République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1234
12. Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Magdalena Filipowski, Rémy Pagani, Anita Cuénod, Dolores Loly Bolay, René Ecuyer, Erica Deuber-Pauli, Jeannine de Haller, Salika Wenger et Bernard Clerc sur les affaires «Stäubli» et Sécheron de la BCG. ( )M1234

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

nomme une commission d'enquête pour rendre rapport sur les relations de la Banque cantonale de Genève avec MM. Jürg Stäubli et Nessim Gaon.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La «Tribune de Genève» a publié un long article dans son édition du 23 septembre sur les relations entre la Banque cantonale de Genève et l'affairiste Jürg Stäubli portant plus particulièrement sur le prêt de 80 millions de francs consenti par la banque à ce dernier, dans le cadre d'une convention secrète signée le 3 juillet 1997 et déposée à l'étude d'un notaire qui est le frère de M. Dominique Ducret, président de la BCG.

Selon la «Tribune de Genève», cette convention prévoirait que le prêt de 80 millions de francs consenti au taux de ½ % à Jürg Stäubli pourrait être soldé pour 800 000 francs seulement !

Si les faits énoncés dans cet article, et notamment le recours par la Banque à Jürg Stäubli comme "; homme de paille " pour mener des opérations banque-industrie, de manière à détourner les règles édictées par la Commission fédérale des banques, devaient s'avérer exacts, les manquements de la direction de la BCG et les cadeaux éhontés qu'elle a faits à l'ancien "; promoteur musclé " seraient particulièrement graves.

Il n'est pas possible, face au mutisme habituel de la BCG, que la réalité sur cette affaire et les responsabilités en cause ne soient pas clairement établies.

La BCG est, hélas, la seule qui ne connaisse pas d'organe de contrôle sur le plan cantonal et on sait que la Commission fédérale des banques qui surveille son activité ne rend pas publics ses rapports. Il s'impose, en conséquence, s'agissant d'un établissement public cantonal, que le Grand Conseil nomme une commission d'enquête, comme cela a été le cas dans d'autres cantons, pour établir la réalité des faits.

Il se justifie, par ailleurs, que l'enquête qui avait été demandée lors de la dernière législature sur les faveurs dont M. Nessim Gaon aurait pu bénéficier soit reprise, compte tenu des importantes pertes subies par la BCG dans l'affaire de Sécheron, du récent rachat par celle-ci des terrains en cause pour le montant exorbitant de 135 millions de francs et la reprise de l'entreprise de Sécheron SA à un prix qui n'a jamais été révélé.

Rappelons que le Conseil d'Etat avait répondu à l'une de nos interventions à ce sujet, qu'il s'agissait d'une opération de portage de courte durée qui, de fait, s'est transformée en une participation de la BCG dans une activité industrielle dont l'avenir paraissait risqué et qui a subi d'importantes pertes en 1997, dont le président du conseil d'administration de Sécheron SA, M. Dominique Ducret, ne s'est aperçu que très récemment !

Il convient de manière générale d'établir quels sont les engagements que la BCG a pris dans deux des affaires importantes qui ont défrayé la chronique, leurs conséquences et les responsables des actes commis.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que la présente motion recevra bon accueil de votre part.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je suppose que la plupart d'entre vous ont lu l'article d'une page publié dans un de nos quotidiens genevois sur l'affaire Stäubli qui défraie la chronique depuis bientôt deux ans. Un certain nombre d'indications incroyables ont ainsi été fournies par la presse.

Cet ancien promoteur musclé de sinistre mémoire, l'inventeur des congés-ventes qui avaient suscité à Genève la panique parmi les locataires et amené nos concitoyennes et concitoyens à voter massivement l'initiative populaire visant à soumettre à autorisation les ventes d'appartements, ce monsieur-là était devenu l'un des clients favoris de la Banque cantonale - ce dont on peut tout de même s'étonner !

Comme cela a été publié, il a bénéficié de divers crédits, dont un accordé à son holding, puis épongé au profit d'un nouveau crédit de 80 millions accordé à titre personnel afin d'éviter à l'entreprise de M. Stäubli de faire faillite ! Quel citoyen, même multimillionnaire, pourrait se voir accorder un tel crédit ? Plus scandaleux encore : ce crédit a été attribué à un taux de 0,5% selon les articles de presse !

Il n'y a bien entendu jamais eu confirmation de tout cela; selon sa politique habituelle, la Banque cantonale n'a rien déclaré. On a appris récemment que la demande de mise en faillite du JSHolding à Fribourg avait échoué, mais, mercredi, un journaliste de la «Tribune de Genève», connu pour son sérieux et sa prudence, nous apprend avec force détails que toute cette affaire est bien réelle. M. Stäubli a effectivement bénéficié d'un crédit personnel de 80 millions à des conditions de remboursement incroyables : s'il ne revenait pas à meilleure fortune, il ne serait tenu de rembourser que 800 000 F, soit 1% de la somme allouée !

Par ailleurs, une convention secrète serait déposée dans le coffre d'un notaire de Genève avec - la politique de copinage de la Banque cantonale se poursuivant - le frère du président de la banque comme «gardien». Bref ! J'ose espérer que le Conseil d'Etat a été préoccupé par l'aspect particulièrement scandaleux de cet article... (Brouhaha.)

M. John Dupraz. C'est la famille, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Vous avez raison, Monsieur Dupraz, dans le fond, j'ai toujours été... (Remarques et rires.)

Le président. Veuillez vous adresser à l'assemblée ou au président, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. J'ai toujours reconnu certaines qualités à M. Dupraz, en particulier son excellente mémoire et sa précision ! Il a parfaitement raison : la Banque cantonale est bel et bien devenue une affaire de famille, et aussi de copinage.

On ne peut que s'étonner que certains spéculateurs notoires - pour ne citer qu'un nom : je viens de rencontrer des jeunes qui habitent l'immeuble de l'ancien spéculateur Me Wavre, en fuite et condamné en France - ne disposant pas des fonds nécessaires aient pu bénéficier de crédits énormes, alors que les petites entreprises clientes de la Banque cantonale avaient à s'expliquer des mois et des mois pour obtenir quelques dizaines de milliers de francs. Mesdames et Messieurs les députés, c'est une évidence : ce n'est plus possible de rester impassible et de laisser courir les choses après cette série d'articles publiés deux ans durant sur le scandale Stäubli.

Par ailleurs, il nous paraît justifié de créer une commission d'enquête pour examiner les relations entre M. Gaon et la Banque cantonale. Le parti socialiste avait demandé la création d'une telle commission chargée d'étudier les faveurs dont M. Gaon aurait pu bénéficier, mais elle n'a jamais vu le jour, l'ancienne majorité du Grand Conseil n'en ayant pas voulu.

Dans l'affaire Sécheron SA, des prêts phénoménaux ont été consentis avec une légèreté incroyable à M. Gaon dont l'endettement à l'époque ne pouvait pas échapper à la banque : on savait le Noga Hilton grevé d'hypothèques jusqu'à la dernière tuile, sans parler de tous les autres immeubles... Cette entreprise a été rachetée à un prix que la Banque cantonale n'a jamais voulu indiquer... Il y a quelques années, M. Maitre déclarait au nom du Conseil d'Etat qu'il s'agissait d'une opération de sauvetage pour six mois seulement. Eh bien, trois ans se sont écoulés et en plus du prix de rachat, la Banque cantonale a augmenté le capital-actions à 20 millions. Je trouve bien imprudent que tout à coup le président de la banque ait voulu prendre avec le directeur général la présidence et la responsabilité du conseil d'administration de Sécheron SA, visiblement racheté sans la moindre investigation sur sa situation économique.

Au mois de juin, ces messieurs découvrent que l'entreprise a fait 27 millions de déficit l'année dernière. On se fout de nous, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est quoi ces administrateurs qui ne suivent pas les affaires de leur entreprise et viennent ensuite nous faire la leçon ? Qui ont le culot de prétendre que le directeur général leur aurait caché certains renseignements ?

Il y a deux affaires particulièrement graves à la Banque cantonale - et beaucoup d'autres encore... Dans le cas Stäubli, les 80 millions perdus ont fait l'objet d'actes dont on peut se demander s'ils ne méritent pas l'ouverture d'une investigation pénale.

Dans le cas Sécheron, des centaines de millions ont été perdus. Je vous rappelle que la Banque cantonale a racheté récemment les terrains de Sécheron pour 135 millions. Il n'est plus possible de fermer les yeux et de prétendre qu'il s'agit d'affaires vieilles de dix ans, alors que la convention dont parle la «Tribune de Genève» a été signée - semble-t-il - l'été dernier ! Heureusement que la «Tribune de Genève» le dit, car M. Roth prétendait que tout cela remontait à dix ans. Cette affaire-là remonte à un an, vous le direz à votre collègue Roth, Monsieur Breton ! Et 80 millions, ce n'est pas des peanuts ! (Brouhaha.)

Nous devons assumer nos responsabilités : la Banque cantonale étant un établissement public, nous avons l'obligation de veiller à ce qu'elle soit correctement gérée. Face aux scandales Stäubli et Sécheron, nous nous devons de créer une commission d'enquête chargée de procéder à un examen sérieux des affaires de la BCG.

Pour conclure, je rappellerai que sur les bancs de ce conseil plusieurs groupes de députés ont été indignés de la façon dont la Banque cantonale a voulu se soustraire à des demandes parfaitement légitimes d'investigation sur d'autres cas récents ayant trait à des affaires de portage menées à l'instigation de la Banque cantonale en violation de tous les principes d'une saine gestion. Sur l'une de ces affaires, elle a refusé de s'exprimer; sur l'autre, après avoir créé beaucoup de difficultés, elle a donné de fausses indications. Le Grand Conseil avait déjà été indisposé par cette façon de procéder de la direction qui pense pouvoir échapper à tout contrôle...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, vous êtes parvenu au terme de votre temps de parole !

M. Christian Grobet. ...de la part des autorités de ce canton, raison pour laquelle nous espérons que vous prendrez ce soir la décision de créer cette commission d'enquête. (Applaudissements.)

M. Bernard Annen (L). Cela ne vous aura certainement pas échappé : M. Grobet - dont le discours nous est connu - est en pleine campagne de votation; ce week-end, nous votons sur le sujet !

Je ne me prononcerai pas sur le fond de l'affaire Stäubli pour deux raisons. Premièrement, je ne suis pas là pour défendre quelqu'un qui n'aurait pas respecté les règles élémentaires imposées à chacun. Et je ne suis pas là non plus pour parler du fond, car - vous le savez bien, Monsieur Grobet - une instruction pénale est en cours. Pour respecter la séparation des pouvoirs, laissons la justice suivre son cours ! Nous nous prononcerons le cas échéant plus tard.

Si je prends la parole aujourd'hui, c'est pour deux raisons. Tout d'abord, on jette le discrédit sur des personnes, notamment sur notre ancien collègue Jean-Luc Ducret. Cela n'est pas admissible : jusqu'à preuve du contraire, il fait honnêtement son travail et rien ne peut lui être reproché. Ensuite, vous jetez le discrédit sur la Banque cantonale, mais, à un moment donné, il faut arrêter de s'acharner.

Je comprends, Monsieur Grobet, que vous vous acharniez pour obtenir un poste d'administrateur dans cette banque... (Exclamations.) ...tous les moyens vous sont bons. Vous faites de la politique politicienne, mais peu importe ! La grande majorité de ce canton fait confiance à la Banque cantonale, seul instrument bancaire actuel à disposition des PME; par rapport à cette mission, vos propos me paraissent secondaires. L'acharnement est une chose, la politique politicienne en est une autre; mais il faut faire attention de ne pas discréditer les gens sans preuve.

Vous faites allusion à la fameuse convention : j'ai lu l'article la mentionnant avec effarement et me suis étonné qu'il paraisse à cette date comme par hasard... Je crois, Monsieur Grobet...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur le député !

M. Bernard Annen. ...que vous avez plus d'entrées que moi à la «Tribune de Genève» ! Je me demande parfois qui écrit les articles et qui fait les interventions dans ce Grand Conseil... (Rires. Le président agite la cloche.) Mais faire de telles insinuations, au même titre que les vôtres, Monsieur Grobet, c'est trop facile ! C'est pourquoi, par rapport au respect que je vous porte ainsi qu'à votre épouse, je retire mes propos. Cela étant, il s'agit d'une campagne de votation dangereuse, non pas du fait que vous défendiez votre projet mais du fait que vous tentiez de déstabiliser la Banque cantonale à de seules fins politiciennes.

J'ai bien examiné la convention à laquelle vous faites allusion... Mais arrêtez donc, Monsieur Grobet, de dire à M. Ferrazino ce qu'il doit dire !

Le président. Adressez-vous à l'assemblée et éventuellement à son président, Monsieur Annen !

M. Bernard Annen. Vous aurez remarqué que cette convention tant décriée n'a qu'une seule signature ! (L'orateur est interpellé.) Je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un faux mais, vous le savez très bien, Me Ferrazino, lorsque vous préparez des conventions vous entendez faire valoir uniquement celles qui sont signées par les deux parties... (Commentaires.)

Le président. Messieurs les députés Ferrazino, Grobet et Annen, dans cette enceinte, il n'y a pas de dialogue ! Les personnes s'adressent soit à l'assemblée soit au Conseil d'Etat soit au président, votre serviteur. Evitez les dialogues, nous gagnerons du temps et les débats gagneront en clarté.

M. Bernard Annen. Vous avez raison, Monsieur le président, et je vais conclure sur une note positive par rapport à la confiance envers la Banque cantonale. Oh ! Pas pour moi, Monsieur Grobet. Je ne travaille pas avec cette banque, mais pour Genève et son développement. Je me pose des questions au sujet de cette proposition de motion, car l'article de la «Tribune de Genève» sur lequel vous construisez vos affirmations ne fait pas allusion à M. Gaon.

Il s'agit de nouveau d'acharnement ! Je me souviens d'un débat houleux que je ne voudrais pas ouvrir à nouveau, et je ne vais pas vous faire un procès d'intention. Mais pourquoi s'acharner toujours sur les mêmes personnes ?

Je vais vous dire une chose, Monsieur Grobet...

Une voix. Pas de dialogue !

M. Bernard Annen. Nous ne voulons pas rejeter la motion sans autre; je suis prêt à la renvoyer en commission, mais il n'est pas question de voter un tel texte ce soir ! Pourquoi ne pas étudier et discuter en attendant vos preuves que je me réjouis d'entendre ? Vous m'avez toujours donné l'impression, Monsieur Grobet, de construire vos dossiers et non de vous arrêter sur un article de la «Tribune de Genève».

Le président. Est-ce une proposition formelle de renvoi en commission ?

M. Bernard Annen. Oui, Monsieur le président !

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous exprimons dès lors sur le renvoi en commission, uniquement.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que les socialistes se sont toujours battus pour avoir une Banque cantonale forte, proche de la population, mais aussi éthique et transparente. Si les collectivités publiques apportent leur soutien à cette banque...

Le président. Monsieur le député, je vous interromps...

M. Christian Brunier. J'y viens, au renvoi en commission !

Le président. Je vous rendrai la parole, mais je mets immédiatement aux voix la proposition de renvoi en commission.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

(Le résultat du vote est contesté par l'assemblée.)

Le président. Puisqu'il y a contestation, nous allons voter par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée par 46 non contre 37 oui.

Le président. Je vous ferais observer, chers députés, que le coup d'oeil de votre très humble serviteur-président n'était pas erroné !

M. Christian Brunier (S). Le parti socialiste s'est toujours battu pour une Banque cantonale forte, proche de la population... (L'orateur est interpellé.) Tu n'avais pas compris la première fois ! ...mais aussi éthique et transparente. Si les collectivités publiques apportent leur soutien à une banque, c'est pour que cette dernière se comporte différemment.

Le parti socialiste ne tient pas à placer la Banque cantonale sous la tutelle du Grand Conseil mais aujourd'hui c'en est trop ! La population et les petites et moyennes entreprises cherchant désespérément des crédits sont scandalisées par l'affaire Stäubli et veulent connaître la vérité. Imaginez la frustration ressentie par celles et ceux qui recherchent de petits crédits pour soutenir leur projet de création d'entreprises et d'emplois, lorsqu'ils apprennent que la Banque cantonale a fait des cadeaux mirobolants à de sinistres individus !

Monsieur Annen...

M. Bernard Annen. Oui, Monsieur !

M. Christian Brunier. ...si vous voulez jouer les justiciers...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur Brunier ! Ou à votre président, ou au Conseil d'Etat !

M. Christian Brunier. Avec plaisir, Monsieur le président ! Si M. Annen a envie de jouer au justicier, il lui faut ouvrir les yeux sur ces affaires, plutôt que de passer du temps à faire la mijaurée au sujet d'un misérable petit joint !

Nous ne pouvons honnêtement plus fermer les yeux sur de telles affaires, la population veut la vérité ! Nous soutiendrons donc cette motion et jugeons urgent de rééquilibrer politiquement le conseil d'administration de cette banque. (Applaudissements.)

M. John Dupraz (R). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. M. Ferrazino et M. Ducommun s'invectivent.)

Le président. Messieurs Ferrazino et Ducommun, je vous prie de sortir et de vous expliquer à la buvette autour d'un verre ! (Brouhaha.)

M. John Dupraz. Il y a quelques jours, lorsque j'ai pris connaissance de cet article sur les bancs du Conseil national, je n'ai pu m'empêcher de penser à la publicité faite par cette information à la veille du vote populaire concernant la banque. Ce n'est certainement pas anodin ! En possession d'une telle information, les journalistes sont aussitôt accusés de faire de la rétention d'information s'ils ne la publient pas; ou, s'ils le font à la veille d'une votation aussi importante pour la Banque cantonale, d'influencer de façon un peu trop forte le vote populaire.

Mesdames et Messieurs les députés, on peut dire que M. Grobet a de la suite dans les idées et fait preuve envers la Banque cantonale d'un certain acharnement politique qui n'est pas digne de l'intelligence et de la compétence dont il a fait preuve au Conseil d'Etat il y a quelques années. (Exclamations et rires.)

Nous avons tous voulu cette Banque cantonale...

M. Albert Rodrik. Pas tous !

M. John Dupraz. ...et nous avons beaucoup oeuvré pour trouver des compromis et des consensus politiques. Le rapporteur du projet de loi devant ce plénum, M. Lachat, socialiste, a contribué dans une large mesure à son établissement.

Nous sommes choqués par les révélations de la presse - moi-même, petit paysan artisan... (Exclamations.) Mais oui ! Ne vous en déplaise, Monsieur Rodrik, je ne suis guère plus grand que vous ! (Rires.) A moi aussi ça me fait mal de payer des échéances à la banque, alors qu'on apprend que de gros poissons, plus filous que nous tous ici réunis... (Rires.) ...échappent aux droits et aux devoirs auxquels est astreint tout débiteur. Cela paraît bizarre, et je comprends que les gens soient ulcérés.

Mais, dans toute cette opération, je condamne le préjudice et le tort causés à une banque dont le canton a besoin pour son économie et regrette cet acharnement politique, plus destructeur que salutaire. Certes, on peut regretter que certaines affaires se fassent en famille, c'est vrai, ce n'est pas très adroit. A mes yeux, l'essentiel... (Commentaires.) Monsieur Ferrazino, s'il vous plaît, je n'ai pas fait d'études de droit, moi ! Si vous permettez, l'important c'est que la banque puisse fonctionner et que les clients aient confiance ! Or toute cette opération à laquelle nous procédons, ainsi que les articles dans la presse et les interventions de M. Grobet, entraîne une perte de confiance chez les clients et les citoyens, et cela est grave.

Des erreurs ont peut-être été commises qui doivent être réparées. Nous avons les uns et les autres des représentants au conseil d'administration, et c'est au sein de ce conseil, prioritairement, que cela doit se passer. Je vous rappelle, Monsieur Brunier, que vous en assurez la vice-présidence ! Vous ne manquez pas de culot en disant que ça dépasse les bornes ! Vous avez deux socialistes au comité... (Commentaires.) Vous exagérez ! Nous qui n'en avons point, nous sommes à l'aise...

Le président. Monsieur Dupraz, adressez-vous à l'assemblée !

M. John Dupraz. Monsieur le président, j'affirme que le président du parti socialiste ne manque pas de culot en disant que le conseil d'administration ne suffit plus et que le Grand Conseil doit s'en mêler ! Plus notre Grand Conseil s'en mêlera, moins les choses seront claires et moins nous aurons de solution !

Suite à cette proposition de motion, plutôt que de créer une commission d'enquête, je crois que l'on pourrait saisir la commission des finances qui connaît bien ce dossier. Cela permettrait aux uns et aux autres d'examiner sereinement cette affaire. Que vous l'appeliez ensuite commission d'enquête, cela m'est égal, mais les membres de cette commission sont les plus aptes à traiter le dossier.

M. Michel Balestra (L). Je m'opposerai au renvoi de cette motion en commission des finances et vous propose d'en discuter tout de suite pour les raisons suivantes.

Présidée par le député Dessimoz, la commission chargée de la fusion et de la création de la Banque cantonale a disposé de tous les éléments nécessaires pour juger de la situation des débiteurs auprès des deux établissements.

Le rapporteur du projet, M. David Lachat, qui ne fait pas partie que je sache de la race des néo-libéraux qui vous donnent des boutons, a été convaincu par les analyses croisées des fiduciaires des deux banques. D'autre part, l'établissement issu de cette fusion a été le premier établissement cantonal soumis au contrôle de la Commission fédérale des banques. Aussi, en son âme et conscience, M. Lachat a accepté de rédiger ce rapport de majorité.

Les débiteurs cités ce soir avaient obtenu à cette époque déjà les crédits que vous dénoncez. Il s'agit d'histoires anciennes, vous le savez bien, Monsieur Grobet, vous qui reprochiez à la Banque hypothécaire d'avoir financé l'achat des terrains de Sécheron pour des sommes trop élevées, mais qui avez tout fait pour qu'ils ne puissent pas être valorisés ! Il y a assez de témoins dans cette enceinte pour le confirmer. Enfin, chacun mène sa politique...

Pour une économie genevoise dynamique, il est indispensable d'avoir une Banque cantonale forte. Créer une commission comme vous le demandez serait faire croire que les crédits sont récents, ce qui n'est pas le cas.

Mesdames et Messieurs les députés, donnez ce soir la preuve aux citoyens genevois que la politisation de la Banque cantonale est une erreur et qu'ils devront voter non s'ils ne veulent pas que de tels débats se reproduisent ! Nous devons donc avoir le courage de voter non pour que la banque puisse exercer son mandat dans la quiétude et la sérénité qui lui sont dues.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je n'avais pas l'intention de m'exprimer sur ce sujet qui n'est pas l'un de mes sujets de prédilection, mais deux choses inadmissibles ont été dites.

Tout d'abord, vous, Monsieur Brunier, qui tentez de m'interpeller encore, vous ne risquez pas d'avoir besoin de crédit PME ou PMI ! Par contre, nous, industriels, en avons besoin, et la seule banque qui joue le jeu est la Banque cantonale genevoise. Je souhaite insister sur point; plutôt que de la dénigrer, il faudrait tenter de la protéger.

Par ailleurs, je suis surpris d'entendre M. Grobet parler avec une certaine ironie et de façon même déplacée d'une «histoire de famille»... On pourrait en dire autant de Sécheron, mais je n'irai pas jusque-là.

Sachez, Monsieur Grobet, que si Sécheron, aujourd'hui... (L'orateur est interpellé.) Il faut que tu te mettes un peu au courant...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur !

M. Jean-Claude Vaudroz. Si Sécheron est toujours présente, c'est uniquement grâce à la Banque cantonale qui l'a responsabilisée et ainsi assuré plus de deux cent cinquante emplois. D'autre part, Sécheron SA fait travailler bon nombre de petites PME de la région genevoise en particulier, mais vous l'oubliez peut-être !

Par conséquent, je suis entièrement d'accord avec les propos tenus par M. Balestra : il faut purement et simplement s'opposer à cette motion.

M. Jacques Béné (L). Merci, Monsieur Vaudroz, de parler en faveur de la Banque cantonale ! Quand arrêterons-nous de dénigrer cette banque, alors qu'on sait combien d'entreprises ont bénéficié non pas de largesses mais d'une saine gestion de leurs liquidités grâce aux gestionnaires de la Banque cantonale ? Mais cela n'intéresse pas les médias : seuls MM. Jürg Stäubli et Nessim Gaon les intéressent, car ils représentent des montants importants. Je pourrais cependant citer de nombreuses entreprises ayant bénéficié de l'aide de la Banque cantonale. (L'orateur est interpellé.) Je fais effectivement partie d'une entreprise soutenue par cette banque qui a permis de sauver quelques dizaines d'emplois !

Le président. Pas de dialogue, s'il vous plaît !

M. Jacques Béné. Si l'on continue de politiser la Banque cantonale comme vous souhaitez le faire, il faut considérer la situation des finances publiques. Nous avons tous bien plus de responsabilités que M. Jürg Stäubli par rapport aux finances cantonales... (L'orateur est interpellé.) Si l'on multiplie...

Le président. Silence, Monsieur Dupraz !

M. Jacques Béné. Si l'on multiplie la dette de M. Stäubli auprès de la Banque cantonale par le nombre de députés siégeant dans cette salle, on arrive à une somme inférieure à la dette de notre canton. Alors, laissez-moi rigoler ! Monsieur Grobet, vous êtes tout autant responsable de cette dette cantonale. Dans une telle situation, il faut fermer son caquet et essayer plutôt de soutenir notre Banque cantonale et l'économie publique.

J'espère que lors de la votation les citoyens sauront reconnaître les arguments cohérents.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). On entend parler de M. Gaon et des PME, mais on n'entend pas beaucoup parler des petits clients. Par respect pour eux, qui doivent rembourser tous leurs emprunts jusqu'au dernier sou intérêts compris, nous sommes obligés de faire toute la lumière sur les faveurs dont pourraient bénéficier certains gros clients de la BCGe. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Il y a quelques années, notre groupe a participé à la naissance de cette banque en croyant naïvement qu'elle pourrait être différente des autres. Mais depuis quelque temps, on s'aperçoit qu'il n'est pas aisé d'être honnête lorsqu'il s'agit d'argent...

Tous ceux qui défendent la Banque cantonale dans cette enceinte, M. Ducommun en tête, devraient nous démontrer soit par leur silence, soit par leur approbation à cette motion, qu'ils n'ont rien à cacher, qu'ils n'en ont pas peur et qu'ils acceptent de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

C'est notre cas, Monsieur le président. S'il n'y a ni faveur ni problème, il n'y a aucune raison de craindre une commission d'enquête. Après les révélations de la «Tribune de Genève», cette motion aurait pu venir de tous les bancs de ce parlement. Il me semble d'ailleurs que ce n'est pas loin d'être le cas, d'après les bruits de couloir où l'on entend beaucoup de députés de tous bords choqués par ces révélations.

Mesdames et Messieurs les députés, nous pourrions arrêter le débat et renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Christian Ferrazino (AdG). Vous savez, Madame Bugnon, si M. Ducommun n'avait rien à cacher, il ne s'agiterait pas de la sorte !

Une employée de sa banque m'a adressé récemment un e-mail reçu sur son ordinateur que je me dois de vous communiquer, car c'est assez comique : M. Ducommun, qui signe ses e-mails, recommandait de ne pas oublier de voter sur la Banque cantonale le samedi précédant les élections, soit une semaine auparavant ! Il était tellement inquiet que deux jours plus tard il signalait dans un autre e-mail qu'il s'était trompé : le samedi qui précède les élections, c'est bien entendu la veille du dimanche des élections ! (Rires.) Monsieur Ducommun, il faut vous montrer un peu plus raisonnable ! On comprend que vous vous agitiez, vous n'êtes pas le seul !

M. Dupraz a raison en disant qu'il faut rétablir la confiance envers la Banque cantonale. Il reconnaît ainsi implicitement qu'elle n'existe plus, et nous sommes les premiers à oeuvrer pour la rétablir. (Exclamations.) Nous n'entendons pas discréditer la banque mais sa direction qui a montré son incompétence dans des opérations du type de celles dont nous parlons ce soir !

Monsieur Annen, vous avez été insultant envers M. Cuénod...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur le député !

M. Christian Ferrazino. Je m'adresserai à M. Annen pour lui dire à la place de ce journaliste, absent ce soir, que c'est inadmissible d'être accusé de se faire écrire ses articles par une autre personne. (Brouhaha.) Voyez-vous, Monsieur Annen, ces insultes sont inadmissibles...

Le président. Adressez-vous à M. Annen à la troisième personne du singulier !

M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, comme vous le savez, l'Alliance de gauche n'a absolument rien révélé dans ce débat. Nous nous sommes bornés à reprendre les faits révélés par toute la presse, et nous ne tenons pas la plume des journalistes de cette République, Monsieur Annen... (Exclamations.)

Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés, laissez parler l'orateur !

M. Christian Ferrazino. Il y a eu suffisamment d'affaires révélées par les médias pour que nous nous interrogions tous sur la pratique de la direction actuelle de cette banque. Lorsque, dans cette enceinte, nous avons proposé - je crois du reste que M. Dupraz avait fait un amendement pour obtenir le rassemblement le plus large possible... (L'orateur est interpellé.) Il faut être cohérent avec vous-même, Monsieur Dupraz ! Lorsque vous avez proposé cet amendement ayant pour objet de permettre à chacun dans cette enceinte d'être représenté au conseil d'administration, vous avez voté avec nous cette loi qui fait l'objet d'un référendum. Mais je n'ai pas vu que vous souteniez, à l'instar du Conseil d'Etat et des partis de l'Alternative, ce que vous aviez voté dans ce parlement devant la population... (L'orateur est interpellé par M. Lombard.)

Monsieur Lombard, vous vous êtes montré discret jusqu'à présent et cela nous a été très agréable ! (Rires.) Si vous voulez vous exprimer, demandez la parole à notre cher président qui vous la donnera sans problème !

Je disais donc à M. Annen...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée ou à votre président !

M. Christian Ferrazino. Je vous le disais également à vous, Monsieur le président ! (Rires.) Je le dis du reste à toute la population...(Exclamations.)

Le président. Ah ! Je préfère cela !

M. Christian Ferrazino. ...si ce sage projet de loi voté par la grande majorité de ce parlement devait obtenir un vote positif lors du scrutin populaire de ce week-end, nous n'aurions pas à parler ici de tels sujets; nous pourrions en parler au sein du conseil d'administration de la banque. Mais si, par votre attitude, vous empêchez une politique de transparence, nous aurons systématiquement de tels débats dans cette enceinte parlementaire.

M. Annen - permettez-moi de vous le rappeler, Monsieur le président... (Rires.) nous a dit qu'il doutait de la validité de la convention signée entre la banque et M. Stäubli, car il n'avait vu qu'une signature ! Il a lu jusqu'au bout pour voir s'ils avaient bien signé ! Mais, Monsieur Annen, le journaliste que vous dénigrez était plus malin que vous : il a interrogé la banque qui a répondu qu'elle n'en contestait pas l'authenticité - j'ose espérer que vous avez lu l'article jusqu'au bout. Grâce à la sagacité qui vous caractérise, vous auriez pu en conclure que ce document avait été signé par les deux parties, Monsieur Annen ! Mais vous cherchez n'importe quel prétexte pour tenter de réfuter les faits révélés par la presse démontrant l'incompétence crasse de la direction actuelle.

Quant à vous, Monsieur Béné, vous avez perdu une occasion de vous taire ! Etes-vous, oui ou non, membre de conseils d'administration de sociétés de portage de la Banque cantonale ? Vous n'osez pas répondre, mais moi je sais que vous l'êtes !

Le président. N'interpellez pas les députés, Monsieur !

M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, que M. Béné ait le courage de répondre !

Etes-vous, oui ou non, membre de conseils d'administration ? (Exclamations.) Vous auriez dès lors pu faire preuve de retenue en ne participant pas à ce débat ! (Applaudissements.)

Des voix. Hou, hou !

M. Christian Ferrazino. C'est tristement lamentable, Monsieur Béné ! Non seulement je ne serais pas fier de jouer ce rôle, mais je le ferais discrètement et je m'abstiendrais de prendre la parole quand on joue votre rôle dans ces sociétés de portage !

Avec des personnages comme M. Béné, la Banque cantonale a mis sur pied une quarantaine de sociétés de portage pour une centaine d'objets dans cette République. Je viens de rencontrer des locataires du N° 2 de la rue Jean-Jaquet qui ne demandaient qu'une chose : que la Banque cantonale intervienne pour empêcher une opération spéculative afin de leur permettre de garder leur logement. Le résultat des courses, vous le connaissez : grâce à des gens comme M. Bonnet... Béné... (Rires.) ...excusez-moi, c'était involontaire... (L'orateur est interpellé.) Non, ce n'est pas bonnet blanc, blanc bonnet... La Banque cantonale a créé une société de portage, fait une opération spéculative et les locataires risquent l'évacuation.

Voilà le rôle néfaste joué par ces sociétés et la Banque cantonale ! Il est temps, Mesdames et Messieurs les députés, de rétablir un climat de confiance, mais nous n'y parviendrons qu'en changeant la direction et en permettant à toutes les tendances politiques de ce parlement d'être partie prenante au conseil d'administration pour infléchir sa politique désastreuse. (Applaudissements.)

M. Albert Rodrik (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vais bien sûr m'adresser à vous pour avoir la moindre chance de parler dans la sérénité !

Non ! Tout le monde dans cette République n'a pas voulu cette banque cantonale. Oui ! Les socialistes ont ramé pour qu'elle existe, c'est la vérité ! Nous ne sommes donc pas en train de faire des procès à qui veut nuire à la Banque cantonale, mais nous voulons savoir comment aujourd'hui cette banque se comporte sur la place publique de Genève.

Je ne pense pas comme certains que la direction de cette banque n'est pas compétente; j'ai contribué avec Emile Dupont au recrutement de son directeur. Je ne me renie pas. Par contre, comme je l'ai dit dans le débat sur les dividendes servis par cette banque, cette dernière n'a pas de politique de communication, ni de culture de la transparence; elle ne sait pas être une banque publique.

Il ne s'agit pas de la mettre sous tutelle : le groupe socialiste a dit clairement qu'il n'était pas preneur du projet de loi présenté par l'Alliance de gauche au mois d'avril. Il n'empêche qu'il ne peut pas couvrir un certain nombre d'habitudes du secret et un manque de transparence la mettant à la merci des révélations.

Si la banque ne veut pas être victime de ce qu'elle appelle des campagnes de calomnie, elle devrait savoir faire sa propre campagne. Or dans sa lettre envoyée aux clients - je regrette que M. Cramer ait escamoté la question dans la réponse donnée à M. Longet - dans ces quatre, cinq, six paragraphes, elle avait peut-être raison de se défendre contre une affiche, mais l'avant-dernier paragraphe où il est dit que, la banque ayant été calomniée, les clients devaient savoir comment voter, n'est pas tolérable. C'est une ingérence dans le déroulement d'un scrutin démocratique...

Une voix. Nous, on s'ingère dans la banque, ce n'est pas mieux ! (Le président agite la cloche.)

M. Albert Rodrik. Nous ne voulons pas, comme certains, que la banque soit régie depuis le Grand Conseil ! Nous voulons que cette banque apprenne elle-même à être transparente, à communiquer et à être digne du patrimoine public dont elle a la charge ! (Applaudissements.)

Mme Christine Sayegh (S). Il a été fait référence aux travaux de la commission ad hoc chargée de la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire, commission dont je faisais partie. Son but était de créer une banque cantonale, ce qui a conduit tous les commissaires à faire aboutir ce projet.

Quant à la méthode de travail, il y a lieu de rappeler que nous avons posé moult questions sur les engagements douteux des deux banques mais n'avons jamais reçu de réponse. Plus grave encore : les procès-verbaux... (L'orateur est interpellé.) Vous nous direz ensuite ce que vous avez appris, Monsieur Balestra ! Ces procès-verbaux étaient sous embargo, vous ne pouviez pas les contester : les représentants des banques devaient les voir, les corriger et nous envoyer ensuite la version qu'eux souhaitaient. Quand nous avons demandé à comparer la version du procès-verbaliste et celle des banques, cela nous a été refusé. Le but principal était de créer une banque, mais les méthodes de travail n'étaient pas très bonnes.

Toutefois, des articles tels que celui paru dans la «Tribune de Genève» récemment ne sauraient donner confiance en la banque. Par contre, une commission d'enquête, apportant la clarté et sachant exactement où l'on en est, représenterait la meilleure manière de rétablir la confiance et de donner à la Banque cantonale le rôle qu'elle doit avoir par rapport au tissu économique genevois.

J'espère que vous conviendrez que cette motion est adéquate même si elle est dérangeante; elle doit être renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Bernard Clerc (AdG). Nous avons traité ce soir des problèmes relatifs aux graves dysfonctionnements du département des finances. A l'époque, l'Alliance de gauche avait soulevé cette problématique, mais on rétorqua qu'il s'agissait de calomnies, que tout cela était exagéré et qu'il n'y avait pas de problème. Trois ans plus tard, c'est une réalité.

Dans l'affaire de la Banque cantonale, nous nous trouvons dans la même situation, sauf que les enjeux sont autrement considérables pour toute une série de personnes et d'entreprises du canton.

Il a également été question de ce fameux article de la «Tribune de Genève» qui tombait à point nommé quatre jours avant le scrutin sur la Banque cantonale. Je trouve cela très curieux ! Ce qui tombe à point nommé, c'est qu'il soit sorti seulement quatre jours avant le scrutin et non pas trois semaines ! Cela est beaucoup plus significatif : à quatre jours du scrutin, les deux tiers des électeurs se sont déjà prononcés. Pourquoi n'est-il pas sorti plus tôt ? (Brouhaha.) Je laisse la question ouverte !

J'en reviens à ces attaques permanentes de la part d'un certain nombre de députés d'en face sur le préjudice que nous causerions à la Banque cantonale. Or, c'est le contraire, vous le savez très bien ! Nous demandons des explications sur un certain nombre d'affaires connues dans toute la République. En effet, il n'y a rien de plus mauvais que les rumeurs et les informations parfois amplifiées ayant pour conséquence d'empêcher de mettre à plat les choses. Le jour où les scandales éclateront véritablement, vous aurez à nous expliquer pourquoi vous vous êtes systématiquement opposés à toute enquête sérieuse sur la Banque cantonale.

M. Bernard Annen (L). Il y a des moments et des endroits pour demander des explications, Monsieur Clerc ! Si nous jugeons l'endroit mal choisi, cela ne signifie pas que nous ayons quelque chose à cacher. De toutes nos interventions il ressort qu'il n'est pas question de défendre quelqu'un n'ayant pas respecté les règles les plus élémentaires. Nous ne sommes pas là pour prendre la défense des personnes telles que vous les avez définies et insultées tout à l'heure.

M. Jürg Stäubli fait actuellement l'objet d'une enquête pénale. A maintes reprises, nous avons cité, les uns et les autres, l'article de la «Tribune de Genève», mais je vous rappelle un certain nombre de réserves intellectuelles de la part du journaliste : il ne s'agissait pas d'affirmer quoi que ce soit mais de publier un document dont on ignore encore la provenance. La «Tribune de Genève» n'a pas pris d'initiative; le journaliste suppose - et cela ne m'étonnerait pas - que M. Jürg Stäubli aurait pu transmettre lui-même ce document par machiavélisme. On peut émettre d'autres hypothèses : lorsque je fais allusion à la signature figurant sur ce document, c'est pour prouver qu'il a été jeté en pâture dans la République sans que l'on sache exactement de quoi il retourne.

Je proposais le renvoi en commission afin d'obtenir d'autres éléments permettant de déterminer si nous approuvions la mise sur pied d'une commission d'enquête. Il s'agit d'une décision importante, et c'est pour le moins léger de le faire uniquement sur la base d'un article de presse.

A cause de son éloquence, M. Ferrazino est sujet à des débordements et ses paroles dépassent sa pensée - nous en avons eu la preuve au sujet de M. Hiler. Quant aux insultes que j'aurais proférées, je l'invite à relire le Mémorial et à tenter de comprendre mon allusion qui ne concerne pas le journaliste auteur de cet article. Par ailleurs, nous relirons ensemble le chapelet d'insultes proférées tout à l'heure par M. Ferrazino !

J'ai trop de respect et de rapports amicaux avec vous, Monsieur Ferrazino, pour amplifier la polémique. Je ne vous répondrai donc pas plus qu'avec une certaine indifférence.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne pensais pas m'exprimer dans ce débat, mais, sur les bancs d'en face, M. Annen vient de parler de prétendues insultes de la part de mon collègue Ferrazino.

Je vous ai très bien entendu, Monsieur Annen, et vous invite à relire vos déclarations ainsi que celles de M. Vaudroz !

Monsieur Vaudroz, je prends la parole suite à une insinuation particulièrement désagréable de votre part - la seconde, déjà - sur un membre de ma famille, alors que je n'exerce aucune fonction au sein de la Banque cantonale, vous le savez. Par voie de conséquence, je n'ai pas pu, d'une quelconque manière, intervenir pour qu'une personne bénéficie d'une commande ou autre de la part de cette banque.

Je profite de l'occasion pour confirmer les propos de Mme Sayegh : j'étais au Conseil d'Etat au moment où la Banque cantonale s'est créée. Lorsque notre délégation a reçu celle de la Banque hypothécaire et de la Caisse d'épargne, j'ai été le seul à poser des questions et à demander que l'on communique au Conseil d'Etat, lié par le secret de fonction, la liste des débiteurs de la banque pour un montant supérieur à 5 millions afin de savoir concrètement quels étaient ses engagements. Bien entendu, ces deux banques n'ont pas voulu communiquer cette liste !

Malheureusement, c'est vrai que cette Banque cantonale, voulue par tous, a été créée sans que l'on connaissance l'ampleur des dettes - surtout celles qui étaient irrécouvrables - et dans l'opacité la plus complète. Un certain nombre parmi nous connaissaient l'existence de prêts plus ou moins hasardeux, mais on nous a dit que 500 millions étaient provisionnés et qu'il ne fallait pas se faire de souci... Qui pouvait se douter que le milliard serait dépassé ? On peut se poser des questions vu l'ampleur des prêts hasardeux, Monsieur Vaucher, il est curieux que certaines personnes aient pu bénéficier de prêts à ces conditions-là.

Aujourd'hui, beaucoup de rumeurs courent, Monsieur Annen, mais ce n'est pas de notre fait. Vos allusions à l'égard d'un journaliste comme M. Cuénod sont grotesques : c'est la presse qui a révélé toute une série d'affaires. L'Alliance de gauche a fait preuve de beaucoup de retenue en attendant que les affaires arrivent sur la place publique avant d'intervenir pour demander des explications. Ce ne sont pas ces demandes qui discréditent la banque, vous le savez fort bien, Monsieur Annen...

Le président. Adressez-vous à l'assemblée, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...ce qui discrédite la banque, c'est le doute, Monsieur le président !

Le président. Pour parler d'un député, faites-le à la troisième personne du singulier !

M. Christian Grobet. Eh bien, je m'adresse à toute l'assemblée et au Conseil d'Etat ! Et aux citoyens s'ils nous entendent, et aux citoyennes ! Toujours est-il que ce sont précisément des affaires comme l'affaire Stäubli qui jettent le discrédit sur la Banque cantonale. Même si cela fait du mal à la banque - ce que nous ne souhaitons pas - il n'est pas possible de se voiler la face et de se taire devant la gravité de telles affaires pour éviter de porter préjudice à la banque; nous voulons obtenir des réponses claires pour savoir à quoi nous en tenir.

Pour en venir à la motion, nous n'avons pas demandé son renvoi au Conseil d'Etat, Madame Sayegh ! Si voulez bien vous référer au texte : nous avons demandé au Grand Conseil de nommer une commission d'enquête... (L'orateur est interpellé.) ...comme vous l'aviez demandé, c'est possible, sous forme de résolution il y a trois ans. Mais elle n'avait jamais été créée : cette demande a été renvoyée en commission à l'époque où elle a été enterrée - ce que voulaient faire tout à l'heure certains députés des bancs d'en face.

Je vous rappelle l'article 143 du règlement du Grand Conseil qui est particulièrement clair et indique que la motion peut soit, lettre a, s'adresser au Conseil d'Etat, soit, lettre b, être un moyen pour le Grand Conseil de charger lui-même une commission de traiter un objet déterminé. Nous ne désignons pas une commission précise, mais il ne s'agit évidemment pas de renvoyer cet objet à la commission des pétitions ou autre, comme le suggéraient certains députés de la droite : il s'agit de créer une commission ad hoc...

M. Olivier Vaucher. Ce n'est pas marqué !

M. Christian Grobet. Cela peut être n'importe quelle commission, Monsieur Vaucher ! Si le règlement du Grand Conseil disait : «une des commissions mentionnées dans le présent règlement», l'affaire serait claire; mais il est dit : «une commission». Cela peut donc être une commission existant en vertu du règlement ou une commission ad hoc que l'on se propose de créer. Vos arguties sont parfaitement ridicules ! Ce Grand Conseil a déjà créé des commissions d'enquête; je me souviens de celle en relation avec la Banque hypothécaire et l'affaire de la SATA. La voie de la motion est donc parfaitement adaptée à la création d'une telle commission.

M. Hervé Dessimoz (R). M. Grobet a déclaré que la Banque cantonale a été créée dans l'opacité totale sans que l'on ait mesuré l'ampleur de sa dette. En tant que président de la commission parlementaire ayant travaillé à la fusion des deux banques, la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire de Genève, je dois m'inscrire en faux contre ces propos.

La commission a demandé aux banques de présenter clairement les risques. Pour préserver le secret bancaire, elle a convenu avec la direction des banques d'une grille d'évaluation qui lui a permis de conclure que les risques n'étaient pas démesurés et que la garantie de l'Etat pouvait être donnée sur les dépôts d'épargne à raison de 500 000 F par personne physique et de 2,5 millions par personne morale.

Par ailleurs, la commission a également demandé que la Banque cantonale soit placée sous la surveillance de la Commission fédérale des banques et non plus du Conseil d'Etat pour éviter de politiser le débat et surtout pour donner à des spécialistes reconnus au plan suisse et international la compétence d'analyser les risques et les actes de la banque. Cette décision a été confirmée par le Conseil national et désormais la Commission fédérale des banques surveille les activités de la Banque cantonale comme celles de n'importe quelle autre banque. Si la Banque cantonale de Genève se trouvait dans une position délicate quant aux affaires, la Commission fédérale des banques interviendrait.

Cela étant, Monsieur Grobet, les députés qui ont travaillé à l'époque au dossier de la fusion, de même que le Grand Conseil puis le peuple, ont effectivement décidé de ne pas faire la chasse aux sorcières. Ils ont admis l'existence d'affaires mauvaises - l'affaire Stäubli ainsi que d'autres ont été évoquées - mais ils ont décidé que l'intérêt supérieur de Genève était d'avoir un instrument bancaire. Aujourd'hui, je crois que personne n'a à regretter la création de la Banque cantonale.

Une voix. Bravo !

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est renvoyée à la commission ad hoc d'enquête «Banque cantonale de Genève».

M. Christian Ferrazino (AdG). Vu le résultat du vote, Monsieur le président, je souhaiterais que M. Brichet fasse passer une liste pour permettre à chaque parti de désigner ses représentants au sein de la future commission d'enquête, afin que cette dernière puisse être convoquée rapidement.

Le président. Je suppose qu'il s'agit d'une commission à quinze ?

M. Christian Ferrazino. Une commission ad hoc à quinze.

Une voix. On ne va pas faire ça maintenant !

M. Christian Ferrazino. On peut parfaitement faire passer une liste, puisque nous sommes tous là !

Le président. Cela se fera entre les chefs de groupe, Monsieur le député !

M. Christian Ferrazino. Nous souhaitons pouvoir réunir cette commission rapidement, Monsieur le président, rien ne s'oppose à ce que nous désignions nos représentants ce soir.

Le président. Il sera donné suite à la motion, n'ayez crainte !

M. Christian Ferrazino. Alors on peut faire voter, Monsieur le président, pour savoir si le Grand Conseil est d'accord de désigner ce soir ses représentants, afin que cette commission puisse être rapidement convoquée.

Le président. C'est une question formelle, Monsieur. Nous passons au dernier point de notre ordre du jour.