République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12779-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2021 (LBu-2021) (D 3 70)

Suite du premier débat

Le président. Nous reprenons le premier débat sur le projet de budget, et je donne la parole à M. Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le PDC avait invité ce parlement à trouver une solution qui permettrait de voter un budget. Il se réjouit dès lors qu'un accord entre les partis gouvernementaux sorte de la commission des finances. L'acceptation du projet de loi sur les annuités a concrétisé ce compromis. Nous allons établir un budget dans la douleur, sans renoncer à nous montrer critiques selon nos positions partisanes, voire politiques.

Pour le PDC, c'est effectivement le budget de la douleur. La crise économique, sociale et sanitaire que nous vivons est sans précédent depuis la dernière guerre mondiale. Nous sommes passés d'une crise structurelle à une crise conjoncturelle sans avoir conscience qu'une crise des moyens allait en découler. Voilà, Mesdames et Messieurs, la réalité face à laquelle nous devons étudier ce projet de budget.

Prendre le temps de comprendre la dynamique de nos charges, c'est remonter au budget de l'ancien président Hiler. Depuis 2014, la progression totale des charges est supérieure à 16,2%; notre population, quant à elle, a crû de seulement 5%. Cela signifie que nos charges ont augmenté trois fois plus vite que la population, et ce sans les besoins liés au covid. Cette réalité a été rappelée année après année au Conseil d'Etat, mais cette fois, nous sommes arrivés à bout de souffle. La réforme de l'Etat se fera inévitablement dans la douleur.

Le débat politique publique par politique publique permettra aux députés d'appréhender la pertinence des moyens à disposition de nos concitoyens. Le manque de transversalité se traduit souvent par des besoins empiriques. Faut-il supprimer des classes dans les états-majors ? Voilà l'une des questions que l'on peut se poser. La crise des recettes est caractéristique de la situation conjoncturelle que nous traversons.

A ce stade, je suis persuadé que notre économie, dynamique, sera au rendez-vous d'une reprise pour autant que des conditions-cadres adéquates soient présentes. Avec la révision de la fiscalité des entreprises, nous avons rempli l'une de ces conditions-cadres, des plus importantes à notre sens. C'est une chance supplémentaire dans le contexte actuel, même si provisoirement, nous devons relever un défi que nous n'avions pas imaginé.

La concurrence sur les marchés d'exportation est une réalité, et nos entreprises doivent chercher au quotidien à limiter leurs charges pour rester compétitives. Nos compétences ne suffisent pas à faire la différence. Nous risquons de perdre nos derniers outils de production à Genève. Imaginez-vous l'horlogerie quitter notre canton, voire produire sur d'autres marchés ? Il faut relever que le Conseil d'Etat maintient un niveau d'investissement parmi les plus importants de ces dix dernières années. Le redémarrage de notre économie constitue la base d'un retour à nos recettes fiscales, Mesdames et Messieurs.

La stratégie budgétaire du gouvernement était de minimiser le déficit avec des projets de lois connexes. Or la dure réalité a vite repris le dessus. Le manque de concertation avec les communes, un message déplacé vis-à-vis de la fonction publique de même que l'absence de réformes font partie d'un constat peu glorieux pour le Conseil d'Etat. Il était nécessaire de trouver un accord nous permettant d'échapper à une crise institutionnelle, et les partis gouvernementaux ont peut-être évité le pire. L'avenir nous le dira, Mesdames et Messieurs. C'est dans cet état d'esprit que le PDC votera l'entrée en matière sur le projet de budget 2021. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, dans la situation que nous vivons actuellement, le parti socialiste est convaincu de la nécessité d'avoir un budget pour 2021, d'une part pour permettre à l'Etat et au secteur subventionné de fonctionner, pour maintenir la qualité de nos services publics qui n'ont jamais été aussi précieux qu'aujourd'hui, d'autre part pour répondre aux nouveaux besoins engendrés par la crise.

Le parti socialiste n'était pas prêt à voter un budget à n'importe quel prix. Pour nous, il était absolument exclu d'envisager une réduction des salaires de la fonction publique, j'entends par là le projet de loi visant à diminuer de 1% les rétributions des fonctionnaires, que le Conseil d'Etat a heureusement retiré. Il n'était pas question non plus d'adopter un budget qui coupe dans les postes ou dans les prestations à la population.

Le projet tel que sorti de la commission des finances n'est pas un bon budget, ce n'est pas un budget socialiste, ce n'est pas un budget à la hauteur du contexte exceptionnel que nous connaissons, mais il faut être réaliste, et le parti socialiste l'est: aujourd'hui, cela n'aura échappé à personne, il n'y a pas de majorité de gauche dans ce Grand Conseil, ce que je regrette. Je regrette aussi le positionnement inflexible des partis de droite qui, année après année, projet de loi après projet de loi, s'attaquent à la fonction publique de notre canton et refusent systématiquement toute hausse des recettes fiscales, même si elles sont temporaires, même si elles touchent exclusivement les très hauts revenus, les très grandes fortunes. Ce n'est donc pas un budget de gauche, puisque celui-ci n'est pas possible, mais c'est un budget, et un budget nécessaire alors que nous traversons en ce moment la pire crise de notre histoire récente.

Le choix est simple, Mesdames et Messieurs les députés: nous pouvons soit accepter ce projet de budget, soit le refuser, ce qui veut dire fonctionner l'année prochaine selon le système des douzièmes provisoires basés sur le projet de budget 2020, lequel n'est absolument pas prévu pour faire face à la crise majeure que nous subissons. (Brouhaha.)

Le président. Juste un instant, Madame la députée, le temps que vos collègues se décident enfin à vous entendre... Ou plutôt à vous écouter - à vous entendre, peut-être ! (Un instant s'écoule.) Voilà, vous pouvez poursuivre.

Mme Caroline Marti. Je vous remercie, Monsieur le président. Soyons conscients que rejeter ce budget, Mesdames et Messieurs les députés, c'est renoncer à 312 nouveaux postes, notamment dans des services particulièrement touchés par la crise ou en grande souffrance depuis des années - je pense par exemple au SPAd, au SPC, à l'enseignement, à l'OCE. C'est renoncer à pérenniser un certain nombre de postes accordés au cours de l'année 2020 - 136, pour être précise - ainsi qu'à 220 postes d'auxiliaires temporaires en lien avec le covid. C'est encore renoncer à octroyer 16,5 millions de plus aux HUG, 3,2 millions à l'IMAD, 1,5 million dans les EMS, et c'est finalement renoncer à doter de 11 millions les milieux culturels, de 20 millions les TPG et de 14 millions les cas de rigueur.

Bien sûr, le parti socialiste n'est pas satisfait de ce budget; bien sûr, nous aurions voulu accorder aux fonctionnaires l'annuité qui représente un dû, qui est inscrite dans la loi. Nous avons essayé de réunir une majorité pour voter un budget incluant le versement de l'annuité, mais force est de constater que nous n'y sommes pas parvenus. Nous aurions également voulu augmenter massivement les montants alloués, que ce soit dans l'éducation, pour soutenir les élèves en difficulté ou en situation de décrochage scolaire, dans le social - notamment aux EPI ou à l'Hospice général, qui enregistre une hausse des dossiers sans précédent - dans le milieu de la santé - aux HUG, à l'IMAD et dans les EMS qui sont au front face à la crise du covid - ou encore dans le domaine de l'emploi, c'est-à-dire à l'OCE, pour répondre à la progression du nombre de chômeurs, mais aussi pour le contrôle du marché du travail. Bien sûr, nous aurions voulu que le Conseil d'Etat, face à cette situation de crise et à ses différentes conséquences sur la population, sur l'augmentation des besoins, sur les finances publiques, propose de vraies mesures pour des recettes fiscales supplémentaires et pas une baisse de l'impôt sur la fortune camouflée dans une réforme plus large ou un bricolage sur les taux d'intérêt fiscaux.

Pour le parti socialiste, il aurait été plus confortable, plus gratifiant de rester vissé sur ses positions idéologiques et d'exiger l'ensemble de ces points. Mais cette année sans doute encore plus que n'importe quelle autre, jouer la politique du pire, refuser un budget parce qu'il ne correspond pas exactement à ce que nous aurions voulu, ce serait purement et simplement dévastateur: dévastateur pour les services publics, dévastateur pour la qualité des prestations, dévastateur pour les plus fragiles de notre canton qui ont besoin de notre soutien et non d'être pris en otage dans un jeu politique parlementaire.

Monsieur le président, je répondrai à M. Burgermeister, d'Ensemble à Gauche, qui a dit: «Ce budget ne prend pas la mesure de la crise.» C'est vrai, je pense qu'il a parfaitement raison, mais je ne peux m'empêcher de croire qu'adopter une posture consistant à dire: «Si nous n'obtenons pas tout ce que nous exigeons, nous refusons le projet en bloc», ce n'est pas non plus une façon de prendre la mesure de la situation.

Je conclurai en remerciant mes camarades du groupe socialiste qui, en dépit de certaines pressions subies ces derniers jours, font preuve de courage politique pour doter notre canton d'un budget; un budget certes imparfait, un budget certes décevant, un budget certes insuffisant pour répondre à l'ensemble des besoins de la population, mais un budget essentiel pour assurer le fonctionnement de l'Etat, du secteur subventionné et des services publics. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste entrera en matière sur ce projet de budget, Mesdames et Messieurs, et vous invite à en faire de même. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comment expliquer un déficit aussi abyssal ? C'est la conjonction de quatre éléments incontournables. D'une part, la pandémie de covid-19 que personne, absolument personne n'attendait début 2020 et qui met à mal nos finances, notre économie, voire toute notre société. A cela s'ajoute la mise en oeuvre de trois réformes, également très coûteuses, mais essentielles pour l'avenir de notre canton: la RFFA, la CPEG et les subsides d'assurance-maladie; nous ne pouvions pas les reporter, mais elles tombent bien entendu à un très mauvais moment.

Face à ces difficultés, il convient de ne pas baisser les bras, de ne pas se décourager, et c'est pourquoi nous nous devons d'avoir un budget en 2021. Dans cette optique, les partis gouvernementaux de tous bords ont réussi à trouver un accord afin de montrer leur détermination. En plus de garantir un budget, ce compromis comprend la mise en place de réformes structurelles pour l'Etat de Genève, des réformes qui commenceront à être étudiées par les partis dès janvier de l'année prochaine.

Pour toutes ces raisons, le MCG votera l'entrée en matière sur le projet de budget 2021. Il s'agit de ne pas aggraver la crise que nous connaissons actuellement et de nous permettre d'en sortir le plus rapidement possible. Merci.

Mme Dilara Bayrak (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Verts votera l'entrée en matière sur le budget 2021. Les négociations, comme mentionné lors de la discussion sur l'annuité, ont été extrêmement soutenues et difficiles pour chacune des parties. Pour nous, le fait de pouvoir doter le canton d'un budget alors que nous sommes actuellement dans une situation très particulière a été la pierre angulaire de nos réflexions. Par le biais de l'accord conclu, ce but a été atteint.

Bien sûr que ce budget ne nous convient pas, et je ne répéterai pas les éléments qui, à nos yeux, devraient composer un budget idéal, celui-là même qui a été en partie dépeint par ma collègue Caroline Marti. Les prises de parole de notre groupe concerneront plutôt la perfectibilité des différentes politiques publiques; nous voudrions principalement donner une composante plus verte au fonctionnement de l'Etat afin d'initier la transition écologique tant attendue non seulement par la population, mais aussi par notre parti.

J'aimerais rappeler que sans cet accord, nous n'aurions pas de budget 2021, ce qui entraînerait la mise en application du système des douzièmes provisoires. Chères et chers collègues, nous avons une responsabilité, et quelle responsabilité ! Celle d'apporter de la stabilité à une population confrontée à une très grande incertitude, et ce par le biais des postes qui garantissent le maintien des prestations. Nous, Vertes et Verts, prenons cette responsabilité qui a sans doute des conséquences difficiles, mais c'est un arbitrage que nous devons opérer en tant que députées et députés.

M. Yvan Zweifel (PLR). Outre que ce budget est la conséquence de la crise du covid-19 que nous traversons, cette crise et ce budget ont une autre similitude, c'est qu'on s'en serait bien passé ! Le budget 2021 est le reflet de la crise sanitaire, mais par ricochet économique et social, c'est aussi un budget extraordinaire, un budget record: il présente un déficit d'au moins 839 millions. Oui, 839 millions ! Jamais Genève n'avait connu cela. L'ancien déficit record était de 755 millions en 2005, mais c'était une autre époque et pour d'autres raisons. Si ce déficit est record, il n'en demeure pas moins qu'il est précisément le reflet de la crise que nous connaissons: c'est une situation exceptionnelle et, à ce titre, il était important que les partis politiques fassent également preuve d'une attitude exceptionnelle, celle de trouver un accord en faveur des aides que nous avons déjà votées et que nous allons continuer à voter.

Refuser ce budget, Mesdames et Messieurs, reviendrait tout simplement à nier d'abord la crise et ensuite la nécessité des aides que nous avons votées et que nous voterons encore, notamment pour des entreprises dont l'outil économique n'est pas cassé - on ne se trouve pas dans la situation de 2005 - mais dont l'activité a été stoppée, parfois en raison du virus, plus souvent par les décisions des autorités, qu'elles soient sanitaires ou politiques. Dès lors, Mesdames et Messieurs, il était normal de soutenir les sociétés, il était normal de soutenir les indépendants, les artisans, les commerçants, tous ceux qui ont vu leur activité être arrêtée. Cela se reflète dans le budget, et il nous paraissait donc logique de le voter indépendamment du montant terrible que représente ce déficit.

Mais, Mesdames et Messieurs, ce budget, d'autres l'ont dit avant moi, est aussi le reflet de nos erreurs du passé, des erreurs de gestion qui, malgré les sonnettes d'alarme que le PLR et d'autres ici n'ont cessé de faire retentir, n'ont pas arrangé la situation. En 2003, l'endettement de la Confédération s'élevait, pour la seule Confédération, à 25,3% du PIB; lorsqu'on y additionnait les dettes des cantons et des communes, on atteignait 49,1% d'endettement par rapport au PIB.

La Confédération et la plupart des cantons ont pris la mesure de cette problématique et ont mis en place des réformes structurelles importantes, notamment des freins au déficit et aux dépenses qui ont permis, en 2019, de faire passer l'endettement de la Confédération de 25,3% à 13,3%, c'est-à-dire qu'il a été divisé par deux sur cette période. Pourquoi ? Parce que pendant ce laps de temps, la situation économique était meilleure, et la Confédération a profité d'une conjoncture positive pour réduire sa dette, pour se donner de la marge de manoeuvre au cas où une crise s'annoncerait.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, l'endettement total - Confédération, cantons et communes - représente 30% de notre PIB - ça, c'était fin 2019; même en y ajoutant 40 milliards d'endettement supplémentaire - c'est ce qui est prévu actuellement par Berne, notamment pour renflouer les caisses de chômage - on arriverait à 35,5%. En comparaison avec le meilleur élève d'Europe, soit l'Allemagne qui est à 67% - sans même se comparer avec la France qui est à 100% ou avec l'Italie qui est à plus de 125% - eh bien la Suisse, une fois de plus, est en meilleure position. Elle est en meilleure position, parce qu'elle a fait le nécessaire, lorsqu'on était en période de beau temps économique, pour se donner les moyens de réagir en cas de crise.

A Genève, Mesdames et Messieurs les députés, est-ce qu'on a été suisse, est-ce qu'on a été confédéral, est-ce qu'on a fait comme les autres cantons ou la Confédération ? Evidemment que non: on a préféré tourner notre regard vers notre grand voisin français en pensant que celui-ci serait un meilleur modèle que nos compatriotes helvétiques. En conséquence de quoi, au lieu de mettre de l'argent de côté lorsqu'on avait les moyens de le faire, au lieu de réduire notre dette, on a fait exactement le contraire, et alors qu'on avait des excédents importants, on a dépensé à tort et à travers, souvent à tort.

Mesdames et Messieurs, nous voterons ce budget, je l'ai dit, mais il est vraiment important pour nous qu'à partir de l'exercice 2022 et suivants, tous les partis politiques confondus se réunissent autour de la table, réfléchissent ensemble à des réformes fondamentales. Cela, Mesdames et Messieurs, ne signifie pas nécessairement qu'on va diminuer massivement les salaires des fonctionnaires, cela ne signifie pas qu'on va couper à la machette dans les prestations publiques; non, ça signifie simplement se réorganiser, comme l'ont fait d'autres cantons. Est-ce que dans le canton de Vaud où la fonction publique coûte 40% moins cher qu'à Genève, les citoyens ont 40% de prestations en moins ? Non, bien sûr que non. Est-ce que du côté de Zurich où la fonction publique, canton et communes ensemble, est 60% moins chère qu'à Genève, les Zurichois ont 60% de prestations en moins ? Non, bien entendu: ces administrations ont simplement restructuré non seulement leur fonction publique, mais également leurs prestations pour continuer à offrir des services de qualité à leur population tout en réduisant leur endettement, et donc disposent d'une marge de manoeuvre dans le cas où une crise arriverait, ce qui est précisément le cas maintenant.

Qu'a demandé le PLR lors des discussions sur le budget ? Pas grand-chose, Mesdames et Messieurs ! Nous demandions, s'agissant des postes supplémentaires proposés, dont nous ne contestions pas l'importance ni l'urgence pour la plupart, non pas qu'ils soient biffés du budget, mais que pour ceux qui ont des profils tels que commis administratifs, comptables, RH, que sais-je encore, on opère un transfert, c'est-à-dire qu'on aille trouver des juristes, des commis administratifs, des comptables, des contrôleurs de gestion et qu'on les déplace, même temporairement, d'un service à un autre, d'un département à un autre. Or on nous a répondu que sur 18 000 fonctionnaires, c'était impossible. Le PLR est venu avec une proposition concrète pour 24 ETP, 24 sur 18 000, en expliquant que certes, ces postes sont importants et urgents, mais qu'on aurait la possibilité de les chercher ailleurs. Le Conseil d'Etat, comme nos partenaires pour la plupart, nous a dit: «Non, c'est impossible.»

En ce qui me concerne, je dirige une fiduciaire, Mesdames et Messieurs, et il m'arrive souvent d'avoir un dossier urgent qui arrive sur la table ou un nouveau client; eh bien je n'engage pas immédiatement du personnel, je me réorganise, je transfère des forces sur ce dossier-là, et puis on s'occupera des autres dossiers après. Si c'est possible dans une petite structure, si c'est possible dans une moyenne structure, Mesdames et Messieurs les députés, cela doit être possible dans une grande structure.

Mesdames et Messieurs, le PLR ne votera pas ce budget par plaisir ni par envie et encore moins par folie, mais par responsabilité. Winston Churchill l'avait dit: «La responsabilité est le prix à payer du succès.» Ce prix, on le connaît aujourd'hui, Mesdames et Messieurs: c'est 839 millions. Mais dès 2022, il faudra sortir de l'abîme budgétaire où nous a plongés notre incapacité de réforme, et j'ai bon espoir, parce que je suis un éternel optimiste, que tous ensemble, nous trouverons ce qu'il faut pour sortir Genève de l'ornière en gardant des prestations de qualité et sans toucher à l'imposition qui est déjà la plus élevée du pays. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. C'est au tour de M. François Baertschi pour cinq minutes vingt.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Quelle est la raison de l'actuel déficit, indépendamment de ce qu'a expliqué la députée Françoise Sapin, c'est-à-dire le covid et les différentes réformes ? Quelle est la raison profonde de notre situation difficile ? Eh bien c'est que le canton de Genève est trop généreux face à l'extérieur: Genève rétrocède chaque année 300 millions de francs à la France voisine, Genève ne réclame pas les 3 milliards qu'elle a avancés à la Banque cantonale, un montant qui, dans l'intervalle, reste dans notre dette. Oui, 300 millions sur dix ans, cela fait 3 milliards pour la BCGE !

Et c'est sans compter la péréquation intercantonale qui nous est défavorable, c'est sans compter les sommes gigantesques que Genève verse à la Confédération au travers de l'impôt fédéral direct et de la TVA. Nous retrouvons ces sommes dans la dette de l'Etat, dans notre déficit annuel. Nous ne serions pas dans une situation aussi dramatique si Genève avait mieux négocié sa position financière face à la Confédération et aux autres cantons.

Malheureusement, Genève joue au bon élève; on le voit au niveau du covid, on voit que la Confédération, M. Ueli Maurer en particulier, est le cancre de la classe, on a vu ce qui se passait aux Chambres fédérales et qui est proprement scandaleux. Devons-nous réellement continuer à être les premiers de classe, laisser la Confédération jouer le rôle du cancre et, par-dessus le marché, nous insulter en permanence ? Non, tout cela n'est pas acceptable, nous devons sortir de cette triste réalité. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Burgermeister, vous avez la parole pour deux minutes vingt en tant que rapporteur de minorité.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je voudrais revenir très brièvement sur quelque chose qui a été dit par Mme la députée Dilara Bayrak, à savoir: «Notre préoccupation, c'est d'accélérer la transition verte.» Il est vrai que dans ma critique du budget, j'ai beaucoup insisté sur le fait que celui-ci ne répondait pas, mais alors pas du tout à la crise sociale, et on a entendu, comme je vous avais prévenus - on aurait pu gagner du temps ! - les députés s'autocongratuler d'éviter une crise institutionnelle. Personne n'a indiqué qu'on aurait pu éviter - et qu'on pourrait encore, si on s'en donnait les moyens - une crise sociale majeure; ce ne sera visiblement pas le cas à l'issue de ces débats, et les conséquences pour une grande partie de la population seront dramatiques. A mon avis, beaucoup dans le canton préféreraient une crise institutionnelle à une crise sociale, mais enfin, c'est un autre choix qu'a effectué ce parlement.

Ce que je voulais dire par rapport à cette remarque sur la crise environnementale et que j'ai omis de faire plus tôt, c'est que le projet de budget, en matière d'objectifs environnementaux et notamment de réduction des émissions de gaz à effet de serre, est invraisemblable, il ne contient rien ! Même le chapitre sur la politique publique E «Environnement et énergie» ne contient rien: aucun objectif de réduction des gaz à effet de serre ! Aucun objectif de protection de la biodiversité ! Il n'y a rien, Mesdames et Messieurs, et bien que ce Grand Conseil ait décidé de réduire de 60% les gaz à effet de serre d'ici 2030, ce budget l'ignore totalement ! Dès lors, les Verts ne peuvent pas prétendre qu'ils vont voter ce budget dans un prétendu souci de défense de l'environnement. C'est impossible, le budget est terriblement muet et les ambitions du Conseil d'Etat dans ce domaine sont tout simplement inexistantes.

Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. Alberto Velasco pour une minute.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je voudrais dire à mon collègue M. Zweifel que Genève n'a pas regardé vers la France, mais plutôt vers l'Angleterre de Mme Thatcher. Or, pendant ce temps-là, avec des gouvernements constamment à droite, l'assiette fiscale de l'Etat a subi une baisse de 1 milliard. Voilà la raison fondamentale ! Nos collègues suisses allemands n'ont pas opéré de telles coupes dans leurs budgets. Ainsi, Monsieur Zweifel, ce n'est pas du tout la France, mais plutôt l'Angleterre qu'une majorité suit malheureusement comme exemple. Merci.

Le président. Merci bien. La parole va maintenant à M. le député Patrick Dimier pour trois minutes.

M. Patrick Dimier (MCG). Oh, je n'aurai pas besoin d'autant, Monsieur le président ! Je voulais juste rappeler à certains dispendieux que si on veut avoir de l'argent devant soi, il faut commencer par le mettre de côté. (Commentaires.)

Une voix. Il n'y a pas de gag ! (Commentaires.)

Une autre voix. Il n'y a pas de blague ! (Commentaires.)

Le président. Non, il n'y a pas eu de galéjade... Je sais que vous l'attendiez, mais il n'y en a pas eu. Pour terminer, la parole échoit à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, demain, votre Grand Conseil devrait permettre à notre canton de se doter d'un budget pour l'année 2021. A plus d'un titre, ce budget est historique: il est d'abord historique en raison du contexte sanitaire que nous connaissons, il est également historique compte tenu de l'ampleur du déficit présenté, il est enfin historique parce qu'il a fait l'objet d'un consensus de tous les partis gouvernementaux.

Dans la vie politique genevoise, l'adoption du budget en décembre - ou sa non-adoption - constitue le moment fort de l'année. C'est lors du débat budgétaire, dans un premier temps en commission, puis en séance plénière, que les options stratégiques du Conseil d'Etat pour les exercices suivants sont validées, corrigées, plus ou moins profondément modifiées par le parlement avec des majorités politiques qui se construisent pendant l'automne. Notre canton a la particularité de voir ses majorités politiques changer pratiquement tous les ans. Vous vous souvenez qu'en 2018, la majorité qui a adopté le budget penchait vers la gauche alors qu'en 2019, elle tendait plutôt vers la droite. Cette année, la nouvelle majorité composée de tous les partis représentés au Conseil d'Etat a fait le constat qu'il était absolument indispensable que Genève dispose d'un budget.

Pourquoi ? Parce qu'il faut montrer que notre canton assume l'ensemble de ses responsabilités vis-à-vis de tous ceux qui ont besoin du soutien de l'Etat, qu'il s'agisse des prestations sociales à accorder aux personnes, des moyens supplémentaires à donner aux entités qui se trouvent en première ligne face à la crise sanitaire - je pense aux HUG, à l'IMAD, aux EMS, mais aussi aux TPG - ou encore de dotations en personnel suffisantes à attribuer aux services qui ont vu leur volume d'activité fortement augmenter ces dernières années - mentionnons le SPAd, le SPC, de même que l'enseignement où il convient de faire face à la hausse du nombre d'élèves. Et pour finir, comme vous le savez bien, puisque vous avez voté de nombreux projets de lois sur le sujet, ce dont je vous remercie à nouveau, le Conseil d'Etat prend ses responsabilités en matière de soutien aux entreprises genevoises durement touchées par la crise.

Je n'oublie pas nos créanciers, Mesdames et Messieurs, ceux auprès de qui l'Etat emprunte les montants nécessaires au financement des prestations en cette période si particulière, ainsi que l'agence de notation qui examine notre situation financière. Ces gens sont évidemment rassurés lorsque gouvernement et parlement parviennent à se mettre d'accord sur un budget; à l'inverse, une absence de budget aurait très probablement eu un impact extrêmement négatif sur notre note et donc sur le coût de nos emprunts.

Alors oui, le budget que vous allez adopter comporte un déficit budgétaire d'une ampleur jamais vue en valeur absolue: un excédent de charges de 840 millions à l'issue des travaux de la commission des finances. Je signale toutefois qu'en valeur relative, nous avons déjà voté des budgets avec un déficit d'une envergure comparable, voire supérieure. En 1992 et 1993, le Grand Conseil avait accepté des déficits de respectivement 470 millions et 500 millions, ce qui équivalait à 10% du total des revenus; aujourd'hui, cet excédent de 840 millions représente un peu moins de 10% des revenus attendus en 2021.

Comment en est-on arrivé là, Mesdames et Messieurs les députés ? Vous vous souvenez que le projet de budget déposé au mois de septembre prévoyait déjà un déficit de 501 millions. Ce budget était marqué du sceau des trois réformes adoptées par le peuple en 2019. A ce budget étaient liés des projets de lois connexes sur des mesures d'économies du Conseil d'Etat, mais la plupart d'entre eux ont été refusés. La RPI - 105 millions - n'a pas été votée dans les délais permettant de la prendre en compte, les intérêts fiscaux non plus, tout comme le texte sur le partage des tâches avec les communes.

L'incertitude plane par ailleurs quant aux recettes fiscales: si d'ordinaire, au mois d'octobre, nous vous annoncions de bonnes nouvelles et déposions des amendements pour les ajuster à la hausse, cette année, c'est une diminution de 44 millions que nous avons dû apporter au budget. Comme vous le savez, nous évoluons dans une période d'imprévisibilité; tout dernièrement, vous l'avez certainement lu dans la presse, le Centre de recherches conjoncturelles de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, le KOF, estimait que l'économie suisse redémarrerait moins fortement que prévu en 2021.

S'agissant des dépenses dans le domaine de la santé, la commission des finances a accepté des amendements à hauteur de 38 millions supplémentaires pour les HUG, l'IMAD, les EMS et la cellule covid au sein de la direction générale de la santé. Quelque 20 millions en plus pour les TPG ont également été votés. Concernant les aides aux entreprises, les projets de lois relatifs aux cas de rigueur ont tous été validés. A ce stade et à l'issue des travaux, ce sont 17 millions qui sont prévus pour 2021, mais nous le savons, vous le savez, ces montants seront appelés à évoluer, à évoluer largement. Un tel soutien est indispensable pour notre économie et le maintien de l'emploi, Mesdames et Messieurs: nous aurons besoin de ces secteurs économiques lorsque la crise sera passée, nous aurons besoin de leur dynamisme afin que Genève reste un canton où il fait bon vivre et dans lequel l'emploi est possible.

Ce budget 2021, vous le voyez, est et restera marqué par l'incertitude. J'ai omis de préciser qu'en matière de culture, nous avons ajouté 11 millions dans les amendements, et il faut encore compter avec les effets des différents projets de lois en faveur de l'économie et de celles et ceux qui sont défavorisés, que nous traiterons ce soir. Aussi, oui, Mesdames et Messieurs, il est essentiel que notre canton dispose d'un budget pour l'année 2021.

En ce qui concerne les postes, vous vous le rappelez, le Conseil d'Etat en demandait 353 de plus dans le projet de budget; je signale à cet égard au rapporteur de minorité que son rapport comporte une erreur sur ce point: c'est bien 353 additionnés de 136, et non 353 dont 136, comme il l'a indiqué. Ces 136 postes avaient été accordés en 2020 par crédit complémentaire. Eh bien il a fallu augmenter le nombre de postes, ce qui a été approuvé par la commission des finances: 129 postes supplémentaires d'auxiliaires au sein de la cellule covid pour traiter les aspects sanitaires de la crise, dix postes supplémentaires pour traiter les requêtes des entreprises à la DG DERI, des postes supplémentaires pour le convoyage des détenus, résultat des projets de lois que vous avez refusés, quatre postes supplémentaires au service des prestations complémentaires et trois postes supplémentaires au service de santé de l'enfance et de la jeunesse. En tout, par rapport au budget 2020 voté il y a une année, il y a une hausse, je vous le laissais entendre, de 656 postes. Ce chiffre comprend toutefois les 136 postes déjà accordés par crédit complémentaire en 2020 et se compose en grande partie d'emplois d'auxiliaires liés à la crise du covid.

Un mot encore, Mesdames et Messieurs: l'ensemble de ces postes seront occupés au front afin de répondre à des exigences fixées dans des lois pour la plupart votées, et non au sein des états-majors. Ils ont fait l'objet d'un accord entre les partis gouvernementaux, ce dont le Conseil d'Etat ne peut bien entendu que se féliciter. Certains de ces postes sont essentiels dans le cadre de la crise sanitaire, sociale et économique, d'autres sont nécessaires pour mettre en place certaines réformes. En contrepartie, les partis gouvernementaux ont accepté la proposition du Conseil d'Etat de ne pas accorder l'annuité, soit l'augmentation automatique des salaires de la fonction publique, cette année.

Naturellement, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux être satisfaite de présenter un budget pareil, et mes collègues du Conseil d'Etat non plus. Si on m'avait dit un jour que j'encouragerais le Grand Conseil à voter un budget présentant un déficit de 840 millions, j'aurais immédiatement demandé à l'auteur de ces propos s'il n'avait pas complètement perdu la tête ! Cela étant, nous voyons bien autour de nous que le canton de Genève n'est pas le seul à rencontrer des difficultés financières; une bonne partie des cantons suisses ont présenté des projets de budgets fortement déficitaires à la fin de l'été: le canton de Vaud, pour la première fois déficitaire depuis quinze ans, avec un déficit de 163 millions, Zurich avec un déficit de 560 millions, Berne avec un déficit de 630 millions. Quasiment tous vont proposer des augmentations de charges en fin d'année, comme l'a fait notre canton. Pour une fois, Genève est l'un des premiers à adopter son budget, de sorte qu'il ne m'est pas possible de donner des chiffres plus précis sur la situation des autres cantons.

Quant à la Confédération, elle a également déposé un projet de budget déficitaire, avec un déficit de 2,5 milliards annoncé en septembre, qui devrait encore s'aggraver avec les effets des dernières mesures. Si on va plus loin, si on examine les pays qui nous entourent, on constate que tous les pays européens ont été obligés d'augmenter massivement les dépenses publiques pour faire face à la crise sanitaire, économique et sociale. La France, par exemple, prévoit un déficit de plus de 150 milliards d'euros; même ordre de grandeur pour l'Allemagne dont le parlement a accepté de suspendre le mécanisme de frein à l'endettement. L'ensemble des Etats d'Europe de même que la plupart des cantons suisses vont devoir recourir plus ou moins massivement à la dette pour financer ces nouvelles dépenses. Il n'y a pas de miracle; tous font le constat qu'une hausse d'impôts serait suicidaire pour l'économie en cette période. A Genève, la dette devrait progresser de manière importante d'ici la fin 2021, mais pas dans les proportions des pays voisins.

Cependant, comme indiqué à la commission des finances, et vous le verrez à la clôture des comptes 2020, la dette de l'Etat, si l'on ne tient pas compte des versements à hauteur de 1 milliard à la CPEG, n'aura augmenté que dans des proportions parfaitement supportables. Rappelons encore, Mesdames et Messieurs, que l'Etat de Genève a la capacité d'emprunter à des taux très bas, voire négatifs à court terme. Aujourd'hui, le taux moyen de la dette de l'Etat se monte à 1,10%, ce qui est particulièrement bas, même en comparaison avec les autres cantons helvétiques. Si nous pouvons et devons vivre avec la dette du canton, en revanche, à moyen terme, elle représente une véritable inquiétude, et il nous faudra nous montrer très rigoureux dès que les effets de la crise seront derrière nous.

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se réjouit avec moi de cet accord sur le budget 2021 qui prouve qu'au-delà du jeu politique parlementaire, les partis sont capables de prendre leurs responsabilités. Le Conseil d'Etat est toutefois pleinement conscient que le soutien des groupes gouvernementaux ne constitue pas un blanc-seing et qu'il est conditionné au travail commun que nous nous sommes engagés à entreprendre avec l'ensemble des partis dès le début de 2021 pour trouver des stratégies d'efficience, des pistes d'économies et des solutions structurelles permettant de rééquilibrer nos finances publiques.

Vous vous apprêtez à voter un budget qui présente certes un déficit historique, mais qui permet de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé de toutes et tous, avec un soutien accru aux HUG, à l'IMAD et aux EMS, un budget qui protège les plus faibles grâce à une hausse conséquente des prestations accordées aux personnes physiques, qui préserve les emplois de notre canton en aidant les entreprises touchées par la crise, mais également, et nous n'en avons que peu parlé, un budget qui permet de maintenir des investissements très importants. Nous avons le devoir d'épauler les habitants de notre canton, nous avons le devoir de soutenir notre économie afin qu'elle maintienne son dynamisme et puisse sauver, puis continuer à créer des emplois. Oui, ce déficit est énorme, Mesdames et Messieurs, mais gardons à l'esprit qu'il représente moins de 2% du PIB du canton de Genève.

Je ne pourrais conclure cette intervention sans remercier très chaleureusement les députés et le président de la commission des finances pour leur travail et la qualité des échanges, les services du Grand Conseil, notamment M. Audria, ainsi que les procès-verbalistes pour leur accompagnement, M. Olivier Fiumelli qui représente le département lors des travaux, la DGFE et plus particulièrement M. Fornallaz, M. Béguet et leurs équipes, l'OPE, en particulier M. Vuichard et son équipe, de même que l'AFC et les économètres, notamment M. Miceli, pour le travail fourni et leur soutien fondamental dans l'élaboration du budget. Enfin, je remercie toutes les directions financières des départements et leurs équipes qui y ont contribué. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12779 est adopté en premier débat par 76 oui contre 17 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2.

Budget de fonctionnement (tome 1)

I - IMPÔTS ET FINANCES

Le président. Nous passons au budget de fonctionnement; il n'y a pas d'amendements techniques ni d'amendements transversaux. L'ordre du jour appelle le traitement de la politique publique I «Impôts et finances». Je cède la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Cette thématique est évidemment l'occasion de mettre l'accent sur les inégalités sociales criantes qui existent dans ce canton et sur le fait que l'Etat de Genève pourrait se donner les moyens de mener une politique qui réponde aux besoins de la population. On a entendu tout à l'heure certains députés dire que les charges de l'Etat augmentent beaucoup plus rapidement que la population elle-même au sein du canton. Cela est vrai, indéniablement, mais il y a des raisons tout à fait objectives à cela: les besoins de la population croissent plus vite que la population elle-même.

Pour la santé, c'est notamment le vieillissement de la population, une donnée structurelle depuis de nombreuses années, qui crée des besoins toujours plus importants dans les structures de soin. Pour le social, c'est le développement de la précarisation et de la pauvreté dans des couches toujours plus larges de la population qui engendrent des coûts supplémentaires, notamment pour l'aide sociale. Et puis, la population a besoin de formations toujours plus longues; on comprend évidemment bien que ça rajoute là encore des coûts.

Par conséquent, les besoins augmentent, c'est vrai, et ils augmentent plus vite que la population - bien plus vite; c'est d'autant plus vrai en période de crise, où ces besoins explosent. Or le canton de Genève a les moyens d'y répondre. Je ne repasserai pas en revue - on l'a souvent fait ces derniers jours - la situation quant à la répartition des fortunes à Genève, qui se caractérise par l'inégalité la plus forte de Suisse et un accroissement des fortunes de plus de 7% en moyenne par année. J'aimerais simplement dire qu'il y a une possibilité: imposer les riches, à juste titre, puisque l'impôt sur la fortune croît beaucoup plus faiblement que la fortune elle-même. Si nous imposions davantage les plus grosses fortunes, par exemple les gros héritages, l'Etat pourrait facilement dégager des centaines de millions de rentrées fiscales supplémentaires, et de manière indolore pour la grande majorité de la population.

Il faut dire aussi que l'évasion fiscale, l'optimisation, a des coûts très élevés pour le canton - probablement près d'un milliard de francs par an - et il est regrettable de constater le manque de volonté de la majorité de ce parlement et du Conseil d'Etat de lutter efficacement contre la fuite de l'argent qui s'extrait de l'impôt. En commission, nous avons notamment assisté à des échanges surréalistes avec tous les députés de la droite et du MCG, qui nous expliquaient pourquoi il est impensable d'augmenter les impôts de telles ou telles personnes, sans quoi elles se domicilieraient dans un autre canton. On connaîtrait tous des gens aisés qui seraient domiciliés de manière fictive dans un autre canton, par exemple en Valais, tout en continuant à vivre à Genève. Face à ce délit, visiblement constaté par beaucoup à droite - je ne connais personne, quant à moi, dans cette situation - ils disaient, en conclusion, qu'il faut baisser les impôts des riches pour leur éviter de frauder la loi. Or pour n'importe quel autre délit, lorsqu'on en constate un, on se donne les moyens d'y réagir; il s'agit dans le cas présent de faire payer aux riches les impôts qu'ils doivent payer et, cas échéant, des amendes.

Voilà ce que je souhaitais dire au sujet de cette politique publique. Pour le reste, elle est évidemment marquée par la RFFA qui a fait baisser massivement l'impôt sur les bénéfices des entreprises. Cela aurait pu être suspendu, comme nous l'avons proposé précédemment, et cela coûtera cher. On m'a dit qu'il était malhonnête de remettre en question un vote; visiblement, c'étaient les chiffres donnés par le Conseil d'Etat qui étaient malhonnêtes, puisque les pertes engendrées par la RFFA seront près de deux fois supérieures à ce qui avait été annoncé. Et cela alors que nous sommes dans une conjoncture défavorable et que ces chiffres ont donc été revus à la baisse !

M. François Baertschi (MCG). Nous avons en effet un gros problème de rentrées fiscales; c'est un des problèmes que nous pose actuellement ce budget. Le MCG a déposé un projet de loi de solidarité frontalière qui ramènerait 160 millions - 160 millions par année - dans les caisses de l'Etat de Genève. Il faut voir qu'à la fois le personnel frontalier permis G et les employeurs bénéficient d'un avantage concurrentiel. Nous avons par conséquent estimé qu'une contribution spécifique, à hauteur de 1000 francs par mois, pourrait être demandée pour chaque travailleur frontalier et pour chaque employeur de travailleur frontalier.

Ce paiement serait tout à fait paritaire et permettrait de contribuer aux finances de l'Etat de Genève. Cela contribuerait également à contrebalancer un peu la concurrence de la main-d'oeuvre étrangère; le coût de la vie, plus bas en France, et évidemment le cours des changes constituent des avantages qui favorisent les travailleurs frontaliers. Par ce biais, nous rétablirions donc un certain équilibre, et nous sommes quand même un peu déçus de voir que cela n'avance pas parce qu'il y a beaucoup de projets fiscaux à l'étude. Nous espérons pouvoir prochainement examiner cette possibilité, en tout cas d'ici 2022. Nous espérons chaudement que le présent Grand Conseil lui réservera un bon accueil. Merci, Monsieur le président.

M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit plus tôt, le rôle de l'Etat en matière de fiscalité est d'abord redistributif. Et on peut se demander si ce Grand Conseil joue bien son rôle ! Pour ce qui est des revenus des personnes physiques, l'impôt est assez redistributif, mais en matière de fiscalité sur la fortune, Mesdames et Messieurs les députés, c'est une honte de voir que les inégalités sont si fortes à Genève ! Et au moment où on aurait besoin d'argent pour régler les dépenses que vous allez voter aujourd'hui, il n'y en a pas assez dans les caisses ! S'agissant de la fiscalité des entreprises, les Verts se sont opposés à la RFFA, que nous payons aujourd'hui - c'est exactement ce que nous avions prévu et prédit.

Pour ce qui nous intéresse, c'est-à-dire arriver à faire la transition vers une société plus durable et plus solidaire, la fiscalité joue un rôle fondamental. Je souligne là les efforts, en tout cas dans le discours, faits notamment par M. Zweifel qui disait qu'on allait organiser une grande table ronde pour remettre tout à plat. Alors remettons tout à plat, Mesdames et Messieurs les députés, pour avoir une fiscalité écologique qui réponde à deux objectifs. Le premier, c'est d'inciter les individus et les entreprises à un comportement vertueux; le deuxième, c'est de les dissuader d'avoir des comportements qui induisent des coûts sociaux et environnementaux extrêmement élevés.

Car c'est pour ça qu'on a besoin d'impôts, et vous le savez bien: notamment pour répondre aux politiques publiques que vous menez, qui engendrent bien sûr des coûts sociaux énormes en matière d'assurances sociales, mais également de la pollution et un mal-développement, au niveau tant de notre canton que de l'organisation de notre région. Pour ces raisons, les Verts vont refuser cette politique publique. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le constat est aujourd'hui implacable: année après année, la fortune globale augmente - la fortune globale à Genève, en Suisse et dans le monde. En parallèle, il y a une autre augmentation, bien connue, encore plus connue à Genève: celle des inégalités sociales. En résumé, des gens en proportion toujours plus restreinte sont toujours plus riches, tandis que d'autres sont toujours plus pauvres, toujours plus dans la précarité.

Comment régler ce problème ? Bien entendu par la fiscalité, par une fiscalité plus redistributive. Nous devons réfléchir à une autre fiscalité. Il ne faut pas augmenter un peu les impôts de la classe moyenne, augmenter un peu les impôts par-ci par-là ! Non, il faut réfléchir à un changement complet de paradigme pour une fiscalité plus redistributive.

Je n'ai pas le temps de vous donner tous les détails, mais en gros, si on se penche sur l'imposition des grandes fortunes, on constate qu'à Genève, elles se portent bien. Je vous donne quelques chiffres: pour les fortunes de 25 à 50 millions, il y avait 240 contribuables en 2011 et 347 en 2017. Il y avait 110 personnes avec une fortune de plus de 50 millions - de 50 à 100 millions - en 2011 alors qu'il y en avait 149 en 2017. Pour les fortunes de plus de 100 millions, Monsieur le président, il y avait 64 contribuables en 2011 et 104 en 2017 - 104 contribuables, à Genève, qui ont plus de 100 millions de fortune ! Il y a là bien entendu un potentiel d'imposition supplémentaire.

Il faut néanmoins réfléchir à d'autres impôts. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais on peut parler de l'impôt sur les gains en capitaux ou de l'imposition sur les robots, à laquelle il faudrait réfléchir. Se pose aussi la question de cette fameuse microtaxe sur les transactions financières ainsi que de tout le développement de la fiscalité écologique. Et puis nous devons toutes et tous réfléchir à instaurer, à créer ensemble l'impôt sur le numérique. Comment peut-on imaginer aujourd'hui... On parle des GAFA, mais on peut rajouter plein de lettres: on pourrait les appeler les GAFAMTUZ pour Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Twitter, Uber, Zalando, etc.

Ces grandes entreprises, ces multinationales du numérique ne paient quasiment pas d'impôts à l'heure actuelle ! Il faut absolument trouver une solution aux niveaux régional, national et international pour imposer le numérique, mais aussi les achats sur les sites internet et les livraisons qui vont avec, etc. Je terminerai en vous disant que nous devons avoir une réflexion globale sur la fiscalité, Mesdames et Messieurs, pour passer à une fiscalité du XXIe siècle. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR). Je voudrais faire un peu de pédagogie fiscale et répondre à trois petits points. Le premier concerne mon estimé collègue Velasco - je ne l'ai pas repris avant, je le fais maintenant - qui nous expliquait qu'à cause de la droite, si j'ai bien suivi, on aurait amputé l'assiette fiscale de 1 milliard. Je comprends de ses propos que les recettes fiscales auraient dès lors dû baisser. Or, Mesdames et Messieurs, que se passe-t-il entre 2011 et 2020 ? Eh bien la population de ce canton a augmenté de 8% et les recettes fiscales de 25% ! Si on suivait la logique de M. Velasco, on devrait avoir une baisse de ces recettes; non seulement on a une hausse, mais elle est largement supérieure à celle de la population. Votre théorie me paraît dès lors farfelue, avec tout le respect et l'amitié que je peux vous porter, cher ami.

Le deuxième point, et je rejoins tout à fait ce que disait M. Wenger: Genève est un canton riche et les riches s'y portent bien - il a raison. Il faut dire aussi que Genève est le canton qui taxe le plus: je rappelle que nous avons l'impôt sur la fortune le plus élevé de tout le pays. Prenons une personne qui habite à Genève et une autre à Schwytz. Pour la même fortune, exactement la même fortune, une personne est imposée sept fois plus - sept fois plus ! - à Genève qu'à Schwytz. Au niveau international, il n'y a aujourd'hui plus que trois pays qui ont un impôt sur la fortune: la Norvège, la Suisse et la France. Et même la France l'a restreint aux biens immobiliers ! Un riche paie plus d'impôts sur la fortune, pour la même fortune, à Genève qu'en France.

Le problème n'est donc pas de savoir si Genève est riche: je suis d'accord avec Thomas Wenger. La question n'est pas de savoir si les riches se portent bien: je suis d'accord avec lui. La question n'est pas non plus de savoir si on taxe beaucoup ou pas beaucoup: on taxe beaucoup, c'est une réalité chiffrée. La question, c'est: que fait-on avec cet argent qu'on a taxé ? Eh bien la réponse, c'est qu'on en dépense beaucoup trop puisque ces mêmes dépenses ont augmenté de 15% sur la période de 2011 à 2020, soit le double de l'augmentation de la population. Le problème n'est donc pas de savoir si on a ou pas des riches, si ceux-ci sont contents d'être là ou pas; la question, c'est de savoir ce qu'on fait avec l'argent qu'on leur a pris. La réponse, apparemment, c'est qu'on ne le gère pas très bien !

Troisième point: je voudrais répondre à M. Burgermeister qui nous dit que le Conseil d'Etat a menti sur la RFFA et qu'elle va coûter deux fois plus cher que prévu. Je ne sais pas où il est allé chercher ces chiffres ! J'ai ici les chiffres qu'on nous a donnés à la commission des finances - mais peut-être en a-t-il reçu d'autres ! Peut-être les a-t-il lus à l'envers, je ne sais pas. Les chiffres disent clairement que l'impact prévu pour 2021 dans le projet de loi accepté par la population était de 255,2 millions, toutes choses égales par ailleurs. A fin juin 2020 - ce sont les chiffres que nous avons reçus à fin juin 2020 - l'impact est de 264,4 millions. Alors je concède que c'est un tout petit peu plus élevé que ce qui était prévu, mais 255,2 multiplié par deux, ça ne fait jamais 264,4 ! Le compte est bon, comme disait l'autre dans une émission télévisée bien connue. Et ça, c'est à fin juin 2020 !

Mesdames et Messieurs, il faut refaire un cours de mathématiques fiscales ! L'impact de la RFFA est d'autant plus grand que les bénéfices augmentent, puisqu'on va comparer des bénéfices qui étaient auparavant imposés à 24% alors qu'ils le seront maintenant à 13,99%. Si vous avez les mêmes bénéfices ou que ceux-ci augmentent, cet écart grandit donc forcément. Mais à cause de la crise que nous traversons et de la décision des autorités d'arrêter en partie l'activité économique, tout le monde l'a bien compris, les bénéfices des entreprises vont massivement baisser en 2020 comme en 2021.

Là, il s'agissait de la situation à fin juin 2020. On nous a aussi expliqué en commission - j'ai posé la question et on a bien obtenu cette réponse - que cet effet va clairement diminuer ! En réalité, l'impact de la RFFA sera donc moindre que celui sur lequel le peuple a voté, n'en déplaise à M. Burgermeister et à ses leçons de mathématiques. Merci, Monsieur le président.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Comme l'a dit Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, il serait absolument suicidaire d'augmenter les impôts classiques à Genève: 1% de la population paie 34% des impôts sur le revenu et 67% des impôts sur la fortune. Dissuader ces personnes de rester à Genève serait donc la pire erreur que nous pourrions commettre. Cela étant, on l'a dit, cette situation ne doit pas nous empêcher de mener une réflexion sur la fiscalité. Nous avons en effet, au XXIe siècle, une fiscalité qui correspond au XIXe siècle, c'est-à-dire fondée sur la notion d'établissements stables et non sur la réalité actuelle - nous sommes aujourd'hui en plein dans une révolution numérique.

C'est vrai, et cela a été dit, qu'il est totalement indécent que des sociétés qui exercent une activité numérique à Genève - qui exercent ici une activité commerciale qui tue nombre d'emplois dans le commerce de détail, dans les journaux, dans la publicité, qui n'apportent strictement rien à la collectivité - ne soient pas soumises à des impôts. Il y a là quelque chose d'extrêmement choquant. Il est aujourd'hui de bon ton de dire: «C'est l'économie disruptive, vous êtes des passéistes !» Mais c'est ce même raisonnement qui au XIXe siècle aurait empêché de protéger les employés et de fiscaliser ce qui était alors la nouvelle économie.

Et c'est vrai que nous devons mener une réflexion: nous devons enfin réagir par rapport à cette économie disruptive qui exploite l'individu, qui ne respecte pas les règles sociales élémentaires et qui, au travers de montages financiers aux Pays-Bas, en Angleterre, dans les îles Caïman et ailleurs, ne paie aucun impôt. C'est indécent et il est effectivement temps de réagir et d'adapter notre fiscalité aux défis du XXIe siècle, ici, à Genève, en Suisse et en Europe. Merci.

M. Alberto Velasco (S). Permettez, Monsieur le président, que je réponde à mon collègue Zweifel qui vient de donner un petit cours de fiscalité. Je ne suis pas fiscaliste, mais j'ai un principe: l'important, ce n'est pas l'impôt qu'on paie mais ce qu'on reçoit par l'impôt qu'on paie ! Par exemple, alors qu'ils paient jusqu'à 65%-70%, les Suédois ont dit lors d'une enquête qu'ils sont très contents de payer ces impôts parce que l'école, la maternité, la santé sont gratuites et qu'ils s'y retrouvent. C'est cela, l'important ! Ces baisses fiscales ne profitent évidemment qu'à ceux qui ont justement beaucoup de moyens, parce que si vous payez peu d'impôts mais qu'avec ce qu'il vous reste vous devez payer la maternité, l'école, la maladie...! Ceux qui ont peu de moyens ont tout avantage à payer des impôts et à recevoir des prestations.

Cela dit, je reviens à ce chiffre de 25%. Imaginons un petit peu, Monsieur Zweifel, qu'on n'ait pas opéré cette coupe de 1 milliard dans l'assiette fiscale: ce n'est pas un accroissement de 25% qu'on aurait eu ! Enfin, peut-être en valeur relative, mais on aurait eu beaucoup plus en valeur absolue. Beaucoup plus ! Vous voyez, si on avait conservé ce milliard dans l'assiette fiscale, on aurait eu plus. Alors je vous accorde qu'il n'est pas évident de démontrer cela ! Vous, vous êtes partisan de cette fameuse courbe de Laffer qui montre qu'à partir d'un moment donné, trop d'impôt tue l'impôt, mais cela n'a jamais été vérifié.

Ensuite, le problème, disons, c'est que les plus fortunés de ce canton ne dépensent pas tout ce qu'ils encaissent ! Par contre, quand l'Etat encaisse 8 ou 9 milliards, il les dépense totalement. C'est ça, la différence ! C'est la différence, voyez-vous, et c'est important parce que ça fait tourner l'économie. Et voilà ! C'est la raison pour laquelle l'impôt favorise à la fois l'emploi et les recettes. Merci.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Je voudrais très brièvement répondre à mon estimé collègue, M. Zweifel, qui malgré son ton professoral connaît assez peu le sujet. (Commentaires.)

Des voix. Oh !

M. Jean Burgermeister. En réalité, le coût estimé de la RFFA en 2021 est de 300,7 millions. Au moment du vote, le Conseil d'Etat avait articulé le chiffre de 255 millions - bon, M. Zweifel dira que c'est une augmentation raisonnable d'environ 50 millions. Evidemment, le coût de la RFFA aurait été encore supérieur si la conjoncture avait été bonne puisque c'est un impôt sur le bénéfice. Par conséquent, dans une bonne année durant laquelle les entreprises auraient fait plus de bénéfice, eh bien elle aurait coûté plus cher ! C'est-à-dire que si la conjoncture était restée la même qu'en 2019, ces pertes seraient bien plus importantes encore.

Mais lorsque je parlais du doublement, je me référais à l'imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital. Au moment du vote, voyez-vous, on a prétendu - le Conseil d'Etat - que cela coûterait un peu plus de 70 millions en 2021. Selon les derniers chiffres, bien qu'ils puissent évidemment être revus, ce coût devrait atteindre 147 millions - un peu plus de 147 millions, Mesdames et Messieurs ! Voilà les chiffres que nous avons reçus à la commission des finances ! Et ils sont bien deux fois plus élevés que ceux annoncés au moment du vote populaire.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne veux pas revenir sur ce débat, mais j'aimerais quand même attirer l'attention des députées et députés sur un point. S'il n'y avait pas, dans cette situation exceptionnelle de crise, des gens riches ou des fondations très riches à Genève qui, sans le dire, ont mis des sommes considérables pour aider certaines associations comme Caritas, la Croix-Rouge genevoise ou le Centre social protestant, nous aurions actuellement des émeutes sociales. Ces sommes d'argent ont été considérables et sont venues sans qu'on les exige. C'est dire qu'avoir des gens ou des fondations très riches dans un pays est un bienfait: quand on a besoin d'eux, ils répondent toujours présents. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Au programme I03 «Administration de la fortune, de la dette et de la RPT», en raison du refus du PL 11471-2-B en début d'après-midi, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat que vous avez reçu, nature 44 «Revenus financiers»: +2 750 000 francs. Cet amendement est lié à un autre amendement du Conseil d'Etat au programme E02 «Energie», nature 44 «Revenus financiers»: -10 000 000 francs. Nous voterons successivement sur les deux puisqu'ils sont liés et présentés ensemble.

La parole n'étant pas demandée, je vous invite donc à vous prononcer sur le premier amendement, qui concerne le programme I03.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 10 non.

Le président. Nous votons maintenant sur l'amendement au programme E02.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui contre 4 non.

Le président. La parole est demandée par M. le député Jacques Blondin et je la lui passe. (Un instant s'écoule.)

M. Jacques Blondin. Merci, Monsieur le président, c'est une erreur.

Le président. Très bien, merci. Nous sommes donc arrivés au terme du débat sur cette politique publique et je cède le micro à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots sur la politique fiscale du canton de Genève, quelques mots pour rappeler que nous sommes effectivement le canton qui exploite le plus son potentiel fiscal: la moyenne est ici de 34% alors qu'elle s'élève, au niveau national, à 25%. Elle est par exemple de 32% dans le canton de Vaud, mais de 22% à Zurich.

La pyramide fiscale, Mesdames et Messieurs, est extrêmement fragile dans notre canton. Je ne sais pas ce que le député Burgermeister essayait de démontrer en comptant le nombre et l'augmentation du nombre de fortunes importantes à Genève. Au Conseil d'Etat, nous nous réjouissons de ces chiffres, car 4% des contribuables paient 49% de l'impôt sur le revenu - heureusement que ces personnes aux revenus élevés sont là - et 1,2% des contribuables paient 66% de l'impôt sur la fortune; sans eux, ce sont des montants très importants qui ne reviendraient pas non plus à l'Etat. Il est peut-être intéressant de rappeler que les revenus d'impôts des personnes physiques se chiffrent à quelque 4,557 milliards aux comptes 2019, Mesdames et Messieurs, et que l'impôt sur la fortune représente 928 millions. Si notre canton ne pouvait plus compter sur les personnes fortunées, nous verrions donc disparaître quelque 928 millions.

S'agissant de la fiscalité de demain, et pour répondre au député Wenger, il me paraît nécessaire d'indiquer que l'OCDE, vous le savez, travaille sur un projet de fiscalisation de l'économie digitale. Le canton de Genève est partie prenante de ces travaux qui se déroulent au niveau de la Confédération. Dans l'économie d'aujourd'hui, la digitalisation permet à une entreprise, sans présence physique traditionnelle, de créer une valeur importante dans un Etat dans lequel se trouve un marché, et elle sera en effet très prochainement imposée là-dessus. Un accord, un consensus, devrait intervenir d'ici la fin de l'année ou au plus tard au début de l'année 2021; ce type de fiscalité est important. En revanche, augmenter la fiscalité des contribuables genevois, que ce soit celle des personnes physiques ou des personnes morales sises dans le canton, n'est certainement pas le chemin à adopter.

Enfin, pour répondre à M. Burgermeister sur ses calculs de la RFFA, M. Burgermeister a tout simplement oublié, et je pars du principe que c'est un oubli de bonne foi, de se référer au montant de l'imputation qui est, vous le savez, l'imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital - de l'impôt sur le capital à l'impôt sur le bénéfice ! Vous savez que cela commençait à partir de l'année 2021 - M. Burgermeister le sait au vu de l'amendement qu'il a déposé sur le projet de loi précédent relatif à l'annuité - raison pour laquelle les chiffres de la RFFA ne se réfèrent pas expressément au montant de 186 millions moins les 23,25 millions auxquels il se référait, mais bien à un montant supplémentaire, compte tenu de cette imputation. Ce coût était bel et bien annoncé et figurait sur l'ensemble des tableaux. Il n'y a donc aucune tromperie à cet égard et, pour le surplus, le Conseil d'Etat se référera à la démonstration de M. Zweifel: si un impôt porte sur le bénéfice, il est évident qu'il ne peut pas être prélevé si aucun bénéfice n'est fait.

Notre administration n'a par ailleurs pas non plus la volonté de favoriser l'évasion fiscale, Mesdames et Messieurs. D'importants moyens en personnel sont aussi déployés à cet égard. L'administration fiscale se doit d'être juste et équitable, ce qu'elle s'efforce d'être en tout temps. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs, merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Monsieur Jean Burgermeister, vous voulez intervenir sur la politique publique I ou vous êtes déjà inscrit pour la suivante ? (Remarque de M. Jean Burgermeister.) Sur la politique publique I ! Très bien, c'est à vous.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais simplement dire qu'Ensemble à Gauche ne remet pas en question la pyramide fiscale dont a parlé la conseillère d'Etat, Mme Nathalie Fontanet, ni les chiffres qu'elle a donnés. Ils démontrent précisément les inégalités colossales - les inégalités colossales ! - en matière de répartition des richesses ! La pyramide fiscale dont nous parle bien souvent le PLR montre deux choses: une toute petite partie de la population paie une grande partie de l'impôt et une partie croissante ne paie pas ou très peu d'impôt. Qu'est-ce que ça signifie, Mesdames et Messieurs ? Eh bien précisément ce que je vous dis depuis le début ! Une petite minorité est en train de s'enrichir à une vitesse folle alors que la majorité de la population est en train de tomber dans la pauvreté !

Alors la réponse serait de dire qu'il faut protéger ces personnes les plus riches puisque nous dépendons d'elles ? Mais plus nous allons les protéger en aménageant des privilèges fiscaux, plus cette pyramide va précisément s'accentuer ! Elle va s'accentuer et nous dépendrons toujours plus d'une petite minorité d'ultraprivilégiés alors que la grande majorité de la population sera dans le besoin. C'est donc clairement la preuve qu'il est important de renforcer massivement le mécanisme redistributif de l'impôt, en particulier pour les hauts revenus et les grandes fortunes.

S'agissant de la RFFA, Madame, je suis navré: j'ai précisé spécifiquement qu'il s'agissait bien de l'imputation non pas de l'impôt sur le capital à l'impôt sur le bénéfice, mais bien de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital. Et les chiffres annoncés par le Conseil d'Etat au moment du vote, pour ce qui est du coût de cette imputation partielle de 25%, étaient beaucoup moins importants que ce qu'ils seront réellement en 2021. Le gouvernement n'a pas forcément menti: il a pu se tromper - je le reconnais.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote de cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» ainsi amendée est adoptée par 62 oui contre 14 non et 6 abstentions.

J - JUSTICE

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement de la politique publique J «Justice». Je donne la parole à M. le député Pierre Bayenet.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu particulier puisque, vous le savez, ce budget de la justice n'est pas établi par le Conseil d'Etat. Néanmoins, Ensemble à Gauche éprouve une inquiétude importante à son examen, en particulier sur un point de revenu spécifique prévu par le Pouvoir judiciaire en 2021, à savoir un revenu extraordinaire de 71 millions. Vous le trouverez sous la rubrique 43 du budget prévu pour cette politique publique.

Lorsque l'on creuse un tout petit peu, on se rend compte que le Pouvoir judiciaire explique le montant de la rubrique 43 par une hausse exceptionnelle, de 60 millions, des revenus de la filière pénale. Or il y a déjà eu par le passé, vous vous en souvenez, des revenus extraordinaires issus de la filière pénale: un de 40 millions de francs en 2015 et un de 31 millions en 2017. Et d'où venaient ces revenus ? Ils venaient d'accords conclus, par le Pouvoir judiciaire, avec des entreprises multinationales établies à Genève qui avaient commis diverses infractions et pour lesquelles le versement d'un montant compensatoire avait été préféré à la poursuite. L'abandon des poursuites avait été privilégié, contrairement à ce qui se passe habituellement dans notre canton pour toute personne ayant commis une infraction - vous savez qu'on propose rarement aux justiciables de payer pour voir leur crime effacé. C'est pourtant ce qui est arrivé en 2015 et en 2017.

Ensemble à Gauche avait réagi avec véhémence: nous nous étions opposés à cette manière de faire qui crée une inégalité devant la justice. Or il semble que non content d'avoir conclu par le passé de tels accords, le Pouvoir judiciaire prévoie cette fois-ci - à l'avance - de les conclure et d'encaisser une septantaine de millions de francs. Cette manière de faire est pour nous incompréhensible et nous rejetterons cette politique publique.

M. François Baertschi (MCG). Le MCG votera la politique publique J «Justice» parce qu'il faut donner des moyens à notre système judiciaire, à notre justice. Néanmoins, nous tenons à faire part de toutes nos réserves concernant la politisation de la justice, il est inacceptable que les juges soient élus - ou plutôt choisis: c'est une pseudo-élection où les gens sont choisis en fonction de leur appartenance politique et non de leurs compétences. Ils doivent rétrocéder obligatoirement - obligatoirement - une somme d'argent à leur parti politique, ce qui est tout à fait scandaleux étant donné que les juges doivent pouvoir être indépendants. Ils ne doivent pas avoir à rendre de comptes à un parti politique qui leur donne des ordres. Ce système fait malheureusement des juges des pantins et des marionnettes. Cela, le MCG le conteste et nous le contesterons toujours. Mais ce point ne relève pas de la politique budgétaire et nous voterons donc ce budget pour que la justice puisse faire son travail. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je la donne à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia... (Remarque.) ...qui ne la veut plus. Bien, Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est adoptée par 61 oui contre 13 non et 8 abstentions.

K - SANTÉ

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement de la politique publique K «Santé». La parole est au rapporteur de minorité, M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Oui, je pense qu'il vaut la peine de parler de la politique de la santé ! D'autant plus cette année ! Ensemble à Gauche a déposé quelques amendements pour cette politique publique, notamment un amendement qui réclame 50 millions de francs en plus pour les HUG. Evidemment, ce n'est pas une petite somme, mais ça répond à un vrai besoin, celui du renforcement massif des équipes sur le terrain. C'est quelque chose qui est pointé et exigé par le personnel lui-même depuis des années. La détérioration systématique des conditions de travail affaiblit évidemment depuis bien longtemps la capacité de délivrer la prestation à la population, et cette prestation consiste à soigner les personnes qui en ont besoin. Les HUG, il faut le reconnaître, ont réagi et ont répondu de manière extraordinairement efficace et rapide à la pandémie que nous connaissons aujourd'hui. Malgré cela, celle-ci a mis en lumière leurs limites et les risques très importants de se retrouver à terme avec des hôpitaux saturés qui obligeraient à faire des choix absolument dramatiques entre les personnes qui pourraient ou non recevoir des soins. L'affaiblissement des HUG est dû à des contractions budgétaires répétées qui les ont contraints, année après année, à faire des économies, et ces économies se sont traduites par une diminution du nombre de lits par habitant dans le canton de Genève.

Ensuite, si les HUG ont réussi à faire face à la crise du covid, c'est aussi et beaucoup grâce à la mobilisation extraordinaire et héroïque du personnel qui a travaillé et continue de travailler dans des conditions absolument effroyables, avec des journées de douze heures. Du jour au lendemain, des personnes sont par exemple mutées aux soins intermédiaires où elles reçoivent une formation de trois jours, alors que ce sont normalement trois semaines qui sont exigées. Dans ces conditions, elles doivent enchaîner les journées de douze heures de travail sans le moindre droit à l'erreur, puisqu'une erreur pourrait coûter des vies. Elles font donc face à un stress absolument terrifiant, d'autant plus que la première vague les avait déjà laissées dans un état de fatigue physique et psychologique intense. Par conséquent, le manque de réponses de la part du Conseil d'Etat et de ce Grand Conseil face à la situation aux HUG est dramatique. Mesdames et Messieurs les députés, probablement et malheureusement, la mobilisation du personnel s'est parfois faite au détriment de la santé de celui-ci, parce qu'il y a hélas des infirmières parmi les malades hospitalisés. Cette crise va laisser des traces dans les corps et dans les esprits !

Aujourd'hui, beaucoup sont en difficulté au moment de se rendre au travail et il est probable, malheureusement, que nous aurons à faire face dans les semaines et mois à venir à des burn-out et à des absences pour maladies de longue durée. Il est dramatique de ne pas envoyer une réponse forte à la population et au personnel soignant pour dire que là, nous ne transigerons pas, que sur ce point, nous ne ferons pas d'économies et nous mettrons les moyens nécessaires pour répondre aux besoins de la population.

Si on comprend bien qu'un hôpital soit mis un peu en difficulté en période de crise, en réalité, les HUG sont conçus de manière à fonctionner à flux tendu en temps normal: même pendant les périodes de pic de la grippe saisonnière, les HUG doivent engager et engageaient massivement des intérimaires ! Dans une année normale, les HUG comptaient sur à peu près un millier d'intérimaires pour fonctionner, même si ce chiffre devrait diminuer un peu.

Ensemble à Gauche a aussi déposé un amendement pour l'IMAD puisque ses représentants nous ont confié en commission que le budget de cette institution ne reflétait tout simplement pas la réalité. Le Conseil d'Etat avait exigé un budget à l'équilibre et l'IMAD nous a dit: «Nous vous présentons un budget à l'équilibre, mais ça n'a rien à voir avec les coûts que nous avons réellement puisque les coûts des prestations et des salaires sont incompressibles !» Nous n'avons aucune marge de manoeuvre, je crains par conséquent que le budget de l'IMAD que nous allons voter ici ne corresponde pas à la réalité du terrain, Mesdames et Messieurs les députés. Là aussi, des gens sont déployés au quotidien dans des conditions extraordinairement difficiles et il est important de leur donner les moyens de répondre à la crise que nous traversons.

M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, j'aimerais répondre à M. le rapporteur de minorité pour revenir sur l'expérience vécue dans les soins lors de la première et de la deuxième vague. Le système a tenu le coup, il ne s'est pas effondré et a été extrêmement résilient en s'adaptant à une vitesse assez impressionnante - surtout lors de la première vague. Le système a permis de prodiguer les soins que tout le monde attendait et il fonctionne donc. Les gens qui sont aux commandes et les gens qui soignent fonctionnent: c'est ce qu'on leur demandait et ils ont parfaitement rempli leur mission. Ça me rend très fier de la qualité du système de santé à Genève: pas seulement dans le public, mais aussi dans le privé, puisque le privé a pris une part importante dans le soutien au public, surtout lors de la deuxième vague. Donc, il n'y a pas eu de guerre public-privé, il y a eu une alliance public-privé; le système de santé fonctionne parfaitement bien à Genève, sinon nous aurions eu des problèmes énormes, avec des choix à faire dans le traitement des personnes malades. Il n'y a pas de choix à faire, les malades sont tous traités comme ils doivent l'être et les urgences qui ne sont pas des urgences covid sont prises en charge.

Il faut dire à la population que notre système de santé fonctionne parfaitement bien, et je remercie M. le conseiller d'Etat Poggia parce que les gens qui sont aux commandes assument leurs responsabilités, ils sont bien formés et font ce qu'il faut faire. Cette façon de s'adapter a été assez remarquable, surtout lors de la première vague, et je dois dire ici qu'il faut absolument soutenir le Conseil d'Etat et voter le budget de la santé tel quel.

Maintenant, sur les soins à domicile, on verra s'il y a besoin de plus d'argent pour cela et pour l'hôpital: des crédits complémentaires pourront être présentés à la commission des finances. Une réflexion doit être menée sur les soins à domicile, pour les médicaliser davantage, permettre plus de transferts entre l'hôpital et ce type de soins afin de garder au maximum les gens chez eux. Même en temps de covid, on a vu qu'on arrivait à garder les gens à la maison en leur administrant une oxygénothérapie chez eux; des soins beaucoup plus compliqués sont rendus possibles à domicile. C'est à discuter et à faire pour les prochaines années, mais je suis actuellement très fier du système de santé genevois ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Il me reste combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Nous ne sommes qu'au début de ce débat budgétaire et votre groupe dispose de soixante minutes qui n'ont pas encore été entamées.

Mme Jocelyne Haller. Je vous remercie. Je voudrais relever quelques aspects complémentaires à l'intervention de mon collègue pour redire que fonctionner avec des crédits extraordinaires n'est pas une bonne solution. Nous savons d'emblée que cette crise va provoquer des besoins supplémentaires, mais, surtout, nous devrions avoir l'honnêteté de reconnaître que nous étions déjà dans une sous-estimation des besoins. Cela fait des années que le personnel des services médicaux doit choisir quelles tâches il doit prioriser; cela fait des années qu'il doit renoncer à certaines tâches qui font pourtant partie de sa vocation. Il faudrait sortir de cette hypocrisie et donner réellement à ces services les moyens d'intervenir.

Cela étant, une politique de la santé digne de ce nom devrait être menée non seulement dans les soins à la personne, mais aussi dans la prévention; c'est un aspect nettement moins développé et qui n'apparaît pas de manière prégnante dans ce budget. Pour nous, c'est extrêmement important. Cela implique de prendre en considération les déterminants sociaux de la santé, car si l'on ne considère pas ces éléments, on négligera une série d'éléments particulièrement importants.

Nous aimerions aussi que l'on travaille sur la garantie de l'accès aux soins: nous savons aujourd'hui qu'un certain nombre de personnes touchées par la précarité ont de la difficulté à accéder aux soins; certaines ne peuvent même pas se permettre de prendre rendez-vous avec leur médecin, parce qu'elles n'en ont pas les moyens, parce qu'elles savent que la franchise dont elles sont affligées ne leur permettra pas d'assumer la facture. Il faut donc se donner les moyens d'affronter ces situations pour permettre aux gens d'accéder aux soins sans ce type de barrières.

J'aimerais aussi revenir sur la question des EMS: je vous rappelle qu'il y a quelques années, la population a voté une initiative qui demandait de donner réellement aux établissements médico-sociaux les moyens de répondre aux besoins des personnes dont ils devaient prendre soin. Or, cette initiative n'est jamais entrée en application et on constate encore aujourd'hui un certain nombre de contraintes qui empêchent les EMS de répondre à tous les besoins des résidents.

Aujourd'hui, il faudrait réparer ce déficit, parce qu'il revient à négliger les besoins d'une partie de la population et surtout à faire semblant de croire qu'avec ce qu'on leur donne comme subvention, les EMS peuvent faire leur travail, alors que, dans ce système de subvention, on spécule sur la part à laquelle les institutions devront renoncer simplement parce qu'on ne leur donne pas suffisamment de moyens. Pour nous, c'est inacceptable.

Tout à l'heure, mon collègue a abordé la question de l'IMAD et M. Buchs vient d'en parler aussi. Donnez plus de tâches à l'IMAD, mais donnez-lui aussi des moyens plus importants, pour qu'elle puisse faire son travail ! Aujourd'hui, elle fonctionne déjà à flux tendu. Continuer à négliger cette réalité, c'est mettre cette institution en difficulté; or vous savez à quel point ce service est important ! Si nous avons adopté en votation une politique de maintien à domicile, il y a un certain nombre d'années, c'était précisément pour la voir se réaliser ! La contraindre dans un corset tel que celui qui lui est imposé aujourd'hui n'est pas acceptable, c'est pourquoi je vous invite à accepter les amendements proposés par M. Burgermeister.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette année peut-être plus que jamais, nos concitoyens ont été marqués par l'importance d'avoir un système de santé fonctionnel. Un système de santé fonctionnel, ce sont des moyens et du personnel compétent, correctement payé et considéré. Nous avons au début de cette séance toutes et tous entendu le contenu de la lettre ouverte concernant la situation des travailleuses et travailleurs aux HUG envoyée par le Syndicat des services publics. Le parti socialiste fait siennes les revendications des syndicats pour davantage de postes de soignants aux HUG, mais aussi à l'IMAD et dans les EMS, pour une meilleure accessibilité aux soins et des conditions de travail dignes ainsi qu'une meilleure reconnaissance du travail des soignants. Aujourd'hui, les HUG ont un personnel féminin important et leur direction a elle-même reconnu que la profession d'aide-soignante, par exemple, mériterait d'être revalorisée.

Le taux d'absentéisme est inquiétant et si le recours à des intérimaires a été l'une des réponses au problème des absences pour maladie de longue durée, nous saluons le fait que 280 postes aient pu passer du pan intérimaire vers des postes fixes en 2020. C'est un bon signal, mais le mouvement doit se poursuivre. Nous sommes très sensibles aux témoignages de soignants qui se disent mal traités. Dès 2007, avec la mise en place du plan Victoria et des plans de restructuration successifs, le personnel a été mis sous pression, avec une augmentation de 15% de l'activité au cours des quinze dernières années.

Pour le parti socialiste, face aux constats alarmants remontant du terrain, même s'il n'atteint pas les objectifs que nous nous sommes fixés pour soigner la santé, ce budget pour la santé indique une direction que nous soutenons, avec notamment la création de 129 emplois à temps plein d'auxiliaires supplémentaires en faveur de la cellule de suivi covid-19 et les augmentations suivantes: 16,5 millions pour les HUG; 4,5 millions pour l'achat de masques en vue de leur distribution aux personnes défavorisées; 1,5 million pour les EMS; 3,2 millions pour l'IMAD; 200 000 francs pour le manque à gagner pour les foyers de jour; 666 000 francs pour l'accueil des personnes sans domicile fixe pour isolement covid-19.

Mesdames et Messieurs les députés, ce budget de la politique publique de la santé intègre donc l'urgence mais ne traite pas fondamentalement des problèmes systémiques de manque de personnel, qui préexistaient à cette situation d'urgence.

En réitérant ses remerciements appuyés au personnel soignant, le parti socialiste votera ce budget de crise et poursuivra le travail à la commission de la santé et à la commission des finances afin de pouvoir assurer et pérenniser une véritable revalorisation et un meilleur traitement du personnel, tant aux HUG qu'à l'IMAD et dans les EMS.

Un mot sur les amendements: le PS refusera tous les amendements du groupe Ensemble à Gauche - même si nous sommes d'accord avec les invites - dans le souci de préserver la majorité permettant le vote de ce budget responsable. (Commentaires.) Nous refuserons évidemment l'amendement de l'UDC qui souhaite supprimer la subvention au Groupe sida Genève avec pour seul argument que la Ville de Genève soutient déjà cette association. Que l'UDC pense que le sida n'existe plus est criminel ! Venant d'un parti qui affirme que la covid-19 est l'équivalent d'une grosse grippe, ça n'est guère étonnant, mais c'est pathétique ! (Applaudissements.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Monsieur le président, nos structures hospitalières HUG et IMAD ont subi cette crise sanitaire de plein fouet. Une cellule covid a été créée, qui a contribué à prendre en charge toutes les personnes de notre canton qui en avaient besoin. A aucun moment il n'a été nécessaire de faire des choix, d'accepter tel ou tel malade en fonction de certains critères comme ce fut le cas en Italie. En 2021, nous rencontrerons encore des difficultés. Le coût réel de cette crise est difficilement prévisible déjà pour cette année et l'est encore moins pour l'année prochaine. On peut dire que le budget 2021 pour la santé est déjà dépassé, mais c'est un enjeu que nous devons affronter collectivement, en espérant que nous nous en sortirons le mieux et le plus rapidement possible.

Nous saisissons cette occasion pour remercier le personnel des HUG, de l'IMAD et des EMS qui ont accompli leur travail de manière exemplaire durant ces périodes difficiles, lors de la première vague et dans la deuxième vague que nous vivons actuellement. Nous remercions aussi le Conseil d'Etat dans son ensemble et plus particulièrement le président du département de la santé Mauro Poggia qui, tel le capitaine d'un bateau qui tangue, tient la barre avec force et détermination. Le MCG votera donc cette politique publique K et vous invite à faire de même.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Bertrand Buchs, à vous la parole, de nouveau.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, ce sera bref ! Deux choses: sur les soins à domicile, vous transmettrez à Mme Haller, on a été ensemble dès leur début à Genève. Si on veut donner plus de moyens pour cela - c'est une requête que je fais à nos représentants à Berne - je dirais qu'il faut changer dans le catalogue des prestations ce que l'on rembourse pour les soins donnés à domicile. Ce que l'IMAD reçoit est ridicule; c'est ça qu'il faut changer ! Il faut qu'on ait des revenus beaucoup plus élevés, et ces revenus seront immédiatement réinvestis dans le fonctionnement des soins à domicile. J'encourage donc nos représentants fédéraux à se battre pour qu'on paie correctement les actes effectués à domicile.

Autre chose. J'aimerais qu'on évite certains mots: le terme de maltraitance me fait un peu mal aux oreilles. Il y a du stress, énormément de stress, c'est vrai ! Les gens sont fatigués parce qu'ils ont été stressés et il faut gérer cela, mais il n'y a pas eu de maltraitance dans les Hôpitaux universitaires. S'il y en avait, ce serait extrêmement grave ! Il faut éviter ces termes qui ne veulent rien dire et qui ne permettent que de lancer une polémique stérile. Le stress, oui, la maltraitance, non ! (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, je voudrais m'inscrire dans la suite de ce que disait notre collègue Buchs pour saluer l'énorme travail qui a été fait. Je suis impliqué dans un grand EMS public et je peux vous dire que le travail fourni par tous et toutes est simplement admirable. Nous avons un système de santé, au sens large de ce terme, qui répond présent tous les matins, à toute heure, tous les jours, 24 heures sur 24. Nous ne pouvons donc en aucun cas émettre des critiques sur la qualité du travail et des prestations fournis. Nous faisons au mieux, avec ce que nous avons. J'entends ici des critiques qui me semblent venues d'ailleurs. Alors bon, peut-être que c'est un usage politique et de la rhétorique, parfois dépassée, mais je voudrais surtout remercier ces femmes et ces hommes qui sont vraiment à l'écoute, au travail, et assument les tâches que nous leur confions.

Maintenant, il ne sert à rien de tresser des louanges si elles ne sont pas mâtinées de quelques critiques ou en tout cas assorties de quelques remarques. Tout à l'heure, de manière très étonnante, notre conseiller d'Etat l'a relevé lui-même, nous n'avons pas accepté d'apporter des aides à la formation. Or, la santé est un secteur dans lequel la formation est devenue un enjeu central. Nous avons du personnel qui peut se retrouver assez facilement débordé, nous le voyons, mais surtout qui prend de l'âge. Et il est de notre devoir d'assurer la formation. Bien entendu, nous devons préférer celle de nos jeunes - même si le possessif ne plaît pas aux Verts ! Nous devons favoriser la formation des jeunes à l'embauche de gens qui ne résident pas sur notre territoire. Engager des gens de l'extérieur est une solution de facilité et ce n'est pas acceptable lorsqu'elle est choisie par l'Etat lui-même. Nous, au MCG, nous soutenons tous les efforts entrepris par le conseiller d'Etat Mauro Poggia dans ce secteur pour assurer la formation de jeunes qui sont de chez nous.

M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, beaucoup de choses ont été dites, je ne vais donc pas les répéter. Conformément à sa position en commission, le groupe UDC soutiendra la politique K quand bien même il ne votera pas le budget dans son ensemble.

Concernant les affirmations de M. Thévoz, du parti socialiste, sur la position et les amendements de l'UDC, je tiens à préciser que l'UDC demande l'abandon de tous les doublons de financements et de subventions octroyés et par le canton et par la Ville de Genève, conformément aux déclarations du Conseil d'Etat en 2014, plus précisément de M. Longchamp, qui s'était engagé à ce qu'il n'y ait qu'un prestataire pour ces subventions, soit la Ville soit le canton. Ces problèmes de subventions devaient être définitivement réglés, avec un seul prestataire. L'UDC demande que six ans plus tard, on respecte enfin la parole donnée, cela de manière totalement indépendante de l'activité des associations dont on reconnaît le mérite. Ce qu'on peut conclure, c'est que l'UDC tient à la parole donnée et tient à ce que le Conseil d'Etat la respecte, ce qui n'est visiblement pas le cas du parti socialiste ! Il n'y a pas de surprise sur ce point. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (HP). Monsieur le président, vous transmettrez à mes collègues d'Ensemble à Gauche que je les remercie de leur sollicitude envers les HUG, mais je ne me suis absolument pas retrouvé dans leurs propos catastrophistes sur la situation du personnel soignant dans cet établissement ! Moi, j'étais sur le terrain toute cette année, avec des patients covid, des patients non-covid, et je me pose vraiment la question de la représentativité des syndicats: personne n'a fait grève aux HUG ! Toutes les structures mises sur pied ont été admirables et, honnêtement, je me pose beaucoup de questions sur la véracité des faits rapportés par les syndicats.

Ce n'est pas seulement de cela que je voulais parler: je suis un peu inquiet pour l'IMAD et j'aurais aimé que M. Poggia nous précise, quand il prendra la parole, quel va être le rôle de cette institution l'année prochaine. C'est vrai, l'IMAD est une structure déjà sous tension; elle a travaillé admirablement bien, mais comme l'a relevé mon préopinant, le docteur Buchs, elle peut jouer un rôle essentiel en maintenant des patients covid à domicile, avec une oxygénothérapie, un saturomètre et un contrôle infirmier renforcé. Pour cela, il faut toutefois des moyens, et il faut peut-être aussi une meilleure interaction entre le personnel soignant des HUG et celui de l'IMAD. Je suis donc curieux d'entendre ce que va dire M. Poggia, si une réflexion a déjà été menée sur le rôle futur de l'IMAD lors de cette troisième vague covid qui va malheureusement arriver.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je prends la parole très brièvement pour répondre à quelques remarques. D'abord, il est faux de dire que personne n'a fait grève aux HUG. C'est faux !

M. Patrick Saudan. Quasiment pas !

M. Jean Burgermeister. Le personnel soignant était présent - et présent largement - pendant la mobilisation ! Il y avait d'ailleurs un piquet devant les HUG - j'y étais ! Il suffisait de regarder par la fenêtre pour les voir. Surtout, beaucoup ont annoncé faire grève ou ont porté des signes de solidarité, mais n'ont effectivement pas pu participer à la grève et au cortège parce qu'elles - puisque ce sont souvent des femmes - étaient obligées de travailler, ce qui ne les a pas empêchées de soutenir très largement le mouvement de la fonction publique, puisque le personnel soignant a ressenti de manière particulièrement dure la volonté du Conseil d'Etat de sabrer dans leurs salaires en pleine pandémie.

Ensuite, pour répondre à M. Dimier qui disait: «Je ne sais pas trop d'où viennent ces critiques, sans doute viennent-elles d'un autre monde...» Eh bien non, Mesdames et Messieurs, elles viennent d'une lettre envoyée par le Syndicat des services publics, représentatif du personnel de l'hôpital, qui explique très précisément pourquoi celui-ci est mis sous pression de manière constante depuis des années. Cela dit, ça ne m'étonne pas que beaucoup le nient: il n'y a pas si longtemps, le PLR disait qu'il fallait déstructurer le mammouth des HUG et qu'il fallait le considérer comme un acteur des soins parmi d'autres. Certains députés ont prétendu qu'il fallait abaisser le nombre de lits aux HUG à seulement cent ! En réalité, il y a depuis longtemps une volonté au sein de la droite de réduire l'importance des HUG, et si ces velléités n'avaient pas été combattues, quel drame ça aurait été pour la population, Mesdames et Messieurs !

M. Sylvain Thévoz (S). Monsieur le président, je répondrai brièvement à M. Bläsi, de l'UDC, qui nous dit en gros que les amendements de son groupe visent tous les doublons: c'est inexact ! Il y en aurait beaucoup plus si c'était le cas, et il est normal que le canton soutienne avec sa politique de la santé des associations qui font par ailleurs aussi un travail associatif ou culturel. Il est donc inexact de dire que l'UDC fait la guerre aux doublons. Ce n'est notamment pas le cas ici: elle cible le Groupe sida Genève qui a une activité concernant la santé. Il est normal que le canton soutienne celle-ci: vous n'allez quand même pas demander à la Ville de Genève de faire le travail du canton à sa place ! Il est donc évident qu'il faut refuser cet amendement, et M. Poggia nous éclairera, j'imagine, sur le nombre d'associations bien plus conséquent que le canton soutient sous l'angle de la santé et que la Ville soutient aussi s'agissant d'autres politiques publiques.

M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, j'aimerais remercier M. Saudan pour son intervention sur l'IMAD. Ça fait des années que je demande que l'IMAD soit considérée comme un service hospitalier hors murs, comme les Français l'ont fait, avec une interaction des services médico-hospitaliers qui pourraient se rendre à domicile. Ça fait des années que je demande que le médecin soit intégré à l'IMAD et qu'il y ait un vrai service médical à l'IMAD. Je suis très content d'entendre que ces demandes commencent à faire leur chemin !

Maintenant, plus de moyens pour l'hôpital ? Oui, peut-être ! Mais réfléchissons à une chose - à partir de 2021, on va discuter d'une réforme de l'Etat. Oui à des crédits, mais des crédits pour des gens sur le terrain ! Pour des gens qui dispensent des soins ! Ce qu'on remarque, c'est qu'on augmente à chaque fois l'administration et qu'on diminue à chaque fois les gens sur le terrain !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée. Au programme K01 «Réseau de soins et actions en faveur des personnes âgées», nous sommes saisis de deux amendements de M. Jean Burgermeister. Voici le premier:

«K01 Réseau de soins et actions en faveur des personnes âgées, nature MCH2 363 (subvention), Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) - fonctionnement: +50 millions de francs

Couverture: amendement au PL 12779-A

Art. 7 (souligné) Modification à une autre loi (nouveau)

La loi sur les centimes additionnels cantonaux (LCACant) (D 3 07), du 13 septembre 2019, est modifiée comme suit:

Art. 3 Personnes morales (nouvelle teneur)

Il est perçu:

a) 95,5 centimes, par franc et fraction de franc, sur le montant de l'impôt cantonal sur le bénéfice des personnes morales;

b) 87,5 centimes, par franc et fraction de franc, sur le montant de l'impôt cantonal sur le capital des personnes morales.

+47 510 000 francs»

Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat: sur les amendements ?

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je dirai juste que le Conseil d'Etat vous demande de refuser cet amendement.

Le président. Merci. Je le fais voter.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 76 non contre 6 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous sommes saisis d'un autre amendement de M. Jean Burgermeister au programme K01 «Réseau de soins et actions en faveur des personnes âgées», nature MCH2 363 (subvention), «Institution de maintien, d'aide et de soins à domicile (IMAD)»: +6 millions de francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 73 non contre 7 oui et 5 abstentions.

Le président. Au programme K03 «Sécurité sanitaire, promotion de la santé et prévention», «Groupe sida Genève», nous sommes saisis d'un amendement de l'UDC: -665 000 francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 79 non contre 6 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous sommes arrivés à la fin du débat sur la politique publique K, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie l'ensemble des députés qui ont pris la parole en reconnaissant d'abord l'immense travail fourni par l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs de ce secteur. Quand je dis immense, je suis encore en dessous de la réalité, compte tenu des défis que l'on affronte aujourd'hui, face à cette deuxième vague qui sera sans doute suivie d'une troisième si la population ne fait pas véritablement attention et si elle ne respecte pas intégralement tous les gestes barrière. Même si c'est le cas, je crois malheureusement que nous devons constater que nous faisons face à quelque chose de tout à fait exceptionnel. Même avec un respect total des règles, il n'y a pas de garantie absolue.

Pour en revenir au budget qui nous intéresse, j'ai été évidemment surpris en entendant certains députés d'extrême gauche. Quoique nous en ayons l'habitude, excusez-moi de le dire de cette façon, ils ressassent toujours la même rengaine selon laquelle nous aurions un système sous-doté, avec du personnel mis sous tension. C'est vrai, nous vivons une situation exceptionnelle, qui n'est certainement pas exemplaire de ce que vivent les collaboratrices et collaborateurs de ce secteur le reste du temps. Toutefois, avec les efforts financiers et les efforts de management de l'ensemble des acteurs de la santé, on ne peut pas dire que le personnel qui travaille au service des Genevoises et des Genevois soit maltraité ! Comme M. le député Buchs, j'ai entendu ce terme qui m'a fait sursauter, parce que c'est évidemment une insulte à l'égard de l'ensemble de ces acteurs de dire que le personnel serait maltraité !

Nous avons entendu ce discours pour la santé; nous l'entendrons pour le social; nous l'entendrons pour la sécurité. Certains députés, toujours les mêmes que je viens de mentionner, voudraient évidemment que tout soit géré par l'Etat, que le nombre de collaborateurs dans ces secteurs soit sans cesse augmenté. Ils rêvent même que l'ensemble des employés de ce canton soient des employés de l'Etat, que l'ensemble des immeubles soit la propriété de l'Etat. Cela a été essayé dans un Etat qu'on appelait «CCCP», mais c'était dans ma jeunesse et cela n'a apparemment pas eu beaucoup de succès !

Pour en revenir à l'IMAD en particulier, puisque M. le député Saudan m'a interpellé à ce sujet, c'est vrai que nous avons beaucoup appris et nous apprenons encore beaucoup de cette crise: je dirais que c'est le petit bon côté de cette malheureuse médaille ! Et nous avons vu que nous pouvons être meilleurs encore dans la coordination. Nous savions que la coordination était la voie, la piste qu'il fallait véritablement améliorer. Genève est exemplaire dans tout ce qui est mis en place pour la coordination: je rappelle les programmes COGERIA pour la prise en charge de personnes âgées polymorbides par une multitude d'acteurs de la santé mais aussi du social; il est vrai qu'on est meilleurs ensemble avec cette coordination entre hôpital et IMAD, et on est meilleurs si hôpital et EMS travaillent aussi davantage ensemble. Nous allons bien sûr prolonger tout cela et faire un bilan lorsque nous sortirons de cette situation extrêmement difficile - nous espérons que ce sera dans le courant de l'année 2021. Nous verrons alors de quelle manière le très bon travail fait aujourd'hui - avec excellence mais souvent dans l'urgence - pourra être pérennisé à l'avenir.

A la suite de votre Grand Conseil, la population a aussi accordé une garantie de déficit à l'IMAD. Ce n'est pas un chèque en blanc, mais c'est l'expression d'une volonté de soutenir l'accompagnement à domicile. Cela correspond à la fois à la volonté de notre population de rester à domicile aussi longtemps que possible pour y bénéficier de soins de qualité, mais aussi à une volonté d'efficience pour arriver à une réduction des coûts de la santé. A Genève, les personnes entrent en EMS plus tard que partout ailleurs en Suisse et y restent peu de temps puisqu'elles y entrent plus âgées, bien sûr. Cela implique toutefois aussi que les personnes qui arrivent en EMS sont beaucoup plus atteintes dans leur santé et nécessitent donc un personnel beaucoup plus médicalisé. Ce ne sont plus des pensions pour personnes âgées, comme on les appelait et comme on les appelle encore en Suisse alémanique; chez nous, véritablement, ce sont des structures médicalisées de plus en plus lourdes par la force des choses.

Nous avons de plus beaucoup appris dans les transferts entre les HUG et les EMS - avec aussi la garantie de l'Etat que vous avez acceptée à la commission des finances - pour que ces personnes ne restent pas inutilement de longs mois dans les hôpitaux, uniquement pour des raisons administratives, alors qu'elles peuvent être prises en charge par les EMS. Là encore, la qualité est au rendez-vous, et à terme, les coûts seront aussi réduits.

Je vous remercie de soutenir cette politique, qui est certainement celle qui a été la plus bouleversée ces dernières années par des décisions de notre Assemblée fédérale, mais aussi des tribunaux, qui nous ont obligés à la réorienter, notamment au début de l'année 2020. Nous devrons en faire le bilan; malheureusement, 2020 est une année peu propice pour faire des bilans sur le long terme. Il faudra sans doute reporter cela à une année un peu plus normale - c'est un euphémisme de le dire ! Evidemment, au nom du Conseil d'Etat, je vous remercie de soutenir cette politique de bon sens en faveur de notre population. Que l'on ne dise pas que notre réseau de santé n'est pas à la hauteur des défis ! Je pense qu'il est l'un des plus à la hauteur de tout le pays pour les défis qui sont les nôtres, même si, bien sûr, il existe toujours une marge de progression, ce serait faux de le nier !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 77 oui contre 9 non et 1 abstention.

Troisième partie des débats sur le budget 2021 (suite du 2e débat): Séance du jeudi 3 décembre 2020 à 20h30