République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8519
14. Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 5 179 324 F pour les travaux d'effacement des tags sur les bâtiments scolaires et administratifs de l'Etat de Genève. ( )PL8519

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement

1 Un crédit extraordinaire d'investissement de 5 179 324 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour les travaux d'effacement des tags sur les bâtiments scolaires et administratifs propriété de l'Etat de Genève.

2 Il se décompose de la manière suivante :

Travaux

4 676 250 F

TVA (7,6 %)

355 395 F

Renchérissement

147 679 F

Total

5 179 324 F

Art. 2 Budget d'investissement

1 Ce crédit extraordinaire figurera au budget d'investissement 2002 et des années suivantes par tranches sous la rubrique 54.03.00.503.64.

2 Il se décompose de la manière suivante :

Nettoyage des façades

2 071 730 F

Protection des façades

3 107 594 F

Total

5 179 324 F

Art. 3 Financement et couverture des charges financières

Le financement de ce crédit extraordinaire, est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 4 Amortissement

1 L'amortissement de l'investissement est calculé sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.

2 Compte tenu de la nature de l'investissement, l'amortissement relatif au nettoyage des façades, est effectué dans l'année de la dépense.

Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

Coûts du projet

F

Travaux de nettoyage

1 870 500.-

Travaux de protection

2 805 750.-

Sous total 1

4 676 250.-

TVA 7,6 %

355 395.-

Sous total 2

5 031 645.-

Renchérissement

147 679.-

TOTAL GÉNÉRAL

5 179 324.-

Informer les élèves et leur expliquer les objectifs de l'opération lors de cours de « maîtrise de classe ».

Dans le cadre des cours « d'éducation citoyenne », qui sont dispensés en 7e dès cette année, et dans tous les degrés dès la rentrée 2002, aborder la notion de respect du patrimoine, le coût des dégâts causés par les tags, les aspects juridiques et les sanctions auxquels s'exposent les tagueurs.

Encourager les directions des établissements à réaliser des fresques sur des parois du bâtiment (lieu autorisé), dans le cadre de cours de dessin ou d'activités créatrices.

Informer les enseignants et la direction des écoles et les inviter à être actifs dans le surveillance des lieux.

Informer et sensibiliser l'ensemble du personnel de la gendarmerie concernant cette problématique, ainsi que des mesures à prendre lors du rapport annuel de la gendarmerie (RAG).

Sensibiliser les jeunes dans les écoles, par le biais de la brigade d'éducation et de prévention (BEP), ceci en établissant un lien entre les salissures sur les signaux routiers (risques d'accident) et les autres salissures au sens large.

Créer des supports (posters, flyers, etc.) à l'attention des jeunes et des adultes en vue de les informer sur les coûts, risques, etc. liés aux tags avec diffusion et sensibilisation possible par les îlotiers.

Centralisation des affaires et tenue de statistiques par l'îlotier communautaire responsable de la problématique des jeunes.

Collaborer avec la police judiciaire (brigade des mineurs) dans la lutte, la recherche et l'exploitation d'informations.

Collaborer avec les agents de sécurité municipaux (ASM) des différentes communes dans la lutte contre ce phénomène.

Annexes :  - Calcul du renchérissement

  - Evaluation des charges financières moyennes

  - Récapitulatif de l'évaluation de la dépense nouvelle et de la couverture financière

  - Préavis technique

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Préconsultation

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Le groupe démocrate-chrétien accueille favorablement ce projet de loi demandant un crédit extraordinaire important de plus de 5 millions pour les travaux d'effacement des tags sur les bâtiments publics cantonaux situés en Ville de Genève.

Mais notre groupe qui a pris connaissance des nécessaires mesures d'accompagnement prévues par le Conseil d'Etat s'étonne de ne pas y voir clairement apparaître des directives en matière de discipline à appliquer pour tous les acteurs de l'éducation des jeunes. Nous lisons comme vous les mots «informer», «encourager», «sensibiliser», «collaborer»... Tous préludent à autant d'actions parfaitement louables, que nous soutenons également, et appliquées pour la plupart et depuis des années par bien des collèges, des écoles, des communes, des administrations, avec, malheureusement, les résultats plus que moyens que nous sommes obligés de constater aujourd'hui.

En effet, bâtiments publics et privés n'ont jamais été aussi peu respectés et donc si détériorés. Cette lèpre urbaine que sont les tags rend malade l'immense majorité de nos concitoyens, laquelle respecte le patrimoine et la propriété privée. Elle impose une vision épouvantable de nos quartiers à toutes celles et ceux, nombreux, qui aspirent à un cadre de vie propre et ordonné, ainsi qu'aux Confédérés et étrangers visitant notre ville. Ceci n'est plus tolérable ! Il nous faut donc réagir, et le Conseil d'Etat a donc raison de nous faire cette proposition.

Mais cela n'est pas suffisant : il nous faut empêcher les tagueurs d'agir ! Il ne faut pas seulement traiter le mal : il faut l'éradiquer ! Il ne faut pas s'en accommoder ! Nous devons faire comprendre aux vandales que leurs méfaits ne sont pas tolérables dans une société de droit ! (Exclamations.)

Ces pratiques doivent donc être combattues et, même si notre action est limitée par rapport au rôle des parents et des familles, nous devons pouvoir imposer aux autres acteurs de l'éducation - enseignants, éducateurs, policiers - l'obligation d'afficher une attitude beaucoup plus ferme, avec la possibilité, entre autres choses, d'appliquer des sanctions disciplinaires. La compréhension, la tolérance, a ses limites et les futurs adultes de la société doivent à un moment donné savoir où se trouvent ces mêmes limites à ne pas dépasser. Beaucoup d'éducateurs réclament d'ailleurs cette fermeté et souhaitent que les personnes chargées d'autorité se fassent respecter pour les aider dans leur difficile tâche. Ce que nous réclamons donc, c'est la promotion par la fermeté du respect de l'autre et du patrimoine.

Certes, nous serions nombreux à être parfois tentés de recourir à la bonne vieille solution du coup de pied au cul - si vous me pardonnez cette expression triviale - mais à part soulager la colère de celui qui le donne, elle n'est sûrement pas la panacée...

M. Claude Blanc. Tu auras droit au champagne !

M. Pierre-Louis Portier. Mais d'autres outils sont à notre disposition : renvoi devant les juges, obligation de remettre les murs en état, travaux d'intérêt général et, surtout, par une volonté partagée de toutes celles et ceux appelés à lutter contre cette problématique, faire passer le message que cela a assez duré et que notre société sera désormais moins tolérante à l'égard de ces individus qui, jour après jour et nuit après nuit, détériorent notre patrimoine !

M. Claude Blanc. Il l'a dit, il l'a dit !

M. Michel Halpérin. Bravo ! 

M. Roger Beer (R). Je serai beaucoup plus bref que mon préopinant étant donné que je partage la plupart de ses propos.

Ce projet de 5 millions est étonnant - c'est vrai - parce qu'il vient juste après un projet de la Ville de Genève d'engager 2 ou 2,5 millions - je ne sais plus - pour nettoyer ses propres bâtiments... J'espère donc que ce crédit ne servira pas à nettoyer les mêmes bâtiments mais bien ceux de l'Etat. J'espère aussi qu'il ne s'agit pas d'un doublon mais d'un complément et que l'on travaillera dans le même état d'esprit.

Un certain nombre de députés ont reçu avec ce projet de loi une déclaration d'une communauté hip-hop d'un projet «De quoi Ge me mêle», qui est absolument contre ce projet de loi, et dont les signataires, Monsieur le conseiller d'Etat, me semblent - même si je ne les connais pas tous - être plutôt de votre groupe politique... Et ces gens s'étonnent de ce projet - ce qui m'a plutôt fait sourire au début mais en lisant le texte j'ai mieux compris que c'était à juste titre - car à leur avis il ne sert à rien de nettoyer des tags que l'on retrouvera le lendemain... Cela paraît trivial et simple, mais il est vrai qu'en ce qui concerne les bâtiments de la ville - je l'ai constaté bien souvent - que ce soit dans les écoles, les bâtiments publics et autres, la voirie de la Ville de Genève nettoie et, une semaine après, on retrouve les tags aux mêmes endroits. Et il faut savoir que le nettoyage de ces tags coûte très cher, surtout que nos bâtiments importants sont construits en molasse, ce qui pose de gros problèmes techniques.

Par rapport au projet de loi des socialistes que nous avons traité hier soir et que j'ai brocardé un peu parce que j'estime que c'est aux communes de mettre en place une concertation et une discussion voire une médiation avec les gens - ce qui se fait d'ailleurs : M. Tornare, le maire, et le responsable des écoles l'a mise en place - je pense que les chances de succès sont plus grandes - je ne suis toutefois pas sûr que ça marche - si on essaye d'instaurer un dialogue avec les tagueurs que si on envoie une armada de personnes pour nettoyer les tags.

Le groupe radical ne va bien sûr pas s'opposer au renvoi de ce projet de loi en commission. Il est même plutôt assez favorable au nettoyage de ces tags pour les différentes raisons qui ont été données par M. Portier, mais il trouve aussi important d'auditionner les personnes concernées, que ce soit celles qui connaissent les tagueurs et les tagueurs eux-mêmes, qui se défoulent en dessinant sur les murs de nos bâtiments publics. Il serait en effet opportun de voir dans quelle mesure on pourrait intervenir pour éviter de dépenser 5,5 millions pour nettoyer des façades qui seront de nouveau taguées quelque temps après... 

M. Dominique Hausser (S). Nous accueillons ce projet de loi favorablement, tout en posant quelques questions.

Pourquoi l'Etat n'a-t-il pas inclus un certain budget d'entretien ces dernières années pour les bâtiments publics au lieu de demander aujourd'hui un crédit de plus 5 millions pour nettoyer ces mêmes bâtiments ? On voit en effet aujourd'hui qu'il est prévu 350 000 F par année pour maintenir les bâtiments propres dans le futur.

C'est vrai, certains tags sont des oeuvres d'art : on peut le voir sur certaines maisons de quartier. Par exemple, au parc Gourgas, on a demandé à un jeune du canton de bien vouloir peindre une maison pour recouvrir les tags moches, type signatures, qui s'y trouvaient. Elle est peinte depuis quatre ou cinq ans maintenant, et aucun graffiti n'y a été ajouté depuis.

Ce qui nous semblait par contre intéressant dans la proposition du Conseil d'Etat, c'est, bien entendu, les mesures d'accompagnement qui sont suggérées, peut-être de manière un peu trop succincte, ce qui méritera quelques explications complémentaires sur la manière de les mettre en oeuvre. M. Beer a dit tout à l'heure que le travail de médiation dans les communes au niveau des écoles primaires obtenait un certain succès. J'espère effectivement que cela puisse aussi se développer au niveau des cycles d'orientation ou du post-obligatoire.

Les mesures répressives, brutales, dont parlait le député démocrate-chrétien, sont évidemment le meilleur moyen de faire monter les tensions et de provoquer l'effet contraire en matière de sécurité publique. L'expérience montre aujourd'hui que, pour obtenir des résultats en matière de sécurité publique, le dialogue vaut toujours mieux que la matraque. On ne peut donc à mon avis pas entrer en matière sur les réflexions qui ont été développées tout à l'heure à ce sujet. 

M. Bernard Clerc (AdG). Nous ne pouvons évidemment pas suivre M. Portier - M. Propre ! - sur les chemins sur lesquels il voudrait nous entraîner... La tolérance zéro, on sait ce que cela signifie : il suffit de voir ce qui se passe aux Etats-Unis pour se rendre compte des impacts de la politique répressive sur les populations les plus marginalisées !

Cela étant, nous accueillons ce projet de loi avec une grande réserve, parce que nous estimons que ce n'est pas une des priorités du moment de procéder à de tels nettoyages, d'autant plus que l'on peut effectivement s'attendre à ce que cela ne serve pas à grand-chose...

Notre politique a toujours été de limiter autant que faire se peut les dépenses d'investissement pour créer, en quelque sorte, un volant de réserve pour la prochaine récession et de consacrer les investissements pour des objets prioritaires. Nous avons vu récemment en commission des finances que des besoins important se faisaient sentir, notamment en matière de locaux scolaires, pour pallier l'augmentation du nombre des élèves, et nous estimons qu'il vaut mieux investir dans de tels projets que pour le projet qui nous préoccupe, lequel, à l'évidence, ne présente aucun caractère d'urgence.

M. Laurent Moutinot. Monsieur Beer, la décision de déposer ce projet de loi remonte, pour ce qui est du Conseil d'Etat, à l'automne.

Monsieur Clerc, cette décision a été prise dans le cadre d'un débat sur la politique de proximité, de sécurité, des rapports que les citoyens entretiennent avec le domaine bâti. L'intérêt de ce projet n'est pas si négligeable que cela, car les citoyens qui se sentent agressés par ces tags constatent ainsi que l'Etat fait des efforts pour améliorer leur cadre de vie.

Cela dit, en relisant le projet, je me suis rendu compte que l'exposé des motifs ne mettait pas assez en évidence ce qui est le plus important : je veux parler précisément des mesures d'accompagnement de tous types, d'une part, bien entendu tout l'aspect préventif et éducatif et, d'autre part - M. Beer en a parlé - l'aspect de compensation en offrant à un certain nombre de jeunes qui le souhaitent la possibilité de taguer. Je vous signale tout de même que le département le fait régulièrement, puisqu'il met certains passages où il est souhaitable qu'il y ait quelques décorations à disposition, et nous poursuivrons ce type de démarche. Bien entendu, il y a l'aspect répressif dont il faut tenir compte, sans aller jusqu'au propos quelque peu excessifs de M. Portier.

Cette politique mérite d'être suivie, même si le cadre global du crédit peut être légèrement différent de celui souhaité par le Conseil d'Etat. Nous pourrons discuter de tout cela en commission, mais, dans le cadre d'une politique de proximité, dans le cadre d'une politique éducative, en proposant des compensations, mais aussi, bien sûr, les mesures répressives qui peuvent se révéler nécessaires. Il me semble que nous allons dans le bon sens par rapport à ce que souhaite légitimement notre population pour gérer ce difficile problème.

Je vous remercie par conséquent d'en discuter prochainement à la commission des travaux. 

Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.