République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1840-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et M. Catherine Baud, Sylvia Leuenberger, Brigitte Schneider-Bidaux, Pierre Losio, Anne Mahrer : Respect pour les précurseurs du développement durable !

Débat

M. Jacques Béné (L), rapporteur. Après le débat houleux de tout à l'heure, nous allons recommencer à parler de développement durable, avec cette motion déposée par les Verts et qui concernait un cas précis. Il s'agissait d'un petit biotope et d'une véranda thermique de 12 m2 en dur, installés en zone agricole il y a maintenant plus de vingt-cinq ans. Suite à cette affaire, où les tribunaux avaient finalement donné raison au propriétaire, les Verts avaient jugé opportun de déposer cette motion, qui a retenu l'attention de la commission. Elle n'a malheureusement pas souhaité y donner suite, pour la simple et bonne raison qu'elle pose des problèmes juridiques en matière d'aménagement du territoire. On sait qu'il est difficile de faire prévaloir une loi sur une autre dans notre système législatif... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...même si le groupe libéral en tout cas aurait été très heureux de pouvoir collaborer sur certains points. Je pense surtout à la quatrième invite qui concerne l'amnistie, sujet qui nous est cher.

Malheureusement, en tant que personnes responsables, il nous paraissait important de ne pas donner suite à cette motion, parce qu'elle est difficilement applicable et soulèverait de gros problèmes juridiques dans son application. En commission, nous avions été rassurés par les propos du département, qui s'emploie - puisqu'il s'agissait d'une des principales raisons de cette motion - à ce que les services collaborent mieux, pour éviter ces problèmes d'application de lois et de prévalence de l'une sur l'autre. Nous reviendrons peut-être dans le courant du débat - si débat il y a - sur les différents points de cette motion.

M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion a été déposée par le groupe des Verts essentiellement parce qu'il y a eu des différends, une confusion entre deux services situés dans deux départements différents de l'ancienne législature: le DT et le DCTI. Il s'agit donc de savoir si l'on est censé ignorer la loi lorsque l'on érige un bâtiment, que ce soit un biotope ou une partie de villa. Ceci est le premier problème: quelqu'un ayant dressé une véranda dans sa villa peut-il le faire sans autorisation ? Quand on sait que la LCI en exige une pour construire un poulailler, eh bien, Madame Baud, vous qui avez défendu cette motion, lorsque l'on souhaite ériger une véranda, il y a besoin d'une autorisation. C'est comme ça !

Donc la motion pose plusieurs problèmes et le rapporteur en a mentionné quelques-uns. Il y a d'abord le principe de la non-rétroactivité des lois - sauf pour la suppression de la peine de mort, évidemment... Ensuite, il y a l'égalité de traitement entre les citoyens. En effet, dans la villa d'à côté, la personne a peut-être requis une autorisation, qui lui a été refusée, alors que le voisin passe outre et construit sa véranda... Il s'agit de choses assez courantes, il ne faut pas se faire d'illusions. Donc il y a la question de l'égalité de traitement entre les citoyens, je l'ai dit tout à l'heure. Et nul n'est censé ignorer la loi, ça c'est la base de la base.

Cela dit, ce qui me paraît le plus important a trait au fait que l'affaire concernait deux services dépendant de deux anciens départements - le DT et le DCTI - avec deux chefs différents: l'un du groupe des Verts, l'autre du parti libéral. Or les deux services ont donné des préavis divergents au citoyen concernant une demande d'autorisation, ce qui n'est pas un bon signal. Je pense que cela pose un vrai problème, car ce n'est pas la seule fois que ce type de contradiction se manifeste et, finalement, le citoyen, l'usager, est confronté à une certaine anarchie.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Gabriel Barrillier. En dernier lieu, il y a la question des politiques publiques et des normes de protection de l'environnement, de même que celles liées à la construction, qui ont la même valeur hiérarchique. Ainsi, la seule invite importante de la motion est celle qui pose la problématique de la coordination. Pour le reste, il faut la refuser, car le cas est réglé. Il n'y a donc pas de raison d'avoir deux poids et deux mesures.

Mme Catherine Baud (Ve). Effectivement, il est regrettable qu'une majorité n'ait pas pu être trouvée en commission pour entrer en matière sur cette motion. Néanmoins, j'en prends acte. Ce cas a été résolu, mais je rappelle qu'il a fallu plusieurs années et un recours en justice pour arriver au statu quo. Il aurait alors suffi de mettre en pratique ce que le Conseil d'Etat avait prôné dans sa réponse à l'IUE 810, c'eût été beaucoup plus simple. Je vous lis ce qu'il disait: «Mais la recherche consensuelle et fine de solutions communes contribue à l'efficacité de ces deux politiques publiques et évite des situations où le requérant est soumis à des préavis contradictoires.» On est tout à fait dans ce cas ! Je vous renvoie également à la conclusion du rapport, qui indique ceci: «Il n'en reste pas moins que, même sans motion, la commission est unanime pour inciter les services de l'Etat à agir de manière plus coordonnée. Dans l'intérêt bien compris des citoyens de ce canton.» Je crois que les choses sont claires: tout le monde est unanime pour qu'il y ait davantage de concertation au niveau des relations entre les départements, afin d'éviter que de tels cas ne se reproduisent. Je vous recommande donc d'être cohérents avec ce qui vient d'être dit et d'entrer en matière sur la motion, de manière à la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Guillaume Sauty (MCG). Pour le groupe MCG, il importait de mettre en avant les félicitations adressées à ces personnes, précurseurs du développement durable. Néanmoins, comme l'ont dit mes préopinants, la loi est la loi, et elle doit être la même pour tous. C'est la raison pour laquelle le MCG s'abstiendra sur le vote de cette motion.

Mme Christina Meissner (UDC). Je me permets de prendre la parole pour répondre à l'un de mes préopinants, M. Barrillier, qui rappelait que tout le monde devait respecter la loi et qui s'indignait à l'idée que l'on construise des villas n'importe où... Mais attendez, vous n'y êtes pas du tout, Monsieur Barrillier ! Il ne s'agit pas d'une construction de villa mais d'un biotope. Un pauvre biotope qui a le malheur de se trouver en zone agricole ! Or le propriétaire ne savait pas qu'il fallait demander une autorisation quand il l'a créé, il y a vingt-cinq ans. Les tritons, les grenouilles et autres bestioles qui s'y sont installés ne le savaient pas non plus ! C'est donc devenu un biotope d'une importance nationale pour la reproduction des batraciens. Puis, lorsque le monsieur en question a fait ce qu'il pensait devoir faire pour pouvoir construire une petite véranda de 12 m2, adjacente à une construction qui était, elle, parfaitement autorisée de longue date, il s'est fait attraper pour son biotope ! A un moment donné, soyons proportionnels, il n'y a pas trente-six cas de ce genre dans la république, fichons la paix à ce pauvre monsieur et à ses tritons ! Renvoyons donc la motion au Conseil d'Etat. (Commentaires.) Il ne s'agit ni d'éléphants ni de hérissons, mais de batraciens, qui sont aussi importants ! Et en voie de disparition ! Je signale que les trois quarts des espèces de batraciens sont menacés de disparition ! Ce soir, faisons un petit effort pour les batraciens et pour ce monsieur, et renvoyons la motion au Conseil d'Etat ! Merci.

M. Jean-Louis Fazio (S). J'aimerais simplement indiquer que les socialistes n'entreront pas en matière sur la motion. Il s'agit en effet d'une affaire privée, déjà tranchée par la justice. (Brouhaha.)

M. François Gillet (PDC). Mme Baud et M. Fazio ont rappelé que le cas précis, à l'origine du dépôt de la motion, a été réglé. Cela dit, le texte a certainement le mérite de remettre à plat certains dysfonctionnements dans les préavis divergents entre des services de l'Etat. Je vous rappelle que, dans d'autres domaines concernant également le développement durable, des contradictions existent aussi entre les politiques publiques de protection du patrimoine, d'un côté, et de promotion des énergies renouvelables, de l'autre - pour revenir à un sujet qui nous a occupés tout à l'heure. Nous aurons donc à en parler prochainement, grâce à deux textes déposés concernant la CMNS. Je crois qu'il y a des domaines où des divergences d'appréciation et de préavis entre différents services doivent être réglées. Sur ce cas précis, le groupe démocrate-chrétien refusera la motion dès lors que le problème est résolu.

M. Jacques Béné (L), rapporteur. Certes, le développement durable est le cheval de bataille des Verts, mais on ne peut pas faire n'importe quoi au nom de ce développement. Je vous pose une question à laquelle il n'a pas été répondu en commission: comment déterminer qu'existe un intérêt public prépondérant pour le préavis d'un service au détriment d'un autre, alors que chacun se base sur deux prescriptions légales différentes ? Personne n'a été capable de répondre à cela. Il y a des systèmes de dérogation dans chaque loi; ainsi, pour le développement durable, on pourrait supprimer la LCI et la LDTR. Nous constaterons alors ce qu'il adviendra du canton à ce moment-là.

En commission, la problématique des invites a largement été débattue. Deux d'entre elles pourraient éventuellement rester: la première, invitant le Conseil d'Etat à considérer avec bienveillance et intérêt ce type de réalisations, ce qui se pratique déjà puisque des systèmes dérogatoires existent dans les lois. De plus, celle qui invite à faire en sorte que les différents services de l'Etat agissent de manière coordonnée pourrait rester. La motion est alors vidée de toute sa substance, mais rappelle simplement au Conseil d'Etat qu'il doit agir dans le respect des lois et qu'il doit coordonner ses activités. Or la commission n'a pas jugé que c'était suffisamment important pour demander au Conseil d'Etat de rédiger un rapport sur ses activités dans ce domaine. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière sur cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée et la commission ayant conclu au refus de la motion, je vous soumets cette dernière.

Mise aux voix, la proposition de motion 1840 est rejetée par 29 non contre 28 oui et 10 abstentions.