République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8703-B
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. John Dupraz, Pierre Froidevaux, Jean-Marc Odier, Pierre Kunz, Jacques Follonier, Jacques Jeannerat, Hugues Hiltpold, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, Marie-Françoise De Tassigny modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Procédure pour le projet de loi)

Premier débat

Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, souhaitez-vous ajouter quelque chose à votre rapport ?

M. Pierre Kunz. Non, Monsieur le président.

Le président. M. le rapporteur de minorité souhaitant prendre la parole, je la lui donne volontiers.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Voici donc ce projet de loi revenu de la commission des droits politiques. En effet, nous l'avions déjà traité lors d'une séance précédente, au cours de laquelle le rapport avait été renvoyé à la commission des droits politiques par une majorité de circonstance.

Il s'agit d'un projet de loi du parti radical; un de plus, puisque ce parti a déposé de nombreux projets de lois portant sur le règlement du Grand Conseil et avançant plus ou moins tous le même argument: celui de gagner absolument du temps lors de débats. Pour ce faire, les radicaux se sont appliqués à déposer plusieurs projets de lois. Mais s'agit-il de la meilleure façon de permettre un avancement rapide de nos travaux lors de nos sessions ? Je ne le pense pas.

Quelques arguments ont été fournis dans le rapport de M. Kunz. L'argument principal réside dans le fait que la suppression du débat de préconsultation permettrait une économie de temps considérable. Or il faut noter que, comme nous l'ont souvent notifié quelques anciens présidents du Grand Conseil - dont l'un en commission - le débat de préconsultation n'est de loin pas le débat le plus difficile à diriger. En effet, il est fortement codifié par notre règlement puisqu'il n'octroie que cinq minutes à chaque groupe. D'autres objets en cours à l'ordre du jour prennent en revanche beaucoup plus de temps; je pense par exemple aux motions. J'ai, à cet égard, procédé à un relevé de notre ordre du jour actuel: ce dernier ne contient que treize projets de lois contre trente projets de motions ! Il faut préciser, pour la clarté du débat, que notre règlement ne fixe pas aussi drastiquement le temps imparti à chaque intervenant lors du traitement d'un projet de motion puisqu'il ne fait que limiter les interventions des députés à trois prises de parole de sept minutes chacune. Je vous laisse donc imaginer le temps consacré aux projets de motions...

Un deuxième argument réside, d'après M. Kunz et la majorité de ce parlement, dans le fait qu'en matière de préconsultation la presse suffit largement à se faire l'écho des projets de lois. Il est vrai que, lorsqu'un parti dépose un projet de loi d'une certaine importance, il convoque la presse; les médias s'efforcent ensuite de relayer les informations du mieux qu'ils le peuvent. On constate malheureusement que le temps consacré aux affaires du Grand Conseil dans les journaux, à la radio ou, exceptionnellement, à la télévision est minime. Les médias relaient éventuellement la prise de position du parti qui se trouve à l'origine du projet de loi, mais les réactions des autres partis sont exposées de manière extrêmement succincte. Nous ne pensons donc pas que la presse suffise à remplacer le débat démocratique qu'offre le débat de préconsultation.

D'après la majorité, le débat de préconsultation est donc totalement inutile. J'ai fourni dans mon rapport de minorité un seul exemple de l'utilité de ce débat, mais cet exemple me semble particulièrement édifiant: il s'agit du projet de budget de l'Etat de Genève déposé par le Conseil d'Etat. Le projet de loi 8703 qui sera voté ce soir supprime la possibilité d'un débat de préconsultation sur le projet de budget de l'Etat. Or, bien que ce point n'ait pas été abordé en commission, il nous semble inconcevable de ne pas pouvoir donner un avis sur un objet aussi important que le budget avant que celui-ci ne parte en commission.

Il existe évidemment de multiples projets de lois qui ne requièrent pas de débat de préconsultation. Pour ce qui est de notre parti, nous acceptons très souvent, lors des réunions de chefs de groupe, de renvoyer en commission une grande partie des projets de lois sans débat de préconsultation. Telle est notre pratique habituelle. Je précise que le renvoi sans débat de préconsultation ne fait l'objet d'aucune loi ni d'aucun règlement: il s'agit d'une pratique admise par notre Grand Conseil, mais sans aucune base réglementaire ou législative. Il suffit que l'unanimité des chefs de groupe décide d'envoyer un sujet en commission sans débat de préconsultation pour qu'il en soit fait ainsi. On pourrait éventuellement envisager de changer cette pratique en décidant que l'accord des deux tiers des chefs de groupe suffit à envoyer un projet de loi en commission. On constate en effet qu'un seul groupe peut bloquer les travaux du parlement en laissant tous les projets de lois à l'ordre du jour et en refusant leur renvoi en commission. Il y a donc là une piste à étudier.

Nous avons suggéré une deuxième piste par le biais d'un amendement que nous avons déposé. Cet amendement propose que les projets de lois déposés par le Conseil d'Etat puissent être directement renvoyés en commission. De tels projets ont déjà très souvent fait l'objet d'une préconsultation, non auprès des parlementaires mais auprès d'associations ou de services de l'Etat.

Voilà quelle est notre position. Nous nous opposons à la suppression du débat de préconsultation et nous proposons cet abonnement... pardon, cet amendement ! Dont nous discuterons certainement tout à l'heure.

Le président. Magnifique lapsus, Monsieur le rapporteur de minorité ! La parole est désormais à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (AdG). «Désormais», Monsieur le président, ?

Le président. «Désormais», mais pour sept minutes !

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président. J'appuie bien entendu les propos du rapporteur de minorité. Les arguments invoqués à l'appui de ce projet de loi me paraissent spécieux. Voici une illustration de ces arguments spécieux et quelque peu bidon: on lit, sous la plume de M. Kunz, que: «grâce aux conférences de presse qui sont devenues la règle dans les milieux politiques - comme s'il s'agissait d'une nouveauté ! - et que les journalistes ne manquent jamais de fréquenter lorsque les sujets sont d'intérêt public», le débat de préconsultation n'est plus nécessaire... Mais ceux qui connaissent les conférences de presse savent fort bien qu'il existe des limites aux éléments pouvant y être présentés ! De plus, au-delà des éléments que la presse accepte de relayer - une presse dont, au demeurant, la diversité se réduit, ce qui constitue un réel problème - les citoyens intéressés ont le droit de disposer d'informations. Enfin, vous déclarez que les journalistes ne manquent jamais de fréquenter ces conférences «lorsque les sujets sont d'intérêt public». Cela signifie qu'on laisse les rédacteurs en chef décider des objets qui sont d'intérêt public ou non ! Quel que soit mon respect pour les médias, j'estime pour ma part que nous devons garantir de manière indépendante une information aux citoyennes et aux citoyens qui peuvent être appelés, notamment par le biais de référendums, à se prononcer sur les lois que nous votons.

Un autre intérêt du débat de préconsultation réside évidemment, comme cela a été souligné, dans le fait qu'il permet de prendre la température de l'ensemble des groupes de notre Grand Conseil sur des sujets importants et de préparer utilement les débats en commission. Il permet également aux parties concernées - secteurs sociaux, associations, etc. - d'être informées du dépôt d'un projet de loi et des positions adoptées par les uns et les autres; elles peuvent ainsi demander, le cas échéant, une audition à l'une des commissions de notre parlement. La capacité des commissions à être à l'écoute de milieux qui ne sont pas directement représentés dans cette enceinte constitue un aspect capital du fonctionnement de notre Grand Conseil. Il s'agit là d'une évidence !

L'opération proposée par ce projet de loi participe d'une restriction systématique des droits des députés et des possibilités de débat dans cette enceinte. Il ne s'agit pas d'une nouveauté; je vous ai d'ailleurs déjà fait part de la position de l'Alliance de gauche à ce sujet. Mais le pire - et il s'agit là d'un aspect qui n'a pas été soulevé - c'est que ce projet de loi prévoit le renvoi sans débat des projets de lois en commission. Le débat n'existe donc plus à ce stade ! Le rapporteur de majorité, M. Kunz, indique que les partisans du débat pourront, comme par le passé, développer ce débat en commission - comme s'il s'agissait d'une tare...

Du passé, parlons-en justement ! Cette mesure pose un problème aigu, car aucune règle n'impose aux commissions de traiter réellement - et dans un délai utile - les projets de lois qui leur sont renvoyés. Ce sont les majorités qui, dans les commissions, décident du traitement ou non d'un projet de loi et, le cas échéant, de l'ordre du traitement des projets de lois. Ce projet de loi que vous présentez comme inoffensif permet donc de renvoyer en commission et d'enterrer dans la durée des projets de lois qui n'agréeraient pas à une majorité de ce Grand Conseil !

Je ne me montre pas paranoïaque, je n'invente rien: nous avons assisté à ce phénomène sous le gouvernement monocolore. Durant cette période, une série de lois ont été renvoyées en commission et soigneusement enterrées par des présidents et des majorités qui ont refusé de les traiter. Je puis, en tant qu'ancien président de la commission des droits politiques, vous assurer que, lorsque l'Alternative est devenue majoritaire en 2001, elle a déterré des projets de lois déposés en 1993 ou en 1994 - y compris, Monsieur Kunz, des projets de lois radicaux déposés entre autres pour des raisons d'opportunité électorale et qui n'avaient pas été traités pendant quatre ou cinq ans ! Nous avons donc ressortis ces projets de lois et nous avons mené un travail sérieux, rigoureux et systématique afin de permettre que le débat ait lieu dans cette enceinte. Si nous avons procédé ainsi, c'est parce que, même si vous vous refusez à nous l'accorder, nous possédons un sens relativement aigu de la démocratie et de la nécessité du débat parlementaire !

Si l'on menait une étude un tant soit peu sérieuse sur cette question, on pourrait recenser dans les archives du Grand Conseil le nombre de projets de lois qui, dans certaines circonstances - et notamment sous des majorités de droite - ont dormi en commission pendant des années, des années et des années ! Si vous voulez vous montrer fidèles aux déclarations figurant dans l'exposé des motifs - lequel assure que le débat pourra avoir lieu en commission ainsi qu'au retour de commission - il ne vous suffit pas de voter ce projet de loi tel quel, mais il vous faut garantir que les projets de lois renvoyés en commission seront traités dans un certain délai. Il y a là matière à réflexion et on pourrait légiférer dans ce sens.

En l'état, notre règlement ne garantit d'aucune manière qu'un projet de loi renvoyé en commission soit traité: il pourrait dormir en commission pendant dix ans ! La loi portant règlement du Grand Conseil - que, Mesdames et Messieurs du bureau, vous connaissez bien - n'impose aux commissions aucun ordre de traitement par arrivée ni aucune priorité. Je suis personnellement favorable au maintien d'une telle souplesse, car j'estime qu'il est peu souhaitable de tout réglementer. Il faut toutefois, en contrepartie, qu'un minimum de débat public soit garanti lors du dépôt d'un projet de loi par un député ou par un groupe de députés. Sans cela, des projets de lois pourront dormir en commission, si ce n'est pour l'éternité, du moins suffisamment longtemps et ils pourront le faire d'autant plus facilement qu'ils n'auront à aucun moment été évoqués publiquement dans cette enceinte. Personne ne sera donc au courant...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Vanek. Il s'agit de ma conclusion ! Ainsi, Monsieur Kunz, si vous voulez garantir que le débat aura réellement lieu en commission, il vous faut assortir ce projet de loi de dispositions sur le délai de traitement des projets de lois en commission et d'autres exigences qui empêcheront de se produire les phénomènes que je viens de décrire. C'est pourquoi je m'oppose à ce projet de loi, que je considère comme inachevé et qui mérite, à mon sens, d'être renvoyé en commission. C'est la demande que je vous adresse, Monsieur le président !

Le président. Merci, Monsieur le député. Le renvoi en commission ayant été demandé, le débat ne portera que sur cet objet; ne pourra s'exprimer qu'un représentant par groupe. La parole est à M. le député Bernard Annen.

M. Bernard Annen (L). Je ferai pour commencer une réflexion sur les propos tenus à l'instant par M. Vanek. Les propositions qui ont été faites sont, de mon point de vue, à la fois inéquitables et inapplicables. Pourquoi inéquitables ? Parce qu'il suffit qu'un député comme M. Vanek traite du fond d'un projet de loi pendant dix minutes et termine son allocution en demandant que l'on se prononce uniquement sur le renvoi en commission ! Reconnaissez avec moi qu'un tel procédé peut paraître quelque peu surprenant ! C'est la raison pour laquelle je transgresserai le principe selon lequel on ne devrait s'exprimer que sur le renvoi en commission pour aborder également le fond du problème. Je m'efforcerai cependant, Monsieur le président, d'intervenir plus brièvement afin de me rattraper...

J'aimerais tout d'abord m'étonner: m'étonner du fait que l'on politise des problèmes relatifs à des règles de fonctionnement. C'est la grande difficulté à laquelle nous nous trouvons confrontés lorsque nous tentons de réglementer pour permettre à nos travaux d'avancer, les oppositions proviennent automatiquement de la politisation de règles de fonctionnement qui, par définition, ne devraient être rien d'autre que des règles de fonctionnement ! Vous savez fort bien, Monsieur Vanek, que les majorités peuvent changer, et toutes les règles de fonctionnement pourraient donc, le cas échéant, se retourner contre leurs auteurs si ces derniers avaient des arrière-pensées au moment de l'établissement de ces règles. C'est dire qu'il faut pouvoir, à un moment donné, prendre un peu de recul pour permettre l'avancement de nos travaux.

Qu'avons-nous entendu ? Nous avons entendu que nous nous opposions aux règles démocratiques. D'accord: le fait de ne pas pouvoir s'exprimer est antidémocratique. Mais dites-moi, Monsieur Vanek, si le fait d'enterrer cent vingt ou cent trente points d'un ordre du jour est démocratique ! Toute la question est là ! Toute la question est là... Faut-il s'exprimer pendant des heures à propos d'un objet, alors que nous pourrions évoquer les mêmes éléments et prendre la même position en quelques minutes ?! Reconnaissez avec moi qu'il y a de quoi réfléchir !

Je commenterai maintenant l'intervention de M. Charbonnier. Ce dernier a déclaré que, de l'avis de l'un des anciens présidents de ce parlement - et il faisait référence à moi, puisque chacun sait que je suis le seul ancien président du Grand Conseil à siéger à la commission des droits politiques - les débats de préconsultation étaient les plus faciles à réglementer... Je vous le concède: c'est vrai ! «Ce sont, de surcroît, les plus courts», avez-vous ajouté. C'est également vrai ! Mais qu'est-ce qui est encore plus court qu'un débat de préconsultation ? C'est de le supprimer ! (Exclamations.)C'est dire qu'à un moment donné... (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)Oui, oui, La Palisse, vous connaissez ! (M. Vanek poursuit ses commentaires.)Regardez-moi, Monsieur Vanek, car c'est moi qui parle ! Si vous voulez me critiquer, regardez-moi et ayez au moins le courage de vos actes ! (Brouhaha.)

Je reprends: je ne pense pas que nous puissions raisonner de manière aussi simpliste. Je puis vous affirmer, Monsieur Charbonnier, que je soutiendrai immédiatement la proposition selon laquelle les chefs de groupe pourraient, même à la majorité des deux tiers, décider de renvoyer un projet de loi en commission sans débat de préconsultation. Mais vous vous êtes opposé à chaque fois à une telle proposition ! Par conséquent, je ne crois pas que nous ayons le choix; nos collègues radicaux ont donc déposé ce projet de loi qui permet, à mon avis, de faire un pas vers le raccourcissement de l'ensemble des débats.

M. Charbonnier s'est par ailleurs lancé dans une démonstration selon laquelle les projets d'une importance capitale devaient absolument passer en débat de préconsultation. Il a notamment déclaré qu'il était inadmissible que nous ne puissions pas évoquer le projet de budget du Conseil d'Etat ou les comptes avant leur renvoi en commission. Il a même dit: «Impossible!» et a ajouté: «antidémocratique!» Ensuite, chose fantastique, on dépose un amendement... Or que lis-je dans l'amendement socialiste, signé par MM. Brunier et Charbonnier ? Je lis: «Le projet de loi émanant du Conseil d'Etat est renvoyé en commission sans débat» ! Il s'agit là d'une démonstration incroyable: d'une part, l'argumentaire de M. Charbonnier consiste à dire qu'il est scandaleux de ne pas pouvoir évoquer en préconsultation des projets de lois aussi importants que le projet de budget et, d'autre part, on nous présente un amendement proposant le renvoi sans débat de ces projets en commission !

C'est dire, Monsieur Charbonnier, qu'il conviendrait de ramener ces questions à leur juste proportion et d'essayer, lorsqu'un projet de loi ne mérite pas de débat de préconsultation, de le renvoyer immédiatement en commission ! Or un tel procédé s'est révélé impossible. Je l'ai constaté en tant que chef de groupe, en tant que vice-président, et en tant que président du Grand Conseil... Par conséquent, je vous propose, en l'état, d'accepter le projet de loi du groupe radical - même si ce projet est quelque peu extrême et qu'il pourrait être corrigé. Faites au moins l'effort de tester ce projet de loi pour voir si vos inquiétudes se vérifient !

Le président. Merci, Monsieur le député ! Je viens de parvenir à dissuader l'un des secrétaires de notre Bureau de vous donner lecture de l'article 78 sur le renvoi en commission, car je pense que cela ne sera pas nécessaire... La parole est à M. le rapporteur de majorité.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Si je dois m'exprimer sur le renvoi en commission, je dirai simplement ceci: Mesdames et Messieurs les députés, refusez le renvoi en commission et ne prenez plus la parole à ce sujet afin que nous gagnions du temps !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Toujours concernant le renvoi en commission, la parole est à Mme von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi avait d'abord pour objectif de rectifier une erreur de castingqui a eu lieu l'année dernière en commission. On peut donc continuer encore longtemps à jouer au ping-pong... Je pense qu'il n'y a aucun sens à renvoyer maintenant ce projet de loi en commission.

M. Christian Brunier (S). Comme M. Annen vient de le reconnaître, la mesure proposée par ce projet de loi est quelque peu antidémocratique. Selon lui, nous sommes toutefois obligés d'instaurer une telle mesure en raison du retard pris par notre parlement dans le traitement des objets inscrits à son ordre du jour. Je partage ce point de vue: il est vrai que nous sommes très en retard dans nos travaux et qu'il convient de trouver des solutions. C'est pourquoi notre chef de groupe et rapporteur, M. Charbonnier, a précisément proposé deux idées.

La première est la suivante: de nombreux projets de lois pourraient être directement renvoyés en commission lorsque quasiment tous les chefs de groupe sont d'accord. Actuellement, il suffit qu'un seul groupe s'y oppose pour que le débat soit porté en séance plénière. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un phénomène nouveau, mais d'un phénomène qui dure depuis des années. La conséquence en est que certains points traînent à l'ordre du jour pendant plusieurs mois et bloquent nos travaux.

Puisque M. Annen a jugé que cette idée, articulée mais non déposée sous forme d'amendement, était intéressante, nous déposons immédiatement un amendement stipulant à l'article 126, alinéa 5 que «les deux tiers des membres du bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, peuvent renvoyer un projet de loi en commission sans débat». Cet amendement empêchera l'un de nos groupes de bloquer les travaux de ce parlement. Je précise que, même si le groupe libéral et l'Alliance de gauche sont des spécialistes en la matière, tous les groupes ont parfois agi de la sorte; nous sommes tous fautifs sur ce point.

La deuxième idée proposée par M. Charbonnier consiste à renvoyer directement les projets de lois émanant du Conseil d'Etat en commission. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Comme l'a relevé M. Charbonnier, de tels projets ont fait l'objet de débats pluralistes au sein du Conseil d'Etat - puisque ce dernier n'est, heureusement, plus monocolore - ainsi que de diverses préconsultations. Le débat de préconsultation a, dans ce cas, moins de sens que dans le cas d'un projet de loi émanant de l'un ou l'autre des camps de ce parlement.

Si vous êtes prêts à examiner ces deux amendements en plénière, nous accepterons de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission. En revanche, si vous n'êtes pas d'accord de travailler sur ces amendements - lesquels pourraient résoudre nos problèmes tout en proposant un compromis acceptable - nous serons obligés de soutenir le renvoi en commission.

Nous pensons pour notre part qu'il n'est pas indispensable de renvoyer ce projet de loi en commission et qu'il est possible de traiter ces deux amendements très simples directement en plénière. Je vous prie donc de soutenir ces amendements, qui représentent de réels compromis entre la liberté d'expression qui nous est chère à tous et la nécessité de ne pas paralyser par des débats trop longs les travaux de notre parlement.

Le président. Merci, Monsieur le député ! Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez redemandé la parole: vous l'avez.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je souhaite simplement relever que la proposition faite à l'instant par M. Brunier illustre magnifiquement la façon totalement inconséquente et incohérente dont travaillent certains groupes. S'il s'agit d'une proposition sérieuse, pourquoi le groupe socialiste ne l'a-t-il pas présentée en commission au cours des six ou des douze derniers mois durant lesquels nous avons travaillé sur ce projet de loi ?! Il s'agit d'une proposition totalement inadmissible et indigne de vous, Monsieur Brunier ! ( Chahut.)

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je désire simplement faire savoir à M. Kunz que nous n'avons pas songé à ces deux amendements en commission - ce dont nous nous excusons. Mais mieux vaut tard que jamais ! S'agissant de votre remarque sur les «pratiques aberrantes» que nous adoptons, je me passerai de tout commentaire. Je ne ferai que vous renvoyer au projet de loi 9097 que votre groupe s'est amusé à concocter, projet de loi qui ne propose rien de moins que de finir l'ordre du jour à chaque session... Quand on voit qu'il nous faut aujourd'hui traiter cent vingt-cinq points... Nous en aurions pour le week-end ! Les gens apprécieront votre attitude et nos «propositions aberrantes» ! (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)

Le président. Est encore inscrit M. le député Pierre Vanek. Ce dernier ayant déjà eu l'occasion de s'exprimer sur le renvoi en commission, je mets aux voix le renvoi en commission.

M. Pierre Vanek. Je m'étais inscrit pour la suite du débat.

Le président. Très bien ! Je mets aux voix la proposition de renvoi de ce projet de loi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de ce projet en commission est rejeté par 32 non contre 31 oui et 2 abstentions.

Le président. Au vu de ce résultat, nous poursuivons nos débats. La parole est à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur Annen, vous m'avez accusé de politiser cette discussion ! Je n'estime, pour ma part, n'avoir guère utilisé des arguments politiques ou politiciens: j'ai précisément invoqué, comme vous l'avez demandé, des arguments relatifs au fonctionnement de notre Grand Conseil et aux problèmes dont - vous avez eu raison de le souligner - l'un ou l'autre bord de ce parlement peut se trouver victime en fonction des changements de majorité... (Brouhaha.)

La proposition faite par ce projet de loi garantit peut-être un traitement initial plus rapide des objets puisque ces derniers seraient immédiatement renvoyés en commission. En invoquant l'argument du temps gagné sur le traitement d'un objet, on pourrait cependant tout aussi bien supprimer motions et résolutions, et continuer à rationner les interventions parlementaires... De telles mesures ne sont certes pas démocratiques, mais ce n'était pas là l'essentiel de mon intervention.

La crainte dont je vous ai fait part et à laquelle personne n'a répondu est la suivante: une fois un projet de loi renvoyé en commission sans débat de préconsultation, rien ne garantit qu'il en ressorte dans un délai acceptable. Les commissions ont donc toute liberté pour enterrer des projets de lois de manière quasi définitive. Comme l'Entente l'a prouvé lorsqu'elle était majoritaire, le débat de préconsultation n'empêche pas un tel procédé. Il est toutefois plus difficile d'enterrer un projet de loi lorsque ce dernier a fait l'objet d'un débat de préconsultation. Un débat minimum est en outre mené sur l'objet concerné, les citoyens peuvent se former une opinion sur la base de ce modeste débat et les médias - dont M. Kunz a chanté les louanges en déclarant qu'ils s'intéressaient à tous les sujets d'intérêt public - ont alors l'occasion de rendre compte des positions des uns et des autres sur cette question par le biais de leurs représentants dans cette enceinte.

Je n'entrerai pas en matière sur les amendements proposés par mes collègues socialistes. Je souhaite simplement insister sur le fait que la loi portant règlement du Grand Conseil ne garantit nullement que les projets de lois soient effectivement traités en commission; or, c'est ce traitement qui assure leur retour dans cette enceinte. Cette situation s'avère problématique car, en cas d'ordre du jour trop chargé, l'un des moyens de décharger cet ordre du jour consiste à ne pas faire revenir des projets de lois de commission. C'est d'ailleurs l'argument-massue avancé à l'appui de toutes les mesures proposées. La situation serait dès lors fort simple: les commissions traitent tranquillement, de temps en temps, un projet de loi; moins d'objets reviennent dans ce Grand Conseil et nous aurons ainsi davantage de temps pour en débattre... Sauf que ce sont les majorités des commissions qui dicteront l'ordre du jour de ces débats ! Il existe donc là un réel problème et il ne s'agit pas, Monsieur Annen, d'un problème politique, mais bien d'un problème de fonctionnement ! (Exclamations.)

J'ai cité la prise de position de M. Kunz - radical avec lequel je n'ai guère d'atome crochu politique, quel que soit son caractère charmant par ailleurs - lequel s'engage à... (L'orateur est interpellé.)Mes propos figureront bien entendu au Mémorial ! Je reprends: M. Kunz s'est donc engagé à ce que les débats puissent avoir lieu en commission. Il s'agit de l'un des arguments à l'appui de son projet de loi. Il ne s'est en outre pas contenté de le dire, mais il l'a également écrit. Or, j'affirme pour ma part que ce projet de loi ne garantit d'aucune manière que les débats aient lieu en commission. C'est ici que réside le problème principal de ce projet de loi !

Je tiens à préciser que ma proposition de renvoi en commission ne constituait nullement une manoeuvre pour empêcher d'autres députés de s'exprimer sur le fond. Je pensais cependant qu'un ancien président du Grand Conseil ne transgresserait pas ouvertement le règlement et qu'il serait, le cas échéant, rappelé à l'ordre. J'en prends note pour l'avenir... (L'orateur est interpellé par M. Annen.)

Le problème que j'ai soulevé est bien réel: je ne l'ai pas inventé, mais il vient de la petite dizaine d'années d'expérience que j'ai vécues dans ce Grand Conseil. Or personne n'a répondu à la question que j'ai posée !

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais intervenir pour signaler un problème: Monsieur le président, j'ai voté tout à l'heure, mais mon nom ne s'est pas inscrit sur le tableau... Je puis vous assurer que j'étais bien présent lors du vote et que la lumière jaune s'est allumée. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'enregistrement des votes rencontre des problèmes ! (Brouhaha.)Une telle situation est grave ! En effet, le résultat du vote donnait presque une égalité de voix; on aurait donc pu obtenir la majorité si mon nom avait été inscrit sur le tableau. Je tiens donc à ce que ma remarque soit relevée et que l'on contrôle une nouvelle fois le système de vote.

Le président. Monsieur le député, le système semblait parfaitement fonctionner vu d'en haut. Je vous crois cependant sur parole et une vérification du système informatique sera opérée. La parole est à M. le député Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers (Ve). Notre groupe ne s'est pas encore prononcé sur le fond de ce projet de loi. Vous savez que notre parlement s'est engagé - ou, tout au moins, essaie de s'engager - sur la voie d'une réforme de la loi portant règlement du Grand Conseil dans le but d'accélérer nos travaux. Il est exact que nos ordres du jour ne s'épuisent pas en dépit des séances supplémentaires. Or il est de notre responsabilité de garantir le fonctionnement normal de nos travaux afin que nos lois soient votées dans un délai convenable. Cependant, il est également vrai que le chemin dans lequel se sont engagés plusieurs députés de l'Entente est celui de la réformette: on tente d'éliminer quelques interpellations urgentes par ici, on supprime le débat de préconsultation par là... Or, comme les chiffres fournis par le bureau du Grand Conseil l'attestent, ce n'est, dans l'ensemble, pas sur ces points que le Grand Conseil perd la majeure partie de son temps ! Vous me direz que c'est toujours cela de gagné... Oui, mais ces petits gains ont un coût en termes démocratiques, coût qui peut faire l'objet d'une évaluation. Il est vrai que ni les interpellations urgentes ni le débat de préconsultation ne constituent des modes d'expression majeurs de notre parlement; nous leur voyons toutefois une utilité. Le plus regrettable dans cette démarche, c'est que vous refusez toute entrée en matière lorsque nous vous proposons des projets de lois portant davantage sur le fond du problème auquel nous nous trouvons confrontés - à savoir le constat que nous, députés de milice, ne sommes plus en mesure d'assumer la charge que la République attend de nous. Vous voulez poursuivre sur la voie de la réformette et vous disposez la majorité: selon moi, ces projets de lois seront, tôt ou tard, acceptés. Mais nous ferons le point dans quatre ans, dans huit ans, lorsque nous nous trouverons toujours dans la même situation. Il faudra, un jour, s'attaquer au fond du problème, qui est le suivant: notre Grand Conseil est-il encore en mesure de fonctionner avec des parlementaires de milice ?

S'agissant de ce projet de loi, nous soutenons bien entendu les amendements socialistes, qui proposent un aménagement en des termes plus acceptables de la proposition contenue dans le PL 8703. J'espère que le Grand Conseil suivra également cette voie.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, je vous serais reconnaissante de transmettre à M. Vanek que je m'élève en faux contre sa démonstration selon laquelle le temps de parole et la durée du débat de préconsultation ont un lien direct avec la qualité des travaux menés en commission ou, éventuellement, avec la priorité des objets renvoyés en commission. A mon sens, nous frisons l'overdose - voire la saturation - lors les débats de préconsultation et nous pouvons, dans certains cas, être allergiques à certaines diarrhées verbales !

Aujourd'hui, ce projet de loi prend encore davantage de sens au regard des préoccupations de la grande majorité des députés. Bien sûr, plusieurs d'entre nous partagent le sentiment que quelques-uns seraient extrêmement heureux de pouvoir se gargariser encore longtemps, quitte à retarder l'ordre du jour... Il me semble qu'en multipliant des projets de lois visant à gagner du temps, à mieux travailler, à nous montrer plus synthétiques et à aller à l'essentiel, nous demeurons dans le respect des droits démocratiques. C'est pourquoi le groupe PDC vous demande de soutenir ce projet de loi comme un signe de bonne volonté, de concision, même s'il ne s'agit pas d'un projet génial ! (Applaudissements.)

Présidence de Mme Françoise Schenk-Gottret, deuxième vice-présidente

M. Robert Iselin (UDC). Je souhaite m'inscrire en faux contre les propos tenus par M. Vanek. Pas plus tard qu'il y a quarante-huit heures - ou même vingt-quatre - un membre par parti de la commission des finances a été convoqué pour passer en revue les objets en suspens. Bien que tous les partis n'aient pas été représentés, nous avons travaillé de manière très sympathique et très agréable pendant deux heures. Le résultat de nos efforts a été le suivant: nous avons accordé des degrés d'urgence plus ou moins grands à certains projets. Je ne comprends pas comment l'on peut prétendre que des personnes travaillant pour la République en raison de convictions personnelles se mettent à fausser les débats pour empoisonner la partie adverse. Il s'agit d'une plaisanterie !

Une voix. Absolument !

M. Robert Iselin. Prenons les sept partis qui composent ce parlement - en attendant que ce dernier en compte moins: si le représentant de chaque parti intervient durant cinq minutes, cela fait un total de trente-cinq minutes. A ces trente-cinq minutes s'ajoute le temps que le président ou la présidente prend pour nous donner la parole. Avec un petit charivari par-ci, par-là, il y en a pour une heure ! (Protestations.)

En admettant que l'on parvienne à traiter quatre projets de lois par soirée et que les débats sur chacun de ces projets durent soixante minutes, cela fait un total de deux cent quarante minutes ! Après cela, la séance est terminée: on rentre à la maison !

Je regrette d'avoir à dire que les débats de préconsultation durant lesquels chacun expose ses propres convictions sont totalement inutiles ! Si vous voulez empêcher que l'on discute du budget, il s'agit d'une autre question: on peut faire une exception pour le projet de budget. Par ailleurs, si j'ai bien compris le texte qui nous est soumis, un député peut proposer la discussion immédiate d'un projet de loi; sa proposition serait alors mise aux voix sans débat. Que voulez-vous de plus démocratique que cela ?!

La présidente. Je prierai M. Cramer de ne plus disperser l'attention des intervenants. (Rires et applaudissements.)La parole est donnée à M. Kunz, rapporteur de majorité.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Madame von Arx-Vernon, le génie est rare ! Même, malheureusement, au sein de ce parlement ! Il est vrai que nous avançons petit à petit, en bûchant, le mieux possible, vers la vérité...

Après toutes les envolées lyriques de ce que l'on nomme «les bancs d'en face», redevenons quelque peu pragmatiques, s'il vous plaît ! Chacun devrait convenir que l'ensemble de la population genevoise - enfin, je veux parler du dernier quarteron qui ne s'est pas encore endormi, surtout depuis que Léman Bleu retransmet nos débats - s'accorde sur le fait que notre Grand Conseil se perd et détruit sa crédibilité en verbiages. (Exclamations.)Manifestement, la minorité ne veut toutefois ni entendre, ni voir: elle refuse d'admettre l'évidence, probablement parce qu'elle recherche moins l'efficacité que d'autres buts. (Brouhaha.)

En témoignent le rapport de minorité de M. Charbonnier et les arguments quelque peu curieux qu'il invoque et qui ont été repris par nombre d'entre vous... L'augmentation du travail, déclare-t-il, est due à l'explosion du dépôt de nouveaux projets de lois. Est-ce qu'il sous-entend par-là qu'il faudrait réduire, voire supprimer le droit des députés de déposer des projets de lois ?! Il souligne par ailleurs que la médiatisation de certains projets de lois ne remplace pas le débat démocratique. C'est exact... Mais il ne s'agit pas de cela: il s'agit de mettre un terme au verbiage qui, lui, lorsqu'il est inutile, incohérent et répétitif, tue le débat démocratique ! Enfin, M. Charbonnier et d'autres affirment qu'il est anormal de s'en remettre à la seule presse sur un sujet aussi important que le budget. Je ne peux cependant pas croire que le parti socialiste et l'ensemble de la gauche aient besoin d'un débat de préconsultation pour faire connaître publiquement leur opinion concernant un budget ! De surcroît, comme l'a relevé M. Iselin, chacun est à même de réclamer, à tout moment et pour tout projet de loi, la discussion immédiate.

S'agissant des gains de temps envisageables, je vous renvoie au cas concret présenté dans le rapport de majorité: le 2 février dernier, le temps de préconsultation consacré par le parlement au traitement de cinq projets de lois - dont deux déposés par le Conseil d'Etat - a été de une heure trois quarts ! Et pourquoi ? Pour entendre des déclarations qui seront de toute façon répétées en commission et qui n'ont, ce jour-là, absolument pas été reprises par la presse ! Vos arguments sont donc totalement inopérants !

J'aborderai un dernier point: M. Vanek est très longuement intervenu pour nous exposer ses craintes. Il a peur de l'enterrement de projets de lois durant une dizaine d'années en commission... (Brouhaha.)Mais, franchement, qu'est-ce que le débat de préconsultation change à cela ?! Vos projets de lois, comme les nôtres, continueront à être enterrés à cause du mauvais travail des commissions - car il faut bien reconnaître que ces dernières font parfois du mauvais travail ! Ces projets de lois sont principalement enterrés parce qu'ils ne sont pas d'une grande actualité ou parce qu'ils dérangent trop: c'est exact ! (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)Ma foi, cela fait également partie de la démocratie ! Or la démocratie n'est pas toujours efficace !

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité ! Le bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits MM. Annen, Charbonnier et Vanek... lequel renonce. La parole est donc à M. Annen.

M. Bernard Annen (L). Je souhaite simplement relever que nous n'avons pas tout à fait compris les amendements socialistes. Nous les attendons d'ailleurs, ils n'ont toujours pas été déposés sur nos bureaux. Pour l'instant, il est donc difficile de définir quelles incidences ils pourraient avoir sur notre règlement. C'est dire que nous sommes quelque peu hésitants à les soutenir ! J'avais cru comprendre lors de la présentation de ces amendements que ceux-ci annulaient totalement le projet de loi de nos collègues radicaux; une telle annulation aurait été inacceptable. Cependant, d'après les explications de M. Brunier, il semblerait qu'il y ait un moyen de trouver un compromis sur cette affaire - laquelle ne présente, à mon sens, pas d'enjeu fondamentalement politique.

Corrigez-moi si je me trompe, Monsieur Brunier: si j'ai bien compris, nonobstant la proposition que je retenais tout à l'heure de faire voter les chefs de groupe et le bureau pour déterminer les projets de lois qui pourraient repartir sans débat en cas de majorité qualifiée, ces amendements ne concerneraient que les projets de lois émanant des députés, et non ceux déposés par le Conseil d'Etat. Je fais exception du projet de budget, car il me paraîtrait bizarre que nous n'intervenions pas au soir de la présentation du budget par le Conseil d'Etat. Il serait pour le moins étrange que le Conseil d'Etat fasse ses déclarations et que les députés ne puissent pas y répondre ! Dès lors, il y a matière à discuter. Je vous répète toutefois, Monsieur le président, que je souhaiterais disposer des amendements pour que nous puissions en saisir la substance.

J'aimerais maintenant revenir sur la déclaration de M. Hodgers; je vous promets que je ne serai pas long. La déclaration de M. Hodgers est quelque peu cavalière dans la mesure où il traite ce projet de loi de «réformette». Il a raison sur le fond, mais qu'avons-nous décidé en commission ? Que cette dernière devait essayer de déterminer des pistes et de mettre en place des lois suffisamment conséquentes pour permettre à nos travaux d'accélérer. Voilà quelle a été la position de l'Entente et de l'UDC en commission !

Mais là, l'Alternative a déclaré qu'elle n'en voulait pas ! Alors, vous ne pouvez pas à la fois traiter les projets de lois de nos collègues de «réformette» et refuser d'étudier les pistes que nous avons signalées ainsi que les projets qui proposent des réformes plus profondes du fonctionnement de notre parlement ! Faites-nous confiance, nous reviendrons très prochainement sur ces pistes ! J'espère que le prochain projet qui vous sera soumis ne sera pas traité de «réformette», mais de «réforme en profondeur».

J'en termine pour l'instant, en attendant d'avoir les amendements du parti socialiste sous les yeux afin de décider de leur acceptabilité.

Le président. Merci, Monsieur le député ! Soyez rassuré: les amendements sont en voie de distribution. La parole est donnée à M. Christian Brunier. Monsieur le rapporteur de minorité, je ne vous ai pas oublié, je vous donnerai la parole ensuite.

M. Christian Brunier (S). Comme M. Annen vient de le demander, il me paraît nécessaire de préciser quelque peu le contenu des amendements déposés par le groupe socialiste. Je signale en préambule qu'il conviendra de traiter ces amendements d'un seul bloc. Il n'est en effet pas possible, pour une question de cohérence, d'en accepter une partie et d'en rejeter l'autre. Il faudra donc soit accepter le tout, soit rejeter le tout.

Voici le consensus que nous vous proposons par le biais de ces deux amendements: le premier amendement consiste à ajouter, aux alinéas 2 et 3 de l'article 126 du projet de loi voté par la commission la mention, les mots: «émanant du Conseil d'Etat». Tous les projets de lois émanant du Conseil d'Etat seraient ainsi automatiquement renvoyés en commission. Nous partons ici du principe que ces projets ont déjà fait l'objet d'âpres discussions au sein du Conseil d'Etat, voire avec la société civile. (Brouhaha.)Carlo Sommaruga déposera par ailleurs un sous-amendement afin que le projet de budget échappe à cette disposition; ce sous-amendement devrait répondre à la demande du groupe libéral.

Notre deuxième amendement consiste à ajouter à l'article 126 un alinéa supplémentaire permetttant aux deux tiers des membres du Bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, de renvoyer un projet de loi émanant de l'un de nos partis directement en commission. Cette disposition a pour but d'éviter qu'un seul groupe soit en mesure de bloquer complètement les travaux du parlement.

Ces amendements représentent à notre sens un bon consensus, car ils permettent à la fois de conserver le débat démocratique sur la préconsultation lorsqu'il le faut et de renvoyer tous les autres projets en commission afin d'éviter de perdre du temps en plénière.

Le président. Les deux rapporteurs ayant demandé la parole, M. le rapporteur de majorité s'exprimera en premier, puis ce sera le tour de M. le rapporteur de minorité.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'avoue, à titre personnel, être franchement scandalisé par ces amendements qui arrivent en session plénièren après presque une année de travail ! Il y a là quelque chose d'absolument grotesque et d'inadmissible par rapport au fonctionnement de notre Grand Conseil ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Monsieur Brunier, trois de vos collègues ont travaillé avec nous en commission pendant des mois et des mois...

M. Alain Charbonnier. Pendant deux séances !

M. Pierre Kunz. Et vous débarquez maintenant en session plénière avec ces amendements ?! Ces derniers ne sont évidemment pas acceptables pour nous, radicaux. Toutefois, si, à défaut de la majorité qui était celle de la commission, une majorité se dessine dans ce Grand Conseil, nous l'accepterons. Je tiens néanmoins à stigmatiser une telle attitude, qui démontre l'amateurisme de certaines personnes travaillant dans cette enceinte.

Une voix. C'est vraiment dingue !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. M. Kunz a déclaré que la commission travaillait depuis des mois et des mois sur ce projet de loi... J'explose de rire ! Comme il est indiqué dans le préambule de son rapport de majorité, ce n'est que le 6 novembre 2002 - soit durant une seule séance - que la commission a traité ce projet de loi. M. Kunz évoque des mois et des mois de travail alors que l'Entente a foncé sur ce travail ! Je rêve ! (Brouhaha.)

Je tiens par ailleurs à rassurer M. Kunz, qui a suspecté le parti socialiste de désapprouver le nombre important de projets de lois déposés. Pas du tout: il ne s'agit là que d'un constat ! Nous nous référons à une statistique fournie par le Service du Grand Conseil, statistique qui montre que le nombre de projets de lois déposés par les députés ont triplé, voire quadruplé, durant les dix dernières années. Nous ne remettons nullement ce fait en question: au contraire ! Comme l'a relevé M. Antonio Hodgers, cette statistique démontre toutefois la nécessité de revoir de manière globale notre méthode de travail.

Réformette ou pas réformette: je n'en sais rien ! Mais saucissonnage, c'est certain ! Puisque vous proposez quatre ou cinq projets de lois au lieu de regrouper vos propositions ! C'est cela qui nous prend énormément de temps !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 40 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis à l'article 126 de deux amendements ainsi que d'un sous-amendement.

Le premier amendement consiste à modifier ainsi l'alinéa 2: «Le projet de loi émanant du Conseil d'Etat est renvoyé en commission sans débat».

Un sous-amendement concernant ce même alinéa 2, actuellement distribué aux membres du Bureau et aux chefs de groupe, précise... (Brouhaha.)

Une voix. On entend mal !

Le président. Si les personnes présentes dans cette enceinte étaient plus silencieuses, on m'entendrait mieux ! Le sous-amendement prévoit donc que seul le projet de loi émanant du Conseil d'Etat à l'exception de la loi budgétaire serait renvoyée en commission sans débat.

Le deuxième amendement socialiste propose quant à lui l'ajout d'un alinéa 5 à l'article 126. Cet alinéa précise: «Les deux tiers des membres du Bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, peuvent renvoyer un projet de loi en commission sans débat».

Comme M. Brunier l'a demandé, je ferai voter ces divers amendements en même temps. M. Brunier avait en effet indiqué que ces amendements n'avaient pas de sens indépendamment les uns des autres. Avant de mettre aux voix ces amendements, je donne la parole à M. Rodrik.

M. Albert Rodrik (S). Le budget s'appelle «loi de finance annuelle». Si l'on veut bien mettre le texte en harmonie...

Le président. Il s'agit d'une excellente remarque, Monsieur le député, mais figurez-vous que je suis tenu de lire les amendements tels qu'on me les présente. Vous avez cependant apporté une contribution tout à fait adéquate; il faudrait donc comprendre l'un des trois amendements comme étant exprimé de cette manière.

La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix ce bloc d'amendements.

Mis aux voix, ce bloc d'amendements est rejeté par 48 non contre 41 oui.

Mis aux voix, l'article 126 est adopté, de même que l'article 130 (abrogé).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 8703 est adoptée article par article.

Le président. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder. Celles et ceux qui acceptent ce projet de loi répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8703 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 41 non. (Applaudissements.)

Appel nominal