République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9466-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, René Ecuyer, Salika Wenger, Jean Spielmann, Marie-Paule Blanchard-Queloz instituant des mesures urgentes de protection de l'emploi et de maintien des salaires
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (R)
Rapport de minorité de Mme Salika Wenger (AdG)

Premier débat

Le président. Qui remplace M. Jeannerat ? (Brouhaha.) Il n'y a pas de rapporteur de majorité ? Monsieur Kunz, votre rythme baisserait-il ? (Rires.) Bien, M. le rapporteur de majorité est Pierre Kunz.

Y a-t-il un volontaire pour remplacer la rapporteure de minorité, Mme Salika Wenger... Je n'en vois pas !

Monsieur le rapporteur de majorité avez-vous quelque chose à ajouter au rapport de M. Jeannerat ? Rien ! Monsieur Jean-Michel Gros, je vous donne la parole.

M. Jean-Michel Gros (L). Merci, Monsieur le président... (Bruit de larsen.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, on m'indique que ces bruits désagréables sont en rapport avec des natels... Je prie ceux d'entre vous qui se trouvent dans le voisinage du premier rang, qui paraît particulièrement sensible, de bien vouloir les éteindre purement et simplement pour permettre aux orateurs qui sont assis devant eux de s'exprimer sans interférences techniques.

M. Jean-Michel Gros. Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, le seul député sans natel de cette assemblée vous parle... (Rires.) Je voulais vous dire ceci: rarement un projet de loi aura fait l'objet d'un tel consensus en commission de l'économie... Et un consensus défavorable !

Du reste, la brièveté du rapport de Mme Wenger démontre bien qu'il était difficile aux auteurs du projet de loi de trouver un quelconque argument valable - je remarque d'ailleurs que Mme Wenger n'a pas été remplacée à la table des rapporteurs à ce sujet.

Et ce consensus ne se limite pas aux partis représentés dans ce Grand Conseil. Ceux qui sont chargés d'appliquer les mesures d'accompagnement des négociations bilatérales avec l'Union européenne, c'est-à-dire le Conseil d'Etat et les partenaires sociaux, sont du même avis. Le gouvernement, les patrons et les syndicats, tous nous ont dit que ce projet de loi contrevenait au droit supérieur, national et international !

Malgré une étude attentive de la commission de l'économie, fort bien relatée par M. Jeannerat dans son rapport, tout démontre, premièrement, qu'il n'est pas possible d'établir une relation entre augmentation du chômage et libre circulation des personnes, qu'elles soient frontalières ou non; deuxièmement, que les rares mesures du projet de loi qui ne sont pas contraires au droit supérieur existent déjà, notamment au travers de la LIRT - je ne me rappelle plus exactement l'intitulé complet de cette loi - que nous avons votée récemment. Patrons et syndicats ont tenu le même langage devant la commission de l'économie. La Communauté genevoise d'action syndicale, faisant même un pas de plus, a déclaré qu'elle ne pouvait: «adhérer à un projet de loi qui s'appuie sur des sentiments populistes et xénophobes.» Cela figure en page 5 du rapport de M. Jeannerat.

Qui maintenant s'étonnera des dérapages de l'auteur de ce projet de loi dans la campagne en vue de la votation du 25 septembre dernier ? Pas les membres de la commission de l'économie, en tout cas, qui avaient déjà entendu tous ces slogans simplistes lors des séances !

Le groupe libéral n'entrera donc pas en matière sur ce projet de loi. Le peuple a renvoyé l'Alliance de gauche à ses études, que ce soit le 25 septembre ou le 9 octobre. Tout ça, c'est du passé ! Faisons maintenant un sort à toute une série de projets de lois qui, outre le fait qu'ils ne servent à rien, exhalent encore quelques relents nauséeux ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). S'agissant des commissions tripartites, s'agissant des chômeurs genevois, je pense qu'il est nécessaire de remettre ces mesures en vigueur et de les renforcer. Car le nombre de chômeurs, nonobstant ce que le député précédent a affirmé, est intimement lié à l'augmentation des frontaliers - ne vous en déplaise ! - et il est parfaitement inadmissible de ne pas protéger nos travailleurs genevois ! (Remarques.) Ce ne sont pas de propos xénophobes et populistes... (Protestations.)

Il est davantage de notre responsabilité d'augmenter les contrôles afin que les conditions de travail des employés soient respectées. Je vous rappelle tout de même que nous atteignons actuellement quasiment le chiffre de 30 000 demandeurs d'emploi, et tous ne sont pas inscrits au chômage ou à l'Hospice général...

M. Pierre Weiss. C'est faux: 23 000 !

M. Eric Stauffer. Mais vous ne comptez pas, Monsieur le député Weiss, les demandeurs d'emploi qui ne sont inscrits nulle part. Et il y en a ! (Commentaires.)

Je suis donc favorable à ce projet de loi.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous entendons ce soir deux discours contradictoires par rapport au traitement du chômage...

Je dois malheureusement constater que le projet de loi qui nous est soumis ici est un mauvais projet. Il vise non pas à favoriser l'emploi des chômeurs genevois, mais simplement à introduire des chicanes administratives supplémentaires pour les entreprises de ce canton, qui ont déjà une lourde charge dans ce domaine. D'ailleurs, je ne suis pas persuadé que, même dans les milieux du MCG, on soutienne cette position, puisque son président engage de nombreux frontaliers... Du reste, il se vante d'engager un chimiste avec un doctorat pour 7500 F par mois... Donc, il ferait bien de balayer devant sa porte et devant celle du MCG ! (Applaudissements.)

Le problème est bien réel, mais la réponse qui est donnée par le biais de ce projet de loi, elle, est mauvaise. C'est dans cet esprit que le groupe UDC ne le soutiendra pas. Il serait beaucoup plus efficace que le département effectue des contrôles in situ, et non des contrôles administratifs qui ne sont pas vérifiés sur le terrain. Il existe effectivement, à l'heure actuelle, dans tous les cantons, des travailleurs indépendants qui ne sont pas déclarés à l'Office des migrations, au niveau du travail des nonante jours, et dont la perception fiscale échappe à l'Etat. Et déjà maintenant, des ressortissants polonais viennent entretenir les parcs et jardins, des ressortissants allemands viennent poser du carrelage, etc., dont la plupart ne sont pas enregistrés au niveau de l'ODM, parce que les contrôles sont quasiment impossibles. Alors, je le répète, si vous voulez des contrôles efficaces, ils doivent être faits sur le terrain, mais pas sous forme administrative. Et les chicanes administratives, telles qu'elles sont proposées dans ce projet de loi, seraient tout à fait inefficaces.

Je vous propose donc de refuser ce projet de loi, comme l'a demandé le rapporteur de majorité.

M. Eric Stauffer (MCG). Je tiens à dire que les propos du député Catelain sont complètement déplacés... Je rappelle à cette assemblée que l'UDC a pris position contre les mesures suspensives immédiates de l'engagement de frontaliers étrangers au sein de l'administration... (L'orateur est interpellé.) Ce n'est absolument pas illégal ! Nous n'avons pas la réciprocité avec la France: si un citoyen suisse voulait travailler dans l'administration française, il se verrait opposer une fin de non recevoir ! (L'orateur est interpellé.) Cela veut dire qu'il ne pourrait pas travailler dans l'administration française s'il n'a pas le passeport français ! Nous sommes les seuls à Genève à le faire, parce que nous sommes un bon peuple et qu'on abusé de notre bonté !

Toute forme de contrôle, quelle qu'elle soit, pour protéger nos chômeurs est une priorité absolue pour notre canton ! Je dis bien: absolue ! Car derrière les chiffres du chômage, il y a des personnes sans travail qui ont une famille à charge et qui tombent dans la précarité. Et c'est notre responsabilité à tous de tout faire au niveau des contrôles pour qu'il n'y ait pas de dumping salarial !

Le président. Monsieur le député, je vous remercie. Il n'est pas nécessaire de vous emporter, quand tout le monde est calme... (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, La parole n'étant plus demandée, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 9466. Je rappelle que la majorité de la commission invite à le rejeter. Comme nous l'avons fait tout au long de la soirée, ceux qui acceptent ce projet de loi voteront oui, ceux qui le refusent voteront non, les autres s'abstiendront.

Mis aux voix, le projet de loi 9466 est rejeté en premier débat par 67 non contre 8 oui. (Exclamations et commentaires.)

Le président. Je souhaite, Mesdames et Messieurs les députés, que nous efforcions de nous en tenir aux interventions qui se font selon l'ordre du jour. Nous passons maintenant au point 41 de notre ordre du jour.