République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7697-A
7. a) Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey, Nicole Castioni-Jaquet et Liliane Charrière Debelle modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10). ( -) PL7697Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R), commission de l'enseignement et de l'éducation
Mémorial 1997 : Projet, 6095. Renvoi en commission, 6098.
Rapport de majorité de Mme Marie-Françoise de Tassigny (R), commission de l'enseignement et de l'éducation
Rapport de minorité de M. Jean-François Courvoisier (S), commission de l'enseignement et de l'éducation
PL 8203
b) Projet de loi de Mmes et M. Caroline Dallèves-Romaneschi, David Hiler et Jeannine de Haller modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10). ( )PL8203
M 1336
c) Proposition de motion de Mmes et M. Janine Hagmann, Janine Berberat, Nelly Guichard, Vérène Nicollier, Michel Parrat et Marie-Françoise de Tassigny pour l'étude d'une modification des structures du cycle d'orientation. ( )M1336

Rapportde la Commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi 7697

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : Mme Marie-Françoise de Tassigny

Lors de sa séance du 26 janvier dernier, la majorité de la Commission de l'enseignement a décidé d‘étudier le projet de loi 7697 concernant la 7e hétérogène et ce, malgré la position de la minorité qui avait jugé préférable d'attendre le rapport final demandé par le DIP à son service de la recherche en éducation (SRED).

Il aura fallu quatre séances, les 2, 9, 16 février et le 2 mars 2000 pour traiter de ce projet de loi. Les séances ont eu lieu sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny pour deux séances et de Mme Caroline Dalleves-Romaneschi pour les deux autres (en l'absence de la présidente).

La commission a été assistée dans son travail par M. Schurch, directeur général du Cycle d'orientation. De plus, les travaux de la commission ont été retranscrits fidèlement par M. Jean-Luc Constant, procès-verbaliste.

Qu'ils soient remerciés pour leur contribution.

Rappel contextuel et historique

Ce projet de loi traite d'une modification fondamentale du Cycle d'orientation. En effet, il propose de généraliser la 7e hétérogène dans l'ensemble du Cycle d'orientation, une réforme déjà opérante au Collège de Budé, des Coudriers et du Bois Caran.

Ces trois collèges ont introduit en lieu et place des sections dès la 8e, un système de cours à niveaux (allemand et mathématiques) et à option qui permet d'individualiser, dans une certaine mesure, la formation de l'élève.

L'objectif visé par cette réforme repose sur un véritable débat de société : Faut-il orienter, plus ou moins tôt, les élèves en leur apportant dès la 7e du cycle des cours spécifiques selon leurs sections ou faut-il, au contraire, leur laisser le temps de s'orienter en homogénéisant l'enseignement et en avançant avec des niveaux « de branche » ?

Par ailleurs, il est rappelé aux commissaires que depuis déjà dix années le Cycle d'orientation a mis en place une longue réflexion qui est aujourd'hui sur le point d'aboutir et d'être concrétisée à la rentrée scolaire 2000. Le point fondamental de cette réflexion repose sur la détermination de ce que les adolescents doivent acquérir pendant les trois derniers degrés de la scolarité obligatoire.

Cette finalité est aussi discutée dans d'autres pays européens.

En effet, différents constats ont amené le corps professoral à se poser des questions : tels le comportement des adolescents, l'augmentation de la violence, le non respect des professeurs ; telle l'introduction de nouvelles branches comme l'informatique, créant ainsi la suppression d'une autre branche ; telle la nouvelle façon d'apprendre par des séquences d'apprentissage reposant sur une pédagogie active. En effet, le rôle du professeur change considérablement dans cette nouvelle optique. Dès 1997, le Cycle s'est attelé à la « redéfinition » des objectifs d'apprentissage de toutes les disciplines et à la réécriture des plans d'étude ainsi qu'à une nouvelle grille horaire qui sera appliquée à la 7e, dès la rentrée 2000.

Cette rénovation vise à supprimer l'enseignement tel qu'il était connu jusqu'à présent. D'une démarche enseignante, il passe à une démarche d'apprentissage.

Il s'agit d'assigner les mêmes objectifs d'apprentissage à tous les élèves contrairement à ce qui se pratique actuellement. En effet, certains élèves, par exemple, de latine et scientifique ne font pas d'anglais. Cet état de fait ne devra plus exister.

Il ne faut pas confondre les objectifs d'apprentissage et les objectifs d'acquisition, les confondre signifierait que l'on vise le sommet pour tous les élèves. En revanche, il ne faut pas non plus interdire aux élèves de commencer l'ascension.

Le contexte des années 60-70, où figuraient 40 % d'élèves dans la section prégymnasiale, 40 % dans la section générale et 20 % dans la section pratique, s'est modifié comme suit : à ce jour, 70 % des élèves sont en prégymnasiale.

Une classe hétérogène existe donc de fait mais pas dans une version absolue.

Travail de la commission

Pour traiter et étudier cette rénovation proposée par le Cycle d'orientation, la commission a procédé à une série d'audition.

Audition de Mme Martine Brunschwig-Graf, conseillère d'Etat en charge du Département de l'instruction publique, accompagnée de MM. Norberto Botani, directeur du SRED, François Rastoldo et Bernard Favre, collaborateurs scientifiques au SRED.

Mme Brunschwig-Graf précise qu'elle a mandaté le SRED pour un rapport intitulé « Hétérogénéité et différenciation du Cycle d'orientation. Le débat genevois dans le contexte national et international : pratiques et recherches » et annonce que le rapport du SRED est en cours de validation auprès de son service. Seul un rapport intermédiaire a été remis aux commissaires.

Mme Brunschwg-Graf explique qu'une analyse de la situation a été souhaitée dans le cadre du débat instauré par le projet de loi et que cette recherche de nature scientifique est indispensable pour traiter un sujet aussi complexe.

Elle rappelle qu'il est délicat de traiter ce sujet sans en avoir le rapport final détaillé. De plus, Mme Brunschwig-Graf insiste sur le fait que les choix à effectuer sont de nature politique mais aussi de nature idéologique.

M. Botani explique qu'il ne s'agit que du rapport intermédiaire qui fait état des travaux d'exploration pour cadrer la problématique, déterminer les enjeux et connaître la situation en dehors de Genève. M. Botani est admiratif devant la richesse du travail effectué dans ce domaine à Genève. Il souhaite replacer la problématique en question car, aujourd'hui, on se trouve dans une configuration économique éducative et sociale nouvelle. De nouveaux défis doivent être relevés. Il y a un cadre nouveau que l'on ne peut ignorer et c'est dans cette perspective là que l'on peut parler d'histoire inachevée.

M. Favre explique la structure et le contenu du rapport qui relate l'état de la question, le fond du problème et l'horizon sur lequel apparaît la proposition d'introduire l'hétérogénéité en début de 7e année. Les experts ont voulu dessiner l'horizon spatio-temporel, c'est-à-dire la situation suisse est celle des pays européens qui présentent des raisonnements différents et des solutions différentes selon si on la considère intégré dans un processus d'enseignement ou exclusivement dans une formation de base.

De même, M. Favre précise que la recherche scientifique n'a pas apporté de réponse définitive. Les auteurs ont montré la multiplicité des facettes. Dans le rapport final, ils présentent les arguments militant en faveur d'un tronc commun ainsi qu'un certain nombre de réserves, d'obstacles et de difficultés.

M. Botani précise que le travail exploratoire a été effectué. Le travail en cours actuellement est de saisir l'opinion des principaux acteurs en cause pour déterminer les facteurs favorables et ceux défavorables.

M. Rastoldo signale qu'une enquête est en cours auprès des élèves de 7e année à section ainsi qu'auprès des groupes d'acteurs adultes, soit les directions du cycle et les enseignants ainsi que les enseignements de 6e et les parents d'élèves. Il précise que toutes les prises d'information ont été faites, à l'exception des enseignants. Il reste donc à analyser les enquêtes conjointement ce qui aboutit à un calendrier de fin d'année.

Audition de la FAMCO

M. Georges Bellon, maître au Collège de Bois-Caran.

M. Bellon, maître dans un cycle appliquant une 7e hétérogène en rénovation. Il s'insurge en faux devant une dépêche de l'ATS qui parlait de nivellement par le bas. Il cite plusieurs exemples pour démontrer le contraire. Il constate que les résultats ne s'avèrent absolument pas inférieurs dans une classe hétérogène. Il n'y a donc aucune raison de vouloir séparer les élèves qui présentent un esprit de coopération et de partage à souligner. M. Bellon pense que la 7e hétérogène est un choix politique et invite la commission à avoir le courage d'opérer un tel choix. Les commissaires interrogent M. Bellon sur les aspects concrets de la réforme, la formation des enseignants, les moyens mis à disposition et le climat qui règne dans son cycle.

Audition des représentants du SSP/VPOD et du SPG

MM. Gilles Milliquet, Alain Denizot, Jean-Marc Richard (SPG) et Charles Heimberg et Mmes Anne Michel, Claire Martenot et Marie-Ange Barthassat (SPG).

La représentante des syndicats des enseignants, Mme Michel, relève que ces derniers sont impliqués à différents titres dans des projets de réforme. Ils savent bien que tout changement au sein de l'école relève de la complexité et touche à différents piliers comme la structure ou les moyens. Il se trouve toutefois que l'un de ces piliers est aujourd'hui bloqué. Ils soulignent aussi que le problème se situe au niveau d'un blocage idéologique.

M. Milliquet pour le SPG tient pour sa part à évoquer la cohérence du système. La suppression des notes vient d'être décidée au niveau du primaire sauf en 6e année. Il n'y a donc plus de logique au système. Cette situation fait que le SPG appuie totalement le projet de loi. Mme Martenot insiste sur la motivation des élèves et la qualité de leur intégration.

Les commissaires échangent ensuite avec les représentants des syndicats et du SPG sur le retardement de la sélection et la prolongation de la durée des études, la cohérence entre le système d'enseignement du primaire et du cycle d'orientation et les effets pervers de l'orientation.

Audition des membres du comité de l'UCESG

MM. François Bertagna, Henri Magnenat et Jean-Claude Buffo, Mme Christa Dubois-Ferriere

M. Bertagna défend la position de l'UCESG qui repose sur un constat à savoir que l'hétérogénéité pratiquée dans un certain nombre d'établissements restreint toutefois en raison de blocages. Il rappelle que son groupement insiste sur la nécessité de faire des choix progressifs et d'avoir des possibilités de réorientation. M. Bertagna constate que la réforme de l'ORM a engendré un très large hétérogénéité à l'intérieur des collèges de Genève induisant une valorisation du choix des élèves. Il note aussi l'existence de la logique des options qui doit être maintenue, développée et amélioré. Il précise que ses remarques s'inscrivent dans une cohérence générale.

Les commissaires s'entretiennent avec les représentants de l'UECESG sur la liason CO-PO, sur la grille horaire, sur la possibilité d'extension de l'hétérogénéité pour la 8e et la 9e, de la prolongation de l'orientation en 10e degré.

Audition de M. Schurch, directeur général du CO

M. Schurch distribue aux commissaires un dossier relatif au projet de loi 7697. Il commente un bref historique de la démarche entreprise au CO, la nouvelle grille horaire du CO, les sept points devant figurer dans les places d'étude.

Il précise que la nouvelle grille horaire n'est pas un but en soi mais un moyen d'introduire de nouvelles pratiques enseignantes dans le but de passer de la notion d'empilement des connaissances à la notion de construction des connaissances. Pour finaliser les plans d'études, il s'est avéré nécessaire de fixer le temps de chaque discipline. La grille horaire est définitive pour la 7e et peut avoir encore quelques légers aménagements pour la 8e et la 9e. Les commissaires s'interrogent sur plusieurs aspects de la grille horaire avec M. Schurch sur les cours à option, sur la maîtrise de classe, sur l'éventualité de suppression de cours, sur le mécontentement d'une partie du corps professoral, sur l'introduction de la nouvelle grille horaire.

Discussion de la commission

La présidente met au voix la proposition d'auditionner un directeur d'un CO qui ne soit pas en rénovation étant entendu que la commission s'apprête à rencontrer le directeur du Cycle des Coudriers.

Vote

Motion 1096, complément à la passerelle uni-emploi

Est mis aux voix la proposition d'auditionner un représentant des professeurs de latin

Une discussion s'instaure entre les membres de la commission sur quatre aspects fondamentaux qui soustendent ce projet de loi

sur la pertinence du moment pour accepter un projet de loi alors que nous ne sommes pas en possession du rapport final sur le sujet

sur les aspects financiers d'application de cette référence qui ne sont pas encore chiffrés précisément

sur le constat que l'enseignement fait l'objet actuellement de beaucoup de réformes et qu'il serait peut être souhaitable de faire une pause

sur le fait que la proposition du projet de loi est digne d'intérêt mais qu'il serait souhaitable que la réforme concerne l'ensemble du cycle pour ne pas créer une réforme au rabais.

Certains commissaires jugent prématurés l'entrée en matière mais veulent montrer leur préoccupation pour le problème de l'hétérogénéité en donnant un signal clair au DIP par une motion.

La présidente met aux voix la proposition d'élaborer une motion.

La présidente met aux voix la proposition d'entrée en matière.

La majorité de la commission a donc refusé le vote d'entrée en matière considérant les quatre aspects fondamentaux cités précédemment, laissant surtout du temps au Département de l'instruction publique pour fournir des éléments scientifiques solides et étayés pour bâtir une véritable réforme du Cycle d'orientation. L'importance de ce changement mérite de réunir l'adhésion de tous les acteurs concernés, direction du Cycle d'orientation, enseignants et classe politique afin de ne pas mettre en péril un fleuron de l'enseignement genevois : le Cycle d'orientation.

Ce sont les raisons pour lesquelles la majorité de la commission vous prie de suivre leur position et de refuser l'entrée en matière de ce présent projet de loi.

Projet de loi(7697)

modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit:

Art. 54 Orientation (nouvelle teneur)

1 L'orientation continue des élèves est notamment assurée par l'observation directe, par l'évaluation formative ainsi que par des entretiens avec l'élève, sa famille et les conseillers en orientation scolaire.

2 Afin d'éviter une sélection trop précoce, le septième degré est organisé dans tous les collèges en classes hétérogènes, sans section.

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11RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur : M. Jean-François Courvoisier

Je ne reviendrai pas sur les des motifs exposés dans le présent projet, qui à eux seuls justifient pleinement son envoi au Conseil d'Etat.

Mais, au cours des auditions que nous avons eues en commission, à la suite de notre visite aux Coudriers et de la lecture du rapport du groupe de recherche sur la gestion de l'hétérogénéité et la différenciation au Cycle d'orientation, d'autres motifs me sont apparus, qui rendent encore plus indispensable l'adoption sans délai de ce projet.

Les principales objections évoquées par M. Georges Schurch, directeur général du Cycle d'orientation, à la 7e hétérogène sont que celle-ci amènerait un nivellement par le bas, que les élèves doués seraient freinés dans leur instruction et donc moins bien préparés à affronter la suite de leurs études.

Cet argument est démenti à la page 14 du rapport précité où il est écrit : « quant aux résultats des élèves, il apparaît que la 7e hétérogène offre plus de stimulation pour les élèves moyens et faibles. Sans pour autant handicaper les bons élèves ».

Les classes homogènes ne semblent pas donner de meilleurs résultats en ce qui concerne les élèves doués, elles ont cependant un effet pervers sur les élèves faibles comme il est écrit à la page 47 du même rapport : « toute une série d'études qualitatives des élèves appartenant à des sections ou des niveaux différents : les fait apparaître des différences assez nettes entre les attitudes et comportements élèves forts développent des attitudes positives face à l'école et les élèves faibles des attitudes négatives. En regroupant des élèves de cette manière, l'école envoie des messages dévalorisants à une partie de sa population qui répond ensuite en conséquence par de l'indiscipline, un faible investissement dans l'apprentissage et le rejet de l'école. En différenciant trop tôt, au début du secondaire déjà, l'école crée un groupe d'élèves « désillusionnés » dont les attitudes et les comportements se détériorent encore avec le temps (Eder & Felmee, 1983 ; Taylor, 1993). Taylor soutient que, sur ce plan, le report de la différenciation serait d'un bénéfice considérable pour les élèves faibles. D'autres résultats montrent que la classe hétérogène, qui évite en partie les phénomènes d'étiquetage des élèves, conviendrait mieux à cette catégorie d'élèves (Reid et al., 1981, cité par Sukhnandan, 1998). De même, les regroupements correspondant à une ségrégation moins marquée comme la différenciation interne semblent leur être moins néfaste ».

Et toujours dans le même rapport, à la page 48 : « une partie des recherches portant sur l'image de soi des élèves confirment la polarisation et montrent que les regroupements homogènes augmentent l'estime de soi des élèves forts et réduisent celle des élèves moyens et faibles, en comparaison avec ce qui se passe dans le regroupement hétérogène. L'explication avancée est que les élèves, fréquemment « étiquetés » par les enseignants ou par leurs pairs comme forts ou faibles placés dans un environnement hétérogène ont une image de soi plus proche de celle des élèves forts que leurs semblables dans un regroupement homogène semble confirmer cette hypothèse ».

Les expériences faites en Angleterre démontrent également jusqu'à quel point cette sélection précoce peut être injuste. « Des recherches réalisées avant tout en Grande-Bretagne ont examiné un autre aspect de ce problème, à savoir la manière dont les enseignants sont effectivement affectés à des classes de différents niveaux. Il ressort que, en débit de toute idée d'équité (accès égal des élèves aux ressources éducatives), les enseignants les plus qualifiés et les plus expérimentés semblent avoir une plus grande probabilité d'enseigner dans les classes fortes. Finley (1984) signale que les enseignants sont même fréquemment en compétition pour obtenir des classes de niveau élevé, ce qui a pour conséquence de créer également une hiérarchie parmi eux. D'après ce chercheur, ceux qui se retrouvent « en bas de l'échelle » se découragent avec le temps, au même titre que leurs élèves ».

En France, l'expérience montre de manière encore plus significative les avantages des classes hétérogènes comme l'indiquent les conclusions d'une première étude de 1993. « Dans certains collèges, les élèves placés dans un environnement hétérogène progressent tous mieux qu'attendu (efficience) compte tenu de leur niveau de départ ; ceci est vrai en particulier pour les élèves faibles (équité) ».

Dans une étude de 1997, je peux lire : « les analyses montrent que le regroupement des élèves affecte les progressions. Ainsi, des élèves de caractéristiques initiales comparables progressent d'autant mieux que le niveau moyen de leur classe est élevé ; ceci implique que ces élèves vont apprendre davantage lorsqu'ils appartiennent à une bonne classe et moins dans une situation inverse. La pratique de classe de niveau conduit donc à un accroissement des écarts de connaissances entre élèves au delà de leurs caractéristiques individuelles, par opposition à une situation de référence dans laquelle les élèves d'un même collège seraient répartis de manière aléatoire entre les différentes classes de l'établissement. Ce résultat contredit l'opinion selon laquelle les élèves faibles groupés dans une même classe profiteraient d'un enseignement ciblé sur leurs besoins. Il met en évidence l'importance du contexte de scolarisation et souligne la nécessité de prendre en compte concrètement ce qui se passe au sein des classes (la nature et les effets des interactions pédagogiques, la gestion du temps et la réalisation des programmes d'enseignement, les effets d'étiquetage, etc.) ».

En conclusion, cette étude fait apparaître que le maintien d'un cadre de référence commun à l'ensemble des élèves, qu'ils soient forts ou faibles rapides ou lents, paraît, à l'épreuve des faits, un enjeu important pour l'équité.

A Genève, lors des journées d'études dans les collèges au début de l'année 1977, et lors d'une consultation des enseignants par la Famco en 1978, la 7e hétérogène a recueilli la majorité des suffrages.

Dans la journée d'études du Conseil de direction de décembre 1982, le Directeur général du Cycle d'orientation constata que les maîtres ne se rencontraient que sur deux points : « l'introduction d'un tronc commun en 7e et le maintien des sections en 8e et 9e ».

Nous vous demandons aujourd'hui de voter ce que désire la grande majorité du corps enseignant. Ce serait aller à rebours du bon sens de refuser une réforme qui correspond aux voeux de celles et ceux qui doivent enseigner et travailler pour le plus grand bien de nos enfants, avec une répartition des élèves qui leur semble la plus favorable.

Quant au coût engendré par l'introduction d'une 7e hétérogène, puisque seules les questions d'argent semblent avoir de l'importance aujourd'hui, il est probable qu'une meilleure instruction, indépendante de l'avenir professionnel de celui qui en bénéfice, donnera à chacun la possibilité d'accéder plus tard à une culture qui aujourd'hui ne doit plus être un luxe, mais une nécessité. La culture permet de saisir ce qu'il y a de plus beau et de plus noble dans l'histoire de l'humanité, de comprendre d'où l'on vient et, si possible, où l'on va. Cette culture, qui sera un enrichissement pour tous, évitera à beaucoup de jeunes de devenir des cas sociaux et des délinquants juvéniles. Les économies réalisées par une sélection précoce au DIP coûteraient en définitive très cher au département de M. Ramseyer, avec les sentiments de rancune et de désespoir qui auraient pu être évités.

Il est aussi grand temps que dans nos écoles l'esprit de solidarité remplace celui de la compétitivité. C'est ce que met en place le comportement attendu des élèves des Coudriers, où il est demandé à chaque élève de venir en aide, dans la mesure de ses possibilités, à celle et ceux qui sont en difficulté. C'est de cette manière que nous aurons demain une génération saine et heureuse. C'est pourquoi nous vous demandons de voter ce projet de loi quelles que soient vos appartenances politiques. Ce vote sera le témoignage de votre attachement à l'équité et à la démocratie.

Projet de loi(8203)modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit :

Art. 53A Orientation (nouveau)

1 Les élèves promus de 6e primaire sont inscrits dans une classe du 7e degré du cycle d'orientation.

2 Au 7e degré, l'enseignement est donné en classes hétérogènes.

3 Aux 8e et 9e degrés, l'enseignement est donné en classes hétérogènes avec options et niveaux.

4 L'organisation des 7e, 8e et 9e degrés, ainsi que les conditions d'admission et de promotion des élèves dans ces degrés, sont fixées par le règlement.

Art. 54, note Orientation continue, assistance pédagogique et aide psychologique (nouvelle teneur)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Tout le monde connaît la célèbre phrase de l'article 4 de la Loi sur l'instruction publique qui dit que « L'enseignement a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun, de tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire dès les premiers degrés de l'école ».

Un alinéa est en passe d'y être ajouté. Il précise que l'un des objectifs de l'école publique est de « veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation de chaque élève ».

Nous le savons. L'égalité parfaite n'existe pas et n'existera jamais. Mais l'on peut lutter afin de réduire au maximum les inégalités tout en respectant les différences qui, elles, sont souvent enrichissantes.

Les études sociologiques le montrent. Si le niveau général d'instruction des jeunes s'élève, les inégalités de chance de réussite en fonction de l'origine sociale se maintiennent souvent, malgré l'objectif de démocratisation des études. L'image de l'échelle dans l'ascenseur est peut-être celle qui exprime le mieux cette réalité.

Il ne s'agit pas ici de contester le fait que nous bénéficiions à Genève et certainement dans la plupart des régions de Suisse de systèmes scolaires parmi les meilleurs du monde. Mais nous vivons une époque où les risques d'exclusion sociale pour les laissés pour compte de l'école sont plus vifs qu'il y a quelques lustres. C'est pourquoi il importe non seulement d'être extrêmement attentif au maintien d'un bon niveau scolaire, ce qui est loin d'être acquis, mais encore d'améliorer ce qui peut l'être. Or, les signes sont nombreux qui laissent craindre le développement d'une école plus sélective au moment où, justement, la formation devient plus essentielle que jamais.

Il ne s'agit en aucun cas, dans notre esprit, d'abaisser le niveau de l'enseignement mais au contraire de partir du principe que les aptitudes à apprendre se construisent et que les facultés d'abstraction ne sont pas des données naturelles. On peut considérer que le temps d'apprentissage n'est pas nécessairement le même pour tous et qu'il ne suffit pas de multiplier les épreuves notées pour inciter les élèves à apprendre.

Le système actuel

Dans le système actuel, l'orientation d'un enfant se fait relativement tôt, essentiellement en 6e primaire, et l'avis d'un seul instituteur peut alors peser d'un poids disproportionné ; ce phénomène sera encore amplifié par la rénovation du primaire qui verra la disparition des notes.

Ensuite, le CO à sections (latine, scientifique, moderne, générale, pratique), qui a pourtant reçu tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa tâche principale d'orientation (conseil de classe réunissant tous les maîtres d'un élève, conseillers d'orientation scolaire, etc.) peine trop souvent, par manque de souplesse propre à son système actuel, à offrir à chacun la voie qui lui conviendrait le mieux.

Au contraire, le cercle vicieux est très rapidement enclenché avec, d'un côté, les élèves propulsés par une dynamique de la réussite et, de l'autre côté, les élèves écrasés par une logique de l'échec. Ensuite, en réduisant les exigences pour les jeunes qui éprouvent des difficultés, on les dévalue encore, pour finir par leur donner une image désastreuse de leurs capacités. Et on se retrouve avec ces cours qui, à force de vouloir vider les situations de toute complexité, privent des élèves de la possibilité de réfléchir sur diverses problématiques.

Cette difficulté est d'autant plus marquée que les années d'adolescence sont souvent caractérisées par des changements brusques de motivation dont dépend l'investissement qu'un élève est disposé à faire dans sa formation. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles la politique du DIP, s'inspirant d'un travail de réflexion mené par les enseignants du cycle d'orientation, vise à articuler le parcours scolaire de chaque élève autour d'un « projet » qu'on l'aura aidé à redéfinir.

Avantages de l'hétérogénéité

Dans cette phase décisive que constitue la tranche d'âge 12-15 ans, un parcours mieux individualisé qu'il ne l'est à présent apparaît alors comme la meilleure garantie d'un choix judicieux de l'activité scolaire ou professionnelle qui suivra le cycle d'orientation. Ce choix, dans les circonstances actuelles, est trop souvent conditionné par la filière empruntée (section) et amène notamment en première année du postobligatoire des élèves qui ne manifestent ni les aptitudes, ni les motivations nécessaires pour entreprendre des études longues. Ces élèves courent alors à l'échec dans une structure qui n'a pas véritablement les moyens de les réorienter et qui se borne à pratiquer une sélection.

Il nous semble hautement souhaitable que l'école privilégie plutôt une hétérogénéité des élèves et développe des pédagogies différenciées dans des classes ou des groupes de classes qui comprennent des élèves très différents que l'on inciterait à collaborer et à construire des savoirs ensemble.

C'est d'ailleurs le but que la rénovation du primaire dit poursuivre, de même que la nouvelle maturité, où les sections ont également disparu au profit des options. C'est ainsi qu'une hétérogénéité au cycle d'orientation serait cohérente avec l'organisation des autres ordres d'enseignement.

Enfin, la modification que nous proposons permettrait d'unifier le système proposé au cycle d'orientation, où coexistent actuellement deux types d'organisation : le système à sections et le système dont s'inspire notre proposition. Cette unification n'est pas une uniformisation, et le système proposé offre la souplesse nécessaire à la mise en place et à l'évaluation de différentes expériences pédagogiques en fonction de la culture propre à chaque établissement.

Le système proposé

Concrètement, nous proposons une 7e entièrement hétérogène. Puis, nous pensons que la 8e et la 9e doivent être hétérogènes avec options et niveaux. Ce qui veut dire que les élèves disposeront d'une marge de manoeuvre et qu'il y aura des évaluations mais que celles-ci viseront surtout à aider l'élève à apprendre.

Le but de ce projet de loi est de permettre une orientation progressive et d'amener le maximum d'élèves à un bon niveau de formation, de susciter chez les jeunes le désir d'apprendre et de se former. Il faut que l'école devienne aussi un lieu où s'apprend la citoyenneté, dans lequel les élèves apprennent également la solidarité, la collaboration à la construction commune de connaissances.

La scolarité, en particulier dans sa période obligatoire, ne doit pas avoir une fonction utilitariste mais de formation et de développement des capacités, sans oublier l'épanouissement. La société a moins besoin de personnes savantes que de personnes équilibrées.

Nous sommes conscients qu'une réforme plus complète du cycle d'orientation serait nécessaire pour rendre ce cycle d'études plus cohérent avec le but de l'école. Mais nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens et nous espérons que vous lui ferez bon accueil.

Proposition de motion(1336)pour l'étude d'une modification des structures du cycle d'orientation

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le projet de loi 7697 déposé en août 1997 a été mis à l'ordre du jour de la Commission de l'enseignement en février 2000. Il propose une modification de la loi sur l'instruction publique qui consisterait à généraliser l'hétérogénéité des classes du septième degré dans les dix-sept établissements du cycle d'orientation. Pour mémoire, seuls trois collèges (Bois-Caran, Coudriers et Budé) fonctionnent déjà avec cette structure depuis plus de 25 ans.

Les commissaires des trois partis de l'Entente ne sont pas entrés en matière sur ce projet de loi estimant qu'ils n'étaient pas en possession des renseignements suffisants pour prendre une décision qui serait lourde de conséquence pour le cycle d'orientation. Ils ne sont pas opposés au principe d'éviter une sélection précoce et reconnaissent que les changements apportés tant au sein des structures scolaires qui précèdent (réforme de l'enseignement primaire) que dans celles qui le suivent (généralisation des options au secondaire II) ont modifié le paysage de l'enseignement à Genève. L'enseignement a suivi les progrès de la pédagogie et se modifie en plaçant toujours plus l'enfant au centre de ses préoccupations. Les objectifs et les méthodes sont réexaminés en permanence en tenant compte des changements intervenus dans la société et de l'évolution des sciences de l'éducation.

Le cycle s'est mis en place à Genève il y a près de 40 ans (en 1961). Depuis lors, le profil des élèves a changé et il est peut-être temps d'envisager des modifications. Les commissaires de l'Entente estiment qu'en l'état de la réflexion, il semble pour le moins prématuré de changer les structures du cycle d'orientation avant de connaître les intentions pédagogiques et les effets de leur application qui pourraient remettre en question l'organisation de la scolarité des élèves dans le cursus des trois années du cycle d'orientation. Le projet de loi 7697 ne concerne d'ailleurs que le septième degré, ce qui nous paraît une mesure dénuée de sens au moment où l'on tend à créer une meilleure continuité durant le cursus scolaire, comme nous le prouvent les réformes des autres ordres d'enseignement. En matière de pédagogie, c'est un leurre de croire qu'un changement de structure permet à lui seul une amélioration des apprentissages des élèves. D'autre part, il est très important d'agir en concertation avec les milieux concernés, en l'occurrence, élèves, enseignants, directions et parents. L'étude demandée au SRED a pour but d'interroger tous les acteurs puis d'analyser les réponses et d'en tirer des conclusions. Attendons donc d'avoir moissonné les avis les plus pertinents, seuls à même de nous conduire à une prise de décision qui soit au bénéfice de nos jeunes.

C'est pourquoi les commissaires de l'Entente demandent impérativement au DIP de leur fournir les éléments indispensables à une prise de décision impossible sans ces renseignements. A ce moment seulement, ils pourront entrer en matière sur un choix réfléchi quant à un changement de structure.

Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

5

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter ces trois objets en un même débat. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité qui remplace Mme de Tassigny. Je vous en remercie, Monsieur Lescaze.

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Avant de défendre ce projet en tant que tel et à mon tour, je vais simplement vous lire le rapport que m'a préparé Mme de Tassigny, dont la santé l'empêchait d'assister à la séance de ce soir. Vous m'excuserez donc si je trébuche sur un mot ou un autre.

Ce projet de loi traite d'une modification fondamentale du Cycle d'orientation. En effet, il propose de généraliser la 7e hétérogène dans l'ensemble du cycle d'orientation. La question fondamentale que pose ce projet de loi est un véritable débat de société. Faut-il orienter plus ou moins tôt les élèves, en leur apportant dès la 7e du cycle des cours spécifiques selon des sections, ou faut-il au contraire leur laisser le temps de s'orienter, en homogénéisant l'enseignement et en avançant avec des niveaux de branches ? Cette finalité est un sujet de discussion dans de nombreux pays européens.

A Genève, le rapport scientifique demandé par le DIP au service de recherche en éducation ne sera terminé qu'à la fin de l'année 2000. Il comprendra les aspects comparatifs entre les différentes solutions pratiquées dans les processus d'enseignement en Suisse et à l'étranger. La deuxième partie est la récolte des positions auprès des groupes acteurs, adultes, enseignants, direction, parents d'élèves, etc. La position dans sa majorité, lors de la séance concernée par le vote, a trouvé :

a) qu'il n'était pas pertinent d'accepter un projet de loi, alors que nous ne sommes pas en possession du rapport final. Si on suivait l'avis contraire, ce serait jeter l'argent par la fenêtre, car nous aurions fait travailler des chercheurs sans aucune raison ;

b) que les aspects financiers d'application de cette réforme ne sont pas encore chiffrés ;

c) que le constat suivant est évident : l'enseignement fait l'objet de beaucoup de réformes, et il serait peut-être souhaitable de faire une pause, la proposition du projet est digne d'intérêt, mais il serait souhaitable également que la réforme concerne l'ensemble du cycle pour ne pas créer une réforme au rabais, il faut se donner les moyens pour une réforme à la fois concertée et réussie.

Telles sont les nombreuses raisons qui nous conduisent à refuser d'entrer en matière. Par ailleurs, la motion 1336 est un signal clair des partis de l'Entente pour indiquer notre intérêt pour poursuivre une réflexion approfondie sur ce sujet délicat.

Voilà ce qu'écrivait Mme de Tassigny. 

M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de minorité. La citation qui figure au quatrième alinéa de la page 14 de mon rapport, qui dit que les maîtres sont d'accord sur deux points : l'introduction d'un tronc commun en 7e et le maintien des classes à niveaux en 8e et 9e, date de 1982, à un moment où les enseignants étaient encore divisés sur les structures qui devaient suivre le tronc commun.

Les contacts récents que j'ai eus avec la FAMCO, alors que mon rapport était déjà imprimé, montrent que la majorité des enseignants sont favorables aujourd'hui au projet des Verts.

Si le projet socialiste se contente de demander une 7e hétérogène, cela vient du fait que ce projet semble réalisable dans un proche avenir, mais nous étudierons favorablement le projet de loi 8203 en commission.

Nous avons été séduits par la qualité de l'enseignement donné dans les classes hétérogènes du cycle des Coudriers. Mais ces classes n'ont que dix-huit élèves. Ce n'est que dans ces conditions qu'il est possible de donner un bon enseignement dans des classes hétérogènes. L'introduction des 8e et 9edegrés en classes hétérogènes avec niveaux et options demandera un grand nombre d'enseignants qualifiés supplémentaire, ce qui ne semble pas possible dans un proche avenir.

Le 7e degré hétérogène, qui a des ambitions plus modestes, sera déjà un réel progrès. Comme j'ai pu admirer la rapidité avec laquelle Mme la présidente du DIP pouvait faire entrer en vigueur les réformes désirées par son département, je ne doute pas qu'elle mettra encore plus de zèle à permettre l'entrée en vigueur dans le plus bref délai possible d'un projet de loi voté par le parlement !

Quant à la motion 1336, la gauche est souvent accusée de freiner les projets et de retarder leur application. Or, il y aura bientôt deux ans qu'un projet de loi émanant de trois députées socialistes, qui demandait que le 7edegré soit organisé en classes hétérogènes dans tous les collèges, a été déposé.

Les auteurs de la présente motion n'ont comme seul but que de retarder le vote et l'entrée en vigueur de ce projet de loi, en prétendant de manière hypocrite qu'ils ne sont pas contre le 7e degré hétérogène, mais qu'ils désirent avoir davantage d'informations, alors que nous avons toutes les informations nécessaires qui, toutes, confirment le bien-fondé de la 7e hétérogène.

Nous avons visité le collège des Coudriers, auditionné les représentants de la FAMCO, reçu le rapport du groupe de recherche sur la gestion de l'hétérogénéité et de la différenciation au cycle d'orientation.

Toutes les informations nécessaires nous ont été fournies et la 7e hétérogène a l'approbation d'une large majorité du corps enseignant.

Nous pouvons bien sûr encore auditionner tous les parents d'élèves, étudier les expériences faites de l'Alaska à l'Afrique du Sud et attendre le prochain millénaire pour prendre une décision indispensable à prendre aujourd'hui ! Le groupe socialiste refusera cette motion !

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). J'essayerai d'être brève en me centrant sur le projet de loi 8203.

Ce projet de loi n'avait pas, au départ, l'aval du département de l'instruction publique. Le département n'arrivait pas à décider entre une expérience qu'il conduit depuis de nombreuses années aux cycles des Coudriers, de Bois-Caran et de Budé : la 7e hétérogène et le cycle tel qu'il existe depuis sa fondation et notamment la classe G, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle est une voie de garage par rapport aux autres voies qui débouchent sur les voies gymnasiales.

Le département voulait, au moment où ce projet a été déposé, imposer sa nouvelle grille horaire dans le cycle d'orientation : grille horaire dont une partie du cycle ne voulait pas. Les conditions n'étaient pas bonnes : il n'était pas question pour le DIP d'examiner sérieusement le projet de loi des Verts, dont le but était double. D'une part, il s'agissait d'étendre une expérience en cours depuis de nombreuses années, à souscrire déjà aux résultats d'une étude intermédiaire du SRED montrant qu'il n'y a pas plus de sélection dans l'une ou l'autre des formules à terme, mais qu'il y a plus de satisfaction et moins de discrimination. D'autre part, il fallait harmoniser le cycle d'orientation avec la réforme en cours en amont, c'est-à-dire à l'école primaire qui fonctionnera sur des cycles de quatre ans, sans notes, mais avec une note finale néanmoins, puisqu'il s'agit d'orienter les élèves de l'école primaire vers des sections du cycle, sections dans lesquelles on entre en fonction de ces notes : première incongruité !

Il fallait donc, pour accorder le cycle à cette réforme du primaire, tenter d'offrir de meilleures chances d'orientation à une 7e, et celle-ci a besoin d'être hétérogène pour permettre cette meilleure orientation et cette meilleure distribution des chances. Ce projet de loi prévoyait également - c'est apparu avec netteté au cours des travaux - qu'en 8e et en 9e du cycle on pouvait pour l'instant fonctionner avec les systèmes à options qui maintiennent certains éléments des sections, mais qui les maintiennent de manière souple, avec des passages à niveaux, comme on les appelle pour l'école primaire.

Il s'agissait aussi d'adapter le cycle d'orientation à ce qui se passe en aval, c'est-à-dire vers les formations post-obligatoires, où les passerelles ont été multipliées pour permettre des orientations et une prolongation du temps des études vers les voies d'apprentissage, vers les écoles professionnelles à travers l'école du culture générale ou dans la voie gymnasiale - je vous rappelle que la voie gymnasiale est désormais une voie à option où la première année est largement constituée de troncs communs, en tout cas de préorientation, avant de choisir les options définitives de la 2e et de la 3e année.

Il s'agissait donc de s'intégrer progressivement dans le schéma des modifications et des réformes en cours. Il ne s'agissait pas d'un débat de société, il ne s'agissait pas d'une réforme fondamentale : il s'agissait de faire une réforme raisonnable !

Il se trouve que, par le hasard des présences et des absences en commission, la majorité qui l'a emporté est la majorité opposée à cette option. Aujourd'hui, je souhaite que nous votions ce projet de loi en plénière et que nous puissions très rapidement généraliser cette 7e hétérogène qui est désirée par de nombreux protagonistes du cycle d'orientation et de nombreux parents d'élèves. Je souhaite également que nous examinions comment il est possible de lever les objections encore présentes en particulier dans l'esprit d'un certain nombre de parents d'élèves qui craignent que les cycles à options ne diminuent les chances de bonne sélection de leur enfant. Nous devons choisir entre le fait de favoriser un peu plus l'école active aux dépens d'une école purement sélective, et c'est quand même le sens des réformes de l'école primaire, c'est du moins ainsi qu'elles nous sont présentées, et c'est aussi la direction que prend l'ensemble de notre système d'éducation.

C'est la raison pour laquelle je vous invite ce soir à voter ce projet de loi.

Mme Janine Hagmann (L). Je trouve tout de même un peu étonnant qu'un sujet aussi important fasse l'objet d'un tel forcing de votre part et soit débattu devant une salle aussi vide, alors que nous avons passé des heures et des heures à discuter de sujets de moindre importance. C'est tout à fait inadmissible !

Nous avons l'impression de revivre ce que nous avons vécu en commission ! Les questions qui concernent nos écoles amènent souvent des débats nourris. En l'occurrence, j'ai le sentiment que ce n'est pas vrai : à part les quelques personnes qui exercent ce forcing, ce débat n'est pas un débat très nourri. Pourtant chacun d'entre nous a été élève, il y a plus ou moins longtemps et reconnaît l'importance de la formation. La plupart d'entre nous vit ou a vécu les problèmes scolaires par le biais de ses enfants, si bien que chacun se croit habilité à donner son point de vue sur ce qu'est la meilleure école... Je vous rappelle que les buts de l'instruction publique sont définis à l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, dans lequel l'égalité des chances est mise en exergue, d'une part et que, d'autre part, ce même article de loi insiste également sur l'acquisition du savoir.

Que s'est-il passé à la commission de l'enseignement et de l'éducation ? Minorisée, l'Entente à dû se pencher sur le projet de loi bien qu'elle ait recommandé d'attendre et que le département lui-même ait donné également les consignes d'attendre. Mais vous avez voulu qu'on l'étudie tout de suite, car vous savez que vous êtes actuellement plus nombreux. Nous l'avons donc fait.

Mais pourquoi le département de l'instruction publique nous avait-il demandé d'attendre ? Mme de Tassigny l'a très bien expliqué dans son rapport : une large enquête du SRED est mise sur pied. Cette enquête concerne tous les partenaires, directeurs, parents, élèves, et chacun sait que lorsque les partenaires sont associés à la réflexion, les situations conflictuelles sont évitées. La suppression des sections : ce n'est pas n'importe quoi ! C'est un vaste débat.

Le but premier d'une école est-il d'enseigner des savoir-être ou des savoir-faire ? «In medio stat virtus», c'est-à-dire les deux ! La pédagogie est vraiment devenue une science : elle a sa chaire à l'université. Genève a toujours été la cité des pédagogues, des pédagogues qui ont même parfois une notoriété à l'étranger. Je parlais tout à l'heure avec M. Guy-Olivier Segond de la notoriété de Jaques-Dalcroze à Dresde, où je suis persuadée que les petits nains de la montagne : Nix, Nax, Nox, sont bien plus connus qu'ici. Parenthèse fermée.

Tout cela pour expliquer que des décisions concernant une modification de structure d'enseignement ne peuvent être prises simplement par des politiques, comme cela, à plus de 23 h. Il faut impérativement tenir compte de l'avis des spécialistes.

Maintenant, que se passe-t-il au cycle ? Comme toute école, le cycle d'orientation réexamine en permanence ses objectifs. Dès la fin des années 80, les changements fondamentaux intervenus dans la société, le développement du savoir humain et l'évolution des sciences de l'éducation, ont provoqué au sein du cycle d'orientation une réflexion approfondie visant à redéfinir une formation équilibrée de l'élève. Les objectifs d'apprentissage de toutes les disciplines enseignées au cycle d'orientation ont été redéfinies et il a été décidé que ces objectifs d'apprentissage seraient les mêmes pour tous les élèves, c'est-à-dire que tous les élèves doivent avoir accès au même savoir.

Je ne veux pas faire plus long, puisque je pense qu'il sera très intéressant d'entendre la présidente sur ce sujet. Mais ce soir, nous ne pouvons faire qu'une chose : c'est de renvoyer en commission le projet de loi des Verts qui va plus loin que le projet de loi que nous avons examiné. En effet, changer une 7e et ne pas prévoir l'avenir, c'est avancer la tête dans un sac ! Alors, renvoyons donc ce projet en commission !

Par ailleurs, il me paraît invraisemblable que le rapporteur de majorité ne puisse accepter notre motion ! Que demande la motion de l'Entente ? Elle demande que le département nous donne les résultats d'une recherche qui est lancée sur tout le canton dans des délais raisonnables ! Comment pouvez-vous vous opposer à une telle demande ? C'est vraiment de la politique politicienne ! 

Mme Nelly Guichard (PDC). Comme l'a relevé Mme de Tassigny dans l'intervention présentée par M. Lescaze et comme l'a dit aussi Mme Hagmann, en mars nous avons refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi, parce que nous n'entendions pas nous prononcer sur le sujet de l'hétérogénéité au cycle d'orientation avant d'avoir pu prendre connaissance des résultats de l'étude large et approfondie qui est en cours. Le service de recherche en éducation aura terminé son travail à la fin de l'année, et ce n'est qu'à partir de ce moment-là que nous pourrons nous prononcer en connaissance de cause. Nous n'avons pas l'intention de nous prononcer la tête dans un sac !

Nous avons donc, puisque nous ne sommes pas entrés en matière, élaboré une motion qui invite le Conseil d'Etat à nous adresser, dès la parution des résultats de la recherche, un rapport détaillé sur l'évolution du cycle d'orientation, et je suis assez étonnée, Monsieur Courvoisier, que vous proposiez le refus d'une telle motion. Cela veut dire en somme que vous prenez une décision sans tenir compte de la vaste étude qui est en cours et qui s'adresse aux parents, aux enseignants, à toutes les personne concernées par l'école... Je trouve cela tout de même un peu fort !

Nous ne sommes a priori pas opposés au principe d'éviter une sélection précoce et nous savons bien que le paysage scolaire a grandement changé depuis la création des cycles d'orientation, voici près de quarante ans. Il serait cependant faux - totalement faux - de prétendre que rien n'a changé depuis leur création : bien au contraire ! Il y a eu une évolution constante au cours de ces dernières années, mais, de toute manière, nous jugeons qu'il est en tout cas prématuré, à ce stade, de prendre une décision sur le projet de loi présenté par le parti socialiste.

Par contre, nous vous proposons de renvoyer en commission le projet de loi 8203, pour pouvoir reprendre ce sujet en commission de l'enseignement et de l'éducation. Si nous décidions ce soir de voter en débat immédiat, comme vous le proposez, nous prendrions en quelque sorte un pari. Avons-nous le droit, face aux jeunes, face aux familles concernées, de parier sur une 7e hétérogène pour l'ensemble du cycle d'orientation ? Eh bien, nous, nous disons non au pari, non à la démagogie, non au dogme politique ! 

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Une réforme du cycle d'orientation mijote depuis bien des années chez certains penseurs de divers partis politiques, et les circonstances font que ce soir c'est devant une salle aux deux tiers vide que nous devons en traiter dans l'urgence, ce qui est effectivement regrettable, comme cela a déjà été dit. En effet, ce sujet devrait intéresser tous les députés tout autant que les sujets concernant les banques ou le droit des pauvres. (L'oratrice est interpellée.) Certains députés ont parfois d'autres manières de meubler leur soirée, c'est vrai, mais il faut parfois savoir faire des exceptions, Monsieur Halpérin ! (Exclamations.) (Le président agite la cloche.)

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je voudrais simplement poser trois questions qui me semblent être la base du débat :

1. Faut-il réformer le cycle d'orientation ou, plutôt, puisque les réformes se font de toute façon toutes seules et que tout est mouvement à l'école, le parlement doit-il s'en mêler ?

2. Comment faut-il le réformer ? Quelles réformes ?

3. Y a-t-il urgence, et, si oui, pourquoi ?

Pour répondre à la première question, pour faire vite et pour ne pas dire du cycle d'orientation que c'est une institution vieillie et intouchée depuis vingt ans, disons simplement que le principal problème qui se pose c'est la classe générale dite «G». La classe «G» est une classe qui ne répond plus aux objectifs qu'elle s'était fixés dans les débuts du cycle d'orientation. On croyait alors avec une certaine naïveté que les mesures prises en section générale, notamment des effectifs plus faibles, une heure hebdomadaire supplémentaire en allemand et en mathématiques, permettraient à ces élèves de rattraper leur retard. Les études successives qui ont été faites sur ce sujet ont démontré qu'il n'en était rien. Compte tenu du décalage entre les sections latine, scientifique et la section générale, le regroupement en classe homogène, à sections et éventuellement à niveaux, tendrait à accroître la différence. C'est pourquoi le maintien en classe hétérogène peut tendre à diminuer cet écart. En effet, le cycle avec ses classes «G» ne répond plus à cette fonction d'orientation qui lui était donnée. La sélection est en fait en 6e, les élèves de «G» ne passant de fait plus dans les autres sections, et l'on remarque que seul environ un élève par volée, à la fin d'une 7e G peut passer en 8e latine ou scientifique.

C'est ainsi que nous avons vu se créer des sortes de ghettos qui concernent une large partie de la population des enfants de notre canton, malgré tout. Et que deviennent ces enfants à la sortie de ces classes générales ? La question reste posée entièrement, car non seulement ils ne peuvent poursuivre leurs études mais ils ne trouvent même plus de classes d'apprentissage. C'est la raison pour laquelle les Verts pensent qu'il faut réformer le cycle d'orientation.

Deuxième question : quelles réformes ? Deux vous sont présentées ce soir : l'une du parti socialiste vous propose une 7e hétérogène et l'autre, celle des Verts, vous propose de poursuivre le système vers la 8e et la 9e à options et à niveaux. Le projet d'une 7e hétérogène permet, c'est vrai, de retarder la sélection d'un an, car il est bien difficile de sélectionner des enfants à l'âge de 11 ans, déterminant ainsi tout le reste de leur vie.

Au niveau individuel, le report de la sélection d'une année peut représenter une chance supplémentaire. Au niveau de l'ensemble de la population, par contre, nous ne sommes pas sûrs que cela change fondamentalement les choses. Les analyses montrent que, pendant cette phase des degrés 8 à 10, l'orientation se produit très progressivement et que la prochaine étape relativement importante est le 10e degré - nous en traitons d'ailleurs également en commission. Il serait donc très dommage que l'introduction du tronc commun en 7e débouche sur une sélection plus rigide dans les degrés suivants.

C'est pourquoi les Verts vous proposent un projet qui va plus loin que la 7e hétérogène. Le système qu'il vous propose ne part pas de zéro, puisqu'il existe déjà dans trois des dix-sept cycles d'orientation de Genève : ce sont les cycles à options et à niveaux. L'élève y a la possibilité d'affirmer ses aptitudes dans l'un ou l'autre domaine. Il n'est pas forcé d'être bon partout ou mauvais partout. Ce système a déjà donné ses preuves, et s'il avait donné de moins bons résultats que les autres, il est évident que ces trois cycles auraient vu leur système changer. Or, il a duré jusqu'à maintenant et il a été prouvé que ces cycles donnaient d'aussi bons résultats que les autres au niveau des connaissances.

Bien sûr, il reste beaucoup de choses à définir qui ne sont pas contenues dans le projet de loi des Verts : par exemple, quelles sont les branches qui doivent être à niveaux ? Pourquoi seuls les mathématiques et l'allemand seraient concernés ?

Autre question : quels doivent être les effectifs d'élèves dans les classes ? C'est une question très importante, puisqu'évidemment elle est au coeur de tout débat sur l'hétérogénéité. Enfin, quelle meilleure synergie pourrait-on instituer entre les professeurs ? Le débat reste ouvert. Il doit se faire en commission, il doit se faire dans les salles des maîtres, il doit se faire au sein de la population.

J'en viens enfin à la troisième question : quelle urgence y a-t-il à modifier le cycle ? Pourquoi faut-il se dépêcher de faire une réforme ? Je répondrai qu'il y a tout d'abord toujours urgence à se mettre au travail lorsqu'une situation est mauvaise et doit être modifiée, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'enfants et de classes d'âges qui sont touchées les unes après les autres. Mais il faut aussi quand même souligner qu'une nouvelle grille horaire a été mise en place et que celle-ci soulève des tollés aussi bien chez les enseignants que chez les parents qui viennent de déposer une pétition. En effet, cette grille horaire instaure une hétérogénéité de fait sans aucune mesure d'accompagnement en maintenant une seule filière latine qui est d'ores et déjà considérée par les parents comme une sorte de filière d'excellence, puisque tous les parents désirent que leurs enfants entrent dans cette filière. C'est pour le coup que l'hétérogénéité risque d'aboutir au nivellement par le bas si les effectifs des classes ne sont pas réduits, alors que l'hétérogénéité est établie de fait !

En conclusion, je dirai que le débat a commencé ce soir. Il n'est clos en aucun cas. Il doit se poursuivre partout dans le public. Ce domaine devrait en principe intéresser 90% de la population, car l'éducation est un domaine qui concerne tout le monde, et une réforme quelle qu'elle soit ne peut se faire sans concertation et sans consensus. 

Mme Jeannine de Haller (AdG). Je vais raccourcir mon texte d'au moins la moitié, pour vous épargner une longue intervention, à cette heure tardive...

Les deux projets de lois qui nous sont soumis ce soir nous placent devant un choix politique clair quant à l'école que nous voulons pour nos enfants. Voulons-nous privilégier une élite en maintenant la sélection à la fin de la 6e primaire et les sections dès la 7e du cycle ou voulons-nous l'intégration de tous les enfants sans que cela se fasse au détriment de qui que ce soit ? L'hétérogénéité empêche l'exclusion, la démotivation, la marginalisation et la stigmatisation, qui sont le lot actuel des élèves des sections de générale et de pratique. Elle est également socialement plus juste. On sait en effet bien que ce sont les enfants des couches socio-professionnelles les plus favorisées que l'on retrouve dans les sections dites «prégymnasiales» et donc les enfants des couches socio-professionnelles les moins favorisées que l'on retrouve dans les sections générale et pratique.

Mesdames et Messieurs les députés, nous bénéficions aujourd'hui d'une expérience de plus de vingt-cinq ans avec les trois cycles qui fonctionnent en système II, donc d'hétérogénéité. Plusieurs bilans ont été déjà faits et ont montré qu'il n'y avait aucune différence statistique du point de vue des compétences scolaires entre les deux systèmes. Par contre, comme je l'ai déjà dit, du point de vue social, les avantages de l'hétérogénéité sont indéniables. Ainsi et comme nous l'a dit le directeur du cycle des Coudriers, c'est surtout dans ses aspects non mesurables que le système hétérogène est le plus important.

Pour ces raisons, nous vous invitons à voter immédiatement le projet de loi 7697, à renvoyer en commission le projet de loi 8203 et à ne pas entrer en matière sur la motion 1336 qui est tout simplement du vent !

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Je vous ai lu tout à l'heure le rapport rédigé par Mme de Tassigny.

Je vais vous donner maintenant les opinions du groupe radical qui, je le pense, sont celles d'une partie des partis de l'Entente au sujet de ces deux projets de lois et de la motion.

Il me paraît d'abord peu admissible et peu acceptable que des projets aussi importants concernant l'avenir de nombreux enfants, comme l'ont souligné les préopinants d'opinions diverses, soient traités à minuit ou presque, subrepticement et en l'absence de la rapporteuse qui a assisté à tous les travaux de la commission. J'ai eu l'impression qu'on souhaitait aussi l'absence de la conseillère d'Etat chargée du département.

Je précise d'emblée, pour que les choses soient claires, que je demande le renvoi en commission du projet de loi 7697, comme du projet de loi 8203, sur lequel nous sommes d'accord. Je demande également le renvoi en commission de la motion 1336.

Et maintenant, je vais tout de même vous donner un certain nombre d'arguments qui n'ont pas encore été évoqués ici. Je suis tout à fait stupéfait que l'on décide de créer maintenant, ce soir, une 7e hétérogène, sans étude nouvelle et précise, alors qu'on écrit qu'il est important que les enfants puissent s'orienter, si possible, pas trop précocement. Cela alors qu'effectivement les expériences dans les trois cycles de Bois-Caran, des Coudriers et de Budé se poursuivent depuis plus de vingt ans.

Mais alors qu'a-t-on fait pendant ces vingt années, durant lesquelles pendant plus de six ans, huit ans - à mon avis, deux législatures - le conseiller d'Etat chargé du département de l'instruction publique était M. André Chavanne, socialiste, puis M. Dominique Föllmi, qui était plus chrétien-social que démocrate-chrétien ? Pourquoi n'avez-vous pas demandé, au-delà des études - mais vous savez très bien que ces études n'étaient pas si favorables que cela aux classes hétérogènes - que ce système soit étendu à l'ensemble du cycle d'orientation ? Qu'avez-vous fait pendant ces vingt années ?

Je suis stupéfait de constater que c'est au moment où enfin une conseillère d'Etat - certes libérale, donc moins proche dit-on des milieux enseignants - entreprend de véritables réformes, non seulement au cycle d'orientation mais également à l'école primaire comme à l'université que vous bougez. En effet, Mesdames et Messieurs, c'est la première fois depuis vingt-cinq ans ! C'est ma première interrogation.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de Mme de Tassigny selon laquelle il faudrait faire une pause dans les réformes. Finalement, l'école c'est comme l'église protestante : reformata semper reformandi, elle est réformée, mais elle doit toujours être réformée. Encore faut-il le faire à bon escient !

Il y a quelques semaines, j'ai trouvé par hasard un livre de M. Marc Nicole au marché aux puces, qui a été, pendant une année ou deux, directeur général du cycle d'orientation. Il avait succédé à M. Robert Haari, dont il avait été le plus proche collaborateur pendant toute la création du cycle d'orientation.

Mesdames et Messieurs les députés, vous devriez relire les pages consacrées par Marc Nicole - et inspirées à l'évidence par Robert Haari - sur la difficulté de faire des réformes au cycle d'orientation en raison de la position du corps enseignants à leur égard. Véritablement, ces pages qui ont été écrites et publiées il y a dix ans, mais qui reposent sur des souvenirs d'il y a plus de vingt ans, n'ont pas pris une seule ride. Je regrette de n'avoir pas su que ce débat aurait lieu ce soir, parce que je me serais fait un plaisir de vous en lire quelques extraits. Vous auriez vous-mêmes été, Mesdames et Messieurs les députés, stupéfaits !

Avant de parler des autres arguments qui ont été invoqués, permettez-moi, pour une fois, de faire appel à mes souvenirs, à des souvenirs qui remontent presque à un quart de siècle et qui n'ont duré qu'une année. Il se trouve qu'à la fin des années 70 j'ai eu une classe hétérogène au cycle des Coudrier : une 7e dans laquelle je n'enseignais que deux disciplines : le français et l'histoire. Eh bien, parmi les élèves de cette classe dont j'ai conservé un souvenir lointain pour certains - je ne peux du reste pas vous dire s'ils étaient dix-huit ou vingt-deux, mais, à mon avis, ils étaient plutôt vingt-deux - quelques-uns ont été jusqu'à l'université. D'autres, malheureusement, ont dû arrêter en cours d'année, parce qu'il s'agissait de cas pathologiques.

Alors, on a probablement longtemps orienté les gens trop précocement. Mais, malgré tout, même si pour un certain nombre d'élèves il était heureux d'être dans une classe hétérogène et même si, finalement, vingt-cinq ans après, je n'en conserve pas du tout un mauvais souvenir, alors que pour moi le but était de voir comment on enseignait les cycles d'histoire, de l'Egypte ancienne jusqu'à l'histoire contemporaine, je ne suis pas encore persuadé que ce soit une excellente expérience pour tous les élèves. Je dis cela pour les meilleurs comme pour les moins bons. La preuve c'est que, sur les dix-sept cycles d'orientation, quatorze se sont jusqu'à présent refusés, parfois obstinément, à introduire des classes hétérogènes.

Je constate ensuite qu'à l'heure actuelle on ne connaît absolument pas les incidences financières d'une telle mesure. Or, Mme Caroline Dallèves-Romaneschi vient de nous rappeler que, selon elle, un système valable pour les classes hétérogènes entraîne des incidences sur les effectifs des classes. D'autre part, la nécessité, comme le dit très justement le projet, d'orienter les élèves par des entretiens avec des conseillers en orientation scolaire induit également des dépenses supplémentaires, car il n'y a pas assez de conseillers en orientation scolaire à l'heure actuelle. Et il ne faut pas me dire le contraire !

En conséquence et à l'évidence, cette réforme est prématurée pour l'instant - car j'imagine que vous voudriez qu'elle entre en application le plus vite possible - malgré le fait - je rejoins M. Courvoisier sur ce point - que ce système est en place depuis vingt ans dans trois collèges. Mais vous ne pouvez pas aujourd'hui faire payer le retard pris par les conseillers d'Etat de différents partis pendant cinq législatures et alors que vous n'avez rien fait pendant ce temps, pour une raison ou pour une autre. En réalité, je vois bien que derrière cette volonté d'introduire les classes hétérogènes partout il y a surtout une volonté de faire obstacle à la nouvelle grille horaire. Tous les moyens sont bons : nous ne sommes pas complètement aveugles à ce sujet !

Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important et sage de renvoyer ce projet en commission de façon à approfondir la discussion sur quelques éléments. En effet, sur le fond du problème, il me semble que tout le monde est d'accord, en tout cas jusqu'à un certain âge, sur le fait que l'hétérogénéité n'est pas une mauvaise chose et je pense que dans un avenir proche - pas dans une année ou dans dix ans - il se dégagera une majorité sur ce projet de loi 7697.

En ce qui concerne le projet Vert et Alliance de gauche - d'après les signataires - je dois dire que je suis un peu consterné. En effet, si l'on veut que l'ensemble du cycle d'orientation soit hétérogène à tous les degrés, je ne comprends pas véritablement pourquoi les trois proposants ne vont pas au bout de leur logique et ne proposent pas l'hétérogénéité également pour l'enseignement post-obligatoire, gymnasial, ainsi qu'à l'université. Lorsque les étudiants seront sortis d'universités hétérogènes, on verra bien ce que vaudront les diplômes. Ils entreront dans la vie active où il y a effectivement hétérogénéité, comme ici d'ailleurs : c'est comme cela dans la vie ! C'est parfaitement logique, mais je pense qu'à un certain moment il convient d'avoir également des profils homogènes dans la formation.

D'ailleurs, les socialistes ont été beaucoup plus prudents de ce point de vue là, puisqu'ils ne recommandent l'hétérogénéité que pour la 7e du cycle d'orientation. Je crois que ces deux projets sont totalement différents. Le projet 8203 constitue un véritable bouleversement de la formation, que l'Entente ne peut pas accepter pour l'instant, car il s'agit réellement d'un nivellement - je ne dirai pas un nivellement par le bas - momentané et, en réalité, il pénalise la formation des jeunes de ce pays. Nous nous y opposerons donc de toute façon, après son étude en commission.

En revanche, il me semblerait plus raisonnable de renvoyer le projet socialiste en commission : j'en fais formellement la demande. Depuis plus de vingt ans que les trois collèges Bois-Caran, Coudriers et Budé, expérimentent les classes hétérogènes, on devrait pouvoir avoir une étude pour savoir si les élèves sortis de ces collèges sont réellement d'un niveau moins bon ou meilleur que les autres. Pour ma part, j'ai entendu parler d'une étude dont les conclusions n'étaient pas tout à fait concluantes, mais je me garderai bien d'avoir des opinions arrêtées à ce sujet. Il me semble que ce soir, à minuit moins six, il n'est pas raisonnable de vouloir voter sur le siège ce projet, je le répète, et je vous invite à être raisonnables. 

Mme Myriam Sormanni (S). Le 3 avril 1999, j'ai assisté à une réunion de parents d'élèves du collège de Vuillonnex à Bernex, où ma fille est scolarisée, durant laquelle on nous a présenté l'exemple d'une classe de 7e hétérogène. Et le directeur de ce cycle nous a dit son projet d'obtenir l'autorisation d'étendre ce système à la 8e pour l'année à venir, soit 2000/2001 et à la 9e pour l'année 2001/2002. Ceci pour rassurer Mme Hagmann et Mme Guichard. Nous devrions nous renseigner pour savoir comment cela s'est passé. Ce soir-là on nous a dit que les élèves n'avaient que deux périodes de notes au lieu de quatre et qu'ils étaient beaucoup moins stressés que les autres, qu'ils obtenaient de bons résultats, qu'ils étaient contents et bien dans leur peau.

C'est tout ce que je voulais vous dire. 

M. Charles Beer (S). Certes, ce débat tombe mal ce soir, pour plusieurs raisons. Il semble qu'il y ait aussi une espèce de hiérarchie par rapport à l'importance des sujets. Quelques-uns de ceux-ci obnubilent certains orateurs et encombrent nos travaux, et il reste finalement assez peu de place pour les problèmes de l'éducation, même si, par ailleurs, on reproche à la commission de l'enseignement et de l'éducation de peu avancer.

J'ajoute que le projet de loi socialiste est un bon projet dans la mesure où il a été lancé il y a quelques années et parce qu'il propose une démarche pragmatique, avec une entrée en vigueur de cette mesure en tout cas au niveau de la 7e pour une certain nombre de bonnes raisons. Nous l'avons examiné en commission dans d'assez mauvaises conditions, car un certain nombre d'éléments ont pesé relativement négativement.

Premier élément : la réforme du primaire, que la plupart des députés soutiennent ici. Ceux-ci ont bien remarqué que si cette réforme consacrait un certain nombre de progrès sociaux, elle s'accompagnait en bout de course d'une sélection qui a été décidée in extremis. A partir du moment où cette décision était prise, l'enjeu de la 7e devenait évident : fallait-il faire la sélection à 11 ans, alors qu'on aurait pu commencer à la préparer par un test niant finalement tous les progrès de la rénovation du primaire. Voilà pourquoi, en premier lieu, les travaux ont été accélérés.

S'il y a eu urgence - vous avez raison, Monsieur le rapporteur de majorité - c'est que la grille horaire a pesé et a même fort lourdement pesé sur nos travaux. Avec ce débat qui est mal parti et qui tombe mal que convient-il de faire ? Ce que je vous reproche, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, c'est de faire croire que vous opposez une démarche pragmatique qui tiendrait compte de l'étude du SRED comme centre des réformes... Il n'en est rien, puisque le cycle d'orientation va voir à la rentrée une nouvelle grille scolaire qui, de fait, consacre l'hétérogénéité pour une partie des élèves, mais préserve la filière d'excellence et de l'élite : la filière latine. Et ça vous le savez parfaitement bien, Monsieur Lescaze ! On ne s'est pas empressé d'attendre - si vous me permettez cette expression - l'étude du SRED pour étudier sérieusement les impacts de cette nouvelle grille horaire !

J'ajoute en passant, comme l'atteste le procès-verbal de la dernière conférence de l'instruction publique, que l'association de parents a déploré vivement ne pas avoir été consultée dans le cadre de la mise en place de cette nouvelle grille horaire. A précipitation, précipitation et demie ! Peut-être ? En tout cas, si nous avons souhaité que ce débat soit traité en urgence ce soir, c'est pour une raison bien simple : c'est que la nouvelle grille horaire va effectivement entrer en vigueur au mois d'août, alors que le corps enseignant est relativement révolté par celle-ci - c'est une réalité - et que les associations de parents d'élèves déplorent de ne pas avoir été consultées.

Nous avons donc estimé, du côté de la majorité, qu'il était de notre devoir d'accélérer les choses pour que l'hétérogénéité au cycle d'orientation se fasse tout d'abord en 7e. Nous avons été battus et comme, finalement, tout se précipite, il était logique qu'un projet de loi soit déposé dans le but d'instaurer l'hétérogénéité pour l'ensemble du cycle d'orientation. C'est logique, à partir du moment où il y a décalage et que les choses sont chamboulées - on sait, malheureusement, combien il est difficile de parler de réformes dans le monde de l'éducation.

Nous avons donc dû faire des choix qui sont relativement difficiles mais qui ont le mérite d'être clairs : nous voulons une 7e, une8e et9e hétérogènes. Sommes-nous prêts pour l'instaurer dans tous ses aspects ? Pour ma part, je répondrai non ! Un certain nombre de points doivent être décidés d'ici là. C'est pour cela que le projet de loi qui propose l'hétérogénéité sur les trois niveaux est indispensable. Il permettra d'abord d'étudier la cohérence du système et de savoir, finalement, quel est le but du cycle d'orientation, puisqu'il porte toujours le terme «d'orientation». Un certain nombre de missions sont au centre du cycle d'orientation, et si nous soutenons l'hétérogénéité dans l'ensemble du cycle, c'est bien pour faire reculer quelques éléments qui relèvent de la sélection sociale, que la grille horaire risque bien de précipiter...

Quels sont les points sur lesquels nous allons insister lors de ce débat sur le cycle d'orientation en deux parties, puisque nous souhaitons instaurer l'hétérogénéité en 7e dès ce soir ?

Première chose : il faut avoir des taux d'encadrement satisfaisants. Il n'est pas possible de faire des classes hétérogènes avec des effectifs de vingt-quatre élèves. Il faudra discuter pour savoir s'il faut les ramener à vingt ou dix-huit.

La deuxième chose est une remarque plus personnelle, et j'espère que mon parti ne m'en voudra pas de l'exprimer... Si l'hétérogénéité est placée au centre de la réforme, il conviendra de continuer à mettre en place non seulement l'harmonie, l'entente et l'intégration des élèves mais aussi l'apprentissage : le fait d'apprendre à apprendre.

En effet, je suis inquiet car, quelle que soit la réforme choisie, que ce soit la grille horaire ou que ce soit l'hétérogénéité, aujourd'hui une espèce d'ambiance majoritaire reliant certains milieux libéraux et certains milieux de gauche veut supprimer toute idée de redoublement automatique. Je crains pour ma part que cela ne soit un élément de sélection sociale extrêmement fort.

S'agissant de la nouvelle grille horaire, je me permets de citer un document qui est une communication au conseil de direction du 25 mai qui dit très clairement : «Sur préavis du conseil d'école, la direction peut autoriser un élève à doubler une classe au cours des trois degrés, lorsque les motifs indiqués paraissent suffisants.» Il est donc très clair aujourd'hui, si nous n'y prêtons pas garde, que la suppression de redoublement de fait en primaire sera mise en place dans le cadre du cycle d'orientation, ce qui accentuera encore la sélection et ce qui permettra certainement aux milieux de la construction de trouver toutes les apprenties et les apprentis dont ils rêvent depuis des années en décriant la mauvaise réussite de l'école...

Voilà les éléments qui me paraissent pertinents dans le cadre d'une étude de l'hétérogénéité. Le rapport du SRED nous sera fondamentalement utile et, comme l'entrée en vigueur ne pourra pas se faire au mois d'août de cette année pour la 7e, nous avons une année devant nous. Ce temps nous permettra largement d'avancer de façon à intégrer les conclusions du SRED et à supprimer les effets pervers qui pourraient être mis en évidence dans ce rapport.

Je termine en m'adressant à vous, Madame la présidente. Il est sans doute peu fair-play de vous faire revenir à cette heure tardive, même si c'est vous qui avez décidé de revenir, mais c'est aussi vous qui avez décidé de quitter la séance tout à l'heure en sachant que cet objet était à l'ordre du jour...

M. Michel Halpérin. Comme tout le reste, depuis des mois !

M. Charles Beer. Oui, comme tout le reste : vous avez parfaitement raison ! Monsieur Halpérin, il me semble que vous n'avez pas la parole ! Vous n'aurez qu'à la prendre tout à l'heure !

Pour nos milieux, il est important de pouvoir donner un signe clair pour la rentrée du mois d'août - le troisième débat ne sera sans doute pas demandé et il sera probablement porté à l'ordre du jour de la prochaine session, qui aura lieu au mois de juin - en disant que si réforme il doit y avoir, celle-ci doit être globale, cohérente, et permettre de faire une étude. Nous regrettons aussi tout ce qui entoure ce débat... J'allais parler - excusez-moi du terme - de «l'extrême chienlit» des réformes qui s'additionnent les unes aux autres et qui ne permettent pas toujours d'avoir une vue d'ensemble de la situation.

Mme Janine Hagmann (L). Malgré l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous demander d'être raisonnables - M. Lescaze l'a également dit. Il n'est en effet pas décent de voter des lois dont les conséquences sont aussi importantes à la va-vite à minuit cinq ! Pour montrer que le groupe libéral tient absolument à avoir une école de qualité, il va faire un effort en acceptant le renvoi en commission des deux projets de lois. Si la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, cela formera un tout.

Comme cela a déjà été dit, l'expérience de classes hétérogènes dure depuis vingt et un ans dans trois cycles. Et pourtant, les deux conseillers d'Etat qui ont précédé Mme Brunschwig Graf n'ont pas généralisé la formule. Pourquoi ? J'ai entendu ce soir qu'il n'y avait pas de différence entre les élèves qui viennent de classes hétérogènes et ceux qui viennent de classes homogènes. Alors, je vous renvoie l'argument : puisqu'il n'y a pas de différence, pourquoi voulez-vous absolument changer les choses ?

D'autre part, vous avez parlé des postes manquants, parce qu'il semble évident que les effectifs des classes hétérogènes doivent être diminués. Il manquerait, nous a-t-on dit, une centaine de postes... OK, mettons cent postes de plus au budget : il n'y a pas de problème ! Mais vous êtes-vous demandé combien de bâtiments feraient défaut ? Avec des effectifs de dix-huit élèves par classe, il faut en effet forcément des bâtiments en plus. La concrétisation de cette mesure n'est absolument pas possible dans la réalité.

Comme vous l'avez dit, nous nous sommes rendus au cycle des Coudriers : il n'est pas du tout vrai que les jugements des enseignants que nous avons vus soient unanimes. Du reste, le procès-verbal le stipule. Nous sommes allés deux par deux dans les classes. J'étais avec Mme de Tassigny et avec le procès-verbaliste qui a pris note des réactions des enseignants qui ne sont pas du tout tous d'accord d'avoir des classes hétérogènes dès la rentrée. Ils estiment qu'il est nécessaire de laisser passer un peu de temps pour assimiler la grille horaire qui démarre en septembre avant de continuer.

Vous avez dit, Monsieur Lescaze, que vous n'étiez pas d'accord avec Mme de Tassigny qui préconise de faire une pause dans les réformes et vous suggérez de ne pas en faire. En ce qui me concerne, je pense qu'il faut laisser du temps pour que la grille horaire se mette en place. Avec cette grille horaire l'élève sera vraiment au centre des préoccupations  et l'enseignement aussi différencié que possible. Ensuite, nous reviendrons sur le problème de l'hétérogénéité, mais la décider comme cela, en vitesse ce soir, cela ne me paraît pas du tout sérieux !

Je vous propose donc le renvoi des deux projets de lois en commission et la motion au Conseil d'Etat.

Le président. Je donne encore la parole aux deux rapporteurs et, ensuite, je procéderai au vote de ces différents objets, bien entendu après avoir laissé s'exprimer Mme la conseillère d'Etat. Monsieur Courvoisier, je vous donne la parole.

M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de minorité. Comme Mme Hagmann dit qu'il n'y a pas de différence entre les classes hétérogènes et les autres... Je voudrais citer le rapport intermédiaire que nous avons reçu, qui dit clairement : «Quant aux résultats des élèves, il apparaît que la 7e hétérogène offre plus de stimulation pour les élèves moyens et faibles, sans pour autant handicaper les bons élèves.» Les élèves moyens et faibles sont donc meilleurs !

D'autre part, un peu plus loin, je lis : «Les analyses montrent que le regroupement des élèves affecte les progressions. Ainsi, des élèves de caractéristiques initiales comparables progressent d'autant mieux que le niveau moyen de leur classe est élevé.» Ceci figure dans le rapport intermédiaire que nous avons reçu !

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Longtemps l'enseignement genevois était réputé pour son excellence et, également, pour sa complexité face aux autres systèmes d'enseignement. Aujourd'hui encore, dans toute la France, de Dunkerque à Narbonne, on enseigne les mêmes programmes, je n'ose pas dire pratiquement à la même heure, par exemple en histoire. Aujourd'hui, dans les dix-sept cycles d'orientation genevois, je vous assure que les programmes d'histoire sont différents dans les dix-sept cycles d'orientation et parfois même suivant les enseignants. C'est dire que nous avons nous un système de haute couture, alors que les pays qui nous entourent ont souvent de la confection de bas de gamme. Le dire, ce n'est pas simplement se valoriser ou se vanter, c'est montrer que notre système est extrêmement complexe, et donc extrêmement délicat et qu'il ne peut être modifié qu'en tenant compte de tous les équilibres.

Je le répète, j'ai demandé le renvoi en commission de ces projets. Je suis sensible aux arguments développés par M. Charles Beer, mais je lui demande toutefois d'être pragmatique pour qu'un véritable travail d'analyse de ces deux projets de lois puisse être fait. Comme lui, en ayant, il est vrai, seulement lu le rapport de majorité, je constate qu'un véritable travail d'analyse des conséquences pour les élèves tant pédagogiques, financières, que sociales, du projet de loi socialiste n'a visiblement pas été entrepris par la commission de l'enseignement et de l'éducation. Si par malheur le débat était refusé, j'annonce simplement que je proposerai un amendement à l'article 54, alinéa 2, qui porte sur un seul mot, mais un mot qui me paraît important.

J'ai tout à l'heure évoqué certains souvenirs qui m'étaient personnels, mais je peux en évoquer d'autres de nature plus historique, parce que je ne les ai pas vécus personnellement. Je vous rappelle qu'avant l'introduction du cycle d'orientation en 1961, le conseiller d'Etat chargé de l'instruction publique, qui était radical, M. Alfred Borel, a eu une longue dispute avec les enseignants de l'école primaire, parce qu'il a fait passer à la trappe la 7e primaire dans son projet, en faveur de la 7e du cycle d'orientation inventé par Extermann et qui a été mis en vigueur dès que M. André Chavanne est entré en fonction en 1961. Il voulait donc déjà ôter la 7e primaire au profit de ce qui était l'ancienne 7e du collège de Genève. Au fond, il pratiquait déjà l'homogénéité à sa manière - on ne parlait pas à ce moment-là d'hétérogénéité, mais c'était bien un peu cela, puisqu'il y avait des sections. J'ai un peu l'impression qu'avec votre 7e hétérogène - c'est un peu paradoxal, et je le dis cum grano salis - on verrait en réalité l'ultime victoire de l'enseignement primaire, parce que, finalement, les classes primaires sont des classes hétérogènes. C'est en fait revenir, d'une manière déguisée, à l'ancienne 7e primaire hétérogène, recréée par l'Alternative. Reconnaissez que cela mérite au moins une certaine réflexion durant la pause estivale !

Mme Martine Brunschwig Graf. L'enseignement et l'école méritent suffisamment d'attention pour que l'on soit présent quelle que soit l'heure à laquelle on en parle, même si l'heure est particulièrement mal choisie aujourd'hui.

Le débat entamé en 1997 par le dépôt du projet de loi socialiste m'avait immédiatement décidée à faire une demande de mandat au service de la recherche en éducation - les députés de la commission de l'enseignement et de l'éducation le savent - dont nous attendons les résultats pour la fin décembre de cette année. Si j'ai donné ce mandat, c'était bien dans l'idée d'éviter que des discussions sur des a priori viennent clore de longues années durant lesquelles mon illustre prédécesseur - je le tiens de ses plus proches collaborateurs - refusait toute autorisation d'hétérogénéité, à chaque fois qu'il était sollicité. Il ne s'est pas contenté de les refuser, il a mis en place un règlement au cycle d'orientation pour rendre obligatoire l'autorisation du Conseil d'Etat pour toute poursuite d'une réforme dans ce sens ! S'il l'a fait à l'époque c'est parce que lui, grand champion de l'égalité des chances - vous le reconnaîtrez, comme je le reconnais - a pensé que cette solution qui était expérimentée dans ces trois cycles n'avait pas suffisamment démontré d'intérêt. Pourtant, il souhaitait faire avancer l'accès à l'enseignement dans tous les secteurs, y compris à l'université. Trente ans après, ou à peu près puisqu'il s'agissait des années 73 et suivantes, le débat est le même !

Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincue que dans les années qui viennent nous devrons trouver des solutions nouvelles pour le cycle d'orientation. Il est fort probable que le système actuel devra subir quelques modifications d'organisation, mais je serai vraiment déçue d'imaginer qu'aujourd'hui la solution choisie soit celle qui a été refusée depuis trente ans. En effet, aujourd'hui, personne dans cette enceinte ne peut prouver en quoi que ce soit la différence entre les classes hétérogènes et les autres. Je ne sais ce que va donner le résultat de l'étude, mais ce que je sais c'est que nous avons pris la précaution d'analyser les cohortes d'élèves pour rendre ce débat objectif, que nous avons mené une enquête auprès des enseignants, des parents et des élèves, qui doit nous permettre ensuite d'avoir un panorama global de ce que pensent les uns et les autres. Nous fixerons les procédures à suivre sur cette base.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de choses sur la grille horaire. J'ai même entendu l'autre jour - je le dis devant le président du groupement des associations de parents d'élèves du primaire - un parent d'élève m'expliquer que son opposition à la grille horaire était moins vive après m'avoir entendu donner des réponses aux questions qui m'avaient été posées... J'ai peu eu à discuter de ce sujet en commission de l'enseignement et de l'éducation parce que j'ai été très peu sollicitée par ladite commission... Je peux simplement dire aujourd'hui que nous avons pris toutes les précautions pour que cette grille horaire ne préjuge en rien des décisions qui pourraient être prises ultérieurement dans l'organisation du cycle. Je dirai même plus, cette grille horaire permet quoi qu'il arrive, avec quelques modifications, de s'ajuster selon les besoins lorsque ce parlement pourra prendre les décisions nécessaires - en connaissance de cause, je l'espère !

Ce n'est pas pour précipiter le mouvement que cette grille horaire a été mise en place à la rentrée de cette année. Je vous rappelle que dix ans de travaux l'ont précédée, qu'elle a été annoncée au printemps de l'année dernière, qu'elle était connue depuis le mois de septembre et qu'avant que certains s'en mêlent - sans faire de nouvelles propositions - pour en faire un objet de combat, personne n'avait émis de critique suffisamment importante pour imaginer qu'il y aurait une opposition massive.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voté l'autre jour une motion demandant une heure d'éducation citoyenne au programme : la nouvelle grille horaire en compte une demie - ce qui n'existe pas à l'heure actuelle - vous avez voté des motions favorisant la formation bilingue, vous vous êtes souvent préoccupés de la formation professionnelle, etc. Eh bien, si vous examiniez cette grille horaire un peu plus attentivement, vous verriez que la plupart des demandes faites par ce parlement ont été prises en considération.

Mais peu importe, il nous revient de faire le nécessaire pour que tout se passe bien et dans la cohérence. Je tiens à vous dire ceci : vous ne connaissez pas ni moi non plus le contenu de l'enquête qui est menée par le SRED, pas plus que vous ne connaissez - j'en ai moi une idée plus précise - les coûts qui seront engendrés par les mesures que vous souhaitez. Nous les connaissons pour les trois collèges en question : ils sont 10 à 15% plus chers que pour les autres collèges, avec les mêmes structures et dans les mêmes conditions. C'est la réalité.

Si vous voulez introduire trois degrés de classes hétérogènes, cela signifie aussi qu'il faudra une centaine de postes supplémentaires mais aussi presque deux collèges en plus. Même si vous ne vouliez prendre ces mesures que pour un degré, il faudrait tout de même en apprécier les conséquences. Cela signifie que pour la rentrée de l'an 2000, principalement pour les élèves qui ont des difficultés, nous organisons les classes de manière à pouvoir baisser les effectifs si nécessaire et nous prévoyons un encadrement différencié. Vous remettez en cause tout ce travail sans en mesurer les conséquences.

C'est vrai, je ne demanderai pas le troisième débat. Vous avez dit tout à l'heure qu'il était important que le débat se fasse au sein de la population. Mesdames et Messieurs les députés, j'étais présente le 18 mai, disponible pour vous durant toute la soirée, afin d'en débattre. Vous avez souhaité remettre cet objet au mois de juin et, de plus, vous avez choisi une heure où personne ne peut suivre vos débats... Je dis bien «choisi», parce qu'il n'y a aucune urgence à en débattre aujourd'hui, pas plus que demain. Nous aurions pu encore le traiter au moins de juin, puisque de toute façon ces mesures ne seront pas appliquées à la rentrée 2000. Si vous imaginiez sérieusement que ces classes hétérogènes pouvaient être mises en place pour la rentrée 2000, c'est que vous n'êtes vraiment pas réalistes, mais je ne le crois pas une seconde !

Le débat devra donc se poursuivre. Certains de vous souhaitent qu'il se passe en commission pour examiner toutes les possibilités sur la base des résultats de l'enquête que nous attendons. En effet, un débat doit se faire avec les personnes concernées en se basant sur les résultats de l'enquête qui a été menée. Aujourd'hui, vous voulez préjuger de ces résultats parce que vous en faites une question idéologique, alors qu'en demandant cette enquête j'ai justement voulu que le débat se fasse sur des bases plus objectives.

Il est encore temps, Mesdames et Messieurs les députés, de réfléchir. Si je ne demande pas le troisième débat, ce n'est pas par vengeance, mais simplement pour que vous ayez la possibilité de réfléchir davantage à ce que nous faisons, et il faut saisir cette occasion. Il a fallu trente ans pour développer le cycle d'orientation, il me semble que nous pouvons nous donner encore un peu de temps pour l'améliorer. J'ai l'espoir de le faire avec vous, mais pas dans l'ignorance. (Applaudissements.) 

PL 8203

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

PL 7697-A

Le président. Le projet de loi 7697-A a fait l'objet d'une demande formelle de renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation. Je soumets donc cette demande à votre approbation.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejetée.

Le président. Je fais donc voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 54 (nouvelle teneur)

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. J'ose encore espérer que la majorité de ce Grand Conseil est raisonnable, c'est-à-dire qu'elle se rend parfaitement compte qu'on ne peut pas, même en une année, pour des raisons de locaux, de personnel enseignant, d'enseignement proprement dit, introduire les classes hétérogènes dans tous les cycles d'orientation à la fois. C'est pour que vous puissiez faire un travail législatif sérieux que je demande que le mot «progressivement» soit ajouté après «organisé», à l'alinéa 2 de l'article 54, ce qui donne :

«2Afin d'éviter une sélection trop précoce, le septième degré est organisé progressivement dans tous les collèges en classes hétérogènes, sans section.»

Cela permettra d'ailleurs d'obtenir dans chacun de ces collèges une véritable concertation entre les enseignants, les associations de parents d'élèves de ces collèges et peut-être même d'anciens élèves de ces collèges. On oublie en effet parfois un peu trop d'associer ceux qui ont suivi - j'ai bien dit «suivi» et non pas «subi» - l'enseignement dans ces cycles d'orientation. Je pense que le modeste adverbe «progressivement» permettra au moins à cet article unique modifiant la loi sur l'instruction publique d'être réellement appliqué et évitera qu'il ne soit une sorte de coup de trompette résonnant dans le désert. Je demande donc le vote formel sur cet amendement.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement de M. Lescaze, à l'article 54, alinéa 2, consistant à ajouter «progressivement» après «organisé».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 54 est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Jeannine de Haller qui consiste à ajouter un article 2, souligné, dont la teneur est la suivante :

«La présente loi entre en vigueur dès sa promulgation. L'article 54 déploie ses effets pour la rentrée scolaire d'août 2001.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Le président. Le troisième débat n'étant pas demandé, il est reporté à une séance ultérieure.

M 1336

Le président. Une demande formelle de renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation a été faite pour cette motion. (Le président est interpellé.) Je suis désolé, mais M. Lescaze a proposé formellement le renvoi de cette motion en commission. Je suis donc obligé, Mesdames et Messieurs les députés, de mettre cette proposition aux voix.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejetée.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, en raison de l'absence du rapporteur, M. Philippe Glatz, nous reportons le point 45 bis à notre prochaine session du 22 juin, si vous le voulez bien. Je vous souhaite une heureuse nuit.

La séance est levée à 0 h 30.