République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7395
6. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la concession aux Services industriels de Genève de la force motrice hydraulique d'une section du Rhône pour l'exploitation d'une usine hydroélectrique dite de Verbois (3289), du 5 octobre 1973. ( )PL7395

LE GRAND CONSEIL

vu la loi constitutionnelle du 22 juin 1973 modifiant les articles 158 à 160 de la constitution genevoise (Services industriels de Genève);

vu la loi du 5 octobre 1973 sur l'organisation des Services industriels de Genève;

vu l'arrêté du Conseil municipal de la Ville de Genève du 17 mai 1973 sur le transfert aux Services industriels de Genève du patrimoine affecté aux services des eaux, du gaz et de l'électricité;

vu la loi fédérale du 22 décembre 1916, modifiée les 20 juin 1952,20 décembre 1967, 8 octobre 1976 et 21 juin 1985, sur l'utilisation des forces hydrauliques, et son règlement du 12 février 1918, modifié les 30 décembre 1953, 10 juin 1968, 12 janvier 1977 et 6 octobre 1986, concernant le calcul des redevances en matière de droits d'eau;

vu la loi du 24 juin 1961 sur le domaine public;

vu la loi du 5 juillet 1961 sur les eaux;

vu la loi du 2 novembre 1892, modifiée le 9 octobre 1909, accordant à la Ville de Genève la concession de la force motrice hydraulique du Rhône en aval de la Jonction;

vu la loi du 9 octobre 1909, accordant à la Ville de Genève, la concession de la chute disponible du Rhône dès l'usine de Chèvres au pont de La Plaine, modifiée les 19 mai 1920, 20 septembre 1930 et 18 janvier 1936;

vu la loi du 4 décembre 1937 approuvant la construction d'une usine hydroélectrique en aval du pont de Peney et l'ouverture par la Ville de Genève, en faveur des Services industriels, d'un crédit de 36 000 000 F pour la construction de cette usine;

vu la concession de la Confédération suisse, du 28 décembre 1917, pour la création d'une usine hydraulique sur le Rhône entre l'usine projetée de La Plaine et un point à déterminer en amont du pont de Chancy-Pougny, et son avenant du 1er octobre 1954,

Décrète ce qui suit :

Article unique

L'Acte de concession aux Services industriels de la force motrice hydraulique du Rhône en aval de l'usine de la Coulouvrenière jusqu'à Vers-Cinge pour la production d'énergie électrique par l'usine hydroélectrique de Verbois, du 5 octobre 1973, est modifié comme suit :

Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)

Objet de la concession

1 La concession a pour objet l'utilisation de la force motrice hydraulique du Rhône, en vue de la production d'énergie électrique, par l'usine hydroélectrique sise à Verbois (ci-après l'usine hydroélectrique), au km 16,677, selon le kilométrage du Rhône établi en 1946 par l'Office fédéral de l'économie des eaux, kilométrage auquel on se réfère dans la suite du présent acte.

Art. 3, al. 1 (nouvelle teneur)

Etendue du droit d'eau

1 La section concédée du Rhône s'étend du pied de l'ouvrage du Seujet (km 3,600) à Vers-Cinge (km 19,043). La concession s'étend également aux 1960 derniers mètres du parcours de l'Arve, soit jusqu'au pied de la digue Reichlen.

Art. 4 (nouvelle teneur)

Débit maximum utilisable

Le débit maximum utilisable est fixé à 630 m3/s.

Art. 5 (nouvelle teneur)

Niveaux de la retenue et manoeuvres de l'ouvrage

1 Les niveaux de la retenue doivent être conformes aux cotes prévues par le règlement d'application mentionné à l'article 11.

2 La manoeuvre de l'ouvrage incombe au concessionnaire.

3 Les ouvrages du Seujet et de Verbois intervenant conjointement dans le comportement de la retenue, le concessionnaire a la charge de coordonner les manoeuvres des deux ouvrages afin :

 de garantir les conditions, entre autres, les niveaux et débits fixés dans les deux concessions;

 d'assurer le passage des crues du Rhône et de l'Arve;

 de ne pas entraver les activités ou le fonctionnement des ouvrages liés au Rhône et à l'Arve (navigation, déversoirs d'orage, ...).

4 L'Etat peut donner au concessionnaire des instructions concernant les débits à évacuer; il veille toutefois par ses instructions à perturber le moins possible l'exploitation de l'ouvrage.

Art. 6, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau)

2 Les ouvrages du Seujet et de Verbois étant exploités par le même concessionnaire, le problème du dédommagement de la perte de chute résultant de la mise en remous de l'usine amont par l'usine aval est explicitement exclu.

3 Le concessionnaire veillera à ce que l'exploitation de l'ouvrage permette l'utilisation de l'écluse du Seujet selon l'horaire de navigation publié en conformité de la concession accordée pour la navigation entre le quai des Moulins et Verbois.

Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

Ouvrages

1 Les ouvrages, soit les aménagements, constructions, installations destinés à l'utilisation du droit d'eau concédé comprennent :

a) au km 16,677 :

1° une digue sur la rive gauche;

2° un barrage à vannes mobiles;

3° une usine hydroélectrique sur la rive droite;

4° un terre-plein sur la rive droite;

5° une passe à poissons sur la rive gauche;

b) en amont de l'usine hydroélectrique, une correction partielle du lit du Rhône;

c) en aval de l'usine hydroélectrique, une correction du lit s'étendant jusqu'à Vers-Cinge;

d) les ouvrages de protection des berges contre l'érosion et assurant la stabilité des rives résultant des obligations du concessionnaire;

e) les ouvrages de minimalisation des impacts définis dans le règlement d'application mentionné à l'article 11.

Art. 10 (nouvelle teneur)

Evacuation des eaux

1 Sauf en cas de force majeure, le concessionnaire est tenu d'évacuer par l'ouvrage les débits instantanés reçus d'amont, conformément au règlement d'application mentionné à l'article 11.

2 Le concessionnaire peut déroger à cette règle pendant les chasses d'alluvions, selon l'article 12 de la concession, et pendant les travaux d'entretien des ouvrages et du lit du fleuve, dans les limites prévues aux articles 8 et 13.

3 Le concessionnaire répond, notamment envers les usiniers d'aval, des conséquences dommageables de toute infraction à ces dispositions.

Art. 11 (nouvelle teneur)

Règlement d'application

Le règlement d'application relatif à l'exploitation de l'aménagement hydroélectrique de Verbois, approuvé par le Conseil d'Etat, fixe les éléments nécessaires à l'application de la présente concession, entre autres les niveaux de la retenue en son point de réglage (PK 8,2, Step d'Aïre, km 8,25) et les vitesses de variations à l'amont de l'ouvrage.

Art. 12, al. 6 (nouvelle teneur)

6 L'article 32 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques du 22 décembre 1916, modifiée les 20 juin 1952, 20 décembre 1967, 8 octobre 1976 et 21 juin 1985, est réservé.

Art. 13, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

Dragages du lit

1 Le concessionnaire exécute à ses frais, entre l'ouvrage du Seujet et le profil n° 37 (1102 m en aval de l'usine hydroélectrique), les dragages qu'un alluvionnement excessif rend nécessaires.

2 Ces dragages doivent notamment empêcher que le libre écoulement des eaux du Rhône et de l'Arve ne soit réduit par l'alluvionnement.

Art. 14, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

Hydrométrie

1 Le concessionnaire assume à ses frais le service des stations limnigraphiques de la Jonction, du point de réglage (km 8,250) de la retenue, de Verbois amont, de Verbois aval et de l'Arve au Bout-du-Monde.

2 Les livrets d'observations et les mesures réalisées sont archivées par le concessionnaire; ils sont tenus à disposition des autorités fédérales et cantonales, et transmis selon la forme et la fréquence exigées par celles-ci.

Art. 15 (nouvelle teneur)

Etat du tronçon concédé

1 Le concessionnaire doit suivre l'état du tronçon concédé; il fournira régulièrement un rapport aux organismes fédéraux ou cantonaux concernés.

2 Le concessionnaire procède, à ses frais, à tous les relevés et études nécessaires pour déterminer l'état du Rhône et de l'Arve sur le tronçon concédé, ainsi que le fonctionnement des ouvrages liés à la concession.

Art. 17, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 6 (nouveau)

Entretien du lit et des berges du Rhône et de l'Arve

1 Le concessionnaire est tenu d'effecteur ou de faire effectuer à ses frais, dans la zone directement influencée par les eaux fluviales, le nettoyage et les travaux de bon entretien du lit et des berges - y compris les enrochements, perrés, fondations des piles et culées de ponts, des murs de quais ou d'ouvrages - entre le pied de l'ouvrage du Seujet et le profil n° 37, à 1102 m en aval de l'usine hydroélectrique, ainsi que sur les 1960 derniers mètres du parcours de l'Arve jusqu'au pied de la digue Reichlen.

6 Le concessionnaire assume à ses frais toutes les mesures, après accord préalable de l'Etat ou à sa demande, pour que le plan d'eau n'ait aucune conséquence sur les installations, bâtiments, ouvrages existants ou autorisés qui pourraient être influencés par ce dernier à la date de mise en vigueur de la loi de concession.

Art. 19 (nouvelle teneur)

Protection des sites

En cas de transformation ou d'agrandissement des ouvrages, le concessionnaire doit éviter dans toute la mesure du possible de déparer le paysage ou de nuire à des sites dignes de protection. A cette fin, il se conformera à la législation en vigueur.

Art. 22, note marginale nouvelle et al. 1 (nouveau, les al. 1 à 3 anciens devenant les al. 2 à 4)

Droit réservé et acquisition préalable des terrains

1 Le droit de navigation dans le Rhône et dans l'Arve reste expressément réservé à l'Etat, en conformité des lois et règlements fédéraux et cantonaux.

Art. 27, al. 3 (abrogé)

Art. 35, note marginale (nouvelle teneur)

Droit de retour:Remise des lieux en l'étatReprises d'ouvrage

Art. 36, al. 1 (nouvelle teneur)

Immatricula- tion au registre foncier

1 Le concessionnaire est tenu de faire immatriculer au registre foncier le droit d'eau que lui confère la concession, conformément à l'article 59 de la loi fédérale du 22 décembre 1916, modifiée les 20 juin 1952, 20 décembre 1967, 8 octobre 1976 et 21 juin 1985, sur l'utilisation des forces hydrauliques.

Art. 40 (nouvelle teneur)

Contestations

Les contestations entre l'Etat et le concessionnaire au sujet des droits et obligations découlant de la concession sont réglées conformément à l'article 71 de la loi fédérale du 22 décembre 1916, modifiée les 20 juin 1952, 20 décembre 1967, 8 octobre 1976 et 21 juin 1985, sur l'utilisation des forces hydrauliques.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

La politique énergétique des Services industriels de Genève (SIG) poursuit deux objectifs complémentaires: assurer la sécurité de l'approvisionnement; veiller à l'utilisation rationnelle de l'énergie et favoriser les économies. Un corollaire de cette politique est la mise en valeur systématique des ressources énergétiques locales et renouvelables, en particulier hydroélectriques, ce qui est conforme aux voeux des autorités cantonales et fédérales, notamment dans le cadre du programme Energie 2000.

Principal ouvrage hydroélectrique du canton de Genève, l'usine de Verbois joue un rôle primordial à cet égard. Construite entre 1938 et 1944, cette usine a aujourd'hui une cinquantaine d'années. Ses équipements électromécaniques essentiels nécessitant une remise en état, d'importants travaux sont inévitables et en cours d'exécution.

Etant donné que la réalisation du nouvel ouvrage de régularisation du niveau du lac Léman au Seujet ouvre des possibilités d'exploitation hydraulique qui n'existaient pas auparavant, les SIG ont profité des travaux de rénovation de l'usine de Verbois pour augmenter la puissance installée, ce qui implique le présent projet de loi relatif à la modification de la concession.

Gestion des mouvements d'énergie

La consommation d'électricité du réseau genevois a atteint 2373 GWh en 1993.

Les seuls moyens de production propres au canton de Genève sont :

 l'usine hydroélectrique de Verbois, avec une production moyenne annuelle de 434 GWh;

 l'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny, dont toute la production actuelle de 210 GWh en année moyenne est fournie contractuellement aux SIG;

 l'usine hydroélectrique du Seujet, dont la production moyenne annuelle sera, à partir de 1995, de 23 GWh;

 les autoproducteurs genevois, dont le principal est l'usine des Cheneviers, à laquelle les SIG achètent tous les excédents de production d'énergie électrique et qui se sont élevés à 65 GWh en 1993.

La différence entre ces productions et la consommation du canton doit être couverte par des achats à la S.A. de l'Energie de l'Ouest-Suisse (EOS), dont les SIG sont actionnaires-preneurs et qui assurent contractuellement tout le complément nécessaire à la couverture des besoins du réseau électrique genevois.

C'est ainsi qu'en 1993, EOS a fourni aux SIG 1617 GWh, ce qui représente plus des deux tiers de la consommation.

La demande d'énergie électrique par les usagers du réseau genevois varie constamment au cours d'une année. La consommation des mois d'hiver étant plus élevée que celle des mois d'été et, inversement, la production hydraulique étant moins importante en hiver qu'en été, la variation des achats est d'autant plus accentuée entre l'hiver et l'été.

De plus, la consommation des jours ouvrables fluctue au cours d'une semaine tout en étant nettement plus élevée que les samedis, dimanches et jours fériés.

Enfin, c'est au cours d'une période de 24 heures que l'on constate les plus grandes variations. En effet, la somme des puissances appelées par tous les consommateurs est nettement plus importante pendant la journée, avec des maxima se présentant généralement avant midi, que pendant la nuit.

Hormis les sources citées ci-dessus, tout le complément nécessaire à la couverture des besoins en puissance est prélevé sur EOS. Par conséquent, EOS supporte toutes les variations de puissance entre la production locale et la consommation et en assure le transport par ses propres lignes à haute tension jusqu'à l'entrée du canton. C'est la raison pour laquelle les coûts de l'énergie sont plus élevés pendant les périodes de forte demande.

Le contrat SIG-EOS fixe les prix de fourniture de la puissance et de l'énergie. La puissance est facturée selon la puissance moyenne horaire maximale prélevée durant les heures de la semaine faisant partie de la période tarifaire concernée et l'énergie suivant ces mêmes périodes tarifaires qui, elles-mêmes, varient selon les saisons.

Les prix des heures pleines sont plus élevés que les prix des heures creuses, tant en hiver qu'en été, et les prix d'hiver sont plus élevés qu'en été.

Selon ce tarif et la structure de la consommation des SIG sur EOS, le coût de la puissance représente la moitié de la facture totale, ce qui est considérable.

Le moyen le plus efficace de minimiser les achats de puissances et d'énergie sur EOS ainsi que les factures qui en découlent est l'augmentation des productions hydrauliques locales dans les moments de forte demande.

Les usines hydroélectriques de Verbois et de Chancy-Pougny sont du type au «fil de l'eau», c'est-à-dire qu'elles ne bénéficient pas de bassin d'accumulation et que, de ce fait, elles doivent turbiner instantanément les quantités d'eau qu'elles reçoivent de l'amont.

La production de ces deux usines est donc proportionnelle aux variations des débits du Rhône et de l'Arve réunis. Les débits de l'Arve ne sont pas réglables, tandis que ceux du Rhône peuvent l'être dans une certaine mesure.

En effet, la régularisation des niveaux saisonniers du lac Léman est effectuée par les SIG, sur la base d'une convention intercantonale, et le réglage est obtenu en augmentant ou en diminuant les débits de sortie du lac par rapport à ceux d'entrée. Les débits de sorties étaient jusqu'à récemment ajustés au moyen du barrage du Pont de la Machine, maintenant au moyen du barrage du Seujet.

Lorsque les débits moyens du Rhône et de l'Arve sont inférieurs aux 500 m3/s turbinables par les usines de Verbois et Chancy-Pougny, les débits du Rhône sont modulés sur des périodes de 24 heures entre le jour et la nuit. Par rapport aux débits moyens journaliers, les débits sont abaissés au minimum pendant la nuit, ce qui permet d'augmenter les débits pendant la journée.

Ce procédé permet d'une part de produire une plus grande quantité d'énergie en heures pleines pendant que les prix d'achats sont élevés et, d'autre part, de disposer d'un surplus de puissance aux moments des plus fortes charges du réseau.

En raison de la difficulté de manutention des vannes du Pont de la Machine, il n'était procédé en principe qu'à deux manoeuvres quotidiennes: ouverture le matin, fermeture le soir, raison pour laquelle cette modulation est appelée modulation simple. Elle a été introduite au milieu des années septante et permet actuellement de réduire de près de 5 %, soit 6 000 000 F, le coût annuel des achats auprès d'EOS.

Avec les nouvelles possibilités offertes par la flexibilité de manoeuvre du nouvel ouvrage du Seujet, il est maintenant possible d'introduire une modulation plus fine, dite modulation double, dont le principe consiste en la rétention en heures creuses et le week-end, l'évacuation en heures pleines et l'accentuation des débits en heures de pointe.

C'est précisément la justification fondamentale de l'augmentation de la puissance de Verbois.

Augmentation de puissance de Verbois

Près de cinquante ans après leur mise en service, la rénovation d'une grande partie des équipements électromécaniques de l'aménagement hydroélectrique de Verbois se révèle nécessaire. L'importance prépondérante de cette centrale sur le Rhône et son intégration dans la gestion hydraulique Léman-Rhône genevois requièrent non seulement d'en moderniser la plupart des équipements, mais également de les adapter à leurs tâches futures.

L'usine de Verbois comprenait jusqu'à présent quatre groupes verticaux composés chacun : d'une turbine Kaplan dotée d'une roue à 6 pales de 4,5 m de diamètre absorbant 130 m3/s sous une chute nette de 17 à 21 m; d'un alternateur synchrone de 27,5 MVA tournant à 136,4 t/min. La puissance maximale de la centrale s'élevait à 82 MW et sa productivité en année d'hydraulicité moyenne à 434 GWh. La rénovation, en tout état de cause nécessaire, des organes essentiels liée à l'introduction d'une nouvelle gestion hydraulique Léman-Rhône genevois a conduit à augmenter la puissance installée.

A cet égard, il a fallu déterminer l'augmentation maximale possible compte tenu du régime modulé du fleuve, des contraintes de protection de l'environnement et de la technologie actuelle en matière de turbines hydrauliques. Par ailleurs, l'investissement supplémentaire consenti devait être justifié par un gain significatif de puissance et de productivité en heures pleines et en heures de pointe par rapport à la seule rénovation des groupes. La solution qui s'est imposée consiste en une transformation des turbines existantes avec augmentation de puissance.

Cette transformation des turbines existantes avec augmentation de puissance vise les objectifs suivants :

 principalement, gain substantiel de puissance, donc forte augmentation du débit turbiné apte à porter le débit d'équipement de 520 à 620 m3/s (représentant le maximum admissible quant aux possibilités de modulation);

 gain de rendement (pour améliorer la productivité).

Les contraintes techniques à prendre en compte étaient les suivantes :

 exposition à la cavitation admissible (pour éviter la détérioration des pales);

 augmentation de la vitesse d'emballement maximale compatible avec la résistance mécanique du rotor de l'alternateur (qui est conservé);

 sécurité d'exploitation pour le moins équivalente, les modifications constructives nécessaires apportant une amélioration et non une gêne à l'entretien et à l'exploitation.

La solution retenue est caractérisée par :

 le maintien de la vitesse de rotation du groupe de 136,4 t/min;

 la conservation du plus grand nombre possible d'éléments existants de la turbine: bâche spirale, distributeur, aspirateur, arbres, régulateur, fond central;

 l'augmentation du diamètre de la roue de 4,5 à 4,8 m;

 la réduction du nombre de pales de la roue de 6 à 4;

 un nouveau manteau de roue;

 un nouveau cône d'aspirateur avec travaux de génie civil attenants;

 diverses modifications découlant des travaux ci-dessus ou imposées par l'état actuel défectueux.

L'agrandissement du diamètre de la roue permet d'augmenter le débit absorbé par la turbine Kaplan. La maîtrise actuelle des phénomènes de cavitation, d'emballement et de tenue mécanique des pales autorise la réduction du nombre des pales de 6 à 4, avec une amélioration du rendement.

D'autres travaux de réhabilitation des groupes ont été entrepris, notamment la rénovation des alternateurs, le remplacement des trans-formateurs et l'adjonction de vannes de sécurité constituant un système d'arrêt d'urgence totalement indépendant du distributeur des turbines.

Modification de la consigne d'exploitation de la retenue

Les lignes d'eau actuelles dans la retenue de Verbois sont gérées par un «règlement de barrage» qui est inadapté à l'augmentation de puissance de Verbois :

 les fortes variations du niveau de la retenue induites par ce règlement ne permettent pas le respect de la vitesse de variation du plan d'eau lors des modulations de débit; or, ce facteur est déterminant en ce qui concerne l'érosion des berges.

 le règlement de barrage actuel ne permet pas l'introduction d'un «point de réglage» de la retenue (au point de réglage d'une retenue, le niveau reste constant quel que soit le débit tout en satisfaisant aux contraintes d'exploitation); un point de réglage est indispensable à la conduite automatisée de la retenue de Verbois en particulier et du Rhône genevois en général;

 un point de réglage judicieusement placé dans la retenue permet une modulation en synchronisme des ouvrages du Seujet et de Verbois. Ceci est particulièrement intéressant du point de vue énergétique puisque chaque lâchure du Léman est instantanément valorisée à Verbois; avec le règlement actuel, le temps de propagation d'une lâchure du Léman jusqu'à Verbois est de trois quarts d'heure.

La nouvelle consigne d'exploitation de la retenue de Verbois, dite «consigne PK 8.2» (car le point de réglage est situé au point kilométrique 8,25 du Rhône, à proximité de la station d'épuration d'Aïre), satisfait à ces trois conditions. La consigne PK 8.2 réduit notoirement l'ampleur de l'abaissement de la retenue à l'amont de Verbois par fort débit, ce qui entraîne accessoirement, par l'augmentation de la chute ainsi disponible au barrage, un gain supplémentaire de 3,6 MW et de 5GWh en année d'hydraulicité moyenne.

L'adoption de ce nouveau règlement de barrage sera de la compétence du Conseil d'Etat, en tant que règlement d'application de la loi de concession modifiée.

Gains de performance

Les gains de performance résultant de l'augmentation de puissance des groupes de Verbois, tels qu'ils ont été établis lors d'une campagne d'essais sur modèle portant à la fois sur la turbine transformée et celle d'origine, puis vérifiés à l'issue de la transformation du premier groupe, apparaissent sur le tableau ci-dessous.

Consigne d'exploitation de la retenue

Règlement de barrage actuel

ConsignePK 8.2

Augmentation de puissance

avant

après

unités

Puissance apparente d'un alter- nateur

Puissance maximale aux bornes de la centrale, 4 groupes en service

27.5

82.0

33.0

98.0

MVA

MW

Gain de puissance

0

16.0

MW

Productivité en année moyenne

Pertes en moyenne plurian- nuelle (indisponibilité, déver- sement, etc.)

Productivité effective en année moyenne

455

21

434

479

13

466

GWh

GWh

GWh

Gain de productivité en année moyenne

0

32

GWh

Débit maximum turbiné (4 groupes)

520

620

m3/s

MW = mégawatt

MVA = mégavoltampère

GWh = gigawattheure = millions de kilowattheure

En définitive, si le gain de productivité sur l'état d'origine - 32 GWh par an - peut paraître modeste, il dépasse cependant la production de l'usine du Seujet. Quant au gain de puissance maximale, objectif primordial de la transformation, il s'établit à 16 MW, ce qui est considérable puisqu'il représente près de 20 % de la puissance d'origine.

Coûts

Le montant total des travaux liés directement à l'usine et au barrage s'élève à environ 93 000 000 F (valeur 1994 hors inflation et hors intérêts intercalaires), auxquels il convient d'ajouter environ 17 000 000 F pour les équipements annexes, notamment la construction d'un centre de gestion hydraulique automatisé du Rhône genevois.

L'investissement total est donc d'environ 110 000 000 F.

Programme des travaux

L'augmentation de puissance des turbines s'inscrit dans un vaste ensemble de travaux de modernisation de l'aménagement hydroélectrique de Verbois.

Pour minimiser les indisponibilités, tous ces travaux doivent être exécutés simultanément pour chacun des groupes, les trois autres demeurant en service.

Le chantier a été ouvert début 1989 pour des travaux préliminaires ne requérant pas l'arrêt des groupes. Les transformations se succèdent un groupe après l'autre depuis novembre 1989, le dernier groupe étant mis en service en 1995, peu de temps après la mise en eau du barrage-usine du Seujet qui permettra alors d'optimiser la modulation des débits issus du lac Léman en faveur des groupes de Verbois.

Impacts sur l'environnement

Les lignes d'eau actuelles en amont du barrage de Verbois ainsi que la dynamique d'écoulement sur l'ensemble du cours genevois seront modifiées pour optimiser la modulation double et surtout pour permettre une exploitation automatisée et télécommandée des ouvrages.

La nouvelle consigne d'exploitation «PK 8.2» consistant à maintenir au kilomètre 8.2 (situé à proximité de la station d'épuration d'Aïre) un niveau constant quel que soit le débit, provoquera une nette stabilisation des niveaux du Rhône entre le pont Butin et le barrage de Verbois. Ceux-ci seront en moyenne plus élevés qu'actuellement, sans que les niveaux maximum actuels ne soient dépassés.

Entre le barrage du Seujet et le pont Butin, le marnage (variation du niveau de l'eau) journalier sera en revanche plus accentué qu'actuellement.

En aval de Verbois, les variations de débit journalières seront aussi plus fréquentes et plus importantes. Il en résultera une augmentation du marnage sur ce secteur, sauf dans la retenue de Chancy-Pougny. Les niveaux maximum et minimum annuels ne seront toutefois pas modifiés.

Actuellement, le milieu est déjà passablement dégradé, et ce pour de multiples raisons.

La plus importante partie des impacts sur l'écosystème a été provoquée par la construction des barrages hydroélectriques au cours de la première moitié de ce siècle. Ces modifications majeures ont notamment entraîné le remplacement d'un écosystème alluvial très diversifié par un milieu plus banal, composé d'une succession de retenues de barrage.

Par la suite, des impacts supplémentaires liés à l'exploitation hydroélectrique ont été occasionnés par l'introduction de la modulation simple, au milieu des années septante. Ce sont ces impacts secondaires qui sont concernés par la modification de la concession car ils seront accentués dans le cadre de la future exploitation. En dépit des importants bouleversements que l'écosystème a subi depuis près d'un demi-siècle, certains secteurs du Rhône conservent un potentiel écologique important. Cependant, de multiples nuisances d'origines diverses limitent actuellement la valeur écologique du fleuve: pollution chronique du Rhône et de ses affluents, perturbation de la dynamique de charriage de l'Arve, etc. Cette dégradation du milieu s'est traduite par la diminution de plusieurs espèces, voire leur disparition sur certains sites.

De nouveaux impacts, liés directement ou indirectement aux modifications des niveaux de l'eau et du régime hydraulique du fleuve, seront occasionnés par la modification de la concession.

Conformément à l'article 9 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement et à l'ordonnance relative aux études d'impact sur l'environnement, les SIG ont procédé à une vaste étude d'impact. Le rapport d'impact de synthèse, qui se base sur de très nombreuses études sectorielles confiées à des mandataires spécialisés, s'est déroulé sur trois ans et a requis un investissement dépassant 1 000 000 F.

Les principaux impacts mis en évidence sont les suivants :

Secteurs à marnage accru

 A l'amont du pont Butin, ainsi qu'en aval du barrage de Verbois, le marnage accru induira probablement un impact négatif sur la faune aquatique en général, cependant non quantifiable en l'état. Ces nouvelles conditions pourraient entraîner une certaine diminution du rendement de la pêche pour les espèces d'eaux vives (truites en particulier).

 Inondation plus fréquente, journalière à certaines périodes, de la zone riveraine de Sous-Cayla, qui provoquera à plus ou moins court terme le dépérissement des arbres riverains.

 Probable augmentation de la vitesse d'érosion des berges en aval du barrage de Chancy-Pougny.

Pour ces trois points, il s'agit d'une détérioration des conditions actuelles, l'impact majeur ayant vraisemblablement déjà été provoqué par l'introduction de la modulation simple au milieu des années septante.

 Pas d'impact sur les nappes souterraines.

 Pas d'impact notable sur les roselières dans ce secteur.

Secteur à marnage réduit

 Entre le pont Butin et Verbois, la stabilisation des niveaux d'eau entraînera un impact positif sur les vertébrés aquatiques riverains de ce secteur, ainsi que sur les espèces de poissons d'eaux calmes. Ces nouvelles conditions devraient augmenter le rendement de la pêche pour les espèces correspondantes (brochet en particulier).

 Aucune conséquence, défavorable comme favorable, sur l'érosion des berges dans ce secteur.

 Disparition, probablement après 5 ou 10 ans, des saulaies recensées entre le pont Butin et Verbois par asphyxie des racines due à la submersion constante.

 Recul plus ou moins important des roselières sur le même secteur en raison de la submersion plus prononcée des pousses au printemps.

 Les modifications de la sédimentation dans la retenue ne devraient affecter que certains sites latéraux et exhausser les bans d'alluvions qui s'y trouvent déjà, permettant leur revégétalisation naturelle à terme.

Minimisation et compensation des impacts

La définition des impacts permet de proposer des mesures de minimisation et de compensation propres à améliorer les conditions écologiques de certains secteurs du Rhône genevois. Ce programme de restauration s'avère d'une ampleur exceptionnelle puisque le coût de l'ensemble des mesures prévues pour la nature par les SIG est estimé à plus de dix millions de francs, selon un calendrier portant jusqu'à l'an 2000.

La retenue de Verbois

Dans la retenue de Verbois, les mesures proposées visent essentiellement à recréer d'importantes surfaces de saulaies et de roselières en favorisant leur développement sur certains sites. Les techniques douces utilisées consistent à ériger des digues végétalisées sur les hauts fonds présents en plusieurs secteurs de la retenue. Des structures végétales légères permettant d'accélérer la sédimentation seront établies à cet effet. L'essentiel des matériaux utilisés sera constitué de bois et de sédiments.

Le principe des mesures proposées consiste à accélérer le processus naturel et à le diriger de telle manière qu'il aboutisse rapidement à la formation de biotopes présentant des caractéristiques optimales pour la faune et la flore.

Ces mesures de compensation permettront non seulement de reconstituer de grandes surfaces de roselières et de saulaies en remplacement de celles qui peuvent disparaître, mais aussi de recréer un réseau de biotopes fonctionnels susceptibles de remplir des rôles essentiels pour la faune, notamment la reproduction des oiseaux et des poissons.

En plus, les aménagements proposés aboutiront à la formation de milieux aquatiques annexes liés au Rhône, pouvant servir de zone refuge pour la faune lors d'éventuelles pollutions accidentelles ou lors des vidanges de la retenue de Verbois. Ces biotopes, qui sont particulièrement importants pour les oiseaux, les poissons et les castors, font actuellement défaut dans le Rhône genevois.

Non seulement la réalisation de l'ensemble des mesures proposées aboutira à une compensation des impacts dans la retenue de Verbois, mais encore la diversité du milieu et sa valeur écologique seront notoirement augmentées.

L'ensemble de la faune liée au Rhône (poissons, batraciens, reptiles, oiseaux, castors) pourra ainsi bénéficier de ces aménagements.

Ces travaux seront réalisés progressivement. Les premiers sites sur lesquels seront testées les techniques de végétalisation prévues seront ceux de Chèvres et des bois de Planfonds. Une phase de suivi permettra de définir l'efficacité des aménagements effectués et de procéder à des adaptations si nécessaire.

Rétablissement des voies de migration pour les poissons

Dans le cadre de la loi fédérale du 14 décembre 1973 sur la pêche, la modification de la concession du barrage de Verbois et, par la suite, de celle de Chancy-Pougny, sera accompagnée par la construction de passes à poissons.

La construction de ces passes, ainsi que celle du barrage du Seujet, rouvrira des voies de migration fermées depuis la construction des barrages. Comme au siècle passé entre les Pertes du Rhône près de Bellegarde et Genève, la migration sera à nouveau possible entre Génissiat et le Léman, permettant ainsi à des poissons d'atteindre les sites de reproduction situés en amont des retenues. Les passes rendront possibles des migrations dites «compensatoires» de poissons qui descendent le Rhône ou qui, entraînés vers l'aval à l'occasion des vidanges, cherchent par la suite à recoloniser les secteurs amont.

La construction de ces ouvrages devrait donc contribuer à une meilleure répartition des peuplements piscicoles du Rhône.

Un suivi biologique et des contrôles nécessaires

Un suivi biologique continu sera réalisé afin de vérifier le bon fonctionnement des passes à poissons et d'examiner l'évolution des biotopes créés dans la retenue de Verbois. Ce suivi permettra de prendre toutes les mesures correctrices qui pourraient s'avérer utiles et de définir un principe de gestion pour les passes à poissons.

Des suivis seront également effectués dans les secteurs caractérisés par un marnage accru, afin de quantifier les éventuelles conséquences sur la faune (notamment sur les invertébrés aquatiques et les poissons). De même, un contrôle continu des zones d'érosion et de surcreusement en aval de Chancy-Pougny sera nécessaire. En fonction des résultats, toutes les mesures palliatives utiles pourront être prises ultérieurement :

 mesures de protection des rives contre l'érosion en aval de Chancy-Pougny;

 adaptation du mode de dotation des eaux du Léman;

 optimisation du mode de repeuplement en truites, ombres et brochets;

 création de milieux refuges pour la faune piscicole et l'avifaune en aval de Verbois et de Chancy-Pougny.

Le cas particulier de Sous-Cayla

Le projet d'origine a sur ce point été modifié, suite à plusieurs interventions, dont le dépôt auprès du Grand Conseil d'une pétition de l'Association des intérêts de Saint-Jean-Charmilles.

Il est ainsi prévu de créer une zone de fraye spécifique pour les salmonidés directement dans le Rhône. Un canal latéral entièrement dévolu au grossissement des juvéniles sera aménagé et un plan d'eau annexe sera créé comme zone de refuge pour les autres espèces de poissons et comme lieu de reproduction pour les oiseaux et les amphibiens. La partie amont de la zone, à l'abri de la submersion en exploitation normale, ne sera pas déboisée et demeurera en l'état.

La zone aval du secteur de Sous-Cayla sera partiellement submergée en exploitation normale. Quelques arbres riverains situés dans cette zone devront être abattus. Des aménagements spécifiques de végétalisation des berges seront réalisés afin de stabiliser la rive actuellement érodée de ce tronçon.

En résumé, l'aménagement retenu pour la zone de Sous-Cayla constitue un compromis entre les différents intérêts contradictoires en présence (promeneurs, pêcheurs, organismes de protection de la nature), dans le respect des contraintes légales et techniques. Les principaux éléments suivants ont notamment été pris en compte :

 conditions hydrauliques et géologiques du site;

 compensation écologique des impacts provoqués par l'ouvrage de Verbois;

 exigences biologiques des poissons;

 possibilités de pratique de la pêche;

 utilisation par le public de la zone comme lieu de délassement;

 intégration paysagère de l'aménagement.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.

Préconsultation

M. Roger Beer (R). Ce projet de loi du Conseil d'Etat et des Services industriels est extrêmement important aussi bien pour la politique énergétique de ce canton que pour la politique de développement des Services industriels.

L'exposé des motifs est très bien fait et les travaux à entreprendre pour le renouvellement ou la rénovation de Verbois correspondent aux objectifs principaux des SI, soit assurer la sécurité de l'approvisionnement en énergie et aussi, voire surtout, veiller à une utilisation rationnelle de cette énergie en favorisant notamment les économies.

Nous avons, à Genève, la chance énorme d'avoir un fleuve magnifique et qui représente, en plus, une source d'énergie indigène et renouvelable. Le fait de pouvoir l'utiliser et l'exploiter pour notre consommation énergétique cantonale est une excellente chose, d'autant plus que ce projet, en augmentant l'utilisation du Rhône et de sa puissance énergétique, permettra de diminuer notre dépendance par rapport à EOS. Il faut souligner ce fait, surtout en se rappelant le débat mitigé qui avait eu lieu sur le budget des Services industriels, donnant lieu à des critiques qui fusaient aussi bien à droite qu'à gauche. Nous avons là l'exemple même d'une politique conjointe entre les SI et le département des travaux publics qui vont essayer de mettre en valeur une énergie locale.

Enfin, ce projet de loi est important et très positif, car toute la composante environnementale a été extrêmement bien respectée. Malgré les travaux de génie civil d'une grande importance - leur coût ascende les 100 millions - et qui provoqueront certainement quelques dégâts, les études d'impact ont été bien faites. Les inconvénients ou les effets négatifs du projet de loi ont été mis en évidence, mais les compensations, les travaux envisagés et promis, qui devront être réalisés en conformité avec les lois fédérales et cantonales, permettront une meilleure utilisation du potentiel énergétique de notre Rhône et également des berges qui seront plus belles qu'avant.

C'est donc sans arrière-pensée que le groupe radical vous invite à renvoyer ce projet de loi à la commission de l'énergie, en souhaitant qu'il soit traité rapidement.

Mme Sylvie Châtelain (S). Un premier examen de la modification de la loi sur la concession aux Services industriels de la force motrice hydraulique du Rhône m'amène à faire deux constats.

Le premier, sur le plan énergétique, est plutôt positif. Les objectifs visés permettent, d'une part, de renforcer la production indigène d'énergie électrique et s'intègrent, d'autre part, dans un concept global de l'énergie hydroélectrique du Rhône; avec, en premier, la construction du barrage du Seujet et la rénovation des équipements de l'usine de Verbois qui sont déjà réalisés; en deuxième, la modernisation du barrage de Chancy-Pougny qui reste à réaliser et l'aménagement hydroélectrique, à Conflans, en aval de Chancy, projet encore à l'étude.

Le deuxième constat, sur le plan des milieux naturels, est nettement moins réjouissant. S'il est vrai, comme le relève l'exposé des motifs, qu'une partie importante des impacts a été provoquée par la construction des barrages, puis par des modifications de l'exploitation hydroélectrique, il n'en reste pas moins que le Rhône conserve des qualités écologiques exceptionnelles. Preuve en est que le tronçon de ce fleuve compris entre la rade et Verbois a été inscrit dans la liste des zones humides d'importance internationale de la Convention de Ramsar, en juin 1990.

La révision de la concession aux Services industriels de Genève entraînera des modifications profondes de l'équilibre actuel de l'écosystème du Rhône, modifications largement mises en évidence dans l'étude d'impact dont parlait M. Beer tout à l'heure, qui a été réalisée entre 1988 et 1991. Cette étude d'impact a d'ailleurs proposé tout un catalogue de mesures qu'il est essentiel de prendre, pour minimiser et compenser les effets négatifs sur l'environnement de la modification de la concession; et ceci, pour un montant estimé à plus de 10 millions de francs selon un calendrier portant jusqu'à l'an 2000.

Les Services industriels ont bien compris l'importance de ces aménagements en faveur de la nature, puisqu'ils ont publié une brochure à ce sujet qui a été largement diffusée depuis 1992 auprès du public et dont le texte est repris, pour l'essentiel, dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat.

Or quelles sont les chances, aujourd'hui, de concrétiser ces compensations écologiques ? Pendant l'été 1994, déjà, la presse laissait entendre que leur financement avait du plomb dans l'aile : les difficultés financières actuelles des Services industriels, que l'on connaît, les priorités qui devront être dégagées ces prochaines semaines laissent craindre quelques restrictions dans les investissements futurs, bien que, aujourd'hui encore, les montants nécessaires figurent dans les investissements du budget 1996 des Services industriels.

On peut se demander si certains aménagements naturels pour le Rhône n'ont pas été enterrés dans le nouveau centre des Services industriels au Lignon et quelles sont les garanties offertes par le projet de loi 7395 pour la réalisation de ces aménagements. Si le projet de loi prévoit, à l'article 7, des compensations écologiques, il reste très vague quant à leur ampleur, puisqu'elles devront être définies dans un règlement d'application du Conseil d'Etat. De plus le projet de loi ne mentionne ni le coût des compensations, estimées à plus de 10 millions, ni - et c'est pourtant un élément essentiel - le calendrier de leur réalisation.

Nous proposerons donc en commission, Mesdames et Messieurs les députés, des amendements visant à garantir les mesures de minimisation et de compensation des impacts dus à la modification de la concession de Verbois. Ceci afin que ce projet et toutes ses bonnes intentions ne se terminent pas en queue de poisson.

Présidence de Mme Christine Sayegh, première vice-présidente

M. Chaïm Nissim (Ve). Ma collègue, Sylvie Châtelain, a évoqué ses préoccupations sur le plan de l'écologie locale, en mettant en évidence les qualités écologiques du Rhône et ses craintes que la somme de 10 millions de compensation prévue ne soit pas entièrement attribuée.

Je voudrais vous faire réfléchir sur l'aspect global de l'écologie et, plus précisément, sur la nécessité de sortir du nucléaire. M. Beer a indiqué son désir de réduire notre dépendance par rapport à EOS. Il aurait dû dire - mais en fait il l'a dit en des termes voilés - qu'il voulait réduire notre dépendance par rapport au nucléaire. Il ne l'a pas dit, mais c'est ce que j'ai compris. (Remarque de M. Dupraz.) Le courant nucléaire français, Monsieur Dupraz, nous est vendu par EOS !

Grosso modo et bon an mal an, nous importons 30% de notre électricité qui est d'origine nucléaire. Le rapport CERA nous indique une fourchette allant de 28 à 32%. En moyenne, ce pourcentage est de 30%. Notre objectif est d'annuler ces 30%; celui de M. Joye est de les diminuer en partie. M. Genoud, de l'OCEN, est d'accord avec la première partie de notre objectif et nous allons donc tenter de les diminuer. Un quatrième renfort vient de nous rejoindre, même si ce n'est pas encore certain à 100%, je veux parler des Services industriels qui estiment également judicieux de réduire notre dépendance par rapport au nucléaire.

Donc, les quatre forces principales chargées de l'approvisionnement d'énergie dans ce canton sont d'accord sur la direction à prendre. Les 32 gigawattheures qui seront produits par l'augmentation d'énergie du barrage de Verbois, par rapport aux 2300 gigawattheures que nous consommons chaque année, représenteront 1,25% des 30%. C'est un premier pas. Le projet de loi qui suit, sur le couplage chaleur-force, porte sur 600 kilowatts, et représente également un pas supplémentaire. D'après mes calculs, il suffirait de deux projets comme ceux que j'évoque, chaque année et pendant vingt ans, pour s'en sortir. Ce n'est donc pas du tout impossible !

En plus, il faut considérer l'aspect financier. J'ai calculé, en gros, que les 110 millions que les Services industriels s'apprêtaient à investir dans ce projet divisés par les 32 gigawattheures par an qui seront produits grâce à ce projet, ramènent le kilowattheure à 8 centimes, ce qui est un prix très raisonnable. C'est à peu près le prix payé actuellement à la France pour un kilowattheure d'origine nucléaire !

Ce prix de 8 centimes est plus élevé que les 4 centimes qu'il faudrait payer pour un kilowattheure produit par une usine à gaz, mais - je le répète - c'est tout de même un prix très raisonnable. Les écologistes pensent qu'il ne faut négliger aucune piste; qu'il faut produire des kilowattheures gaz à 4 centimes, des kilowattheures hydroélectriques à 8 centimes, parce qu'ils ne sont pas du tout polluants, et qu'il faut aussi produire des kilowattheures DSM (Demand Side Management) des économies d'énergie, à environ 8 et 10 centimes.

Toutes ces mesures sont complémentaires et nous permettront peut-être de nous en sortir dans quelques années.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Ce projet est un bon projet. Il n'est pas concevable de diminuer la consommation d'énergie nucléaire, Madame Châtelain, sans certaines conséquences sur la nature. Les 8% d'énergie électrique que nous entendons produire en sus des 27% que nous avons déjà sur le territoire genevois seront extrêmement précieux pour diminuer cette dépendance. A mon avis, ce projet mérite d'être renvoyé en commission afin d'y introduire le budget pour que vous le connaissiez et ayez un engagement par rapport aux compensations écologiques prévues.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels.