République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9195-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité (I 2 14.0)

Premier débat

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Je tiens à relever le travail, tout à fait passionnant, effectué par la commission, qui a permis de mettre des points essentiels en exergue. Un de ces points essentiels est la délégation qui est allée représenter le parlement à Fribourg. Afin que ce travail puisse aboutir, il a fallu lever quelques tabous autour de la formation, de la nécessité de pouvoir apporter une meilleure formation aux maîtres-chiens et, dans le domaine de la sécurité, du renforcement du contrôle de l'honorabilité des responsables et des employés des agences de sécurité - afin d'étudier et de transmettre les procédures pénales et pas uniquement les jugements rendus.

Un autre de ces points, que nous jugeons essentiels, consiste dans le fait que ce nouveau concordat a pour but de supprimer les clauses discriminatoires entre les Suisses et les ressortissants de l'Union européenne, suite, bien sûr, aux bilatérales. Il y avait également de nouvelles clauses en vue de «garantir avec encore plus d'exigences l'honorabilité et la solvabilité des agents de sécurité».

Autour de la notion de formation, il y a eu quelques réserves, parfois justifiées par une méconnaissance de l'importance qu'il y a à mettre en adéquation l'apparence des agents de sécurité qui, pour certains, peuvent paraître des «Rambo» - alors qu'ils n'en ont absolument pas les compétences - et celle de leur donner les moyens de mieux gérer leurs émotions et leurs frustrations. Nous avons pu tomber d'accord. Ce concordat a donc tout son sens, en retenant, pour le moment, la notion de «sensibilisation» à la place de «formation».

Le canton de Genève n'a pas à rougir d'être pionnier en la matière et, aujourd'hui, si les autres cantons, qui n'étaient pas forcément sensibilisés ou prédisposés à donner cette importance à la formation, se trouvent actuellement entrés dans ce processus, je crois que nous pouvons nous réjouir d'avoir mis cette première pierre à l'édifice, avec un suivi qui sera certainement important.

Nous ne pouvons que vous recommander - tout comme nous l'avons fait à l'égard de la très grande majorité de cette commission - de voter ce projet de loi qui ratifie le nouveau concordat sur les entreprises de sécurité.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Stéphanie Nussbaumer (Ve). Les Verts sont extrêmement préoccupés par le développement important des entreprises de sécurité, auxquelles de plus en plus de tâches sont confiées. C'est pour cela que nous voyons les modifications apportées par ce concordat d'un bon oeil, bien qu'elles ne répondent que partiellement à notre désir de réglementation de ce secteur d'activité qui est en plein développement.

Nos efforts ne doivent cependant pas s'arrêter là, et je tiens à attirer votre attention sur une lacune fondamentale, que Mme la rapporteure a soulignée, à savoir que le concordat parle uniquement de sensibilisation des agents de sécurité. A notre sens, cela n'est pas du tout suffisant. Une formation devrait être obligatoire pour ces agents qui assument, contre notre gré, de plus en plus de tâches de quasi-police. C'est pour cela que nous demandons au Conseil d'Etat d'intervenir rapidement auprès de la commission concordataire, afin de créer une formation pour les agents de sécurité - une motion et un projet de loi ont d'ailleurs été déposés dans ce sens.

Ces réserves mises à part, nous vous suggérons de voter ce projet de loi.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Si l'élaboration d'un concordat permettant de définir un cadre commun aux cantons signataires est un élément favorable qu'il faut relever, nous restons réservés sur la faiblesse de ce texte en matière de formation des agents de sécurité. Déficit qui, il faut le dire, exprime la volonté ou la non-volonté des cantons et non pas une omission ou une simple ignorance.

Cela dit, les entreprises de sécurité existent et, tant qu'à faire, autant que leurs employés soient dûment formés et à la hauteur de leur tâche. C'est précisément au sujet de ces tâches que le bât blesse. En effet, les missions confiées aux entreprises de sécurité augmentent et se diversifient. Nous déplorons régulièrement que des activités relevant de compétences de la police leur soient attribuées.

Il y a une tendance à la délégation de compétences à laquelle nous ne pouvons souscrire, particulièrement lorsqu'il s'agit de tâches d'autorité et de sécurité; particulièrement en situation de stagnation ou de réduction des effectifs dans la fonction publique.

Aussi, en l'absence de règles ou de codes de conduite en matière de délégation de compétences à des entreprises de sécurité, et compte tenu de l'ambiguïté que pourrait revêtir une adhésion de notre part, notre groupe s'abstiendra de prendre le projet de loi en considération.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Vous l'avez compris, lors des débats concernant ces problèmes d'agence de sécurité, la formation a été véritablement prise en compte et je crois qu'une très large part, pour ne pas dire l'unanimité, de la commission a considéré qu'il y avait effectivement un problème. Nous divergeons cependant sur la manière d'envisager cette formation. Or le concordat, si vous avez lu le texte, prévoit que les cantons puissent intervenir. C'est exactement dans ce sens que le groupe démocrate-chrétien souhaitait aller. Il a proposé, à cet effet, une motion au reste de la commission - qui vous sera proposée au point 126 de notre ordre du jour: la motion 1590. En effet, et cela a également été évoqué, nous souhaitons que ce soit le Conseil d'Etat qui intervienne au sein du concordat pour que cette formation soit mise en place.

Nous voulons que les entreprises de sécurité de tous les cantons soient responsabilisées, ainsi que leurs associations professionnelles. C'est vrai qu'à cette occasion, le groupe socialiste ainsi que certains membres de la gauche souhaitaient que soit immédiatement ou très rapidement mise en place une formation sur le plan cantonal. Je croyais que nous nous étions mis d'accord, que nous nous étions réunis autour de cet objet 9195, puisque, comme vous le constatez, il a été signé par tous les partis de ce parlement. Or le groupe socialiste a persisté et signé puisque, quelques jours après, il a déposé un projet de loi, celui qui se trouve au point 122 de l'ordre du jour, le projet de loi 9280.

Je vous le dis d'emblée: nous n'avons pas changé d'avis depuis les travaux en commission, nous n'entrerons pas en matière sur votre projet de loi parce qu'à l'heure où l'on parle de manière passionnée des finances publiques il nous semble totalement inopportun d'engager des fonds cantonaux pour la mise en place d'une formation. Encore une fois, pourquoi est-ce que Genève doit toujours faire office de pionnier, alors que nous sommes dans un système intercantonal, que nous avons confiance dans ce système. C'est d'ailleurs parce que nous avons confiance dans ce système que nous vous demandons de voter ce projet de loi.

M. Georges Letellier (UDC). A l'évidence, Genève a besoin d'une police privée. J'ai du mal à imaginer le devenir de Genève sur le plan sécuritaire sans que ces entreprises de police privée existent. Ce projet de modification de la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité a été mijoté par le Conseil d'Etat afin de réglementer et, par-là même, de restreindre, les prérogatives de ces entreprises d'utilité publique, prétextant leur non-conformité avec les accords sur la libre circulation. En clair, à l'instar de la police cantonale, on veut en faire une police privée, domestiquée et soumise par des contraintes légales avec pour seul objectif de la subjuguer parce qu'elle dérange.

La police privée ferait-elle de l'ombre aux autres polices ?

Vu l'absence de motivation sérieuse justifiant ce projet de loi, on est en droit de se le demander. En tous les cas, les 2500 policiers privés ne seront pas là pour faire de la figuration - on s'en doute - et s'ils sont ici, c'est parce que nous en avons grandement besoin. Alors ne faisons pas la fine bouche et foutons-leur la paix !

Vu les raisons obscures qui ont motivé ce projet de loi, et partant du principe qu'on ne change pas ce qui marche, nous ne voterons pas ce projet de loi.

M. Christian Brunier (S). Genève compte environ un millier de policiers d'Etat et 2500 agents de sécurité privés, ce qui est considérable. Pour une profession comptant autant de membres accomplissant une tâche aussi délicate, il est normal que l'on fixe un minimum de règles.

Nous avons un concordat intercantonal au niveau romand qui fixe le seuil minimal de ce qu'il faut faire dans l'ensemble des cantons romands. Nous trouvons que c'est une bonne chose et que ce concordat amène un certain nombre d'avancées. Cependant, nous avons dit, depuis le début des travaux de la commission, que nous trouvions que cela était insuffisant, notamment en matière de formation.

M. Portier dit qu'il ne voit pas pourquoi Genève serait pionnière en matière de formation; c'est en revanche tout à fait normal, Monsieur Portier. En effet, il y a, à Genève, 2500 agents de sécurité, alors que dans le Jura, il n'y en a que 2. La problématique est différente dans le Jura et à Genève. Il est assez logique que l'on réfléchisse plus en profondeur au niveau de la formation à Genève que dans des cantons où l'on ne compte que quelques personnes assumant ce métier.

C'est la raison pour laquelle nous avons insisté, en commission, pour aller plus loin. Le parti démocrate-chrétien a proposé une motion que nous avons soutenue et cosignée, qui permet de demander à la commission concordataire, c'est-à-dire à l'ensemble des partenaires romands, d'introduire des dispositions de formation dans le prochain concordat. Vous connaissez le rythme des travaux parlementaires des différents cantons, cela veut dire que nous sommes dans une vision d'ici à 2, 3, 4 ou 5 ans. Nous ne verrons pas de modifications au niveau de l'ensemble des cantons, c'est-à-dire de l'ensemble du concordat, d'ici une période relativement longue.

Je pense que nous ne devons pas attendre et c'est pour cela que nous avons déposé un projet de loi. C'est vrai que c'est pour instaurer une formation la plus rapide possible. Nous ne voulons pas faire le forcing. D'ailleurs, le parti démocrate-chrétien avait dit qu'il espérait que cette motion porterait ses fruits après une année. Nous relevons donc le défi et vous proposons de geler notre projet de loi en commission, et s'il n'y a pas de volonté politique d'aller vite au niveau romand, nous pourrons ressortir très rapidement le projet de loi et créer une formation à Genève pour ces 2500 personnes qui accomplissent un travail éminemment stressant et compliqué.

Je pense que l'on ne peut pas dire, comme nous l'avons fait dernièrement dans ce parlement, qu'il faut créer une formation pour les chauffeurs de taxis, par exemple - ce parlement l'a décidé à l'unanimité - et dire, comme certains parlementaires, que la profession d'agent de sécurité ne nécessite pas de formation. Nous pensons qu'une formation est nécessaire car c'est un métier qui peut s'avérer dangereux, pour la personne qui l'exerce et les autres. La formation, selon nous, doit comprendre des choses élémentaires. On ne demande pas de faire 25 ans d'université. On leur demande de connaître la loi, le maniement des armes et des chiens, de pouvoir gérer des situations de stress particulières. C'est vraiment, je crois, la moindre des choses.

On entend des gens qui nous disent que cela va coûter de l'argent. Oui, la formation coûte de l'argent mais je pense que l'on ne peut pas renier la formation par souci d'économie, d'autant plus dans une situation aussi stressante que celle que les professionnels de la sécurité connaissent.

Nous nous abstiendrons donc sur ce concordat, que nous trouvons insuffisant, même s'il comporte des améliorations. Nous soutiendrons la motion, largement cautionnée, qui a été amenée par le parti démocrate-chrétien, et nous soutiendrons bien évidemment notre projet de loi, que nous gèlerons en commission pendant une année. Si, d'ici une année, rien n'a bougé, nous sortirons à nouveau le projet de loi et nous serons plusieurs partis à être derrière ce projet de loi.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Je crois qu'il est important de relever maintenant ce qui est ressorti des travaux de la commission en matière de sécurité. Dans sa grande majorité, la notion de sécurité était définie comme devant rester à l'Etat, afin d'éviter toutes dérives sécuritaires. Nous venons d'avoir un exemple de tout ce que nous avons à craindre par le biais de l'intervention de l'UDC. Je ne peux pas m'empêcher, une fois de plus, de relever l'incohérence des propos de ses membres, parce que lorsque nous étions à Fribourg, représentant chaque parti, nous avons tous tenu exactement le même discours. Nous pouvions nous réjouir, à ce moment-là, d'être des dignes représentants du parlement genevois, tous partis confondus, qui avaient le même souci de cette sécurité dans les mains de l'Etat. Lorsque nous avons conduit nos travaux en commission, l'UDC ne s'est pas exprimée. Je n'ai donc pas pu faire autrement que de mettre cet état de fait en exergue dans le rapport. Et lorsque j'entends qu'il faut donner toute la liberté à quiconque peut mettre un uniforme et jouer les «Rambo», je pense qu'il y a de quoi être extrêmement inquiet.

Heureusement que la sécurité doit rester dans les mains de l'Etat, que les agents de sécurité des entreprises privées doivent être formés, contrôlés et que cela doit être une condition d'autorisation d'exploitation.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je tiens tout d'abord à remercier la commission qui a travaillé vite et bien, si je peux m'exprimer ainsi. La nécessité de voter ce soir ce rapport tient essentiellement à l'entrée en vigueur de la convention et de la modification de la convention à laquelle Genève est très attachée. J'aimerais répéter ce que vous venez de dire, Madame, et donc rassurer ce parlement: la sécurité et les tâches qui lui sont attenantes ressortent avant tout de l'Etat. Lorsque l'Etat ne peut pas accomplir toutes ces tâches et que, soit par décision, soit implicitement - ce qui est le cas des entreprises de sécurité privées - il y a délégation, alors l'Etat a également le devoir de contrôler, de manière extrêmement sérieuse, la façon dont les travaux de sécurité sont conduits. Par conséquent, je pense qu'il n'est pas ici question de contester les entreprises de sécurité privées mais de nous donner les moyens de contrôler leur qualité. C'est vrai qu'à ce titre le domaine de la formation est un souci permanent, et j'anticipe un peu sur la motion qui va être discutée tout à l'heure - il aurait d'ailleurs été agréable que l'on discute ces deux objets en même temps. Vous verrez tout à l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion, proposée par le parti démocrate-chrétien et votée par une grande majorité de la commission, apporte précisément les garanties nous permettant de répondre aux soucis qui ont été émis par le parti socialiste, mais également de ne pas bloquer le processus. Ce qui reste important, sur le plan politique, c'est de donner un signal de solidarité avec les autres cantons. C'est la raison pour laquelle le projet de loi, dans un premier temps en tout cas, proposé par le parti socialiste, n'est probablement pas la forme la plus adéquate. J'ai entendu qu'il serait gelé, je pense que ce serait d'une grande sagesse.

J'aimerais vous demander de voter ce projet de loi, qui va nous permettre d'une part, d'adhérer à la modification de la convention et, d'autre part, d'entrer en matière sur toutes les modifications et améliorations importantes - bien que pas encore exhaustives - qui ont été apportées, grâce, notamment, aux travaux de nos représentants dans la commission concordataire.

Voilà pour l'instant ce que je souhaitais dire. Je vous appelle donc à adopter ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons procéder au vote relatif à la prise en considération de ce projet de loi.

La loi 9195 est adoptée en premier débat par 37 oui contre 2 non et 26 abstentions.

La loi 9195 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9195 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 35 oui contre 1 non et 30 abstentions.