République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9207-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 1049, plan 53, de la commune de Genève, section Plainpalais, pour 2'300'000F
Rapport de majorité de M. Mark Muller (L)
Rapport de minorité de Mme Michèle Künzler (Ve)

Premier débat

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Encore une fois, nous nous trouvons face à des ventes proposées par la Fondation de valorisation. Nous nous opposerons à ces trois ventes consécutives. Nous ne voulons pas donner l'impression de nous opposer à tout; nous ne nous opposons jamais à la vente d'une villa, à la vente d'un bien immobilier dans le canton de Vaud ou à la vente d'un objet inutile pour la collectivité. Mais ces trois objets pourraient tout à fait servir au bien de la collectivité.

Le premier objet est un immeuble de studios à la rue de l'Aubépine actuellement loué à l'Hospice général. On va le vendre à un privé qui pourra se permettre d'augmenter le loyer comme il l'a déjà prévu - il veut l'augmenter de 600 F. Où est le gain pour la collectivité quand on vend un immeuble à un privé pour le relouer ensuite ? Il me semble que c'est particulièrement absurde. Un immeuble de studios à la rue de l'Aubépine est idéal pour du logement d'étudiants ! Il est proche des transports publics et situé au centre-ville. Pourquoi n'acquiert-on pas cet objet ?

J'aimerais revenir sur le rapport de majorité. Je trouve scandaleux de prétendre que nous avons voulons brader à un meilleur compte ces objets. Ce n'est pas du tout le cas ! Nous ne voulons pas les brader: nous voulons que la collectivité les achète à leur prix réel. Notre projet de loi dit qu'il faut payer la différence entre le prix du marché et le prix pour un usage social. C'est vrai, mais en aucun cas nous ne voulons vendre un bien pour la collectivité à un prix en dessous du marché.

D'autre part, il n'y a pas besoin de racheter à un prix en dessous du montant prévu, puisque le rendement est très intéressant. Cela me sidère ! On vend parce que cela ne rapporte soi-disant rien, mais cela rapporte quand même plus de 5% - et, dans ce cas, même du 8% brut. Que cherche-t-on ?! Du 15% ?! Faire de la spéculation ?! Non. On a des emprunts à moins de 3%. Je pense donc que l'on peut se permettre d'acquérir ces logements pour la collectivité. C'est absurde de les vendre !

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Nous ne contestons pas les buts fixés à la Fondation de valorisation. Il ne s'agit pas de les modifier. La loi est très claire: nous devons réaliser les actifs au mieux pour minimiser les pertes. La Fondation de valorisation n'a pas été créée pour agir comme une fondation de droit public HBM, ni pour s'occuper de logement social.

La réflexion entamée au sein de la commission de revalorisation est la suivante: «Ne serait-il pas plus utile que l'Etat acquière des logements sociaux à loyer bon marché pour la population - ou des HBM - et des logements situés au centre-ville, car ils peuvent être utilisés de manière plus efficace ?». L'Etat peut ainsi éviter les inconvénients financiers de la construction de logement dans des zones de développement. De plus, il est utile que les logements soient dans les mains des pouvoirs publics ou, à défaut, qu'ils appartiennent à des fondations ou à des coopératives d'habitation.

Devant le refus d'entrer en matière de la droite sur cette orientation, Mme Künzler a présenté un rapport de minorité lors de la session de février 2005. Contrairement à l'usage des décisions prises par consensus, c'est la première fois qu'un rapport de minorité était présenté en plénière.

Le 24 février 2005, lors d'une conférence de presse, les syndicats genevois déclaraient: «Nous voulons que la Fondation de valorisation donne environ trente-cinq immeubles à des fondations immobilières, à des coopératives d'habitation ou à des mouvements associatifs» - ce qui représente près de 1000 logements d'une valeur d'environ 100 millions.

Il est intéressant de relever l'intervention de notre collègue Christian Grobet, en février de cette année, qui disait: «Je pense que l'Etat devrait effectivement analyser les cas où il y a une perte importante. Si l'Etat paie un montant de perte qui représente, par exemple, 70% à 80% du montant de la dette, je pense qu'économiquement, il vaut mieux reprendre l'objet pour autant qu'il soit une à valeur correcte, c'est-à-dire à une valeur de rendement». Relevons l'exemple de l'immeuble des Glacis-de-Rive. Je cite: «Il est apparu opportun de racheter cet immeuble à 3,6 millions pour en faire du logement étudiant, alors que la créance était de 20 millions». En plus des 17 millions que l'on perdait, on aurait perdu l'immeuble. La réalisation de quarante-cinq logements à disposition des étudiants s'est concrétisée grâce à la Fondation universitaire pour le logement des étudiants.

Un autre exemple est celui des logements pour étudiants à Vernier. Je cite à nouveau: «Ce sont là des opérations que nous avons signalées à l'Etat, nous les avons suivies, nous avons fait des travaux qui nous seront remboursés. Nous avons ainsi contribué à chaque fois au logement social quand l'Etat décidait de le faire».

Suite à une offensive de la CGAS, nous apprenons par la presse que le directeur du logement proposera prochainement à notre Conseil un crédit global portant sur un certain nombre des immeubles de la liste de la CGAS. Il s'agirait d'obtenir un crédit dans lequel l'Etat puiserait pour acquérir certains biens auprès de la Fondation, tout en permettant aux logements en question de respecter les plafonds imposés par la loi générale sur le logement et la protection des locataires.

Le groupe socialiste attend donc avec le plus grand espoir - et un peu d'impatience - cette proposition de crédit global.

M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. J'aimerais intervenir en réponse aux propos de Mme Künzler. Nous ne nous opposons pas à ce que l'Etat rachète cet immeuble. Le problème est que l'Etat a considéré qu'il n'avait pas à l'acquérir dans la mesure où son prix sur le marché était trop élevé. Dès le moment où l'Etat renonce à acquérir cet immeuble parce que le prix est trop élevé, on doit respecter cette décision. La Fondation doit respecter les buts énoncés dans la loi, c'est-à-dire que l'on doit veiller à valoriser les actifs de la Fondation: il s'agit d'une Fondation de valorisation. Le but est de faire en sorte que la Fondation vende les immeubles au meilleur prix pour réduire la facture d'assainissement de la Banque cantonale.

Dès le moment où la Fondation nous propose une transaction qui respecte ce principe, nous la soutenons. Si l'Etat s'était aligné sur le prix proposé par l'investisseur privé, nous n'aurions vu aucun inconvénient à ce que l'Etat acquière cet immeuble et l'affecte - pourquoi pas - à du logement pour étudiants. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas.

Si nous allons dans le sens de Mme Künzler, cela reviendra à brader l'immeuble, car l'Etat va le racheter à un prix inférieur à celui que l'investisseur privé est prêt à payer - ou nous allons subventionner de façon indirecte l'acquisition d'un immeuble pour du logement pour étudiants. On peut entrer en matière sur une subvention de ce type, mais cela doit passer par la présentation d'un crédit ad hoc, destiné - en toute transparence, et la population doit le cas échéant pouvoir se prononcer - à subventionner l'acquisition de cet immeuble. Nous ne nous trouvons pas dans un tel cas de figure. Pour l'instant, l'Etat ne s'est pas montré intéressé à acquérir cet immeuble, et je pense qu'il a ses raisons. Nous devons donc accepter la seule proposition d'acquisition qui est faite, et ce à un prix extrêmement intéressant: il s'agit du projet de loi qui vous est soumis.

Un autre élément soulevé par Mme Künzler concerne l'augmentation future des loyers. C'est un pur procès d'intention que vous faites à l'acquéreur. Je n'ai pas connaissance de déclarations de l'acquéreur - que je ne connais d'ailleurs pas - selon lesquelles ces loyers augmenteraient. Je vous rappelle qu'il existe des règles en matière de loyer dans ce pays, qu'il y a un code des obligations qui limite les abus en la matière. Je pars donc du principe que ces règles vont être respectées et que les loyers ne vont pas exploser, comme le craint Mme Künzler.

D'un point de vue de la politique du logement social - dont la Fondation n'a pas à se préoccuper - je ne crois pas qu'il y ait de motif particulier pour refuser ce projet de loi. Je vous invite donc à suivre la majorité de la commission et à accepter ce projet de loi.

M. Souhail Mouhanna (AdG). En lisant le rapport de majorité de M. Muller, j'ai trouvé une curieuse démonstration. M. Muller dit que, si l'Etat achetait à un prix inférieur à celui proposé, il augmenterait la perte - je résume, il me corrigera. Il déclare que la perte globale pour cette opération est de 504 000 F par rapport au projet de loi proposé, et il reproche à la minorité de brader une partie de ce parc en permettant à l'Etat de se porter acquéreur à un prix inférieur à celui du marché. Il ajoute que cela correspond à un subventionnement caché de la politique du logement social. Mais, Monsieur Muller, ce que vous ne dites pas, c'est que la perte sera de toute façon payée par l'Etat et, donc, par les contribuables !

Admettons que l'Etat achète au même prix. Mettons que la différence entre le prix qu'il aurait payé et le prix proposé par les acheteurs soit de 200 000 F, par exemple. La perte serait limitée à 200 000 F, mais il faudrait quand même sortir 200 000 F. Finalement, cela revient donc au même ! Voilà pour ma première remarque.

Ma deuxième remarque est la suivante. Monsieur Muller, il ne s'agit pas seulement d'exprimer notre volonté de voir l'Etat pratiquer une politique sociale. Vous voulez compartimenter les choses, mais je vous rappelle que c'est l'une des missions de l'Etat de faire du logement social: la population attend que l'Etat assure à chacun un toit. Vous le savez. Ce que nous reprochons au Conseil d'Etat par le biais du rapport de minorité de Mme Künzler, c'est qu'il ne fasse pas l'effort d'acquérir des objets de ce type. Il y a des demandes, il y a des besoins et il y a des affectations différentes. Et il y a des besoins plus grands dans certains secteurs que dans d'autres. Il ne s'agit pas ici de faire de la spéculation immobilière; je crois que c'est néfaste pour tout le monde.

En ce qui concerne la politique générale du Conseil d'Etat, j'aimerais également dire que, chaque fois qu'il s'agit d'acheter des objets de ce genre, la priorité doit être donnée à ce type d'immeuble, car il y a des besoins dans différents secteurs. Et l'Etat aussi a des besoins quand il paie des dizaines de millions en locations ! Il semble que l'on va louer un immeuble près de l'Arquebuse pour 2,4 millions par année. Vous n'avez qu'à faire la multiplication: en dix ans, cela fait 24 millions. On pourrait acquérir plusieurs immeubles avec ce montant. Il y a également des besoins pour les services de l'Etat, il y a des besoins pour la population, il y a des besoins sociaux !

Nous estimons qu'il est du devoir de l'Etat d'apporter une réponse positive à ces besoins et, surtout, de payer moins de locations pour disposer de ses propres bâtiments - lesquels constituent en même temps un plus pour le patrimoine administratif. De ce point de vue, notre position est très claire. Il ne s'agit pas de brader les biens de la collectivité, mais, au contraire, de défendre le contribuable et les besoins des citoyens de ce canton !

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais revenir sur les paroles du rapporteur de majorité. Vous dites que vous ne vous opposeriez pas à des achats d'immeubles. J'espère que le Conseil d'Etat vous a entendu car, au fond, le problème de ce dernier réside dans le fait qu'il a la forte impression qu'il ne trouvera pas de majorité pour aller vers des acquisitions. Si l'on arrive à trouver des accords sur des achats, tant mieux !

Quant à la question de la future augmentation des loyers, je constate simplement que cette augmentation est déjà prévue dans le rapport de la Fondation. Elle est «minime» et sera facilitée par le fait que ce n'est que l'Hospice général qui loue. Le congé sera donc sans doute plus facile s'il ne s'agit de personnes présentes que pour un instant.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit il y a deux mois, Madame la rapporteure de minorité, à savoir que le Conseil d'Etat ne craint pas d'avoir ou non une majorité sur ce dossier. Il a suivi la démarche qu'il avait annoncée, c'est-à-dire qu'il a déterminé avec la Fondation le type de procédure envisageable. Sur la base d'une liste récemment établie, il examine les objets susceptibles d'être intéressants par rapport à une gestion d'immeubles en matière de logement social.

Le Conseil d'Etat fera donc les propositions nécessaires, mais je peux aussi vous affirmer très clairement que les projets de lois que vous avez traités ne sont pas concernés par l'examen en cours. Quand ces objets arrivent chez vous, c'est que le Conseil d'Etat a décidé de ne pas les prendre dans son escarcelle pour les logements sociaux, et cela pour des raisons qu'il a par ailleurs examinées. Je demande donc que l'on vote ces projets de lois, car c'est la meilleure manière pour nous assurer de prendre - au moment où il le faudra - des décisions avec sérénité.

La présidente. Nous allons procéder au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 34 oui contre 27 non.

La loi 9207 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9207 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 38 oui contre 28 non.