République et canton de Genève

Grand Conseil

No 2

Jeudi 27 janvier 1994,

nuit

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 21 h.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Chevalley, Henri Duvillard, David Revaclier et Micheline Spoerri, députés.

E 714-1
3. Prestation de serment de M. Roland Haeberli , élu juge assesseur (représentant les locataires) au Tribunal des baux et loyers. (Entrée en fonctions : 1er février 1994). ( ) E714-1
 Mémorial 1994 : Election, 29.

M. Roland Haeberli est assermenté. (Applaudissements.)

 

E 715-1
4. Prestation de serment de Mme Christine Junod, élue juge d'instruction. (Entrée en fonctions immédiate). ( ) E715-1
 Mémorial 1994 : Election, 29.

Mme Christine Junod est assermentée. (Applaudissements.) 

5. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Le président. Les projets de lois suivants sont déclarés caducs :

PL 5606
de MM. Alain Peyrot, Claude Fischer, Arnold Schlaepfer et Dominique Ducret modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la Ville de Genève (création d'une zone protégée). ( ) PL5606
PL 5751
de M. Arnold Schlaepfer modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 1) (imposition des mariés). ( )  PL5751
PL 6315
de M. Paul Passer modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 1) (déduction pour contribuables âgés de plus de 60 ans). ( )  PL6315
PL 6432
de M. Raoul Baehler et Mme Jacqueline Jacquiard modifiant le régime des zones de construction dans la commune de Pregny-Chambésy, chemin de l'Impératrice. ( )   PL6432
PL 6524
de Mme Jeanine Bobillier et M. André Vial modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 1). ( )  PL6524
PL 6988
de M. Raoul Baehler modifiant la loi générale sur les contributions publiques (droit des pauvres) (D 3 1). ( )  PL6988

D'autre part, la commission des finances propose de renvoyer à la commission de l'enseignement le projet de loi 6599 instituant un office cantonal de la culture.

Il en sera fait ainsi.

b) de propositions de motions;

Le président. Les propositions de motions suivantes sont déclarées caduques :

M 91
de Mme Anni Stroumza et M. Bernard Ziegler concernant la révision du système d'imposition actuelle du revenu et de la fortune des personnes physiques. ( )  M91
M 474
de M. Paul Passer concernant la loi sur les impôts sur bénéfices et gains immobiliers. ( )  M474
M 660
de M. Philippe Joye concernant les zones industrielles. ( )  M660
M 679
de MM. André November, Robert Cramer, Yves Meylan et Jacques-André Schneider concernant l'information sur le plan d'aménagement du périmètre de Sécheron. ( )  M679
M 742
de M. Charles Bosson demandant une déduction fiscale forfaitaire pour handicapé en fauteuil roulant. ( )  M742
M 765
de M. Denis Menoud : pour plus d'équité fiscale. ( )  M765
M 782
de M. Denis Menoud concernant le besoin de plans financiers pour chaque construction. ( )  M782

D'autre part, la proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 893
de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey (S), Fabienne Bugnon (E), Christian Ferrazino (AG), Luc Gilly (AG), Pierre-Alain Champod (S) et Dominique Hausser (S) concernant la taxe militaire. ( )  M893

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

M. Jean Montessuit(PDC). Je reprends à mon compte la motion suivante :

M 153
de MM. Jean-Philippe Maitre, Dominique Ducret et Bernard Dupont concernant l'instauration dans la loi fiscale d'un barème unique avec coefficient familial. ( )   M153

Le président. Il en est pris bonne note.

c) de propositions de résolutions;

Le président. La proposition de résolution suivante est déclarée caduque :

R 259
de M. Paul Passer concernant les chômeurs et les transports publics. ( )  R259

Par ailleurs, la proposition de résolution suivante est parvenue à la présidence :

R 268
de Mmes et MM. Christian Ferrazino (AG), Erica Deuber-Pauli (AG), Fabienne Bugnon (E), Andreas Saurer (E), Roger Beer (R), Claire Torracinta-Pache (S), Elisabeth Reusse-Decrey (S), Bénédict Fontanet (DC), Jean Montessuit (DC), Claude Basset (L) et Henri Gougler (L) concernant l'assassinat de Kassem Radjavi. ( )  R268

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

P 993-A
6. a) Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition concernant le projet de schéma directeur du quartier «La Forêt» et projets de plans localisés de quartier nos 28405-212 et 28437-212. ( -)P993
Rapport de M. Laurent Rebeaud (E), commission d'aménagement du canton
M 891
b) Proposition de motion de Mme et MM. Laurent Rebeaud, Sylvie Châtelain, Bernard Lescaze et Christian Ferrazino concernant la participation des habitants en matière d'aménagement du territoire, notamment dans le cas des quartiers du «Mervelet» et de «La Forêt». ( )M891

La commission de l'aménagement a entendu les auteurs de la pétition concernant le projet de schéma directeur de quartier «La Forêt» le 15 décembre 1993. Elle a également reçu Mme Burnand, conseillère administrative de la Ville en charge de ce dossier. Elle en a délibéré lors de sa séance du 22 décembre 1993, et vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Cette décision a été prise par 13 voix sans opposition, avec deux abstentions (AdG).

Les pétitionnaires ont souhaité s'adresser au Grand Conseil, car ils estiment que les autorités compétentes de la Ville de Genève ne les ont pas correctement consultés.

Les pétitionnaires, habitants du quartier «La Forêt», remettent en cause les projets de densification de leur quartier tels qu'ils apparaissent dans le schéma directeur du quartier et dans les plans localisés de quartier qui lui sont subordonnés. Ils aimeraient une densification plus douce, permettant de conserver la plupart des villas existantes en intercalant de nouveaux immeubles au gré des possibilités offertes par la structure parcellaire. Ils présentent une esquisse de plan et demandent un délai de six mois pour préparer un contreprojet au schéma directeur du quartier.

Le quartier «La Forêt» se trouve en 3e zone de développement. L'esquisse présentée par les pétitionnaires correspond à une densité de 0,8. Le projet officiel prévoit une densité supérieure à 1,2.

Après un examen détaillé des critiques et des objections formulées par les pétitionnaires et des précisions fournies par Mme Burnand et ses services, la commission de l'aménagement constate que la Ville de Genève a suivi correctement toutes les procédures et respecté toutes ses obligations en matière d'information des habitants. Elle estime que la densité prévue par le projet officiel correspond à la vocation de la zone de développement et aux contraintes du quartier. La densité de 0,8 prévue par l'esquisse des pétitionnaires conduirait à des loyers trop élevés pour les logements à construire.

Dans ces conditions, la commission estime inutile de demander un délai de six mois pour permettre aux pétitionnaires d'affiner leur contreprojet. Ce seraient six mois perdus, puisque deux plans localisés de quartier, dans le périmètre «La Forêt», sont prêts pour une réalisation rapide de logements. Plusieurs membres de la commission ont fait par ailleurs remarquer qu'un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat risquerait de créer un fâcheux précédent, dans le sens où cela reviendrait à créer une sorte de voie de recours supplémentaire par voie de pétition, après épuisement de toutes les procédures - déjà nombreuses - prévues par la loi.

La commission a donc renoncé à transmettre cette pétition au Conseil d'Etat, indiquant par là que les principales revendications qu'elle contient ne lui semblent pas recevables. Elle constate toutefois, entre les pétitionnaires et les autorités municipales, une série de malentendus donnant à penser que la consultation des habitants du quartier n'a pas été suffisante. Les pétitionnaires se plaignent amèrement de n'avoir pas été suffisamment entendus. Mme Burnand elle-même admet que l'information n'a pas circulé de manière satisfaisante. Ces insuffisances pourraient déboucher sur un processus conflictuel opposant les autorités de la Ville aux habitants du quartier, d'autant plus qu'une situation semblable se retrouve dans le quartier «Mervelet», adjacent à celui de «La Forêt». Un plan localisé de quartier du «Mervelet» fait d'ailleurs l'objet d'une demande de référendum.

Les désirs des habitants du quartier «La Forêt» ne sont pas uniformes, ni unanimes. Certains habitants aimeraient que le quartier change le moins possible, d'autres sont ouverts à une densification. Plusieurs habitants ont été choqués à la vue de dessins représentant les futurs immeubles à construire dans leur quartier, cubes sans grâce, d'aspect massif et monotone.

Il reste certainement un espace de dialogue avec les habitants, portant sur la forme des bâtiments à construire et sur les moyens de rendre le nouveau quartier plus humain et convivial que ne le laissent apparaître les premières esquisses. Même une densité de 1,2 permet une architecture de qualité, respectant les dimensions humaines et l'esprit d'un quartier - fût-il un ancien quartier de villas. Les autorités concernées devraient donc tout mettre en oeuvre, même s'il n'est pas donné formellement suite à cette pétition, pour organiser le dialogue avec les actuels habitants du quartier en sorte que leurs désirs et leurs suggestions concernant les nouveaux immeubles puissent être pris en compte en temps utile.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Dépôt : 27 avril 1993

P 993

PÉTITION

concernant le projet de schéma directeur de quartier«La Forêt»et projets de plans localisés de quartierNos 28405-212 et 28437-212

Nous vous prions de trouver ci-joint pour information une copie de la pétition signée du 20 au 26 avril 1993, par 277 habitants représentant l'ensemble du secteur de «La Forêt», pétition que nous adressons au Grand Conseil au sujet de la mise à l'enquête de futurs projets de construction (cités sous rubrique).

Nous procédons ainsi parce que nous souhaitons attirer l'attention des conseillers municipaux sur notre déception face à la procédure de consultation proposée aux habitants, autant en ce qui concerne le projet de schéma directeur et la mise à l'enquête simultanée de plans localisés de quartier, que pour ce qui est du protocole et du déroulement de notre audition à la commission d'aménagement.

Il nous paraît que la mise à l'enquête simultanée d'un schéma directeur et de plans localisés de quartier, qui sont des copies conformes de ce schéma, contredit le ton conciliant des organisateurs du projet, présentant celui-ci comme «image du possible» à réaliser dans 20 à 50 ans.

Nous avons même la désagréable impression que si vraiment, à la demande des habitants, rien ne peut être modifié sur les schémas directeurs de quartier : gabarits moins massifs, hauteur plus réduite se mariant mieux aux habitations restantes (c'est ce qui transparaît au paragraphe 3 de la page 4 du rapport de la commission de l'aménagement No 165-A, alors ce schéma directeur n'est rien d'autre qu'un vaste plan localisé de quartier camouflé et sans voie juridique de recours.

En ce qui concerne notre audition à la commission d'aménagement le 2 mars dernier :

Nous avons trouvé disproportionné que la procédure n'accordeà ceux qui se sentent directement concernés qu'une demi-heure d'écoute, limitée à 3 personnes, alors que ce schéma directeur est issu d'une longue et coûteuse élaboration de plusieurs années, sans consultation ni des propriétaires ni des habitants concernés.

De plus, nous sommes déçus du manque de considération et de précision de cette commission vis-à-vis de notre travail (voir àce sujet notre lettre adressée au président du Conseil municipal, M. J.-P. Lyon, du 23 avril 1993). En effet, non seulement nous avons le sentiment que nos propos n'ont pas été écoutés avec toute l'attention que nous avions espérée, mais nous n'avons pas reçu de réponses aux questions que nous avions pris la peine de formuler par écrit.

C'est pourquoi nous nous permettons de reprendre celles-ci à l'intention des conseillers municipaux.

1. Sur quelles bases reposent les prévisions de la Ville concernant les schémas directeurs de «La Forêt» et du «Mervelet» ?

2. Face à l'Europe, à l'extension du Marché commun et au futur décloisonnement des régions, quelles sont les perspectives de la Ville de Genève en matière d'urbanisation ? Il nous semble nécessaire qu'une réévaluation sérieuse soit entreprise, afin d'éviter un bétonnage excessif et irréversible. Les dernières prévisions des sociologues ne vont-elles pas dans le sens d'une stabilisation de la population de Genève ?

3. Nos préoccupations vont aussi vers le secteur de la circulation qui est loin d'être réglé en ce qui concerne le bas du secteur «Forêt». Aucune des promesses qui nous avaient été faites concernant ce point délicat n'a été tenue. Au contraire, il nous semble que les derniers aménagements de la rue de la Servette n'ont fait qu'aggraver le fameux bouchon qui s'étend maintenant au-delà du carrefour de la Servette, le long de la route de Meyrin et des rues Hoffmann et Pestalozzi, et touche notre secteur. Or, en reprenant vos prévisions, 5'000 voitures devraient trouver d'ici une vingtaine d'années le droit de circuler ? Une étude d'impact a-t-elle été entreprise concernant la circulation et ses nuisances ?

4. Enfin, concernant l'annonce d'un futur métro à Genève, dont la presse s'est fait l'écho, nous aimerions savoir en quoi ce projet consiste et surtout si l'on a tenu compte des inconvénients majeurs que cela impliquera sur l'environnement immédiat de la route de Meyrin déjà baptisée artère à hautes nuisances ?

Nous tenons à réitérer ici que notre Association, dès sa création, s'est affichée comme souhaitant un habitat de qualité plutôt que de quantité. Nous n'avons jamais été contre toute construction et notre sens de l'équité ne nous poussera jamais dans ces extrêmes. De même, nous ne nions pas l'existence de besoins d'appartements, mais nous estimons qu'avant de bétonner à outrance le sol, d'autres moyens sont possibles pour remettre un certain nombre de logements sur le marché. La commission d'aménagement n'étant pas entrée en matière là-dessus, nous reformulons à l'attention des conseillers municipaux les trois points auxquels nous souhaitons que la Ville trouve des solutions avant d'adopter les schémas directeurs :

 a) favoriser le relogement des personnes âgées dont les enfants les ont quittés et qui occupent seules de grands appartements bon marché faute de trouver de plus petits appartements à prix équivalent ;

 b) face à la crise conjoncturelle, examiner la possibilité de transformer les surfaces commerciales vides en ville pour les convertir en appartements ;

 c) freiner la construction de logements luxueux utilisant du terrain public qui ne profite pas à ceux qui ont réelle-ment besoin d'appartement et adopter une politique ferme pour que les logements vides à Genève soient tous utilisés (dont plusieurs dans le quartier, entre autres l'immeuble No 1-3, rue Gilbert-Trolliet (le Petit-Crêt).

C'est cette absence de réaction de la part de la commission de l'aménagement qui nous a amenés à adresser au Grand Conseil la pétition ci-jointe, car nous réitérons que les habitants du quartier souhaitent un habitat mixte où se côtoient harmonieusement des villas et de petits immeubles, afin que, d'une part, chacun puisse trouver en ville l'habitat qu'il souhaite pour lui en ville (voir l'avant-dernier paragraphe de la pétition) et d'autre part pour conserver harmonieusement les sites historiques du quartier. Ces conditions réunies permettraient de continuer à donner sens à l'appellation «La Forêt».

Il nous semble que, au lieu de modifier à nouveau ce schéma directeur par rapport aux nouvelles contraintes (celles, entre autres, signalées dans cette lettre), des solutions différentes devraient être trouvées par la Ville de Genève, par exemple celle d'organiser un concours. Celui-ci permettrait d'envisager d'autres perspectives. Dans ce sens, nous demandons aux conseillers municipaux d'examiner la possibilité d'un tel concours comprenant le domaine de «La Forêt» et celui du «Mervelet».

N.B. : 277 signatures

Association «Forêt Chabrey»P/A Mme M. Aubert

12, rue Chabrey

1202 Genève

M 891

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'article 4 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, qui prévoit l'obligation, pour les autorités, de faire participer la population «de manière adéquate» à l'établissement des plans d'aménagement,

- les insuffisances constatées dans ce domaine lors de l'établissements des schémas directeurs et de plans localisés de quartier dans les quartiers de «La Forêt» et du «Mervelet» en Ville de Genève,

- les remarques formulées à ce sujet par la commission de l'aménagement du canton dans son rapport sur la pétition de l'Association «Forêt Chabrey» (P 993-A),

invite le Conseil d'Etat

- à analyser les causes et les effets des insuffisances de la participation de la population dans le cas des quartiers de «La Forêt» et du «Mervelet»,

- à préciser sur quels points, et auprès de quels interlocuteurs, les habitants de ces quartiers peuvent encore faire valoir leurs aspirations, leurs projets et leurs idées pour l'aménagement d'un habitat humain et convivial,

- à dire ce qu'il compte entreprendre de sa propre autorité ou sous forme de recommandations aux communes, en marge des procédures usuelles, pour améliorer de manière générale la participation des habitants à l'aménagement de leur cadre de vie,

- à présenter au Grand Conseil un rapport sur l'ensemble de ces questions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il ne suffit pas, pour réussir l'aménagement d'un quartier, de suivre correctement les procédures prévues par la loi. Si l'oeuvre des aménagistes s'applique à une zone déjà construite et habitée, la participation des habitants à l'élaboration des nouveaux plans est une condition essentielle du succès. En effet, si les habitants ont le sentiment que les décisions de l'autorité ne sont pas correctement fondées, et que cette autorité veut imposer ses vues contre leur gré, il se développe des malentendus, des conflits et toutes sortes de blocages qui rendent impossible un aménagement harmonieux. Si, au contraire, les habitants participent activement aux réflexions et aux débats sur l'avenir de leur quartier, conflits et blocages peuvent être évités dans la mesure où cette participation a un effet sur les projets d'aménagement et de construction, et permet aux habitants de s'y identifier.

Les quartiers de «La Forêt» et du «Mervelet» ont valeur d'exemples négatifs à cet égard. Malgré le respect formel des procédures légales de la part des autorités municipales, les habitants de ces deux quartiers ne sont pas parvenus à faire reconnaître leurs aspirations et leurs idées. Sans porter de jugement sur la qualité des travaux du Service de l'urbanisme de la Ville de Genève, on constate que ses projets ne portent pas la moindre trace d'une quelconque participation des habitants actuels.

Il n'est pas nécessairement souhaitable que l'autorité cantonale prenne en main l'organisation ou l'animation des habitants. La commune, qui est l'autorité la plus proche, est sans doute mieux placée pour cela. Cependant, le canton détient une responsabilité importante, du fait que c'est lui qui adopte les plans localisés de quartiers et qui délivre les autorisations de construire. Il pourrait inciter les communes à favoriser la participation des habitants et les y aider sous forme de directives ou d'assistance technique, en se réservant de refuser un PLQ pour lequel la participation des habitants aurait été négligée.

Débat

M. Laurent Rebeaud (Ve), rapporteur. Je désire faire deux petites remarques formelles sur le rapport de la commission, dont je suis l'auteur.

Les conclusions de la commission, votées à l'unanimité moins deux abstentions, consistent à déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil. Elles auraient dû figurer à la fin du rapport, mais en réalité elles sont au début. Vous voudrez bien excuser l'innocence du rédacteur qui a pensé qu'il était important de mettre les conclusions du rapport au début.

La commission a délibéré dans sa séance du 22 septembre et vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je désire vous signaler une petite faute de frappe à la page 2 du rapport. Il s'agit des insuffisances de la communication entre les autorités de la Ville de Genève et les habitants du quartier concerné.

En effet, on fait dire au rapport : «Ces insuffisances pourraient découcher sur un processus conflictuel.». (Rires.) Vous aurez rétabli de vous-mêmes, car je ne pense pas que la bouche et la couche représentent la même chose pour vous !

Une voix. C'est très complémentaire !

M. Laurent Rebeaud, rapporteur. C'est très complémentaire, mais pas identique. Il faut donc lire : «Cela pouvait déboucher sur une situation conflictuelle.».

Je vous rends attentifs au fait que, dans les développements du rapport de la commission, l'insuffisance de la communication ainsi que la non-participation des habitants dans cette affaire ont été admises par l'autorité municipale en la personne de Mme Burnand, représentante de l'autorité de la Ville de Genève.

En prolongement de ce rapport, j'ai déposé une motion dont vous avez reçu le texte cet après-midi. Je vous en fais part. Elle concerne le fait que la pétition est déposée à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil. Elle n'est donc pas classée. Pour donner un minimum de substance aux considérations contenues dans ce rapport, j'ai éprouvé le besoin de rédiger une motion adressée au Conseil d'Etat pour lui demander de prendre un peu de temps pour analyser la manière avec laquelle les relations entre les habitants du quartier de «La Forêt», auteurs de la pétition, et les autorités de la Ville de Genève se sont établies.

Cette motion invite le Conseil d'Etat à analyser les causes et les effets des insuffisances de la participation de la population dans le cas considéré, et également dans celui du «Mervelet» qui est le quartier adjacent. Cette motion ne rend pas justice à toutes les revendications des habitants du quartier puisque nous avons accepté qu'elle ne soit pas renvoyée telle quelle au Conseil d'Etat. Toutefois, elle met l'accent sur le besoin d'une concertation de meilleure qualité entre les habitants d'un quartier, qui est l'objet d'un plan localisé d'aménagement et de projets de construction, et les autorités chargées de permettre les constructions projetées.

Il n'y a aucune raison d'entrer dans le détail. C'est vraiment une question de principe. La loi fédérale sur l'aménagement du territoire donne le devoir aux autorités - dans le canton de Genève, il s'agit du Conseil d'Etat - de faire en sorte que les habitants concernés par un plan d'aménagement soient amenés à participer à l'élaboration de ce dernier. A l'évidence, en consultant les documents fournis par la Ville de Genève et en écoutant les arguments des habitants, nous avons pu constater que cette participation n'a pas eu lieu. Il y a eu une information formelle mais pas de participation.

La motion demande au Conseil d'Etat de s'intéresser à cette question de manière particulière en ce qui concerne «La Forêt» et le «Mervelet», et d'une manière générale pour les cas qui suivront.

J'aurais été très court en présentant cette motion si on en avait parlé cet après-midi. En effet, le chef du département concerné avait l'air d'accord de l'accepter, mais, dans l'intervalle, il a réfléchi et il semble qu'il n'ait plus le même avis. Je le regrette, car nous avons affaire ici à un des problèmes centraux qui occuperont les gazettes et les politiciens ces prochaines années.

Vous savez très bien que, si l'autorité impose un plan de quartier ou d'aménagement à une population plus ou moins organisée qui n'en veut pas, elle crée des situations de conflit qui peuvent durer très longtemps. On se souvient de l'histoire du quartier des «Grottes» à Genève qui a duré au moins vingt ans. Nous avons sur les bancs du Conseil d'Etat une personne qui était à l'époque aux commandes de la Ville de Genève et qui sait à quel point la procédure a été longue.

Cette motion ne propose pas d'introduire un nouveau droit de recours. L'une des raisons qui ont poussé la commission à renoncer à transmettre la pétition telle quelle au Conseil d'Etat était d'éviter la création d'un précédent laissant à penser que, en plus des possibilités existantes, on pourrait créer de nouvelles voies de recours et d'adaptation des procédures par le biais de la pétition auprès du Grand Conseil.

Il s'agit, en marge des procédures prévues, de faire en sorte qu'une concertation entre les habitants et l'autorité compétente aboutisse à des décisions acceptables par tout le monde pour qu'on puisse faire l'économie de procédures supplémentaires qui allongent inutilement les débats et rendent parfois les décisions impossibles.

Je ne relirai pas tout l'exposé des motifs, car vous l'avez sous les yeux. J'espère simplement que, par esprit de concertation et pour éviter que les rapports de force ne se durcissent aussi bien en ville que dans le canton, vous accepterez cette motion de manière que le Conseil d'Etat nouvellement élu ait en main tous les instruments et toutes les instructions nécessaires pour liquider des conflits à l'amiable et dans la concertation.

M. John Dupraz (R). Cette pétition a fait l'objet d'un long débat en commission d'aménagement du canton. Je pensais que la commission ainsi que le rapporteur avaient bien compris que, par cette pétition, les personnes concernées par ce plan localisé de quartier dans le secteur de «La Forêt» cherchaient à modifier ce qui était issu d'une procédure légale et régulièrement suivie.

Par cette motion, on donne raison aux pétitionnaires en émettant un doute sur la concertation qui n'aurait pas été suffisante entre les habitants du quartier et les autorités communales, voire cantonales.

Cette démarche m'étonne un peu, car la procédure d'adoption d'un plan localisé de quartier est très rigoureuse et les gens concernés ont l'occasion de s'exprimer au cours de deux enquêtes publiques. Il est un peu facile aujourd'hui de demander d'intensifier la concertation.

C'est un vieux débat qui revient chaque fois que l'on modifie l'image d'un quartier - et ce n'est pas M. Grobet qui me contredira - les gens qui l'habitent s'y opposent systématiquement. La population genevoise a cette attitude constante et hyperconservatrice.

Je demande à ce Grand Conseil de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement et de ne pas accepter cette motion, car je crois que la concertation est largement suffisante dans notre canton.

M. René Koechlin (L). M. Rebeaud essaie de réhabiliter la pétition que la commission a décidé de déposer sur le bureau de ce Grand Conseil. L'enfer est pavé de bonnes intentions, Monsieur, et, dans le cas du quartier de «La Forêt», il n'est pas apparu que les habitants n'avaient pas eu l'occasion de manifester leur opinion. On a plutôt constaté une tentative de la part de certains habitants de villas de faire échouer un projet de logements qui les dérangeait, un point c'est tout.

En l'occurrence, je ne suis pas sûr que la concertation ait fait défaut. La pétition est plutôt la manifestation du cynisme des habitants qui n'ont pas accepté que leur «hyperconservatisme» demeure sans échos. C'est pourquoi, comme le disait M. Dupraz, je propose que nous n'acceptions pas cette motion et que nous déposions la pétition sur le bureau du Grand Conseil, comme le recommandent les conclusions du rapporteur.

M. Chaïm Nissim (Ve). Durant les huit années pendant lesquelles j'ai travaillé avec vous - même s'il y a eu de grosses interruptions - j'ai très souvent entendu MM. Dupraz, Grobet ou Blanc, nos trois experts en aménagement du territoire...

Une voix. Merci pour les fleurs !

M. Chaïm Nissim. ...se plaindre de l'égoïsme des habitants des villas.

C'est la première fois que l'on parle du quartier de «La Forêt», mais il y a eu d'autres cas auparavant. Ce discours est toujours le même : «Ces gens veulent garder leur petit quartier arborisé, leurs maisons basses. Ils sont égoïstes, car l'intérêt général veut que l'on développe ce canton. Il faut bien construire quelque part. Alors, construisons la ville en ville et un nouveau quartier sera construit demain dans ce quartier de villas.».

On entend ce discours depuis huit ans. Les gens des villas, à part l'opposition, ont d'autres possibilités que le débat de ce soir pour s'opposer à ce genre de construction. Etant propriétaires, ils ont les moyens de faire traîner les procédures.

Vos barres grises standardisées, vingt et un mètres à la corniche, vos carrés avec de jolies barres parallèles et rectangulaires, bref, l'urbanisme que j'ai nommé : «à la Grobet» (Rires.) n'a pas triomphé, car les habitants s'y sont opposés. En effet, ils avaient une vision plus proche de leurs buissons et des hérissons qui les habitent. (Rires.)

Sans être de grands experts en aménagement du territoire, nous étions quelques-uns dans ce Grand Conseil à défendre la vision «au ras de la terre» de leur quartier. En zone de développement 3 - MM. Dupraz et Grobet ont raison - le standard représente une densité de 1,2. Mais, au-delà de ces arguments légaux, nous comprenons avec notre coeur les gens de ce quartier et la vie des hérissons. En effet, les buissons dont j'ai parlé existent et ont une valeur pour nous.

Si l'on pouvait arriver à une véritable concertation - non pas «bidon» comme celle faite par Mme Burnand - avec les habitants afin qu'ils soient d'accord de s'installer dans des coopératives d'habitation, de démolir petit à petit leurs villas et de laisser construire des immeubles beaucoup plus bas, par exemple de deux ou trois étages, on pourrait construire plus rapidement des quartiers plus petits et plus conviviaux.

Le plan localisé du quartier de «La Forêt», accepté par la Ville de Genève, prévoit une augmentation de 5 000 habitants. Cela signifie qu'il y aura 5 000 voitures supplémentaires dans ce quartier de «La Forêt» qui, aujourd'hui, est un quartier de petites maisons.

Si vous acceptez la motion proposée par mon camarade Rebeaud, vous acceptez une véritable concertation. On construira peut-être plus bas mais beaucoup plus vite. Au total, la ville sera plus amusante et plus conviviale. Je vous propose d'accepter cette motion et, par conséquent, des maison plus basses mais construites tout de suite, ainsi qu'une densité quelque peu inférieure à celle prévue par la norme légale.

M. Pierre Meyll (AdG). Les circonstances m'ont malheureusement empêché de joindre un rapport de minorité à celui de la majorité.

Je dois dire que la motion proposée abonde dans le sens du rapport de minorité que j'aurais pu fournir. Nous nous sommes abstenus, mes collègues et moi-même, sur cette pétition, car nous aurions souhaité qu'elle aboutisse sur le bureau du Conseil d'Etat afin que ce dernier puisse faire appliquer et rappeler aux communes que l'article 4 de la loi fédérale, cité en en-tête de la motion, doit être appliqué avec rigueur.

Lorsque l'on parle du plan localisé de quartier dans certaines communes, et notamment dans la mienne, des contestations apparaissent, des problèmes surgissent.

Les gens ont été renseignés de manière tout à fait correcte, mais peut-être n'ont-ils pas compris tout le processus qu'il convenait de suivre. Ainsi, ils ont le sentiment parfois à tort d'avoir été lésés.

En ce qui concerne le quartier de «La Forêt», il faut reconsidérer une certaine philosophie se rapportant à l'urbanisme. Il ne s'agit pas de défendre les intérêts de petits propriétaires lésés par la construction d'immeubles. Mais en tout cas je ne pense pas qu'il soit de bon aloi de parler d'égoïsme.

Dans une séance de commission, nous avons reçu un groupe de personnes soutenant cette pétition. Dans ce groupe, des représentants du logement associatif étaient présents. Cela me fait penser au Graal. Oh ! il ne s'agit pas de sa découverte, ni de la philosophie s'y rapportant, mais, tout de même, ces gens envisagent le logement et l'urbanisme d'une façon différente.

L'effort d'information qu'a fait la Ville de Genève est méritoire comme le montre la luxueuse plaquette éditée à ce propos et qui présente ce projet sous son aspect le plus satisfaisant. Mais, s'il remplit les conditions attendues concernant une densité de 1,2, il faudra, pour des raisons économiques, que cette parcelle soit équipée de logements sociaux et d'écoles.

Mais si le niveau de densité prévu par le plan n'est pas atteint, l'école devra être construite de l'autre côté de la route de Meyrin. Or cela posera d'innombrables problèmes lorsqu'il faudra envoyer les enfants à l'école. A ce moment, il y aura des contestations. Mais le plan de quartier, tel qu'il est présenté, recueille toute notre faveur en ce qui concerne l'équipement social qui en résultera.

Nous désirons que le Conseil d'Etat attire l'attention des communes sur l'application de la loi fédérale de telle sorte que ce genre de contestations n'existe plus et qu'on associe les gens au projet, c'est-à-dire ceux qui veulent des logements différents de ce que l'on avait prévu jusqu'à aujourd'hui. La plupart du temps, il s'agit de jeunes gens et cela vaut la peine de les écouter. Nous en tirerons tous un profit.

Les propriétaires de villas sont-ils des égoïstes ? Peut-être, mais il faut admettre que le terrain - que vous le vouliez ou non - appartient à ceux qui l'ont acheté et que la ville appartient à ceux qui y travaillent, y paient des impôts et y apportent des avantages économiques.

Afin de vous faire une idée sur le groupement associatif et sur ses projets, je vous propose de participer aux débats qui auront lieu à l'université, le vendredi 4, je crois. Ainsi, vous pourrez apprécier par vous-mêmes ce que veulent ces jeunes gens, ce qu'est une véritable concertation, afin de pouvoir régler plus facilement les éventuels problèmes qui surgiront à l'avenir.

M. Bernard Annen (L). Je ferai deux remarques, l'une sur la forme et l'autre sur le fond.

Concernant la forme, j'ai souvent remarqué que sur ces bancs, et particulièrement sur ceux qui me font face, telle ou telle personne réagissait lorsqu'elle se trouvait directement concernée par le sujet traité. (Réactions diverses.) On l'a vu tout à l'heure ! A part cela, je suis étonné que l'un des signataires de cette motion soit copropriétaire dans cette affaire.

Ma remarque sur le fond concerne la page 2 du rapport où il est dit que la commission a renoncé à transmettre cette pétition au Conseil d'Etat indiquant ainsi que les principales revendications qu'elle contient ne semblent pas recevables. A la page 2, toujours, il est dit que le Conseil d'Etat risquerait de créer un fâcheux précédent en créant une sorte de voie de recours. Voilà l'un des éléments qui ont entraîné le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Que dit la motion dans sa deuxième invite ? Elle invite le Conseil d'Etat à préciser sur quel point et auprès de quels interlocuteurs les habitants de ce quartier peuvent encore faire valoir leurs aspirations. Autrement dit, leurs droits. Quelles sont encore les voies de recours ?

Cela est contradictoire avec votre rapport qui, lui, Monsieur Rebeaud, me semblait être tout à fait juste. Or il semble que vous n'ayez pas obtenu l'accord d'un certain nombre de personnes. Dans cette affaire, le fait que l'on contourne les conclusions de cette pétition en déposant une motion sur nos bancs est gênant.

Pour ces deux raisons, notre groupe accepte les conclusions de la pétition et vous propose de rejeter la motion.

Mme Martine Roset (PDC). Lorsque je relis cette pétition, je constate en première page qu'elle a été signée par 277 habitants représentant l'ensemble du secteur de «La Forêt». Bien entendu, elle ne dit pas que tous les habitants de «La Forêt» l'ont signée, car, en effet, ces 277 personnes ne représentent pas l'ensemble des habitants de cette région.

Une minorité de cette population estime, à juste titre peut-être, avoir été mal informée et - je le signale aussi car on l'a peu relevé - elle souligne aussi dans sa pétition, ce qui est d'ailleurs l'un de ses principaux arguments, que la commission d'aménagement du Municipal l'a mal entendue. A mon avis, cela n'est pas de notre ressort.

Je trouve injuste de promulguer une politique qui risque de se généraliser aux seules fins d'une minorité, car le risque de cette pétition est que cette manière de faire se généralise pour tous les problèmes du genre qui surgiront à l'avenir, comme par exemple le versant sud d'Onex qui rencontre le même problème.

Mon groupe et moi-même ne sommes pas d'accord d'entrer dans ce système demandant que l'on fasse un règlement ou que l'on donne une marche à suivre pour un minimum de personnes. Pour cette raison, il suivra le dépôt de la pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil et rejettera cette motion.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je regrette que certains intervenants n'aient pas pris soin de lire cette motion. Il est vrai qu'elle a été déposée un peu tardivement. Mais, Monsieur Annen, vous ne l'avez manifestement pas lue. En effet, cette motion ne pose pas le problème de l'urbanisation de «La Forêt», contrairement à ce qu'a dit Chaïm Nissim et qui vous a peut-être induit en erreur dans votre subséquente intervention.

Elle pose le seul problème de la concertation des habitants dans le cadre de l'aménagement de leur quartier. C'est sur cela que vous vous prononcerez. Autant on peut comprendre que la commission n'ait pas donné suite à la pétition qui, elle, remettait en cause le projet d'urbanisation du quartier, autant il est difficile de comprendre que le Grand Conseil n'accepte pas cette proposition de motion qui, elle, ne fait que mettre l'accent, Monsieur Dupraz, sur la nécessité d'associer les habitants à l'aménagement de leur quartier. Alors, distinguez ! Vous vous touchez la tête, Monsieur Dupraz ! Mais il vaut mieux la faire travailler ! (Rires.)

M. John Dupraz. Et alors ? (M. John Dupraz secoue la tête d'un air désolé.)

M. Christian Ferrazino. Ecoutez-moi, vous me répondrez ensuite, Monsieur Dupraz ! Distinguez deux notions qui semblent être pour vous les mêmes mais qui ont des contenus tout à fait différents. D'une part, l'information et, d'autre part, la concertation. Vous demandez ce que c'est ? Eh bien, vous démontrez par là qu'effectivement vous ne les connaissez pas très bien !

L'information, la Ville de Genève l'a très bien faite - mon ami Meyll l'a rappelé tout à l'heure - en rédigeant une très belle et luxueuse brochure. Mais le fait est que peu de gens l'ont lue. La concertation est une autre notion, Monsieur Dupraz, quelque peu différente. Elle permet d'associer les gens que l'on veut informer en leur demandant ce qu'ils pensent de cette information, s'ils ont des observations à faire et, le cas échéant, d'en tenir compte pour l'urbanisation du quartier où ils habitent.

Dans le cas présent, l'information a été parfaite et en cela on peut rendre hommage à la Ville de Genève. Par contre, je crois que Mme Burnand l'a reconnu elle-même et ceci est relevé dans le cadre du rapport de la commission de l'aménagement, la concertation n'a pas été faite à satisfaction.

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de sanctionner tel ou tel comportement mais de se rappeler que la plupart des terrains constructibles de la Ville de Genève se situent en zone 3 B. Le problème qui se pose avec «La Forêt» se posera avec d'autres quartiers que la Ville de Genève va devoir urbaniser. Par exemple, cela se posera pour le «Mervelet», puisqu'il y a eu un référendum.

Alors, si chaque fois que l'on fait un plan localisé de quartier il doit être suivi d'un référendum, on peut continuer ainsi en faisant une très belle information qui passe au-dessus de la tête de tout le monde, sans concertation. Ainsi, les habitants lancent un référendum qui, en l'occurrence, a abouti pour le «Mervelet».

D'autres problèmes liés à l'urbanisation de ces quartiers ressurgiront. Cette motion demande simplement d'associer les habitants à l'urbanisation de leur quartier. A ce propos, il faut savoir si l'on souhaite continuer à écarter les habitants des discussions se rapportant aux schémas directeurs et aux plans localisés de quartier ou si l'on est conscient de la nécessité de les associer à la discussion et à l'élaboration de ces derniers afin d'éviter des référendums. Voilà pourquoi nous soutenons cette proposition de motion.

M. Michel Ducret (R). Je répondrai directement à M. Ferrazino en lui donnant raison et en lui disant qu'à Genève on a trop tendance, depuis de nombreuses années, à confondre information et concertation. On n'a pas pu mettre en place beaucoup de vraies structures de concertation. C'est tellement vrai que je me demande même si la motion est bien nécessaire pour évoluer.

Enfin, je crois que, vu les changements, on arrivera peut-être à une réelle concertation...

Une voix. Quels changements ?

M. Michel Ducret. C'est piquant lorsque cela vient de M. Ferrazino qui mijote dans sa marmite avec d'autres légumes formant le même potage de gens qui n'ont pas su faire de concertation à Genève.

C'est vrai, Monsieur Ferrazino, les responsables à la Ville de Genève ont confirmé le doute concernant la qualité de cette concertation. Ils pensent qu'ils auraient dû mieux faire en général, et ils le feront d'ailleurs. Ils y seront obligés puisque, comme vous l'avez relevé, on votera sur le plan directeur du «Mervelet». Voici une question pour le Conseil d'Etat. Quand votera-t-on sur ce sujet ?

Mais il s'avère aussi que l'image du possible donnée par la Ville de Genève ne correspond pas forcément au contenu de ce qu'elle a voulu fixer dans le cadre de ses compétences légales. Je dois dire qu'en reprenant le texte du rapporteur qui parle de petits cubes monotones, sans grâce et d'aspect massif, la Ville de Genève n'avait pas fixé cela dans son schéma d'aménagement. Elle n'a pas voté cela.

Il s'agit de fixer des données telles que les axes de développement de la circulation, et surtout, le point le plus important pour une commune, soit la zone d'emplacement pour les équipements publics et les écoles. Sans doute connaissez-vous les problèmes liés à la recherche de ces espaces urbains pour la construction d'équipements publics ?

En réalité, seuls les plans localisés de quartier fixent vraiment les bâtiments. Quant à la vision du village d'Hänzel et Gretel de M. Nissim, si elle est séduisante pour certains, elle est malheureusement aussi peu réaliste financièrement que le préopinant est impayable. Malheureusement, l'urbanisme de décroissance qu'il prône a un prix. C'est celui des 20 000 chômeurs à Genève et autant de travailleurs étrangers et frontaliers qui ne sont plus là. Cela est aussi une réalité.

Toutefois, eu égard à l'engagement des pétitionnaires qui ont travaillé pour leur pétition et aux leçons à retenir en matière de procédure d'aménagement et d'information, la commission a, dans sa sagesse, préféré déposer sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement cette pétition qui aurait dû être mise à la poubelle, car elle ne méritait guère mieux.

Une voix. Mais c'est la même chose !

M. Michel Ducret. Non, on dit précisément dans le rapport qu'il faut créer cette réflexion sur la concertation. Réfléchissez à ce qui est très important ! Si vous continuer dans cette direction, vous remettez en cause les bases même de l'aménagement du territoire qui viennent d'être approuvées par ce Grand Conseil. Le Conseil fédéral a même donné son aval. On peut sans cesse tout recommencer à zéro, mais il faut tout de même savoir prendre une direction et fixer une bonne fois pour toutes ce que l'on veut dans ce canton, sinon on peut palabrer pendant des années sans avancer d'un pouce.

C'est dans cet esprit que notre groupe appuiera la position de la commission. Il y a assez dans cette attitude pour donner aux autorités responsables, qu'elles soient cantonales ou municipales, matière à réflexion sur la qualité de la concertation et pour refuser la motion qui ne fera que charger le bateau d'un rapport supplémentaire qui ne débouchera sur rien de concret.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je suis malheureusement obligée de reconnaître mon accord avec M. Dupraz, j'en suis désolée...

M. John Dupraz. C'est très bien pour vous, c'est un signe d'intelligence !

Mme Liliane Maury Pasquier. ...lorsqu'il dit que les gens sont égoïstes et que c'est en conséquence de ce fait qu'ils réagissent dès que l'on propose de changer quoi que ce soit à leur quartier ou à leur entourage.

Mais ceci ne nous autorise pas à dire - vous pouvez lire le rapport de M. Rebeaud à ce sujet - que la concertation a fabuleusement bien marché dans l'histoire du quartier de «La Forêt». Mme Burnand a elle-même reconnu devant la commission que les choses ne s'étaient pas passées de manière satisfaisante.

Régulièrement, vous opposez la motion et le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Personnellement, j'ai voté en commission pour le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil parce que je pense que le plan d'aménagement tel qu'il a été prévu par la Ville de Genève est satisfaisant. Toutefois, je soutiendrai la proposition de motion qui ne me paraît pas du tout contradictoire et qui pourrait permettre à l'avenir de gérer un petit peu mieux ce genre de problèmes.

M. Hervé Dessimoz (R). Je prends la parole en tant que président de la commission de l'aménagement pour vous dire mon étonnement quant à la qualification que l'on donne au terme de concertation dans ce débat.

La concertation signifie-t-elle réussir à faire un plan qui convienne à tous ou faire en sorte que les intérêts de la majorité soient pris en considération de la meilleure manière possible ?

A l'étude de la pétition du quartier de «La Forêt», force est de constater qu'il y a eu information et que les règles fixées par notre constitution ainsi que les lois et règlements ont été respectés. Contrairement à ce que dit M. Ferrazino, les pétitionnaires ne s'attaquent pas seulement à l'image directrice mais également au plan localisé de quartier.

Cela veut dire qu'au stade des plans localisés de quartier, il y a eu une enquête publique, le vote du Municipal et l'audition des pétitionnaires ou des opposants par la commission d'urbanisme municipal, et ensuite, une tentative de référendum qui n'a pas abouti dans le cadre du quartier de «La Forêt».

Je pars du principe que l'information a été faite et que les pétitionnaires, au-delà des considérations personnelles et purement littéraires qu'ils ont formulées sur le dossier, sont venus nous présenter une autre image du quartier. Ils ont mandaté un architecte pour présenter une autre image du quartier.

Or, Monsieur Ferrazino, si nous acceptons que chaque groupe d'opposants à une majorité fasse recours de la sorte et qu'il vienne, en plus de l'opposition émise face au projet officiel, nous présenter une image différente et souhaite qu'on lui donne une priorité, nous mettons en péril les règles de la démocratie.

Je ne crois pas, Monsieur Rebeaud, que les éléments de votre rapport sont conformes à la discussion qui a eu lieu devant la commission. Je pense que cette dernière a été étonnée de certains arguments présentés par les pétitionnaires, car elle a été informée par Mme Burnand du travail d'information qui a été fait - j'ai bien dit d'information. En effet, la commission a pu vérifier que les règles de procédure, les lois et les règlements ont été respectés.

Si je ne me suis pas étonné, Monsieur Rebeaud, de lire dans votre rapport que la commission a pu constater le non-fonctionnement de la concertation, je trouve, par contre, qu'il est peu convenable d'utiliser un élément de votre rapport qui n'est pas tout à fait conforme à ce que pense la majorité de la commission et de le mettre en exergue dans les considérants d'une motion qui, elle, est susceptible de mettre en cause le fondement de ce dossier. (Chahut sur les bancs des libéraux, l'orateur a de la peine à se faire entendre.)

Je le dis d'autant plus que, si nous acceptons la motion, cela veut dire que le Conseil d'Etat pourrait ne pas avaliser les plans localisés de quartier en lisant dans la deuxième invite : «On a admis qu'il fallait préciser sur quels points, et auprès de quels interlocuteurs, les habitants de ces quartiers peuvent encore faire valoir leurs aspirations, leurs projets et leurs idées pour l'aménagement d'un habitat humain et convivial.», alors même que la procédure est close.

C'était bien la raison pour laquelle la commission, à sa large majorité, a décidé de classer cette affaire et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Alors je dis tout simplement que, même si une minorité de gens ne se sent pas satisfaite par une étude qui, à mon sens, est menée de manière tout à fait correcte, il faut aussi que l'on assure la réalisation des projets en cours.

On se plaint trop souvent de la durée des procédures et du fait que des projets, à force de durer, perdent leur substance. Dans cette affaire, il faut accepter de classer la pétition et refuser d'entrer en matière sur la motion en espérant, Monsieur Rebeaud, que vous trouverez d'autres arguments pour parler de concertation.

M. René Koechlin (L). Tout à l'heure, M. Nissim parlait de défendre les hérissons. Naturellement, il pensait aux hérissons que l'on trouve dans les nombreux buissons du quartier de «La Forêt». Je pense que beaucoup de préopinants de gauche, dont M. Nissim, ne défendent pas seulement les hérissons qui sont dans les buissons, mais également ceux qui déposent des pétitions sur le bureau du Grand Conseil pour faire échouer les dossiers qui les dérangent; cela sous prétexte d'un manque de concertation.

Or, la concertation existe dans la procédure prévue par la loi et les règlements. Elle a en l'occurrence été ouverte de façon tout à fait régulière, Monsieur Rebeaud, et Mme Burnand nous l'a confirmé lors de son audition.

Donc, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que vous déposiez une motion qui demande un changement, un perfectionnement quelconque dans la procédure de concertation telle qu'elle existe. Ce n'est pas à l'occasion de cette pétition qu'il faut déposer ce genre de motion, mais indépendamment et sans la rattacher aux problèmes du quartier de «La Forêt» où la procédure a été régulièrement observée. Posez la question de façon plus générale en disant : «On pourrait parfaire la procédure de concertation, de consultation ou d'information.» - appelez-la comme vous voudrez - et peut-être que nous vous suivrons. Mais, Monsieur, cela fera l'objet d'une autre motion et non de celle que vous avez déposée.

M. Claude Blanc (PDC). Depuis bientôt dix ans que je suis dans ce Grand Conseil, nous avons eu ce débat à maintes reprises. C'est le débat des égoïsmes rassemblés.

On ne peut pas prétendre que les procédures utilisées en matière d'aménagement du territoire sont insuffisantes ou ont été insuffisamment respectées. Donc, je m'étonne que M. Ferrazino ose le penser, car, jusqu'à présent, le département des travaux publics a attaché une importance réelle à la totalité de la concertation.

Et s'il est vrai que M. Grobet a été beaucoup critiqué au cours de ces derniers mois, sur toutes sortes de points, il y en a au moins un sur lequel on ne peut pas le critiquer, c'est celui de la conduite de tous les dossiers dans ce domaine, dans lesquels il a utilisé tous les moyens que lui octroyait la loi pour que chacun puisse se faire entendre.

M. Christian Ferrazino. Vous vous trompez de dossier, on est en Ville de Genève...

M. Claude Blanc. C'est tout de même le département des travaux publics qui «pilote» les projets. Or, Monsieur Ferrazino, vous demandez aujourd'hui au Conseil d'Etat quelles mesures il entend prendre pour que la concertation soit meilleure.

Mais je ne crois pas qu'il puisse y avoir de meilleure concertation, Monsieur le député, car ceci veut dire, au sens où vous l'entendez : «Ecoutez tous ceux qui, par égoïsme très souvent, s'opposent à toute nouvelle construction.».

Par exemple - et M. Grobet se rappelle bien de l'affaire de la rue Colladon - la construction du home pour personnes âgées du Petit-Saconnex où les habitants de l'immeuble d'en face avaient déposé une pétition après coup pour dire que la construction d'un immeuble pour personnes âgées en face de chez eux leur enlèverait le soleil. Voilà où on en est !

D'autres dossiers sont «en panne». Par exemple, ceux de Cressy-Onex et des communaux d'Ambilly. Cela arrive parce qu'un certain nombre de personnes s'ingénient à bloquer tout ce qui serait de nature à faire démarrer des projets et à faire construire des appartements.

Je m'étonne que vous, Monsieur Ferrazino, qui vous faites le défenseur des locataires opprimés, ne saisissiez pas une occasion comme celle-là pour reconnaître que si on veut résoudre ou tenter de résoudre le problème du logement, il faut commencer par augmenter l'offre, et que si l'on n'a pas pu augmenter l'offre dans ce canton c'est précisément parce que chaque fois qu'on a voulu le faire on a trouvé toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas construire. Cela dérangeait, il fallait aller construire ailleurs, chez les autres ! Et le «résultat des courses» est que l'on n'a rien fait. Il n'y a pas assez de logements, une crise s'est installée et vous en profitez. Voilà le problème.

Il faut cesser ce jeu et essayer d'être constructifs et donc ne pas accepter cette motion qui a l'air d'être localisée au quartier de «La Forêt» mais qui, en réalité, demande au Conseil d'Etat d'adopter une autre politique d'information et de concertation que M. Grobet d'ailleurs n'a jamais voulu adopter parce qu'il savait très bien que cela mènerait à la paralysie totale. Aujourd'hui, puisqu'un autre magistrat a pris le relais de M. Grobet, il vous est facile d'essayer de lui imposer des normes qui ne sont pas praticables et qui conduiront à une sclérose totale. Ensuite, vous vous efforcerez de profiter politiquement de cette situation.

M. Laurent Rebeaud (Ve), rapporteur. Je remarque que nous sommes dans une confusion idéologique absolument incroyable et dans des contradictions «à vous faire dresser les cheveux sur la tête». J'entends M. Koechlin fustiger l'égoïsme des propriétaires de villas, ce qui est curieux pour un libéral, et M. Meyll prendre la défense des petits propriétaires quant aux droits sur leurs propriétés.

J'ai le sentiment que ce débat ne porte pas sur l'objet qui vous est présenté, mais plutôt que chacun a retrouvé ses anciennes tranchées et, par habitudes mentales ou politiques, a repris les vieux combats qui ne sont pas vraiment l'objet de ce débat.

La motion que je vous présente se situe dans le cadre d'un rapport de la commission de l'aménagement et dans la cohérence du rapport de cette dernière. J'ai une seule réponse à faire à toutes les interventions qui ont eu lieu ce soir. Je l'adresse à M. Dessimoz qui conteste la correction du rapport par le rapporteur de la commission.

En acceptant que je sois rapporteur de cette commission, vous avez pris le risque, Monsieur Dessimoz, que j'y mette mon propos. D'ailleurs, c'est pour cette raison que l'on a proposé que je sois rapporteur de la commission. En effet, vous m'avez nommé rapporteur parce que j'avais dit des choses «intéressantes» que vous m'avez demandé de faire figurer dans le rapport, car nous sommes d'accord sur les conclusions.

Nous avons été d'accord, Monsieur Dessimoz, et les débats de la commission ont été assez clairs, de maintenir une densité de l'ordre de 1,2 dans un quartier, car, du point de vue des infrastructures, des équipements nécessaires, du prix du logement et du terrain, il n'est pas réaliste d'aller plus bas.

Deux personnes se sont abstenues dans cette commission, M. Meyll et quelqu'un de l'Alliance de gauche. Mais nous étions d'accord sur le fait de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil. Nous ne la classons pas.

Pourquoi ai-je fait cette motion ? Dans l'intervalle, on m'a expliqué ce qu'il en était - et vous voudrez bien excuser le néophyte que je suis. Je croyais qu'il y avait une différence entre le classement et le dépôt à titre de renseignement, et il semble qu'il n'y en ait pas. Or, j'en avais fait une. Il y a une nuance.

Que vous demande cette motion ? Je m'adresse aussi bien au Conseil d'Etat qu'à M. Dessimoz et à tous les gens confondant la motion et la pétition qui ne sont pas identiques.

La motion part de l'acquis du renvoi de la pétition sur le bureau du Grand Conseil pour dire que quelque chose est à développer. Pourquoi ? Pour éviter que l'abandon de cette pétition ne débouche - et non pas ne découche ! - sur des conflits programmés en Ville de Genève par une demande de référendum déposée dans le quartier adjacent, le «Mervelet». Il est minuit moins cinq, et à minuit le conflit s'ouvrira. Nous sommes dans une situation de pré-conflit dont nous pouvons encore sortir en améliorant, non pas la concertation...

Une voix. Tu rêves !

M. Laurent Rebeaud, rapporteur. ...mais la participation des habitants qui n'est ni l'information ni la concertation. C'est le terme de l'article 4 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

Indépendamment de ce que demandent les pétitionnaires et que la commission, y compris votre serviteur, ne reprennent pas à leur compte, il a été constaté par Mme Burnand et en tout cas par les gens qui ont pris part au débat de la commission, qu'il y avait eu des carences dans la participation ou dans l'offre de participation des habitants. Ces carences créeront une situation qui, dans les mois et les années à venir, provoqueront des conflits dans cette région de la ville. A défaut d'une participation bien organisée, soit par la commune, soit sous l'impulsion du Conseil d'Etat, ils déboucheront sur des batailles politiques dures. A ce moment, je ne suis pas sûr que vous pourrez construire, quel que soit le résultat du référendum sur le «Mervelet».

La motion propose que l'on considère comme acquis à la majorité de ce Grand Conseil, et à la quasi-unanimité de la commission, que les demandes des pétitionnaires, en tant que telles, notamment en matière de densité, ne sont pas recevables mais que, pour éviter que les conflits ne «pourrissent», le Conseil d'Etat est chargé de faire une étude non formelle, hors procédure.

Monsieur Annen, je ne tiens pas à ce que l'on rajoute des procédures, il y en a déjà trop. Le contenu de la pétition n'est pas en cause dans la motion. Toutefois, à l'exemple de ce qui se passe dans le cadre de «La Forêt» et du «Mervelet», le Conseil d'Etat et le nouveau conseiller d'Etat chargé des travaux publics cherchent les marges de manoeuvre qui leur permettent d'éviter les conflits programmés par cette situation. C'est tout.

Lorsque je demande, par la deuxième invite, de préciser sur quels points et auprès de quels interlocuteurs les habitants de ces quartiers peuvent encore faire valoir leurs aspirations, (Rouspétances.) il s'agit de donner au Conseil d'Etat le devoir de décider des points qui valent la peine d'être encore discutés. On nous a bien expliqué, et c'est normal, qu'une série de détails méritent qu'on les discute.

Les pétitionnaires demandaient six mois pour faire un contreprojet. La commission n'était pas d'accord, car l'esquisse du contreprojet n'était pas convainquante. En revanche, nous donnons du temps, un, deux ou trois mois, peu importe, au Conseil d'Etat pour qu'il essaie de rétablir la capacité de dialogue qui a fait défaut ces deux dernières années entre les habitants de la ville de Genève concernés par ce projet et l'autorité de la Ville de Genève.

Nous essayons de sortir d'une situation qui - je m'excuse de me répéter - débouchera, si vous ne voulez pas de cette motion et si vous ne voulez pas entrer en matière sur la nécessaire révision des modes de discussions précédents, sur des conflits que nous aurons à traiter en ville de Genève et dans le canton dans les années à venir.

Le président. Nous avons déjà entendu une quinzaine de députés nous dire qu'ils souhaitaient déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Cinq sont encore inscrits. Je vous demande donc de vous déterminer sur ce sujet.

M. Olivier Vaucher (L). Je rejoindrais volontiers M. Rebeaud sur le fond de sa motion si elle ne reflétait pas des manipulations politiques et non pas la concertation de personnes réellement concernées par les problèmes de leur quartier.

La concertation est indispensable. Elle est plus souvent souhaitable d'ailleurs autour d'une bouteille plutôt que dans un tribunal. Mais malheureusement, et, nous l'avons constaté lors de la présentation de ce qui était censé être un contreprojet pour «La Forêt» - soit lorsqu'un bureau d'architectes mandaté par trois groupes qui s'opposent à ce projet nous apporte, après plusieurs mois d'études approfondies, un vague croquis de bistrot et nous montre des images qui n'ont rien à faire avec l'aménagement d'un quartier - ce n'était que le résultat d'une manipulation politique et non pas le reflet d'un souci des habitants du quartier.

A cet effet, je dirai à mon collègue Nissim que, très souvent, des constructions ont été exécutées avec un taux de densité loin du maximum autorisé justement pour permettre de garder quelques coins de verdure conviviaux. On a construit d'importants logements avec une densité de 0,8, alors qu'on aurait pu l'augmenter à 1,8.

En conséquence, bien que la concertation - j'insiste - soit nécessaire, je regrette de devoir rejeter la motion de notre collègue Rebeaud et demande de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Chaïm Nissim (Ve). J'étais assez déprimé durant ce débat... (Grands rires.) ...jusqu'à l'intervention de mon collègue Rebeaud. En effet, je me suis dit : «Ouf, au moins un qui a compris, c'est génial !». (Rires.) Dès cet instant, je fus assez content et mon moral s'en est ressenti.

Je ne prendrai pas autant de temps que lors de ma première intervention, mais je tiens juste à répondre à quelques-uns de mes préopinants, notamment à M. Ducret, qui a dit avec d'autres que les normes légales et réglementaires avaient été respectées dans cette affaire.

De telles normes donnent un plan localisé de quartier tel que celui de «La Forêt» proposé par la Ville de Genève. (M. Nissim montre le PLQ.)Vous ne voyez pas les détails en raison de la distance, mais vous apercevez ces barres parallèles tristes et grises. Voudriez-vous habiter dans de tels immeubles ? Personnellement, je ne suis pas intéressé. Je pense que cette forme d'urbanisme a fait son temps et qu'aujourd'hui nous pouvons nous payer quelque chose de mieux. (Rumeurs.)

La question est là et je m'inscris en faux contre les paroles de mon collègue Ferrazino. Lorsque vous proposez, Monsieur Ferrazino, une concertation avec des habitants qui veulent construire plus bas et simplement adjoindre des morceaux à leur villa, vous êtes obligé, si vous voulez entrer en concertation avec eux, d'admettre en partie leurs idées et donc de reculer par rapport au plan localisé de quartier tel qu'il est proposé. Il n'y a pas qu'un simple problème de concertation mais aussi d'urbanisme, d'argent et de gestion de notre espace urbain.

Nos deux questions sont les suivantes. Premièrement, voulons-nous écouter les habitants qui veulent des constructions plus basses, même si c'est un peu plus cher - ce qui n'est pas toujours le cas d'ailleurs, car on peut supprimer certains frais dans ce type de construction, les ascenseurs et certaines salles d'eau, par exemple ?

En second lieu, voulons-nous avoir un dialogue avec les habitants ? Sommes-nous prêts à sortir de nos normes légales et réglementaires en vigueur ? Je dois dire à ce sujet que j'ai lu avec un plaisir mitigé, mais assez important tout de même, l'article paru dans la «Tribune de Genève» de ce jour, où M. Joye dit : «Tiens, tiens, on pourrait sortir de cette sclérose, de nos zones stupides, des carrés ou espèces de tiroirs que l'on a dans la tête. Nous pourrions créer trois zones, dont une agricole, et deux autres...» dont j'ai oublié les noms qu'il a donnés dans «La Tribune». «Cette idée pourrait permettre de sortir des schémas tout faits en tenant compte de l'argent et de l'espace que l'on possède.»

Mme Marlène Dupraz (AdG). Cette proposition de motion tombe à point et nous avions voulu apporter une précision à travers nos discussions qui avaient eu lieu en commission.

Il a «réémergé» dans toutes les discussions, et le docteur Joye, docteur de l'aménagement, avait dit lui-même que le problème de la concertation en est le plus gros pour le département et le Grand Conseil.

C'est vrai qu'on peut faire même passer certains projets qui ont été refusés a priori, on arrive parfois à les faire accepter. Je dirais que cette motion ne remet pas en cause directement le projet de loi pour le quartier de «La Forêt». Elle apporte simplement la précision que nous devons approfondir les problèmes concernant la concertation. La pétition qui vient d'être déposée démontre que nous n'avons pas fait le nécessaire. M. Rebeaud avait dit à juste titre tout à l'heure : «Nous avons respecté le code de la procédure mais nous n'avons pas associé les habitants au projet.».

Or, qu'il s'agisse de l'aménagement ou de l'urbanisation, il est extrêmement important de demander aux habitants d'avoir eux-mêmes l'image du futur, de négocier justement cette image et de se mettre sur un terrain d'entente. Je crois qu'il est bon d'associer les habitants à un projet et d'en être ouverts à d'autres. Ce ne serait pas un mal que d'éviter les cas difficiles de résolutions. On parviendra enfin à trouver un terrain d'entente : à un aboutissement !

Je précise ma position dans cette affaire. J'avais voté pour le projet du quartier de «La Forêt». Néanmoins, cette motion apporte la précision que j'avais été très insatisfaite du travail de concertation qui n'a pas été fait ou mal fait. Je crois que c'est une carence tout simplement de l'institution. Il faudra s'attacher à trouver ensemble de quelle manière on arrive à associer la population.

Quelles procédures pourrions-nous utiliser ? Par exemple, cette quinzaine d'architecture et d'urbanisation est une forme d'information et de concertation. Mais je crois qu'en ce qui concerne le quartier des habitants concernés, on pourrait peut-être faire la même chose, mais pas sous la forme d'une quinzaine. Pourquoi ne pas instaurer des débats à la maison de quartier ? C'est une des suggestions parmi tant d'autres.

La motion déposée en est une chose. Et la pétition montre, si elle est déposée sur le bureau du Grand Conseil, que nous tenons compte des habitants, de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Ce serait très mal ressenti que nous classions une pétition ou que nous n'en parlions pas du tout.

Pour répondre à M. Dessimoz, c'est vrai que les milieux de gauche sont très intéressés à construire des logements sociaux, mais pas avec n'importe quels moyens et surtout pas n'importe comment. Mais surtout avec le respect des habitants pour la concertation - qui n'a pas été faite - je pense qu'il est nécessaire de creuser de ce côté-là. Ce ne sera pas trop faire si nous ne voulons pas voir arriver une série de référendums auxquels nous devrons répondre.

M. Christian Ferrazino (AdG). Tout à l'heure, M. Blanc a laissé croire, soit par démagogie, soit par méconnaissance du dossier, que la motion, si elle devait être acceptée aujourd'hui, aurait pour effet de retarder l'urbanisation de ce quartier.

Il faut clairement dire ce qu'il en est, car, vraisemblablement, le Conseil d'Etat adoptera ce plan localisé de quartier. C'est un secret de polichinelle, ce d'autant plus que l'urbanisation a déjà commencé. Le problème qui est posé par cette motion ne freinera nullement l'urbanisation dudit quartier, c'est le problème de la participation.

Certains demandent encore ce que veut dire le mot concertation. On l'a dit, mais apparemment cela n'a pas été compris. La concertation permet d'éviter des conflits, et Laurent Rebeaud l'a rappelé tout à l'heure, non seulement d'éviter des oppositions éventuelles, mais également des référendums. Ces démarches auront pour effet, Monsieur Blanc, de retarder les éventuelles constructions.

En d'autres termes, si on donne suite à cette proposition de motion, le Conseil d'Etat peut essayer de trouver les moyens de recommander aux communes de mieux associer les habitants à participer à l'élaboration des plans de leur quartier. Cela aura pour effet, non pas de retarder lesdites constructions, mais au contraire de les faire évoluer. Monsieur Blanc, lorsque, au lieu d'imposer une solution, vous la faites comprendre et la faites partager par ceux qui sont concernés par les plans proposés, vous permettez de faire évoluer ces projets de construction.

C'est pour cette raison qu'il faut arrêter de mélanger le problème posé par les pétitionnaires et la proposition de motion qui, elle, se posera régulièrement à l'avenir pour toute l'urbanisation qui nous attend dans la ville de Genève. Cette dernière possède encore de nombreux terrains constructibles - je le répète - en zone 3 D.

M. Hervé Dessimoz (R). Je suis obligé de répondre à M. Rebeaud sur la manière dont le rapport a été établi. Lorsque M. Rebeaud dit que la commission a renoncé à transmettre cette pétition au Conseil d'Etat indiquant par là que les principales revendications qu'elle contient ne lui semblent pas recevables, je dis oui, c'est vrai, la commission a pensé ainsi.

Lorsque le rapporteur dit que les désirs des habitants du quartier «La Forêt» ne sont pas unanimes - certains aimeraient que le quartier change le moins possible, d'autres sont ouverts à une densification - je dis oui, Monsieur Rebeaud, c'est bien ce que nous avons perçu en commission.

Mais, lorsqu'au dernier alinéa de votre rapport vous dites qu'il reste certainement une possibilité de dialogue avec les habitants portant sur la forme des bâtiments à construire et sur les moyens de rendre le nouveau quartier plus humain et convivial que ne le laissent apparaître les premières esquisses, je dis non, la commission n'a pas dit cela, Monsieur Rebeaud. En plus, vous utilisez cette considération dans la proposition de motion.

Vous faites expressément référence au quartier de «La Forêt» et du «Mervelet». Vous dites ceci : «Les remarques formulées à ce sujet par la commission de l'aménagement du canton dans son rapport sur la pétition de l'Association "Forêt-Chabrey"», et dans l'invite : «à préciser sur quels points, et auprès de quels interlocuteurs, les habitants de ces quartiers peuvent encore faire valoir leurs aspirations, leurs projets et leurs idées pour l'aménagement d'un habitat humain et convivial.», je dis non, Monsieur Rebeaud, parce que les plans localisés de quartier ont été acceptés au terme de l'ensemble des procédures et qu'un référendum a été lancé par les habitants de «La Forêt» et qu'il n'a pas abouti.

Il résultait de la discussion en commission, et vous l'avez dit vous-même avec les commissaires, qu'un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat risquerait de créer un fâcheux précédent. Voilà pourquoi la pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil et la motion refusée, car elle fait référence à cette situation au terme d'une procédure. Monsieur Rebeaud, je serais d'accord d'entrer en matière si vous déposez une nouvelle motion totalement neutre, sans faire référence au dossier de «La Forêt».

M. Claude Blanc (PDC). Je me sens obligé de répondre à M. Ferrazino qui a fait semblant de mal me comprendre. Je n'ai jamais prétendu, mon cher collègue, qu'en acceptant cette motion on retarderait de quelque manière que ce soit la réalisation du projet en question.

Par contre, je crains qu'en acceptant cette motion on généralise des procédés qui en retarderont beaucoup d'autres. Alors, de deux choses l'une, soit vous prétendez que jusqu'à présent les méthodes utilisées par le département des travaux publics étaient mauvaises...

M. Christian Ferrazino. C'est la Ville, vous confondez tout, vous n'y connaissez rien !

M. Claude Blanc. ...Ouais, c'est la Ville ! Vous êtes hypocrite, Monsieur Ferrazino, lorsque vous dites que c'est la Ville, car vous savez très bien que la concertation se fait au niveau de la Ville et de l'Etat en même temps et que les méthodes de concertation se sont toujours faites entre l'Etat et les communes.

Alors, soit vous prétendez que jusqu'à présent cela a été mal fait, ce qui m'étonnerait compte tenu des relations que vous avez avec l'ancien chef du département, soit, et c'est pire, vous voulez ficeler le nouveau conseiller d'Etat par des dispositions qui l'empêcheront de travailler et de réaliser quoi que ce soit pour pouvoir ensuite lui dire qu'il n'a pas fait plus que son prédécesseur. Si telle est votre opinion - et je suppose que c'est cela - eh bien, c'est particulièrement venimeux.

M. Bernard Lescaze (R). Je n'ai pas pris part au débat et je ne participerai pas au vote, conformément à l'article 24 de notre règlement, quoique à mon avis il ne s'applique pas entièrement dans ce cas. J'espère simplement que dans d'autres débats, concernant notamment des affaires immobilières ou des déclassements, tout le monde aura la même éthique que moi.

Des voix. Bravo !

M. Pierre Meyll (AdG). Il y a un malentendu concernant cette motion. Ma collègue, Anita Cuénod, et moi-même, nous sommes abstenus pour ce vote, car nous considérons que cette pétition aurait dû être renvoyée au Conseil d'Etat, non pas pour contester le plan que nous jugeons tout à fait bon, mais uniquement pour que le Conseil d'Etat demande aux communes d'appliquer l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

Or, cet article dit simplement que les autorités doivent veiller à ce que la population puisse participer - et je dis bien, la population, il ne s'agit pas seulement des propriétaires ou des habitants, mais de la population en général - de manière adéquate à l'établissement des plans. Nous voudrions voir cela appliqué et que le Conseil d'Etat le rappelle aux communes.

J'ai vu des situations de ce genre dans ma commune et ailleurs où des problèmes ont surgi. Cette motion tend à les éviter. C'est tout. Pour le reste, nous savons que des changements de détail peuvent être apportés sur les plans. Ces derniers peuvent éventuellement être discutés sur certaines dispositions. Mais on ne remet pas en cause l'ensemble de la motion que nous acceptons.

Mme Marlène Dupraz (AdG). J'ai l'impression que l'on confond l'objet avec la manière de faire. Décidément, en face, il y obstination ou alors mauvaise foi parce que la motion demande juste que l'on trouve des moyens d'entente. On a parfois de bons objets, mais on n'arrive pas à les faire passer. Alors, il faut peut-être se poser la question du pourquoi. Si on continue ainsi, on ne construira plus et ce sera de votre faute.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je désire évoquer quatre aspects dont le premier est l'aspect légal, le second concerne les besoins réels de la Ville de Genève, le troisième celui de l'urbanisme, et le quatrième, celui du thème de la concertation.

En préambule, je voudrais rassurer le député Rebeaud en lui disant que, lors d'un débat dans le cadre de la campagne avec la «Tribune de Genève» ou le «Journal de Genève», j'avais prétendu que les procédures de consultation étaient extrêmement riches en Suisse. C'est le moins que l'on puisse dire.

En ce qui concerne l'aspect légal, les plans et les schémas directeurs de quartier, comme vient de le rappeler M. Meyll, les droits des citoyens sont prévus à l'article 4 de la loi sur l'aménagement du territoire. Dans ce dernier, il est dit que les autorités n'ont pas l'obligation de faire participer la population de manière adéquate, mais il faut qu'elles veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans. A ce sujet, il n'y a aucun reproche à faire à la Ville, car la procédure suivie pour les plans localisés de quartier respecte parfaitement ce que demande l'article 4 de la loi sur l'aménagement du territoire.

Par contre, il est exact qu'au niveau des schémas directeurs, la Ville n'a peut-être pas donné une information idéale. En effet, le schéma directeur du quartier de «La Forêt», très différent de celui du «Mervelet» est déjà concrétisé par des immeubles élevés. La Ville a peut-être laissé passer l'occasion de rappeler les principes du plan directeur avant la mise à l'enquête des plans de quartier. Toutefois, je salue l'effort qu'elle a fait pour présenter l'image préconisée pour ce quartier qui s'inscrit parfaitement dans le sens de l'application de l'article 4 de la LAT. Mais, pour faire le point, il n'y a aucune construction élevée au «Mervelet» et, dans ce quartier, le plan de schéma directeur devra être explicité à l'avance et on pourra suivre la hiérarchie logique entre le schéma directeur et le plan de quartier.

J'en viens au deuxième problème qui concerne les besoins de la Ville. Pourquoi avons-nous des problèmes au «Mervelet» et à «La Forêt» ? Nous en avons parce que la Ville, pour des raisons parfaitement compréhensibles, tient à garder une population, voire à la développer à l'intérieur de ses limites géographiques. Pour cela, elle n'a qu'une ressource, c'est de «squatter» - si vous me permettez cette expression - des zones villa dans lesquelles des propriétaires, fort illustres et distingués, cultivant leurs bégonias et leurs géraniums, se sentent lésés. C'est un instinct tout à fait naturel de défendre son bien, surtout si ces gens sont établis ici depuis plusieurs générations - je les comprends très bien. Mais le canton, à la demande de la Ville, a développé des plans directeurs dans lesquels des urbanisations sont prévues dans certains de ces quartiers.

La Ville a besoin d'une sécurité juridique qui lui permette de développer ses quartiers. Elle a besoin de pouvoir remplir ses buts parce que si elle ne le fait pas, si elle perd une population encore plus rapidement que ce n'est le cas, elle va vers des difficultés financières globales très importantes.

Les intérêts de la Ville sont contraires à ceux des habitants du quartier et, face à cela, il faut une concertation très forte pour arriver à dominer ces problèmes. En étant quelque peu négatifs, on peut se demander si, quelle que soit la concertation, on arrivera facilement à des réalisations. La démonstration a déjà été faite plusieurs fois, il est très difficile d'imposer une urbanisation plus dense dans les quartiers de villas. La réponse est en général négative.

La réflexion de M. Rebeaud et, en particulier, celle de M. Nissim me font aborder la question de l'urbanisme. Notre manière de concevoir l'urbanisme est très classique, voire rétrograde. On a eu l'urbanisme des petits bâtons, aujourd'hui, c'est celui dit : «en peigne». On a un urbanisme dit : «en tapis», très peu pratiqué à Genève, mais très apprécié en Suisse allemande. Pour faire «avaler la pilule» d'un développement raisonnable dans une région comme celle du «Mervelet», il faudrait avoir recours à un urbanisme plus varié, plus créatif que celui que nous pratiquons aujourd'hui.

Toutefois, je ne suis pas certain qu'avec ce type d'urbanisme, moins dense, on arrive à loger cinq mille personnes. Les collectivités qui font des plans de quartiers devraient donc chercher des formes d'habitation plus en rapport avec les habitations de ces quartiers, que le développement ne se fasse pas d'un coup, qu'il y ait une transition morphologique et urbanistique possible. Cela permettrait de mieux absorber les chocs.

Voici le quatrième point qui concerne la concertation. Je parlerai d'abord de la motion, ensuite de la concertation. Je crains que, même si on ne considère pas ce projet de motion comme un projet de loi, on court le risque du précédent et d'avoir une consultation supplémentaire. Le fait est que vous pouvez inscrire des textes de loi sur la concertation aussi gros que des maisons. La concertation est quelque chose qui doit se sentir.

Chez nous, les possibilités de concertation existent et je crois que, dans le cas particulier de «La Forêt» et du «Mervelet», le conseiller d'Etat Grobet, avec qui j'ai eu des entretiens lorsque j'ai repris son département, m'a dit que le projet du «Mervelet» est extrêmement délicat et que celui de «La Forêt» l'est un peu moins. Il a tout à fait raison. La preuve en est que nous venons de passer une heure et demie à parler de cette question.

La Ville doit régler son problème. Il faut qu'elle s'interroge pour savoir si elle veut courir le risque politique de se trouver en face d'un référendum ou si elle préfère remettre l'ouvrage sur le métier en se reposant ces questions. Je sais qu'il est facile de parler ainsi lorsque l'on n'est pas concernés. Toutefois, je situe la problématique à ce niveau. Je ne pense pas que le Grand Conseil, par l'adoption de la motion de M. Rebeaud, pourra faire changer quelque chose. En effet, une fois encore, nous devons pratiquer la concertation lorsqu'on la sent et il faut la pratiquer quand on en ressent le besoin. Ce besoin est très fort là où on lèse des intérêts particuliers.

Pour ces raisons, je vous propose de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil et de rejeter la motion.

P 993-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 891

Mise aux voix, la motion est rejetée. 

I 1874
7. Interpellation de Mme Elisabeth Reusse-Decrey : S.I. on pensait aux locataires... ( )I1874

Le président. Je présente mes excuses à Mme Reusse-Decrey qui avait à ce point une interpellation que j'ai malencontreusement sautée.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je remercie le président de m'accorder la parole après un débat aussi tendu. Mon interpellation en sera d'autant plus facilitée...

Le déménagement des Services industriels au Lignon est toujours critiqué par certains. Nous avons persisté en soulignant que ce projet était totalement mégalomane. On arrive à des chiffres estimatifs de 300 millions et même plus, et aujourd'hui ils sont encore nettement revus à la hausse.

Tout le personnel sera transféré en dehors de la ville, dans un lieu non desservi par les TPG. Comme on peut s'en douter, cela facilitera l'application des normes OPair.

La consommation d'énergie des Services industriels, à l'heure actuelle, même si ces chiffres ne signifient pas grand-chose pour un certain nombre de députés ici présents, est de 11 gigawatts/heure par année, toutes énergies confondues. Dans leur nouveau bâtiment, à productivité de travail égale, à nombre de postes égal, ce sera le double, soit 22 gigawatts/heure par année !

On a déjà parlé de cela à plusieurs reprises, mais on n'a pas pensé qu'à toutes ces critiques allait s'ajouter encore un problème de logement. D'où le titre de l'interpellation, «S.I. on pensait aux locataires...».

Il est bien entendu que, pour payer un tel projet, les SI doivent vendre leur terrain de La Jonction cher, et même très cher. L'Etat envisage d'acheter une surface de terrain pour un montant total de 65 millions, dont 25 millions seraient destinés à l'acquisition de douze mille mètres carrés prévus pour des logements. Or, un tel prix d'acquisition rend illusoire la construction de logements HBM, lesquels d'ailleurs ne figurent pas dans le plan localisé de quartier. A maintes reprises, ce Grand Conseil a réaffirmé sa volonté de construire des logements sociaux à Genève, et il apparaît ainsi impensable de ne pas soutenir une construction de HBM en partie sur ce terrain.

Dès lors, il est choquant qu'un établissement de droit public comme les Services industriels vende un terrain à de tels prix à l'Etat et ne tienne pas compte de la gestion de ce patrimoine en vue de la construction de logements sociaux.

Au surplus, si l'Etat envisage d'octroyer des droits de superficie à des caisses de pension, comment pourront-elles s'y retrouver avec un tel prix d'acquisition ? Dès lors, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur les retombées d'un tel projet pour les locataires dans le cas où les terrains en question devraient être achetés à ce prix.

En effet, il apparaît impossible - je l'ai déjà dit - de construire des logements bon marché sur une parcelle qui connaît un tel prix. Je réaffirme ici qu'il ne suffit pas d'annoncer haut et fort que l'on souhaite faire du logement social, encore faut-il s'en donner les moyens.

Encore un mot du côté de l'urbanisme. En effet, si la densité du taux d'occupation du sol a été fixée à 3 et qu'elle est conforme au nouveau règlement du PUS, elle pose toutefois un problème parce que nous nous trouvons dans un quartier extrêmement densifié. Il est bien entendu que plus le prix du terrain sera élevé, plus la densité le sera également afin de rentabiliser ce projet. On retombe sur ce problème du prix du terrain qui est annoncé à plus de 2 000 F le mètre carré. Je rappelle, à titre de comparaison, que pour la construction des Charmilles, le terrain coûtait environ 1 000 F le mètre carré.

Dans ce projet, le terrain représentera une charge d'environ 6 000 F par année pour un appartement de quatre pièces. Je voudrais savoir quelle famille peut encore, à l'heure actuelle, payer 500 F par mois, uniquement pour financer le terrain ?

Je considère que les institutions de droit public ont un rôle à jouer et qu'elles devraient montrer l'exemple. En tout cas, elles ne doivent pas entrer dans le jeu de la spéculation foncière qui est la base, semble-t-il, du montage de cette opération.

Conformément à l'article 80 A de la constitution, le Conseil d'Etat est compétent pour l'approbation de l'aliénation d'immeubles qui sont la propriété des SI.

Dès lors, je demande au Conseil d'Etat ce qu'il entend faire pour amener les SI, établissement de droit public, à ne plus se comporter dans cette affaire comme un privé qui ne tiendrait nullement compte de l'intérêt général, et si le Conseil d'Etat entend inviter les SI à ne pas spéculer sur des terrains destinés à accueillir des logements sociaux, uniquement pour financer la construction de leur nouveau siège administratif !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. L'interpellation de Mme Reusse-Decrey arrive de façon extrêmement fraîche et vigoureuse et je lui réponds de la manière suivante.

En ce qui concerne le déplacement des SI à Châtelaine, ce projet est chargé d'histoire. En effet, il a commencé en 1975. A ce moment, le Conseil d'administration des SI a été saisi d'une étude faite par une très grande société au courant des problèmes liés au regroupement des différents emplacements pour une entreprise. Dans sa conclusion, elle avait développé quatre schémas avec des implantations partielles plus ou moins concentrées. Elle avait préconisé un déplacement global des SI à Châtelaine.

A l'époque, j'avais émis quelques doutes et demandé que l'on fasse une variante consistant à maintenir les SI à la rue du Stand. Cette variante n'était pas du tout dans l'esprit du temps. Toutefois, on l'a faite et les conséquences ont été négatives.

Si l'on devait refaire l'opération maintenant, on se trouverait dans la même situation que M. Brélaz, au Conseil municipal de la Ville de Lausanne. Ce dernier avait pris des mesures draconiennes lorsqu'on lui a proposé un projet de «reconcentration» de certains équipements de ses propres services dans le même cadre. Je crois qu'il a réduit la dépense d'un facteur de 3 ou 4. Mais, malheureusement, ces décisions ont été prises à une époque où la tendance était de croire en les vertus de la centralisation et tout le Conseil, de bonne foi, est parti dans cette optique.

Un autre élément très important a joué un rôle capital dans le déplacement des industries hors des villes. Les SI ont suivi cette tendance consistant à dire qu'avec le gain immobilier qu'on réaliserait sur la valeur située en ville, on pourrait financer au moins une partie, sinon la totalité, des terrains de l'opération de déplacement de l'usine. Ce calcul a été fait à réitérées reprises et découle d'une conception qui a ses mérites et ses défauts, mais elle n'est pas forcément malhonnête. Ensuite, on a déplacé cette institution à Châtelaine.

Il ne faut pas être totalement négatifs en regard de cet objet. On est en train de doter les SI d'un outil de travail qui sera extrêmement performant pour les cinquante ans à venir, et si on n'arrive pas à obtenir une excellente qualité de prestation des SI, je pense qu'on aura «raté le coche».

Vous parlez de la consommation de 11 et 22 gigawatts d'énergie. Je me permettrai de les vérifier et de vous donner mon point de vue à ce sujet.

J'en viens maintenant au dernier problème qui est celui des SI à la rue du Stand. Dans l'optique de ce que je viens de vous expliquer, il est évident, Madame la députée, que les SI ne pourront pas pratiquer un prix, que j'appellerai «social», pour leur terrain.

Je m'explique à ce sujet. Toutes les régies d'Etat sont soumises au même dilemme. Jusqu'où va leur rôle par rapport à l'appréciation générale des intérêts de l'Etat, et où commence leurs responsabilités de garantir des prix et des prestations qui sont directement liés à leur activité ?

A ce sujet, le Conseil d'administration des SI a voté et estimé - avait-il tort ou raison ? - et ce vote fut quasiment unanime, que son rôle n'était pas d'entrer dans ce genre de discussion et que, de ce fait, il devait mettre le prix des terrains au prix qui lui était nécessaire dans le cadre de sa planification financière générale.

Il faut savoir que si on voulait jouer un rôle plus social, par exemple pour cette question de prix de terrain, il en résulterait un déséquilibre du budget des SI extrêmement important et il conviendrait de savoir si le Grand Conseil est d'accord d'augmenter les tarifs afin de permettre d'absorber ce genre de charges. Cette question est très discutée. Des gens sont d'accord pour une vocation sociale, de la part des régies également. Cette tendance n'est plus très actuelle. Aujourd'hui, on cherche plutôt à défalquer sur les institutions les responsabilités globales pour qu'elles deviennent ce que l'on appelle des centres de profit ou au moins des centres de responsabilités quand elles n'ont pas de ressources. Pour cette raison, le débat sur le prix du terrain est très difficile et je ne crois pas que les SI, seuls, pourront le résoudre.

L'exigence supplémentaire dont parle Mme Reusse-Decrey est la diminution de la densité. Sur le plan urbanistique, on peut être certainement d'accord pour dire qu'une densité moins grande à cet endroit est toujours positive, ou presque toujours positive, mais c'est encore une fois une question d'argent et d'arbitrage entre trois partenaires, Ville-Etat-SI. Voilà ce que je puis vous dire en l'état et je regrette de ne pas avoir les renseignements sur les gigawatts, mais je vous les communiquerai plus tard.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je reprends les derniers propos de M. Joye sur la question des gigawatts. Les renseignements figurent dans la brochure même des SI que vous devez posséder, Monsieur le conseiller d'Etat, sinon je vous la fournirai très volontiers.

Ensuite, vous avez dit que les SI ne pouvaient pas faire du «social». Il est vrai que la question se pose peut-être de choisir entre des loyers prohibitifs ou de l'électricité plus chère.

Il n'en reste pas moins que les SI ne sont pas un organisme privé. Ils sont un établissement de droit public et, à notre avis, ils doivent aussi montrer l'exemple. Et si le prix est maintenu à ce niveau, qui paiera ? L'Etat pourra-t-il subventionner suffisamment ? Toutes ces questions restent pendantes et nous reviendrons peut-être ultérieurement sur ce point par le biais d'une motion.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Lorsque je vous ai parlé des 11 et 22 gigawatts, je ne contestais pas les chiffres que vous donniez, mais cela m'intéresse de voir comment ils se ventilent et si ils sont justifiables en eux-mêmes.

La deuxième chose consiste à dire que, pour les SI, philanthropiques ou pas, il faut tout de même remettre l'église au milieu du village. Je vous rappelle que les SI pratiquent une politique tarifaire qui se situe certainement dans la portion inférieure des tarifs pratiqués en Suisse, que ce soit pour le gaz, l'eau ou l'électricité.

Je vous signale que le Conseil d'Etat a bloqué les augmentations demandées par les SI dans leur conception purement économique des tarifs en les réduisant de façon drastique pour les trois années à venir dont la première est en train de commencer. Troisièmement, les SI ont, plus souvent qu'à leur tour, joué le jeu dans le domaine de la contribution à l'égard de la collectivité genevoise, ne serait-ce que par les investissements que l'on appelle cachés, et qui sont consentis par les SI pour permettre la construction d'autres immeubles. Ce sont ce que l'on appelle les frais consécutifs des constructions, et je dois vous dire que de ce côté les SI ont largement donné !

L'interpellation est close.

 

La séance est levée à 22 h 50.