République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1579-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : La Boillat 2006

Débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Dans son rapport, le Conseil d'Etat... (Brouhaha.)

Une voix. Silence ! (La présidente agite la cloche.)

La présidente. Il n'est pas tout à fait 23h, nous sommes en plein débat: la parole est à Mme Schenk-Gottret.

Mme Françoise Schenk-Gottret. Dans son rapport, le Conseil d'Etat reconnaît que Swissmetal a porté atteinte aux valeurs du partenariat social, ce qui est inacceptable, et qu'une restructuration ne peut se faire au péril des réalités humaines, voire dans un climat de guerre au personnel. Mais le Conseil d'Etat ne répond pas à ce que demande la pétition de la Boillat. Il a éludé le problème de fond. Ce que réclame la pétition n'a rien à voir avec la lutte des classes. Elle demande de soustraire une entreprise à la désorganisation économique lorsque les instruments de concertation existants ne suffisent plus à l'éviter. Des entreprises du type de la Boillat, qui satisfaisaient avec un succès constant aux exigences de leurs clients tant en quantité qu'en qualité doivent être protégées. Or dans le cas de la Boillat, Swissmetal ne cherche même pas à assurer la continuation de l'oeuvre de cette entreprise en d'autres lieux. Et nous, nous devons nous prononcer sur l'opportunité d'entraver cette destruction d'entreprise.

S'agissant de la Boillat, personne ne peut prétendre que la dislocation de cet outil de production soit pertinente du point de vue économique, puisque globalement la qualité de ce qui se produisait à Reconvilliers n'existe toujours pas ailleurs. Il ne s'agit pas d'intervenir dans un schéma de lutte des classes avéré ou d'introduire dans notre pays le capitalisme d'Etat, mais bien plutôt de préserver raisonnablement et intelligemment des rapports économiques. Dans la Constitution fédérale, on protège le droit d'entreprendre et de travailler, et on a légiféré pour prévenir les conflits de classe.

Ne conviendrait-il pas maintenant d'introduire des dispositions légales qui puissent également mettre entre parenthèses, et pour une durée limitée, le droit à la propriété, lorsque l'usage de celui-ci affecte l'intérêt général et a des effets nuisibles sur le tissu économique et social d'une région entière ?

Nous répondons par l'affirmative et travaillons avec le comité genevois de soutien à la Boillat à un projet de loi fédérale qui permettra de faire face à toutes les situations où l'on verra le propriétaire d'un outil de production nuire à la pérennité de celui-ci.

C'est pourquoi nous réclamons aussi que le rapport du Conseil d'Etat lui soit renvoyé, afin qu'il réponde à la demande des pétitionnaires. Cette dernière consistait à impulser une initiative parlementaire demandant aux Chambres fédérales de revisiter le droit des sociétés pour y introduire la faculté des organes politiques du pays de protéger certaines entreprises et de les soustraire à la désorganisation économique consécutive à la maladresse ou au souci de lucre de leur propriétaire.

Enfin, nous sommes heureux de vous annoncer que le Grand Conseil vaudois a renvoyé la pétition de la Boillat au Conseil d'Etat le 3 octobre dernier.

Mme Fabienne Gautier (L). A la lecture de ce rapport, je tiens à remercier le Conseil d'Etat de rappeler que l'Etat doit être le garant du respect des dispositions légales en vigueur dans l'économie. La liberté économique, la liberté patronale et la liberté syndicale font partie de ces dispositions. L'Etat doit être partenaire et s'assurer que les conditions-cadres au développement de l'économie soient performantes et adéquates. Il doit aussi favoriser le partenariat social dans le respect des conventions collectives de travail et la paix au travail. En aucun cas, l'Etat ne doit s'ingérer dans la bonne gestion d'une entreprise et/ou de sa restructuration en vue d'un meilleur développement de celle-ci pour en garantir la pérennité. L'Etat doit laisser à l'entreprise son savoir-faire et n'intervenir que si le respect du partenariat social ou de la paix au travail est violé ou fait défaut. L'Etat peut aussi remplir le rôle de médiateur ou en nommer un, comme dans l'affaire de la Boillat. M. le conseiller d'Etat François Longchamp - il y a de cela deux plénières, je crois - l'a confirmé lors du débat sur la motion socialiste relative à la convention collective nationale de travail dans la construction.

D'autre part, je me permets de souligner au passage que l'Etat n'est pas une garantie dans la gestion de ces établissements ou entreprises. Je ne prendrai pas pour exemple les établissements publics cantonaux, mais simplement les entreprises fédérales de service public et ne citerai que La Poste et, plus particulièrement en ce moment, CFF Cargo. Pensez-vous réellement que l'Etat fasse mieux que l'économie privée ?

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral ne peut que vous demander de prendre acte de ce rapport et de déposer la pétition 1579 sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. Je vous rappelle que nous sommes en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe. Il en reste une à M. René Desbaillets.

M. René Desbaillets (L). C'est bien suffisant, puisque je parle assez rapidement ! Je ne vais pas me prononcer sur la question de savoir qui a tort ou raison entre les syndicats et les employeurs dans l'histoire de la Boillat. Mon grand souci avec ces disparitions d'entreprises et ces délocalisations, c'est la perte de savoir-faire national. C'est également la perte d'autonomie nationale... (L'orateur est interpellé.) En Suisse, il ne faut pas oublier que nous n'avons pas de matières premières. On n'a que l'eau comme houille blanche, mais pas de matières premières. Notre matière première, c'est le savoir-faire. Et ce dernier disparaît ! Je vous cite un exemple: aujourd'hui, il y a des viticulteurs qui ne peuvent pas mettre leur vin en bouteille parce que nous ne sommes plus capables de produire des bouteilles en Suisse... On n'a plus de verre !

La présidente. Monsieur Alberto Velasco, il vous reste vingt-sept secondes. (Rires. Commentaires.)

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, j'aimerais dire, Mesdames et Messieurs les députés, que les libéraux ont voté le renvoi au Conseil d'Etat. Cela les honore. Ce que je voulais aussi indiquer à Mme Gautier, c'est que, effectivement, il faut tout respecter, mais une entreprise comme la Boillat, ce sont des années de savoir, c'est un acquis qui appartient à la collectivité. On ne peut pas fermer une industrie simplement pour des questions de marché, surtout quand les employés - les techniciens, les ingénieurs, etc. - décident qu'ils sont d'accord de racheter la société et d'aller de l'avant, parce qu'ils ont un carnet de commandes. Quand ces gens se mutent en entrepreneurs, on leur dit non...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. ...quitte à fermer la société. Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse, parce qu'elle est excellente.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1579.

La présidente. Nous passons au point 22 de notre ordre du jour... (Remarque. Brouhaha.)

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Nous avions demandé le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je suis consciente que nous serons minoritaires, mais formellement il faut voter.

La présidente. J'avais en effet compris cela, mais mes collègues autre chose ! Nous allons donc voter le renvoi de la pétition...

Mme Françoise Schenk-Gottret. Le renvoi du rapport !

La présidente. ... du rapport, oui, au Conseil d'Etat - mais il faut intervenir avant.

Mme Françoise Schenk-Gottret. Je l'avais dit ! (Commentaires.)

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1579 est rejeté par 44 non contre 12 oui et 2 abstentions.