République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 591
Rapport annuel de la Commission des droits de l'Homme (droits de la personne) sur son activité de novembre 2003 à novembre 2004
Rapport de Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG)

Débat

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse. Sans vouloir contester la décision du Bureau, d'inclure le rapport annuel 2003-2004 de la commission des Droits de l'Homme dans les extraits, je me permettrai de faire quelques remarques. C'est en effet la deuxième année que ce rapport annuel figure aux extraits, ce qui est un peu dommage, parce qu'il n'a sans doute pas la visibilité qu'il mériterait. Et puis, on m'a dit que les objets qui figuraient dans les extraits concernaient des sujets non conflictuels, ce qui n'est pas forcément le cas à la commission des Droits de l'Homme, il faut quand même le dire.

Cette commission est un peu spéciale: elle peut s'autosaisir. Elle demande beaucoup de réflexion et d'engagement de la part des commissaires qui en font partie. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Les projets de lois que nous traitons ne sont pas des projets «tout cuits» sur lesquels nous pouvons nous prononcer; il faut prospecter et s'intéresser à divers sujets, ce qui exige un réel engagement de notre part. Cela méritait d'être relevé, et je remercie à cet égard les membres de la commission.

D'aucuns peuvent se demander quelle est la tâche de la commission... La réponse se trouve dans le rapport d'activité que vous avez sous les yeux. A quoi sert, concrètement, la commission des Droits de l'Homme du Grand Conseil ? Si nous sommes tous d'accord sur les principes des Droits de l'Homme, nous ne le sommes plus quand il s'agit de passer à l'action: les interprétations divergent.

Par exemple, le voyage au Gabon d'une délégation de la commission a été fortement critiqué, remis en question, et a fait l'objet de très longues discussions en commission - discussions stériles, d'ailleurs... Lorsqu'il a fallu passer à l'action, nous nous sommes retrouvés à quatre pour nous déplacer au Gabon ! Mais nous avons au moins un avantage par rapport aux commissaires qui n'ont pas voulu y aller: nous avons vécu une expérience dont nous pouvons parler. Nous avons rencontré des parlementaires et des ministres, et cela vaut largement le travail de réflexion, car, je le répète, cela nous a permis de savoir de quoi nous parlons.

Je vous signale par ailleurs que ce voyage n'a pas coûté un sou au Grand Conseil, contrairement aux bruits qui courent. Les députés qui ont effectué ce déplacement l'ont fait sur leur temps de vacances et sur leurs propres deniers. Seule une indemnité a été versée: l'équivalent des jetons de présence d'une séance de commission, laquelle ne s'est, bien sûr, pas tenue la semaine où nous sommes partis. Je tenais donc à vous apporter cette précision.

Qu'avons-nous appris là-bas ? Premièrement, que nous n'avons pas servi d'alibi... En effet, nous avons pu constater que le Gabon - pays tellement décrié par les membres de la commission qui ne voulaient pas qu'on s'y rende sous prétexte que ce pays n'est pas digne que l'on y mène des discussions sur les droits de l'Homme - a une commission extraparlementaire des Droits de l'Homme, alors qu'en Suisse il n'y en a pas ! Genève est le seul canton a en avoir une, mais ce n'est pas une commission extraparlementaire: c'est une commission parlementaire. Mme Calmy-Rey, l'an dernier ou il y a deux ans, avait projeté de créer une commission des Droits de l'Homme en Suisse, mais les résistances ont été telles qu'elle y a renoncé. Sans doute devrions-nous montrer un peu d'humilité par rapport à un pays qui a beaucoup plus de difficultés à faire appliquer les Droits de l'Homme que ce n'est le cas chez nous, et qui, au moins, a le courage de tenter une action.

Je voudrais rendre un hommage tout particulier à Mme Ngoma que nous avons rencontrée là-bas, ministre de la famille, de la protection de l'enfance et de la promotion de la femme. Elle nous a montré, par son action concrète sur le terrain, ce qu'une ministre peut faire quand elle a du courage.

La commission des Droits de l'Homme a également entamé une réflexion et entrepris une collaboration avec le Haut-Commissariat pour les Droits de l'Homme au Palais Wilson - et l'on peut, là aussi, se demander à quoi servent ces discussions... Eh bien, elles ont débouché sur une motion qui a été envoyée par ce Grand Conseil au Conseil d'Etat. La balle est donc dans le camp de ce dernier pour mettre cette motion en pratique, c'est-à-dire pour faire la promotion et encourager l'apprentissage des Droits de l'Homme dans les écoles genevoises; en effet, nous nous sommes rendu compte de sa méconnaissance à l'école, où l'on ne sait souvent pas ce que recouvrent ces mots: «Droits de l'Homme». On les revendique, mais sans très bien savoir de quoi il s'agit exactement. Nous espérons donc que cette motion sera suivie d'effets.

Entre 2003-2004, nous avons accordé beaucoup de temps à l'audition de personnes qui se sentent lésées dans leurs droits, que ce soit dans le domaine carcéral ou psychiatrique. La commission s'est même - avec grande difficulté, je dois le dire - déplacée à Belle-Idée pour rencontrer les personnes qui travaillent en psychiatrie. Ces dernières étaient ravies de savoir qu'une commission des Droits de l'Homme existait à Genève et de pouvoir entamer une réflexion avec nous.

Je voudrais terminer mon intervention, Madame la présidente, en soulevant deux points qui, à mon sens, posent problème. Dans le fond, la commission des Droits de l'Homme a été créée pour traiter les résolutions relatives à la politique internationale et qui prenaient un temps fou à ce Grand Conseil. Lors du récent débat sur le mur en Palestine, des députés ont émis de nombreuses critiques, disant que ce débat n'avait pas lieu d'être dans ce parlement, que nous avons passé beaucoup trop de temps pour cela... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Alors, je demande pourquoi cette résolution n'a pas été renvoyée à la commission des Droits de l'Homme, qui a maintenant acquis une certaine expérience pour traiter un dossier de ce genre ? C'est vraiment regrettable, parce que cela aurait peut-être permis d'élever un peu le débat...

Deuxième point: le subside que cette plénière n'a pas voulu accorder à l'Université d'été des Droits de l'Homme, alors que tout le monde est d'accord pour soutenir les travaux effectués en la matière... Quoi qu'il en soit, cette institution n'a pas obtenu la subvention de 160 000 F par an sur trois ans qu'elle demandait. Elle n'accepte pas notre décision et revient à la charge. Cela va nous obliger à réfléchir à nouveau - ce qui est positif - et la commission devra poursuivre ses travaux pour élaborer des critères en matière d'octroi de subventions pour les personnes qui, à Genève, font de la formation des Droits de l'Homme, en milieu associatif surtout - par exemple, pour exiger qu'elles aient une part d'autofinancement suffisamment importante pour que l'Etat les soutienne.

Voilà ce que je tenais à dire pour lancer le débat. J'espère que certains d'entre vous interviendront. Je repose la question: selon vous, à quoi sert la commission des Droits de l'Homme du Grand Conseil ?

M. Pierre Weiss (L). Je serai extrêmement bref sur le rapport, par ailleurs très bon, de notre collègue Marie-Paule Blanchard-Queloz... (Remarque.)«Comme toujours», ajoute mon collègue ! Sur les problèmes posés par l'existence même de la commission des Droits de l'Homme, je me contenterai de dire que le principe de subsidiarité doit s'appliquer.

M. Antoine Droin (S). J'aimerais intervenir sur deux points. Je voudrais tout d'abord réagir aux propos de Mme Blanchard-Queloz sur les «discussions stériles» que nous aurions eues en commission à propos du voyage au Gabon... Je m'inscris complètement en faux sur cette affirmation: si des discussions n'ont pas été stériles, c'est bien celles qui ont porté sur cette visite au Gabon ! Maintenant, si le fait d'exprimer un avis différent de celui des autres peut être perçu comme étant stérile, c'est un point de vue que je ne partage pas, et je tenais à l'exprimer ici !

Pour ce qui est de la visite au Gabon, je pense qu'on peut continuer à se poser un certain nombre de questions et, surtout, exprimer un regret quant au rapport de cette visite de la délégation - qui, pour finir, s'est rendue à Libreville. Nous étions convenus qu'il en serait débattu au sein de la commission avant de faire l'objet d'un rapport dans un compte-rendu annuel, afin que nous puissions aussi prendre position à l'égard de ce qui s'était passé, étant donné les controverses ayant eu lieu en commission. Nous voulions pouvoir en tirer les enseignements et définir une ligne de conduite en fonction d'éventuelles nouvelles demandes de ce type. Or, cette discussion n'a pas eu lieu ! Et aujourd'hui, ce rapport figure dans le rapport annuel... Je regrette cette manière de faire, car je ne crois pas que ce soit une démarche très constructive.

Pour le reste, nous sommes passés dans une phase active durant ces deux dernières années, Monsieur Weiss, et je pense que la commission des Droits de l'Homme a toute sa place dans notre Grand Conseil. Elle s'autosaisit de certains dossiers, comme elle l'a fait, par exemple, sur celui qui est encore en cours sur la présomption d'innocence. Ou bien, elle répond à des interpellations ou traite de dossiers qui peuvent lui être transmis et qu'elle peut examiner en détail sous l'angle de la vision des droits de l'Homme.

Et puis, des initiatives sont prises, comme la promotion des droits de l'Homme dans les écoles - qui a déjà fait l'objet d'une discussion dans ce plénum - sans parler des rencontres avec le Bureau de l'intégration, le Bureau de l'égalité et le commissaire à la déontologie. Je pense que ces rencontres sont très profitables et peuvent permettre de faire avancer la démocratie et les droits de l'Homme.

En dehors du Gabon, j'exprimerai un autre regret: c'est que, dans cette phase active, il manque peut-être à la commission une réflexion sur le moyen et sur le long terme. Il faudrait qu'elle définisse une sorte de stratégie de travail, outre les tâches qui lui sont dévolues sur le Bureau de l'intégration, sur le Bureau de l'égalité et le commissaire à la déontologie, pour essayer de planifier stratégiquement le travail qu'elle veut faire dans les années à venir. J'espère que les premières séances de la prochaine législature pourront être consacrées à définir une telle stratégie.

M. Pierre Weiss (L). Ce n'est pas parce que j'ai été interpellé par le député Droin que j'interviens, je le fais maintenant à la demande de mes propres collègues.

Je tiens à préciser ce qu'est le principe de subsidiarité. J'ai voulu être tacite; excusez-moi d'avoir été opaque... Ce principe consiste simplement en ce que les affaires relevant des droits de l'Homme soient traitées à l'endroit adéquat pour cela, à savoir au Parlement fédéral !

Et en ce qui concerne notre parlement, il y a un certain nombre de tâches qui lui sont probablement plus importantes, et il conviendrait que nous réfléchissions à la concentration du nombre des commissions ! (Exclamations.)

M. Georges Letellier (HP). A la question de Marie-Paule... (Rires.)... Blanchard - excusez-moi ! (Rires et exclamations.)- qui a demandé s'il était encore utile d'enseigner les droits de l'Homme à l'école, je répondrai: non !

Des voix. Ah!

M. Georges Letellier. Voilà ! Cela vous fait plaisir... Et non, pourquoi ? Pour la simple raison que les droits sans les devoirs, cela n'existe pas ! Et quand vous parlerez aussi des devoirs, vous pourrez peut-être enseigner les droits à l'école ! Les droits et les devoirs sont indissociables. Merci de votre attention !

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.