République et canton de Genève

Grand Conseil

I 2026-A
Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Jean Spielmann concernant la responsabilité de l'Etat

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député Jean Spielmann, vous évoquez le dossier très douloureux de la personne qui est arrivée à Genève avec sa mère en provenance de Russie en 1973 et qui a fait l'objet, en 1984, d'une prise d'inventaire et d'une procédure d'évacuation pour défaut de paiement de loyer. Requis par le créancier de procéder à l'enlèvement des biens garnissant l'appartement, l'office des poursuites avait dû faire appel à la force publique en raison de la résistance opposée par ces personnes.

Ces dernières avaient ensuite affirmé que, lors de cette opération, elles avaient été spoliées d'objets de valeur leur appartenant et que l'office des poursuites leur avait dérobé des documents personnels ainsi que leur passeport.

Les investigations qui ont été menées à l'époque n'avaient pas permis de vérifier le bien-fondé de ces accusations ni, malheureusement, de retrouver les papiers d'identité qui ont bel et bien disparu.

Ce n'était pas faute d'avoir essayé, puisque, comme vous l'avez relevé Monsieur le député, ces deux dames, assistées par des avocats, s'étaient vigoureusement défendues en sollicitant notamment l'intervention du Conseil d'Etat de l'époque, du Grand Conseil, du Département fédéral des affaires étrangères, de l'ambassade d'Israël et de l'Organisation des Nations Unies à Genève.

Vous vous référez bien sûr, dans ce contexte, à l'affaire des OPF qui a éclaté l'année dernière, et je comprends qu'à la lumière des dysfonctionnements qui ont été révélés, vous vous interrogiez sur ce cas particulièrement grave et difficile, quand bien même les faits remontent à 1984.

J'aimerais tout de même dire qu'il ressort de ce volumineux dossier que les accusations qui ont été formulées par ces personnes et que vous reprenez quasi in extensodans votre interpellation, ont été examinées de façon approfondie par différentes instances. Il est donc permis, mais ce n'est pas absolument sûr, de penser que si des éléments de nature à mettre en cause la responsabilité de l'Etat avaient pu être mis au jour, ils l'auraient été et, à ce jour, ce n'est pas encore le cas, je vous le précise.

Ceci ne me privera pas, bien au contraire, de suivre ce dossier à titre personnel.

Au-delà de ces responsabilités, votre interpellation pose aussi la question de savoir ce que l'on peut faire pour tenter de remédier à la perte des papiers d'une personne née en 1943, de nationalité israélienne et actuellement au bénéfice d'un permis d'établissement dans notre canton.

Monsieur le député, je détiens la nature des démarches à effectuer: je suis donc à disposition pour ce faire et je m'engage volontiers, évidemment, à ce que l'office cantonal de la population donne un préavis favorable à cette démarche si elle devait être entreprise.

M. Jean Spielmann (AdG). Dans mon interpellation, j'avais indiqué une série de faits et, même si je suis prêt à entrer en matière sur la solution qui est proposée, le problème de fond pour cette dame, c'est que ses papiers d'identité lui ont été enlevés, comme à sa mère, qui est maintenant décédée.

En plus, ce n'est pas par hasard si cette dame a retrouvé ses photos de famille, ses décorations et certains papiers officiels, au marché aux puces où ils avaient été revendus... Il est pour le moins curieux particulier de devoir faire de telles démarches pour des passeports, des papiers d'identité, des documents personnels importants, alors qu'à l'époque, en 1984, lorsque cette affaire avait éclaté, nous avions demandé la mise en place d'une commission d'enquête pour connaître la manière dont les choses s'étaient déroulées. J'ai été stupéfait de constater que l'on avait vidé l'appartement de ces personnes, qu'on leur avait pris tous leurs effets personnels et que ceux-ci avaient été revendus de gré à gré, après être passés par un filtre aux OPF de Carouge, ce qui a déclenché la première enquête.

Aujourd'hui, cette dame, tenace et patiente, a été racheter quasiment tous les objets qui lui avaient été volés par les offices des poursuites et faillites, parfois à des prix élevés. Elle tient d'ailleurs à votre disposition la liste des noms et des adresses de ceux qui ont revendu ses affaires.

Mais le plus grave - j'insiste - c'est que sans papiers elle ne peut toujours pas voyager, parce que l'Etat lui a volé son passeport et ses papiers !

En son temps, une lettre lui avait été adressée par M. Vernet, qui, à l'époque, était président du Conseil d'Etat, dans laquelle il disait que ses papiers d'identité avaient été retrouvés aux offices des poursuites et qu'elle pouvait s'y rendre pour les récupérer. Or, ils n'ont jamais été retrouvés ! La seule chose qui a été retrouvée, c'est une partie de ses effets personnels au marché aux puces !

Ce dossier est important et l'affaire est dramatique: cette personne souhaiterait au moins qu'on fasse réparation et qu'on lui redonne des papiers pour lui permettre de se déplacer. Aujourd'hui, ni l'ambassade d'Israël, qui a fait des démarches auprès de l'Etat de Genève pour qu'on lui redonne ses papiers, ni personne d'autre n'est prêt à lui donner des papiers qui lui permettraient de se déplacer librement.

Je trouve cette situation pour le moins particulière et je suis prêt à venir vous voir pour essayer de trouver une solution pour cette personne. La responsabilité de l'Etat, au travers des OPF, est lourde dans cette affaire. Les conséquences financières ne sont pas énormes, mais elles sont graves pour cette personne qui se trouve atteinte dans sa dignité et dans son identité.

J'espère qu'il s'agit d'un cas isolé, mais, hélas, il semble que cela soit pratique courante... Toutes les mesures doivent être prises pour faire réparation à cette personne, et l'Etat, de par sa responsabilité, doit faire en sorte que cette personne ait à nouveau des papiers pour qu'elle puisse se déplacer librement.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, je crois vous avoir répondu. J'ai refait l'historique de cette affaire.

Je vous ai dit que je suivrai ce dossier dans les meilleures conditions possibles et que j'étais prête à oeuvrer à propos de ce passeport. Je ne peux pas vous en dire plus aujourd'hui, mais je vous assure que je traiterai ce dossier avec toute l'attention qu'il mérite.

Cette interpellation est close.