République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1372-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Rémy Pagani, Magdalena Filipowski, Erica Deuber Ziegler, Jeannine De Haller, Pierre Meyll et Cécile Guendouz concernant la sécurité sur les routes cantonales

Débat

Le président. Monsieur Pagani, c'est vous qui remplacez Mme Anita Cuénod sur la motion 1372-A ? Oui... Alors, c'est à vous ! (M. Pagani répond non hors micro.)Vous n'avez rien à ajouter au rapport ? Il y a une petite chose que je n'ai pas comprise, Monsieur le rapporteur... Vous ne pouvez pas me l'expliquer ? (Le président prononce ces derniers mots sur un ton amusé.)

Bien, Madame la députée Bolay, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S). Merci, Monsieur le président. Cette motion est restée longtemps en commission, mais je dois vous dire qu'elle tombe vraiment à point nommé étant donné qu'en date du 5 août, la «Tribune de Genève» a consacré à la problématique de la circulation à Genève un grand article dont nous avons pris connaissance avec effarement.

Les professionnels de la circulation, notamment les professeurs de conduite, tirent la sonnette d'alarme par rapport à l'état des lieux dans ce domaine. Cet article montre qu'à certains endroits de la Ville ou du canton, la signalisation ou le marquage au sol sont non conformes voire illicites, ce qui pose un véritable problème de sécurité.

Je souligne aussi que les motionnaires avaient à l'époque pointé du doigt la circulation au pont de l'Ecu, où l'on a malheureusement déploré des accidents mortels. Récemment, un motocycliste est mort dans le bas du pont de l'Ecu, car un feu était en panne. Depuis le début de l'année, dix-huit personnes ont perdu la vie à Genève dans un accident de la circulation !

L'OTC semble véritablement avoir pris la mesure de la gravité de ce problème, mais la tâche est ardue, d'autant que seule une personne est chargée de mettre aux normes les milliers de carrefours et signalisations de Genève - ce qui est un très gros travail.

J'ai aussi été frappée du manque de coordination - parfois - entre les communes, qui prennent des mesures pour ralentir la circulation, pour se conformer aux normes sans se concerter avec les communes riveraines.

Par exemple, la Ville de Genève prend des mesures - à juste titre - pour ralentir la circulation, mais elle ne coordonne pas les travaux avec la commune du Grand-Saconnex - commune que je connais bien. Il en résulte forcément des transferts de circulation. Il faudrait donc apporter des modifications en concertation.

Les commissaires vous invitent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Le groupe socialiste soutient cette proposition, en demandant au Conseil d'Etat de tout mettre en oeuvre pour que cesse cette hécatombe - due, semble-t-il, à la mauvaise signalisation - et de donner les moyens à l'OTC pour mener à bien cette politique. C'est un débat que nous avons eu pour le budget et qui reviendra sur le tapis pour le budget 2005.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur ad interim. Monsieur le président, j'ai l'honneur de remplacer Mme Anita Cuénod qui est partie au Darfour pendant trois mois dans le cadre d'une opération humanitaire. Cela étant, je connais très bien cette motion, puisque c'est mon groupe qui l'a déposée il y a de cela bientôt trois ans...

Je m'étonne qu'il n'y ait pas encore de glissière centrale au pont de l'Ecu, même si l'OTC nous dit que c'est une opération très délicate en raison de l'étroitesse de la route. Je profite de la présence de M. Cramer pour demander avec insistance, au nom de la commission - puisque la commission a maintenant fait sienne cette motion - qu'une glissière centrale soit enfin mise en place sur ce pont. Vous le savez, non seulement le pont de l'Ecu est très étroit mais, de plus, il n'est pas rectiligne. Avant, les jours de chaque côté permettaient d'évaluer la vitesse, mais, depuis sa rénovation, cela n'est plus possible. Cela engendre de nombreux accidents, dont certains se sont produits depuis le dépôt de cette motion. J'insiste: je demande avec force au président du département - qui nous fait l'honneur de sa présence - de faire mettre cette glissière en oeuvre. On nous dit que c'est techniquement compliqué, mais aujourd'hui rien n'est vraiment compliqué sur le plan technique ! Il suffirait de mettre des bornes centrales, qui permettraient au moins aux conducteurs d'évaluer la vitesse de leur véhicule - même s'il serait bien sûr logique qu'ils la contrôlent à l'aide de leur compteur.

Il me semble toutefois qu'il serait judicieux de prendre cette mesure avec effet immédiat - comme M. Grobet l'a du reste fait lorsqu'il était responsable du département pour la continuation du pont de l'Ecu, où il n'y a plus jamais eu de morts.

M. Christian Grobet (AdG). Je me réjouis que cette motion ait finalement fait l'unanimité en commission, et j'espère évidemment que le Conseil d'Etat y donnera suite...

L'insécurité qui existe à certains endroits et tout particulièrement sur les viaducs de l'Ecu et du Pailly - que je connais bien pour y passer souvent - me fait penser à toute la bataille qu'il a fallu mener pendant trois ans, y compris devant ce Grand Conseil, pour mettre en place des bermes de sécurité - système dont M. Pagani vient de parler - sur le Pont-Butin et sur la route du Pont-Butin, depuis Lancy jusque sur l'avenue de l'Ain. Il a fallu - hélas ! - que se produisent encore plusieurs accidents mortels avant que ce Grand Conseil ne se décide à voter cet aménagement, qui a été réalisé en deux fois.

Lorsque nous avons fait la même proposition pour le pont de l'Ecu et le pont de Pailly, nous avons été assez mal accueillis. C'est vrai, certains techniciens disent qu'un tel aménagement n'est pas possible... Mais rien n'est impossible en matière d'aménagement routier ! Peut-être la glissière n'est-elle en effet pas la solution adéquate... Mais on pourrait retenir la solution utilisée en France et qui consiste à placer des petites bornes verticales de 1,20 mètre au milieu de la chaussée. Ces bornes prennent très peu de place: pas plus que deux lignes blanches au milieu de la chaussée. Il est vrai que la glissière de sécurité - qui serait courbe, puisque ce pont n'est pas rectiligne - prendrait plus de place. Si vous avez l'occasion de rouler en France, vous verrez que le système des bornes verticales est souvent utilisé sur les routes, et pas si loin d'ici. C'est un système excellent et très efficace. Je souhaite qu'une telle mesure soit prise et cette solution mise en oeuvre avant qu'il n'y ait de nouveaux accidents.

Il en est de même en ce qui concerne les giratoires, qui ont définitivement fait leurs preuves: cela a aussi été toute une bataille pour les introduire dans le canton ! Et nous avons pu nous rendre compte au bout d'un certain temps que non seulement ces giratoires permettaient d'éviter les accidents mortels - à part un ou deux cas, suite à la mise en place de nouveaux giratoires contre lesquels des gens roulant à une vitesse folle ont été s'«emplâtrer» - mais encore qu'ils facilitent la fluidité de la circulation.

Toutefois, un certain nombre de carrefours restent extrêmement dangereux dans notre canton. Vu le nombre d'accidents mortels record que nous avons à Genève - certes, en majeure partie dus à des excès de vitesse et à des erreurs de conduite - le Conseil d'Etat devrait prendre cette affaire au sérieux, dans l'optique voulue par le Conseil fédéral - et je crois qu'il s'agit également de l'optique de M. Cramer - de se fixer, comme c'est le cas en Suède, comme objectif le «risque zéro». Je me suis rendu cet été dans ce pays, et je dois dire que j'ai été impressionné par le nombre d'aménagements mis en place pour éviter les chocs frontaux, les sorties de route, etc. Le Conseil d'Etat pourrait planifier un programme sur dix ans - car il n'est bien sûr pas possible de tout faire à la fois - et déceler les endroits les plus dangereux pour y effectuer des aménagements. La liste est longue: regardez à Cologny et ailleurs les accidents qui surviennent en raison des routes qui sont trop larges et où il n'y a pas d'éléments pour freiner la circulation !

M. Bernard Annen (L). Je fais partie de ceux qui se réjouissent de l'issue donnée à cette motion.

Lorsqu'il était conseiller d'Etat et responsable du département des travaux publics, M. Grobet a été, c'est vrai, l'instigateur d'un certain nombre de giratoires. J'aimerais toutefois mettre un bémol à ce sujet dans la mesure où, si un giratoire est certainement excellent en soi, il peut devenir terriblement dangereux dans certains cas. Notamment lorsque la pénétrante du giratoire est quasiment droite et fait un tout petit «ouézé»... (L'orateur est interpellé.)Si, ça se dit ! Ça se dit ! (Rires et exclamations.)Je l'épellerai !

Le président. Si vous pouviez donner sa signification aussi, ce serait bien !

M. Bernard Annen. Il y a des synonymes... Dans un tel cas - disais-je - les automobilistes prennent de la vitesse et empêchent les autres véhicules d'entrer dans le giratoire, ce qui le rend particulièrement dangereux.

Il en est de même pour les chicanes... Si l'on peut se réjouir qu'il y ait des chicanes de ralentissement, je puis vous certifier que, dans certains cas, elles sont terriblement dangereuses parce qu'elles rétrécissent considérablement la voie de circulation. Les gens ralentissent bien, mais pas suffisamment lorsqu'un cycliste l'emprunte. En effet, la voiture et le cycliste ne peuvent pas passer côte à côte, sauf à pousser le cycliste sur le trottoir - qui, lui, est beaucoup plus large mais aussi plus élevé que la route, ce qui fait que, si le cycliste bute le trottoir, l'accident est probable. Il faut donc faire très attention.

Il en est de même pour les gendarmes couchés... C'était également une bonne solution. Vous en étiez aussi, Monsieur Grobet, l'un des instigateurs. Mais c'est aussi un gros problème pour tous les deux-roues, qu'il s'agisse de motos, de vélomoteurs ou de vélos - dont je viens de parler. Il faut donc savoir raison garder et ne pas penser que tous ces outils sont la panacée.

Je dis simplement aujourd'hui que les utilisateurs des voies de circulation doivent cohabiter. J'aime beaucoup les motards, mais vous ne pouvez imaginer - puisque vous évoquiez, Madame Bolay, les accidents de motos - à quel point certains motards prennent des risques inconsidérés - Dieu merci ils sont peu nombreux - en se faufilant comme ils le font entre les voitures ! On ne peut pas prendre une mesure suite à un accident sans se demander si celui-ci est dû à la mauvaise organisation de la voie de circulation ou au risque inconsidéré pris par la personne qui le provoque. Je ne crois pas au risque zéro. Le pont de l'Ecu est le prototype même de la voie de circulation où une chicane oblige tout le monde à ralentir - sauf ceux qui ne sont pas raisonnables... Je suis convaincu que les excès de vitesse des automobilistes et des motocyclistes - ainsi que, je suis le premier à le reconnaître, l'imprudence des cyclistes - sont la cause de la plupart des accidents. En attendant, si les utilisateurs des voies de circulation cohabitaient raisonnablement, il y aurait beaucoup moins d'accidents, et ce serait plus efficace que de vouloir tout réglementer.

M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Il va de soi que le Conseil d'Etat fera étudier très soigneusement par les services de l'administration les propositions faites par les motionnaires.

Nous sommes ici d'évidence dans un domaine extrêmement douloureux, puisqu'il s'agit ici de vies humaines sacrifiées... Mme Bolay l'a rappelé tout à l'heure: depuis le début de l'année, dix-huit vies gaspillées, perdues, en vain, dans les accidents de la circulation... C'est simplement intolérable !

Il est vrai que nous avons beaucoup à apprendre des expériences qui sont menées dans d'autres pays: on peut penser aux pays nordiques - vous avez évoqué la Suède, Monsieur Grobet - mais aussi à l'Angleterre qui, dans ce domaine, a développé un système de prévention routière tout à fait exemplaire. Tout cela est actuellement repris au niveau de la Confédération, dans le cadre d'un programme intitulé "Vision zéro". Il s'agit de tendre à ce qu'il n'y ait plus aucun mort ni blessé grave dans des accidents de la route. Et, pour y parvenir, on part bien sûr de l'idée qu'il faut faire en sorte que les conducteurs se comportent de façon prudente, mais il faut également penser que le conducteur automobile n'est pas un être parfait. Il faut donc tout faire pour rendre les routes les moins dangereuses possible en réalisant des aménagements physiques, pour que l'erreur humaine ne se traduise pas par un décès ou par des blessures graves laissant la personne handicapée - ce qui constitue un drame.

Dans le cadre de l'Agenda 21, pour la période en cours, le Conseil d'Etat a lancé le programme "Vision zéro" qui implique une coordination interdépartementale forte. Ces prochains jours, ma collègue Micheline Spoerri participera à un colloque sur la question des accidents de la circulation automobile. Nous voyons bien qu'il faut absolument prendre un grand nombre de mesures ciblées pour arriver à réduire le nombre de ces drames. Je pense bien sûr à des mesures de nature policière: faire en sorte que les gens ivres, sous l'emprise de substances toxiques, sous l'effet de médicaments, ou tout simplement trop fatigués, ne conduisent pas. Mais je pense aussi à des aménagements routiers qui rendent les routes les moins dangereuses possible. C'est une lutte permanente.

J'ai ici une note des services de l'administration qui met en évidence un certain nombre d'éléments que M. Grobet, qui connaît bien ce dossier, nous a rappelés. Le pont de l'Ecu est effectivement une voie assez étroite - 3,5 mètres - et dès lors que des convois exceptionnels peuvent y passer, il faut réserver l'emprise nécessaire sur la route. Mais s'il devait s'avérer que la pose d'une glissière est techniquement difficile, cela n'empêche pas d'envisager d'autres possibilités telle celle que vous avez évoquée, Monsieur le député. Je vais bien sûr communiquer ces propositions aux services de l'administration concernés.

C'est donc dire que je serai attentif à ce que cette motion soit traitée avec célérité et que, dans toute la mesure du possible, il y soit répondu de façon satisfaisante.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, conformément aux conclusions du rapport, je vous soumets le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1372 est adoptée.