République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1544
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Pierre Guérini, Thomas Büchi, Maria Roth-Bernasconi, Jeannine De Haller pour la création d'une Maison " Science et Cité" sous le Pont Butin (FUTUROPONT)

Débat

M. Christian Brunier (S). Je vais vous raconter une histoire tout à fait banale... Aujourd'hui, les technologies et les sciences présentent de plus en plus d'attrait pour la population, et, dans ce contexte, la Confédération, par la voix du secrétaire d'Etat Charles Kleiber, a annoncé qu'elle souhaitait installer en Suisse romande un musée des technologies et des sciences. Et Genève pourrait être un endroit rêvé, vu les pôles d'intérêts qui sont liés aux nouvelles technologies, puisque nous avons de grandes entreprises, de grandes écoles, de grandes institutions, comme le CERN, etc. Je crois donc que nous avons une carte à jouer à ce niveau. L'intérêt suscité dans ce domaine est grand: non loin de nous, on peut constater le succès de Technorama Winterthur, de la Cité des sciences à Paris...

Bien sûr, le concept en question est plus modeste, mais un citoyen genevois - M. André Blanchoud - a décidé de travailler dessus. Il a cherché un lieu, et il en a trouvé un... Très original, puisqu'il s'agit de la surface inutilisée située sous le Pont-Butin ! Cet endroit était à l'origine réservé pour le passage d'un train, ce qui ne sera jamais le cas. Alors, ce monsieur a envisagé d'utiliser cette surface pour réaliser un musée des technologies et des sciences, et il a pris contact avec un certain nombre de députés - de droite comme de gauche, d'ailleurs - qui se sont attelés à rédiger cette motion.

A ce stade, nous ne sommes pas forcément des inconditionnels de ce projet... Nous disons juste que l'idée que veut développer ce citoyen est originale. Il a trouvé un lieu, il a travaillé sur des modes de financement, sur des concepts, et il attend tout simplement des relais politiques pour savoir si ce projet est viable ou pas. Cette motion se veut être un simple relais entre ce citoyen et le Conseil d'Etat, pour que ce dernier se penche avec attention sur ce dossier.

Alors, bien sûr, certains ont tout de suite mis en exergue les problèmes potentiels: problèmes d'accès, problèmes liés au développement durable... Je crois, pour l'avoir rencontré à plusieurs reprises, que M. Blanchoud tient à ce que son projet soit totalement conforme au développement durable. Il a, du reste, pris contact avec la CMNS, avec les associations environnementales, avec les collectivités publiques qui seraient concernées par ce projet. Il a reçu un très bon accueil, par exemple, de la commune d'Onex.

Je vous invite donc à soutenir cette motion, pour que le Conseil d'Etat l'étudie et nous dise si ce projet tient la route ou pas et si Genève peut vraiment jouer une carte maîtresse pour accueillir un musée des technologies et des sciences de la Suisse romande.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Jacques Baud (UDC). C'est là encore un de ces projets complètement tarés ! (Exclamations.)Et ce n'est pas la première fois !

Premièrement, on ne sait même pas combien peut coûter un tel projet... Deuxièmement, on va le mettre sous les arches du pont, au ras de l'eau...

Mais avez-vous pensé aux accès, aux parkings ? Avez-vous pensé que le pont pourrait ne pas supporter une telle réalisation ? Avez-vous pensé à tout ce que cela implique ? Et il ne faut pas oublier la protection des berges du Rhône et tout ce que cela signifie !

Je me demande sérieusement quelle est l'intelligence des personnes qui ont conçu ce projet ! (Commentaires.)C'est dithyrambique, c'est délirant, c'est ahurissant ! C'est nous faire perdre notre temps !

Alors, arrêtez de présenter de tels projets, complètement débiles et stupides !

M. Patrick Schmied (PDC). Bien sûr, ce site est magnifique... Bien sûr, ce projet est ambitieux... Mais pourquoi vouloir à nouveau créer un musée ? Il me semble que la ville entière est un musée à Genève, il n'est nul besoin d'en rajouter un ! (Exclamations.)

Les idées de ce projet, consignées à la page 4, ont un petit air de déjà vu de Expo 02, et leur légèreté est un peu gênante.

Pour ce qui est du contenu, il est dit en page 3 que l'on veut «réduire le fossé culturel qui se creuse entre les activités scientifiques»... Mais je ne vais pas vous relire le texte ! Si ce n'est pas un doublon avec ce que devrait faire la communauté universitaire, c'est que je ne sais pas ce qu'est un doublon !

Ensuite, il y a toutes les questions pratiques, cela a été évoqué tout à l'heure: les accès, le développement durable...

Pour ma part, je propose de renvoyer ce beau projet au musée des projets non aboutis et de rejeter cette motion.

M. Pierre Weiss (L). Je m'en voudrais d'être aussi catégorique que l'un de mes collègues à propos de la suggestion d'un citoyen du canton. Je crois qu'il a droit à notre respect et que sa proposition doit être examinée dans ce Conseil, en ce moment précis, avec l'attention qu'elle mérite. Parce que, en effet, comme l'a dit notre collègue Charbonnier, la nature a horreur du vide et pourquoi ne pas y mettre... (Exclamations.)Notre collègue Brunier, pardon !

M. Christian Brunier. C'est une attaque personnelle ! (Rires. Remarque.)

M. Pierre Weiss. «M. Charbrunier» ! La nature à horreur du vide, disais-je... Mais je relève aussi au passage que son parti ne manque pas d'idées pour déployer notre réseau de musées, et je m'étonne qu'il n'ait pas plutôt conseillé à M. Blanchoud de joindre sa suggestion à celle du Musée d'ethnologie que le parti socialiste avait imaginé à Annemasse...

Une voix. D'ethnographie !

M. Pierre Weiss. Oui, d'ethnographie. Je propose donc, en d'autres termes, que, dans le cadre des excellents rapports que le parti socialiste entretiendra avec la nouvelle majorité dans la région Rhône-Alpes, cette dernière se saisisse de cette suggestion pour contribuer au rayonnement de notre région lémanique et de notre région genevoise...

M. Pierre Guérini (S). Je voudrais juste rassurer le député Baud... Le pont est vraiment très solide parce que, pendant plus de trente ans, Hispano-Suiza a essayé ses canons à l'intérieur de tunnels situés sous le pont ! (Rires.)

La présidente. Merci pour cette touche d'humour, Monsieur le député ! Je donne la parole à M. Büchi.

M. Thomas Büchi (R). Cette motion a été déposée il y a déjà un an. C'est vrai, les conditions économiques ont changé depuis lors, on a tendance à l'oublier...

Ce projet est le fruit d'une grande réflexion d'une personne particulièrement créative qui nous soumet une idée intelligente et intéressante. Il me semble par conséquent que le minimum que nous pouvons faire - car cette motion traîne depuis douze mois, ici, en plénière - c'est de la renvoyer en commission, pour pouvoir en parler, l'étudier et voir ce que l'on peut en faire ! Quoi qu'il en soit, même si les finances publiques ne permettent pas la réalisation immédiate d'un tel projet, il est certainement intéressant de mener une réflexion sur ce sujet, ne serait-ce que pour l'avenir.

Nous - les signataires de la motion et d'autres députés de ce Grand Conseil - avons rencontré M. Blanchoud, qui a fait le tour de tous les partis pour présenter son projet, et nous l'avons écouté avec beaucoup d'attention. Je le répète, il s'est passé du temps entre le moment où la motion a été déposée, et l'on peut dire que ce projet est en gestation depuis quasiment deux ans.

Mesdames et Messieurs les députés, faisons un travail de réflexion intelligent: renvoyons cette motion en commission et traitons-là !

La présidente. A quelle commission, Monsieur le député, souhaitez-vous renvoyer la motion ? (M. Büchi répond hors micro.)A la commission des travaux !

Je vous demanderai donc, Mesdames et Messieurs les députés, de faire connaître votre position par rapport à cette demande de renvoi en commission. Un député par groupe peut s'exprimer. Je donne la parole à M. Claude Blanc, et sur le renvoi en commission.

M. Claude Blanc (PDC). Oui, Madame la présidente, sur le renvoi en commission... Tant que vous voudrez !

Je voudrais tout de même préciser la chose suivante: quand M. Blanchoud a commencé son travail de prospection parmi les députés, je l'ai rencontré à sa demande. (Exclamations.)Et j'ai jugé bon de ne pas entrer en matière, compte tenu de la masse des projets que nous avons sur les bras et des dispositions financières que cela implique. Je suis vraiment très étonné d'entendre mes excellents collègues, M. Weiss et M. Büchi, qui passent pour les plus grands pourfendeurs des dépenses de l'Etat...

M. Pierre Weiss. Vous m'avez mal compris, Monsieur Blanc !

M. Claude Blanc. Non, je vous ai très bien compris, Monsieur Weiss ! Vous êtes un des plus grands pourfendeurs des dépenses de l'Etat, mais, quand il s'agit d'amener quelque chose de nouveau, comme ça, parce qu'un besoin se fait sentir, eh bien, vous n'hésitez pas à envisager des dépenses supplémentaires !

Le problème de l'Etat, aujourd'hui, c'est qu'il doit faire des choix ! Madame la présidente du département des finances nous l'a dit hier en commission: l'Etat sera amené à faire des choix entre les investissements qui sont nécessaires et ceux qui, tout en étant souhaitables, peuvent être différés, voire différés longtemps. Je comprends très bien que ce projet peut se révéler très intéressant, mais il sera intéressant le jour où nous aurons les moyens de le réaliser ! Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse décemment aujourd'hui se lancer dans cette affaire... Parce que lorsque vous l'aurez étudié en commission, Mesdames et Messieurs les députés, vous trouverez que c'est tout de même un projet intéressant... Et vous allez voter les crédits nécessaires ! Avec tout ce que cela implique, c'est-à-dire non seulement les crédits d'investissement, mais aussi les crédits de fonctionnement, les intérêts, les amortissements... Et après, vous refuserez le budget parce que le Conseil d'Etat ne fait pas suffisamment d'économies !

Pour cette raison, Madame la présidente, je m'oppose au renvoi en commission de cette motion et je demande qu'elle soit refusée.

M. Christian Brunier (S). Nous sommes en train de faire un débat, alors que nous n'avons encore aucun élément pour cela. Certains disent que c'est trop cher... Pourtant, nous savons qu'il y a des subventions fédérales à la clé, puisque ce projet entre tout à fait dans le concept fédéral d'installer un musée des hautes technologies en Suisse romande. Aujourd'hui, personne ne sait ici à combien s'élèverait cette subvention fédérale... Cela mérite, me semble-t-il, que nous entrions en matière pour étudier le projet !

On entend toujours dire qu'il faut favoriser l'imagination, qu'il faut motiver les idées novatrices... Pour une fois qu'un citoyen présente un projet novateur, original, qui représente une certaine somme de travail, je trouverais normal de le recevoir favorablement. Je précise que cette personne est apolitique. Monsieur Baud, vous avez fait preuve de beaucoup de mépris à son égard - c'est peut-être l'habitude dans votre parti... - mais, pourtant, M. Marcet, qui est de votre parti, avait soutenu ce projet et dit à M. Blanchoud tout le bien qu'il en pensait !

Je soutiens donc avec force la proposition de M. Büchi de renvoyer ce projet de motion en commission et de l'étudier. Nous saurons ainsi s'il est réalisable, conforme au développement durable et s'il a suffisamment ou pas de moyens financiers provenant de la Confédération. Ensuite, nous pourrons décider de ce qu'il faut en faire, en toute connaissance de cause: s'il faut le classer ou s'il faut le mettre en oeuvre. A ce stade, il me semble que ce projet mérite au moins une séance de commission, voire deux. Une idée émanant d'un citoyen et le travail qu'il a effectué pendant près de deux ans méritent au moins cet égard !

M. Gilbert Catelain (UDC). Mon collègue a effectivement été mis en cause... Il voulait dire que l'emplacement de ce FUTUROPONT n'était pas adéquat dans une vision globale de l'aménagement et par rapport à la structure même du pont. Il s'est essentiellement exprimé sur l'implantation de ce projet et non pas sur son contenu... Je pense que vous l'avez mal compris ! Je ne sais pas si M. Marcet l'a soutenu ou pas - c'est possible - mais, en tout cas, il n'en est pas signataire...

Concernant le renvoi en commission, nous sommes censés faire preuve de cohérence. Et, pour une fois, je féliciterai le parti démocrate-chrétien - ce n'est pas tous les jours que ça lui arrive - qui a au moins le mérite de la cohérence entre le discours qu'il a compris hier, au niveau des comptes, et l'application pratique - la transposition - où l'on réalise qu'aujourd'hui, comme l'a dit M. Büchi, les finances ne premettront pas d'envisager de tels projets. En effet, on sait déjà que les dépenses importantes prévues pour l'hôpital feront l'objet de restrictions budgétaires. Je vois donc assez mal à moyen terme, pour 2010, comment on pourrait concrétiser ce projet, sachant que la dette sera de 15 milliards d'ici là. Il ne faut pas se leurrer: nous n'avons plus d'argent pour ce genre de projets, nous ne pouvons plus les financer !

La seule solution pour faire aboutir ce genre de projets est de trouver un financement essentiellement privé. Quant à savoir si l'emplacement de ce FUTUROPONT, que l'on pourrait d'ailleurs peut-être baptiser autrement, doit se trouver à Genève ou ailleurs en Suisse romande, c'est une autre question et un autre débat.

Par rapport aux conditions cadres, je ne vois pas l'intérêt de renvoyer ce projet dans une commission quelconque, et surtout pas à la commission des travaux - parce qu'on risquerait d'y demander des études d'impact, ce qui coûterait de l'argent - ni à la commission des finances, qui est complètement surchargée. Je ne vois pas quelle commission pourrait s'en charger... Il ne faut pas voir là du mépris par rapport à l'auteur de ce projet - mais peut-être ce dernier aurait-il plus de succès ailleurs, dans des cantons comme Fribourg, par exemple, soit des cantons qui présentent des résultats équilibrés ou positifs au niveau des comptes 2003 et qui se trouvent en Suisse romande.

Le groupe UDC ne soutiendra donc pas le renvoi en commission de cette motion.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Pierre Weiss (L). Je crois que j'ai été mal compris par M. Blanc - peut-être par d'autres, mais, en tout cas par lui... J'aimerais être très clair... J'ai dit deux choses dans mon intervention. Tout d'abord que je souhaitais que ce projet... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Monsieur le député Blanc, si vous aviez l'amabilité, en cette fin d'après-midi chargé, de ne pas m'interrompre !

J'ai d'abord dit que la décision devrait être prise par notre parlement cet après-midi. J'ai ensuite dit que ce projet devait être en cohérence avec d'autres suggestions passées du parti socialiste et être examiné par la région Rhône-Alpes, puisqu'il suggérait, en d'autres occasions, que des musées soient établis à Annemasse.

En d'autres termes, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je préconise que notre parlement ne consacre pas 4 à 5000 F par séance de commission à examiner ce projet !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet est bien connu du Conseil d'Etat... Nous avons, nous aussi, fait l'objet de toute l'attention de ses auteurs qui voulaient que nous le soutenions...

Nous leur avons répondu la même chose qu'à trois ou quatre autres groupes de citoyens qui souhaitent organiser des expositions, des musées, des parcs à thèmes de cette nature: qu'il n'était pas envisageable que les pouvoirs publics financent tous ces projets, qu'il serait déjà difficile de n'en financer qu'un seul s'ils se mettaient tous d'accord...

A ce stade, chacun continue dans sa voie propre et, par conséquent, il n'est pas question de subventionner ces projets. Cela d'autant moins que le soutien fédéral, qui figure dans l'exposé des motifs, n'est malheureusement plus d'actualité, puisque les maisons de la science ont été supprimées, par le Département de l'intérieur, de la liste des objets susceptibles d'être subventionnés.

A cela s'ajoute, Mesdames et Messieurs les députés, une raison qui me paraît également extrêmement importante - M. Baud l'a rappelée - dès lors que le projet est situé dans le périmètre de protection des rives du Rhône, il est impossible d'imaginer installer une structure de cette importance à cet endroit. C'est un obstacle absolument considérable, même si ce projet est intéressant en lui-même. En outre, j'ai cru entendre que d'aucuns souhaitaient que le Pont-Butin, en tant qu'ouvrage architectural majeur, fasse l'objet d'une mesure de protection du patrimoine.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des travaux, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1544 à la commission des travaux est rejeté par 31 non contre 28 oui et 5 abstentions.

Le président. Je vous soumets maintenant le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 33 non contre 25 oui et 9 abstentions.