République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8748-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de MM. Jacques Jeannerat, Blaise Matthey, Jean Rémy Roulet, Gilles Desplanches, Jean-Marc Odier, Alain Meylan, Ivan Slatkine, André Reymond, Mark Muller, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi modifiant la loi sur les routes (L 1 10)
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC)
Rapport de minorité de M. Christian Grobet (AdG)

Premier débat

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'engage tous les députés de ce Grand Conseil à voter ce projet de loi. Genève est un petit canton-ville dans lequel on ne peut se permettre de développer une multitude de politiques des transports différentes. Il est important que notre canton possède une vision claire en matière de transport et de circulation. Or, aujourd'hui, c'est la confusion qui règne ! C'est la gabegie: on ne sait pas qui fait quoi ! Il n'existe actuellement absolument aucune base, aucun document de référence en matière de transport qui fasse véritablement foi. Il faut donc prendre des mesures !

C'est précisément ce que propose ce projet de loi, lequel est plein de bon sens, tout à fait raisonnable et, de surcroît, conforme à la pratique d'autres cantons. Genève est l'un des derniers cantons à ne pas disposer d'une loi claire en matière de circulation et de transport. Or, une telle loi permettrait une meilleure lisibilité des compétences de chacun, que ce soit la Confédération, le canton ou les communes. Elle permettrait par ailleurs de clarifier la situation et de répondre au désir des citoyens genevois. Ces derniers ont en effet souhaité inscrire la complémentarité des modes de transports dans la constitution et disposer d'une politique claire en matière de transport. Cette volonté s'est notamment manifestée par le refus de deux projets de lois qui proposaient de transférer aux communes les compétences relatives aux transports. Le projet de loi tout à fait raisonnable que nous vous proposons va dans le sens souhaité par les citoyens. C'est pourquoi je vous invite à le voter.

Le président. La parole est à M. le rapporteur de minorité, qui est à nouveau parmi nous.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. J'étais simplement sorti deux minutes de la salle, Monsieur le président. J'étais donc toujours présent au sein de ce Grand Conseil !

Je voudrais en premier lieu contester les termes outranciers utilisés par Mme Ruegsegger. Cette dernière a parlé de gabegie et de manque de transparence quant à la politique des transports à Genève. Or, cette politique me semble au contraire parfaitement claire ! Mais peut-être connaissez-vous mal les lois qui s'appliquent ? Nous savons que les transports publics relèvent du domaine cantonal. Nous savons en outre que la gestion du réseau routier se partage entre le canton - pour ce qui concerne les routes cantonales - et les communes - pour ce qui concerne les routes communales. Il n'existe qu'une commune pour laquelle il n'existe aucune route cantonale: il s'agit de la Ville de Genève. La gestion de l'ensemble du réseau routier de la Ville de Genève, qui incombait jusqu'alors à l'Etat, a en effet été transférée à la Ville de Genève en 1975. Par conséquent, contrairement aux quarante-quatre autres communes dont le réseau est formé à la fois de routes cantonales et de routes communales, il n'existe en Ville de Genève que des routes communales.

En ce qui concerne la hiérarchie du réseau routier cantonal, nous connaissons les routes nationales: il s'agit des autoroutes et des routes dites d'importance nationale, qui sont subventionnées par la Confédération. Ces dernières ayant été établies par la Confédération, elles sont parfaitement connues et leur statut est clair. Reste à décider, sur le plan cantonal, quelles sont les routes principales et quelles sont les routes secondaires. Cette distinction est claire pour l'ensemble des communes à l'exception de la Ville de Genève: les routes principales sont définies comme étant des routes cantonales, les autres comme étant des routes communales.

En Ville de Genève se pose la question suivante: faut-il fixer une hiérarchie entre les différentes routes ? Nous doutons pour notre part que cette mesure apporte des éléments nouveaux. Vous affirmez que ce projet de loi vise à clarifier la situation. Nous pensons au contraire que ce projet de loi va précisément à l'encontre d'une clarification de la situation. La hiérarchisation du réseau cantonal que vous proposez dans ce projet de loi implique en effet une intervention de l'Etat pour fixer ledit réseau. On ne parle dès lors plus du tout des communes ! Vous avez déclaré tout à l'heure que les propositions d'octroi de certaines compétences aux communes avaient été rejetées par le peuple - ce que nous regrettons. Ce rejet portait sur des questions relativement mineures. Il ne faudrait cependant pas non plus retirer aux communes les compétences dont elles disposent actuellement. Or, ce projet de loi n'évoque à aucun moment les communes, quand bien même ces dernières sont directement concernées par la hiérarchisation du réseau routier ! C'est la raison pour laquelle je propose dans mon rapport de minorité que le rôle que doivent jouer les communes dans l'établissement de cette hiérarchie soit au moins précisé dans ce projet de loi. Bien que nous estimions que ce projet de loi ne présente pas une grande utilité, il nous semble que la moindre des choses serait de consulter les communes avant que les autorités cantonales n'imposent une hiérarchie de notre réseau cantonal routier ! Il nous paraît absolument inconcevable que les communes soient mises à l'écart et ne puissent pas participer à ce débat. Les partis de l'Entente sont en général les premiers à demander le respect de la maigre autonomie que possèdent les communes genevoises. Nous demandons donc que ce projet de loi soit complété de manière que la collaboration des communes soit inscrite dans la loi.

M. Christian Bavarel (Ve). Ce projet de loi vise à faciliter l'utilisation de la voiture; il apportera certainement différentes améliorations destinées à favoriser cet usage. Suite à l'accident climatique que nous avons vécu cet été et compte tenu des liens de plus en plus évidents et incontestés entre le réchauffement climatique et les usages accrus des énergies fossiles, les Verts sont persuadés de la nécessité d'opérer un changement de civilisation: il s'agit de quitter la civilisation du pétrole pour trouver une autre civilisation !

Nous savons certes qu'il faudra encore utiliser pendant quelque temps des transports consommant du pétrole, tant pour le transport de marchandises d'un point à l'autre de la ville que pour des usages privés. Nous souhaitons toutefois préparer un changement radical dans cette manière de penser. Nous ne pensons pas que ce projet de loi aille dans le bon sens. C'est pourquoi nous le refuserons.

M. Gabriel Barrillier (R). M. Bavarel vient de reconnaître l'utilité du réseau routier pour ce qui concerne le transport des marchandises et la mobilité. Pour ma part, j'irai même plus loin: cette mobilité est l'une des conditions du développement harmonieux d'une société et, partant, de la région genevoise. Or, il est vrai que Genève vit une situation tout à fait particulière - non seulement en matière de réseau routier mais également dans d'autres domaines - du fait de la dualité entre les compétences du canton en matière d'aménagement du territoire et celles d'une commune possédant un certain poids. Ces compétences entrent trop souvent en collision les unes avec les autres.

L'organisation du réseau routier illustre bien cette dualité qui paralyse notre canton. Si j'insiste sur l'importance que revêt la hiérarchisation du réseau routier pour les PME et l'activité économique de notre canton, c'est parce que l'on a vu les obstacles auxquels se heurtent les modifications en matière de liberté de circulation et d'organisation de la circulation en ville de Genève: il s'agit à chaque fois d'une guerre de tranchées entre, d'une part, les habitants, d'autre part, les commerçants et les utilisateurs - lesquels ne sont pratiquement jamais écoutés. C'est la raison pour laquelle le parti radical applaudit à la mise en ordre de cette hiérarchie et des compétences en matière de circulation et de transport en ville de Genève. Nous accepterons donc ce projet de loi.

Le président. Beaucoup d'intervenants se sont inscrits. J'aimerais cependant que l'on parvienne à terminer le traitement de ce projet de loi ce matin. La parole est à M. le député Kanaan.

M. Sami Kanaan (S). Il semblerait que l'Entente possède un certain nombre de croyances relevant du dogme et n'entretenant aucun lien avec la réalité. (Protestations. Le président agite la cloche.) M. Barrillier vient de rappeler l'une de ces croyances: il s'agit de l'obsession selon laquelle, sur le territoire de la Ville de Genève, ce serait la Ville de Genève qui prendrait les décisions en matière de trafic. Comme je ne pense pas que vous soyez tout à fait stupides, je suppose que vous êtes conscients de tenir là des propos inexacts... Si vous voulez critiquer quelqu'un, critiquez le Conseil d'Etat, respectivement le DIAE et l'OTC ! Ce dernier doit en effet valider toutes les décisions: il doit accepter ou refuser les décisions prises sur le canton en matière de circulation - avec toutes les voies de recours existantes s'il s'agit d'arrêtés ou de décisions réglementaires administratives ou avec toutes les voies référendaires s'il s'agit de lois. Le peuple a refusé une délégation partielle de tâches aux communes, et je fais partie de ceux qui regrettent ce refus. Vous avez voulu qu'il refuse cette délégation, il l'a refusée. La seule compétence que la Ville de Genève possède sur son territoire, c'est de payer ! Elle doit en effet payer, y compris pour les routes cantonales, les frais d'entretien liés au réseau routier. Il en va de même s'agissant des changements de marquage: c'est l'OTC qui valide ces changements, mais c'est la Ville de Genève qui doit les exécuter et les payer ! Ainsi, si l'OTC change, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, dix fois par année le marquage à tel ou tel endroit, la Ville de Genève devra payer dix fois ce changement de marquage ! La Ville de Genève possède certes un droit de proposition - qu'elle utilise peut-être trop abondamment à votre goût. Elle ne possède cependant, et j'insisterai sur ce point autant de fois qu'il le faudra, aucune compétence décisionnelle. Quant à la situation actuelle qu'a rappelée notre collègue Grobet, il ne me semble pas que ce soient des majorités de gauche qui l'aient créée: ce n'est pas une majorité de gauche qui avait décidé à l'époque de déléguer la gestion et surtout le paiement des tâches en matière de réseau routier en Ville de Genève - y compris sur les routes cantonales ! Cessez d'accuser la Ville de Genève de prendre des décisions, car elle ne peut pas en prendre !

Nous avons accepté d'entrer en matière sur un projet de loi qui clarifierait certaines confusions liées non pas aux compétences réelles ou supposées de la Ville de Genève, mais aux problèmes de définition par rapport au droit fédéral et au rôle des uns et des autres. Nous avons déclaré d'emblée que nous étions prêts à discuter de cette question. Nous avons également accepté de réfléchir à la possibilité d'établir, par analogie avec le plan directeur des transports publics, un plan directeur du réseau routier: il n'y a en effet aucune raison de ne pas établir un tel plan, qui constituerait un instrument de planification des besoins. Comme cela a été rappelé aujourd'hui, votre vraie obsession concerne malheureusement la situation en Ville de Genève: vous avez décidé une fois pour toutes que cette situation était inacceptable ! Vous faites référence à la constitution: le peuple a effectivement voté le principe de la complémentarité des modes de transports. Or, ce projet viole intégralement ce principe ! Pour créer une complémentarité entre les modes de transports, il vous faut en effet offrir une égalité des chances et un traitement équitable aux différents modes de transports !

Actuellement, circuler en Ville de Genève est certes difficile à certaines heures et en certains lieux. Je puis cependant vous affirmer qu'il est beaucoup plus difficile de s'y déplacer pour les piétons, les cyclistes et même les TPG en raison de l'anarchie totale et de l'excès de trafic qui y règnent ! Même en faisant abstraction des problèmes de pollution et de bruit et en se concentrant uniquement sur des espaces et sur des lois physiques qui devraient théoriquement être identiques pour vous et pour nous, on en arrive au constat que l'espace à disposition est limité. Il semblerait cependant que vous réinventiez en permanence la physique... L'espace étant limité, à moins que vous ne vouliez jouer les Haussman du XXIe siècle et raser des quartiers entiers de la ville, vous n'élargirez pas le réseau routier en Ville de Genève ! Or, le nombre de voitures augmente, et ceci entre autres parce que vous passez votre temps à faire croire à des chimères: «Oui, il est possible en tout temps et à tout moment de circuler en voiture sur un territoire géographiquement restreint» ! Et le pire, c'est que vous prétendez défendre les intérêts des commerçants et des PME alors que votre approche les désavantages en permanence !

Nous avons déclaré que nous étions prêts à entrer en matière s'agissant du trafic dit professionnel - livraisons et autres artisans. Nous saluons à cet égard la mise en place par le Conseil d'Etat d'un groupe de travail mixte chargé d'étudier les moyens d'améliorer les conditions. Cette amélioration passe par des solutions concrètes; elle passe, par exemple, par un contrôle accru des places de livraison. Ce trafic est légitime et nécessaire. Ce qui encombre nos rues, ce sont les pendulaires et les personnes qui font un kilomètre en voiture pour acheter des cigarettes ! Nous devrions théoriquement nous accorder sur le fait que ce trafic est clairement parasite. Invoquer la liberté constitue, dans ce cas, un abus de langage ! Nous possédons tous la liberté de faire ce que nous voulons quand nous le voulons. Mais vous savez fort bien que cela n'est pas possible dans une société civilisée ! Ce projet de loi, du moins dans ses intentions d'origine, viole de surcroît votre propre initiative de l'époque sur la liberté du choix du mode de transport. Il est par ailleurs économiquement contre-productif. Je m'étonne que vous défendiez des positions allant directement à l'encontre de la mobilité professionnelle des artisans et des livraisons en ville de Genève ! (L'orateur est interpellé.)Je conclus bientôt...

Le travail de commission a permis de réparer certaines absurdités contenues dans ce projet de loi. Je pense en particulier à la volonté d'inscrire dans la loi un plan fixant chaque rue. Je vous rappelle la nature de ce plan: vous aviez même mis la rue des Etuves en réseau secondaire, soit donnant la priorité au trafic motorisé ! Cette mesure démontre une réelle compétence et une réelle intelligence... La commission a heureusement réparé de telles absurdités et s'est efforcée de fonctionner sur un mode plus rationnel ! L'ensemble de ce projet de loi - lequel aurait pu être utile à la clarification de certains éléments - a cependant été dévié de cet objectif raisonnable et intelligent. Il a, une fois de plus, servi à alimenter vos obsessions complètement irrationnelles en matière de voitures ! Or, nous ne pouvons soutenir une telle obsession. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi ! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. le député Reymond. Si vous voulez que les urgences se fassent, il faudra quelque peu tarir la source...

M. André Reymond (UDC). Vous savez que la plupart des associations soutiennent ce projet de loi. Genève est le seul canton à ne pas avoir hiérarchisé son réseau routier. Plusieurs cantons tels que Fribourg, Vaud, Valais et Neuchâtel ont déjà entamé ces démarches. Je me permettrai de vous rappeler que cette hiérarchisation améliorera la fluidité du trafic. Il en résultera une diminution de pollution; certains quartiers seront en outre débarrassés du trafic de transit. Il convient également de signaler que ce projet de loi n'engendrera aucune violation du droit fédéral.

Si je regrette que toutes les communes n'aient pas été consultées à ce sujet, je me permettrai de rappeler qu'elles ne disposent pas des ingénieurs spécialisés nécessaires à l'établissement de ce travail. Je vous propose donc et j'espère que vous soutiendrez ce projet de loi, car ce plan directeur doit répondre à des exigences régionales, et non pas uniquement locales.

Le président. Nous poursuivons le débat d'entrée en matière. Une fois que tous les députés inscrits se seront exprimés, je vous proposerai de voter l'entrée en matière. Nous arrêterons le débat après ce vote d'entrée en matière. Nous continuerons ce débat cet après-midi après les points 79 et 102 de notre ordre du jour. La parole sera successivement à Mme et MM. Desplanches, Brunier, Catelain, Ruegsegger, Grobet et Moutinot. (Le président est interpellé par M. Spielmann.)La liste est close, Monsieur Spielmann !

M. Gilles Desplanches (L). Il convient de remettre l'église au milieu du village.

En premier lieu, qui peut affirmer aujourd'hui que la situation fonctionne dans le centre-ville ? La situation me semble claire: comme l'a relevé Mme Ruegsegger, c'est la gabegie ! C'est réellement la gabegie, puisque la circulation ne s'améliore pas aujourd'hui.

En deuxième lieu, lorsqu'on écoute les orateurs, on a de la peine à comprendre les travaux qui ont été menés en commission. Par le biais de ce projet de loi, cette dernière a travaillé sur un concept. Derrière ce projet de loi se trouve surtout un groupe, le CODEP, qui est représentatif de toutes les associations - qu'elles soient favorables ou défavorables à la voiture. Beaucoup d'amendements présentés par le CODEP ont été acceptés par la commission dans le but évident de faire avancer la situation. Il est vrai que pour beaucoup au sein de ce plénum, c'est la politique des rois de France qui prévaut: on divise pour mieux régner en proposant quarante-quatre plans de circulation différents ! La situation me semble très différente: il nous faut, comme dans d'autres cantons, mettre en place un plan de circulation permettant une certaine fluidité du trafic.

Je souhaite en troisième lieu revenir sur quelques concepts. Puisque l'on évoque la complémentarité des modes de transports, je mentionnerai le parking de Sécheron: on n'arrive toujours pas à s'entendre sur ce parking alors que des lignes de tramway sont sur le point d'apparaître ! On ne réussit pas à s'entendre, car même les magistrats ne parviennent pas à convenir d'un rendez-vous ! Ne nous faites donc pas dire que la complémentarité du trafic constitue un élément indispensable à vos yeux ! Nous, nous voulons la complémentarité, et c'est pour cela que nous avons proposé le projet de loi 8748.

S'agissant des PME et des artisans, M. Kanaan devrait examiner de manière plus attentive le nombre de places de parking à proximité des centres commerciaux. Nous ne demandons pas des places pour les véhicules des artisans et des commerçants, mais simplement pour que leurs clients puissent venir ! Il est vrai qu'il y a 50% d'entreprises en moins dans les quartiers; il est vrai que les épiceries ont disparu et qu'il n'y aura bientôt plus de boucherie ni de commerce artisanal. Mais c'est certainement ce que vous souhaitez ! Aujourd'hui, malheureusement ou heureusement, une partie de la population a besoin de son véhicule. Nous n'encourageons ni le trafic pendulaire ni les personnes qui prennent leur voiture pour aller acheter un paquet de cigarettes un kilomètre plus loin. Nous affirmons cependant très clairement qu'il est nécessaire de mettre en place un plan de circulation. Ce plan de circulation doit en outre être de la compétence du canton, car seul ce dernier possède une vision suffisamment large pour intégrer des valeurs démocratiques que l'ensemble de notre parlement devrait défendre.

M. Christian Brunier (S). J'ai le sentiment que certains proposent un projet de loi en pensant que ce dernier permettra à lui seul de résoudre tous les problèmes. Mais ces personnes évoquent des problèmes que n'aborde absolument pas ce projet de loi !

M. Desplanches a par exemple relevé l'existence d'un problème de circulation en prenant à titre d'illustration la construction du parking de Sécheron; il a fait remarquer que ce parking ne serait pas achevé lorsque le tram serait, lui, terminé. Or, ce sujet n'est nullement évoqué dans ce projet de loi ! Il n'a rien à voir avec ce projet de loi ! L'issue de ce projet de loi ne changera pas le fait qu'il y ait eu absence de coordination entre les travaux du tram et les travaux de construction du parking de Sécheron ! Cette absence de coordination est déplorable, et la gauche comme la droite l'ont condamnée. Elle n'est cependant nullement liée au projet de loi 8748 ! Il ne faut pas berner les gens, Monsieur Desplanches !

L'on a par ailleurs entendu sur les bancs de l'UDC que le monde associatif soutenait ce projet de loi. Il s'agit là d'une méconnaissance notoire du monde associatif ! (Brouhaha.)Notre canton a la chance de posséder un tissu associatif large. Or, à l'exception du TCS - lequel a déclaré qu'il soutenait ce projet de loi, mais du bout des lèvres et davantage par affiliation politique que par véritable conviction - et de quelques associations patronales, les autres associations ne se sont pas exprimées sur ce projet de loi ou l'ont fait d'une manière critique.

Examinons maintenant quel sera l'impact réel de ce projet de loi. Je citerai l'un des alinéas de ce projet de loi qui me paraît particulièrement nocif pour les intérêts de la population. Il s'agit de l'alinéa 2 de l'article 3B: «Les réseaux primaire et secondaire sont affectés prioritairement au trafic motorisé public et privé». Analysons concrètement la portée de cet alinéa: la plupart des pénétrantes genevoises sont des axes dont le début peut effectivement être prioritairement attribué au trafic routier, qu'il soit privé ou public. En revanche, dès que la pénétrante arrive dans des zones urbanisées abritant des écoles, des commerces et des personnes se déplaçant à pied, le fait d'accorder la priorité au trafic routier peut s'avérer extrêmement dangereux et casser des compromis qui sont en voie d'être trouvés sur le terrain. Je prendrai à titre d'illustration un compromis que vous connaissez toutes et tous: il s'agit du compromis relatif à la route de Malagnou. Cette dernière peut être attribuée prioritairement à la voiture de l'Autoroute Blanche jusque sur les Hauts-de-Malagnou. En revanche, des Hauts-de-Malagnou jusqu'à la ville, il existe un trafic routier important qui entrave entre autres la sécurité des piétons et des enfants se rendant à l'école. Afin de garantir la sécurité de ces piétons, un plan d'aménagement est en train de se mettre en place. Je prendrai un exemple très concret: ce plan prévoit notamment un passage pour piétons sécurisé - ce qui n'est pas le cas actuellement - qui amènerait les enfants habitant Malagnou à l'école située au chemin de Roches. Or, un tel projet de loi peut nous conduire devant un tribunal, car, en créant un passage sécurisé pour les enfants à cet emplacement, on n'accorde plus la priorité aux voitures. Avec un tel projet de loi, vous exposerez donc des enfants à des risques d'accident dans un secteur extrêmement urbanisé ! Je crois que ni vous ni nous ne souhaitons cela. Mais ce projet de loi contient des travers dangereux qui casseront des compromis sur le point d'être trouvés entre les milieux automobiles, les milieux environnementaux et les associations de quartiers. Vous n'êtes pas conscients des effets qui peuvent être engendrés par un tel projet de loi ! Ce dernier peut se révéler éminemment dangereux pour la vie même des Genevoises et des Genevois qui habitent dans ces quartiers. C'est pourquoi je vous demande de renoncer à ce mauvais projet de loi !

Par ailleurs, faire croire que l'on accroîtra la fluidité en segmentant un peu mieux le réseau de transport routier et en accordant la priorité aux réseaux primaire et secondaire constitue une gageure: ce sont des fausses promesses ! Nous savons fort bien que le problème majeur de notre canton - et il ne s'agit là pas d'une dérive idéologique - c'est qu'il y a un nombre trop élevé de voitures sur un territoire aussi restreint. Sami Kanaan vous l'a d'ailleurs déjà expliqué. Tant que les voitures seront aussi nombreuses, la fluidité ne sera pas possible ! On ne dispose d'aucune solution pour le centre-ville, car on ne peut pas multiplier le réseau routier. Le seul moyen d'assurer la fluidité... (L'orateur est interpellé.)...c'est donc de diminuer le nombre de voitures au centre-ville et dans les communes fortement urbanisées. Cette diminution passe par un développement prioritaire des transports publics, développement auquel vous n'adhérez toujours pas ! Il s'agit là du seul moyen d'atteindre une certaine fluidité ou une situation s'en approchant.

Pour conclure, je relèverai que notre parlement est souvent appelé à voter des textes d'orientation sur le développement durable. Lorsqu'on reste au niveau théorique, nous sommes tous d'accord. En revanche, lorsqu'il s'agit de passer à la pratique, il y a visiblement tout un camp qui se dégonfle en matière de développement durable... Je souhaiterais un peu plus de cohérence entre vos théories, vos propos, les écrits de vos programmes et vos votes parlementaires dans ce Grand Conseil ! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. le député Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je n'interviendrai pas sur le fond de ce projet de loi, car mon collègue s'est déjà exprimé à ce sujet. Je ferai en revanche remarquer que le seul argument invoqué par le groupe écologique pour ne pas soutenir ce projet de loi réside dans la canicule, phénomène récent, et que ce même groupe préconise un changement de société. Si ce projet de loi n'a pas pour ambition de conduire à un changement de société, j'observe toutefois les éléments suivants par rapport à cette même canicule.

En premier lieu, la canicule a engendré deux problèmes: l'arrêt des TGV en raison du manque d'alimentation électrique et l'arrêt des éoliennes en raison du manque de vent. Je demande donc au parti écologique de nous fournir des éléments qui nous permettront d'alimenter en énergie les autres formes de transports.

En deuxième lieu, n'oublions pas que Genève est un canton-frontière: il s'agit d'une ville de transit, transit sur lequel notre influence est faible. Notre canton fait de plus en plus appel à la main-d'oeuvre frontalière: cette dernière compte 8'000 personnes de plus qu'il y a deux ou trois ans. J'ai assisté hier à la distribution par les TPG de prospectus publicitaires vantant une nouvelle ligne TPG passant par Fossard, ligne totalement illégale sur le sol français puisqu'en contradiction avec les accords de Schengen. J'ai à cette occasion pu constater que nous avions affaire à un véritable problème de société: quasiment aucun automobiliste ne voulait prendre ce prospectus et n'était mentalement prêt à changer de mode de transport. Ces considérations ne rentrent peut-être pas directement dans l'objet de notre débat. Il nous faut toutefois absolument prendre conscience du fait qu'une forte proportion des utilitaires de notre réseau de voirie ne font pas encore preuve de la mentalité que vous voulez leur faire adopter - mentalité qui consiste à utiliser des modes de transports différents. Ces utilitaires continueront à utiliser la voirie et à l'encombrer; or, la hiérarchisation de cette voirie engendre actuellement une pollution supplémentaire, puisque, comme vous savez fort bien, un véhicule à l'arrêt pollue dix fois plus qu'un véhicule qui roule.

Le projet de loi qui nous est proposé risque certes d'engendrer des effets pervers tels que ceux qui ont été soulignés par le groupe socialiste. Il oeuvre cependant également pour la protection de l'air, puisqu'il permettra d'éviter qu'un nombre croissant d'automobiles ne pollue à l'arrêt. Ce projet de loi devrait donc satisfaire le groupe écologique !

Le président. La parole est à Mme Ruegsegger, rapporteur de majorité.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Je souhaite simplement apporter deux précisions.

En premier lieu, M. Reymond a déclaré que les communes n'avaient pas été consultées. Cela est faux: l'Association des communes genevoises, qui représente les quarante-cinq communes de notre canton, a été auditionnée. Elle n'a, durant son audition, pas formulé de remarque particulière à l'égard du projet de loi. Une commune a par ailleurs été auditionnée seule et a émis des critiques à l'encontre de ce projet de loi: il s'agit de la Ville de Genève. Ces critiques sont compréhensibles dans la mesure où la Ville de Genève est sans doute la commune qui profite le plus de la gabegie et de la confusion actuelles pour mener la politique qu'elle souhaite en matière de transport et de circulation. Je rappelle toutefois que les Genevois ont clairement refusé cette vision des choses. Le projet de loi 8748 rejoint donc la volonté des Genevois de disposer d'une politique cantonale en matière de transport et de mettre fin à la sempiternelle guerre et à la sempiternelle confusion qui règne à Genève en la matière. Toujours concernant les communes, je vous rappelle que nous avons, en décembre 2001, voté deux projets - qui ont été qualifiés par M. Grobet d'insignifiants. Ces deux projets, qui visaient à transférer certaines compétences aux communes, n'étaient pas si insignifiants que cela. Les communes l'ont du reste fort bien compris, puisque, Ville de Genève comprise, elles les ont rejetées à l'unanimité. (L'oratrice insiste sur ce terme.)Seule une commune a accepté, à cinquante-quatre voix près, l'un de ces deux projets. Le message des communes était, me semble-t-il, on ne peut plus clair !

S'agissant de la complémentarité des transports et des votes parlementaires auxquels a fait référence M. Brunier, j'aimerais rappeler à ce dernier que les récents votes parlementaires de ce Grand Conseil sur les transports ont été acceptés à l'unanimité. Je pense notamment au vote relatif au CEVA et à celui concernant le contrat de prestations des TPG. Ce dernier, largement revu à la hausse, a été accepté par une immense majorité de ce Grand Conseil. Je tenais par là à souligner la volonté de la majorité de ce Grand Conseil de mettre en place une véritable complémentarité des transports dans notre canton. Il est vrai que nous ne partageons peut-être pas tout à fait la même définition de la complémentarité des transports: celle-ci ne consiste à notre sens pas à privilégier totalement un mode au détriment de l'autre et à saccager le mode de transport privé par tous les moyens - comme vous souhaitez le faire. Il s'agit pour nous de développer une politique des transports harmonieuse et de mettre fin à une guerre des transports qui ne profite à personne, qui engendre de la pollution et des pertes de temps et qui n'est pas sans conséquence économique pour les entreprises. Cette guerre des transports engendre également de la frustration et de l'énervement chez les Genevois, qui en ont ras-le-bol de se trouver dans des embouteillages. Nous demandons donc la mise en place au niveau cantonal d'une vraie politique des transports !

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Le rapporteur de minorité et le conseiller d'Etat doivent encore s'exprimer, après quoi nous voterons le premier débat et nous ferons la pause. La parole est donc à M. Christian Grobet.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Le débat sur un projet de loi dont on se dit, à sa lecture, qu'il n'apporte pas grand-chose de nouveau aura au moins eu le mérite de mettre en évidence les arrière-pensées des partis de la droite. Reste à savoir si ce projet de loi atteindra les buts que vous poursuivez. Sachez à cet égard que les partis de gauche et les écologistes se battront pour contrecarrer votre volonté d'augmenter la circulation en Ville de Genève ! Mme Ruegsegger prétend que ce projet de loi a pour but de mettre fin à la guerre des transports. Mais, en réalité, vous êtes en train d'activer le feu de la guerre des transports, laquelle deviendra de plus en plus intense avec la politique que vous voulez mener. Vous affirmez que la politique des transports du canton n'est pas claire. Or, cette politique, qui est menée depuis de nombreuses années, est tout à fait claire !

Il existe de votre part un double discours qui devient de plus en plus difficile à accepter: en votant des plans directeurs des transports reconnaissant la nécessité de faciliter le transfert modal, vous avez admis qu'il convenait de diminuer les déplacements en transports privés au profit des transports publics et de rattraper notre retard considérable par rapport à la situation existant dans les villes suisses alémaniques. Or, dans le même temps, vous menez des batailles qui ont vingt ou trente ans de retard ! Les autorités de toutes les autres grandes villes suisses admettent la nécessité de diminuer le trafic automobile et de développer les transports publics. Voici quelle est la politique des transports qui est inscrite dans les documents des plans directeurs de Genève, mais que vous ne voulez pas appliquer ! Vous cherchez à poursuivre votre politique passéiste en dépit de la situation climatique que l'on a connue cet été et de l'explosion des pointes d'ozone dans notre pays - et en particulier à Genève ! Nous aurons d'ailleurs l'occasion, Monsieur le président du Conseil d'Etat, de revenir sur cette question.

Je dois dire que j'ai quant à moi été stupéfait de l'absence de mesure prise par le Conseil d'Etat face à cette catastrophe climatique dont les conséquences sur la santé sont particulièrement graves. Il serait du reste intéressant de savoir si cette catastrophe a eu des répercussions à Genève. La France a peut-être le mérite de disposer de statistiques que nous ne possédons pas sur les causes de mortalité. Mais lorsqu'on sait que quinze mille personnes sont décédées suite au coup de chaleur en France, on peut se dire qu'il serait temps de prendre conscience de l'erreur que nous commettrions en suivant la route que vous nous proposez ! En tout cas, votre politique d'encourager l'augmentation du trafic en ville sera combattue, car les habitants de Genève souffrent d'une situation absolument intolérable de dépassement en matière de bruit et de pollution de l'air. Non seulement cette situation viole les prescriptions fédérales, mais elle est de surcroît contraire à toute politique raisonnable du respect de la santé de nos concitoyennes et concitoyens !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je constate qu'il est 12h10. M. Moutinot doit encore intervenir avant le vote d'entrée en matière. (Brouhaha.)Vous aviez voté l'urgence, mais je réalise tout d'un coup que le traitement de ce projet de loi n'est pas si urgent... Je demande absolument que nous poursuivions ce débat après les votes sur la fondation de valorisation... (Protestations. Le président agite la cloche.)

Des voix. C'est scandaleux !

Le président. A l'évidence, vous avez besoin d'une pause !

Suite du premier débat: session 10 (juin - août 2003) - séance 64 du 29.08.2003