République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1845
Proposition de motion de MM. Eric Bertinat, Olivier Wasmer, Eric Leyvraz, Stéphane Florey, Gilbert Catelain pour une compensation de renchérissement égal entre collaborateurs du petit et du grand Etat

Débat

M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dans l'ordre du jour, cette motion occupe le point 92 et suit les deux projets de lois que nous avons votés hier au sujet du treizième salaire. C'est assez bien fait, puisqu'à la fois ce vote au sujet du treizième salaire et l'indexation décidée récemment entraîneront forcément des coûts financiers supplémentaires, non seulement pour l'Etat - petit et grand Etat - mais également pour nombre d'associations subventionnées. Or, nous n'avons pas beaucoup parlé de ces associations. Et pourtant, un certain nombre d'entre elles devront subir - si j'ose dire - de plein fouet cette décision, par exemple les EMS, de même que d'autres associations, dont les coûts salariaux seront influencés par l'indexation et par le treizième salaire.

Cette proposition de motion comporte trois invites. La première demande d'autoriser une adaptation des prix de pension des EMS pour contribuer au financement de cette indexation complémentaire. M. Bavarel et moi-même avons abordé ce sujet lors de l'audition du département de la solidarité et de l'emploi durant laquelle M. Longchamp nous a dit compter sur un surplus d'efficience des EMS pour combler les coûts induits à la fois par l'indexation et le treizième salaire. Mais lorsque nous l'avons reçu à la commission des finances, après avoir auditionné son département, M. Longchamp nous a donné une réponse - il faut bien le dire - pas très précise, à savoir que les coûts induits à la fois par l'indexation et le treizième salaire faisaient partie de l'enveloppe accordée. Aussi, nous aimerions savoir de quoi il en retourne exactement et sur quoi peuvent s'appuyer maintenant les EMS pour préparer leur propre budget. Au dire de la FEGEMS, la situation est extrêmement grave, mais, à la commission des finances, M. Longchamp nous a dit: «Elle n'est pas grave, parce que les coûts induits sont prévus dans le budget.» Nous aimerions bien en savoir un peu plus, pouvoir en commission écouter les principaux acteurs et être rassurés s'il y a lieu de l'être, ou très inquiets s'il y a lieu de l'être.

Même si les incidences pour les EMS peuvent être dramatiques, la deuxième invite me semble presque plus importante: procéder à une analyse de la capacité des subventionnés à assumer les coûts des mécanismes salariaux qui interviendront dès 2009...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Nous sommes en débat de catégorie II, c'est trois minutes. Vous avez encore trente secondes; vous pourrez ensuite reprendre la parole puisque c'est trois minutes par groupe. Merci.

M. Eric Bertinat. Oui, je vais terminer rapidement. Différentes personnes m'ont approché pour me dire qu'elles allaient précisément subir ces problèmes d'augmentation budgétaire et que, les subventions ayant déjà été décidées, elles allaient avoir beaucoup de difficultés à boucler ces fameux budgets. Il conviendrait de connaître la surface, ou le périmètre plus exactement, de toutes ces associations qui vont rencontrer des problèmes.

Enfin, dernière invite: nous aimerions évidemment avoir une évaluation de ces conséquences, notamment en termes de coûts pour l'Etat; je vous en remercie. Je désirerais donc que nous renvoyions cette motion à la commission des finances.

M. Alberto Velasco (S). Je dois dire que, après notre débat d'hier soir, chers collègues, il ne faut plus se gêner ! En tout cas, quand on est prêt à donner 1500 F d'augmentation par mois aux cadres supérieurs, avec les 8% que vous, les bancs d'en face, avez votés... Car c'est cela que vous avez fait ! En classes 27 ou 28, vous voyez l'augmentation que représentent 8,3% de 200 000 F... Pour les gens qui, dans cette ville, gagnent 3000 F, c'est presque un demi-salaire ! Donc, si nous avons procédé à cela hier soir, dans ce Grand Conseil, avec une telle magnanimité, en donnant un chèque en blanc au Conseil d'Etat, lui permettant ainsi d'y aller comme il veut - alors qu'il avait dit en commission des finances qu'il fallait qu'on en discute... Eh bien, si hier vous avez fait cela, aujourd'hui vous pouvez faire ceci !

Et c'est vrai que la motion UDC... Moi je la trouve très bonne, mais un peu contradictoire par rapport à - parfois - vos positions. Mais cela ne fait rien, je trouve que, s'agissant d'EMS et d'établissements à but non lucratif, avec le bien public comme mission, il est effectivement juste, concernant le salaire des employés - et notamment parce que ce sont des infirmières, des aides-soignantes, qui ne sont pas du tout bien traitées du point de vue financier - de revoir et d'appliquer le même régime que celui que vous avez choisi hier soir.

Alors, je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur Bertinat, seulement j'aimerais bien que, lorsqu'il s'agira de voter le budget, vous ayez aussi la cohérence de ne pas vous aligner sur les coupes du parti libéral qui s'annoncent ! Parce qu'ici il s'agit d'augmenter les charges - c'est, disons, une augmentation de charges, de subventions. Donc, il faut être cohérent ! Votre discours, je l'admets, il faut vraiment s'occuper de ces personnes, qui font un travail excellent, mais, quand nous voterons le budget dans quelques semaines, je vous rappellerai alors, Monsieur Bertinat, que vous avez aussi participé à une augmentation des charges. Vous ne devriez donc pas procéder à des coupes !

En ce qui nous concerne, les socialistes, nous accueillons avec beaucoup d'intérêt la motion de l'UDC. Nous regrettons que, hier soir, vous n'ayez pas voulu voter aussi l'urgence de la nôtre. Et notre motion est intéressante, car elle amène quand même un financement ! Ma foi, puisque M. Bertinat a proposé le renvoi à la commission des finances, nous l'acceptons et nous discuterons en commission.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le vote d'hier soir a effectivement produit des mécanismes salariaux et changé quelques équilibres quant à la fonction publique. Vous savez que, par analogie, certains établissements du secteur subventionné peuvent aussi se trouver touchés d'une manière ou d'une autre. Il y a des fois des conventions collectives, d'autres fois les choses sont imposées par l'Etat... Les règles sont variables.

Donc, les Verts, sachant que tout cela est assez complexe, voyant que la mise en place de la LIAF continue à se faire avec la volonté d'une plus grande transparence dans le subventionnement des entités publiques, nous pensons qu'il est nécessaire d'étudier de manière plus approfondie cette motion à la commission des finances.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour les démocrates-chrétiens, cette motion doit bien évidemment être renvoyée à la commission des finances, où nous pourrons nous y attarder et prendre au sérieux les considérants et les propositions. Nous voulons seulement relever que nous devrons également réfléchir en termes d'égalité de traitement; nous savons que l'UDC est toujours encline à couper les subventions. Donc, cette attitude cyclopéenne retiendra toute notre attention.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, la motion pour laquelle nous avons voté l'urgence hier soir pose effectivement une question intéressante: jusqu'à quel point l'Etat doit-il s'étendre ? L'Etat doit-il non seulement englober ce sur quoi il règne aujourd'hui, mais aussi placer sous ses ailes le secteur subventionné ? Toutes ces institutions devraient-elles, tout à coup, adopter l'ensemble des mécanismes étatiques ? C'est une question de fond qui est, je pense, posée avec à-propos par cette motion. Sur le fond, évidemment, nous avons, les libéraux, une position qui est d'une certaine retenue.

Je rappellerai par ailleurs que le conseiller d'Etat concerné a envoyé aux EMS, ou à ce qui leur sert pour le moment d'organe fédératif, un courrier pour les informer de la façon dont il conviendrait d'interpréter la question de l'adaptation des salaires. En outre, cette même fédération d'EMS a dénoncé la convention collective - pour l'année prochaine, je crois - qui la lie à son personnel. Cela va lui donner une certaine marge de manoeuvre pour renégocier, pour retrouver un espace de manoeuvre dans les relations entre partenaires sociaux.

Enfin, je conseillerai vivement à M. Velasco de prendre une potion... d'Appenzeller. Cela l'aidera peut-être à digérer les scores qui ne lui plaisent pas: être minoritaire quand on se croyait majoritaire, c'est effectivement une sacrée désillusion.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, le parti radical ne s'opposera pas au renvoi de cette motion à la commission des finances. On peut seulement se demander si elle est opportune du point de vue temporel. En effet, le Conseil d'Etat s'apprête à déposer, à fin novembre, un projet de loi sur les EMS ayant trait à leur financement. Or, la problématique de la motion ne peut pas être séparée de celle de financement des EMS. Nonobstant cette petite réserve, nous ne nous opposons pas au renvoi à la commission des finances.

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrai revenir sur ce problème de cohérence, soulevé à la suite du dépôt de cette motion par l'UDC. Oui, on va vers une augmentation des charges, et c'est précisément par souci de cohérence que nous espérons que celles et ceux qui ont décidé hier de voter le treizième salaire, et l'indexation des charges, puissent aller jusqu'au bout de leur réflexion. Et le but de la réflexion, c'est de savoir jusqu'où vont tous ces impacts financiers. C'est bien là le but de la réflexion. Contrairement à ce que je viens d'entendre, je trouve que cette motion a toute sa cohérence.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Velasco, à qui il reste trente secondes.

M. Alberto Velasco (S). M. Saudan s'interroge sur l'opportunité d'aller dans le sens de cette motion alors que le Conseil d'Etat va déposer un projet de loi. C'était le cas hier soir: le Conseil d'Etat allait déposer un projet de loi pour les cadres, et, malgré cela, vous avez, vous, le parti radical, déposé un amendement inspiré par le grand manitou Weiss... (Rires.) ...qui a précisément empêché le Conseil d'Etat de s'exprimer ! Et ce qui était vrai hier soir est vrai aujourd'hui, donc il faut appuyer la motion de nos collègues UDC. Il faut avoir une cohérence dans la vie et la maintenir jusqu'au bout ! Donc, aujourd'hui, nous la maintenons et nous votons le renvoi de cette motion à la commission des finances ! (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en l'absence de mon collègue Longchamp, qui n'est pas à Genève présentement, je vais essayer de rappeler deux ou trois choses qui ont été déjà dites, mais qui ne sont pas simples. Et elles ont été dites à la commission des finances, mais sans jamais faire l'objet d'une formalisation écrite. Donc, pourquoi ne pas, finalement, effectuer ce travail en commission sur la base de cette motion ?

Il y a en réalité des cas distincts. Lorsqu'il s'agit d'établissements - quels qu'ils soient, et l'on va justement commencer non pas par les EMS, mais par les autres - qui ont une part de leurs revenus en subventions pour une part et revenus propres - par exemple l'assurance-maladie, pour les HUG - la décision qu'a prise le Conseil d'Etat - et c'est celle qui a été présentée à la commission des finances - est de dire, concernant les mécanismes salariaux et l'indexation: «Dans la subvention, nous indexons la proportion, et pas la totalité». Parce que si l'on indexe et l'on applique l'augmentation à la totalité de la masse salariale, la logique mathématique veut que n'importe quelle institution soit subventionnée à 100% dans trente ans...

Donc aujourd'hui, dans le budget, par rapport à l'indexation et aux mécanismes salariaux - la part de la masse salariale qui est soutenue par la subvention - eh bien, la subvention a été augmentée pour permettre ces mécanismes. Le reste doit l'être par les recettes.

En ce qui concerne les EMS - et c'est cela qui complique tout depuis le début - la subvention est double: il y a une subvention à l'exploitation, qui est peu importante, et, évidemment, on n'a indexé et appliqué les mécanismes salariaux que sur cette part du budget d'EMS. En revanche, il y a une deuxième subvention, et celle-ci est en réalité une subvention de personnes qui fréquentent l'EMS. C'est le prix de la pension ! Quand les gens ne peuvent pas payer la pension ! Et ce que nous demandons à l'EMS est relativement simple: nous couvrons la partie qui concerne la subvention d'exploitation à hauteur du budget. En revanche, le reste doit passer par le prix de pension. Ce dernier va être augmenté; or qui paie la pension ?

Une voix. L'assurance !

M. David Hiler. L'Etat ! A 75% ! Donc je puis d'ores et déjà vous dire - parce que ces chiffres n'ont pas ravi, lors de la construction des budgets, des projections pluriannuelles - que, dans le budget qui vous est présenté, la part induite de l'augmentation de la subvention de personnes - parce qu'on paie à leur place - eh bien, je puis vous dire que le budget a été réadapté en conséquence par rapport à l'indexation et au mécanisme salarial.

Le treizième salaire a suivi une logique un peu différente. Nous avons dit que, au fond, c'est une initiative de l'Etat que de changer le système salarial, donc nous couvrons la totalité. D'accord ? Contrairement à l'indexation et aux mécanismes salariaux. C'est un «one shot», on couvre la totalité. Par contre, il est vrai qu'année après année les gens doivent évidemment essayer de garder leur taux d'autofinancement. Vous comprenez bien que, si tel n'était pas le cas, nous aurions de la peine à résister, particulièrement en ce qui concerne les grands subventionnés.

Et puis, il y a une troisième catégorie de subventionnés: ceux qui ne sont pas reconnus comme effectuant une tâche publique, qui ont un système salarial propre, qui ont eu très peu d'augmentations ces dernières années. La plupart des contrats de prestations n'en prévoient pas et il n'y a pas de lien avec les mécanismes salariaux - les sommes en question sont d'ailleurs beaucoup plus petites, puisqu'il s'agit d'une multitude d'associations. Et la seule manière dont le parlement puisse intervenir, c'est en changeant le montant dans le contrat. Alors que, pour ceux qui ont les mêmes mécanismes que l'Etat, le contrat précise que, chaque fois que l'Etat prend une décision, on couvre la dépense supplémentaire à raison de la part de la subvention.

Ce sont donc deux problèmes distincts ! Deux fois deux problèmes distincts, peut-on dire. Celui, régulier, de l'indexation des mécanismes salariaux, avec compensation à hauteur de la part subventionnée. Et pas de l'autre ! Donc, les gens doivent augmenter leurs tarifs, soyons clairs. Et puis, il y a le treizième salaire, où l'on prend l'entier de la somme, puisque l'on admet que c'est une responsabilité causale: ayant changé le système, on assume.

Ensuite, il y a deux mécanismes différents: soit les gens sont conventionnés, soit ils ne le sont pas. Si les gens sont concernés par la loi sur les traitements, directement ou indirectement, alors on compense sans que les montants soient inscrits dans le contrat de prestations, puisqu'on recalcule chaque année. Inversement, s'il s'agit d'associations bénéficiant d'aides financières - pour dire les choses clairement - et pas d'indemnités, dans ce cas-là, c'est bien le montant de la subvention qui fait foi. Cela ne nous intéresse pas, si je peux m'exprimer ainsi, de savoir quels sont les mécanismes salariaux qui existent dans l'institution, ce ne sont pas ceux de l'Etat de Genève. C'est d'ailleurs vrai pour les TPG, ils ont leur propre alchimie, et ce n'est pas cela qui est pris en compte lors de l'établissement du budget.

Et enfin, les EMS, je l'admets, c'est compliqué, puisqu'il y a d'une part une subvention, faible, à l'institution - en plus, d'ailleurs, de la subvention à la construction, qu'on aurait tort d'oublier. Alors, il y a la subvention d'exploitation, dont la compensation, du point de vue de l'institution, est faible. Elle doit augmenter le prix de pension, et c'est par ce biais que la charge se fait sur le budget de l'Etat, puisque, aujourd'hui encore, la majeure partie des gens ne peuvent pas payer le prix de pension. L'Etat paie, je vous ai dit 75%, mais je crois que c'est en fait 72%, je vous le dis de mémoire.

Inversement, lorsque des personnes ont une retraite supérieure au prix de pension - les 25% qui arrivent à payer - si elles ont une retraite à 6000, 7000 ou 8000 F, on ne voit pas trop pourquoi elles ne paieraient pas la valeur réelle du prix de pension ! Si elles ne le font pas, cela signifie simplement que leurs biens s'accumulent, or on ne voit pas pourquoi... Payer est logique, puisque c'est quand même ce que coûte le taux d'encadrement: 340 F par jour. Voilà ! Et cette part-là, il est normal que les personnes qui en ont les moyens la prennent à leur charge. Mais je vous rassure tout de suite, l'Etat est derrière tous ceux qui n'en ont pas les moyens, c'est-à-dire, aujourd'hui encore, pratiquement les trois quarts des gens. Et tout ceci est dans le budget ! Il n'y a pas un effet mystérieux qui viendrait après coup... Je peux vraiment vous certifier cela, parce que je l'ai vu dans les premières ébauches. Déjà lors du premier plan financier quadriennal, il y avait tout. Alors ce montant est important, mais il figure dans le budget.

Cela dit, comme il ne suffit visiblement pas d'expliquer, ces choses - qui sont, il est vrai, assez compliquées - mais qu'il faut maintenant mettre tout cela sur papier, je pense qu'un renvoi à la commission des finances ne fera pas de mal: le Conseil d'Etat préparera un document à cette occasion; là-dessus, la commission des finances décidera si elle est satisfaite des informations qu'elle aura reçues, si elle a des propositions à faire... Mais nous sommes, par rapport à vos inquiétudes, Monsieur Bertinat, à l'aise ! Rien ne nous ennuie dans cette affaire. Nous pensons que le système actuel répond à vos inquiétudes. Et nous nous ferons un plaisir - votre serviteur et particulièrement mon collègue Longchamp, pour être précis concernant les EMS - de vous donner une documentation plus structurée et écrite. Merci de votre attention.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1845 à la commission des finances est adopté par 61 oui (unanimité des votants).