard était quant à lui chargé de la santé et des affaires sociales pendant qu'il occupait cette même fonction, et je vous garantis - vous pouvez poser la question à ses anciens collègues - qu'il se mêlait de leurs dossiers, assurait la continuité et la transversalité de ceux-ci.
Pour conclure, je me réjouis de découvrir la façon dont le Conseil d'Etat et les partisans de ces projets de lois les présenteront devant le peuple et quelle raison fondamentale ils invoqueront pour être pris au sérieux. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous remercie tout d'abord de traiter ces projets de lois en urgence. Comme vous le savez, l'échéance pour instituer un système de présidence tournante serait celle du 1er juin 2020; il nous faut donc connaître rapidement la conclusion de vos travaux pour pouvoir soumettre ces objets à votation populaire et, si le peuple s'y rallie, les faire entrer en vigueur à cette date.
Ainsi que plusieurs orateurs l'ont souligné, le Conseil d'Etat a toujours défendu la même position, il a toujours été contre la présidence unique. Il l'a indiqué durant les travaux de la Constituante par la voix de M. Longchamp, il l'a rappelé par la suite lors des différents débats qui ont eu lieu sur cette question, et quand il a déposé ces projets de lois, le Conseil d'Etat était encore une fois unanime.
Pourquoi ? Cela a été dit: parce qu'un gouvernement est avant tout une instance collégiale. Le principe de collégialité implique que tous les membres de l'équipe sont égaux. Certes, celui ou celle qui porte le titre de président ou de présidente anime les séances et assure sans doute davantage de représentations protocolaires, mais dans ce qui constitue l'essence même d'un pouvoir exécutif, c'est-à-dire l'acte de gouverner, eh bien cette personne a exactement le même poids que les autres, ni plus ni moins.
Le débat de ce soir a mis en lumière une confusion que j'ai personnellement ressentie en endossant cette fonction, à savoir que le président serait, comme l'a si bien décrit le rapporteur de minorité Vanek, une sorte de gouverneur, qu'il jouirait d'une prééminence sur les autres. D'ailleurs, quand j'ai été nommé président par mes pairs, on s'est exclamé: «Ah, alors maintenant, le programme du gouvernement sera beaucoup plus écologiste !» Non, Mesdames et Messieurs, non: le programme du Conseil d'Etat demeure celui qui a été présenté par le Conseil d'Etat, il n'y a pas de basculement.
Ce soir, certains députés - M. de Sainte Marie, mais aussi M. Dimier - ont invoqué le terme de «capitaine». Quelle vision totalement contradictoire avec le principe de collégialité ! Sur un vaisseau, qu'il s'agisse d'un navire ou d'un avion, le capitaine est un commandant qui donne des ordres à des seconds, ses officiers, lesquels obéissent: voilà la définition d'un capitaine. Or le président ou la présidente d'une entité collégiale n'a pas ce pouvoir, et heureusement ! Il ou elle doit accompagner les travaux, chercher des majorités, servir de liant, s'impliquer dans des dossiers variés, par exemple les questions budgétaires et de ressources humaines qui sont éminemment transversales et que le gouvernement doit porter, mais également dans d'autres affaires dépassant les frontières d'un seul département. C'est un rôle intéressant, mais ce n'est précisément pas celui d'un capitaine. Et cette confusion, qui existe visiblement aussi ici, parmi des élus qui connaissent pourtant bien les rouages de notre système politique, illustre à quel point la notion de présidence unique n'est qu'un faux-semblant, ce qu'elle provoque dans les esprits ne correspondant pas à ce en quoi elle consiste réellement dans les institutions.
Maintenant, il nous faut régler la question des politiques publiques que comprend le département présidentiel. En dehors des services de la chancellerie qui doivent subsister sous la forme qu'ils connaissent aujourd'hui - protocole, archives, direction des affaires juridiques - il y a l'axe important du projet d'agglomération et des relations avec le Grand Genève. Nous avons constaté par le passé, notamment avec Robert Cramer qui ne dirigeait pas de département présidentiel mais un dicastère en lien avec le territoire et la mobilité, que l'agglomération se construit avant tout par le biais de projets. Ainsi, cette politique publique, qui est devenue présidentielle depuis la dernière législature, pourrait tout à fait se retrouver dans un portefeuille ministériel - pour employer ces termes abusifs - le portefeuille d'un conseiller d'Etat chargé soit des questions de territoire, soit des infrastructures et de la mobilité.
Je dois tout de même donner raison au rapporteur de majorité PDC sur un argument qu'il a avancé et qu'on ne peut pas nier: du point de vue de la Genève internationale, le système actuel est intéressant. En effet, contrairement à nous, politiciens locaux qui sommes habitués au mécanisme de présidence tournante - c'est le système historique de la Suisse - pour la communauté internationale, le terme de «président» signifie immédiatement l'interlocuteur étranger avec lequel il faut discuter, généralement en anglais, et si vous ne possédez pas ce titre, cela veut dire autre chose - bien que pour nous, au final, cela revienne au même.
Il se trouve que nous pourrions résoudre cette question grâce à un procédé que nous connaissons bien au niveau tant national qu'international: la mise en place d'un ministère des affaires étrangères. Chez nous, il s'agirait d'un département des affaires internationales assurant un suivi permanent des relations avec la mission suisse et les organisations internationales - c'est fondamental - tandis que les discours clés seraient tenus par le président ou la présidente de l'année. Nous avons déjà éprouvé ce système, la solution existe, même si, c'est vrai, je le reconnais devant le groupe PDC, le régime actuel est particulièrement efficace sur ce point, toutefois mineur, des relations internationales.
Il est vrai aussi, je vais être honnête, que si nous modifions le système ce soir, et c'est ce que vous demande le Conseil d'Etat, nous n'aurons jamais vraiment testé la structure en sept départements plus un. Durant la dernière législature, nous avons connu le modèle six plus un, mais que n'avons-nous pas entendu au sujet de notre ancien président Longchamp: qu'il s'ennuyait, qu'il n'avait rien à faire... Or l'agenda des relations protocolaires d'un président est extrêmement chargé, il doit recevoir toutes sortes d'ambassadeurs, participer à d'innombrables événements. Il gérait encore d'autres dossiers, mais le système a été vivement critiqué. Partant, on a décidé de procéder autrement pour cette législature: le président conduit en plus un département thématique. En l'occurrence, ce fut d'abord celui de la police, puis celui du territoire qui, je le rappelle, consiste en l'ancien DALE augmenté de 60% du feu DETA, ce qui représente un dicastère conséquent auquel on ajoute un département complet, le présidentiel.
Ce sont des situations conjoncturelles, il ne faut pas se mentir, mais fondamentalement, au-delà de cette législature quelque peu particulière, le Conseil d'Etat vous enjoint de revenir à ce qui constitue l'essence du système suisse, la collégialité, à ce qui constitue l'essence de notre démocratie, la recherche de consensus. Constatons, peut-être avant les deux autres cantons qui connaissent et apprécient apparemment ce système - quand on discute entre quatre yeux, toutefois, les langues se délient - que le principe du partage de la présidence est certainement le plus conforme à nos valeurs helvétiques. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande l'adoption de ces projets de lois.
Le président. Merci bien. Je lance la procédure de vote en commençant avec le PL 12432-A.
Mis aux voix, le projet de loi 12432 est adopté en premier débat par 71 oui contre 15 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général que voici:
«Art. 1 (souligné) Modifications
Le contenu de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est remplacé intégralement par la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (état au 14 octobre 2012).
Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 83 non contre 2 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12432 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 20 non et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous poursuivons avec le PL 12433-A.
Mis aux voix, le projet de loi 12433 est adopté en premier débat par 67 oui contre 16 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 12433 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12433 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 20 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie et vous souhaite une bonne soirée !
La séance est levée à 22h55.