République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 15h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.

Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Eric Leyvraz, Simone de Montmollin, Philippe Morel, Xhevrie Osmani et Stéphanie Valentino, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Natacha Buffet-Desfayes, Emmanuel Deonna, Patrick Hulliger et Vincent Subilia.

Annonces et dépôts

Néant.

Questions écrites urgentes

Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:

Question écrite urgente de M. Marc Fuhrmann : 20 ans de critical mass, 20 ans de passe-droits ? (QUE-921)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quel est le motif ayant permis aux Emirats arabes unis d'acquérir la parcelle 10031 de la commune de Collonge-Bellerive le 10 octobre 2017 pour un montant de 16 000 000 F ? (QUE-922)

Question écrite urgente de M. Yves de Matteis : Un travail d'histoire et de mémoire sera-t-il encore encouragé en 2019 et les années suivantes ? (QUE-923)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : L'Etat contribue-t-il aux frais de défense juridique de Pierre Maudet ? (QUE-924)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quel est le coût de l'indemnisation des victimes de conditions de détention illicites ? (QUE-925)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelles sont les possibilités d'utiliser l'évolution technologique pour éviter les atteintes à la pudeur des citoyens soumis à une fouille par la police ? (QUE-926)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle est la situation actuelle en matière de sécurité du vote par correspondance à Genève ? (QUE-927)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle protection possible contre le refoulement pour les victimes d'infractions pénales sans statut légal en Suisse ? (QUE-928)

Question écrite urgente de Mme Patricia Bidaux : Quelle transition numérique pour l'école genevoise ? (QUE-929)

Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Conseil consultatif de sécurité : comment le Conseil d'Etat va-t-il mettre fin à un trouble mélange des genres ? (QUE-930)

Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Après le séquestre, l'heure des comptes (QUE-931)

Question écrite urgente de M. Jean Batou : Demande de précisions sur le transfert des rapports de la BSI à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet, chef du DS (ex-DSE) (QUE-932)

Question écrite urgente de M. Jean Batou : A quoi peut donc bien servir le conseil consultatif de sécurité (CCS) ? (QUE-933)

Question écrite urgente de M. Thomas Wenger : Après les chauffeurs VTC, les coursiers-livreurs seront-ils aussi livrés à eux-mêmes ? (QUE-934)

Question écrite urgente de M. Christian Zaugg : Résiliation de bail pour l'IMAD au 31 décembre 2018 (QUE-935)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Pierre Maudet a-t-il indirectement bénéficié d'une protection rapprochée dont aurait fait l'objet le bâtiment du Ministère public lors de ses auditions ? (QUE-936)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle place pour les mandataires associatifs bénévoles à l'OCPM ? (QUE-937)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle laïcité pour nos cachots ? (QUE-938)

Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelles sont les modalités d'exécution des peines et des mesures prononcées dans le canton de Genève ? (QUE-939)

Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Quel est le prix que paie Genève pour l'amour de Paul Biya ? (QUE-940)

Question écrite urgente de M. Diego Esteban : Emoluments absurdes : pourquoi une copie de l'acte de naissance est-elle valable uniquement pendant 6 mois ? (QUE-941)

Question écrite urgente de Mme Anne Marie von Arx-Vernon : Risques de mariages forcés pendant les vacances scolaires ? Le DIP s'en désintéresse (QUE-942)

Question écrite urgente de Mme Isabelle Pasquier : Les snacks proposés dans les écoles répondent-ils aux recommandations en matière d'alimentation saine ? (QUE-943)

Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Quelle sécurité piétonne aux Eaux-Vives ? (QUE-944)

Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Prime de 3000 F pour les cadres supérieurs, l'austérité ne s'appliquerait-elle donc pas à tous ? (QUE-945)

Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Pourquoi le secteur public finance-t-il une assurance 2e pilier sur l'activité privée des médecins des HUG ? (QUE-946)

Question écrite urgente de Mme Marion Sobanek : Quel avenir pour l'EMS La Méridienne et ses employés ? (QUE-947)

Question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Quels sont les résultats détaillés des évaluations de compatibilité climatique des investissements de la CPEG ? (QUE-948)

Question écrite urgente de M. Pierre Vanek : Don... et contre-don : qui loge qui, où, pourquoi et au bénéfice de qui ? (QUE-949)

Question écrite urgente de M. Marc Falquet : Le laxisme, porte d'entrée de la délinquance ? (QUE-950)

Question écrite urgente de Mme Salima Moyard : Comment le canton encourage-t-il les personnes d'origine étrangère ayant obtenu le droit de vote à faire usage de ce droit ? (QUE-951)

Question écrite urgente de Mme Salima Moyard : Mise en oeuvre de la LTVTC (taxis et voitures de transport avec chauffeur) et dysfonctionnements systémiques de la PCTN : comment l'Etat peut-il faire son travail de contrôle ? (QUE-952)

Question écrite urgente de Mme Helena Verissimo de Freitas : Offre d'emploi aux TPG : Bac+5 ! (QUE-953)

QUE 921 QUE 922 QUE 923 QUE 924 QUE 925 QUE 926 QUE 927 QUE 928 QUE 929 QUE 930 QUE 931 QUE 932 QUE 933 QUE 934 QUE 935 QUE 936 QUE 937 QUE 938 QUE 939 QUE 940 QUE 941 QUE 942 QUE 943 QUE 944 QUE 945 QUE 946 QUE 947 QUE 948 QUE 949 QUE 950 QUE 951 QUE 952 QUE 953

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 906-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean-Charles Rielle : Fête des écoles, niveau sonore et protection de l'enfant : quels contrôles par l'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 906-A

QUE 907-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Pourquoi exclure les deux-roues motorisés de l'équation mobilité ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 907-A

QUE 908-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Chômeurs en fin de droit : des statistiques rassurantes, des réalités préoccupantes

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 908-A

QUE 909-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Rolin Wavre : Blocage du centre-ville à l'appel des syndicats Unia, SIT et Syna les 16 et 17 octobre 2018 : quels ont été les coûts directs et indirects de ce blocage pour l'Etat et pour les régies publiques, en particulier les TPG ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 909-A

QUE 910-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Salika Wenger : Voyages voyages des actuel-le-s magistrat-e-s

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 910-A

QUE 911-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Prime moyenne cantonale ? Prime moyenne cantonale ? Est-ce qu'elle a vraiment une g... de prime moyenne cantonale ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 911-A

QUE 912-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Académie de police de Savatan : focus sécurité ou lit de l'insécurité ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 912-A

QUE 913-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Des directions générales ont été surclassées en offices. Combien de promotions ? Combien de nouveaux cadres ? Quelles répercussions sur les finances de l'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 913-A

QUE 914-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Vanek : Naufrage titanesque de certain-e-s élu-e-s : l'iceberg a-t-il une face encore cachée ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 914-A

QUE 915-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Salons de massage : le Conseil d'Etat durcit le ton. Quelles conséquences pour les travailleur-euse-s du sexe ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 915-A

QUE 916-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Transfert de dettes des parents à leurs enfants : le Conseil d'Etat dit stop ou encore ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 916-A

QUE 917-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Quelles mesures le canton a-t-il prises pour lutter contre les bruits excessifs provenant en particulier des véhicules à moteur, dérangeant de jour comme de nuit la population ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 917-A

QUE 918-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Marion Sobanek : Surveillance exagérée lors des manifestations des maçons ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 918-A

QUE 919-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Adrienne Sordet : Le Conseil d'Etat est-il prêt à renoncer à fixer les examens ou les évaluations pour permettre aux apprenties, collégiennes et étudiantes de participer à la grève des femmes* prévue le 14 juin 2019 ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 919-A

QUE 920-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : Faut-il vraiment couper l'élan de la Voie verte ?

Annonce: Séance du vendredi 2 novembre 2018 à 15h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 920-A

Q 3816-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Pierre Bayenet : Catherine Maudet a-t-elle bénéficié d'une violation du secret de fonction ?
PL 12168-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, François Lefort, Boris Calame, Jean Rossiaud, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Mathias Buschbeck, Sophie Forster Carbonnier, Guillaume Käser, Pierre Vanek modifiant la loi sur la promotion de l'agriculture (LPromAgr) (M 2 05) (Soutien à l'agriculture biologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIV des 26 et 27 avril 2018.
Rapport de majorité de M. Georges Vuillod (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Isabelle Brunier (S)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au PL 12168-A. Le rapport de deuxième minorité est de Mme Isabelle Brunier, ancienne députée, remplacée par Mme Salima Moyard. Le débat se tient en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.

M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis 2005, la loi genevoise sur la promotion de l'agriculture prévoit en son article 8 un soutien étatique des modes de production respectueux de l'environnement et des espèces animales. Le présent projet de loi propose d'inclure un alinéa supplémentaire rédigé ainsi: «Sont en particulier favorisées les reconversions d'exploitations à l'agriculture biologique.» La commission de l'environnement et de l'agriculture s'est réunie à quatre reprises et a auditionné les acteurs principaux du secteur agricole, soit Bio Genève, groupement des producteurs biologiques - dont un délégué est membre du comité d'AgriGenève, je tiens à le préciser - AgriGenève, faîtière de l'agriculture genevoise, Uniterre, syndicat agricole dont les membres sont également actifs en culture biologique et conventionnelle, et Bioromandie, opérateur commercial créé par les maraîchers pour valoriser les productions auprès des grandes surfaces et de la restauration collective.

Point de situation de la production biologique genevoise: 30 exploitations pour 1161 hectares de cultures, dix fois plus qu'à l'entrée en vigueur de la loi. Cela représente 12% des surfaces cultivées. La consommation de produits biologiques progresse chaque année de 8% à 10% et représente environ 12% du marché. Les aides et soutiens à la production biologique actuellement existants sont: au niveau fédéral, un paiement direct complémentaire pour la culture biologique - cette contribution est indispensable économiquement parlant; au niveau cantonal, une aide à la reconversion biologique, en plus des montants fédéraux, en application de l'article 8 actuellement en vigueur. Ces aides sont délivrées par l'Etat, elles sont plafonnées à 30 000 F par année de reconversion biologique, soit un maximum de deux fois 30 000 F par exploitation, selon la surface et le nombre de collaborateurs.

Les points de convergence des auditionnés: le canton a toujours soutenu financièrement la reconversion biologique; les montants alloués à la vulgarisation agricole sont indispensables pour que les agriculteurs mesurent les défis d'un transfert en production biologique, tant au niveau agronomique qu'au niveau économique; des signaux inquiétants de surproduction apparaissent dans presque tous les secteurs de production biologique; l'activité agricole est multiple, et chaque mode de production a sa place et son utilité pour répondre aux attentes des consommateurs; la production et la consommation locales sont essentielles pour l'agriculture genevoise, tous modes de production confondus; la production biologique n'est pas la seule à être respectueuse de l'environnement.

Les points de divergence: Bio Genève soutient ce projet de loi essentiellement par crainte d'une défaillance de l'Etat - ce qui n'est jamais arrivé - dans la délivrance des montants d'aide à la reconversion biologique selon l'article 8 actuel. AgriGenève et Uniterre ne soutiennent pas ce texte qui distingue les modes de production, créant une scission entre les agriculteurs, qui tous sont préoccupés par leur impact sur l'environnement. Le département, quant à lui, précise que toutes les aides à la reconversion ont toujours été attribuées depuis l'existence de la loi, que la loi a été élaborée avec la volonté de ne pas interférer entre les modes de production.

En conclusion, il apparaît clairement des auditions que la loi actuelle permet déjà de soutenir les entreprises qui font le choix de changer de mode de production, que tous les montants sollicités par des entreprises ont été honorés, que le marché biologique est en progression constante et que les agriculteurs suivent la demande sans avoir besoin d'y être plus incités, et enfin que ce sont les consommateurs qui décident, n'en déplaise à certains. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande de refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets une petite rectification d'entrée de jeu: Uniterre soutient naturellement ce projet de loi, ainsi que les paysans bio, Bio Genève.

Il y a à peine deux mois, la population genevoise acceptait haut la main les deux initiatives pour des aliments équitables et pour la souveraineté alimentaire, avec respectivement 64% et 60% de oui. La population genevoise plébiscitait ainsi l'agriculture biologique et de proximité: un signal très clair en faveur de celle-ci, dans le sillon du présent projet de loi.

Nous l'avons entendu durant cette dernière campagne de votation de la bouche de tous les bords politiques - il ne s'agit pas ici de polémiquer: nous voulons une agriculture respectueuse de notre santé, de notre environnement et des animaux. Nous voulons des aliments de proximité, de saison, sans pesticides ni OGM. Nous voulons des revenus équitables et des conditions de travail dignes pour les familles paysannes d'ici et d'ailleurs. Ces propos, on les a entendus durant deux mois - c'était en septembre, en août aussi - de la bouche de nombreux militants.

Ce discours, que naturellement nous partageons, doit s'accompagner d'un cadre légal adapté. On peut combattre les pesticides, soutenir les circuits courts entre consommateurs et consommatrices et producteurs, développer le bio, mais en parallèle, il faut favoriser le terrain des producteurs, c'est-à-dire celui de nos agriculteurs et agricultrices. Ce projet de loi va clairement dans ce sens. Que demande-t-il ? Il veut soutenir les exploitations qui souhaitent - celles qui le souhaitent ! - passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique.

Il faut le rappeler, à Genève, sur les 350 exploitations agricoles, seules 10% sont en mode de culture biologique. La situation va évoluer l'année prochaine, mais il y a un énorme retard à rattraper. Alors oui, passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique, c'est bien, mais ce n'est pas facile, et c'est précisément pour cette raison que ce projet de loi vient aider les agriculteurs et agricultrices qui souhaitent passer au bio. On le sait, les périodes de transition sont difficiles pour les agriculteurs et ce projet de loi vise à les soutenir dans leur reconversion. Même si un fonds d'aide aux reconversions existe, nous estimons que nous devons les accompagner et renforcer ces aides.

Donnons la réplique aux grands groupes d'intérêts sectoriels puissants comme les industries agrochimiques et agroalimentaires, en soutenant à Genève une agriculture à échelle humaine, sans pesticides, en favorisant les circuits courts, la proximité entre consommateurs et producteurs, les ventes à la ferme sans intermédiaire, où, naturellement, l'érosion des prix n'est pas constatée.

Loin d'opposer un mode de production à un autre et d'ériger l'agriculture biologique contre l'agriculture conventionnelle - je tiens à le préciser et à souligner qu'il ne s'agit pas d'opposer un mode d'agriculture à un autre - il s'agit de proposer d'être soutenus à celles et à ceux qui souhaitent passer au bio. Ce projet de loi s'inscrit pleinement dans la mission de l'Etat. Nous vous encourageons, chères députées, chers députés, à le soutenir, à la suite du signal que la population genevoise nous a envoyé il y a à peine deux mois. Je vous remercie.

Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président

Mme Salima Moyard (S), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, un projet de loi ancrant le principe de soutien du canton à l'agriculture biologique, voilà ce que nous pouvons voter tout à l'heure. Je reprends ici le rapport de minorité de mon ancienne collègue députée Isabelle Brunier qui avait déposé un rapport très personnel relevant quelques dysfonctionnements intervenus à son sens dans le travail de commission, que je cite brièvement: des prises de position jugées trop politiques de la part de certains représentants du département et une influence très forte - trop forte - des députés connaissant professionnellement la problématique. Je n'y étais pas, bien entendu, mais il est vrai qu'à la lecture du rapport, aux pages 3 et 4, on lit qu'un député fait une très longue intervention politique et de positionnement alors que Mme Klopfenstein Broggini était auditionnée, sans lui poser la moindre question. C'est effectivement peut-être un peu regrettable. Enfin, Mme Brunier relevait que le titre auquel l'un des auditionnés intervenait n'était pas très clair, puisqu'il avait plusieurs casquettes; il est d'ailleurs parmi nous aujourd'hui comme député.

Ce qui est plus important, c'est le fond du sujet. Comme l'a dit la rapporteure de première minorité, bien entendu, ce projet de loi doit être soutenu. D'une part, il ne mange franchement pas beaucoup de pain, il n'est de loin pas révolutionnaire, mais il va dans la bonne direction. D'autre part, il est suffisamment général pour permettre une mise en oeuvre souple par le département. Et puis, il ne fait que remonter un élément réglementaire dans la loi et il est conforme au droit supérieur, à savoir la constitution, comme cela a été démontré en commission. Ainsi, franchement, comment pourrait-il rencontrer la moindre opposition ?

A la lecture du rapport, on voit les vraies raisons de l'opposition de la majorité. Bien sûr, sous couvert d'un soutien général au bio - en 2018, ce n'est pas très politiquement correct d'être contre le bio - on refuse d'inscrire le soutien dans la loi; en filigrane, on retrouve bien sûr la peur d'interférer sur le sacro-saint marché, la peur de toucher la sacro-sainte liberté économique. Pour cela, on est prêt à toutes les pollutions. Non merci, ce n'est pas la vision de l'agriculture qu'a le parti socialiste !

Certes, l'agriculture conventionnelle est régulée par des normes, bien plus qu'avant, et les engrais, pesticides et autres produits phytosanitaires toujours utilisés dans l'agriculture conventionnelle sont mieux contrôlés et en diminution, c'est un fait; mais qu'importe, le passage au bio est pour le parti socialiste une nécessité à moyen terme, car l'agriculture actuelle n'est pas soutenable sur le long terme et la part du bio aujourd'hui, c'est-à-dire 13% des terres cultivées, est bien trop faible. Les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de produits bio. Il faut donc encourager les reconversions, mais aussi - même si c'est un thème connexe et non directement lié à ce projet de loi - travailler sur les prix pratiqués par les grandes surfaces, qui se sucrent copieusement sur les prix du bio et font augmenter le prix bien au-delà du surcoût lié à la production. Mais c'est une autre histoire !

Concrètement, les montants actuels versés par le canton sont utiles et nécessaires, mais pas énormes non plus: c'est un maximum par exploitation de 60 000 F sur deux ans, bien moins que dans le canton de Vaud. Ce sont finalement de toutes petites sommes. Il n'est pas question dans ce projet de loi de les augmenter. C'est bien pour cela que je disais que ce texte n'est pas révolutionnaire; simplement, il ancre le principe de ce soutien dans la loi, ce qui, pour le parti socialiste, est une bonne chose.

En conclusion, au nom du parti socialiste, je vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi raisonnable et symbolique mais optimiste quant à l'avenir de notre agriculture genevoise. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, une majorité du PDC soutiendra ce projet de loi qui vise à mieux encourager l'agriculture biologique. En effet, on constate actuellement qu'une reconversion vers l'agriculture bio exige une mise aux normes durant plusieurs années avant que l'exploitation soit reconnue bio et rémunérée comme telle. Plutôt que de fixer un forfait avec un plafond, ce projet de loi permettrait notamment de compenser la perte réelle engendrée par le surplus de travail durant les deux premières années, alors que la vente des produits ne peut pas encore être labellisée bio et donc rémunérée au juste prix.

Nous souhaitons simplement attirer l'attention sur le fait que nous ne devons à aucun prix opposer l'agriculture biologique aux autres modes de production. Nous aimerions éviter que les aides financières apportées par l'Etat ne soutiennent davantage le bio que l'agriculture conventionnelle. Cela signifiera peut-être une enveloppe globale plus importante, mais nécessaire pour encourager une agriculture de proximité qui réponde aux besoins de la population, notamment celui d'avoir des produits bio genevois et non européens, ou pire, d'encore plus loin, qui au final ne respectent pas les normes suisses - bien plus strictes que celles d'ailleurs - et qui constituent un non-sens en tout cas aux yeux de la population genevoise qui a plébiscité récemment les deux initiatives sur la souveraineté alimentaire. Pour toutes ces raisons, dans sa majorité, le PDC acceptera ce projet de loi et vous invite à faire de même. Merci.

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai parlé il y a quelques semaines dans ce parlement de la disparition de 30% des oiseaux dans les campagnes suisses et genevoise: je m'étais trompé, une nouvelle étude est sortie, ce sont 40% des oiseaux qui ont disparu des zones agricoles en Suisse. Les scientifiques ont pointé du doigt le fait que l'agriculture intensive cause cette disparition; non pas seulement les pesticides - un sujet que nous aurons l'occasion de traiter tout à l'heure - mais aussi l'engraissement et l'épuisement des sols, la multiplication des fauches, etc. Cette disparition massive, cet écroulement du nombre et de la diversité des oiseaux dans les campagnes ne vient pas de nulle part: ils sont le résultat de la diminution du nombre d'insectes, qui elle-même est le symptôme de la disparition de beaucoup d'espèces de plantes en bordure des champs.

Il y a donc réellement une urgence du point de vue de la lutte pour la protection de l'environnement; une urgence à accélérer le basculement vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement. C'est le sens de ce projet de loi qu'Ensemble à Gauche naturellement soutient. D'autant plus que ce basculement - la rapporteure de première minorité l'a dit - répond aussi aux exigences d'une grande majorité de la population genevoise, qui l'a exprimé clairement lors des votations sur la souveraineté alimentaire et pour des aliments équitables.

La majorité de la commission a raison, et le rapporteur de majorité a raison de le rappeler, il y a des efforts, des éléments sont mis en place par l'Etat pour aider les paysannes et paysans qui souhaitent se reconvertir en bio; mais on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle, le chiffre de 10% d'exploitations bio ne doit en aucune manière nous satisfaire, il est important d'accélérer ce processus de reconversion. Et puis il y a des améliorations possibles, pas uniquement financières d'ailleurs - ça plaira sans doute à la droite: on peut pratiquer des aménagements administratifs qui permettraient à des agriculteurs, notamment celles et ceux qui ont beaucoup de terrain en France, de se tourner vers le bio.

Finalement, c'est surtout l'opposition de la majorité en commission qui nous renforce dans l'idée que ce projet de loi est important et qu'il est important de renforcer les dispositions légales en faveur de l'agriculture biologique, car qu'entend-on comme arguments contre ce texte ? On nous dit qu'il correspond aux pratiques actuelles de l'Etat de Genève. Mais alors, justement, Mesdames et Messieurs les députés, c'est une raison supplémentaire pour le voter ! Que la loi soit conforme à la pratique, personne ne peut s'en offusquer ! Si la majorité en commission s'y oppose, c'est bien qu'elle continue à défendre une agriculture intensive et qu'elle a un certain nombre de réticences envers l'agriculture biologique. C'est pourquoi Ensemble à Gauche soutiendra fermement ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Patrick Hulliger (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi demande que soit ajouté ceci dans la loi sur la promotion de l'agriculture: «Sont en particulier favorisées les reconversions d'exploitations à l'agriculture biologique.» Nous sommes clairement dans un sujet à la mode où tout le monde intervient sans forcément connaître suffisamment la matière. Nous entrons malheureusement dans des discussions manichéennes, et le bio devient une véritable religion: vous faites du bio ? Vous êtes un juste qui veut le bien. Vous n'avez pas le label bio ? Vous êtes un pollueur inconscient.

Les choses ne sont pas si simples. D'abord, toutes les entreprises agricoles du canton travaillent dans le respect des PER, les prestations écologiques requises. Les différences entre culture traditionnelle et culture dite bio s'estompent; bien des produits semblables sont utilisés par tous les paysans. La différence qui se veut fondamentale est que le bio n'utilise pas de produits de synthèse, ce qui est fort discutable: les produits bio sont proposés par les grandes entreprises chimiques et les intrants comme le cuivre et le soufre sont largement transformés. La culture bio présente aussi son revers de médaille: les produits sont peu rémanents, et en cas de fortes précipitations, les traitements sont répétés, avec un tassement des sols problématique. D'ailleurs, un grand domaine viticole du Bordelais vient de quitter le bio suite à ces constatations. Une saine complémentarité entre différents systèmes de culture, tirant le positif de chacun, devrait être la règle. Beaucoup de paysans genevois adoptent cette position pragmatique proche du bio, mais sans label, pour laisser la porte ouverte à d'autres interventions en année climatique difficile. La science agricole n'est pas une religion. Si des agriculteurs veulent obtenir un label bio, qu'ils le fassent par conviction et en étant conscients qu'ils ne détiennent pas la vérité absolue en ce qui concerne l'environnement.

Le bio n'est pas si bien défini: il y a une trentaine de labels sur le marché, avec des cahiers des charges qui peuvent présenter des différences étonnantes. Il faut garder l'esprit ouvert sur la diversité des méthodes de culture, ce que les producteurs bio commencent aussi à réaliser, suite à la propagation du virus Gumboro dans les élevages de poulets. Ils viennent d'autoriser l'utilisation du seul vaccin efficace, le Vaxxitek, qui est - ô horreur ! - un OGM.

Mesdames et Messieurs, ce sont tous vos paysans de proximité, qui entretiennent une magnifique région, qui méritent d'être soutenus. L'UDC refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi et vous demande de faire de même. Merci de votre attention.

Une voix. Très bien, Patrick !

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, quelle joie d'entendre que les mentalités ont changé ! Quelle joie d'entendre que la majorité des agriculteurs et agricultrices tendent vers des productions respectueuses de l'environnement ! Lorsque j'étais enfant, passer à une agriculture biologique était perçu comme une idée folle, ceux qui s'y essayaient s'entendaient traiter d'idéalistes, de fous en Birkenstock, nombreux étaient ceux qui leur prédisaient bien des débâcles et un avenir peu reluisant. Ils se sont trompés, heureusement, Mesdames et Messieurs. C'étaient les prémices du Bourgeon Bio Suisse.

Quarante ans plus tard, la Suisse compte près de 6400 exploitations biologiques, et leur nombre continue d'augmenter. Malheureusement, dans le canton de Genève, nous sommes encore très loin d'une forte production biologique. Ce projet vise simplement à ancrer dans la loi un principe déjà en vigueur dans la pratique réglementaire. Et cela est nécessaire, même si on cherche à nous faire croire que le règlement suffit: il est nécessaire de soutenir le développement d'une agriculture respectueuse de l'environnement, qui fait sens aujourd'hui plus que jamais, et d'ancrer ce soutien dans la loi.

Passer à l'agriculture biologique, c'est, encore aujourd'hui, comme par le passé, prendre des risques: c'est risquer de ne pas trouver tout de suite la bonne manière de protéger ses récoltes, risquer de devoir apprendre sur le tas de nouvelles pratiques, de se distancer des fonctionnements connus, de se remettre en question, de devoir trouver des solutions créatives pour écouler les produits et ouvrir de nouveaux marchés. Et prendre des risques, Mesdames et Messieurs, cela demande du courage.

Il est mentionné dans le rapport, et on l'a entendu dans la bouche de mon préopinant, que «les producteurs qui se lancent en culture biologique doivent le faire par conviction». Mais se tourner vers l'agriculture biologique n'est ni une idéologie ni un sacerdoce, c'est prendre à bras-le-corps les enjeux environnementaux et miser sur un système écologiquement, socialement et économiquement durable, qui doit être soutenu. Faisons donc aujourd'hui le pas d'ajouter dans la loi ce soutien à l'agriculture biologique et de soutenir le courage de ceux qui veulent prendre le risque d'un retour vers le futur. Le groupe socialiste soutiendra ce texte. (Applaudissements.)

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). La question qui se pose n'est pas de savoir si on soutient ou non l'agriculture biologique: évidemment, celle-ci présente des avantages; la question est de savoir si on soutient la modification proposée de la loi sur la promotion de l'agriculture. La loi actuelle est déjà claire: elle permet de soutenir des reconversions. L'objectif que l'Etat doit poursuivre est clairement indiqué: il s'agit de respecter l'environnement. Il y a plusieurs moyens pour cela, et ce n'est pas seulement à travers un label particulier, le label bio, qu'il est possible de le faire. Cette modification vise à soutenir un label principalement, sans tenir compte des réalités du marché. En effet, les agriculteurs vivent d'abord de leur production et sont aidés par des subventions. S'il y a une surproduction de bio, ils ne pourront plus vendre: il faut donc d'abord s'occuper d'assurer que les consommateurs veuillent acheter du bio au prix où il est avant d'inciter une surproduction; sinon, on se retrouvera avec des invendus, ce qui n'est à l'avantage de personne.

Ensuite, ce projet de loi ne tient absolument pas compte du fait que certains agriculteurs ne peuvent pas passer au label bio. En effet, les producteurs qui pratiquent la polyculture, par exemple, ne peuvent pas faire passer l'ensemble de leur production sous ce label. Ils seraient donc privés de cette aide, alors qu'ils font peut-être des efforts en faveur de l'environnement.

En conclusion, le groupe PLR vous invite à refuser cette modification. Certes, l'objectif est louable, mais à notre sens, le moyen est contre-productif. La loi suffit pour protéger l'environnement. Nous pensons qu'il faut laisser la marge de manoeuvre au département pour qu'il accomplisse la mission qui est la sienne. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Le peuple s'est prononcé à plusieurs reprises, en particulier très récemment, sur la souveraineté alimentaire: ce n'étaient pas seulement quelques petits pourcents, c'était au-delà de soixante. Le message est donc extrêmement clair. Quand j'entends tant d'arguments qui sont plutôt des pinaillages d'opposants un peu attardés que de vrais raisonnements, je me dis - et nous nous disons - qu'il est temps de passer le pas. Mais passer le pas, ça veut dire qu'on ait une vision globale de la question à laquelle on a envie de s'attaquer. Celle-ci ne touche pas seulement l'agriculture: elle touche l'environnement d'une manière générale, elle touche la faune d'une manière assez sérieuse, puisqu'on sait que depuis une dizaine d'années, des espèces d'oiseaux ont disparu et d'autres, pourtant extrêmement courantes sous nos latitudes, ont diminué de 40%, que les insectes, qui sont certainement les meilleurs alliés des agriculteurs pour faire des cultures biologiques, ont été décimés par la chimie. Je pars donc de l'idée qu'il faut sérieusement prendre cette problématique en main.

Vu les imperfections soulignées ici et là, la logique voudrait que ce projet de loi soit renvoyé en commission. Mais nous, MCG, ne souhaitons pas faire cette proposition: elle appartient à ceux qui ont créé et soutenu ce projet de loi. Des questions doivent être reprises, approfondies. Selon nous, ce serait donc la bonne solution, mais encore une fois, ce n'est pas une demande du groupe MCG, c'est de la pure logique. Notre groupe optera soit pour l'abstention, soit pour le refus.

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Chers collègues, on l'a déjà dit, ce projet de loi propose d'ajouter une précision dans la loi sur la promotion de l'agriculture. Cette précision est peu contraignante, mais elle donne un signal qui va dans le sens de ce que les citoyens et les consommateurs genevois demandent. Comme rappelé, récemment, la population genevoise a voté deux fois oui, de manière très claire, à des objets liés à la souveraineté alimentaire. D'autres initiatives arrivent, nous voterons déjà ce week-end sur un projet. Toutes ces initiatives viennent de la population. Elles demandent une extensification, une écologisation de la production.

Cela a été dit, la production en agriculture biologique augmente: oui, mais la demande également. Le marché des produits biologiques augmente de manière constante. Il est à plus de 1,7 milliard à l'heure actuelle. Les consommatrices et les consommateurs souhaitent acheter des produits locaux, ils sont prêts à payer plus cher pour cela; mais ils ne devraient pas avoir à choisir entre privilégier des produits locaux, GRTA, ou des produits bio, ce qui est quand même souvent le cas, malheureusement.

On a déjà parlé aussi de la détérioration de notre environnement. Un tiers des espèces est en danger, la moitié des milieux naturels est menacée, la diversité génétique diminue. L'OFEV indique que les efforts consentis jusqu'à maintenant sont insuffisants. Je sais que les familles paysannes sont bien plus que nous en contact avec cette détérioration et qu'elles déplorent et craignent aussi ces changements.

La loi sur la promotion de l'agriculture a été adoptée il y a quatorze ans. Elle a été rédigée avec la volonté d'améliorer la souveraineté alimentaire à Genève, d'améliorer les bases de la production; elle a permis de développer une véritable politique cantonale de l'agriculture, qui est normalement une prérogative plutôt fédérale. Elle a créé le label GRTA dans le but de rapprocher les familles paysannes et les familles consommatrices. Actuellement, 250 producteurs sont affiliés à ce label. Qu'en est-il du bio ? J'aimerais juste préciser une chose. Le bio, bien sûr, ce sont des labels; mais pas seulement: c'est aussi une ordonnance sur l'agriculture biologique qui définit un mode de production. Cette ordonnance a été adoptée il y a vingt ans. Alors qu'en quatorze ans, 250 familles ont adopté le label GRTA, en vingt ans, seulement 30 producteurs genevois se sont convertis à l'agriculture biologique. Il y a donc franchement une marge de progression. Il ne s'agit pas d'opposer les différentes pratiques et types de production agricoles, mais de donner un signal clair pour l'encouragement du bio. Nous voulons donner ce signal aujourd'hui. (Applaudissements.)

Mme Claude Bocquet (PDC). Messieurs les députés, Mesdames les députées, j'aimerais juste remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne la disparition des oiseaux. J'ai entendu deux députés en parler et dire qu'on ne fait rien. J'aimerais qu'ils se renseignent un peu, j'aimerais qu'on arrête d'extrapoler à la Suisse ce qui se passe au niveau européen et de modifier des lois genevoises, alors qu'à Genève, le travail se fait. Si vous lisez le rapport de M. Longet sur la biodiversité, vous verrez qu'il a encore remercié les agriculteurs d'avoir mis en place avec l'Etat tout un dispositif pour améliorer celle-ci. Renseignez-vous quand même avant de parler ! C'est une attaque frontale contre les agriculteurs qui fournissent un gros travail, et c'est vraiment désagréable. Je suis agricultrice à la retraite, disons, et franchement, c'est désagréable d'être toujours attaqué alors qu'un énorme travail est fait ! Genève est le seul canton qui a de nouveau des oiseaux qui avaient disparu et qui reviennent. Merci d'en tenir compte. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Philippe Poget (Ve). J'aimerais demander le vote nominal sur ce projet de loi.

Le président. Etes-vous soutenu ? (Des mains se lèvent.) Vous l'êtes. Nous continuons le débat. Je passe la parole à M. Burgermeister Jean pour quarante-deux secondes.

M. Jean Burgermeister (EAG). C'est court ! Merci, Monsieur le président. Je voulais intervenir pour dire qu'il ne me semble pas avoir attaqué qui que ce soit dans ce parlement. Je soulevais simplement l'ampleur du problème, qui nécessite que nous prenions des mesures fortes. En l'occurrence, il s'agit encore d'une mesure insuffisante, puisqu'elle est très largement symbolique. Je soulignais que face à l'ampleur de la crise environnementale, il nous faut prendre nos responsabilités. Ça commence en votant ce texte, parce que, Mesdames et Messieurs les députés, encourager et renforcer l'agriculture biologique est une nécessité cruciale pour les années à venir. Je suis désolé si ça a touché quelqu'un. Ce n'est ni une attaque personnelle ni une attaque envers quelque paysanne ou paysan que ce soit. Cette disparition est un fait, je suis désolé. Il faut accélérer dans cette direction, nous n'avons pas d'autre solution. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). La majorité attend tout de la loi du marché: pour elle, le consommateur doit librement choisir entre bio et non bio. Je suis navré de la contredire, voire de l'attrister, c'est l'habituelle vision d'épicier, la vision libérale épicière dans laquelle le sacro-saint marché fait tout. Pourtant, le consommateur ne sait pas que nous avons à disposition des dizaines de variétés de fruits et de légumes résistants aux maladies mais qui ne sont pas cultivés pour le marché. Le consommateur ne le sait pas car il ne les trouve pas sur le marché. Le consommateur ne sait pas que l'agriculture biologique est aussi rentable que l'agriculture non pas conventionnelle mais chimiquement assistée. Cette agriculture chimiquement assistée, elle n'est concurrentielle que pour des raisons de marché; le prix des produits chimiques ne couvre pas les dégâts causés par ces produits. Nous devons aider les agriculteurs, qui sont, eux, les premiers concernés par la reconversion vers l'agriculture biologique - et ils sont surtout les premiers convaincus de la dangerosité des produits qu'ils utilisent. C'est ce que ce projet de loi demande. Merci de le voter. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). En deux secondes, je répondrai à ma préopinante, Mme Bocquet, je crois: je l'invite à prendre connaissance de plusieurs émissions de la RTS sur ce sujet. Je l'invite aussi à s'abonner à la revue «La Salamandre», où elle apprendra que ce ne sont pas seulement des rumeurs de presse, mais des statistiques. La majorité des espèces en voie de disparition sur notre territoire le sont à cause de la chimie et pas d'autre chose.

M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. J'entends bien le rappel du résultat des derniers votes populaires. Mais la réalité est claire: seulement 12% de la consommation va actuellement aux produits biologiques. Ce sont les chiffres de l'économie, ils ne sont pas contestables, c'est la réalité. Rien que pour cette raison, il serait extrêmement dommageable et dangereux d'augmenter l'offre, sans que la demande existe.

Concernant les canaux de vente, ce projet de loi n'en traite pas. Bien évidemment, on pourrait largement développer des canaux de vente alternatifs. Mais je tiens à relever que les grandes surfaces, qui sont quand même les clientes principales des agriculteurs, acceptent de vendre des produits issus de la reconversion biologique, ce qui est une forme de soutien très important aux entreprises qui font le choix de passer en mode de culture biologique.

Quant aux oiseaux, la députée Bocquet l'a dit, il faudrait regarder ce que les dernières études ont démontré: effectivement, on observe une perte forte et préoccupante en Europe. Mais Genève a agi en partenariat avec les agriculteurs depuis de nombreuses années pour lutter contre ce phénomène et rencontre actuellement de grands succès. Je vous remercie.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Je voulais ajouter quelque chose au débat. On entend beaucoup de la part de la gauche et des Verts qu'ils veulent protéger la nature, ce dont je les remercie: c'est important d'avoir un environnement sain. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que... On est en train de parler de beaucoup de sujets différents. A l'UDC, nous nous sommes battus pour ne pas avoir une Genève à 100 000 habitants de plus. On est en train de parler de petits détails agricoles, mais imaginez ce que ce sera avec 100 000 habitants de plus d'ici quinze à vingt ans ! On sera sous une pollution tant chimique qu'autre qui sera bien pire. C'est là que je n'arrive pas très bien à comprendre: on avance et on recule en même temps. J'espère qu'on arrivera à se mettre d'accord un jour sur la Genève qu'on veut: une Genève de qualité, ou, finalement, rien qu'une mégalopole bien polluée comme toutes celles du reste du monde.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de première minorité. Loin d'être un petit détail, évidemment que l'agriculture biologique est l'agriculture de demain. Nous ne sommes pas seuls à le dire, ce n'est pas une question de bord politique: les consommateurs et consommatrices sont les premiers à le dire. L'augmentation de la demande de produits bio est notoire.

Le plan biodiversité, qui est positif, montre à quel point on se situe dans le trend. Ce projet de loi est clairement dans une tendance actuelle. Je me réjouis d'entendre le PLR dire que ce texte n'est peut-être pas complet, qu'il faudrait aussi parler d'autres types d'agriculture: je me réjouis que d'autres textes arrivent pour compléter celui-ci. En effet, il représente un pas - non un pas de géant, mais un pas tout de même. Comme précisément il n'est pas si ambitieux, il pourrait largement faire la majorité dans ce parlement. Nous demandons simplement un coup de main à tous les agriculteurs et agricultrices qui souhaitent passer du conventionnel au bio. A Genève...

Le président. Votre temps de parole est terminé, Madame Klopfenstein !

Mme Delphine Klopfenstein Broggini. ...on est en retard: 10% de nos exploitations sont bio. Il y a du chemin à faire. Je vous remercie de soutenir ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (PDC). Je ne parlerai pas d'émissions de télévision ou d'articles de journaux, mais de la pratique. Etant moi-même paysanne et ayant fait le cours de reconversion bio, je peux vous annoncer que la reconversion concerne aussi les grandes cultures, on ne parle pas que du maraîchage ou des fruits. La betterave sucrière cultivée en mode que vous appelez traditionnel est payée 350 F la tonne; en mode bio, même en période de reconversion, elle est payée 850 F la tonne. Je n'ai rien à rajouter, merci.

Le président. Merci. Personne ne demandant plus la parole, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12168 est adopté en premier débat par 56 oui contre 30 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné) et l'art. 2 (souligné).

Le président. Nous pouvons passer au troisième débat... (Commentaires.) Mme Zuber-Roy demande la parole.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi en commission. (Protestations.)

Le président. Merci. Les rapporteurs ont-ils quelque chose à dire ? Madame Klopfenstein Broggini ?

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. C'est une très mauvaise idée ! Nous avons travaillé le texte en commission, nous avons fait des auditions. Le projet de loi est complet, il demande un soutien aux reconversions, il n'y a rien à ajouter. Par contre, j'invite chaleureusement le PLR à faire des projets complémentaires, que je me réjouis de voir ! Par pitié, ne renvoyez pas ce projet de loi en commission, votez-le aujourd'hui ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Salima Moyard (S), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Il est en effet parfaitement inutile de renvoyer ce projet de loi en commission. Ces manoeuvres dilatoires de la part d'un certain bord de ce parlement commencent à devenir une habitude. L'expression démocratique peut avoir lieu également quand elle ne convient pas à cette majorité qui peut-être, je l'espère, va devenir une minorité afin que nous donnions un signal fort en faveur de l'agriculture biologique. Je vous remercie d'aller jusqu'au bout et de voter le troisième débat ce soir. (Quelques applaudissements.)

M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. On pourrait en effet se poser la question du renvoi en commission: quand j'entends mes préopinantes dire que le sujet est traité de manière incomplète, ce serait peut-être l'occasion justement de le traiter de manière complète et d'ajouter ce qui manque. (Exclamations. Rire.) Mais ce sera votre choix ! Je vous remercie. (Rires. Commentaires.)

Une voix. Tu nous tends la perche !

Le président. Merci. Nous passons au vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12168 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 49 non contre 41 oui et 2 abstentions.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12168 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 39 non et 6 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12168

PL 12196-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LaLPE) (K 1 70)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
Rapport de majorité de M. Mathias Buschbeck (Ve)
Rapport de première minorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de deuxième minorité de Mme Fabienne Monbaron (PLR)

Premier débat

Présidence de M. Jean Romain, président

Le président. Nous en sommes au PL 12196-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Mathias Buschbeck.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, je voudrais tout d'abord relever l'excellent travail de la commission. Celle-ci a été saisie de nombreux textes, notamment de la part du MCG et du PDC, qui s'inquiétaient des pics de pollution: c'est donc avec plaisir et soulagement qu'elle a accueilli ce projet de loi qui faisait un peu la synthèse de mesures actuellement dispersées dans plusieurs lois, règlements et arrêtés. Ces différents textes nous rappelaient qu'il est urgent de prendre des mesures contre les pics de pollution, notamment aux particules fines. Nous nous trouvons aujourd'hui face à des situations relativement alarmantes du point de vue de la santé publique: nous dépassons régulièrement les seuils définis par l'ordonnance sur la protection de l'air. Ce n'est pas que théorique: chaque année en Suisse, on compte quatre mille décès, vingt mille jours d'hospitalisation, 4,7 millions de jours d'activité réduite pour cette raison, qui engendrent des coûts de 4 milliards de francs par année.

Le projet de loi que nous défendons ce soir représente-t-il la bonne approche ? Oui, c'est la bonne approche. S'attaquer aux pics de pollution, c'est s'attaquer aux moments où les seuils sont dépassés, seuils définis justement alors que les problèmes de santé publique sont les plus criants. Ce projet de loi représente-t-il la bonne méthode ? A nouveau, la réponse est affirmative: la mesure actuelle, soit la circulation alternée, est inutilement vexatoire, puisqu'elle punit les voitures peu polluantes; elle est aussi d'une efficacité douteuse, car des véhicules très polluants peuvent continuer à circuler - ce qui permet de répondre à l'argument selon lequel il serait contraire au droit fédéral d'interdire des véhicules certains jours de l'année: on voit qu'on peut déjà appliquer aujourd'hui la circulation alternée et que cela ne pose pas de problème. Mais surtout, les macarons utilisés lors des pics de pollution sont une pratique déjà largement répandue en Europe. Ce serait dommage que nous soyons une fois de plus les derniers à la mettre en place.

Dernière remarque: est-ce que ce projet est mûr ? Nous avons travaillé ce texte durant onze séances, nous sommes arrivés à un projet équilibré, où de nombreux amendements de la minorité ont été pris en compte, jusqu'au dernier où nous avons exclu des véhicules du dispositif. Je peux dire aujourd'hui que nous arrivons à quelque chose de cohérent et d'équilibré. Je vous appelle donc à voter oui à ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité que je représente fait valoir que le nouvel article est en inadéquation avec le droit supérieur, c'est-à-dire le droit fédéral. Les proposants, en l'occurrence le Conseil d'Etat, parlent de restriction temporaire de la circulation afin de contourner par voie réglementaire le droit fédéral - j'y reviendrai tout à l'heure. La création d'un nouveau macaron, d'une vignette écologique, est donc une nouvelle taxe pour les automobilistes genevois alors que les vaudois n'en ont pas. Une Genferei de plus, nous avons l'habitude. Il y aura donc, en cas d'acceptation de ce projet de loi, une inégalité de traitement entre automobilistes genevois et vaudois.

Les normes genevoises sont de 50 microgrammes par mètre cube, alors que, par exemple pour nos voisins français, elles sont de 80 microgrammes par mètre cube: il y a donc une énorme différence de seuil.

La vignette écologique étant basée sur une disposition d'exécution de la LCR, seul le Conseil fédéral peut mettre en place ces mesures. A l'interpellation d'un conseiller national PLR, Peter Schilliger, du 15 mars 2018, sur le thème de la vignette écologique et de l'interdiction temporaire de circuler, le Conseil fédéral a répondu ainsi le 16 mai 2018: «[...] Dans sa réponse à la motion 17.3569, le Conseil fédéral a expliqué qu'il rejetait l'instauration de zones environnementales et l'introduction à cette fin d'un système de vignette écologique. Son opposition reste valable dans le contexte qui nous occupe. [...]»

On voit bien, Mesdames et Messieurs, chers collègues députés, que les membres de la commission des transports n'ont pas été informés de manière transparente sur cet aspect essentiel. En tant qu'il prévoit l'introduction d'un système de macaron, il vient heurter frontalement la répartition des compétences de la Confédération et des cantons. Pour toutes ces raisons, je demande, Monsieur le président, le renvoi de ce projet de loi à la commission des transports.

Le président. Je vous remercie. Je donne la parole aux deux autres rapporteurs pour leur demander leur avis sur votre demande. Ensuite, si besoin est, je passerai la parole au conseiller d'Etat. Madame Monbaron, c'est à vous.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Le PLR serait favorable à ce renvoi en commission, je pense. J'aurais néanmoins souhaité pouvoir m'exprimer sur mon rapport de minorité, qui propose aussi un renvoi en commission, mais pour une autre raison.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Nous nous opposons bien évidemment au renvoi en commission, qui constitue une mesure dilatoire. Comme je l'ai dit, le projet est mûr. L'opposition de Berne n'est pas nouvelle: on la connaît depuis le début de nos travaux. Berne n'est pas forcément favorable à l'introduction du macaron, ce qui ne veut absolument pas dire - et la commission est tout à fait consciente de ce point - qu'il est illégal. On doit plutôt se plaindre...

Le président. Sur le renvoi en commission uniquement, s'il vous plaît !

M. Mathias Buschbeck. Justement, j'explique qu'il est simplement jugé défavorablement, ce qui ne veut pas dire qu'il soit illégal. Il est tout à fait légalement possible d'interdire temporairement la circulation de certains véhicules, puisque nous le faisons déjà dans le cadre de la circulation alternée, qui n'a pas connu d'objection de la part de Berne. Nous nous opposons donc au renvoi en commission.

Le président. Je vous remercie. Est-ce que M. le conseiller d'Etat a quelque chose à dire ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Je lance donc le vote sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12196 à la commission des transports est rejeté par 55 non contre 32 oui.

Le président. Nous continuons notre débat. La parole est maintenant à Mme Fabienne Monbaron.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, à la suite des travaux effectués en commission, le PLR refusera ce projet de loi en l'état. Nous n'en contestons pas le but, qui doit effectivement être atteint, mais les moyens envisagés pour y parvenir, car ceux-ci nous semblent largement disproportionnés. En effet, selon les statistiques établies ces dernières années, ce sont deux ou trois jours par an qui sont concernés par des dépassements des valeurs limites.

De plus, bien que mentionné à 0 F dans le tableau des coûts accompagnant le projet de loi, ce choix d'introduire des macarons induira des coûts non négligeables: il prévoit d'ériger des panneaux aux entrées de la zone choisie au prix de 300 000 F environ, panneaux qui seront placés à demeure pour être utilisés deux à trois fois par année. Des contrôles devront ensuite être effectués par les forces de l'ordre, et la gratuité d'Unireso durant les pics de pollutions est estimée à 180 000 F par jour. C'est d'ailleurs probablement la raison de l'amendement du Conseil d'Etat reçu hier après-midi seulement, qui vise à repousser cette gratuité au niveau d'alerte 2 au lieu du premier, et ce quand bien même une certaine catégorie de véhicules serait déjà interdite de la zone prévue en niveau d'alerte 1.

Nous relevons aussi une inégalité de traitement pour les habitants de notre canton et pour certaines PME. En effet, pour les habitants, délimiter le périmètre d'interdiction de circuler à la moyenne ceinture routière, c'est-à-dire au centre-ville un peu élargi, revient à reporter le trafic sur les habitants des zones limitrophes de ce périmètre, puisqu'il est vraisemblable que les voitures qui traversaient la ville la contourneront. Et que dire des véhicules qui viendront quand même au bord de cette frontière virtuelle ? Aucun parking n'a été prévu à leur attention. On peut donc bien s'imaginer la pression sur le stationnement à certains endroits de notre canton ainsi que l'augmentation des bouchons, qui détérioreront d'autant la qualité de l'air. Les habitants des zones limitrophes de ce périmètre seront donc doublement pénalisés: d'une part, ils devront acheter un macaron pour ne pas aller polluer le centre-ville, et d'autre part, ils recevront, grâce à ce système, la pollution émise par tous ces véhicules qui ne passaient pas chez eux auparavant.

Il est de plus à relever qu'avec quatre stations de mesures sur l'entier du territoire, rien ne prouve que des zones proches des grands axes de circulation autres que le centre-ville ou le pourtour de l'aéroport, comme la route de Chancy, ne seraient pas déjà concernées par ces niveaux d'alertes avant de recevoir ce nouveau trafic.

Pour le PLR, ce projet de loi vise à se donner bonne conscience tout en acceptant de déplacer le problème sur d'autres habitants que ceux du centre-ville. C'est pourquoi nous vous proposons ce soir les amendements que vous verrez sur le tableau et que je vous ai également envoyés par mail pour que vous puissiez faire des comparaisons. La mise en oeuvre, actuellement facultative, deviendrait obligatoire, la gratuité des transports publics et la limitation de la vitesse sur l'autoroute étant maintenues. Merci pour votre attention.

M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche soutiendra bien entendu ce projet de loi. Nous l'avons soutenu en commission. Le député rapporteur de majorité a... (Le son des haut-parleurs est mauvais.) Il y a une résonance problématique ! Vous savez d'où ça vient ?

Une voix. C'est ta voix !

M. Pierre Vanek. C'est ma voix ? C'est un peu tard pour en changer, mais bon ! Je vais essayer d'en changer un peu, mais je ne crois pas que ce soit ma voix, mais le système ! Quoi qu'il en soit, le rapporteur de majorité a indiqué dans son texte - et il l'a rappelé à l'instant - le caractère aigu et grave de la pollution atmosphérique, le nombre de décès évalué par l'Office fédéral de l'environnement, les coûts de la pollution atmosphérique en jours d'hospitalisation, en jours d'activité réduite, en milliards de francs. On pourrait ajouter à ce diagnostic dramatique qu'évidemment, les effets de la pollution atmosphérique ne sont pas répartis également et démocratiquement au plan social et que ce sont les couches populaires, les milieux les plus défavorisés qui sont contraints de vivre dans des habitats en bordure de routes - urbaines, notamment - où la pollution est particulièrement forte, qui trinquent particulièrement, les études le montrent. Il y a une réelle différence sociale parmi les personnes atteintes de cancers et autres maladies pulmonaires liées à la pollution atmosphérique. Bien sûr qu'il faut faire quelque chose, bien sûr qu'il ne faut pas de mesures dilatoires, bien sûr qu'il faut voter ce projet de loi.

Mais quand même, Mesdames et Messieurs, c'est dramatique, d'un certain point de vue, qu'on en soit à graver dans le marbre de nos lois, si j'ose dire, des dispositifs d'urgence en cas de pic de pollution atmosphérique ! Comme si la pollution atmosphérique et ses pics étaient un phénomène incontournable et qu'il fallait simplement le gérer en prenant quelques mesures au moment de ces pics ! Evidemment, c'est un drame que nous en soyons là. Je peux rejoindre en partie ce qu'a dit la représentante du PLR: il y a une part d'action visant à se donner bonne conscience dans le fait de réglementer les pics. Car le problème essentiel n'est pas dans les pics, mais dans la pollution régulière et constante liée à des modes de transport, de production et de consommation qu'il faudrait être capable de remettre en cause, et qu'évidemment ce projet de loi ne remet pas en cause. Il est écrit à l'article 15C, alinéa 2: «Le Conseil d'Etat préconise également, à titre préventif, d'autres mesures permettant de limiter la pollution.» Mesdames et Messieurs, la prévention ne devrait pas se faire seulement durant les quelques jours où il y a des pics de pollution atmosphérique, mais tout le temps ! Un certain nombre des mesures proposées sont évidemment salutaires: la gratuité de tous les billets de l'offre de transport Unireso, par exemple; mais le fond du problème, c'est qu'il faudrait l'imposer non pas au moment de pics de pollution, mais l'offrir en général, comme toute une série d'autres dispositions pour le développement de la mobilité douce et des alternatives à la circulation automobile privée. Par exemple, la limitation de la vitesse sur l'autoroute de contournement, présentée comme une mesure visant à faire face à des pics, pourrait être pratiquée de manière plus générale.

Nous disons donc oui à ce projet, tout en étant conscients qu'il faut aller bien plus loin, de manière générale et pas seulement par rapport à des situations de crise.

M. Patrick Dimier (MCG). Comme l'ont dit M. Buschbeck et les autres membres de la commission, nous avons longuement débattu sur ce sujet. La raison pour laquelle le MCG s'est opposé à ce projet de loi en commission, c'est uniquement qu'il ne fait pas de distinction, alors qu'il faut la faire - je vous rappelle que le seuil d'alerte pollution à Genève est de 50 microgrammes par mètre cube et en France de 80 microgrammes par mètre cube: autrement dit, si on met en marche ce système de vignette, nous, Genevois - et Vaudois bien sûr, par voie de conséquence - ne pourrons plus rouler, alors que les Français pourront continuer à arriver chez nous. (Exclamation.) Or, la majorité des utilisateurs de voiture à Genève n'utilisent plus des voitures diesel polluantes, elles sont en voie de disparition. L'autre marge qui reste de véhicules polluants, ce sont les voitures de collection, mais elles ne représentent même pas 1% du trafic, et lorsqu'il fait mauvais temps, elles ne roulent pas; elles ne sont donc pas concernées.

Ce que nous attendons du Conseil d'Etat - parce que c'est à lui de faire une déclaration, c'est à lui que reviendra le devoir de faire appliquer cette loi, Monsieur le conseiller d'Etat - c'est que nous ayons une assurance claire, claire, que l'ensemble des véhicules touchés par ce macaron, c'est-à-dire qu'ils soient suisses ou français, même si le seuil français est plus élevé, ne pourra pas rouler; l'assurance qu'à partir du moment où nous atteindrons un seuil de pollution qui nécessite une alerte, les voitures françaises ne rentreront pas sur notre territoire. A ce moment-là, nous pourrons entrer dans la discussion et approuver ce projet de loi.

J'aimerais aussi dire que nous avons appris lors des travaux de commission que nous ne parlons pas de la seule région genevoise: c'est un bassin d'air qui est ici concerné. Ce bassin d'air ne s'arrête pas à nos frontières, il déborde de l'autre côté et remonte toute la vallée de l'Arve. Or, nous avons appris que dans la vallée de l'Arve, le principal polluant n'est pas le trafic automobile, mais le chauffage à bois, souhaité par certains ! Comme quoi, il y a à faire dans les deux camps. Mais que ce soit clair: si nous avons l'assurance du Conseil d'Etat qu'il mettra en place une réglementation d'application de cette loi qui définit clairement la situation des véhicules les plus polluants, nous soutiendrons ce projet.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte est le fruit d'une demande de la commission des transports adressée au département de présenter un projet de loi qui chapeaute l'entier de cette question des dispositions à mettre en place en cas de pic de pollution. La politique de protection de l'air s'articule autour de trois volets: la surveillance de la qualité de l'air, les mesures stratégiques et d'assainissement pour améliorer la qualité de l'air et les mesures d'urgence. Ce projet de modification de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement porte essentiellement sur le troisième volet: il propose d'ancrer dans la législation genevoise une disposition relative aux mesures temporaires qui doivent être prises d'urgence en cas de situation critique du point de vue de l'environnement ou de la santé de la population. Cette modification vise à renforcer le dispositif de lutte contre la pollution atmosphérique, lequel est régi à l'heure actuelle par divers textes de rangs normatifs différents.

Bien que souvent invisibles, les effets néfastes de certains polluants atmosphériques, tels que les particules fines en suspension ou l'ozone, ne doivent pourtant pas être ignorés. Actuellement, les mesures à prendre en cas de pollution ne sont pas claires, elles sont sujettes à interprétation. Le projet de loi propose de renforcer la législation genevoise en introduisant deux nouvelles dispositions: la première consiste à adopter une base légale permettant ultérieurement de regrouper l'ensemble des mesures du dispositif existant dans un seul et même règlement. La seconde consiste à adopter les grandes lignes d'une réglementation fondée sur les performances environnementales des véhicules motorisés.

Le groupe PDC est favorable à ce projet de loi, même si des questionnements ont surgi quant à la mise en place d'un système de macaron, en particulier au sujet de la conformité avec la législation fédérale. Il s'agit d'une mesure évolutive selon l'intensité du pic de pollution, et d'une mesure équitable, y compris pour les non-résidents, Monsieur Dimier, limitée au périmètre de moyenne ceinture tel que défini dans la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée et tendant à l'équivalence avec les systèmes étrangers, notamment celui qui se met en place en France voisine. Rappelons encore qu'il s'agit de dispositions exceptionnelles, mais qui permettent d'envoyer des signaux à la population et aussi de rappeler les objectifs de cette loi pour une mobilité cohérente et équilibrée: ce projet de loi permet aussi tout un travail de prévention, de communication et d'accompagnement.

Il est de notre responsabilité de prévoir des dispositions claires en cas de pic de pollution, bien que la tendance soit à l'amélioration de la qualité de l'air - depuis deux ans, il n'y a pas eu de pic. Mais nous ne sommes pas à l'abri de l'installation d'un épais stratus sur le bassin genevois. Dans ces conditions, la population ne comprendrait pas qu'aucune mesure drastique ne soit prévue. Pour les raisons évoquées, le groupe PDC votera ce projet de loi tel que sorti de commission, avec l'amendement proposé par le Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on le sait, nous entrons dans une période sujette aux pics de pollution de particules fines. Il suffit d'une pluie pour que le taux retombe aussitôt, mais on n'est pas à l'abri de ces quantités de particules fines qui viennent polluer l'air et notre qualité de vie au quotidien.

On ne peut se satisfaire d'intentions quand la santé publique et l'environnement sont menacés. J'aimerais souligner que ce projet de loi va dans la droite ligne de l'initiative 169 des Verts «De l'air, moins de bruit. Préservons notre santé face à la pollution», que ce Grand Conseil a accueillie extrêmement positivement il y a quelques semaines et qui, clairement, apporte une solution à ces problèmes de pollution. Ce projet de loi est une pierre à l'édifice. Le trafic motorisé est la principale cause de pollution de l'air: ce texte prend le problème à la source en pointant les véhicules les plus polluants.

Il ne sera pas excessif de rappeler encore - on l'a déjà dit, mais je le répète, car il faut que ces données soient ancrées chez tout un chacun - que 40% de la population suisse est exposée à des valeurs excessives de pollution de l'air. On sait aussi que chaque année en Suisse, la pollution entraîne vingt mille jours d'hospitalisation et provoque trois mille décès. La pollution est un danger sanitaire, cela ne fait pas de doute; ce projet de loi, clairement, va dans un sens positif. Combattre les pics de pollution avec des mesures comme celles qui sont proposées, c'est une évidence aujourd'hui.

Si combattre les pics est essentiel et si la solution proposée par ce texte est réaliste et va dans la bonne direction, nous devons aussi réussir au quotidien à éviter ces pics qui sont des moments où la santé est mise en danger. On les combattra en menant au quotidien des politiques publiques en faveur de l'environnement: ça vaut la peine de le rappeler dans le cadre de ce débat. Il est donc temps de passer de la parole aux actes et d'agir concrètement, de rattraper le retard pris en Suisse.

Je rappellerai enfin qu'en Suisse, trois cents villes interdisent les véhicules les plus polluants: ce qui est proposé ici n'est donc pas une nouveauté, mais quelque chose de logique, qui s'aligne sur des pratiques déjà existantes. Combattre les pics de pollution est évident, je vous encourage donc à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC). Une large majorité de la population est effectivement préoccupée par la pollution et ses conséquences. Malheureusement, ce projet de loi ne constitue pas la bonne réponse. Non seulement l'introduction d'une éventuelle vignette écologique dépend uniquement de la loi fédérale, mais il faudrait aussi et au minimum harmoniser ce type d'action avec nos voisins français et vaudois. Les éventuels contrôles, tout comme la vente de ces macarons, seraient complexes et très coûteux. Il faut aussi relever que même l'Office fédéral de l'environnement a des doutes sur l'efficacité d'une telle mesure. Ce texte est d'autant plus inutile que nous possédons déjà des moyens pour limiter le trafic en cas de pollution, comme la circulation alternée en fonction des plaques d'immatriculation, une méthode efficace, simple à contrôler et qui ne nécessite pas de nouvelles taxes. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera ce projet de loi.

M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues, comme il a été dit, le projet date de l'ancienne législature, la commission y a beaucoup travaillé, a fait de nombreuses auditions; le travail a continué sous cette législature. L'objectif est certes louable, mais il est étroit, puisque les pics qu'il s'agit de combattre sont de plus en plus limités et de plus en plus rares. On peut donc noter qu'il a un caractère symbolique, qui malgré tout manque d'impact. Le groupe PLR craint que nous ne construisions une usine à gaz - ce qui est un paradoxe ! - pour des occurrences rares. La solution de la circulation alternée nous paraît plus simple et plus légitime. Le projet pose problème quant à la manière de saisir les véhicules venant de l'extérieur; le député Dimier l'a soulevé. Nous avons également des doutes quant aux difficultés d'application posées par les différences de catégories et de seuils d'alerte entre la Suisse et la France. N'oublions pas non plus qu'il y a un facteur de détournement du trafic: il ne s'agit pas de l'interdire partout mais dans certaines zones. Finalement, dans ce bassin d'air régional qui a été mentionné, ça n'apportera pas de solution.

Nous serions donc en faveur d'un renvoi en commission pour améliorer ce projet, parce qu'il peut l'être; ce n'est pas une tactique dilatoire, mais la volonté de chercher un impact plus général et pas uniquement lors de pics extrêmement rares. Sinon, le groupe PLR soutiendra les amendements évoqués par la rapporteuse de deuxième minorité. Je vous remercie.

Le président. Monsieur Wavre, est-ce que vous demandez le renvoi en commission ou non ?

M. Rolin Wavre. Nous avons déjà voté dessus, je ne le redemande donc pas.

Le président. Très bien. Je passe alors la parole à M. le député Thomas Wenger.

M. Thomas Wenger (S). Monsieur le président, merci. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi sera bien entendu soutenu par le groupe socialiste. Pourquoi ? Nous sommes en train de vivre une période extrêmement importante en raison du réchauffement et du dérèglement climatiques, de sorte que nous devons prendre des mesures fortes. Le canton n'est pas resté les bras croisés: le Conseil d'Etat a développé le Concept cantonal de la protection de l'environnement 2030 ainsi que le Concept cantonal du développement durable 2030. Enfin, il a déposé et développé le Plan climat cantonal. C'est très bien: théoriquement, on est extrêmement content, ces concepts existent, on parle de développement durable, de protection de l'environnement, c'est excellent. Mais après, on a besoin de vrais objectifs et de vraies mesures qui nous permettent d'atteindre ces objectifs.

Une des mesures qu'on retrouve dans le plan climat cantonal consiste à diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre dans notre canton. Comment cela est-il possible d'ici 2030, c'est-à-dire dans douze ans ? Est-ce, à votre avis, en construisant une traversée autoroutière du lac ? (Commentaires.)

Une voix. Oui !

Une autre voix. C'est clair !

M. Thomas Wenger. Est-ce, à votre avis, en développant notre aéroport, qui passerait de 17 millions de passagers en 2017 à 25 en 2030 ? (Commentaires.) Ou est-ce en prenant des mesures claires de protection de l'environnement et de la santé de nos concitoyennes et concitoyens ?

La mobilité, Monsieur le président, représente 41% des émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du territoire cantonal, 41% ! Hors trafic aérien, on en est à environ 20%. Il est dit dans les différents concepts et dans le plan climat cantonal que ces 20% dus à la mobilité hors trafic aérien proviennent en très grande partie du trafic individuel motorisé, et ça ne vous surprendra pas.

Nous, nous sommes pour prendre des mesures à long et à court terme. Les mesures à long terme, vous les connaissez, Monsieur le président, je les développe brièvement: c'est bien entendu l'arrivée du Léman Express, notre futur RER; l'extension des lignes de tram et de bus à haut niveau de service; le développement de la mobilité douce avec l'application, enfin, de l'initiative en faveur de celle-ci votée par la population; l'application de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée acceptée par 68% de la population genevoise en 2017, qui demande la priorité pour les transports publics et la mobilité douce dans les centres urbains.

Mesdames et Messieurs, ce sont là les mesures à long terme qui sont soutenues par le groupe socialiste. Mais nous parlons au travers de ce projet de loi de mesures plus urgentes que nous devons prendre pour lutter contre les pics de pollution. On l'a déjà dit, elles concernent la circulation différenciée en fonction des performances environnementales des véhicules, c'est extrêmement important; ce serait une nouveauté en Suisse et ce serait excellent si c'était à Genève que cette nouveauté était mise en place. Libre circulation différenciée, donc, par macaron en fonction de la performance environnementale, gratuité des transports publics sur le réseau Unireso - très important - et puis... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...80 km/h sur l'autoroute de contournement. Ces mesures sont indispensables pour lutter contre les pics de pollution et garantir à notre population dans l'ensemble de la région genevoise qu'on lutte pour une meilleure santé publique. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements. Brouhaha.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, il y a beaucoup trop de bruit ! J'ai eu de la peine à entendre la fin de l'intervention de notre collègue parce que ça discute partout. Je veux bien qu'on discute, mais de préférence à l'extérieur de la salle. Je vous remercie d'en tenir compte et passe la parole à M. le député Marc Fuhrmann.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers députés et députées, il est pour nous incompréhensible d'entendre ces différents débats. Chaque parti ici présent ou quasiment - sauf deux, en l'occurrence - est pour les 100 000 habitants de plus qu'ils nous promettent pour bientôt. Nous avons déjà aujourd'hui des problèmes avec la qualité de notre air, de notre nature et de notre environnement au sens large. Imaginons comment ce sera avec 100 000 habitants de plus qui viendront évidemment chacun avec leur moyen de transport, que ce soit une mobylette, un vélo ou une voiture, ou les transports publics, et qui voudront aussi prendre l'avion et consommer des biens. Je n'arrive pas à comprendre quel est l'objectif sur le fond. En soi, ce projet de loi ne changera pas grand-chose; par contre, avec 100 000 habitants de plus à Genève, on pourra en reparler d'ici quinze ans: ce sera évidemment catastrophique. Nous sommes contre ce projet de loi et invitons à voter contre.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Dans l'hypothèse où l'entrée en matière serait acceptée, la minorité que je représente soutiendrait bien évidemment les amendements déposés par le PLR, qui demande entre autres la circulation alternée et la gratuité des transports publics lors des jours de pollution. Quid des contrôles à toutes les douanes ? Combien de fonctionnaires seront mobilisés, pour quel coût et pour quel résultat financier ? On parle d'un minimum de soixante fonctionnaires qui devraient être sur le terrain pour les contrôles. Il s'agit, Mesdames et Messieurs les députés, d'une nouvelle usine à gaz, comme dirait mon cher collègue Stéphane Florey.

Lors des débats en commission, nous avons auditionné nos collègues français, qui nous ont informés sur ce qui se passe dans la vallée de l'Arve. C'est extrêmement intéressant. Les causes de pollution sont divisées en trois groupes: un tiers pour l'industrie, un tiers pour le chauffage, en l'occurrence le chauffage à bois, et un tiers pour la circulation, camions et autres véhicules. Ceci est bien évidemment transposable à notre canton.

Pour toutes ces raisons, la minorité que je représente vous demande de soutenir les amendements déposés par le PLR, et s'ils sont acceptés, d'adopter ensuite le projet de loi. Je vous remercie.

M. Patrick Dimier (MCG). En deux secondes, j'aimerais savoir si la circulation alternée, ce sera un jour les 01 et le lendemain les 74 ? (Commentaires.)

Le président. Merci beaucoup pour votre note d'humour. Je passe la parole à M. le député Mathias Buschbeck.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais répondre au principal argument soulevé par l'opposition: selon elle, ce projet de loi est trop compliqué et crée une usine à gaz. Cela me rappelle le type de débat qu'on a souvent lorsqu'on doit introduire une nouvelle mesure environnementale. Tous les défis environnementaux appellent de nouvelles mesures et de nouveaux modes de faire. Ça a commencé quand on a dit qu'il fallait trier les déchets. On a entendu: «Mais vous ne vous rendez pas compte ! Il faudra différentes poubelles à la maison, il y aura plusieurs conteneurs à l'extérieur, plusieurs levées... Impossible à mettre en oeuvre ! Du compost à la maison, rendez-vous compte ! Le compost, c'est bon pour les jardins ou pour les fermes !» Heureusement, on n'a pas écouté ces discours. A d'autres occasions, on nous a tenu d'autres discours, par exemple sur le vélo en libre-service: «Le vélo en libre-service, c'est bien, mais pas comme ça !» On voit où on en est aujourd'hui: lorsqu'on laisse passer l'histoire, souvent, on la manque. Je vous appelle donc à ne pas accepter ces manoeuvres dilatoires qui visent à empêcher l'entrée en vigueur de mesures qui nous sont aujourd'hui nécessaires.

Je passe à la proposition qui nous est faite de circulation alternée. Il s'agit de la mesure actuellement en vigueur. Si on veut changer de système, c'est qu'on la considère comme inefficace. C'est un système arrosoir: elle touche indifféremment les voitures polluantes comme les voitures non polluantes. Grâce au projet de loi, avec le premier seuil de pollution, on interdit seulement 12% des véhicules, mais qui produisent 26% des émissions polluantes dues à la circulation automobile. C'est donc une mesure beaucoup plus ciblée et intelligente que la circulation alternée. Pour la même raison - et pour répondre au MCG - tous les véhicules devront être équipés de ce macaron, et ceux qui ne l'auront pas... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...les véhicules étrangers, en l'occurrence, ne pourront pas circuler: il faudra avoir le bon macaron pour entrer dans le périmètre. Je pense répondre là à l'interrogation du MCG.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle à accepter ce projet de loi avec l'amendement du Conseil d'Etat, en refusant celui du PLR. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, votre unanimité à prendre des mesures de protection de la qualité de l'air me semble importante à souligner. Je crois que les temps sont mûrs; l'ensemble des partis politiques s'est exprimé en faveur de cette orientation-là, avec des mesures certes différentes, mais un objectif partagé.

Les chiffres ont été donnés: trois mille décès prématurés par année en Suisse, vingt mille jours d'hospitalisation. Ce sont évidemment les personnes les plus faibles qui sont touchées: les personnes âgées ou malades. D'une manière générale, on sait que les maladies chroniques s'aggravent en milieu urbain. J'aime à répéter un autre chiffre, ne serait-ce que pour faire honneur au président du Grand Conseil: la capacité pulmonaire des Valaisans est de 10% plus élevée que celle des Genevois. (Exclamations. Commentaires.) Vous voyez les impacts d'une urbanisation mal conçue ! La pollution dans les villes n'est pas une fatalité: elle est le choix de politiques publiques qui ont permis ces concentrations. Quand vous regardez la carte de la pollution à Genève, Mesdames et Messieurs, vous voyez que ces concentrations se situent au centre-ville, soit le secteur le plus urbanisé, et autour de la zone aéroportuaire. Même à Genève, la pollution a donc une portée différente suivant les endroits.

Plusieurs intervenants, à commencer par M. Vanek, ont souligné que c'est bien beau de réagir, mais qu'il faut surtout prévenir. Vous avez raison. Ce projet de loi représente une réaction face à un phénomène, réaction qui est importante, mais l'essentiel, c'est la prévention, et dans plusieurs domaines. Dans la politique industrielle d'abord: les normes à l'égard de l'industrie se sont considérablement renforcées ces dernières années; aujourd'hui, le monde privé, industriel, a fortement contribué à diminuer son impact en matière de qualité de l'air. Il s'agit aussi de la motorisation des véhicules: hier, nous avons loupé une bonne occasion de favoriser l'électro-mobilité, qui a l'avantage d'alléger les émissions tout au long de l'année, si je puis dire. C'est bien dommage, mais nous y reviendrons certainement avec un nouveau projet de loi et d'autres mesures. Il y a aussi des enjeux liés au chauffage à bois, on l'a mentionné. On trouve là une tension entre deux aspects environnementaux: le bois, c'est bien, c'est local, c'est écolo pour le chauffage, mais ça a aussi un impact majeur sur la pollution de l'air sauf si on installe des filtres adéquats. La technique permet de résoudre en grande partie - pas complètement - ces aspects-là, mais encore faut-il que ces normes soient appliquées.

J'en viens au dispositif local. La Confédération a la compétence pour les restrictions permanentes d'accès à la voirie pour les véhicules polluants. Beaucoup de villes européennes s'y sont mises, c'est ce qu'on a appelé les «low emission zones». Vous connaissez le modèle du péage urbain, comme à Londres ou à Stockholm. D'autres villes ont considéré que c'était une discrimination sociale: qu'on pollue beaucoup ou peu, on paie la même chose. Il s'agissait donc de créer des zones discriminantes avec des macarons - c'est plutôt le modèle italien et allemand. En Suisse, c'est une compétence fédérale. Le canton de Genève a plaidé à Berne pour obtenir cette marge de manoeuvre, elle est refusée. Nous n'avons donc pas de moyen légal de créer des zones d'exclusion permanentes. Par contre, la loi sur la circulation routière, en son article 3, prévoit que les cantons peuvent édicter des «limitations ou prescriptions [...] lorsqu'elles sont nécessaires pour protéger les habitants ou d'autres personnes touchées de manière comparable». Nous avons donc la compétence cantonale pour des actions temporaires, provisoires. C'est le sens de ce projet de loi, qui est donc parfaitement compatible avec le droit supérieur.

La principale mesure consiste à changer de paradigme, on l'a dit, de passer de la circulation alternée à la circulation différenciée. Je suis très surpris, à ce propos, de voir le PLR déposer un amendement pour revenir à la circulation alternée, qui par définition touche 50% des véhicules, et sur tout le canton ! Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'amendement du PLR, parce qu'il est disproportionné; c'est une atteinte disproportionnée au libre choix du mode de transport, puisqu'il empêchera environ la moitié de la population de circuler sur l'ensemble du canton: si vous habitez en zone périphérique, vous ne pouvez même pas prendre votre voiture pour rejoindre le P+R et prendre les transports publics. Cet amendement, Mesdames et Messieurs, va beaucoup plus loin que le projet de loi aujourd'hui défendu. Il revient sur une mesure sur laquelle il me semblait qu'il y avait un consensus pour dire qu'elle n'était pas pertinente. Avec la circulation alternée, vous allez permettre à celui qui a une voiture très polluante, mais qui par hasard a la bonne plaque d'immatriculation, de circuler le jour où il y a beaucoup de pollution, alors que celui qui a une voiture très peu polluante ne pourra pas circuler s'il n'a pas la bonne plaque. La circulation différenciée permet, elle, de cibler bien davantage. Au premier niveau, elle ne touchera que 12% des véhicules, auxquels sont intégrés les véhicules de collection, dont il faut savoir qu'un certain nombre restent au garage et ne sont pas utilisés au quotidien par les amateurs. Avec ces seuls 12% du parc automobile touchés, on arrive à diminuer la pollution de 26%. Au niveau 2, avec 20% du parc automobile touchés, on arrive à une diminution très importante, plus de 30%. On voit donc qu'en ciblant une faible part des automobilistes, on obtient un impact environnemental majeur.

Je tiens à être très clair: les seuils à respecter seront suisses et genevois. Le modèle que nous voulons mettre en place avec ce projet de loi est un système de macaron qui existe en France, et je pense que nous serions bien inspirés de reprendre le modèle d'autocollant qui existe déjà de l'autre côté de la frontière pour avoir un seul et unique identifiant visuel, qui permettra un contrôle aussi bien des véhicules du canton que de ceux de l'extérieur, et par là même, de gérer la masse importante de véhicules immatriculés en France que nous voyons chaque jour dans notre canton. A cet égard, il est très clair qu'il y aura une égalité de traitement.

J'aimerais revenir sur l'argument selon quoi peu de jours sont concernés. Non ! Je vous invite à relire les pages 38 à 40 du rapport, où vous trouvez des graphiques. C'est vrai que nous avons fait des progrès en matière de PM10. Ce sont peu de jours en 2016, mais tout dépend des années: si on se reporte à des années plus chaudes, comme 2013, il y avait bien plus de jours. Pour le NO2, c'est très bien; mais alors pour l'ozone, nous en sommes à plusieurs dizaines de jours par année ! Plusieurs dizaines de jours par année de seuils de normes fédérales dépassés ! (Commentaires.) Non, Mesdames et Messieurs, ces restrictions, ou en tout cas, le premier seuil d'alerte ne sera pas un seuil qu'on atteindra tous les dix ans ! Si on veut être cohérent, ce seuil sera atteint - du moins en l'état actuel des émissions - plusieurs fois par année. Dans ce sens-là, la mesure paraît proportionnée. Il s'agit en outre de distribuer des macarons au prix coûtant, pas de créer une nouvelle taxe automobile; c'est un processus administratif simple. (Commentaires. Le président agite la cloche.) On compte sur le civisme des gens et aussi sur un certain contrôle: si vous êtes au mauvais endroit avec le mauvais macaron, vous pourrez être amendé. On ne parle pas de barrages pour filtrer la circulation à tous les points d'accès au périmètre de la moyenne ceinture, mais bien d'un dispositif mesuré.

Enfin, la gratuité des transports publics. C'est une disposition plus symbolique qu'autre chose, Mesdames et Messieurs: en réalité, la majorité des usagers a un abonnement. Le signal que vous leur donnez est que ceux qui n'en ont pas bénéficient d'un rabais, mais pas ceux qui sont abonnés. Je trouve que ce n'est pas le message idéal pour engager les gens à s'abonner. Ensuite, la majorité des gens qui prennent les transports publics, y compris durant les jours d'interdiction, ont l'habitude de payer les transports publics. (Remarque.) Par conséquent, l'impact de report modal lié à la gratuité sera très faible. En revanche, l'impact financier de la gratuité est de 185 000 F par jour. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cet impact financier est de nature à freiner la mise en oeuvre du niveau d'alerte 1. C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose d'activer la gratuité dès le niveau 2, qui arrivera, quoique moins fréquemment, et de permettre ainsi une activation du niveau 1 plus facile du fait du moindre impact financier, puisque c'est cette mesure de la gratuité des TPG qui est réellement la plus chère dans ce dispositif légal. C'est donc un compromis qui vous est proposé, mais cohérent par rapport à l'objectif.

Mesdames et Messieurs, les seuils seront fixés - je terminerai par là - sur la base des normes Euro. Le Conseil d'Etat ne va pas réinventer la roue, si vous me passez l'expression: nous avons des normes européennes de motorisation; vous les connaissez: elles vont d'Euro 6, la meilleure norme actuelle, et on va progresser...

Le président. Vous en êtes à dix minutes et demie.

M. Antonio Hodgers. Combien ?

Le président. Dix minutes et demie.

M. Antonio Hodgers. Dix minutes et demie, c'est bien, mais moi, j'en suis à Euro 6 ! (Exclamations et rires. Remarque.) On descend ensuite à Euro 5, 4, 3, 2 et 1. C'est sur ces normes-là, comme en France, que nous pourrons baser notre système de macaron.

Voilà, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande d'accepter ce projet de loi avec l'amendement qu'il vous a proposé. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12196 est adopté en premier débat par 62 oui contre 33 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 15C (nouveau).

Le président. A l'article 15D, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Monbaron, qui consiste à en remplacer le texte par celui-ci:

«Art. 15D Circulation alternée (nouveau)

1 En cas de pics de pollution aux particules fines, à l'ozone ou aux oxydes d'azote, le Conseil d'Etat applique des restrictions temporaires de circulation des véhicules à moteur en fonction de leur immatriculation, les véhicules à plaques paires étant autorisés à circuler les jours pairs et les véhicules à plaques impaires, les jours impairs. Des exceptions à cette restriction de circulation sont prévues dans le règlement d'application.

2 Ces restrictions temporaires s'appliquent sur l'entier du canton.

3 Ces restrictions temporaires s'appliquent à tous les véhicules à moteur non électrique ou en dessous de la norme environnementale Euro 5, y compris à ceux qui ne sont pas immatriculés dans le canton de Genève.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 32 oui.

Mis aux voix, l'art. 15D (nouveau) est adopté.

Le président. A l'article 15E, deux amendements ont été déposés. Je commence par le plus éloigné, celui de Mme Monbaron:

«Art. 15E Niveau d'alerte 1 (nouveau)

Lorsque le premier niveau d'alerte est activé (niveau 1), le Conseil d'Etat ordonne la mise en oeuvre de la mesure suivante: la limitation de la vitesse sur l'autoroute de contournement à 80 km/h.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 35 oui et 1 abstention.

Le président. Je vois que M. Jean Burgermeister a demandé la parole. J'ai manqué votre demande ?

M. Jean Burgermeister. Oui, mais comme c'était à propos du vote, ça n'a plus beaucoup d'intérêt ! Je vous remercie. (Rires. Remarque.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme Fabienne Monbaron.

Mme Fabienne Monbaron. C'est aussi trop tard, merci. (Rires.)

Une voix. Faut suivre !

Le président. Je vous remercie. Nous nous prononçons à présent sur l'amendement du Conseil d'Etat à l'article 15E:

«Art. 15E Niveau d'alerte 1 (nouvelle teneur)

Lorsque le premier niveau d'alerte est activé (niveau 1), le Conseil d'Etat ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes:

a) la limitation de la vitesse sur l'autoroute de contournement à 80 km/h;

b) la circulation différenciée de la classe 1 des véhicules définie dans le règlement d'application.»

Nous passons au vote... (Commentaires.) M. Burgermeister demande à nouveau la parole. Je la lui passe pour dix-huit secondes, en m'excusant de l'avoir manquée.

M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. En réalité, cet amendement dénature profondément la loi. La gratuité ne sera quasi pas pratiquée, le conseiller d'Etat a dit qu'il se faisait du souci de ce que ce soit coûteux. Je pense que c'est important de prendre des mesures fortes. Il a d'ailleurs rappelé les répercussions dramatiques de ces pics de pollution sur la population. Si ça coûte cher à l'Etat, peut-être que ça le motivera à faire en sorte...

Le président. C'est terminé.

M. Jean Burgermeister. ...qu'on ne dépasse pas ces pics de pollution !

Le président. On vous a bien compris. Je lance le vote sur l'amendement du Conseil d'Etat.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 78 oui contre 20 non.

Mis aux voix, l'art. 15E (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Le président. Nous en sommes à l'article 15F, qui fait l'objet de deux amendements. Je prends d'abord le plus éloigné, celui de Mme Monbaron...

Une voix. Elle aimerait parler !

Le président. Je passe la parole à Mme Fabienne Monbaron.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement n'a plus lieu d'être, puisque la circulation alternée définie à l'article 15D n'a pas été acceptée.

Le président. Je vous remercie. L'amendement est donc retiré. Il nous reste pour cet article 15F l'amendement du Conseil d'Etat:

«Art. 15F Niveau d'alerte 2 (nouvelle teneur)

Lorsque le deuxième niveau d'alerte est activé (niveau 2), outre les mesures définies à l'article 15E, le Conseil d'Etat ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes:

a) la gratuité de tous les billets de l'offre de transport Unireso dès le lendemain de l'annonce du niveau d'alerte. Les titulaires d'abonnement ne peuvent prétendre ni à un remboursement ni à un dédommagement;

b) la communication d'un avis intercantonal de pollution aux médias;

c) la circulation différenciée de la classe 2 des véhicules polluants définie dans le règlement d'application.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 97 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 15F (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Le président. Mme Monbaron a déposé un amendement à l'article 15G:

«Art. 15G Niveau d'alerte 3 (nouveau)

Lorsque le troisième niveau d'alerte est activé (niveau 3), outre les mesures prévues aux articles 15E et 15F, le Conseil d'Etat ordonne la mise en oeuvre de la mesure suivante: l'interdiction des feux en plein air et des feux de confort.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 30 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 15G (nouveau) est adopté.

Le président. Nous sommes à l'article... (Fort brouhaha.) S'il vous plaît ! (Le président attend que le silence revienne.) Merci. Nous sommes à l'article 15H. A l'alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pistis. Il propose de remplacer sa teneur par ceci:

«Art. 15H, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Tout contrevenant est passible d'une contravention de 500 F au plus.»

Je passe la parole à M. Pistis pour qu'il nous explique son amendement.

M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Dans le catalogue des ordonnances sur les amendes d'ordre, les amendes d'ordre à 300 F n'existent pas. Pour appliquer cette loi et les sanctions qu'elle prévoit, je vous invite à soutenir plutôt la mention d'une contravention, puisque le droit genevois prévoit des contraventions en cas d'infractions. Cela nous permettra de sanctionner celles et ceux qui auraient tendance à vouloir contourner cette loi. C'est pour ce motif que je vous encourage à soutenir cet amendement.

Le président. Je vous remercie. Vous préconisez donc de changer aussi bien les lettres que les chiffres ! Nous votons sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 28 non.

Mis aux voix, l'art. 15H (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 15I (nouveau) est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12196 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 31 non et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12196

PL 12204-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Guy Mettan, Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Marie-Thérèse Engelberts, Olivier Cerutti, Christina Meissner, Delphine Bachmann, François Lance modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour une limitation drastique des produits phytosanitaires à Genève)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 1er et 2 novembre 2018.
Rapport de majorité de M. Georges Vuillod (PLR)
Rapport de minorité de Mme Delphine Bachmann (PDC)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au PL 12204-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) S'il vous plaît ! Monsieur Dimier, s'il vous plaît ! (Remarque.) S'il vous plaît, Monsieur !

Une voix. Chut !

Le président. Je passe la parole à M. Georges Vuillod.

M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi constitutionnelle propose d'interdire l'utilisation de produits phytosanitaires pour l'usage privé, de limiter et réglementer leur usage professionnel, et d'accompagner et soutenir financièrement les professionnels. La commission s'est réunie à trois reprises et a auditionné l'Office fédéral de l'agriculture, le chimiste cantonal, le pharmacien cantonal, AgriGenève et Bio Genève.

Sur la forme, deux éléments posent problème. Premièrement, il ressort d'un avis de droit établi par le département que ce projet de loi n'est pas compatible avec le droit supérieur. Cette position a d'ailleurs été confirmée par l'Office fédéral de l'agriculture, et je me demandais dans mon rapport si je ne devais pas m'arrêter là. Deuxièmement, le texte propose une interdiction et une limitation des produits phytosanitaires en général, ce qui concerne également les produits utilisés en production biologique. Voici un résumé des auditions.

L'OFAC précise que les homologations des produits font l'objet d'études précises et scientifiques liées à trois lois fédérales majeures: la loi sur la protection de l'environnement, la loi sur la protection contre les substances et les préparations dangereuses et la loi sur l'agriculture. L'agriculture suisse se préoccupe de son impact sur l'environnement depuis les années 90 et l'introduction de la production intégrée, dite raisonnée, vise à utiliser de manière parcimonieuse et réfléchie les produits phytosanitaires. La Confédération vient par ailleurs de mettre en place un plan de mesures visant à réduire encore l'usage de ces produits.

Le chimiste cantonal et le pharmacien cantonal informent que le canton vient lui aussi de mettre en place un plan de mesures complémentaires au plan fédéral. Des analyses sont faites régulièrement sur les productions GRTA, suisses et d'importation; elles démontrent que les taux de résidus sont en grande majorité conformes à la législation et que les taux de non-conformité baissent depuis une dizaine d'années. De plus, les produits sans aucune détection résiduelle augmentent en Suisse, ce qui confirme que les programmes d'information et de formation professionnelle fonctionnent bien et que nos agriculteurs sont de vrais professionnels.

AgriGenève et Bio Genève rappellent que les pratiques agricoles sont très réglementées, avec une ordonnance de près de 186 pages permettant un réel encadrement de l'activité. Les agriculteurs n'utilisent les produits phytosanitaires qu'en dernier recours, pour protéger les cultures; ils passent un permis de traiter et suivent des formations continues, notamment sur l'usage de ces produits. Il serait impossible de cultiver en se passant des substances phytosanitaires, tant en culture traditionnelle qu'en culture biologique. AgriGenève et Bio Genève rappellent que la mission de l'agriculture est de nourrir la population et qu'un tel projet de loi entraînerait une baisse des rendements, voire la perte totale des cultures. Cela conduirait donc à une augmentation des importations et à des achats intercantonaux qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles: les mesures figurant dans ce projet de loi ne s'appliqueraient que dans le canton de Genève, créant une distorsion de concurrence de plus pour les producteurs locaux.

En conclusion, la non-conformité de ce projet de loi au droit supérieur; les mesures mises en place par la Confédération, le canton et les agriculteurs ainsi que les résultats obtenus; les difficultés à contrôler le respect d'une telle mesure par les non-professionnels, quasi impossible à faire appliquer tant pour l'achat des produits que pour le contrôle de leur utilisation; les problèmes économiques du secteur agricole genevois, soumis à une concurrence exacerbée tant au niveau intercantonal qu'en raison du tourisme alimentaire; et l'impossibilité de faire appliquer une règle genevoise aux produits venant d'autres régions de Suisse ou du reste du monde, font que la majorité de la commission vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse de minorité. Mon intervention reflétera une vision un peu plus large plutôt que de simplement porter sur l'agriculture. Ce jour, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité rêve de devenir la majorité. Sénèque disait: «Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles.» Je me rallie à cette pensée qui souvent m'anime dans ce parlement: il manque, à mon sens, d'ambition et se retranche un peu trop souvent derrière des avis de droit. Alors oui, j'entends les critiques sur la forme de ce projet de loi, mais je souhaite aujourd'hui parler du fond et du message.

Rappelons ici l'objectif de cet objet et le contexte dans lequel il a été déposé. La santé environnementale est un des enjeux principaux du XXIe siècle et il devient urgent de se pencher sur la question. Ce projet de loi a l'ambition de poser un cadre, de fixer un objectif: celui d'apprendre à préserver la planète, à préserver notre santé et à appliquer le principe de précaution. Bien évidemment, il parle de mesures d'accompagnement ! Bien évidemment, ce n'est pas pour demain, ni pour dans une année, ni même pour dans cinq ans ! Mais que voulons-nous pour dans cinquante ou soixante ans ? Au travers des différentes auditions, nous avons pu constater que si la forme de ce texte était systématiquement critiquée, le fond passait au second plan. Les risques commencent pourtant à être reconnus: par le Conseil fédéral, par différents experts qui parlent entre autres de l'effet cocktail des produits, qui n'est pas étudié, et par diverses institutions de recherche qui catégorisent ces produits comme cancérigènes et nocifs pour l'eau notamment.

Ce projet de loi veut que notre canton se projette sur le long terme en lui permettant de programmer la fin de la dépendance aux produits phytosanitaires. A nouveau, nous n'opposons pas l'agriculture biologique aux autres modes de production; nous posons la question des produits qu'on retrouve dans notre environnement en général. Souvenez-vous de Doris Leuthard, issue des milieux du nucléaire, qui un jour a dit que la Suisse sortirait du nucléaire ! S'en est suivie une inscription dans la Constitution fédérale et aujourd'hui, c'est en marche. Peu importe que nos voisins nous suivent ou pas, le peuple suisse a tranché. Ce projet de loi permet aussi au peuple de donner son avis puisqu'il l'appelle à prendre position sur la question des produits phytosanitaires. C'est à croire que la majorité a peur du résultat !

Aujourd'hui, nous disons stop à l'usage de ces produits par les privés, qui selon les professionnels eux-mêmes ne savent pas les utiliser et mettent en danger l'environnement et leur santé. Aujourd'hui, le message que nous adressons à notre gouvernement, c'est: investissez dans la recherche ! Trouvons d'autres solutions ! Préservons notre planète, notre environnement ! Il n'y a pas de plan B ? Eh bien inventons-le ! Travaillons; soyons des leaders par notre force d'innovation et notre force de proposition ! Le problème est pire ailleurs ? Nous ne sommes pas assez puissants ? Eh bien commençons par agir là où nous le pouvons ! Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter ce projet de loi; pour oser, pour faire mieux et pour être ambitieux. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pablo Cruchon (EAG). Désolé d'interrompre le débat pour une intervention qui ne concerne pas ce point de l'ordre du jour; j'ai demandé la parole avant mais elle ne m'a malheureusement pas été donnée. Conformément à l'article 79A de la loi portant règlement du Grand Conseil, un député est toutefois autorisé à interrompre les débats à tout moment pour rappeler au Bureau de faire appliquer le règlement. Or lors du traitement du précédent objet, l'intervention du représentant du Conseil d'Etat a largement dépassé les sept minutes réglementaires. Ce n'est pas la première fois et je l'avais déjà signalé au Bureau de vive voix, en aparté, la dernière fois; c'est une pratique courante. Je demanderai donc que, conformément à l'article 71 de la LRGC, le Bureau applique également les sept minutes de prise de parole aux représentants du Conseil d'Etat sauf, comme la dérogation le prévoit, cas exceptionnel. Ce n'était pas, là, un cas exceptionnel, et je remercie donc le Bureau et le président d'appliquer le règlement.

Une voix. Bravo !

M. Pablo Cruchon. Je suis désolé d'interrompre les débats sur la question des produits phytosanitaires. (Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Je suis intervenu à trois reprises; on n'était plus à sept minutes, on avait largement dépassé les onze minutes. C'est vrai qu'il s'agit d'un point crucial et je vous remercie pour votre intervention. Mais c'est délicat, vous devez le comprendre, de couper la parole à un conseiller d'Etat.

Une voix. Eh bien, non !

Le président. Je passe maintenant la parole, pour continuer le débat, à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Si nous avons déposé ce projet de loi, c'est pour avoir une discussion sur les produits phytosanitaires. Si nous avons déposé un projet de loi constitutionnelle, c'est pour que le peuple puisse prendre la décision, pour qu'il puisse choisir ce qu'il veut pour l'avenir. Je pense que c'est en ouvrant le débat qu'on trouve des solutions, pas en le fermant !

Si vous avez lu la «Tribune» du jour, vous avez vu que la température à Genève a augmenté de deux degrés. Il y a quelques années, quand on parlait de ces problématiques-là, la plupart des gens nous sortaient le même discours que maintenant: circulez, y a rien à voir, on contrôle, tout est prévu, il n'y a rien de grave ! Nous avons eu les mêmes réponses avec le problème de la cigarette: circulez, y a rien à voir, tout est prévu, les choses sont parfaitement faites ! Nous avons eu les mêmes réponses lors du débat sur l'amiante: circulez, y a rien à voir, tout est sous contrôle ! Nous ne croyons plus au contrôle ni aux discours lénifiants sur ce genre de sujets.

On a maintenant des données préoccupantes sur l'utilisation des produits phytosanitaires. Ça ne signifie pas qu'il faut bêtement dire «niet, on n'en veut plus», mais il faut une discussion. C'est pour ça que notre projet de loi permet d'interdire leur utilisation par les privés; c'est quand même le b. a.-ba, parce qu'on sait que ce sont des produits extrêmement dangereux. Et si on les utilise mal, les risques pour la santé sont énormes. Nous ouvrons par contre la porte à la discussion avec les milieux concernés pour trouver la meilleure des solutions et aller de l'avant. Je rejoins la rapporteuse de minorité qui dit qu'il faut être inventif et croire en l'avenir: on ne peut pas continuer à toujours fermer les yeux et les oreilles lorsqu'il y a des problèmes potentiellement graves pour la santé de la population.

C'est surtout l'effet cocktail de ces produits qui représente un problème grave pour la santé de la population ! En tant que médecin, je vous demande simplement de réfléchir et de regarder les résultats des derniers registres sur les cancers aux niveaux européen et mondial: le nombre de lymphomes augmente de 125% à plus de 200% en Israël, en Norvège, en Islande, au Danemark, en France, au Japon et en Suisse ! Nous aimerions savoir, grâce à des études, d'où vient cette augmentation et quels sont les risques courus par la population. La moindre des choses, et la population genevoise s'y attend, c'est que nous nous occupions de sa santé ! Je vous remercie.

M. Patrick Hulliger (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est un exemple de demande incohérente, faite sans considération des conséquences ni des compétences accordées aux institutions. Les produits phytosanitaires comprennent les produits de l'industrie chimique mais également ceux d'origine naturelle utilisés dans le bio, ce que confirme le président de Bio Genève pour qui ce projet de loi représente aussi un risque. Définir ce qui est vraiment naturel alors que la plupart des produits phytosanitaires bio proviennent des entreprises chimiques qui les transforment, voilà un vrai problème !

L'OFAG, l'Office fédéral de l'agriculture - avec l'OSAV, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire, et l'OFEV, l'Office fédéral de l'environnement - est seul habilité à donner les autorisations pour utiliser un produit phytosanitaire. En voulant légiférer à Genève, nous agissons clairement contre le droit supérieur. Le droit fédéral prévaut ! Les cantons ne peuvent s'y opposer ! Ce projet de loi est tout simplement inapplicable.

Rappelons qu'il existe un plan genevois de recherche scientifique pour optimiser l'utilisation des produits phytosanitaires. Les paysans de ce pays sont bien formés professionnellement; à l'affût des progrès techniques, ils cherchent aussi à limiter les intrants, qui coûtent cher. Ils commencent à être fatigués de recevoir des leçons de gens qui n'ont aucune idée des réalités du terrain. Ce projet de loi est mal ficelé et aurait dû être retiré. Il n'est pas normal de perdre du temps avec des objets contraires au droit supérieur ! L'UDC refusera l'entrée en matière et vous demande de faire de même. Merci de votre attention.

M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, nous sommes en principe tous d'accord sur l'importance de ce sujet et surtout sur le fait que l'utilisation des produits phytosanitaires entraîne des problèmes environnementaux - pollution des sols et des nappes phréatiques - et de santé humaine à cause de résidus de pesticides dans les aliments. En même temps, nous savons que nos agriculteurs, qui sont de vrais professionnels, utilisent les produits phytosanitaires avec parcimonie et de manière réfléchie, eu égard au coût de ces produits, et qu'ils le font pour maintenir le rendement de leur production. L'idée de ce projet de loi n'est donc pas d'attaquer le monde agricole, mais bien d'arriver à développer progressivement des méthodes qui se passent de ces produits. Pour cela, il faut des signes forts qui font prendre conscience à la population qu'il n'est plus temps de tergiverser, mais que le temps de l'action et d'une décision est arrivé. Il faut parvenir à modifier les modes de production, et les familles paysannes soutiendront cette évolution si on peut leur proposer, en accord avec elles, une transition vers de nouvelles méthodes.

Ce projet de loi donne aussi d'autres signes: il montre la nécessité de poursuivre le financement de la recherche dans ce domaine et celle de toujours mieux informer le public. Lors de son audition, le chimiste cantonal a confirmé que 60% à 80% des produits contrôlés contiennent des résidus de pesticides - dans des proportions certes conformes à la législation, mais on sait que cette dernière ne tient pas compte d'un probable effet cocktail. Et il y a encore 4% à 5% de produits contrôlés qui contiennent des doses de résidus non conformes, mettant donc potentiellement la population en danger.

Les autorités cantonales ont informé qu'elles planchent sur un plan d'action pour la limitation des produits phytosanitaires que l'on nous annonce ambitieux - et surtout plus ambitieux que le plan d'action fédéral - mais il n'a toujours pas été présenté. Au niveau national, deux initiatives ont été déposées ce printemps: «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et «Pour une eau potable propre et une alimentation saine». Cela montre bien la préoccupation de nos concitoyens et doit nous enjoindre à empoigner ce sujet pour aboutir à un vrai changement dans nos méthodes de production et notre mode de consommation.

La majorité de la commission qui a préavisé le texte n'a visiblement pas saisi l'importance de ce sujet et a même refusé l'entrée en matière alors que celle-ci aurait permis de réfléchir, d'amender et d'améliorer le projet de loi pour en faire un texte exemplaire. A notre parlement maintenant de reconnaître l'importance de cette question et de prendre une décision courageuse, respectant un principe de précaution nécessaire lorsque l'on parle de protéger notre santé et notre environnement. Les Verts vous demandent donc de soutenir cet objet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Je ne reviendrai pas sur les effets désastreux des produits phytosanitaires sur l'environnement. Je pourrais bien sûr vous parler de la disparition des oiseaux, mais je crois que vous connaissez le refrain. On sait que ces produits ont un impact important sur la santé, mais on ne sait en revanche pas toujours très exactement la nature de cet impact. On ne connaît pas non plus, on l'a dit précédemment, l'impact de l'effet cocktail qui peut exister, comme pour n'importe quels produits chimiques dès qu'on en combine plus de deux. Il faut donc faire preuve d'une réelle prudence, disons; bien souvent, les avancées technologiques - la mise au point des nouveaux produits phytosanitaires - vont plus vite que les études permettant d'établir avec certitude leur impact sur la santé.

Ce projet de loi comporte un autre point positif. On m'a reproché tout à l'heure - évidemment à tort - de m'attaquer aux agriculteurs. Ici, il est notamment question d'interdire l'utilisation à usage privé de ces produits. Il est vrai que, ces dernières années, on a demandé aux paysans des efforts conséquents sur leurs pratiques agricoles alors qu'une liberté totale est laissée quant aux jardins des privés. Pourtant, les pratiques y sont souvent désastreuses sur le plan environnemental, bien que ces jardins-là puissent avoir une réelle importance dans la protection de la biodiversité à l'échelle du canton. Ensemble à Gauche, vous l'aurez compris, soutient donc ce projet de loi, et je vous invite à en faire de même. Je vous remercie.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Ce projet de modification de la constitution vise à interdire les pesticides. Dit autrement, il vise à retirer aux agriculteurs la possibilité d'utiliser des outils pour protéger les plantations et la production. Les normes suisses auxquelles les agriculteurs sont soumis sont déjà les plus sévères du monde. Les denrées alimentaires produites à Genève sont de qualité et saines. Nos agriculteurs rencontrent d'importants problèmes économiques et on veut sans arrêt leur rajouter des conditions, modifier constamment les conditions-cadres, ce qui leur rend impossible toute prévision. Il faut arrêter de rajouter des contraintes au niveau local et prendre conscience que la population mange principalement de la nourriture venue de l'extérieur, qui est bien moins bonne. Ça ne sert donc à rien de pousser nos agriculteurs à la faillite en les contraignant à avoir des produits qui seront encore plus chers, et par conséquent encore moins concurrentiels !

De même, l'interdiction des pesticides amènera naturellement une diminution de la production locale vu que les agriculteurs ne pourront plus protéger leurs produits, et donc une augmentation des importations. Importations qui, je le répète, sont de moins bonne qualité que les produits locaux.

Enfin, on a traité le fond mais il faut évidemment aussi parler de la forme: nous avons là un projet de loi non conforme au droit fédéral ! Vous êtes en train de créer une Genferei ! Nous aurons une votation populaire sur un sujet non conforme au droit fédéral; c'est bien possible que la population vote oui sur la base d'arguments émotionnels, et ensuite un tribunal invalidera ce texte. Après cela, il ne faudra pas s'étonner si des gens votent par exemple pour des initiatives pour l'autodétermination ! (Protestations. Exclamations. Commentaires.) Soumettre consciemment au peuple des normes contraires au droit fédéral ne me paraît vraiment pas malin. Pour ces raisons, le groupe PLR s'opposera à ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien.

Une autre voix. Bravo !

M. Guy Mettan (PDC). Nous avons déjà beaucoup parlé de la dangerosité de ces produits, des dégâts qu'ils entraînent sur la santé publique et sur l'environnement ainsi que de la biodiversité. Je ne vais pas revenir là-dessus mais j'aimerais préciser deux points. Le premier, c'est que les lobbies trafiquent les recherches, faussent les analyses - ce qui n'a pas été mentionné. Ensuite, je voudrais rappeler que ce ne sont pas du tout les paysans qui sont visés par ce projet de loi constitutionnelle, on l'a déjà dit, mais l'ensemble du public. Il s'agit donc de sensibiliser l'ensemble du public et des utilisateurs privés au problème que représentent ces produits dangereux. Voilà le message qui doit passer aujourd'hui.

Le président. Je vous remercie. Puisqu'il faut passer, je passe la parole à Mme la députée Léna Strasser.

Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a le mérite d'amener un enjeu important sur la table et de permettre la discussion, et ce malgré le fait que nos élus fédéraux n'ont pas encore pris de mesures pour enrayer le problème. Va-t-on déplorer que notre canton s'inquiète de la santé de ses citoyens ? Comme l'a dit un préopinant, nous voterons tout bientôt sur l'initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et certains sondages annoncent que 72% des Suisses pourraient déjà la soutenir. Je pense qu'il est temps d'agir !

Je ne vais pas revenir aux oiseaux, mais un journal suisse titrait la semaine dernière: «Colonie d'écrevisses à pattes rouges décimée, la police trouve le coupable». Il s'agit en l'occurrence d'une entreprise utilisant des produits phytosanitaires de synthèse. Sur ces questions, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont pointés du doigt - loin de là. En effet, ils subissent de plein fouet les conséquences de l'utilisation de ces produits sur leurs terres et sur les ressources leur permettant de vivre. C'est un système qui est pointé du doigt, Mesdames et Messieurs. Un système qu'il est temps de réformer: celui de l'utilisation de produits nocifs tant pour l'environnement que pour la santé.

On peut lire dans le rapport de majorité que «60% à 80% des denrées contiennent des résidus de pesticides» - denrées que l'on consomme - «qui sont conformes à la législation». Un taux conforme à la législation, est-ce aujourd'hui suffisant ? Est-ce suffisant pour protéger non seulement nos rivières, nos prairies, nos insectes mais également notre propre santé et celle de nos enfants ? Nous, nous ne le pensons pas et nous soutiendrons ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à M. Georges Vuillod pour vingt secondes.

M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste corriger deux petites choses. J'ai entendu que les paysans n'étaient pas visés par ce projet de loi; pourtant, ils en subiront pleinement l'ensemble des conséquences et ils vous en remercient par avance. Quant à l'application de l'interdiction faite aux privés, je me réjouis de voir que des fonctionnaires seront embauchés - ce sera certainement validé par le groupe PDC - pour contrôler durant le week-end les gens qui s'occupent de leur propre jardin.

Le président. Voilà.

M. Georges Vuillod. J'espère qu'ils seront assermentés et pourquoi pas armés ! Merci.

Le président. C'est terminé, Monsieur, je vous remercie. Chers collègues, je vous fais voter sur l'entrée en matière avant la pause.

Mis aux voix, le projet de loi 12204 est adopté en premier débat par 48 oui contre 39 non et 3 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. unique (souligné).

Le président. Le troisième débat n'est pas demandé. (Protestations.) Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers. (Protestations.)

Des voix. Oh non !

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations.) Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations.)

Une voix. Chut !

M. Antonio Hodgers. ...le Conseil d'Etat a indiqué à plusieurs reprises, en commission, que les restrictions prévues dans cette proposition de modification constitutionnelle - à savoir les questions d'importation, de vente et d'utilisation d'un produit - sont de compétence exclusivement fédérale. Par conséquent, fidèle à son habitude de refuser le troisième débat lorsqu'un projet de loi paraît de manière vraisemblable non conforme au droit supérieur, le Conseil d'Etat ne demandera pas ce soir le troisième débat. (Quelques applaudissements. Huées.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons une pause et nous reprenons à 18h.

La séance est levée à 17h40.