République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7295-A
21. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat relatif au préavis du canton de Genève sur la consultation fédérale concernant la création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à courte durée de vie, sur le site de Wellenberg, commune de Wolfenschiessen, canton de Nidwald. ( -) PL7295
Mémorial 1995 : Projet, 5267. Commission, 5278.
Rapport de M. Roger Beer (R), commission de l'environnement et de l'agriculture

C'est lors de sa séance du 13 octobre 1995 que le Grand Conseil a renvoyé le projet de loi 7295 à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Cette dernière s'est réunie le 19 octobre 1995 sous la présidence de M. Luc Barthassat, député. Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, ainsi que M. Jean-Claude Landry, codirecteur à la direction générale de l'environnement au même département, assistaient aux travaux de la commission. Que les deux collaborateurs du département trouvent ici l'expression de notre gratitude pour leur collaboration.

Objet du projet de loi

L'objet de ce projet de loi place le canton de Genève dans une situation difficile, cocasse (!) et contradictoire: en effet, comment peut-on demander aux députés de se prononcer sur la problématique du nucléaire - qu'il s'agisse de centrales nucléaires, d'énergie nucléaire ou de déchets nucléaires -, alors que l'article 160C, alinéa 5, de la constitution genevoise stipule que «les autorités cantonales doivent s'opposer par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement ou moyennement radioactifs et d'usines de retraitement sur le territoire du canton et au voisinage de celui-ci» ! A priori, la réponse à cette question est constitutionnellement donnée. Le Conseil d'Etat devrait même répondre sans en référer au Grand Conseil.

En l'occurrence, le Conseil d'Etat a estimé que la clause du voisinage n'était pas remplie dans le cadre du site de Wellenberg, situé dans le canton de Nidwald, et que la distance justifiait l'accord du parlement. D'aucuns estimaient au contraire que la notion de proximité ou de voisinage ne faisait aucun doute dans ce cas et que l'intervention du Grand Conseil n'était pas nécessaire. Malgré tout, ce projet de loi a été renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture pour étude et vote. Ce qui a été fait par les commissaires.

Même si, constitutionnellement, la position du canton de Genève par rapport à la consultation fédérale concernant la création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à courte durée de vie, ne fait aucun doute, les députés de la commission de l'environnement et de l'agriculture ont abordé les différents problèmes soulevés par ce projet de loi.

Discussion de la commission

1. En premier lieu, c'est la position constitutionnelle du canton de Genève qui a été rappelée. De plus, les commissaires ont approuvé le fait que le Conseil d'Etat a sollicité le Grand Conseil, compte tenu de la distancede la construction d'un dépôt final pour déchets de faible à moyenne activité et à courte durée (sur le site de Wellenberg, commune de Wolfenschiessen, canton de Nidwald).

 Ensuite, les commissaires ont relevé que, même si les habitants de la commune de Wolfenschiessen, principale intéressée, ont accepté ce dépôt, le demi-canton de Nidwald a refusé son installation à raison d'environ 52% de non contre 48% de oui.

 En tout état de cause, la position du canton de Genève dans le cadre de cette consultation fédérale - découlant de la nécessité de l'approbation de l'Assemblée fédérale après consultation des cantons - peut difficilement s'opposer à la volonté populaire (article constitutionnel). En consé-quence, le canton doit dire non. Une majorité des commissaires est d'ailleurs d'accord avec cette position.

2. La majorité des députés respecte aussi la poursuite d'une procédure fédérale. Toutefois, cette demande d'autorisation d'un dépôt pour des déchets nucléaires pose un problème de fond aux Suisses en général comme aux Genevois en particulier. Jusqu'à présent et vrai-semblablement pour quelque temps encore, Genève ne peut se passer du nucléaire pour son ménage énergétique. Il subsiste donc un certain malaise à s'opposer systématiquement à tout octroi d'autorisations «nucléaires» liées aux réalités et nécessités énergétiques en Suisse. Le problème reste posé et l'objet de ce projet de loi n'est pas de le résoudre. Les commissaires n'ont cependant pas voulu éviter cette question.

3. Le principe selon lequel les déchets radioactifs produits dans notre pays doivent être déposés en Suisse, de façon sûre et durable, rencontre également l'adhésion des députés, à l'instar du Conseil d'Etat (voir l'exposé des motifs de son projet de loi). Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production.

Les commissaires n'ont pas voulu évincer la difficile question de l'entreposage des déchets nucléaires, d'autant plus qu'ils sont la conséquence directe des besoins énergétiques de notre pays, eux-mêmes actuellement couverts en grande partie par la production nucléaire. Ainsi, dans le cadre de sa réponse au Conseil fédéral, le Conseil d'Etat devrait insister sur l'effort à fournir dans la recherche relative au recyclage des déchets in situ. De même, les efforts entrepris par le canton de Genève en faveur des énergies renouvelables et des diminutions de la consommation doivent être poursuivis, voire amplifiés à court et moyen termes. Cette réalité découlant de l'article constitutionnel 160C, alinéa 5 (voir supra) pouvait même apparaître comme une préoccupation essentielle dans la conception énergétique cantonale, actuellement en révision.

Conclusion

Au terme de cette discussion et en restant conscient de la contradiction liée à la problématique de l'énergie nucléaire dans le contexte de la consommation actuelle, une majorité de députés (2 R, 2 PDC, 1 Ve, 1 S, 3 AdG) ont accepté ce projet de loi, contre 2 oppositions libérales. En vertu de ce vote, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

Premier débat

M. Roger Beer (R), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout ayant été consigné dans le rapport, je n'ai rien à ajouter pour l'instant.

Nous sommes face à une question très simple pour laquelle la constitution nous indique la position que nous pouvons prendre. Pour des raisons formelles nous l'avons soumise au Grand Conseil et à la commission. Mais je pense que nous allons en discuter.

M. Hervé Burdet (L). Contrairement à ce que vient de déclarer le rapporteur, mon aimable collègue, M. Roger Beer - je lui souhaite d'ailleurs de faire d'autres rapports, pour avoir l'occasion de se racheter de celui-ci - la constitution ne prévoit en rien que le Grand Conseil doive se prononcer dans un sens déterminé.

Nous avons donc pleinement la possibilité d'accepter ou de refuser ce projet de loi, de nous prononcer positivement ou négativement au sujet du préavis genevois sur la constitution d'un dépôt pour déchets de faible ou de moyenne radioactivité dans le canton de Nidwald - je tente d'éviter l'amalgame qu'on va nous faire sans tarder des bancs d'en face - et je demande tout simplement que ce Grand Conseil, représentant de la population genevoise, se porte responsable de nos propres déchets nucléaires.

Non sans peine j'ai obtenu, lors d'une dernière séance du Grand Conseil, le renvoi en commission pour que nous puissions réfléchir sérieusement à la manière dont nous gérons nos propres déchets radioactifs ou nucléaires. Arrivés en commission, il nous a été difficile de travailler, du fait que nos adversaires souhaitaient que nous nous prononcions rapidement, avant de retourner au Grand Conseil pour y voter ce projet de loi.

Nous nous sommes trouvés face à plusieurs aspects contradictoires, aux termes de la constitution du canton de Genève, car nous n'avons pas d'installation nucléaire et ne produisons pas de déchets radioactifs; toutefois, cela n'est pas tout à fait exact. Je vais vous le démontrer tout à l'heure.

Ensuite, ce projet de loi nous propose de ne pas être solidaires du reste des cantons suisses et de nous prononcer contre un dépôt raisonnablement géré de nos propres dépôts de nucléotides radioactifs. Je pense que c'est à la fois irresponsable, égoïste et constitue un manquement à la solidarité confédérale.

Comme je l'ai dit en préambule, si j'ai souhaité que nous retournions en commission, c'est afin d'y étudier la manière dont nous gérons, nous les Genevois, nos déchets nucléaires, avec cette belle constitution aux termes de laquelle nous sommes complètement dénucléarisés.

Dans ce but, j'ai fait un certain nombre de téléphones, j'ai reçu un certain nombre de fax et je puis vous dire, contrairement à M. Vanek qui prendra sans doute la parole tout à l'heure, et qui prétend que nous aurons à gérer des barres de combustible nucléaire, que l'énergie que nous produisons est nucléaire, qu'il ne s'agit pas d'énergie nucléaire ni de combustible nucléaire, il s'agit de déposer des nucléotides radioactifs, dont nous ne savons plus que faire, une fois qu'ils ont rempli leur office.

Comment Genève gère-t-elle ses propres déchets nucléaires ? Ils proviennent de plusieurs sources : l'hôpital, dont les responsables disent qu'ils ne savent pas réellement ce que deviennent leurs déchets nucléaires, du fait que, selon leurs dires, lorsqu'ils commandent une nouvelle bombe au cobalt, c'est le fournisseur de ladite bombe qui reprend l'ancienne et qui débarrasse ces déchets. C'est assez commode !

Par contre, on nous dit aussi qu'entre les mois de janvier et mars prochains l'hôpital cantonal devra se débarrasser de déchets contenant du tritium, dont la durée de vie est de douze ans, du caesium, durée de vie trente ans, du cobalt, durée de vie deux mille ans et du carbone 14, durée de vie cinq mille ans. Le tout correspond au volume approximatif d'un à deux tonneaux de cent litres, blindage compris ! L'hôpital produit donc une certaine quantité de déchets nucléaires.

En ce qui concerne l'université c'est un peu moins clair. Néanmoins, on peut s'apercevoir qu'entre une entreprise de récupération de déchets nucléaires «Bracco Research SA», pour ne rien cacher, et le CERN (la partie que le CERN évacue du côté suisse, pour ne pas parler de la partie française), nous aurons de quatorze à quinze fûts de déchets nucléaires dans le courant de l'année 1996. Si l'on se base sur les statistiques 1994, le canton de Genève produit, en matière de déchets faiblement ou moyennement radioactifs, quinze à vingt fûts de cent ou trente litres par an.

Alors affirmer que nous n'avons pas de déchets nucléaires à gérer, que nous n'avons pas besoin d'un dépôt stable de déchets nucléaires, est - je le répète - à la fois irresponsable, égoïste, et représente un manquement à la solidarité confédérale et à notre part de responsabilité dans la gestion des déchets nucléaires.

Si je suis très sensible aux «chansonnettes» qui ont pour thème Tchernobyl, Creys-Malville, «Contratom, votez pour moi !» : le refrain habituel, on peut se demander ce que fait Contratom et que fait M. Vanek pour gérer les déchets que nous produisons dans notre hôpital, les déchets de la bombe au cobalt qui soigne peut-être aussi les membres de nos propres familles, ou nos proches, ainsi que les déchets produits dans les laboratoires de recherche de notre université.

M. Max Schneider (Ve). Je suis surpris par le discours de M. Burdet, qui vient en séance plénière après avoir fait des téléphones. Je vous aurais cependant conseillé, Monsieur Burdet, de vous renseigner avant la commission, car ce que vous venez de nous apprendre ce soir n'est vraiment pas à la hauteur de ce qui a été traité dans ce rapport.

Vous n'avez pas obtenu les bonnes réponses, Monsieur Burdet. Le texte de la demande pour la création de ce dépôt, par la Genaussenschaft für die Nuclare Ensorgung de Wellenberg GMBH, précise bien, contrairement à ce que vous venez de nous dire en séance plénière, que, dans le dépôt final projeté, seront éliminés de manière sûre et durable tous les déchets de faible et de moyenne activité, produits au cours de l'exploitation et du démantèlement des centrales nucléaires suisses, ainsi que ceux qui proviennent du cycle de combustible et de la campagne de ramassage des résidus d'application médicale, de l'industrie et de la recherche.

Quelles sont les entités représentées par cette société ? Ce sont les Forces motrices bernoises, les centrales nucléaires de Goesgen, de Däniken, de Leibstadt, les Forces motrices nord-est de la Suisse ainsi que celles de l'ouest, dont nous faisons partie, les Forces motrices du centre-Suisse et la commune politique de Wolfenschiessen. Les quelque dix fûts qui posent problème sont ceux qu'on peut facilement stocker in situ dans une de nos centrales nucléaires.

La constitution de ce dépôt doit répondre à d'autres buts; il est prévu d'y stocker des déchets provenant :

- de l'exploitation des centrales nucléaires suisses;

- du démantèlement des centrales nucléaires suisses;

- de la médecine et de la recherche;

- du cycle des combustibles, de faible radioactivité;

- du démantèlement des dépôts intermédiaires.

Il s'agit de quantités importantes, car, selon le texte de la demande officielle, la capacité de stockage final prévue est de 150'000 m3. Mais le texte précise qu'une grande partie de ces déchets n'existe pas encore.

C'est dire que notre refus en commission était tout à fait justifié; notre commission a bien fait son travail, en toute connaissance de cause, car nous nous étions renseignés avant de nous y rendre, et je suis convaincu que le travail de M. Beer n'est pas à revoir, bien au contraire.

Il a tenu compte dans son rapport des observations que nous lui avons faites, y compris l'évocation des efforts entrepris par le canton de Genève en faveur des énergies renouvelables et de la nécessaire diminution de la consommation à planifier dans le court et le moyen terme. C'est un message de la commission; il est positif et j'encourage le Conseil d'Etat à s'opposer à ce dépôt.

M. Pierre Vanek (AdG). Je n'entends par engager une polémique avec M. Burdet sur cet objet. Je crois que M. Schneider a eu raison d'indiquer que le présent débat aurait dû avoir lieu en commission. M. Burdet se prévalait tout à l'heure du mérite d'avoir obtenu le renvoi en commission, mais je rappelle que moi-même ainsi que mon groupe avions appuyé ce renvoi, car nous estimions que nous devions débattre sérieusement de cette question.

Il est malheureusement vrai que ce débat a été réduit à sa plus simple expression : une seule séance pour un problème de cette importance et de cette complexité !

Nous ne pouvons que déplorer que le Conseil d'Etat ne nous ait pas soumis ce projet plus tôt, afin de nous permettre de traiter cette question avec plus de sérénité et d'obtenir tous les renseignements nécessaires. Cela posé, j'aimerais bien entendu apporter mon appui à ce projet de loi et à l'opposition de la création d'un dépôt de déchets radioactifs au Wellenberg.

M. Burdet a déclaré que nous ne serions pas «solidaires» en n'acceptant pas un dépôt de déchets nucléaires chez les autres. Selon lui, nous serions sans doute plus «solidaires» en acceptant d'imposer un dépôt de déchets radioactifs, à la population du demi-canton de Nidwald qui l'a refusé, en votation populaire.

Une telle position ouvre la porte à un nouveau type de comportement «solidaire» : d'autres citoyens de cantons suisses ou d'autres législatifs pourraient également se montrer «solidaires» en imposant à Genève une centrale nucléaire sur son territoire, un dépôt de déchets radioactifs ou d'autres installations nucléaires. Cet argument ne me semble pas tenir la route un seul instant.

Tant que les déchets nucléaires poseront un grave problème de stockage et qu'il n'y aura pas de solution satisfaisante pour les traiter, comme le reconnaît M. Burdet, il nous faudra marier notre position sur les déchets nucléaires, en reconnaissant que ce n'est pas une solution satisfaisante, avec une politique énergétique qui consiste à produire le moins de déchets possible. En l'état, nous ne pouvons pas accepter la solution, qui nous est proposée aujourd'hui, d'entreposer ceux-ci au Wellenberg.

Il est certain, Monsieur Burdet, que nous ne pouvons pas arrêter de produire des déchets, notamment dans le domaine de l'application médicale. Chacun de nous peut être confronté un jour, dans son cercle de connaissances ou sa parenté, à l'état d'un malade qui nécessite un traitement impliquant l'utilisation de matériaux radioactifs.

Pour recentrer le débat, je dois rappeler que nous nous trouvons ici devant une demande de dépôt essentiellement pour les déchets provenant des centrales nucléaires, qui représentent dans notre pays 92,3% de la totalité de ces déchets et dont la toxicité globale de radioactivité représente 99,2% du volume.

Le traitement de ces déchets, notamment lorsque nous procéderons au démontage des centrales nucléaires - autre problème non résolu - est nettement plus risqué, en raison de leur nature et de leur degré de radioactivité, que celui des déchets qui proviennent des seules applications médicales. Vouloir faire passer ce dépôt de déchets prévu au Wellenberg pour un dépôt destiné aux déchets d'application médicale ou de provenance industrielle est de la désinformation.

M. Schneider a cité très judicieusement l'énoncé de la demande de concession qui avait été faite. J'aimerais préciser, quant à moi, qu'en ce qui concerne la capacité de stockage de ce site une grande partie de ces déchets n'existe pas encore. Il est évidemment possible de créer la quantité de ces déchets, qui n'existent qu'à l'état virtuel, pour l'instant, en continuant à exploiter des centrales nucléaires, mais il est également possible de la diminuer en menant, comme nous essayons de le faire dans notre canton, une politique de diminution de l'approvisionnement d'électricité et de l'énergie d'origine nucléaire.

Il faut donc voter ce projet de loi avec ces considérations, et je vous remercie de suivre cet avis plutôt que la position de M. Burdet.

M. Chaïm Nissim (Ve). Il est impossible de ne pas prendre la parole, tout en sachant que cela ne servira pas à grand-chose, mais ce sujet me tient trop à coeur.

Par rapport à l'exposé de M. Burdet, je relève un point avec lequel je suis d'accord : nous pouvons dire que le canton Nidwald n'est pas dans le voisinage du canton de Genève. En conséquence, le Grand Conseil doit se prononcer par une loi en réponse à la consultation fédérale pour la création d'un dépôt de déchets.

Nous avons constitutionnellement le droit de nous prononcer pour ou contre cette loi et, personnellement, je dois dire que j'y suis opposé. M. Haegi a eu légitimement raison de nous soumettre ce projet de loi au Grand Conseil.

Par ailleurs, Monsieur Burdet, nous n'affirmons pas que nous n'avons pas de déchets radioactifs à Genève. Nous savons très bien que nous produisons les déchets d'application médicale dont vous avez parlé. De plus... (L'orateur est interrompu.) ...j'allais précisément aborder ce point !

En plus de ces déchets d'application médicale dont vous avez parlé, il y a tous les déchets liés à nos importations de courant. Vous savez que nos importations varient en fonction des saisons, mais qu'elles sont en grande partie d'origine nucléaire. Les centrales qui les fournissent produisent des déchets, dont nous devons également assumer la responsabilité.

Ces déchets sont bien plus toxiques que les déchets d'application médicale dont vous avez parlé, et je tiens à répéter la phrase que mon collègue M. Schneider a extraite de la demande de concession, qui précise bien que les déchets provenant du cycle de combustible et de la campagne de ramassage des résidus d'application médicale seront stockés dans ce dépôt. Il y aura donc deux types de déchets dans ce dépôt : à longue et à courte durée radioactive.

Si nous voulons être responsables et trouver une solution pour ces déchets - je remercie M. Beer de l'avoir relevé à ce propos - qui doivent être surveillés pendant des milliers d'années, ils devraient l'être dans des sites aériens, accessibles, et non pas dans des sites enterrés, qui peuvent être bouleversés par un tremblement de terre ou par des inondations et devenir inaccessibles, après quelques centaines d'années.

Il nous est impossible de prévoir dans quel état seront les fûts - rouillés, fissurés, désagrégés - après une si longue période. Nous devons donc garantir une longue surveillance durant plusieurs générations, dans un endroit visible, facilement repérable par les générations suivantes. En ce sens, le rapport de M. Beer est bien fait.

Il est essentiel, ainsi que l'ont relevé mes préopinants, de tenter d'en produire le moins possible, en investissant de l'argent dans des programmes d'économies d'énergie et de construction de centrales à gaz, par exemple.

Ce que je constate avec délectation, Monsieur Burdet, c'est que vous ne dites pas le contraire; vous semblez assez d'accord avec nous, tout en étant fâché que nous le disions. En tant que biologiste, vous ne pouvez qu'être de l'avis que nous devons produire le moins de déchets possible et les surveiller de façon responsable. Je suis sûr que vous allez voter le rapport de M. Beer ! J'en fais le pari, Messieurs les députés ! (Exclamations et rires.)

M. Hervé Burdet (L). M. Nissim perdra son pari !

En ce qui concerne les arguments de M. Vanek, je voudrais tout de même apporter quelques compléments. Je répète que voter ce projet de loi consiste à abandonner toute responsabilité de nos déchets.

Quelques gestionnaires responsables de nos déchets nucléaires nous ont écrit, pour nous informer de ce qu'ils vont faire, dans les trois prochains mois, du tritium, du cobalt et du carbone radioactif, dont la demi-vie est de cinq mille ans, à la différence des demi-vies de produits radioactifs évoqués par M. Nissim qui ont toujours des caractéristiques physiques assez fantaisistes.

S'il me faut vous dire ce qui se passe lorsqu'on refuse de faire un dépôt géré et accessible, contrairement à ce que nous dit M. Nissim, même s'il est sous terre, je ferai appel à la mémoire de ceux d'entre vous qui font partie de la commission des travaux et se souviennent certainement que nous avons construit, en partie sous la rue Alcide-Jentzer, près des installations universitaires proches de la maternité, des dépôts pour les déchets résultant de l'activité hospitalière, dont des déchets radioactifs.

Les gestionnaires de l'hôpital appliquent les normes fédérales, celles du 1er octobre 1994 ayant remplacé celles du 30 juin 1976. On estime qu'il faut dix fois plus de temps pour que les déchets nucléaires perdent leur radioactivité nocive.

Les nucléotides radioactifs que nous employons dans notre hôpital sont stockés, pendant deux ans et plus, sous la rue Alcide-Jentzer, en attendant de perdre leur radioactivité dangereuse. Après quoi ils sont envoyés aux Cheneviers où ils sont incinérés. Je vous laisse deviner où cette radioactivité, réputée innocente, va se déposer ! Pendant deux ans, selon les normes d'aujourd'hui - certainement plus longtemps, selon les normes de demain - nous stockons dans le voisinage de la maternité, à côté de l'hôpital, des nucléotides en phase de décroissance de leur radioactivité, ce qui constitue en fait un dépôt de déchets nucléaires.

Si vous voulez vous opposer à toute installation nucléaire, y compris des déchets dans notre canton et son voisinage, en vous opposant également à la création d'un dépôt spécialement construit et spécifiquement géré dans le canton de Nidwald, vous pouvez obtenir que, sous une rue proche d'un hôpital, d'une université, d'un laboratoire de recherche, soit créé un dépôt, pour deux ans et plus, de déchets radioactifs.

M. Roger Beer (R), rapporteur. Je dois dire que je suis quelque peu étonné de tout ce qui vient d'être dit ici sur ce simple projet de loi.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté la savante intervention de mon estimé collègue M. Burdet, qui a, au moins, le mérite de rappeler que le problème du nucléaire est à la fois complexe et sérieux. Par ailleurs, c'est bien volontiers que j'accepte ses remarques constructives.

Toutefois, j'aimerais quand même exprimer à M. Burdet mon étonnement. En effet, je constate, alors qu'il fait partie d'un groupe qui généralement reproche aux autres de profiter d'un projet de loi pour parler d'autre chose, que c'est exactement ce qu'il est en train de faire ce soir ! (Exclamations. Une voix interpelle l'orateur.)

Il est dans mon dos, je ne puis donc le voir. Je dois dire que je ne comprends pas très bien l'évolution de ce débat. Nous devons voter un projet de loi qui demande au canton de Genève, dans le cadre d'une procédure de consultation, son préavis sur une construction d'un dépôt de déchets nucléaires.

Il me semble utile de rappeler ici l'article 160C, alinéa 5, de notre constitution :

«Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement et moyennement radioactifs et d'usines de retraitement sur le territoire du canton et au voisinage de celui-ci. Pour les installations ne répondant pas à ces conditions de localisation, le préavis du canton est donné par le Grand Conseil sous forme de loi.»

Le Conseil d'Etat est donc à même de répondre sans consulter le Grand Conseil. Sauf pour le cas de Wellenberg, qui ne fait pas tout à fait partie de la région genevoise, où il a été nécessaire de saisir le Grand Conseil afin qu'il se prononce sous forme de loi. C'est ce qui nous est demandé : le canton de Genève peut se prononcer négativement ou positivement.

Toute la problématique du nucléaire qu'exposent les différents spécialistes de ce Grand Conseil est justifiée, sauf que, pour cela, il y a une autre commission que celle de l'agriculture : celle de l'énergie où nous attendons de discuter de la conception énergétique cantonale qui devra être redéfinie pour cette législature.

Messieurs les députés, il faut accepter ce projet de loi et garder tous vos arguments en réserve pour la discussion sur la conception énergétique cantonale.

M. Pierre Vanek (AdG). Je me rends à l'injonction de notre collègue M. Beer. Je pense que cette problématique doit être intégrée au débat que nous aurons sur les dispositions prises par le canton pour se passer de l'énergie nucléaire. C'est effectivement là que le bât blesse et qu'il faut intervenir.

Ce préavis ne devrait pas poser de problème. Si M. Burdet a voulu faire un écran de fumée, en parlant également des déchets résultant de l'application médicale dans le canton de Genève, j'aimerais simplement lui rappeler que nos déchets proviennent de centrales qui nous fournissent de l'énergie et qui les produisent à l'extérieur de la Suisse, mais que ce sont néanmoins des déchets pour lesquels nous devons prendre notre part de responsabilité.

En ce qui concerne le problème concret qu'il évoque au sujet des déchets d'application médicale, je crois qu'effectivement il y a probablement là matière à débattre en vue de trouver des solutions satisfaisantes, mais hors du contexte du présent projet de loi, si tant est que le rapport que nous a fait M. Burdet sur les Cheneviers soit exact. Mais ce n'est pas le débat de ce soir.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les hésitations dont il est fait état ce soir ne me surprennent pas. L'application de l'article 160 de la constitution n'est pas évidente, et, en décidant de renvoyer ce projet en commission, vous pouviez effectivement en vérifier la portée. J'ai trouvé que vous étiez sévère vis-à-vis du rapporteur, Monsieur Burdet, mais qu'en même temps vous posiez les vraies questions que nous ne pouvons pas éluder constamment.

Vous pouvez aisément rejoindre M. Beer, lorsqu'il dit que ce sujet devra être repris dans le cadre de la politique énergétique de notre canton. D'une manière globale, on peut dire que cet article de la constitution a été voté sans en avoir apprécié totalement la portée.

Dans le résumé de la discussion en commission, le point 3 m'a un peu choqué, je dois l'avouer. On lit, en effet : «Le principe selon lequel les déchets radioactifs produits dans notre pays doivent être déposés en Suisse, de façon sûre et durable, rencontre également d'adhésion des députés, à l'instar du Conseil d'Etat (voir l'exposé des motifs de son projet de loi).» On ajoute : «Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production.»

Autrement dit nous renforçons, par cette déclaration, notre intention de mettre ces déchets ailleurs, dès le moment où notre constitution ne nous permet pas de les accepter; on désigne même les lieux où l'on voudrait qu'ils soient entreposés : dans les centrales, dans les cantons qui ont accepté des centrales nucléaires et peuvent, sur cette lancée, accepter encore les déchets produits par les autres.

Il n'est pas raisonnable de poursuivre durablement une politique énergétique dans cette direction, et je le dis d'une manière sereine, je crois m'être exprimé sur ce sujet d'une manière assez claire pour me permettre d'aller dans ce sens. Finalement, je ne dirais pas que la décision que vous prendrez est sans importance, mais l'essentiel est de pouvoir échanger quelques idées et d'apporter quelques témoignages qui montrent les limites de l'application actuelle de l'article constitutionnel qui est le nôtre et de la nécessité de sa mise à jour.

M. Hervé Burdet (L). Il n'est pas d'usage pour un député de parler après le conseiller d'Etat, mais je voudrais simplement rappeler qu'en l'état du dossier, dans l'ignorance dans laquelle les commissaires se sont prononcés, je demande le renvoi en commission ou, à défaut, la non-entrée en matière sur ce projet de loi.

M. Roger Beer (R), rapporteur. Il ne faut pas suivre M. Burdet évidemment !

J'aimerais préciser à M. Haegi que la fameuse phrase qu'il cite : «Les députés envisagent même un entreposage sur le site de production» ne veut pas dire que nous devons exporter les déchets. Cela signifie que si nous produisons des déchets, nous devons les entreposer sur le site. L'article nous interdit de construire des centrales et de continuer à produire des déchets, mais pour ceux qui existent, nous devons assumer nos responsabilités.

M. Pierre Vanek (AdG). Je pensais que le débat était clos, mais puisque MM. Haegi et Burdet le relancent, je voudrais préciser qu'entreposer les déchets sur le site ne signifie pas les imposer à d'autres !

Or, accepter le dépôt de Wellenberg signifie les imposer à d'autres, qui les ont refusés en votation populaire. Nous sommes dans cette problématique. L'entreposage sur le site est lié à la reconnaissance que nous n'avons pas, aujourd'hui, de solution définitive et sûre et que nous gardons des portes ouvertes. Nombre de pays pratiquent de cette manière, ce n'est pas nier le problème ni le résoudre.

Le stockage sur site consiste à ne pas les envoyer à l'étranger, notamment dans l'usine de retraitement de la Hague en France, qui est extrêmement polluante, dangereuse et qui produit du plutonium. C'est l'idée maîtresse du stockage sur site, qui, malheureusement, ne peut pas prétendre régler définitivement le problème. Ce n'est pas sur cette mesure que nous nous prononçons en donnant ce préavis.

En ce qui concerne la proposition de M. Burdet qui demande, eu égard à l'ignorance dans laquelle les députés ont voté le préavis et l'ignorance du rapporteur qui a établi le rapport, le renvoi en commission, je crois, quant à moi, que l'ignorance se trouve essentiellement du côté de celui qui l'a évoquée !

M. Chaïm Nissim (Ve). Je crois que vous avez bien compris, Monsieur Haegi, que le principal problème est que nous ne connaissons actuellement pas assez le domaine du nucléaire. C'est bien ce qui constitue le problème des déchets radioactifs, car nous devons gérer aujourd'hui, sans savoir, et prendre des décisions qui vont nous engager pour plusieurs centaines d'années.

L'idée de ceux qui proposent de stocker aujourd'hui in situ à Goesgen et à Leibstadt leurs propres déchets consiste à dire que nous ne savons pas ce que va provoquer le démantèlement des grandes centrales nucléaires, car nous n'en avons jamais démantelé. Il se pourrait que ces sites deviennent de facto des sites de déchets, puisque les centrales constituent elles-mêmes des déchets après quarante ans de travail et que leurs composantes restent radioactives durant plusieurs centaines d'années.

Etant donné que ces sites sont de toute façon à l'air libre, que nous pourrons les surveiller, pourquoi ne pas y entreposer - ce n'est qu'une proposition - des déchets, plutôt que de le faire dans un trou profond où ils risquent d'être oubliés ? Le problème est de gérer aujourd'hui une matière potentiellement dangereuse pendant des millénaires, dont on peut craindre qu'elle soit oubliée dans mille ans. Nous sommes devant l'incertitude du résultat de nos décisions actuelles.

M. Roger Beer (R), rapporteur. Il nous reste encore de nombreux points avant de clore l'ordre du jour, je vous invite très vivement à faire voter ce projet et à passer au point suivant pour parler de musique.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission de l'énergie et des Services industriels est rejetée.

Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

relatif au préavis du canton de Genève sur la consultation fédérale concernant la création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à courte durée de vie, sur le site de Wellenberg, communede Wolfenschiessen, canton de Nidwald

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 160C, alinéa 5, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847;

vu l'article 6 de l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique, du 6 octobre 1978;

vu le vote négatif du demi-canton de Nidwald, du 25 juin 1995,

Décrète ce qui suit:

Article unique

Le canton de Genève préavise négativement le projet de création d'un dépôt de déchets radioactifs de faible à moyenne activité et à coute durée de vie, sur le site de Wellenberg, commune de Wolfenschiessen, canton de Nidwald.