République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13298-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les états financiers individuels de l'Aéroport international de Genève pour l'année 2022
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 31 août et 1er septembre 2023.
Rapport de M. Jacques Blondin (LC)

Premier débat

La présidente. Nous traitons à présent le PL 13298-A sur l'aéroport. Le rapport est toujours de M. Jacques Blondin, à qui je donne la parole.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. J'ai l'avantage de ne pas devoir me déplacer deux fois. Mesdames et Messieurs les députés, là aussi, les états financiers de l'Aéroport international de Genève tiennent sur deux pages et la commission des finances les a acceptés avec une forte majorité, puisqu'il n'y a qu'une seule abstention. C'était pour les chiffres.

L'aéroport est bien évidemment un élément essentiel de l'économie genevoise: il comporte 11 000 emplois, dont 1000 dépendent directement de lui. La différence entre ces deux chiffres amène certaines confusions quand on parle de l'aéroport et de sa gestion.

Il faut juste se rappeler que, sur l'exercice 2022, l'aéroport a dégagé un profit de 46 millions, alors que les deux années précédentes, les pertes cumulées étaient de plus de 200 millions. On voit que l'aéroport est passé par des périodes difficiles, avec le covid et l'arrêt total des activités, vous le savez, puis leur reprise progressive. C'est donc très réjouissant. Il n'en demeure pas moins que l'aéroport n'en est pas encore à la situation qu'il connaissait en 2019, et vous savez que les prévisions faites par la direction, qui montraient des progressions phénoménales pour les années à venir, n'ont plus rien à voir avec les chiffres qui ont été articulés et qui le seront peut-être encore tout à l'heure. Actuellement, on parle d'un développement de 1% pour les prochaines années, voire de stagnation.

L'augmentation financière résulte aussi du fait que les taxes d'atterrissage ont été corrigées. Vous savez qu'il y avait des négociations - Genève ne peut pas décider toute seule -, qui se font au niveau fédéral, et cela a permis d'améliorer la situation. Il faut aussi se rappeler que l'aéroport de Genève n'a pas licencié de personnel du tout pendant la crise - c'est un des rares aéroports qui a réussi à tenir le cap, dans une expectative où il disait que dès que la reprise arriverait, il serait prêt. C'est facile de parler après, mais la réalité du terrain nous a montré qu'il a eu raison, puisque dès que les activités se sont développées, Genève était un des rares aéroports de Genève qui n'avaient pas de problème de gestion. A part ça... (Commentaires.) Non, de trafic, pardon ! (Commentaires.) Non, mais je... (Remarque.) J'ai dit «aéroports de Genève» ?

Une voix.  «Un des rares aéroports de Genève !» (Commentaires.)

Une autre voix. Je ne savais pas qu'il y en avait d'autres ! (Rires. Commentaires.)

M. Jacques Blondin. Excusez-moi ! (L'orateur rit.) Maintenant, au niveau énergétique, la direction et la présidence actuelles sont très au fait des choses; vous savez qu'elles font des investissements colossaux pour que l'aéroport se mette aux normes, avec GeniLac, mais aussi du photovoltaïque, l'équipement de véhicules électriques sur le tarmac, pour éviter qu'il y ait des problèmes de pollution récurrents.

Aujourd'hui, le nombre de mouvements d'avions tend à se réduire, simplement parce qu'on remplit plus les avions qu'auparavant. Je terminerai mon intervention en disant que le fait que l'aéroport donne des bonus aux compagnies qui comptent des avions à faible consommation est payant: actuellement, selon les chiffres du dernier rapport, 40% des vols sont de cette catégorie - la meilleure du point de vue énergétique et celle qui apporte bien sûr un plus à notre société. La commission des finances vous invite à accepter ces états financiers 2022. Merci.

M. Yves Nidegger (UDC). Madame la présidente, chers collègues, je vous invite à ne pas entrer en matière, et si vous deviez - à Dieu ne plaise - entrer en matière, à rejeter les comptes de l'aéroport, ce pour une raison très simple, c'est que ces comptes sont faux. Ils sont faux au regard des normes comptables applicables, parce qu'ils contiennent une charge salariale qui ne devrait pas y figurer et qui y figure quand même, qui correspond à ce que l'Etat a été amené à devoir payer pour le limogeage caractériel et contraire au droit, comme la Cour de justice a pu le constater, de la présidente du conseil d'administration.

Plutôt que de venir devant la commission des finances réclamer une rallonge afin de s'acquitter de cette charge, qui n'était pas prévue dans le budget évidemment, le Conseil d'Etat a préféré user, mésuser ou abuser de son aura sur cet établissement prétendument autonome, dont il est l'organe de tutelle, pour l'inviter, à tort et illégalement, à payer, c'est-à-dire à enfouir dans la comptabilité de l'aéroport, cette charge qui ne devrait pas y figurer. Toutes les normes comptables dont nous nous prévalons ici lorsque nous examinons les comptes - si d'aventure c'est ce que nous faisons - interdisent évidemment que figurent chez une entité des charges qui ne lui appartiennent pas. L'aéroport a acquitté la dette d'un tiers - le Conseil d'Etat - et ne devait pas le faire. Il l'a fait par faiblesse, je pense; le Conseil d'Etat l'a exigé par abus de pouvoir.

Je vous demande de ne pas cautionner cette façon de faire, car elle porte directement atteinte à l'autonomie des établissements prétendument autonomes que nous avons créés afin qu'ils aient un périmètre propre, qui leur permette de veiller à leurs propres intérêts. On pourrait imaginer les SIG ou l'aéroport être des services de l'Etat; c'est tout à fait imaginable. Ce n'est pas comme ça que nous avons considéré les choses. Nous avons voulu créer des entités autonomes, c'est-à-dire créer une espèce de cytoplasme autour d'une cellule qui puisse dire «aïe» quand on la maltraite et veiller à ses propres intérêts ainsi qu'au respect de la loi quant à la mission qui lui est conférée.

Nous avons désigné dans ces entités des conseils d'administration que nous, le Grand Conseil, élisons, précisément pour jouer ce rôle-là et pour recevoir un retour sur la manière dont ces entités sont gérées et sur la manière dont leurs intérêts sont préservés ou pas. Tout cela a été foulé aux pieds par un abus de pouvoir du Conseil d'Etat et je considère, pour ma part, qu'il serait veule, lâche et illégal pour ce Grand Conseil d'approuver des comptes sachant, par la presse - je ne vous révèle rien de particulièrement intime -, qu'ils sont faux.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne les comptes proprement dits de l'aéroport, nous n'avons aucune remarque à faire. Simplement, nous ne voulons pas passer sous silence la mauvaise gestion de cet aéroport - j'y reviendrai plus tard. Vous avez tous pu vous rendre compte de la crise majeure que la grève a créée fin juin. Même si c'était en 2023, il faut quand même que nos concitoyens sachent que le MCG va intervenir très vivement à ce sujet, parce que c'est clair... Vous me regardez bizarrement, Monsieur le rapporteur, mais c'est une réalité: il y a des dizaines de milliers de personnes à Genève qui ont été confrontées à la perte de leurs billets d'avion, qui ont été annulés ou autre, et qui n'ont pas pu partir. C'était quelque chose d'excessivement important pour une bonne partie de notre population. L'image de Genève a été vraiment touchée au niveau cantonal, mais aussi international. On doit intervenir à ce sujet. La gestion du Conseil d'Etat par rapport à cela a été catastrophique.

La gestion du conseil d'administration et de la direction en matière de personnel est catastrophique. Nous interviendrons lorsque nous aurons le rapport de gestion de l'aéroport, et d'une manière très vive, parce que nous ne voulons plus que ce type de crise se reproduise dans un établissement aussi important, crucial, que celui-ci. Merci.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne comptais pas forcément intervenir dans ce débat, car effectivement, les états financiers de l'aéroport sont rigoureusement tenus, mais vu les propos tant du rapporteur que de mes préopinants, il me semblait nécessaire de rectifier certaines choses.

S'agissant de la gestion générale de l'aéroport, on ne peut pas dire que celui-ci se soit réellement engagé dans une démarche de transition écologique, lorsque l'on voit que, certes, à la marge, sur des prestations tout à fait annexes de cette institution, comme les véhicules qui circulent sur le tarmac, il y a de modestes efforts, mais que les objectifs de l'aéroport sont toujours que l'on se déplace plus, plus nombreux et plus loin en avion, ce qui génère effectivement, et de façon irréfutable, des quantités de CO2 tout à fait incompatibles avec les objectifs que l'Etat s'est fixés. Pour donner un exemple, une nouvelle compagnie américaine, Delta Air Lines, vient d'ouvrir une ligne à Genève et a choisi un des avions les plus polluants de l'hémisphère ouest pour cette desserte, et il n'a pas été possible, ou il n'y a pas eu de volonté suffisante de la part de l'aéroport, de faire en sorte que cette compagnie choisisse un autre avion pour opérer cette liaison.

Par ailleurs, évidemment - et là, nous rejoignons les propos de M. Blondin sur la gestion du personnel -, on peut se réjouir qu'il n'y ait pas eu de licenciement; il est tout à fait vrai que la gestion de sortie de crise a été réussie, et peut-être même exemplaire. C'est aussi dû au droit fédéral, qui a permis de conserver les contrats, il faut le saluer. En revanche, la nouvelle grille salariale proposée par l'aéroport de Genève a débouché sur une crise interne d'une gravité historique. Cette crise est également due au fait que l'aéroport n'envisageait des primes qu'en relation avec la croissance du nombre de vols et de l'activité de l'aéroport, ce qui est contraire, en définitive, à ce que le peuple a demandé lorsqu'il a voté l'initiative pour un pilotage démocratique de l'aéroport.

Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je m'abstiendrai sur ce projet de loi, et je suppose qu'un certain nombre de membres de mon groupe en feront de même. Je vous remercie.

M. Vincent Subilia (PLR). Je serai bref, Madame la présidente, pour dire du PLR qu'il adoptera, naturellement, ces états financiers, en approuvant, dans le contexte que l'on connaît de très forte volatilité, d'une grande complexité, la gestion globale de l'aéroport avec les difficultés que l'on sait.

Je m'insurgerai néanmoins contre certains des propos qui ont été tenus dans cet hémicycle, notamment ceux de mon préopinant, qui sait pertinemment, s'agissant de l'exemple qu'il a donné d'une compagnie aérienne qui recourait à des avions plus polluants - nous ne sommes pas là pour entrer dans le détail opérationnel, mais il faut rétablir un certain nombre de vérités, d'ailleurs l'aéroport l'a dit devant nous en commission, vous n'êtes pas sans le savoir -, que ce n'est pas un déficit de volonté de la part de l'aéroport de mener à bien des objectifs de développement durable; on se heurte à des réalités économiques. La compagnie que vous avez citée ne disposait pas d'un avion lui permettant d'opérer selon les conditions que vous auriez souhaitées.

Je crois donc qu'il faut rectifier les choses et rappeler une certaine réalité, et puis, surtout, se rappeler que l'aéroport, quoi qu'on puisse en dire et en faire, est par nature une source d'externalités, de par le trafic qui s'y déploie, mais surtout une source profonde de prospérité pour Genève, qui ne serait qu'une aimable bourgade si, voici cent quatre ans, des visionnaires n'avaient pas eu le bon goût de construire cette piste aéroportuaire dans la lointaine campagne de Cointrin. Il faut savoir rendre à César ce qui lui est dû plutôt que sans cesse critiquer.

Je suis sensible aux excellents propos tenus par le député Nidegger, affûtés sous la coupole fédérale et dans les prétoires qu'on lui connaît, mais je m'étonne des allégations qui sont portées ici s'agissant de la dimension erronée des comptes, pour des motifs que je ne jugerai pas, et du fait que cet argument n'ait pas été soulevé en commission, dès lors que deux de vos commissaires ont approuvé le rapport, qui a été adopté à la quasi-unanimité. Je vous remercie infiniment. (Remarque.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes en train de parler des états financiers 2022 de l'aéroport. Cet établissement n'était pas sous ma surveillance. Je n'étendrai donc pas mon discours, mais je me réjouis de parler ultérieurement de l'aéroport pour 2023. Je me réjouis de parler de ce que le MCG considère être une mauvaise gestion de crise, pourtant félicitée par l'immense majorité des citoyens. J'ai reçu à cette occasion - j'aurais bien aimé que ce soit le cas à un autre moment - des cartes postales de... J'ai presque envie de dire du monde entier, de personnes qui avaient pu partir en vacances et qui justement formulaient des remerciements. Mais je me réjouis d'en discuter avec vous et de voir comment on peut améliorer la crédibilité de l'aéroport, ainsi que, peut-être, sa gouvernance, et faire en sorte que la population ne soit pas prise en otage. Vous savez que le Conseil d'Etat a assez peu de pouvoir sur ce genre de situation. Ce sont des établissements publics autonomes. (Remarque.) Nous sommes, en quelque sorte, contraints d'attendre qu'il y ait un problème, un vrai problème, pour intervenir, et à ce moment-là, tout ce qui compte, c'est de faire en sorte que la communauté, les habitants puissent partir en vacances. C'est ce que j'ai tenté de faire, mais je me réjouis que nous puissions en parler ensemble. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur cet objet.

Mis aux voix, le projet de loi 13298 est adopté en premier débat par 78 oui contre 12 non.

L'article unique du projet de loi 13298 est adopté en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13298 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 12 non et 16 abstentions (vote nominal).

Loi 13298 Vote nominal