République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10023-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le compte administratif de l'Etat de Genève et la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2006

La présidente. Nous reprenons le traitement du projet de loi 10023 que nous avons laissé il y a quelques minutes. Nous sommes toujours en deuxième débat.

Deuxième débat (PL 10023)

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 7.

Troisième débat (PL 10023)

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, j'aimerais rendre hommage au rapporteur. En effet, lorsqu'il avait demandé de faire le rapport, j'avais émis quelques doutes, mais je dois rendre justice à la rigueur dont il a fait preuve pour le rédiger...

Une voix. Pour une fois !

M. Alberto Velasco. Pour une fois ! Donc, je lui rends hommage. (Remarques.) En tous les cas, j'ai étudié le rapport, il est bien et je tiens à féliciter M. Kunz.

Nous avons vu à la commission des finances que, cette année, les recettes présentaient un excédent qui n'avait pas été prévu au budget, dont ont pris acte les députés qui y siégeaient. On observe alors que, bien que nous ayons au département des finances un outil économétrique rigoureux de prévision des recettes qui est alimenté tous les deux ou trois mois par des indicateurs de l'économie, on n'a pas pu prévoir ce supplément de recette d'environ 300 millions. Ce qui veut dire qu'il y a une marge d'erreur, que nous devons estimer à plus ou moins 2 ou 3%.

Alors quand je vois que, lors de nos travaux sur les budgets, on s'arrache les cheveux les uns des autres pour trouver dix millions par-ci et un million par-là, alors qu'on travaille avec un outil qui varie de plus ou moins deux millions, cela me fait quand même me poser des questions !

De plus, ces recettes ne peuvent pas être planifiées de manière linéaire. Je me souviens qu'il y a dix ans, alors que je venais de passer de nombreux mois à l'étranger où l'on établit le budget année après année, j'avais été étonné d'apprendre par mes collègues de la Ville qu'ici on le faisait en ligne droite. Et que chaque année on augmentait de 5%; on savait que l'année d'après on aurait 5% de plus de recettes. C'est ainsi qu'on faisait les budgets, de façon linéaire ! Eh bien cette règle a disparu, et aujourd'hui, même avec des outils économétriques, on n'arrive pas à faire des prévisions précises.

Cela pour dire que, même si on arrive un jour à équilibrer nos comptes, comme y travaille le Conseil d'Etat - et il faut lui rendre hommage pour l'effort qu'il déploie - il restera un problème: l'amortissement de la dette. Et là, tous députés confondus, nous sommes d'accord sur le fait qu'il faudra l'amortir, bien que nous différions sur les moyens d'y parvenir. Il y a celui que le rapporteur défend en commission - c'est son droit et sa conviction - selon lequel il faut réduire la géométrie de l'Etat, car c'est là-dessus qu'on aura l'excédent suffisant pour pouvoir amortir cette dette. Mais je doute, Monsieur Kunz, qu'on arrive, par des restrictions au niveau du fonctionnement et des subventions, à obtenir un excédent entre 300 et 400 millions par année. J'en doute beaucoup ! Parce que si l'on fait cela, ce sont des pans entiers qu'il faudra liquider et nous serons donc obligés de faire voter les citoyens, car il s'agira de modifier des lois. Mais ce sera un autre débat.

L'autre possibilité, c'est que l'Etat, qui veut amortir cette dette sans modifier sa géométrie, aille devant le peuple pour lui demander un peu de recettes... Mais cela exige d'effectuer la démarche d'aller devant le peuple.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, il se peut que, malgré l'effort que fait le Conseil d'Etat, et que je salue ici, les prochains débats nous amènent à aller devant le pouvoir suprême qu'est le peuple pour lui dire que tous les efforts ont été entrepris et que, s'il veut conserver un Etat comme celui qu'on a, un Etat qui doive peut-être répondre à encore plus de prérogatives, parce que la vie, la République et l'économie se développent, eh bien, il faudra prendre des décisions ! Je pense donc que lors des prochains budgets nous serons amenés à discuter de cela et j'espère qu'on le fera en toute clairvoyance et avec responsabilité.

Voilà donc la position du parti socialiste. Evidemment, nous allons adopter ces comptes, mais avec interrogation, parce que nous, socialistes, voulons défendre l'Etat que les générations ont construit et maintenir ses prestations ainsi que la qualité de son enseignement et de ses infrastructures.

Pour finir, je tiens encore à remercier le Conseil d'Etat et les fonctionnaires de l'effort consenti en vue d'atteindre l'objectif qui avait été fixé.

M. Pierre Weiss (L). Le comble du sceptique est de douter de lui-même. Vous le savez, l'on peut avoir, face à la gestion des finances publiques, en tout cas trois attitudes principales: celle du croyant, celle de l'agnostique ou celle du sceptique critique. Ce dernier essaie toujours de contribuer à ce que les choses aillent mieux, mais doute qu'elles puissent aller bien. Aujourd'hui, à la fin de ce débat sur les comptes, nous avons pris acte des efforts louables - voire, dans certains cas, remarquables - du Conseil d'Etat, mais aussi des essais en cours ou simplement des tentatives annoncées. Dans cette situation qui est celle de la mi-législature, où nous nous demandons de quoi l'avenir sera fait, nous pouvons d'une part conclure à ce que, sur le plan formel, rien ne s'oppose à l'approbation de ces comptes et en même temps, sur le fond, regretter que la mise en oeuvre de la réforme - je parle d'un point de vue libéral - ne soit pas plus accentuée.

On me répondra que le paquebot de l'Etat - qui n'est pas le Titanic, car nous avons confiance en lui - est long à réorienter, et qu'il faut en particulier prendre soin de ne pas heurter certaines habitudes, parce que derrière celles-ci se trouvent des gens, des collaborateurs qu'il convient de respecter comme il faut le faire aussi des contribuables. Nous devons donc négocier, savoir ménager les uns et les autres, mais néanmoins aussi fixer le cap.

Nous pouvons, nous, libéraux, avoir parfois l'impression qu'il s'agit d'un pragmatisme à vue, qu'il manque de la détermination, du courage, et peut-être même de la volonté audacieuse nécessaires, comme le dit mon collègue Gautier.

C'est la raison pour laquelle, s'agissant du rapport de gestion, nous ne saurons certes le désapprouver, mais nous ne pouvons pour autant l'approuver. (Remarque de M. Alberto Velasco.) Nous n'avons pas voté sur la gestion, Monsieur Velasco !

Il y a néanmoins un point sur lequel j'aimerais intervenir plus spécifiquement, à savoir le problème posé ce matin par M. Hiler concernant le 13e salaire, et, là derrière, la question de la juste rémunération, au sens large, des cadres de l'Etat. Celle-ci n'est pas satisfaisante et la reconnaissance de leurs efforts, qu'il s'agisse de cadres intermédiaires ou supérieurs, n'est pas adéquate.

Des réformes sont nécessaires, et les libéraux les soutiendront, à la condition toutefois qu'elles s'effectuent dans une situation d'équilibre financier. Or celui-ci ne peut être atteint que si la masse financière, qui est faite par les dépenses salariales et le nombre de personnes à qui elles sont affectées, voit une modification d'un des deux coefficients dont je viens de parler, à savoir celui du nombre de personnes. Mais ce nombre ne peut être changé qu'à deux conditions: que les tâches soient réétudiées, raison pour laquelle je plaide à nouveau en faveur de GE-Pilote et que, d'autre part, une augmentation de la productivité se vérifie. Dans les systèmes anciens, celle-ci se faisait par une augmentation du nombre d'heures de travail. Mais ce peut aussi être le cas par une vérification des tâches à effectuer, donc par des systèmes plus modernes de gestion du travail.

On peut le faire pour le personnel en général, mais il est souhaitable que cela soit aussi le cas pour certaines catégories particulières du personnel, qu'il s'agisse des infirmiers, des enseignants ou du type de personnel qui, jusqu'à présent, rechigne peut-être plus que d'autres à l'évaluation de leur travail. Et nous pensons que, de ce point de vue-là, il ne doit pas y avoir de tabous dans ce que l'Etat fait en matière de modernisation de sa gestion.

Je conclurai en disant qu'il serait quand même paradoxal que l'on procède, s'agissant du personnel de l'Etat, à des réévaluations collectives - on a vu ce qu'il en était de leur coût pour les années récentes dans une réponse donnée à une interpellation d'un député - alors que, précisément, le travail se fait certes en équipe, mais aussi souvent seul.

Et le moment est venu que l'Etat de Genève intègre aussi la notion de récompense de l'effort individuel. Cette gratification ne peut pas se faire de façon inéquitable, en arrosant systématiquement ceux qui moins que d'autres travaillent et plus que d'autres profitent: là, il doit y avoir manifestement des signaux clairs que l'Etat doit donner à ses collaborateurs.

Nous sommes donc pour les améliorations, mais pour ceux qui les méritent. C'est la position du parti libéral, et c'est également ainsi qu'il jugera les efforts de réforme que feront le département des finances et l'Office du personnel dans la gestion de leur personnel.

M. Christian Bavarel (Ve). Pour nous, les Verts, ces comptes prouvent que nous avons changé de méthode. Aujourd'hui, notre gouvernement est arrivé avec un système collégial, dans lequel les acteurs travaillent ensemble et qui emmène Genève dans la bonne direction.

Ce qui est important dans ces comptes et dans le budget présenté par le gouvernement, c'est qu'on s'aperçoit qu'on est sorti du blocage, de la paralysie et d'une sorte de recherche «de pureté en politique» dirai-je, qui nous amène à faire de la clarification idéologique, le seul but étant de dire que les autres sont méchants et que nous seuls avons raison. Or généralement, lorsqu'on agit ainsi en politique, on ne fait rien d'autre que dénoncer, mais on ne construit pas et on ne gouverne pas non plus.

Aujourd'hui, nous avons un gouvernement qui gouverne; le chemin est certes étroit, mais nous entendons soutenir le Conseil d'Etat dans cette direction, car nous avons vraiment l'impression que c'est la bonne. Nous irons dans ce sens avec la fonction publique et non pas contre celle-ci, avec la population et les prestations qui lui sont liées, avec les contribuables, mais aussi avec le monde associatif et non pas contre celui-ci.

C'est avec ces convictions que les Verts avancent et continueront à soutenir le gouvernement qui nous a vraiment donné l'impression de prendre les choses en main. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce long débat nous aura permis de constater que les comptes 2006 ont effectivement été bouclés sur un boni important, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est dû à une conjoncture exceptionnelle, qui se poursuit encore et dont nous devons profiter. L'UDC reconnaît cette amélioration de la situation, mais refuse en revanche d'approuver la gestion de l'Etat, raison pour laquelle notre groupe s'abstiendra lors du vote final de ce troisième débat.

Le Conseil d'Etat se trouve dans une situation économique particulièrement favorable. Il doit absolument en profiter pour engager d'importantes réformes qu'il a d'ailleurs commencé à initier - je pense à la loi sur l'action sociale, sur la fonction publique ou à celle sur le chômage que nous avons votée hier.

Nous invitons donc ce Conseil d'Etat à poursuivre ces réformes et à aller encore plus loin car, finalement, nous savons tous que la situation financière de ce canton reste précaire et que nous ne sommes pas à l'abri d'une aggravation de notre endettement.

Les autres réformes que ce gouvernement devra initier sont de deux ordres. Etant donné que, pour offrir un emploi à 1300 chômeurs, le canton a dû créer 15 000 emplois; il en faudrait encore 150 000 pour résorber totalement le chômage.

Nous avons vu en commission, par le biais d'une présentation de la CSIAS, qu'il y avait effectivement un problème au niveau de l'aide sociale, car les revenus intermédiaires entre 60 000 et 80 000 F n'incitaient pas à la reprise d'une activité.

Mais le plus gros chantier qu'il faudra engager ces prochaines années - et si possible dès demain - est celui des caisses de retraite, puisque, pour certaines catégories de la fonction publique, les rentes versées à un agent sont parfois presque équivalentes au salaire qu'il aura perçu sur l'ensemble de sa carrière. Or, le versement qui alimente cette caisse de retraite ne couvre pas le tiers des pensions qui doivent être versées, ce qui nous laisse augurer de lendemains qui risquent de déchanter.

Sur cette base, nous invitons le Conseil d'Etat à tout faire, avec la collaboration de ce parlement, pour continuer à réformer l'Etat et respecter le retour à l'équilibre prévu pour 2009.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord vous remercier pour la tenue de ce débat où les uns et les autres ont pu faire valoir leur vue de la situation, leurs arguments et leurs perspectives, mais en restant - ce qui est bien agréable en politique - objectifs sur les faits.

Nous avons donc eu un accord sur les faits, les diagnostics et, à partir de là, comme l'exige la démocratie, s'expriment des points de vue différents sur ce qu'il conviendra de faire.

Plusieurs points extrêmement importants, non pas pour les comptes 2006 mais pour l'avenir, ont été évoqués, et c'est bien normal. La discussion sur les investissements - premier échange qu'il convenait d'avoir - la question de la rémunération des cadres, celle du treizième salaire et celle des caisses de pension - eh oui ! - sont des éléments qui reviendront à réitérées reprises au menu de votre parlement.

Nous avons effectivement, Monsieur Catelain, de la chance. Au moment où nous avons décidé de maîtriser les charges et de lancer un certain nombre de réformes, nous avons eu le vent dans les voiles. Comprenez, comme l'a dit M. Gautier, que l'économie fonctionne bien, que la masse salariale par conséquent s'accroît et que les bénéfices ont été élevés, particulièrement pendant l'exercice 2006.

Au-delà de ces éléments positifs, un nouvel état d'esprit s'est très clairement établi - vous le soulignez du côté du Conseil d'Etat et nous nous plaisons aussi à le faire du côté du parlement. Et le fait que vous acceptiez que, pour avancer, il faille rejoindre une voie qui n'est pas toujours médiane mais commune est un point fort de cette première année et demie de législature, et nous vous en remercions ! Car si le Conseil d'Etat peut proposer des solutions pour débloquer les situations, il ne peut de fait pas les mettre en oeuvre s'il n'a pas la dernière clé, celle que vous détenez dans le système démocratique.

Pour le reste, et puisque nous avons parlé des cadres, vous me permettrez une dernière fois de remercier en particulier, vu qu'on est dans les comptes, tous ceux qui, dans chaque département et pas seulement celui des finances, ont construit un budget 2006, puis 2007, bouclé les comptes 2006 et fait un plan financier quadriennal tout en préparant, il faut quand même le rappeler, des projets de lois quadriennaux, avec contrats de prestation, pour à peu près 2 milliards de francs. Ces gens ont fait un travail très considérable et il faut les en remercier.

Et puisqu'il est question du budget 2006, il faut rappeler que nos collaborateurs n'ont eu en 2006 qu'un tiers de l'indexation - l'inflation était de 1,2 et l'indexation de 0,4. Ils ont accepté que l'annuité soit décalée et nous ont donc, eux aussi, permis ce démarrage en force qui était relativement important, même si, quantitativement, ce sont bien sûr les recettes qui ont fait la différence. Mais chacun a apporté son écot et il faudra aussi s'en rappeler au moment de prendre d'autres décisions.

Nous avons ensemble d'autres grands défis devant nous: l'année 2008, vous le savez depuis longtemps, mais aussi toutes ces fameuses réformes qui doivent continuer, celles qui ont déjà une base légale, celles à qui il faudra en donner une, celles que le parlement a déjà acceptées et qui sont donc maintenant aux mains du Conseil d'Etat - et de la société civile, souvent, parce que ce n'est pas aussi simple que cela - et celles sur lesquelles vous devrez encore vous prononcer.

Le député Gautier a parlé de fixer le cap. En toute sincérité, je crois que le Conseil d'Etat a fixé le sien pour cette législature; le plus important, à ce stade, est qu'il le garde et telle est bien son intention ! Il faut continuer à aller de l'avant, car nous avons une opportunité historique de nous remettre à un niveau financier qui nous protège durablement des souffrances dans lesquelles nos finances ont nagé depuis une quinzaine d'années. Puissions-nous ensemble résoudre ce problème et améliorer le fonctionnement de notre Etat pour ses finances mais aussi pour le bien-être du citoyen utilisateur comme du contribuable. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La loi 10023 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10023 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui et 8 abstentions.

Loi 10023

La présidente. Au terme de ce débat, je tiens à remercier particulièrement M. Pangallo et ses collaborateurs et collaboratrices de la direction du budget et de la planification financière. (Applaudissements.)

Nous revenons à notre ordre du jour vert - traitement accéléré - et abordons les rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.