République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 440-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur A. B.

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur. Monsieur A. B. est né le 13 juillet 1959 en Algérie. Il est très bien intégré à Genève, puisqu'il y vit depuis 1982. Il est domicilié au Grand-Saconnex et a quatre enfants de 15 à 4 ans.

Il recourt pour la grâce de ses contraventions, qui sont effectivement très nombreuses... Le catalogue de Leporello dans l'opéra «Don Giovanni» ne suffirait pas à décrire toutes les contraventions dont il a fait l'objet !

Mais, rassurez-vous, il ne s'agit pas d'un danger public ! En effet, ces contraventions portent uniquement sur des stationnements interdits, des temps de parking dépassés ou le disque de stationnement mal mis.

Le montant total de ses amendes s'élève à 13 830 F plus 11 341,80 F de frais. En outre, il a des amendes en conversion de peine de prison qui se montent à 1690 F. Cela fait que les amendes non comprises dans la procédure de conversion s'élèvent tout de même à 12 140 F... En résumé, Monsieur A. B. doit environ 25 000 F.

La situation s'est modifiée, puisque Monsieur A. B. n'a plus de véhicule à son nom depuis juin 2005, ce qui peut d'ailleurs expliquer que les amendes ont cessé de pleuvoir... Par ailleurs, il travaillait dans l'hôtellerie et la restauration. Il avait repris avec deux amis deux établissements publics en 1999, mais ils ont fait faillite. De plus, il s'est séparé d'avec son épouse: il avait cinq enfants, mais il a perdu son aîné en 2004, qui avait 18 ans...

Dans une lettre, il décrit lui-même son destin comme une descente aux enfers. Il est donc maintenant en faillite, avec une dette qu'il estime à 150 000 F. Il ne travaille plus, et il n'a pas pu toucher le chômage étant donné qu'il était gérant associé de ces établissements... (Brouhaha.) Il manquait - dit-il - toujours un papier soit de l'office des poursuites ou de l'office des faillites pour toucher une aide de l'Hospice. Mais, depuis décembre 2005, celui-ci lui verse une allocation de 1938 F par mois. Il habite maintenant au Grand-Saconnex dans une chambre meublée.

En conclusion, Monsieur A. B. a effectivement accumulé énormément d'amendes... Elles ne sont pas la conséquence d'actes graves, puisqu'il s'agit uniquement, je le répète, de stationnements illicites. Mais, force est de constater que Monsieur A. B. est dans la dèche: il n'a plus de véhicule immatriculé à son nom... (Brouhaha.) ...et il n'est absolument pas en mesure de payer ces 25 000 F.

Les éléments nouveaux - puisque, je le signale, ce rapport a été reporté depuis le mois de janvier déjà - sont les suivants: Monsieur A. B.. a maintenant conclu un contrat avec le service des contraventions pour s'acquitter de 100 F par mois dès le mois de juin prochain. Et puis, comme je l'ai déjà dit, il n'a plus de véhicule.

Je vous signale encore que les amendes risquent probablement d'être mises dans la masse en faillite, y compris les frais, comme l'indique l'avis de droit demandé par le commission de grâce à notre secrétaire de commission, M. Constant. Du reste, l'office des poursuites et faillites nous a répondu que les amendes pouvaient effectivement être mises dans une masse en faillite - ce que nous ne savions pas jusque-là.

Par conséquent, nous vous demandons - et la commission a été unanime à ce sujet - d'accorder la grâce à Monsieur A. B. sur les amendes en conversion, c'est-à-dire sur le montant de 1690 F, pour lui éviter un séjour en prison et lui donner - pour ainsi dire - une seconde chance. Mais de refuser la grâce pour les autres amendes, c'est-à-dire les 12 140 F, en pensant qu'elles seront vraisemblablement intégrées à la masse en faillite, pour qu'il sache que lorsqu'il reviendra à des jours meilleurs, il devra cette somme à l'Etat, plus les frais de 11 341 F. En effet, la commission unanime pense que mettre Monsieur A. B. en prison ne rendra service ni à notre société ni à lui-même et qu'il vaut mieux lui donner la chance de retrouver un emploi.

Pour cette raison et au nom de la commission unanime, je vous demande d'accorder à Monsieur A. B. une grâce partielle, c'est-à-dire uniquement sur les amendes convertibles en jours de prison, mais de refuser la grâce sur le reste des amendes.

M. Roger Deneys (S). Je voudrais juste faire une remarque sur la forme, suite à votre intervention, Monsieur Gros, et non sur le fond, l'éventuelle grâce qui sera accordée à ce monsieur...

Vous avez dit que cette personne n'avait pas commis d'actes graves puisqu'il s'agissait seulement d'amendes de stationnement... Je ne suis absolument pas d'accord avec votre manière d'apprécier... (Manifestation à la tribune. Une banderole est déployée.)

Le président. Vous rentrez cette banderole ! Toute manifestation est interdite à la tribune. Je vous prie de rentrer cette banderole ! Je le répète pour la dernière fois: vous enlevez la banderole ou je fais évacuer la tribune ! (Exclamations.) Bien, alors, je suspends la séance et la tribune est évacuée ! (Applaudissements. Des manifestants reprennent un slogan.)

La séance est suspendue à 17h28.

La séance est reprise à 17h29.

Le président. Bien ! La séance peut être reprise. J'informe, Mesdames et Messieurs du public que toute nouvelle manifestation entraînera une nouvelle suspension de séance, et, cette fois-ci, l'évacuation des personnes qui se trouvent à la tribune. L'exercice de la démocratie suppose que tous ceux qui ont envie d'assister aux débats puissent le faire, à condition de ne pas en perturber le déroulement. La perturbation du déroulement des débats de notre assemblée est une atteinte à la démocratie !

M. Roger Deneys (S). Vous dites, Monsieur Gros, que cette personne n'a pas commis d'actes graves, qu'il s'agit seulement de stationnements illicites... Je m'inscris en faux contre votre appréciation ! Monsieur Gros, quand un automobiliste stationne sa voiture sur un trottoir et qu'il empêche les piétons de circuler, c'est un acte grave, car cela met en danger la vie des piétons ! (Applaudissements.) Il en va de même pour la vie des cyclistes, lorsqu'un véhicule est stationné sur une piste cyclable ! Et il en va de même quand un automobiliste franchit une double ligne continue, comme cela a été le cas de Monsieur A. B., car cela met en danger la vie des autres automobilistes, et celle des motards et scooters qui se trouvent en face ! Dans ce sens, il ne s'agit pas d'actes sans gravité ! C'est tout ce que je voulais faire remarquer !

Le président. Je mets aux voix le préavis de la commission que vous avez tous entendu, malgré la relative inattention par rapport aux interventions qui viennent d'avoir lieu... La commission de grâce vous propose d'accepter la grâce pour les amendes converties en arrêt et de maintenir les autres amendes.

Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce des peines en conversion et rejet de la grâce des amendes) est adopté par 59 oui contre 4 non et 7 abstentions.