République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1189-A
29. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Modification du trafic et «zones 30» à la Jonction. ( -) P1189
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Odier (R), commission des pétitions
Rapport de minorité de Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), commission des pétitions

RAPPORT DE LA MAJORITE

En date du 10 février 1998, était déposée au secrétariat du Grand Conseil la pétition susmentionnée, signée par septante-six habitants du quartier de la Jonction. Le Grand Conseil confia la pétition à la Commission des pétitions qui l'étudia, sous la présidence de Mme Mireille Zurcher-Gossauer, lors de ses séances du 9 mars, du 20 avril et du 4 mai.

La pétition est accompagnée d'un dossier présentant les différentes mesures souhaitées par les pétitionnaires. Le titre du document est : "; Propositions de mesures pour améliorer la sécurité des déplacements dans le quartier de la Jonction ".

Travaux de la commission

Audition des pétitionnaires (9 mars 1998)

M. .

M. Marquet explique que la pétition avait déjà été adressée en 1997 à la Ville et que la commission qui l'avait traitée s'était prononcée favorablement sur le projet.

Le conseil de quartier de la Jonction travaille depuis deux ans et demi sur ce dossier observant ainsi un large processus démocratique. Du point de vue des pétitionnaires, le projet est bien étudié, il ne manque plus que la volonté pour le réaliser.

La création de "; zones 30 " est la proposition de mesures qui suscite auprès des commissaires le plus grand nombre de questions et de remarques. Dans un premier temps, les pétitionnaires souhaitent la création de poches "; zone 30 ", puis, l'idéal serait d'étendre cette mesure à l'ensemble du quartier (voir plan ; périmètre triangulaire, Arve - Rhône - bd Georges Favon, av. du Mail). Comme le dit M. Marquet, d'une manière plus générale, la pétition contient une option politique plus large. Selon lui, les voitures sont une cause de malaise et de nuisances contre lesquelles il faut lutter. Ici, il s'agit de choisir entre un type de déplacement rapide et un type de déplacement moins rapide tel que le vélo. Quant à la question de savoir si l'axe de l'avenue du Mail, qui marque la limite du quartier, doit être inclus dans la "; zone 30 ", les pétitionnaires n'ont pas trouvé de réponse, mais pour M. Marquet, il s'agit d'un problème de conscience de savoir si ces bords de zones doivent être sacrifiés ou non.

Audition de M. Wittwer, directeur de l'OTC, DJPT

Les propositions des pétitionnaires lui sont bien connues puisqu'il s'est rendu à deux reprises avec M. Ramseyer à des séances publiques organisées par le conseil de quartier. Un certain nombre d'aménagements pour la sécurité des piétons et des deux roues correspondant aux mesures proposées par les pétitionnaires ont été réalisées dans le cadre de circulation 97, ou sont en cours de réalisation actuellement.

Dans le cadre de "; C 2005 ", les hypothèses de réaménagement ont été élaborées en consultant divers groupements tels que Groupe Transport et Economie ou le WWF. La réalisation de ces nouveaux ouvrages doit faire l'objet d'une planification cantonale, et selon M. Wittwer, ce plan pourra être réalisé dès l'automne 1999.

En ce qui concerne les "; zones 30 ", elles sont actuellement à l'étude à l'OTC et à partir de l'automne 1999, elles pourront être réalisées dans le quartier de la Jonction, ce qui nécessitera pour ce faire un réaménagement de la circulation. Quant à l'attente des pétitionnaires de "; zones 30 " très étendues, M. Wittwer précise qu'une telle zone ne doit pas excéder deux hectares.

Dans l'attente d'un nouveau schéma de circulation, des rues résidentielles peuvent déjà être réalisées. Tout est en route, et l'OTC entretient des relations régulières avec le conseil de quartier. Toutefois, le projet défendu par le conseil de quartier représente une idée globale que l'OTC ne peut traiter comme le souhaiterait le conseil, au risque par exemple de recours comme dans le quartier des Pâquis.

Discussion et vote

Les avis des commissaires sont très partagés, le contraire nous aurait d'ailleurs beaucoup surpris. Pour les uns, l'objet de cette pétition étant déjà traité par l'OTC dans le sens souhaité par les pétitionnaires, le renvoi au Conseil d'Etat ne se justifie pas. Pour les autres, au contraire, les mesures n'étant pas encore réalisées, le Grand Conseil doit manifester sa volonté. Pour d'autres encore, il n'est pas possible de soutenir la proposition visant à limiter à 30 km/h la vitesse dans l'ensemble du quartier de la Jonction.

C'est donc par une majorité de circonstance 7 oui (2 DC, 2 R, 3 L), contre 6 non (2 AdG, 2 S, 2 Ve) que la proposition de déposer la pétition 1189 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement est adoptée.

Qualité de vie et transit routier, la cohabitation des habitants et de l'automobile est un problème dont la prise de conscience a été trop longtemps négligée et les légitimes réactions trop tardives. Cependant, lutter contre les nuisances automobiles en prônant le vélo est irréaliste dans un quartier exutoire de l'autoroute de contournement, et où ses deux ponts en ont toujours fait une véritable clé du transit cantonal. La situation du quartier de la Jonction doit s'améliorer par l'élaboration d'un nouveau schéma de circulation en concertation avec les milieux intéressés.

Renvoyer la pétition au Conseil d'Etat serait un désaveu du travail accompli par l'OTC.

Déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, c'est faire confiance à l'OTC pour la suite des travaux dans le respect d'une véritable concertation, et c'est ce que vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de circonstance de la commission.

4567891011121314151617RAPPORT DE LA MINORITÉ

La minorité de la commission des pétitions vous demande d'accepter le bien-fondé de cette pétition et de la renvoyer au Conseil d‘Etat.

Le quartier de la Jonction est un quartier particulièrement touché par la circulation motorisée. Les taux de pollution sonore et atmosphérique y sont extrêmement élevés, et atteignent désormais un niveau critique, dépassant notamment les normes en matière de bruit ou de gaz d'échappement.

Par ailleurs, ce quartier compte une forte densité de population, et nombreux sont donc les habitants qui souffrent depuis trop longtemps de ce fléau.

Enfin, il faut prendre en compte le fait que ce quartier compte, outre les autres habitants, quatre écoles enfantines et primaires, quatre jardins d'enfants et crèches, trois résidences pour personnes âgées, c'est-à-dire une population piétonne particulièrement exposée aux dangers de la circulation.

Ce sont les raisons pour lesquelles le Conseil de quartier de la Jonction a étudié pendant plus de deux ans des mesures de modification de la circulation propres à remédier à cette situation inacceptable.

Un véritable exercice de démocratie locale

Le conseil de quartier a choisi, pour chercher une solution aux nuisances de la circulation à la Jonction, la voie de la concertation démocratique, demandant l'opinion des habitants, certes, mais aussi des commerçants.

La réflexion approfondie du groupe aménagement du Conseil de quartier a débouché sur un certain nombre de propositions. Afin de les rendre plus compréhensibles et pour leur adjoindre une prise en compte technique de faisabilité, l'Association Transports et Environnement a été mandatée par le Conseil de quartier pour établir un diagnostic concernant la sécurité des déplacements à la Jonction ainsi qu'une proposition de création de "; zones 30 ".

Enfin, le résultat de ces travaux a été soumis aux habitants du quartier et amendé afin de le rendre plus proche des attentes des usagers du quartier., aussi bien de ceux qui y travaillent que de ceux qui y résident.

Attachés comme nous le sommes à la pratique de nos institutions démocratiques, y compris à l'échelle du quartier, nous ne pouvons que saluer l'effort important entrepris par les auteurs de cette pétition. Ces derniers ont mené à terme une démarche exemplaire , qui tient compte à la fois des besoins exprimés par les usagers, mais aussi de la faisabilité. Il serait regrettable de donner une fin de non-recevoir à cette démarche, signifiant ainsi un certain mépris de la démocratie locale.

Un ensemble de mesures efficaces

Les propositions contenues dans la pétition peuvent être classées en deux volets : d'une part, la mise en place de zones 30, l'idéal étant, selon le Conseil de quartier, que l'ensemble du quartier soit englobé de façon homogène dans la zone 30, c'est-à-dire sans rupture due à des voies de réseau secondaire telles que Carl-Vogt, Ecole de Médecine, David-Dufour ou Vélodrome.

D'autre part, un chapitre intitulé "; propositions des habitants " englobe diverses mesures ayant trait au stationnement, aux passages pour piétons, à des améliorations de sécurité aux abords des écoles, à l'adoption de sens uniques ou de rues résidentielles. Ce train de mesures a réuni de nombreuses signatures au sein du quartier.

Le 30 kilomètres à l'heure

Si la rue a été créée pour la circulation, elle n'est pas réservée aux automobiles, mais appartient à tous les usagers. Pour que cela devienne une réalité, toutefois, il faut prendre certaines mesures limitatives, afin que la liberté des uns n'empêche pas celle des autres. Le 30 à l'heure est l'une de ces mesures. Certes, elle limite la liberté des automobilistes, mais libère les habitants d'un quartier des excès de bruit, de pollution et de dangers qui leur sont généralement imposés. D'ailleurs, nombreuses sont les dispositions légales (Loi sur la circulation routière et son Ordonnance d'application) qui prescrivent aux conductrices et aux conducteurs de rouler d'une manière particulièrement prudente et attentive dans les quartiers d'habitation, et montrent que le 30 à l'heure dans les quartiers correspond à une vitesse normale du point de vue de la loi.

Quant aux bus, leur circulation n'en serait pas gênée puisque la plupart roulent d'ores et déjà à une vitesse moyenne de 30 km/h.

Il est donc regrettable que, comme l'a expliqué le représentant de l'OTC, l'adoption de nouvelles zones 30 n'ait pas progressé à Genève, contrairement à d'autres cantons qui en comptent bien davantage.

Cette mesure, simple et efficace, correspond donc pleinement au but poursuivi, soit assurer la sécurité, réduire la pollution et le bruit. Enfin, elle implique des coûts peu importants, ce qui n'est pas un défaut, particulièrement en ces temps de restrictions budgétaires,( quand bien même la sécurité n'a pas de prix.)

Propositions des habitants de modification de la circulation

Les autres propositions relèvent du simple bon sens , comme par exemple les traversées pour piétons en diagonale, et du respect du au piéton et au cycliste, comme l'ajout de feux ou leur aménagement "; à la demande ", l'institution de sens uniques, l'établissement de macarons pour habitants, etc. Il est difficile de ne pas y souscrire.

Un volet important, enfin, concerne la sécurité aux abords des écoles.

Ce sujet a déjà été traité récemment par le Conseil municipal de la Ville de Genève, qui a accepté deux motions s'y rapportant, à l'unanimité. Mais toute mesure concernant la circulation, prise par la Ville ou une autre commune, doit recevoir l'aval de l'Etat.

Compétence Ville-Etat

En Ville de Genève, la totalité des routes sont propriété de la commune, ce qui implique que tous les travaux sont à sa charge.

Toutefois, toutes les mesures liées à la gestion du trafic relèvent de la compétence cantonale. L'accord de l'Office cantonal de la circulation doit donc être obtenu pour toute modification de la signalisation, des trottoirs ou autres aménagements. C'est la raison pour laquelle cette pétition a été déposée à la fois auprès du Conseil municipal de la Ville et du Grand Conseil.

Le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat constituera donc un signe important d'approbation aux autorités de la Ville, qui l'ont accueillie très favorablement, et un encouragement aux services cantonaux à aller de l'avant sans tarder.

Par contre, le dépôt sur le bureau du Grand Conseil serait en quelque sorte une attitude de démission, une absence d'opinion politique sur un sujet qui concerne de très près un grand nombre d'habitants de la Ville, et un regrettable désintérêt pour le travail important effectué par nos concitoyens.

C'est pourquoi la minorité présente à la commission des pétitions vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais apporter une précision, une petite confusion s'étant glissée lors des travaux de la commission. J'aimerais rappeler que cette pétition a trois volets : il s'agit d'une part d'une série de mesures pour améliorer la circulation. Cette série de mesures a été soumise à tous les habitants du quartier; certaines d'entre elles ont été soumises aux commerçants. Un autre volet consiste en une proposition d'instaurer une zone de 30 km à l'heure dans le quartier. Cette proposition émane du conseil de quartier de la Jonction qui a collaboré pour cela avec l'Association transports et environnement. Il y a, d'autre part, une proposition d'amélioration des possibilités de parcage au boulevard Carl-Vogt qui a été soumise aux commerçants du quartier. J'aimerais préciser que cette pétition a également été soumise au Conseil municipal de la Ville de Genève et acceptée. Le dialogue entre la Ville, l'office des transports et de la circulation et les habitants de la Jonction est en cours et certaines mesures sont en train d'être programmées et seront appliquées. Ce qu'il reste surtout à définir, c'est la partie zone 30 km à l'heure, c'est de cela que nous devrions discuter en priorité, les autres mesures étant plus ou moins acceptées par tous les participants à ces discussions.

M. Rémy Pagani (AdG). Avec la victoire contre le parking de la place Neuve, les habitants de la Ville ont remporté une importante manche dans l'aménagement convivial de notre cité. Or, certains ayant la défaite un peu amère, ont trouvé malin de nous reprocher que nous étions des «Neinsager» ou des empêcheurs de construire en rond. Tel n'est pas le cas. Nous avons des propositions, nous l'avons déjà dit. Nous sommes pour des parkings d'échange en périphérie et nous sommes pour ménager les quartiers afin d'améliorer le confort et l'habitabilité au centre-ville.

Cette pétition va tout à fait dans le sens de ce postulat. Nous nous étonnons d'ailleurs que la même initiative prise depuis bientôt six ans par les habitants des Pâquis soit toujours - pour l'instant - dans un fond de tiroir, pour ne pas dire dans le fond d'une poubelle. Nous sommes scandalisés par le peu d'empressement manifesté par le département responsable de l'aménagement des quartiers et de la mise en place des «zones 30» pour faire avancer le projet des Pâquis.

En l'occurrence à la Jonction, il y a une proposition qui nous est soumise ici, qui a été discutée par l'ensemble des habitants de ce quartier, qui a obtenu l'aval de la totalité des organisations représentatives des habitants et je m'étonne de voir encore une majorité décider de mettre au placard cette pétition. Pour notre part, nous soutiendrons avec force et détermination le contenu de cette pétition et nous inviterons le responsable du département à mettre le plus rapidement possible l'ensemble de ce quartier en «zone 30». Permettez-moi une dernière remarque : je trouve paradoxal - chaque fois que je me promène dans les villages de notre canton - de voir un certain nombre de gendarmes couchés, de mesures de réductions du trafic, alors que les mêmes milieux qui installent ces améliorations pour que le village où ils habitent soit décemment habitable s'y refusent lorsqu'il s'agit de vouloir procéder de manière identique en ville, car pour eux, je le rappelle, la ville est un lieu utilitaire et non un lieu essentiel à protéger.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Dans cette affaire, il me semble surtout important de souligner que le projet de modération du trafic dans le quartier de la Jonction qui fait l'objet de cette pétition est le résultat d'un travail exemplaire sur le plan de l'exercice de la démocratie locale. Comme l'a rappelé Mme Dallèves-Romaneschi dans son rapport de minorité, qui est très bien argumenté, la rue appartient à tout le monde et le moment est venu de concrétiser des mesures propres à valoriser d'autres moyens de déplacement que la voiture et de garantir ainsi la sécurité et la qualité de vie des habitants et des usagers de ce quartier.

Je saisis cette occasion pour dire que nous sommes notamment assez choqués par une des phrases qui figure dans le rapport de majorité où il est dit que «lutter contre les nuisances automobiles en prônant le vélo est irréaliste dans un quartier exutoire de l'autoroute de contournement». Ce genre de propos me semble particulièrement irrespectueux face à un quartier qui est, par ailleurs, très animé et dont on dit qu'il s'y déploie des activités diversifiées. Cela me semble particulièrement déplacé. Il nous paraît également que ce type de projet va dans le sens du développement durable qu'actuellement personne ne conteste mais quand il s'agit de le mettre en pratique, c'est autre chose. Nous voulons transmettre un message positif afin que le processus qui est mis en route soit réellement poursuivi et nous souhaitons que le canton prenne ses responsabilités. Nous voulons donc envoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Pierre Ducrest (L). De nouveau, ce parlement est saisi par des groupuscules... (Rires.) ...par la voie pétitionnaire pour réclamer ce qu'ils prennent pour un égoïsme latent, c'est-à-dire des modérations de trafic. Voilà cent-cinquante ans, Mesdames et Messieurs, la Ville de Genève a détruit ses murailles, notamment pour réaliser l'aménagement de la place Neuve et à ce sujet, Monsieur Pagani, je regrette que vous ayez refusé, il y a trois semaines, des modérations de trafic sur cette place alors que maintenant vous vous faites le chantre de ces mêmes modérations de trafic à la Jonction.

Or il se trouve, Mesdames et Messieurs les députés, qu'actuellement on travaille au coup par coup. La Jonction, les Pâquis, les Eaux-Vives et que sais-je ? Autant de bunkers, autant d'endroits que l'on veut entourer de murailles. Alors on peut se demander pourquoi la Ville de Genève s'est ouverte au monde, notamment par la destruction des siennes, si actuellement nous en revenons à bloquer tout trafic simplement pour satisfaire l'égoïsme de chacun. Il n'y a qu'à voir la «Feuille d'avis officielle»; elle est éloquente. On y trouve maintes fois des mises à l'enquête déposées par l'Office des transports et de la circulation car telle personne a demandé, qui sait, un passage clouté, telle autre une oeuvre d'art en forme d'oreille, ou des éléments bétonnés pour empêcher les véhicules de passer.

Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le demande : pourquoi faisons-nous des plans généraux de circulation ? Pourquoi ces plans de circulation sont-ils de temps en temps modernisés, remis au goût du jour, si ceux-ci ne peuvent pas être mis en valeur puisqu'ils sont combattus au coup par coup par ce que vous demandez ? Je veux bien que, pour les chantres qui ne veulent plus la bagnole, on essaie par n'importe quelle méthode d'empêcher celle-ci d'accéder au point où son conducteur va travailler; c'est un fait. Je veux bien que l'on en arrive là. Mais ayons une certaine cohérence ! Je pense que la pétition doit aller sur le bureau du Grand Conseil ainsi que l'a préconisé le rapporteur de majorité. Et je m'adresse à M. Ramseyer : je lui demandera d'avoir une oreille attentive, parce que ce n'est pas la première fois qu'on nous agresse avec ce coup par coup qui consiste à venir, çà et là, donner une petite directive dans telle ou telle rue, dans telle ou telle artère, dans tel ou tel carrefour, cela pour neutraliser tout ce qui peut être fait au niveau d'un plan général de circulation. Cela vaut également pour les transports publics, comme pour les transports privés, dans le cadre de ce nous défendons, c'est-à-dire une complémentarité des transports.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse de minorité. Cette navrante déclaration que je viens d'entendre dans la bouche de M. le député Ducrest me force à prendre la parole. On nous traite d'égoïstes ? Je vous réponds, Monsieur Ducrest, que vous avez une certaine ignorance et peut-être même une certaine malhonnêteté intellectuelle ! Monsieur le député qui nous traitez d'égoïstes, nous avons pour la plupart d'entre nous des enfants. Lorsque vos enfants rentrent de l'école et tardent à se montrer à la maison, pourquoi avez-vous l'estomac noué par la crainte ? Et ces personnes âgées, Monsieur Ducrest, qui attendent durant de longues minutes avant d'oser traverser la chaussée. Qu'est-ce qui les désécurise à ce point ? Qu'en pensez-vous, Monsieur, qui nous traitez d'égoïstes ? Eh bien, la réponse est facile : la crainte du trafic routier automobile. C'est pourquoi, si nous pensons un petit peu aux autres, nous avons le pouvoir et la responsabilité d'apaiser cette crainte, du moins en ce qui concerne notre cadre de vie immédiat, c'est-à-dire les quartiers.

Ce que demande cette pétition, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas du tout une révolution, mais la simple application du droit en vigueur. Car la loi prescrit aux conductrices et conducteurs de rouler de manière particulièrement prudente et attentive dans les quartiers d'habitation. Je peux vous citer - si vous le désirez - toute une série de dispositions légales tirées notamment de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière ou la loi sur la circulation routière elle-même, qui démontrent que l'on doit rouler avec prudence et calme. Ce n'est pas le cas actuellement malheureusement.

Certains commissaires nous disent : de toute façon certaines de ces règles sont déjà en vigueur; on nous embête déjà de tous les côtés. A l'issue de l'audition de M. Wittwer, directeur de l'Office des transports et de la circulation, je remarque cependant que ce dernier a reconnu en commission que les «zones 30» étaient très peu développées à Genève. Il n'a pas montré une volonté, un enthousiasme délirant pour continuer à développer les «zones 30» dans le canton. Il nous a dit qu'il fallait que l'ensemble de la circulation dans tout le canton soit planifiée pour qu'enfin l'une ou l'autre petite mesure puisse être prise. C'est un peu toujours les mêmes réponses que l'on nous fait : attendez que tout soit prévu, tout soit planifié et alors nous commencerons à faire quelque chose. Moi je dis non ! Commençons tout de suite, quartier par quartier, et après nous verrons la planification.

Savez-vous, Monsieur Ducrest, quelles sont les conséquences d'une réduction de vitesse sur la route ? La première conséquence et la plus intéressante, en tout cas pour nous qui sommes parents, qui sommes enfants de personnes âgées et qui sommes nous-mêmes piétons d'une manière générale, c'est que l'abaissement de la vitesse réduit énormément la distance de freinage. Vous savez peut-être que l'abaissement de la moitié de la vitesse réduit la distance de freinage des trois quarts. C'est donc exponentiel. (Commentaires.) Par exemple, lorsque vous roulez à 50 km à l'heure, votre distance de freinage - vous la connaissez certainement, Monsieur Dupraz - de combien est-elle ?

Le président. Veuillez vous adresser à l'assemblée, Madame la députée, et pas à M. Dupraz !

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. M. Dupraz ne cesse de m'interpeller, alors je lui réponds !

Le président. Eh bien, ne l'écoutez pas ! Ne vous laissez pas troubler !

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Je vous pose la question à vous, Monsieur le président. Savez-vous quelle est la distance de freinage lorsque l'on roule à 50 km à l'heure ?

Le président. Non, je l'ignore mais je l'expérimente tous les jours, Madame la députée.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Vous saurez, Monsieur le président, qu'il vous faut 28 mètres pour vous arrêter. Tandis qu'à 30 km à l'heure, Monsieur le président, votre distance de freinage n'est plus que de 13 mètres... (Commentaires et rires.)

Le président. Cela veut dire qu'il faut freiner plus tôt lorsqu'on circule à 50 km à l'heure ?

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Ces chiffres ne prêtent pas à rire, car si un enfant déboule sur une chaussée devant une voiture, s'il faut 28 mètres pour arriver à freiner, je ne vais pas vous décrire ce qui va se passer. Je crois que chacun peut l'imaginer aisément et malheureusement cela se produit relativement souvent. Par ailleurs, lorsque vous roulez à 30 km à l'heure, vous pouvez observer les abords de la chaussée. Vous n'avez pas les yeux fixés sur la route comme vous le faites lorsque vous roulez à 50 km/heure...

Le président. Il vous faut conclure, Madame, parce que vous arrivez au terme de votre temps de parole.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Je voudrais juste vous citer les autres conséquences...

Le président. Mais il vous faut conclure, Madame !

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Un instant, je termine...

Le président. Le temps de freinage ! (Rires.)

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi, rapporteuse de minorité. Sinon je reprendrai la parole tout à l'heure pour terminer.

Le président. Oui, car vous êtes parvenue au terme de votre temps de parole. Monsieur le député Ferrazino.

M. Christian Ferrazino (AdG). Les propos de M. Ducrest ne sont pas seulement navrants, ils sont également révélateurs du peu de cas que ce député fait des droits démocratiques. Traiter une pétition des habitants d'un quartier d'agression de la part d'un groupuscule, c'est bien illustrer l'importance que vous donnez à l'expression des citoyens qui saisissent leur parlement. Nous dirons, Monsieur Ducrest, au contraire que c'est un bel exemple de démocratie locale, car - vous devriez le savoir - le conseil de quartier de la Jonction, avant de saisir le Grand Conseil de sa pétition, a fait un large travail de concertation au sein des différentes associations d'habitants et de commerçants et est venu contacter le département de justice et police, notamment l'office des transports, M. Wittwer - dont nous avons parlé tout à l'heure - pour essayer de faire une étude de faisabilité des propositions qu'il souhaitait préconiser dans le quartier.

C'est dire qu'avant de nous saisir, non seulement un large travail de concertation a été mené sur place par les principaux intéressés, mais des contacts ont été pris avec les autorités concernées pour que les suggestions qui nous sont aujourd'hui soumises aient préalablement obtenu l'aval ou en tout cas le feu vert de ceux qui maîtrisent, d'un point de vue technique, cette situation. Alors répondre à une proposition de cette qualité - largement travaillée qui a fait l'objet d'un consensus - de la manière dont vous le faites, Monsieur Ducrest, je dois dire que c'est montrer encore une fois le peu de cas que vous accordez à l'expression démocratique qui est prévue pour les citoyens.

Nous disons, quant à nous, que cette pétition a le double mérite de mettre en évidence, malheureusement, la fréquence beaucoup trop importante des dépassements des normes fédérales en matière de pollution, que ce soit du bruit ou de l'air, et la nécessité de les faire respecter. Monsieur Ducrest, quand les autorités ne prennent pas les mesures nécessaires pour que le droit fédéral soit respecté s'agissant de mesures élémentaires au niveau de la qualité de la vie, eh bien il est heureux - et nous applaudissons des deux mains - que des citoyens prennent en charge cette situation et nous donnent des moyens pour parvenir à faire respecter ces normes fédérales.

Nous ne pouvons que saluer cette initiative et nous ne pouvons que vous appeler à y donner suite en instaurant le plus rapidement possible ces zones de 30 km/h au sein du quartier de la Jonction et en répondant aux autres invites des pétitionnaires - comme le département a d'ailleurs commencé à le faire pour d'autres quartiers, je pense aux Eaux-Vives et plus tard aux Pâquis - à savoir d'introduire des macarons, d'introduire un certain nombre de mesures, lesquelles, Monsieur Ducrest, - que vous le vouliez ou non - répondent aux exigences en la matière dans ces quartiers particulièrement densifiés. Si pour vous la voiture est un dieu, pour nous le plus important, ce sont quand même les personnes qui vivent dans ces quartiers et qui essaient de faire en sorte que la qualité de la vie ne soit pas péjorée au point où elle l'est aujourd'hui, puisqu'il n'est pas contesté mais au contraire reconnu que les valeurs limites en matière de pollution, je pense aux normes OPB/OPair, sont malheureusement régulièrement et quotidiennement dépassées. Par conséquent, il est temps de faire quelque chose et la meilleure des choses à faire, c'est de donner suite à cette pétition.

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité. Mme la rapporteuse de minorité l'a dit au début, mais je pense que M. Pagani n'a pas entendu ou n'a pas écouté : les commerçants n'ont pas été consultés sur le 30 km/h, ils ont été consultés sur la phrase : «soutenir le projet d'une amélioration des possibilités de parking sur le boulevard Carl-Vogt». C'est ce qui figure au-dessus des signatures. Est-ce que vous pensez qu'il s'agit vraiment d'une formidable démocratie ? Je dirais que c'est plutôt une démocratie interne. Si vraiment les habitants du quartier de la Jonction avaient voulu jouer la démocratie, ils auraient aussi pris l'avis des utilisateurs des grands axes de la Jonction.

L'ensemble du quartier de la Jonction à 30 km/h, c'est tout à fait impossible et M. Wittwer nous l'a dit : il n'est pas possible d'avoir des zones de 30 km/h plus grandes que deux hectares. Je trouve incroyable de vouloir ainsi bloquer des grands axes comme Carl-Vogt, Ansermet, rue des Deux-Ponts, boulevard Saint-Georges et avenue du Mail. Ce qui pèche dans cette pétition - je peux comprendre l'intérêt des habitants de la Jonction - c'est qu'elle n'est pas raisonnable. Il y aurait dû y avoir beaucoup plus de nuances dans les propositions faites. Quand Mme Rielle s'étonne de cette phrase disant que «le vélo est irréaliste dans un quartier exutoire de l'autoroute de contournement», c'est pourtant vrai. On ne peut pas demander aux voitures arrivant sur l'autoroute de contournement de ralentir sur la rue des Deux-Ponts à 30 km/h, alors que cette rue des Deux-Ponts est, par excellence, une clef du trafic cantonal de transit. Je suis désolé, mais il n'est pas possible de dire cela autrement.

Je dirai aussi, à propos de l'inquiétude de Mme la rapporteuse de minorité concernant les enfants, que cette inquiétude, je la partage. J'ai aussi des enfants entre 6 et 11 ans; pour vous prouver que je suis favorable à des mesures de sécurité, sachez que cette semaine encore, à Plan-les-Ouates, nous avions à nous prononcer sur une piste cyclable sur un axe secondaire. La commune proposait simplement des lignes jaunes, j'ai indiqué que ce n'était pas suffisant si les automobiles n'étaient pas séparées des cyclistes. En l'occurrence, il est complètement illusoire de vouloir mettre des vélos partout, avec les voitures, dans un quartier comme celui de la Jonction. C'est dommage que cette pétition n'ait pas été plus nuancée, en prévoyant par exemple des zones 30 km/h bien délimitées aux abords des écoles. Peut-être qu'elle n'aurait pas rencontré autant d'opposition.

M. David Hiler (Ve). J'aimerais rassurer notre ami Ducrest sur un point : celui de la cohérence. Disons-le sans ambages, Monsieur Ducrest, pour des zones densément peuplées, soit le territoire de la Ville de Genève et de toutes les communes suburbaines sur leur noyau bâti, nous préconisons un ensemble de mesures qui tendent - à l'exception de quelques très grands axes - à la généralisation du 30 km/h et, lorsque le passage est faible, à une priorité piétons dans les petites rues.

Le 30 à l'heure, c'est une chose mais il y a aussi la priorité piétons. C'est dans ce sens que nous luttons, Monsieur Ducrest, quartier après quartier. Nous commençons - nous et quelques autres - après de longues années à avoir quelque succès et au fond le seul problème de cohérence que nous avons, c'est la résistance obstinée de vos milieux qui fait que nous ne parvenons pas à généraliser le système dans les délais utiles. Mais ne vous faites aucun souci : sur les questions de circulation, notre cohérence ne peut en tout cas pas être mise en cause. Qu'elle vous déplaise, nous le comprenons. J'ajouterai personnellement - après vous avoir entendu - que cela me ravit, mais je crois que nous avancerons et dans ce cas précis nous avons l'occasion de faire un pas de plus en avant.

M. Pierre Ducrest (L). Il est vrai que le respect des droits démocratiques pratiqué par M. Ferrazino est beaucoup plus grand que le mien. Il n'y a qu'à voir comment hier soir il traitait de mascarade une loi votée par 73 % de ce parlement ! Mais cela dit, Madame Dallèves, j'ai bien entendu votre plaidoyer pour ces zones 30 à l'heure, avec , l'argument, le clin d'oeil pour nous faire pleurer comme si nous-mêmes, nous n'avions pas d'enfants, nous n'avions pas à nous préoccuper de leur sécurité. Rien n'est plus faux. Quant à votre cours, Madame Dallèves, sur la circulation routière, puisque nous sommes entre nous, je vais vous avouer que je suis ingénieur et que j'ai fait mon diplôme dans les routes. Mais, à l'époque, les routes servaient à se déplacer d'un point A jusqu'à un point B et n'étaient pas devenues des Verdun façon 1916.

Lorsque vous créez une zone 30 à l'heure, en général vous permettez aux vélos de remonter à sens contraire le flux des voitures. Or, il n'y a qu'à voir, dans tous les postes de police, les affiches format mondial qui disent : «Faites attention !» Et le dessin est expressif, car, Madame Dallèves, un vélo à 20 km à l'heure contre une voiture à 30 km à l'heure, ça fait un choc à 50. Que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas. Alors qui crée l'insécurité ? Est-ce que ce sont les automobilistes qui ne peuvent déjà pas rouler ou est-ce que ce sont les éléments que l'on met sur la chaussée qui créent l'embrouille et qui créent l'insécurité ? Quant à moi, j'aimerais bien que nous soyons sécurisés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et croyez bien que nous ne sommes pas des ayatollahs qui défendons absolument la voiture.

En ce qui concerne la cohérence dont parlait M. Hiler, nous, nous sommes cohérents car nous voulons un plan général; nous voulons l'accomplissement de ce plan général en prenant en compte les zones primaires, puisque nous avons fini nos zones d'évitement, les zones secondaires et l'application dans les quartiers selon les possibilités et selon aussi le respect de l'économie. Lorsque vous dites que beaucoup de gens d'une manière consensuelle ont signé ladite pétition, je regrette, je n'ai pas vu beaucoup de commerçants du quartier, car s'agissant des commerçants il est démontré par A plus B que ce genre de mesure entraîne une baisse du chiffre d'affaires. Nous sommes ici dans la haute-ville, il n'y a qu'à aller interroger les commerçants des alentours.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse de minorité. Vous avez parfaitement raison, Monsieur Ducrest ! Quand vous étiez ingénieur des routes, les rues étaient des endroits encore relativement agréables où il était possible de traverser sans danger, éventuellement de bavarder ou de jouer. Actuellement, comme vous l'avez remarqué, hélas ce n'est plus le cas ! Et c'est cela d'ailleurs que nous regrettons. Car les rues devraient servir non seulement au passage des véhicules motorisés mais aussi à tous les autres usagers de la route y compris les piétons et les vélos. Cependant je vois quand même une note très positive dans ce que vous avez dit, c'est-à-dire que nous sommes à peu près tous d'accord que le trafic et la circulation routière peuvent présenter un danger, qu'ils entraînent du bruit et de la pollution atmosphérique. Je crois que personne ici ne dira le contraire. Je ne cherchais absolument pas à vous donner une leçon mais simplement à rappeler des éléments qui parfois tendent à être un peu oubliés. Quant aux méfaits du 30 à l'heure que l'on adopterait sur les routes, sachez que si vous l'expérimentiez vous en seriez ravi. En effet, les études montrent que, lorsqu'on leur demande leur avis, les automobilistes sont en général fortement négatifs avant d'avoir essayé le 30 à l'heure et ensuite, après l'avoir expérimenté, leur avis change et ils se montrent beaucoup plus positifs. C'est le résultat des études en la matière : on a en effet remarqué que le trafic devenait plus fluide et que la perte de temps d'un point à un autre était négligeable, elle est de 3 % au maximum. Vous voyez que cela ne sert à rien d'appuyer sur le champignon; cela vous fait dépenser beaucoup plus d'argent en essence.

Par ailleurs, vous saurez que le 30 à l'heure n'est pas une chose que nous sortons de notre imagination puisqu'il est déjà appliqué dans plusieurs pays et à grande échelle. Vous saurez qu'il est mis en pratique aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche; dans plusieurs grandes villes de ces pays, 80 à 90 % de la population vit actuellement en zone 30 à l'heure. On constate que le nombre de blessés dans ces zones a fortement diminué. Je vous cite l'exemple de la ville de Graz en Autriche; c'est la deuxième ville d'Autriche, elle compte 240 000 habitants et je trouve que la comparaison avec Genève est intéressante. Il y a du 30 km à l'heure dans toute la ville. Vous voyez que nous ne serons pas les premiers. A mon avis, il faut simplement prendre conscience de certaines réalités et une fois que vous aurez le 30 à l'heure généralisé dans toute la ville, ce que nous avons bien l'intention d'instaurer à terme, vous serez extrêmement contents. Je me réjouis de vous annoncer votre bonheur futur !

Le Le président. Comme ce débat prend tranquillement la vitesse de 30 km à l'heure, le bureau vous propose une motion d'ordre que je mets aux voix, à savoir de clore la liste des orateurs inscrits. Restent inscrits MM. Balestra, Vaissade, de Battista et M. le conseiller d'Etat Ramseyer.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. Michel Balestra (L). Mon intervention sera courte et à 50 à l'heure, ce qui ne m'empêchera pas de m'arrêter sur 13 mètres ! En matière de modération de trafic, le département de justice et police est compétent sous réserve du respect du droit fédéral. Or, Mesdames et Messieurs, le 30 à l'heure fait l'objet d'une réglementation claire en ce qui concerne l'homogénéité de la zone et sa surface. Le plan proposé ne correspond malheureusement pas à cette réglementation et, Mesdames et Messieurs les députés, la démocratie de quartier - pour louable qu'elle soit - ne peut pas aller à l'encontre du droit supérieur, comme notre parlement d'ailleurs.

Monsieur Ferrazino, savez-vous qu'une voiture pollue davantage à 30 à l'heure qu'à 50 km/h ? C'est d'autant plus vrai depuis que nos véhicules sont équipés d'un catalyseur et s'agissant de la diminution de substance de gaz entre 50 et 30 à l'heure - et là je pose la question au président - est-ce que vous savez, Monsieur le président, quelle est la différence d'émission de gaz polluant entre une voiture qui roule à 50 et une voiture qui roule à 30 ? Vous ne le savez pas et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras comme l'a fait Mme Dallèves-Romaneschi : une voiture qui roule à 50 pollue 30 % moins qu'une voiture qui roule à 30. Le seul moyen pour régler les problèmes de pollution, c'est donc d'améliorer la fluidité, ce qui implique l'amélioration des cinématiques et le transfert modal. Je pense quand même que l'on va être d'accord avec cette démonstration. Pour favoriser le transfert modal du secteur individuel au secteur public, il faut améliorer la vitesse commerciale des transports publics. Pour améliorer la vitesse commerciale, il est complètement contre-productif de mettre un 30 à l'heure à l'endroit où les véhicules des transports publics doivent passer et plus encore d'y mettre des gendarmes couchés. Or les véhicules des TPG à 50 à l'heure ne freinent pas beaucoup plus vite que les voitures ! Si vous voulez faire une vitesse différenciée entre les véhicules des transports publics et les voitures, il faudra apprendre à vos enfants qu'ils ont 13 mètres pour passer devant une voiture et 28 mètres pour passer devant un bus, ce qui ne va pas être très facile au niveau de l'éducation ! Il serait préférable que vous leur appreniez - comme à l'époque - que l'on regarde d'abord à gauche ensuite à droite et qu'on traverse lorsqu'il n'y a pas de véhicules.

Mesdames et Messieurs, j'espère - par ces quelques propos - vous avoir fait la démonstration que cette pétition est un autogoal pour le transfert modal et pour la qualité de l'air à Genève; c'est pourquoi je vous propose d'accepter le rapport de majorité.

M. Rémy Pagani (AdG). Quand j'écoute M. Odier ou M. Ducrest, j'ai l'impression d'être sur une autre planète...

M. Claude Blanc. Si au moins ! (Rires.)

M. Rémy Pagani. A entendre leurs arguments, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas compris les votes du corps électoral ces cinq ou six dernières années. Je vous rappelle Vermont, je vous rappelle la place des Nations, je vous rappelle la place Neuve : toutes ces votations sont là pour montrer dans quel sens vont les désirs de la population, c'est-à-dire rétablir une vie de qualité en ville, revenir en ville après en avoir été chassée - on sait que, dans les années septante, la population de Genève a été chassée du centre-ville au profit des banques, des bureaux qui sont aujourd'hui pour la plupart vides.

Je crois qu'effectivement une minorité de ce parlement n'a pas encore compris cette réalité. On nous demande - M. Odier nous le demande - de faire une enquête. Je vous rappelle qu'il y a entre 70 000 et 100 000 véhicules par jour qui passent à la rue des Deux-Ponts. C'est complètement surréaliste, Monsieur Odier. Moi, je préfère privilégier les enfants qui doivent traverser quatre fois par jour cet axe pour se rendre dans les écoles primaires du quartier. Je trouve que là il y a une irresponsabilité de votre part à présenter ce genre d'arguments.

Le fait concret que j'aimerais souligner, y compris du point de vue de la logique économique dans ce quartier de la Jonction, c'est le suivant. Vous savez comme moi que le terrain des Services industriels ne peut pas être urbanisé suite à toute une série de spéculations immobilières et foncières qui ont eu lieu. Or, dès le moment où ce quartier redeviendrait agréable à vivre, il y aurait forcément une demande pour habiter dans ce quartier et, dès lors, le terrain des Services industriels pourrait effectivement être construit, pour le bien de l'économie genevoise. C'est par des projets de cette qualité-là qu'on peut effectivement faire redémarrer l'économie et ce n'est pas par des considérations qui - de mon point de vue - sont d'un autre âge.

M. Alain Vaissade (Ve). J'aimerais intervenir à la suite de l'argument qui a été présenté par M. Ducrest. Vous avez fait état du fait que vous étiez un ingénieur de la circulation. Vous avez indiqué que, dans le temps, il y a bien longtemps, les routes étaient tranquilles, qu'elles permettaient d'aller d'un point à un autre et que votre travail se résumait à cela. Je vous rappelle quand même, Monsieur Ducrest, que depuis le début du siècle, en Europe, il y a eu 30 millions de morts sur les routes. Il ne faut pas l'oublier, et je ne parle même pas dans ce décompte de ceux qui n'ont pas perdu la vie mais qui y ont laissé leur santé. (Commentaires.)

Ecoutez la suite, Monsieur Dupraz ! Quant à l'argument choc - 20 km à l'heure plus 30 km à l'heure égale 50 km à l'heure - cela, c'est un argument choc. Mais vous avez oublié, Monsieur l'ingénieur, qu'il ne s'agit pas d'additionner les vitesses. Il faut voir ce qui se passe au niveau des quantités de mouvements. Il faut voir ce qui se passe au niveau des transferts d'énergie. Il y a un facteur qui est aussi important que la vitesse, c'est la masse, la masse de la voiture par rapport à la masse du vélo. Les transferts de quantités de mouvements et d'énergie... (Commentaires.) Allez, je peux vous faire un petit cours, Monsieur Blanc ! Vous n'en mourrez pas...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur le député !

M. Alain Vaissade. Monsieur le président, je voulais simplement relever cette énormité que M. l'ingénieur a proférée, et préciser que ce qui est grave dans les accidents, ce sont les transferts de quantités de mouvements et d'énergie.

M. Régis de Battista (S). A mon avis, le vrai problème que soulève cette pétition, c'est surtout le non-respect des automobilistes pour les piétons en général. C'est pour cela qu'à mon sens il faut vraiment prendre des mesures. Ces mesures existent : les lignes jaunes, les feux, les gendarmes couchés ou, comme cette pétition le propose, des limitations de vitesse. Je suis un habitant de ce quartier. J'habite au 15, rue des Pavillons et effectivement le boulevard Carl-Vogt est une artère dangereuse et délicate. Je suis sûr que certains d'entre vous, lorsqu'il y a des élections et qu'ils traversent pour se rendre à Uni-Mail ou à la pizzeria Mammina, se sont effectivement déjà rendu compte que les voitures allaient assez vite. Je crois que la vraie solution dans cette zone, ce sont ces limitations de vitesse. C'est le seul moyen de garantir une certaine sécurité, pas seulement pour les enfants mais pour tout le monde. Je pense que c'est la seule solution pour ce quartier.

En ce qui concerne la remarque du rapporteur de majorité sur le questionnaire qui a été donné aux commerçants de la région, je crois qu'au contraire le questionnaire était approprié. Il s'agissait d'interroger les gens - les automobilistes et les commerçants - pour faire en sorte que les personnes qui roulent en voiture à des vitesses plus réduites sachent où s'arrêter. Le questionnaire portait donc sur l'amélioration des possibilités de parking sur le boulevard Carl-Vogt. C'était le sens du questionnaire et il est assez intéressant de voir que finalement, en roulant à 30 à l'heure au lieu de 50, il est plus facile de repérer une place, il est plus facile de s'arrêter. Ce qui évidemment est favorable aux commerçants dont vous, au sein de l'Entente, vous vous souciez beaucoup. Par conséquent, je soutiens cette pétition et je vous prie de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Je souhaiterais tout d'abord que le député Lescaze veuille bien rappeler à M. le député Pagani ce qu'est le renfort de Sézegnin. Monsieur Pagani, ce dossier a été ouvert en juin 1997, vous n'étiez pas parmi nous; nous n'avions pas le plaisir de nous rencontrer ici.

J'aimerais ensuite rappeler à M. le député Pagani que si le dossier des 30 km/h aux Pâquis est bloqué, c'est parce que d'aucuns ont fait un recours, et vous découvrez tout d'un coup que les recours sont malséants, qu'ils font perdre du temps. Certains disent que c'est bien votre tour, moi je n'ai rien dit de pareil...

Enfin, j'aimerais rappeler à M. Ducrest que c'est dramatiquement faux de prétendre que nous gérons la circulation au coup par coup. J'ai ici une invitation, Monsieur le député Ducrest, pour rejoindre le stand des TPG et de l'Office des transports et de la circulation à la prochaine Foire de Genève. Elle s'ouvre le 11 novembre; vous êtes particulièrement le bienvenu. J'aimerais ensuite ajouter que si Mme Rielle peut dire que ce dossier doit suivre son processus, c'est bien parce que le processus est engagé. Rappelons simplement que j'ai déjà rencontré deux fois le conseil de quartier de la Jonction, que le Conseil municipal a déjà voté un crédit d'étude, que la Ville de Genève a engagé un processus de concertation auquel nous participons avec mes services de manière particulièrement active, que les engagements de la Ville portent sur octobre 1999; ce sera la date d'ouverture de la deuxième étape d'Uni-Mail.

Quant à la zone 30, Mesdames et Messieurs, il faut bien voir que nous sommes sur un axe de grande circulation et non pas sur une route inter-quartiers. Le problème de ce 30 km/h est à l'ordre du jour de la prochaine commission cantonale de la circulation dans laquelle les milieux économiques pourront s'exprimer. Je vous rends simplement attentifs au fait que, si nous prenons des mesures de ralentissement en bas de la rampe de Saint-Georges, il faut alors me dire comment on règle le problème dans la belle et grande ville de Lancy, quelques centaines de mètres au-dessus.

Dernière chose, la voirie de la Ville de Genève a promis de revoir le revêtement de la rue des Deux-Ponts pour l'été 1999. Vous constatez donc, Mesdames et Messieurs, que nous discutons depuis une heure sur un dossier qui suit tranquillement son chemin. Vous pouvez bien causer encore trois heures, vous pouvez bien me renvoyer cette pétition, à moi, au Grand Conseil, à qui vous voulez, je vous le dis comme je le pense : cela n'empêchera pas ce dossier de cheminer sereinement dans la voie du progrès.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de minorité (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

La séance est levée à 19 h 20.