République et canton de Genève

Grand Conseil

M 872-A
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. David Lachat, Pierre-Alain Champod, Jacques-André Schneider et René Ecuyer demandant un moratoire dans l'application des nouvelles dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (ci-après LGL). ( -) M872
Mémorial 1993 : Développement, 4914. Motion, 4937.

Le 24 août 1993, était déposée au Grand Conseil une

«proposition de motion pour un moratoire dans l'application des nouvelles dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires»

dont la teneur était la suivante:

«LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la difficulté à trouver, pour certains appartements, des candidats remplissant les conditions d'octroi d'un logement social;

- les hésitations, qui en découlent, de certains promoteurs à construire de nouveaux logements sociaux;

- le risque de décourager les coopératives d'habitation de faire appel au système HLM;

- la perte de revenu fiscal enregistrée par certaines communes sur le territoire desquelles sont construites de nombreuses HLM, suite à l'entrée en vigueur de la modification de la loi générale sur le logement (LGL) du 18 juin 1992,

invite le Conseil d'Etat à :

- établir un rapport circonstancié sur les constatations faites depuis l'entrée en vigueur des modifications de la loi générale sur le logement votée par le Grand Conseil le 18 juin 1992;

- déposer au Grand Conseil un projet de loi corrigeant les effets négatifs des modifications de la loi générale sur le logement précitée;

- suspendre, jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, l'entrée en vigueur de ces mesures, en tant qu'elles concernent la perception des troisième et quatrième tranches des surtaxes majorées.»

** *

Lors de sa séance du 17 septembre 1993, le Grand Conseil n'a retenu finalement que le premier point de la proposition de motion et a invité le Conseil d'Etat à

«établir un rapport circonstancié sur les constatations faites depuis l'entrée en vigueur des modifications de la loi générale sur le logement et la protection des locataires votée par le Grand Conseil le 18 juin 1992».

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I. Préambule

Le présent rapport met l'accent sur

- les nouveaux barèmes d'entrée,

- les surtaxes,

- les allocations de logement,

principaux éléments visés par les modifications de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL), votées le 18 juin 1992 et appliquées dès le 1er octobre 1992.

D'une manière générale, on peut constater - un peu plus d'une année après l'entrée en vigueur de ces mesures - que les effets de la nouvelle loi sont ceux escomptés par le législateur: les groupes familiaux à revenus élevés qui occupent des logements à bas loyers sont incités à les quitter au bénéfice de familles à revenus réduits et les occupants des nouveaux logements subventionnés ont des revenus mieux en harmonie avec l'effort financier consenti par la collectivité publique pour abaisser les loyers.

Certes, la détente sur le marché immobilier a été un élément favorable aux changements voulus par le législateur et certains locataires ont ressenti fortement les conséquences des modifications légales sur la part de leur revenu consacrée au logement, malgré l'application par paliers des nouvelles surtaxes et allocations.

Mais cet inconvénient qui touche une minorité de locataires à revenus élevés est sans commune mesure avec les difficultés rencontrées par les familles à faibles revenus qui, sans les changements apportés à la loi, auraient encore plus de peine à trouver un logement à la mesure de leur possibilités financières.

Enfin, les chiffres rassemblés dans le présent rapport montrent clairement - si cela était encore nécessaire - que les nouveaux taux d'effort fixés dans la loi sont équitables quand on constate que

87% des locataires surtaxés consacrent moins de 16% de leur revenu brut à leur logement (loyer plus surtaxe), alors que 68% des locataires non surtaxés utilisent plus de 16% de leur revenu brut au seul paiement du loyer.

** *

II. Remarques générales sur les données chiffrées du rapport

La majorité des chiffres qui suivent concernent la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993. Ils montrent l'évolution de la situation depuis l'entrée en vigueur des modifications de la LGL ou font un état de la situation au 30 septembre 1993, voire au 31 décembre 1993.

Les variations enregistrées ne sont pas toutes imputables aux nouvelles dispositions et celles-ci continuent de produire leurs effets au-delà de la période observée. L'extrapolation des données actuelles sur l'année 1994 et sur l'année 1995 (lorsque les nouvelles surtaxes seront perçues en totalité, après l'application du quatrième palier) est hautement hasardeuse; elle ne serait possible qu'à la condition que les revenus des locataires pris en considération en 1994 et en 1995 soient connus maintenant, tout comme l'évolution des loyers pour cette même période et que de surcroît la composition des groupes familiaux reste inchangée, qu'il n'y ait aucun déménagement et qu'aucun immeuble ne sorte du secteur contrôlé ! C'est dire que, dans ces conditions, il s'imposait de renoncer à la projection des chiffres actuels sur les exercices 1994 et 1995.

III. Nouveaux barèmes d'entrée

Résumé

1. Les modifications de la LGL n'ont pas impliqué de dérogations particulières aux barèmes d'entrée;

2. les nouveaux barèmes sont favorables aux familles à revenus limités mais ne réduisent pas le cercle des bénéficiaires potentiels de logements sociaux de manière excessive;

3. aucun désengagement des investisseurs n'est enregistré puisque 74% des récents accords de principe délivrés concernent des logements subventionnés à louer;

4. il n'y a pas de logements sociaux vacants.

1. Respect des normes de revenu - nature des dérogations accordées

La motion évoque les difficultés qui seraient rencontrées par les propriétaires, lorsqu'un logement social se libère, pour trouver un locataire de remplacement qui réponde aux nouvelles normes de revenu, c'est-à-dire une famille qui gagne suffisamment peu pour respecter les limites imposées par les nouveaux barèmes.

Selon les auteurs de la motion, il y aurait lieu de craindre que des dérogations systématiques au barème d'entrée doivent être accordées par les services de l'Etat chargés d'appliquer la LGL.

Or, il n'en est rien.

Pendant la période considérée (1er octobre 1992 - 30 septembre 1993), quelque 2400 relocations ont été approuvées par l'office du logement social (rattaché à la direction générale du logement).

Seuls trois cas ont justifié une dérogation au barème d'entrée, faute de candidatures à revenu suffisamment bas, malgré des recherches par voie d'annonces dans la presse.

Certes, quelque 280 dérogations (sur 2400 dossiers) ont été accordées en une année, mais elles concernent toutes des situations particulières.

Par exemple: locataires d'immeubles rénovés, en place avant leur admission dans le régime subventionné; entrée du locataire dans un immeuble juste avant l'échéance du contrôle de l'Etat; prise en compte anticipée de proches changements dans la situation personnelle ou professionnelle du locataire, etc.

A noter que pour les 1500 logements neufs occupés entre le 1er octobre 1992 et le 30 septembre 1993 (en sus des 2400 relocations), il n'a pas été octroyé de dérogation au barème d'entrée faute de candidatures adéquates.

2. Exemples de calcul des nouveaux barèmes d'entrée

Le resserrement des barèmes d'entrée voulu par le législateur vise à offrir davantage de chances d'accès aux logements sociaux aux familles qui disposent de revenus limités.

Néanmoins, comme l'indiquent les exemples qui suivent, les nouveaux barèmes ne réduisent pas de manière excessive le cercle des bénéficiaires de logements sociaux, contrairement à ce qu'indiquent les auteurs de la motion.

C'est ainsi, par exemple, qu'une famille de 3 personnes peut accéder à un logement de 4 pièces dans les limites de revenu suivantes:

a) logement ancien de la catégorie 1 HBM

 Loyer: 1800 F la pièce par an, soit 600 F par mois

 (sans les charges, ni le parking)

 Revenu brut maximum admis: 62 500 F

b) logement neuf de la catégorie 2 HLM

 Loyer: 3600 F la pièce par an, soit 1200 F par mois

 (sans les charges, ni le parking)

 Revenu brut maximum admis: 102 500 F, la priorité étant accordée aux familles dont le revenu n'excède pas 75% de ce montant, soit 76 875 F.

3. Hésitations des investisseurs au vu des nouveaux barèmes

La motion indique que les professionnels de l'immobilier hésiteraient aujourd'hui à construire des logements sociaux, en raison du resserrement des barèmes d'entrée qui réduirait le cercle des locataires potentiels.

Cette affirmation est contredite par les chiffres qui suivent. Pendant la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993, la direction générale du logement a délivré 61 accords de principe, portant sur 2344 logements dont la répartition est la suivante :

HBM + HLM 1622 logements  (70%)

HCM  102 logements   (4%)

Immeubles locatifs contrôlés,

sans aide de l'Etat  115 logements   (5%)

Immeubles en ppe contrôlés,

sans aide de l'Etat  485 logements  (21%)

      

 2324 logements (100%)

Les logements à caractère social représentent les trois quarts du total et les logements (à louer ou à vendre) contrôlés par l'Etat, un quart. On ne constate donc aucun désengagement des investisseurs pour le logement social qui serait consécutif à l'introduction des nouveaux barèmes d'entrée au 1er octobre 1992.

4. Logements sociaux vacants

La motion demande que le présent rapport relève le nombre des logements sociaux vacants.

Au 31 décembre 1993, 6 logements soumis à la LGL (sur un parc subventionné total de 27  881 logements) étaient vacants depuis deux à sept mois. Il s'agissait notamment de 4 petits logements dont les loyers étaient situés entre 150 F et 364 F la pièce par mois.

IV. Surtaxes

Résumé

1. La majorité des surtaxés doivent verser une faible surtaxe;

2. les surtaxés ont globalement des taux d'effort nettement inférieurs à ceux des locataires n'ayant pas à acquitter de surtaxe;

3. même dans certaines communes dites «sensibles», on ne peut parler «d'exode» de la population;

4. la majorité des déménagements n'est pas due à la surtaxe, mais à une détente sur le marché de l'immobilier;

5. au demeurant, l'un des buts des modifications légales était précisément de recibler l'aide de l'Etat, pour que les logements subventionnés bénéficient aux familles à revenus modérés.

1. Rappel de quelques notions importantes concernant la surtaxe

La surtaxe est perçue auprès des locataires de logements sociaux (HBM, HLM, HCM) chaque fois que le loyer théorique (ce que devrait «normalement» payer un locataire pour un logement déterminé, compte tenu de ses revenus) dépasse le loyer effectif.

Le loyer, le revenu du groupe familial et le nombre de pièces du logement par rapport au nombre d'occupants conditionnent la surtaxe.

Ainsi, une surtaxe significative peut survenir même avec des revenus moyens si le loyer est très bas.

A l'inverse, un revenu «à six chiffres» peut ne pas impliquer de surtaxe lorsque le loyer est relativement élevé (HCM nouvellement construit, par exemple).

De même, à revenu égal, chaque modification du loyer entraîne une modification correspondante de la surtaxe si le loyer augmente, la surtaxe diminue d'autant; si le loyer baisse, la surtaxe augmente dans la même mesure.

2. Quelques données chiffrées significatives concernant la surtaxe

Les chiffres qui sont contenus dans le présent rapport tiennent compte des deux premiers paliers dans l'application de la nouvelle surtaxe, tels que le législateur l'a souhaité.

Pour la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993, le montant des surtaxes facturées s'élève à 18 671 812 F. Au 30 septembre 1993, 7629 locataires étaient soumis à la surtaxe, soit environ 28% des 27 592 logements subventionnés.

A titre de comparaison, pour la période du 1er octobre 1991 au 30 septembre 1992, le montant des surtaxes facturées s'élevait à 6 266 867 F.Au 30 septembre 1992, 2620 locataires étaient soumis au paiement de la surtaxe.

D'octobre à décembre 1993, la tendance enregistrée durant la première année d'application des nouvelles dispositions s'est poursuivie au même rythme.

En analysant les différents éléments de la surtaxe, on constate que:

- la majorité des surtaxés doivent acquitter une faible surtaxe:60% ont une surtaxe inférieure à 200 F/mois. Pour les locataires soumis à une surtaxe élevée (1,9%, soit 142 locataires, ont une surtaxe supérieure à 1000 F/mois), le niveau des revenus permet d'en justifier le montant (à 1 exception près, tous gagnent plus de 100 000 F par an);

- lorsque les surtaxés ont un petit revenu, ils ont aussi un petit loyer ou alors une surtaxe minime: si 522 surtaxés, soit 7% d'entre eux, gagnent moins de 50 000 F brut par an, 370 vivent dans un logement de moins de 2000 F la pièce par an, alors que 152 doivent acquitter en moyenne une surtaxe mensuelle de 63 F;

- près de la moitié des surtaxés (43,8%) disposent d'un revenu brut supérieur à 100 000 F par an;

- la majorité des surtaxés disposent d'un logement dont le loyer est bas: 73% d'entre eux paient un loyer inférieur à 3000 F/pièce/an. Pour les locataires surtaxés devant acquitter un loyer plus élevé, soit le niveau de leur surtaxe est plus bas, soit leurs revenus sont en proportion.

Même en tenant compte du montant de la surtaxe, les locataires surtaxés consacrent globalement à leur logement un pourcentage de leurs revenus bruts inférieur à celui des locataires non soumis à la surtaxe: 87% des surtaxés ont un taux d'effort (loyer + surtaxe) inférieur à 16%; seuls 32,5% des locataires non surtaxés consacrent moins de 16% de leurs revenus bruts au paiement du loyer.

Si l'on examine le nombre de locataires ayant un taux d'effort de plus de 20% sur leurs revenus bruts, on constate qu'ils ne sont que 0,32% (soit 24 ménages) chez les surtaxés, mais 40,18% (6566) chez les non-surtaxés.

3. Réaction des locataires à la suite des modifications de la surtaxe

La notification, à fin août 1992, des nouvelles surtaxes à quelque 8800 locataires avec effet au 1er octobre 1992 (entrée en vigueur du premier palier) a suscité environ 1500 appels téléphoniques, 1500 entretiens dans les locaux de la direction générale du logement et près de 1200 lettres de réclamation.

Un tiers des réclamations ont entraîné une modification, voire une annulation de la surtaxe (nouveaux revenus pris en considération, changement des conditions personnelles des locataires...).

Lors de la notification du deuxième palier (avril 1993) un plus grand nombre de surtaxés ont réagi (vraisemblablement en raison de l'augmentation du niveau de la surtaxe, due à l'introduction du 2e palier).

De septembre 1992 à décembre 1993, les décisions sur réclamation en matière de surtaxe ont entraîné une cinquantaine de recours auprès du Tribunal administratif, dont une dizaine sont encore en suspens. Dans trois cas concernant la définition du revenu brut (déduction des intérêts des dettes hypothécaires), le Tribunal administratif a admis la thèse des locataires. Les autres recourants ont été déboutés ou ont retiré leur recours.

4. Les déménagements et leur impact fiscal pour certaines communes

La motion se fait l'écho des préoccupations de certaines communes (notamment Meyrin, Onex, Puplinge et Vernier) qui se sont inquiétées des conséquences, sur le montant de leurs recettes fiscales, d'un "exode massif" de leurs communiers surtaxés.

L'examen des données chiffrées concernant les déménagements montre que:

- si le nombre de déménagements s'est accru depuis l'entrée en vigueur de la loi, la majorité concerne des locataires non surtaxés: sur les 3369 déménagements enregistrés par l'office du logement social du 1er octobre 1992 au 31 décembre 1993, 1961 (58%) étaient le fait de locataires non surtaxés. La mobilité de la population genevoise s'est donc également renforcée grâce à une détente généralisée sur le marché de l'immobilier;

- la majorité des surtaxés ne déménagent pas en raison du montant de la surtaxe: 770 des 1408 locataires surtaxés ayant déménagé (55%) devaient acquitter une surtaxe mensuelle inférieure à 200 F;

- dans les quatre communes évoquées ci-dessus, on est loin d'un départ massif des habitants dû aux surtaxes: à Meyrin, du 1er octobre 1992 au 31 décembre 1993, 30 familles sont peut-être parties en raison du montant de leur surtaxe (plus de 200 F par mois), alors que la commune compte 8128 logements; pour Onex, il s'agit de 77 familles (sur les 7092 logements de la commune), pour Puplinge de 21 familles (pour 784 logements) et pour Vernier de 121 familles (pour 12 073 logements).

Il est à souligner que les logements surtaxés libérés le sont au profit d'autres communiers dans une proportion variant de 25% à 35%, selon les communes susmentionnées.

Le problème fiscal relevé par la motion apparaît donc comme relativement marginal; le cas échéant, il devrait pouvoir être résolu dans le cadre de la péréquation fiscale intercommunale.

Les chiffres qui précèdent ne sont que le reflet d'une situation analysée à un moment donné, et ne préjugent pas du comportement des surtaxés pour l'avenir (notamment lors de l'introduction des deux derniers paliers de surtaxe).

On peut toutefois remarquer qu'il est pour le moins surprenant que la majorité des rentrées fiscales de certaines communes proviennent des habitants de logements à caractère social. Le départ de locataires disposant de revenus confortables en regard de leur loyer, occupant des logements bénéficiant de l'aide de la collectivité publique, est donc conforme aux buts visés par les modifications légales: permettre que les logements subventionnés bénéficient aux familles qui en ont le plus besoin matériellement.

5. Difficultés de paiement

La motion fait référence à la conjoncture économique actuelle pour évoquer les difficultés rencontrées par certains ménages à s'acquitter du montant de la surtaxe qui leur est réclamée.

Il convient ici de rappeler que le calcul de la surtaxe est notamment fonction du revenu du groupe familial concerné. Le montant de la surtaxe est donc, par conséquent, adapté à la situation financière de chaque locataire.

Pour les familles directement frappées par les conséquences de la conjoncture actuelle et dont le revenu a subi une baisse significative, il est tenu immédiatement compte de la péjoration de leur situation financière, par le biais d'une réduction proportionnelle de leur surtaxe.

Concernant les familles qui, sans modification de revenus, ont vu leur surtaxe augmenter à la suite de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, il convient d'insister sur le fait que le montant de la surtaxe est à mettre en rapport avec l'ampleur de l'aide accordée par les pouvoirs publics pour abaisser les loyers. Pour ces ménages, l'introduction de la surtaxe est une adaptation - parfois difficile - de leur budget logement en fonction de normes plus équitables par rapport à l'ensemble de la population.

V. Allocations de logement

Résumé

1. La suppression de l'accord du propriétaire ne signifie pas que l'Etat ne contrôlerait plus les logements pour des allocations dans le secteur non subventionné;

2. le nombre de bénéficiaires d'allocations a nettement augmenté, principa-lement dans les logements non subventionnés.

1. Suppression de l'accord du propriétaire

L'une des principales modifications votées par le Grand Conseil en 1992 a été la suppression de l'accord du propriétaire, jusque-là nécessaire à l'octroi d'une allocation de logement dans les immeubles non subventionnés.

Désormais, seule l'homologation préalable du logement par l'Etat est requise.

Cet agrément du logement, voulu par le législateur, a tout d'abord pour but d'éviter que des allocations ne soient accordées pour des logements ne correspondant pas aux caractéristiques admises dans les immeubles soumis à la LGL (par exemple pour des logements de luxe ou des villas individuelles). Il s'agit également d'exclure les logements dont les loyers sont trop élevés, eu égard à leur année de construction et d'éviter ainsi que l'octroi de l'allocation de logement ne serve de prétexte à une augmentation généralisée des loyers des logements concernés ou à permettre le maintien de loyers surfaits.

2. Information à l'Etat des modifications de loyer

La teneur des nouvelles dispositions relatives à l'allocation de logement hors HLM précise qu'il appartient désormais aux locataires d'aviser l'Etat sans délai de toute modification de leur loyer.

Du 1er octobre 1992 au 31 décembre 1993, 380 notifications de modification de loyer ont été traitées par le service compétent.

Dans 34 cas, il a été demandé aux locataires de contester le nouveau loyer (ils interviennent soit auprès de la commission de conciliation, soit auprès du bailleur et obtiennent en général gain de cause).

L'un des éléments du calcul de l'allocation de logement étant le loyer effectif, chaque modification de loyer (notamment suite à la baisse des taux hypothécaires) entraîne un nouveau calcul de l'allocation à son juste montant.

3. Secteur subventionné : quelques données chiffrées

Durant la période allant du 1er octobre 1992 au 31 décembre 1993, 1634 nouvelles demandes d'allocations ont été déposées. Elles ont donné lieu à l'octroi de 1274 nouvelles allocations.

3641 personnes étaient allocataires au 31 décembre 1993.

Un montant de 12 653 166 F a été versé du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993 au titre de l'allocation de logement dans les immeubles HBM, HLM et HCM, et la tendance observée durant la première année d'application des nouvelles dispositions s'est poursuivie de manière similaire durant le dernier trimestre de 1993.

On peut noter que le nombre d'allocataires n'a pas diminué depuis l'entrée en vigueur des modifications (3403 ménages en septembre 1992), montrant ainsi que les nouvelles dispositions favorisent effectivement les familles à revenus modestes.

4. Secteur non subventionné

3772 demandes d'allocation ont été déposées du 1er octobre 1992 au 31 décembre 1993; 1577 dossiers ont été acceptés et 1492 refusés, 308 demandes ont été retirées et 395 dossiers restaient en traitement au début 1994.

2 154 ménages bénéficient d'une allocation «hors HLM» au 31 décembre 1993.

Un montant de 5 663 461 F a été versé du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993.

On constate un fort accroissement de la demande d'allocations dans le secteur non subventionné (1076 bénéficiaires au 30 septembre 1992), qui peut s'expliquer notamment par la suppression de l'accord du propriétaire et par la mention désormais obligatoire de cette aide de l'Etat sur les formulaires officiels de notification de modification des loyers.

170 des 1492 demandes d'allocations rejetées l'ont été au titre de refus d'agrément du logement (73% en raison d'un loyer trop élevé et 27% en raison des caractéristiques du logement).

4 recours ont été déposés auprès du Conseil d'Etat contre des refus d'agrément du logement; aucune décision n'avait encore été rendue au 31 décembre 1993.

V. Conclusion

Les données chiffrées qui précèdent montrent à l'évidence que les buts voulus par le législateur ont été atteints : par rapport à l'ancien système, l'aide de l'Etat vise désormais davantage les locataires qui en ont le plus besoin matériellement.

Certes, des adaptations de budget ou de situation sont nécessaires pour certaines familles qui ont bénéficié des années durant d'avantages peu compatibles avec les objectifs de la loi, mais l'effort qui leur est demandé est proportionné à leurs revenus et étalé dans le temps.

En conclusion, le Conseil d'Etat constate que les modifications de la législation relative au logement social mises en place depuis plus d'une année sont bénéfiques pour la très grande majorité des locataires et conformes à l'intérêt général.

Le Conseil d'Etat poursuivra la politique qui a été engagée lors de la précédente législature afin de répartir avec plus d'équité les moyens dont il dispose en faveur du logement social.

Pour le surplus, diverses actions novatrices seront engagées, notamment dans le domaine des coopératives, de l'accession à la propriété pour la classe moyenne et du logement associatif.

Débat

M. Laurent Moutinot (S). Je dois le dire clairement, le rapport qui nous est soumis est malheureusement insuffisant et incomplet. C'est un rapport comptable, mais ce n'est pas un rapport politique. Le but de la modification de la loi générale sur le logement était d'inciter les locataires à revenus élevés à quitter les logements subventionnés en augmentant les surtaxes. Ce but n'est pas à remettre en cause, il est raisonnable. Par contre, nous sommes inquiets quant aux conséquences dues à la brutalité du processus et aux conséquences indirectes sur les communes et notamment sur leurs ressources fiscales.

Je formule quatre critiques :

1) Le rapport ne tient pas compte du facteur temps. Il ne traite que de la première année de fonctionnement. Il n'y a aucune projection sur l'avenir, sur l'entrée en vigueur des deuxième et troisième paliers prévus. Il convient, par conséquent, que ce rapport soit complété. Celui-ci précise d'ailleurs que l'entrée en vigueur de la première tranche de la nouvelle surtaxe a suscité mille cinq cents téléphones, mille cinq cents entretiens et mille deux cents lettres. Il ajoute que l'entrée en vigueur de la tranche d'avril 1993 a entraîné un nombre plus grand de réactions, mais il ne nous dit pas dans quelle proportion. Même si le but de la loi est légitime, on ne peut pas bousculer de la sorte un nombre important de familles. Pourquoi le rapport est-il muet sur le nombre de personnes qui ont réagi à l'entrée en vigueur du deuxième palier de la surtaxe ? Combien de réactions y a-t-il aujourd'hui s'agissant de l'entrée en vigueur du troisième palier ?

2) Le deuxième défaut de ce rapport est beaucoup plus grave, Monsieur le président. Il est contradictoire ! En page 3, paragraphe 2, il est indiqué que la modification de la LGL a poussé les locataires à revenus élevés à quitter les logements à bas loyers. En page 9, paragraphe 7, il est indiqué que la majorité des surtaxés ne déménageaient pas suite à une augmentation de la surtaxe ! Il n'est pas soutenable d'affirmer une chose aussi contradictoire dans le même rapport, à quatre pages d'intervalle ! Cela s'explique parce que, lorsqu'on veut démontrer que la loi est efficace, on dit que l'augmentation des surtaxes fait partir les locataires et, par contre, lorsqu'on veut démontrer que les finances communales ne sont pas atteintes, on dit que les gens surtaxés ne déménagent pas !

3) Les chiffres retenus s'expliquent mal. En page 8, il est affirmé que les surtaxes inférieures à 200 F par mois sont faibles. Pourquoi cette somme serait-elle faible ? Personne ne le dit ni ne l'explique. A la même page, on nous affirme que les surtaxes sont élevées à partir de 1 000 F ! Ce qui se passe entre 200 F et 1 000 F n'est pas détaillé. Il n'est pas possible de savoir pourquoi et en fonction de quels critères ces chiffres ont été choisis.

Les chiffres sont également incomplets. Je ne crois pas que vous y soyez pour grand-chose, mais je crains que les choses aient été insuffisamment préparées par vos services. On nous présente, en page 9, la situation d'Onex. On nous dit qu'il y a septante-sept personnes surtaxées, sur sept mille nonante-deux logements, qui ont déménagé, soit 1,08%. Les chiffres complets sont les suivants : il y a sept mille nonante-deux logements à Onex, c'est juste. Il y a deux mille cent nonante et un logements subventionnés et sur ceux-là six cent nonante-sept sont surtaxés. Or, cent septante-six surtaxés ont déménagé à Onex, soit le quart des locataires surtaxés. Comment le rapport arrive au chiffre de septante-sept ? C'est qu'il ne retient que les surtaxes élevées et non pas toutes les surtaxes. Donc, la réalité ne peut pas être cachée : 25% des locataires surtaxés à Onex sont partis. C'est un chiffre important. Cent septante-six déménagements sur les trois cent quarante-quatre déménagements qui ont lieu à Onex, cela représente la moitié !

4) Il est indiqué en fin du rapport que le Conseil d'Etat entreprendra des actions novatrices en faveur des coopératives. Nous en sommes fort aise et nous les attendons avec intérêt. Mais, pour l'instant, je dois vous dire que celles-ci sont extrêmement inquiètes; je le sais, car j'ai eu des contacts avec Galaxie, avec Arc-en-ciel, avec les Joyeux logis et avec la FOMHAB. Le problème provient du fait que les coopérateurs ont apporté le capital propre nécessaire à la construction de leurs immeubles en souscrivant des parts sociales, et, aujourd'hui, ces mêmes coopérateurs doivent en quelque sorte «repasser à la caisse» par le biais de la surtaxe. Cela aboutit à décourager une forme intéressante d'accession à la propriété, je veux parler de la propriété coopérative. Il faut par conséquent, là aussi sur ce point, que le rapport soit complété.

J'ai même entendu dire que certaines coopératives s'interrogeaient sur la possibilité de sortir prématurément du système subventionné tant elles rencontraient de problèmes ! C'est montrer à quel point d'une idée de départ qui était juste, et qui consistait à augmenter des surtaxes qui étaient effectivement trop faibles à l'époque, on arrive à certaines perversions !

Je suis absolument désolé, mais ce rapport ne décrit pas de manière complète et suffisante la situation actuelle. Il ne donne aucune idée de ce qui peut se passer à l'avenir. Il ne donne aucune indication sur les rentrées que l'on peut espérer et qui sont inscrites dans le plan financier quadriennal. Il ne dit rien du problème des coopératives. Par conséquent, vu l'insuffisance de ce rapport, je demande qu'il soit renvoyé au Conseil d'Etat en vertu de l'article 148, alinéa 3, de la loi de notre Grand Conseil pour être complété.

M. Pierre-Alain Champod (S). Je ne reviendrai pas sur les éléments qui ont été évoqués par le préopinant.

J'attire cependant votre attention sur un point particulier concernant non pas les surtaxes mais les allocations de logement. Je vais être un peu technique et vous parler chiffres. M. Haegi a beaucoup insisté sur le fait que la réforme de 1992 était favorable aux familles nombreuses ayant de bas revenus. Dans la pratique, les choses sont un peu différentes. En effet, dans le règlement, à l'article 22, alinéa 1, lettre F, il est précisé que : «L'allocation ne peut être accordée aux locataires dont le taux d'effort est manifestement insolite eu égard à leur situation financière.». Dans ce cas, les services de M. Haegi estiment que le logement n'est pas adapté, que les gens doivent trouver un autre appartement et l'allocation est refusée. J'ai eu connaissance de plusieurs cas de ce type.

Pour illustrer mon propos, imaginons la situation suivante. Une famille, formée d'un couple et de quatre enfants, dont le revenu brut s'élève à 50 000 F par année. Compte tenu des déductions, qui dans ce cas s'élèvent à 42 500 F, le revenu déterminant est égal à 7 500 F. Si on imagine que cette famille trouve un logement HLM de cinq pièces au loyer légèrement inférieur à 10 000 F par année, l'allocation logement lui sera refusée parce que le taux d'effort sera supérieur à 100%; on estimera qu'il est insolite. En quelque sorte, on refusera à ces familles une allocation sous prétexte qu'elles sont trop pauvres pour être aidées !

J'ai vu plusieurs dossiers de ce type. Certains locataires ont contacté des services sociaux. Des recours et des réclamations ont été faites. Dans certains cas on a obtenu gain de cause et l'allocation a été accordée, mais il y a probablement des gens qui ont subi un refus pour cette raison, qui n'ont pas osé réclamer et qui ne bénéficient pas de cette allocation. Cet exemple montre que cette loi, dans les faits, n'aide pas forcément les plus pauvres ni les familles les plus nombreuses. C'est particulièrement choquant lorsqu'il s'agit de logements très bon marché, notamment des cinq pièces à moins de 10 000 F de loyer annuel !

Je souhaiterais vivement que le Conseil d'Etat s'engage à modifier le règlement ou qu'il soit appliqué différemment pour que ces situations choquantes ne se reproduisent plus. Je le remercie par avance.

M. Jean Opériol (PDC). Naturellement, les discours que nous venons d'entendre ne pouvaient pas être différents de ce qu'ils ont été ! Pour ma part, j'ai trouvé ce rapport excellent dans la mesure où il sanctionne les travaux de la commission du logement qui, je vous le rappelle, s'est prononcée unanimement pour le «lifting» que nous avons apporté à la LGL, la loi générale sur le logement. Je rappelle également que ce Grand Conseil a voté unanimement et en trois débats l'adoption de cette nouvelle loi. Seul un petit amendement de la gauche sur un taux d'effort a été massivement rejeté, ce qui prouve bien que nous n'avons pas fait un travail d'imbéciles. Nous l'avons fait avec beaucoup de sérénité et avec une approche - j'allais dire scientifique - technique suffisante pour faire les choses comme elles devaient être faites.

Evidemment, Monsieur Moutinot, vous citez des chiffres, je peux vous en citer d'autres. Je peux vous dire, par exemple, que 0,32% des locataires ont un taux d'effort supérieur à 20%. Cela veut dire que 99,6% des locataires ont un taux d'effort inférieur ! Cela explique aussi pourquoi beaucoup de locataires genevois surtaxés ont des résidences secondaires à l'étranger. On peut discuter longtemps ! C'est une question d'appréciation. Je vous rappelle également que l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi a provoqué l'exode de certains locataires surtaxés qui se sont dirigés vers l'accession à la propriété. C'était aussi l'un des buts du «lifting» que nous avons apporté à la loi générale sur le logement pour éviter ses effets pervers.

D'autre part, dans le débat de l'année dernière, j'ai insisté - et je n'étais pas le seul - pour qu'on laisse à la loi le temps de se mettre en place de manière à voir quels sont les locataires dont les dossiers méritent d'être revus quant à leur surtaxe et à leur taux d'effort.

Vous voulez bousculer le mouvement ? Vous m'excuserez, mais je pense que c'est prématuré ! Peut-être que vous aurez raison sur certains aspects de votre raisonnement à terme, mais, aujourd'hui, vous ne pouvez pas descendre en flammes une loi que nous avons tous adoptée dans un consensus remarquable.

Je propose que nous adoptions sans autre le rapport du Conseil d'Etat. Ce serait un geste parlementaire élégant et responsable. Cela signifierait que nous faisons confiance à un gouvernement qui nous livre une analyse que je trouve parfaitement objective. Je vous invite donc à accepter ce rapport tel quel et à ne pas le renvoyer à la commission du logement qui devrait faire un rapport sur un rapport !

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne vais pas faire une bagarre de chiffres, Monsieur Opériol, parce que la question posée par ce rapport ne réside pas là. Comme certains l'ont relevé tout à l'heure - je crois que M. Haegi doit en être convaincu lui-même, puisque cela ressort de son rapport - ce rapport ne reflète qu'une période transitoire. En effet, il ne fait état que des deux premières tranches de surtaxe. Au moment où je vous parle il n'est déjà plus d'actualité, puisque depuis le 1er avril dernier la troisième tranche des surtaxes a déjà été notifiée. La quatrième tranche des surtaxes, c'est-à-dire 100% du montant des surtaxes, sera notifiée en début d'année prochaine. Alors effectivement, il faut actualiser et compléter ce rapport pour qu'il reflète la situation réelle du parc subventionné afin de mesurer les conséquences des dispositions adoptées en 1992 par ce Grand Conseil sur l'ensemble des locataires de ce parc. C'était l'objectif de la motion, Monsieur Opériol !

Le rapport précise, en page 4, que l'extrapolation des données actuelles sur l'année 1994 et 1995 est «hautement hasardeuse». Alors, Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous conviendrez qu'il n'y a pas lieu d'extrapoler beaucoup pour faire des projections sur l'année en cours et sur le début de l'année prochaine ! Si gouverner c'est prévoir, Monsieur Haegi, et si vous considérez comme hautement hasardeux de faire des projections pour l'année en cours et celle à venir, il y a de quoi rester - pour reprendre l'expression de M. Gardiol - songeurs ! Vous avez souligné, Monsieur Opériol, que ce projet de loi avait fait l'objet d'une unanimité au sein de ce Grand Conseil, mais vous avez oublié de rappeler qu'il avait également fait l'objet d'un amendement présenté précisément par la gauche; celui-ci demandait d'affecter le produit des surtaxes à la construction de logements sociaux.

M. Jean Opériol. Mais je l'ai dit !

M. Christian Ferrazino. Vous l'avez dit ?

Eh bien, précisément, vous devez aller au-delà de cette première constatation et vous demander ce qui a été fait du produit de ces surtaxes ! Monsieur le président, j'attends des éclaircissements de votre part, car le rapport effectué par vos services est totalement muet à ce sujet. On ne sait pas du tout - pourtant la motion l'avait demandé, ainsi que la loi qui a été adoptée - à quoi a été affecté le produit de ces surtaxes.

J'ouvre une parenthèse à l'attention de M. Joye, puisque le rapport nous indique, Monsieur le président, qu'au 31 décembre 1993 six logements seulement, soumis à la loi générale sur le logement sur un parc subventionné d'environ trente mille logements, étaient vacants. Parmi ces six logements, quatre seulement étaient des studios ou des deux-pièces. Je pars donc de l'idée, Monsieur Joye, que vous ne connaissiez pas ces chiffres lorsque vous avez affirmé devant ce Grand Conseil, il y a quelques semaines, qu'il y avait pléthore de logements vacants subventionnés et que la pénurie n'existait plus à Genève pour les appartements de cette catégorie !

Je vous dirais, Monsieur le président, que vous n'êtes pas le seul à souffrir d'un manque d'informations à ce sujet, parce que l'un de nos collègues députés, dont la finesse de raisonnement n'échappe à personne d'ailleurs, pas même à ses amis politiques, n'a pas hésité à claironner il y a quelques semaines également, que : «La crise du logement n'avait jamais existé à Genève !». Vous voyez qu'il convient d'être relativement prudent, car, en matière de logements, on peut se trouver radicalement «à côté de la plaque» !

Je reviens au rapport, Monsieur le président, et notamment sur le nombre de locataires surtaxés. Ce nombre est passé de deux mille six cent vingt à sept mille six cent vingt-neuf du 30 septembre 1992 au 30 septembre 1993. Il en découle que le produit de la surtaxe a augmenté d'environ 6 millions en 1992 à 18 millions en 1993. Vous rappelez-vous, Monsieur Haegi, les déclarations que vous avez faites devant ce Grand Conseil, à l'époque, lors de la présentation de cette loi ? Ces modifications législatives - c'était l'un de vos arguments - laissaient espérer des rentrées d'argent pour l'Etat allant jusqu'à 40, voire 50 millions, disiez-vous ! Nous en sommes à 18 millions ! Cela amène des commentaires et des observations qui font, en l'occurrence, totalement défaut dans ce rapport.

Donc, pour ces différentes observations et celles exprimées par M. Laurent Moutinot, il nous semble pour le moins nécessaire que le Conseil d'Etat nous donne non pas un demi-rapport - vous le reconnaissez vous-mêmes, puisqu'il s'arrête au 50% de la surtaxe - mais un rapport complet qui nous informe de ce qu'il en est du processus...

(Pris à partie par M. Claude Haegi.) Vous n'arrivez pas à extrapoler pour 1994, Monsieur Haegi ! Mais c'est inquiétant ! Le troisième palier est entré en vigueur il y a déjà un mois, je pense donc que vous pouvez faire une extrapolation pour les mois qui viennent. Du moins je l'espère, et j'ose croire que vos services ont la possibilité de le faire ! C'est pourquoi je voudrais que ce rapport, qui est véritablement sans nuance, soit complété afin de répondre aux questions posées par cette motion. Il faudrait qu'il indique en outre à quoi a été utilisé le produit des surtaxes. Monsieur Haegi, combien de HBM ont pu ou pourront être construites grâce au produit de ces surtaxes ?

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Notre groupe a l'impression de ne pas avoir lu le même rapport que MM. Moutinot et Ferrazino. Nous, par contre, tenons à féliciter le Conseil d'Etat et son chef sur la qualité de son rapport qui nous apporte toutes les réponses aux questions que certains se posent depuis l'entrée en vigueur des modifications en question.

Je tiens quand même à relever certains points tout à fait adéquats. En page 3, il est dit que les effets de la nouvelle loi sont ceux escomptés par le législateur, loi votée à l'unanimité par ce Grand Conseil, puisque les groupes familiaux à revenus élevés qui occupent des logements à bas loyer sont incités à les quitter au bénéfice de familles à revenus réduits. Ainsi, les occupants des nouveaux logements subventionnés ont des revenus plus en harmonie avec l'effort financier consenti par la collectivité publique pour abaisser les loyers. Nous aidons enfin ceux qui en ont vraiment besoin et pas ceux qui ont des revenus à six chiffres.

De même, à cette même page 3, on constate que 87% des locataires surtaxés consacrent moins de 16% de leur revenu brut à leur logement. En revanche, 68% des locataires non surtaxés utilisent plus de 16% de leur revenu brut au seul payement du loyer. Il me semble que ces chiffres sont importants et qu'ils reflètent une véritable réalité.

Sans rentrer dans le détail de cet excellent rapport, il est bon de rappeler les points forts de celui-ci. Aucun désengagement des investisseurs n'est enregistré, malgré ce que l'on a voulu nous laisser croire, puisque 74% des récents accords de principe délivrés concernent des logements subventionnés à construire. Il n'y a pas de logements sociaux vacants tels que certains ont voulu le laisser croire et pas de dérogation systématique. Quoi de plus complet que ce rapport pour répondre aux questions posées ? La majorité des personnes surtaxées doivent acquitter une faible surtaxe. Tout cela vous a été démontré lors de certaines séances de la commission du logement et les informations données par le responsable de l'office cantonal du logement étaient de très bonne qualité. Lorsque les personnes surtaxées ont un petit revenu, ils ont aussi un petit loyer, ou alors une surtaxe minime. Je pourrais continuer à énumérer pleins d'exemples prouvant que le Grand Conseil a voté juste en adoptant ces nouvelles décisions.

Je tiens encore à signaler que, contrairement à ce que vous avez voulu laisser entendre, la majorité des déménagements ne concernent pas des locataires surtaxés. Cela est bien la preuve qu'il y a une large détente dans le marché du logement en ce moment à Genève.

Je vais vous donner des exemples précis de personnes qui ont dû payer des surtaxes.

Premier cas. Cinq personnes pour un cinq pièces dont le revenu est de 13 000 F. Avec la surtaxe, leur loyer est de 1 726 F, soit un taux d'effort de 13,4%. Cela est-il vraiment insupportable ou est-ce juste ? Moi, je pense que c'est tout à fait raisonnable.

Deuxième cas très frappant. Vous avez du reste reçu ces documents si vous faites partie de la commission du logement. Une personne dont le revenu est de 20 000 F par mois a aujourd'hui accès à un HLM. Trouvez-vous cela normal ? Son loyer de base est de 1 361 F. Avec la surtaxe qui est importante puisqu'elle est de plus du double de son loyer, soit 2 667 F, cela fait passer le montant de son loyer à 4 000 F. Est-il scandaleux que cette personne paye 4 000 F pour un logement HLM qui ne lui est pas destiné ? Je vous laisse seuls juges.

Je suis convaincu que la décision prise par ce Grand Conseil, au mois de juin 1992, était juste. Je suis convaincu que les réponses données par le Conseil d'Etat sont excellentes. Je vous encourage donc vivement à accepter ce rapport tel quel.

M. Claude Blanc (PDC). Je me demande qui nos collègues de gauche veulent défendre en prétendant que le rapport du Conseil d'Etat ne reflète pas la situation née de l'adoption de la nouvelle loi par le Grand Conseil.

Il faut se rappeler que si le Grand Conseil a été amené à modifier fondamentalement la loi sur le subventionnement des HLM c'est que tout le monde se rendait compte que cette loi avait fini par produire des effets pervers. En effet, un certain nombre de personnes profitaient abusivement d'allocations de logement auxquelles elles n'avaient pas droit. On peut dire que la loi HLM subventionnait les intérêts hypothécaires des résidences secondaires ! Alors, vous comprenez que cela ne pouvait pas durer ! L'élément essentiel de la modification de la loi consistait à tenir compte du revenu brut et non plus du revenu net. Cela permettait de débusquer tous ceux qui profitaient de la loi HLM pour financer leur résidence secondaire. C'était un scandale qui ne pouvait durer et je ne comprends pas que vous puissiez avoir le front de défendre des gens qui profitaient aussi honteusement de la manne publique, alors que d'autres sont obligés de se serrer la ceinture !

Que vous défendiez les plus faibles, je l'ai toujours compris ! Cela fait partie de votre vocation. Mais que vous défendiez des nantis, parce qu'ils font partie de votre clientèle électorale - je veux parler des couples de fonctionnaires qui gagnent 250 000 F par année - alors ça, je ne peux pas le comprendre ! Vous m'excuserez ! Nous avons modifié cette loi pour débusquer les «profitards», et je remercie le Conseil d'Etat d'appliquer cette loi avec fermeté et j'espère qu'il continuera !

M. Laurent Moutinot (S). Je ne crois pas que la gauche ait la vocation de défendre les «profitards» ! Il est vrai que l'ancienne loi offrait des facilités trop importantes, qui ont dû être corrigées. De ce point de vue, la modification, qui aujourd'hui pose problème, a été votée, il est vrai, à l'unanimité, mais cela n'empêche pas de constater, quelque temps après son entrée en vigueur, qu'elle est trop importante, même si elle était nécessaire.

C'est la brutalité de ce retour qui pose un problème. Que je sache, M. Chillier et M. Choisy ne sont pas membres du parti socialiste, pourtant ils se plaignent des déménagements qui surviennent dans leur commune ! Ce n'est pas seulement une question de comptabilité, c'est aussi un problème de tissu social. On ne peut pas contraindre de la sorte des gens à déménager relativement rapidement. Je ne remets pas en cause le principe d'une surtaxe, même élevée; je remets en cause ses modalités, car je pense que l'on ne peut pas agir en la matière aussi violemment. Lorsqu'une norme qui s'applique à sept mille personnes engendre trois mille cinq cents réactions c'est qu'elle pose problème.

Je reproche au rapport du Conseil d'Etat - j'en suis navré - d'être incomplet. Malgré toutes les pétitions de principe que j'ai entendues de votre part, Monsieur Opériol et Monsieur Blanc, un certain nombre de questions sont sans réponse. Il est souhaitable d'obtenir des réponses maintenant, avant que les choses ne deviennent trop graves. Monsieur Opériol, vous avez dit que je pourrais avoir raison, mais que l'on ne le saurait pas avant deux ou trois ans. Je crains que cela ne soit trop tard. C'est pourquoi il faut disposer des informations suffisantes tout de suite s'il s'avère nécessaire de corriger le tir.

M. Max Schneider (Ve). Au lieu de se renvoyer des exemples contradictoires de part et d'autre, il me semble que le débat serait plus serein s'il avait lieu en commission. M. Haegi pourrait nous fournir des chiffres pour compléter notre information. Si on renvoie ou si on accepte ce rapport tel quel, des motions risquent bien de revenir sur ce même sujet. Il vaut mieux en débattre à la commission du logement.

Notre groupe propose donc le renvoi en commission.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Je suis stupéfait du silence fait autour des locataires qui ont pu entrer dans des logements dont le loyer correspond aux moyens financiers dont ils disposent et de l'intérêt porté à ceux qui ont dû quitter leur logement parce qu'ils ont des revenus substantiels. On parle de la brutalité de l'application de ces mesures. Mais ces personnes ont les moyens d'assumer ailleurs, sur le marché libre, la charge d'un loyer, et, simultanément, depuis des années, des gens dont les revenus sont plus faibles attendent l'obtention de tels appartements. Nous avions une politique sociale dans ce domaine tout à fait inéquitable. C'est tout de même surprenant d'entendre les propos exprimés ce soir, nous demandant de surseoir et d'obliger ainsi ceux dont les revenus sont faibles d'attendre encore plus longtemps. C'est le monde à l'envers ! (Applaudissements de l'Entente.)

Des voix. Bravo !

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Mon propos sera bien plus court que je l'imaginais compte tenu des remarques qui ont été formulées.

Tout a été dit. Vous avez pris une décision dans le domaine de la politique sociale du logement qui consistait à corriger une situation inéquitable. Vous avez vu juste, tous ensemble. Pourquoi, aujourd'hui, revenir dessus, demander des évaluations, dire que ce rapport est incomplet et demander combien cela rapportera ? M. Ferrazino trouve que la surtaxe ne rapporte pas assez ! Mais en réalité, Monsieur le député, nous ne cherchions pas essentiellement à faire des recettes ! Vous souhaitiez bien autre chose de notre part ! En effet, nous voulions mettre des logements sociaux à la disposition des familles qui en avaient besoin. Vous devriez applaudir des deux mains en voyant certains quitter ces logements sociaux parce qu'ils n'acceptent pas de payer ces surtaxes et qu'ils les libèrent pour ceux qui en ont besoin.

Nous ne ferons pas le rapport complémentaire que vous nous demandez ! Nous continuerons à consacrer notre temps et nos forces pour la politique sociale que je croyais être la vôtre ! Ce soir, nous sommes surpris de vos propos. Vous dites que le maire de Puplinge se plaint de voir partir ses meilleurs contribuables. En effet, le maire de Puplinge, qui est un ami, m'a signalé ce fait, mais je suis sans voix en découvrant que ces meilleurs contribuables logeaient dans des immeubles HLM. Cela vous prouve qu'il y avait bien quelque chose à corriger !

Voyez-vous, dans les cas que nous avons dû traiter, depuis quinze jours, j'ai reçu quatre lettres qui ont particulièrement attiré mon attention. Ces familles m'expliquent que cette loi les place devant des difficultés que je n'ai pas mesurées lorsque je l'ai défendue. Un de ces cas est spectaculaire : il s'agit d'une famille dont le revenu est de 220 000 F par année. Elle m'explique que la surtaxe réclamée, qui les conduit à un taux d'effort de l'ordre de 20% par rapport à leurs revenus, est inadmissible. Elle me dit, en outre, qu'il n'est pas normal que des gens comme eux, qui travaillent et qui ont de bons revenus, soient placés devant de telles difficultés et que le législateur n'a pas mesuré les conséquences de cette loi. C'est tout à fait saisissant ! En une semaine, j'ai reçu des lettres de familles dont les revenus sont de 220 000 F, 190 000 F, 160 000 F et 150 000 F. Il était temps que nous corrigions cette situation !

Tout à l'heure, M. Opériol a signalé que l'application de cette loi a eu un effet sur l'accession à la propriété. En effet, certaines personnes dont les moyens étaient substantiels, découvrant qu'elles n'auraient plus l'appui de l'Etat, se sont demandé si elles ne pouvaient pas investir dans leur logement. Elles l'ont fait avec un certain intérêt dès le moment où elles n'ont plus disposé de l'aide de l'Etat. En le faisant, elles apportent leur contribution à une politique de relance économique. Ce n'est tout de même pas négligeable, au moment où nous nous demandons comment favoriser cette relance et sachant que l'Etat ne peut pas en être le seul acteur.

Voilà les raisons pour lesquelles je pense que vous pouvez accepter ce rapport non pas pour m'être agréables ou être agréables au Conseil d'Etat, mais parce que vous avez accompli l'acte social le plus important depuis des décennies dans le domaine du logement. Il faut le saluer. Si vous le contestez, vous irez expliquer à ceux qui attendent des logements sociaux pourquoi vous voulez les empêcher de les obtenir. J'ai donné des explications sur ce rapport en commission, et je crois que nous avons fait le tour du problème.

Cela étant, ce soir, je vous ai écoutés avec attention. J'ai relevé la remarque de M. Champod au sujet des personnes qui ont des revenus particulièrement faibles et auxquels on n'alloue pas d'allocation de logement. Je la trouve pertinente. J'ai, en effet, été alerté sur ce point et il est vrai que la situation n'est pas satisfaisante. Je l'examine. Elle devra être corrigée, car il n'est pas normal de priver quelqu'un d'une allocation dans la mesure où l'on peut améliorer sa situation. Ce caractère insolite - c'est l'adjectif qui a été utilisé - n'est pas de mise, et je m'engage à modifier la situation et à l'améliorer pour répondre favorablement à ces cas sociaux. Votre remarque, Monsieur Champod, avait, elle, une véritable portée sociale !

Merci de l'accueil que vous avez réservé à ce rapport. (Très vifs applaudissements de la droite.)

M. Christian Ferrazino (AdG). (Accueilli par des oouuhh.) Je comprends bien que je ne vais pas soulever l'enthousiasme de ceux qui applaudissent des deux mains les propos de M. Haegi. Vous me permettrez quand même, Monsieur Haegi, de penser que vous vous êtes un peu enflammé rapidement dans les chiffres que vous avez cités ou omis de citer. (M. Balestra intervient.) M. Balestra, lui, fait toujours des remarques très intéressantes !

Monsieur Haegi, vos propos, à l'image de votre rapport, manquaient totalement de nuance. Vous dites que vous avez accompli l'acte social le plus important de ces dernières décennies en matière de logement; eh bien, je peux vous dire, Monsieur le président, qu'il y en a eu d'autres, ô combien plus importants que celui-ci !

Il faudrait nuancer davantage vos propos... (Quolibets. M. Ferrazino est interpellé par divers députés libéraux et radicaux.) Si certains membres de l'Entente veulent s'exprimer, ils n'ont qu'à demander la parole; ils pourront le faire tout à fait sereinement ! Vous avez des spécialistes en matière de logement ! Ils prétendent que la crise n'existe pas dans ce secteur !

Le président. Laissez parler l'orateur ou je suspends la séance !

M. Christian Ferrazino. Les propos de M. Haegi manquent singulièrement de nuance pour la raison suivante. Tout le monde s'accordait à reconnaître - ceux qui sont intervenus, tant Laurent Moutinot que moi-même, l'ont rappelé - que l'objectif essentiel était de réserver véritablement les logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin. Alors, ne faites pas un faux débat, Monsieur Haegi, car vous savez que tout le monde s'accorde à reconnaître cet objectif. (Les réflexions fusent.) M. Blanc le découvre ce soir, cela ne m'étonne qu'à moitié !

L'objectif de la motion déposée à l'époque visait à déterminer si les révisions adoptées par ce Grand Conseil en 1992 l'avaient été de façon trop brutale. Les chiffres que vous n'avez pas cités, mais qui figurent dans le rapport, le démontrent. Je les rappelle pour mémoire. Plus de cinq cents locataires surtaxés gagnent moins de 50 000 F. On est loin des revenus que vous avez évoqués. Vous avez peut-être reçu trois lettres, Monsieur le président, de personnes qui ont des revenus substantiels. Cela démontre, Monsieur le président, que des locataires qui gagnent moins de 50 000 F et qui logent dans des HLM sont surtaxés. Jusqu'à nouvel avis, je ne crois pas que ces gens fassent partie des couches sociales dont vous parlez, loin de là ! (Les quolibets redoublent.) Pourtant ces gens sont également surtaxés et cela peut justement diminuer le taux d'effort d'une certaine couche de la population. Les cas que vous avez voulu mettre en exergue démontrent justement que ce sont des exceptions. C'est faire un faux procès que de vouloir les généraliser.

La motion ne demandait que deux choses. Je pense que vous avez pris le temps de la relire avant de faire votre intervention enflammée ! Tout d'abord de savoir qui était concerné par cette surtaxe. Vous avez pu constater que des locataires de condition modeste l'étaient, ce qui justifiait d'appliquer un taux d'effort plus bas.

Cette motion se préoccupait ensuite de savoir si un effort est fourni par les locataires surtaxés et à quoi servent les fonds récupérés par l'Etat par le biais de ces surtaxes. Vous n'avez toujours pas répondu à cette deuxième question ! Or, je vous rappelle que l'un des arguments que vous évoquiez pour convaincre ce Grand Conseil d'adopter ces nouvelles décisions, était que ces fonds devaient servir à la construction de logements sociaux, de HBM. Eh bien, j'aimerais entendre de votre bouche, Monsieur le président, plutôt que des discours enflammés qui semblent vous faire plaisir ainsi qu'à vos collègues de la droite, combien vous avez programmé de logements, parce que c'est ce qui nous intéresse ! Ce ne sont pas vos grandes déclarations qui vous font plaisir ! (Le brouhaha est toujours plus grand.) (M. Ferrazino hausse le ton pour se faire entendre.) Nous voulons savoir combien vous avez programmé de constructions HBM pour l'année 1995. Voilà ma question ! (Oouuhh de la droite et applaudissements de la gauche.)

M. Bernard Clerc (AdG). Il me semble qu'un certain nombre d'aspects du problème du logement ont été oubliés dans ce débat. Je pense notamment aux propriétaires des logements HLM, qui, je le rappelle, ont la possibilité d'attribuer 80% de ces logements. Pendant des années, nous avons appliqué une politique simple : ces logements étaient attribués en priorité aux personnes qui étaient à la limite de la surtaxe. L'office du logement social, d'ailleurs, appuyait tout à fait cette mesure. En effet, les propriétaires, lorsqu'il y avait une grande pénurie de logements, voulaient s'assurer de loger des personnes dont les revenus étaient suffisamment élevés. La situation dans laquelle nous nous trouvons est donc le fruit de cette politique.

D'autre part, je veux bien qu'il y ait des abus, chacun sait qu'ils existent, mais je constate qu'ils ne sont pas chiffrés. Combien de locataires de logements subventionnés possèdent une résidence en France, Monsieur Blanc ? Dites-le nous ! (Des remarques fusent.) C'est trop facile de citer des cas qui sont des exceptions sans avancer de données sérieuses. Depuis quand fait-on une loi uniquement en fonction des abus ? La loi est faite pour la majorité de la population concernée.

Dans le rapport du Conseil d'Etat nous nous apercevons qu'entre 1992 et 1993 le nombre de personnes surtaxées a progressé de 191%. Que l'on ne vienne pas nous dire que c'est une bagatelle ! Comme Me Ferrazino l'a souligné, nous ne savons pas à quoi sont destinés les montants de ces surtaxes. Moi, je vais vous le dire : ils vont à l'allocation personnalisée, car, dans le même temps que les surtaxes augmentent, le montant des allocations personnalisées augmente. C'est-à-dire que l'on va subventionner un certain nombre de locataires qui payent des loyers trop chers dans les logements libres. On voit donc très bien à qui profite - si je puis dire - le crime !

Ces montants ne vont en tout cas pas à la construction de logements sociaux puisque dans le budget 1993 il était prévu 12 millions pour les HBM et nous n'en avons trouvé que trois ! Voilà pour les faits. (Applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Je tiens à féliciter encore une fois le Conseil d'Etat pour son rapport. Je tiens également à féliciter l'unanimité de ce Grand Conseil pour le bon choix qu'il a fait en votant cette loi.

Nous avons beaucoup parlé de chiffres, de détails, de cas particuliers, mais le but visé par cette loi est de prendre de l'argent à ceux qui gagnent le plus et qui sont subventionnés par erreur pour le donner à ceux qui ont moins et qui ont besoin d'aide. Quoi de plus juste qu'une telle loi ? Le rapport du Conseil d'Etat démontre que cette loi fonctionne. Le débat n'est donc pas à ce niveau.

Pourquoi un débat aussi enflammé au sujet de cette loi ? Eh bien parce que le logement a été pendant des générations un fonds de commerce pour des générations de politiques souvent brillants et que cette loi va résoudre définitivement le problème du logement. (Rires.) Contrairement à ce que dit M. Clerc, il est vrai que nous touchons de l'argent par des surtaxes supplémentaires dans un premier temps et que celles-ci permettent d'indemniser des gens qui sont en loyer libre, mais, dans un deuxième temps, les personnes ainsi surtaxées ne resteront pas dans ces HLM, ce qui permettra à d'autres personnes, qui sont en loyers libres et qui n'en ont pas les moyens, de disposer de ces logements qui sont construits pour eux. Quoi de plus logique, quoi de plus social ? Cette loi, je le répète, est bonne, mais je comprends très bien qu'elle vous ennuie énormément ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce rapport en commission est rejetée.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat pour complément d'informations est rejetée.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.