République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12534-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (LGAF) (D 1 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. Christian Dandrès (S)
Rapport de minorité de M. Jean-Luc Forni (PDC)

Premier débat

Le président. Nous passons au rapport sur le PL 12534, que nous traiterons en catégorie II, soixante minutes. Je prie les rapporteurs de s'installer. (Les rapporteurs prennent place à la tribune.) Bien, nous commençons ce débat avec M. Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. D'une certaine manière, Mesdames et Messieurs les députés, nous entamons cette session parlementaire avec les premiers effets de la RFFA - il n'aura pas fallu attendre très longtemps pour que le voile, en quelque sorte, se déchire. Vous vous rappelez que le parti socialiste avait combattu la RFFA en votation populaire, avec notamment pour argument que cet immense cadeau fait aux entreprises et à leurs actionnaires serait in fine payé par les salariés contribuables.

Pour ma part, je ne pensais pas que l'avenir nous donnerait raison aussi vite: moins de dix-sept jours après le vote populaire, le Conseil d'Etat a dû déposer le projet de loi que nous traitons aujourd'hui et qui prévoit de revenir sur une partie du paquet RFFA. La loi 12007, votée le 31 janvier 2019, prévoyait de dissoudre la réserve conjoncturelle dès le 1er janvier 2020. La limite du déficit aurait été fixée à 372 millions - montant qui inclut le coût présumé de la baisse d'impôts et du contreprojet à l'initiative 170. Pas un centime de plus n'aurait été autorisé; au-delà de ce plafond, le frein au déficit se serait automatiquement déclenché.

Dans le cadre de la campagne, vous vous en souvenez, le gouvernement a assuré à la population que la contre-réforme fiscale n'aurait aucune incidence sur les prestations. Or ce que le Conseil d'Etat a omis de dire, c'est que la nécessité de recapitaliser la CPEG n'a pas été prise en considération dans le paquet RFFA, qui ne l'a donc pas incluse. Dès lors, si le peuple soutenait ce que l'exécutif l'appelait à voter, à savoir son projet de réforme de la CPEG - ou l'autre projet - et la RFFA, le mécanisme de frein au déficit allait automatiquement s'enclencher.

Je rappelle juste quelques éléments chronologiques, puisque le Conseil d'Etat a expliqué que c'est parce que la population a voté la CPEG que ce mécanisme va se déclencher. Le PL 12007, qui concerne la réserve conjoncturelle et sa dissolution, a été déposé en novembre 2016, le premier projet de loi de recapitalisation de la CPEG en octobre 2017, et les deux objets qui ont été soumis en votation populaire ont été déposés en novembre 2017 et 2018 puis adoptés par notre parlement en décembre 2018. Grosso modo, lorsque le Grand Conseil, à la demande du Conseil d'Etat, a voté sur la dissolution de la réserve conjoncturelle, les deux projets de lois CPEG étaient donc dans la tuyauterie. L'exécutif a appelé le peuple à soutenir au moins son texte; celui-ci avait un coût d'à peu près 169 millions et allait par conséquent automatiquement déclencher le frein à l'endettement à concurrence de cette somme. Cela n'a bien sûr pas empêché le gouvernement d'aller dans ce sens en donnant des assurances trompeuses à la population.

Une majorité, dont le groupe socialiste fait partie, s'est dégagée pour accepter le texte qui vous est soumis aujourd'hui, parce que je crois que personne, hormis le PLR, ne souhaite que le frein au déficit se déclenche. Le Conseil d'Etat, comme une majorité du Grand Conseil, désire pouvoir garder une marge de manoeuvre dans le cadre des traitements budgétaires. La proposition telle que sortie des travaux de commission est assez simple: il s'agit de conserver le mécanisme de préfinancement présenté par l'exécutif pour tenir compte de la recapitalisation de la CPEG et de garder un peu de rab, si vous me passez l'expression, pour financer les politiques publiques dans le contexte d'une crise qui s'annonce.

Ce projet de loi est assez modeste; sans doute nous permettra-t-il d'endiguer le saignement pendant deux, trois ou quatre ans. Au-delà, il est presque certain que le mécanisme de frein au déficit va s'enclencher. Toutefois, c'est toujours ça de gagné: c'est autant d'argent qui servira aux besoins de la population, notamment par le biais du service public. C'est la raison pour laquelle la majorité vous appelle à accepter ce texte.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, la minorité de la commission des finances rejette la mise en place d'un préfinancement, même si cet instrument a déjà été utilisé par d'autres cantons, dont Vaud, dans le cadre de l'assainissement de sa caisse de prévoyance notamment.

Quoi qu'en dise le Conseil d'Etat, cet outil permet l'accroissement du déficit budgétaire admissible, fixé à 372 millions par la loi 12007 - la loi RFFA - tout en sécurisant et en privilégiant la recapitalisation de l'institution de prévoyance publique par rapport à d'autres charges contraintes. Celles-ci devront quant à elles rester contenues dans les limites du déficit budgétaire admissible pour que ne s'enclenche pas, comme vous l'avez entendu, la procédure de mesures d'assainissement obligatoires.

On pourrait penser que le gouvernement a trouvé une nouvelle recette pour dépenser plus, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Il est pris à la gorge par la perspective d'un budget 2020 qui risquerait, selon toute vraisemblance, d'aller au-delà de la limite admissible définie par la loi 12007, à savoir les 372 millions dont on a parlé tout à l'heure. Le Conseil d'Etat veut de fait éviter d'engager les mesures d'assainissement prévues par l'article 66 de la constitution et l'article 14 de la LGAF en sécurisant une partie des charges contraintes des budgets 2020 et suivants par les fonds propres.

Dans un contexte budgétaire qui promet d'être tendu, avec des charges contraintes en augmentation, le gouvernement souhaite ainsi limiter durant trois ou quatre ans les effets financiers de la recapitalisation de la CPEG sur le budget de l'Etat, avant que les effets dynamiques et positifs prévus par la réforme de la fiscalité des entreprises ne se fassent sentir et permettent d'amortir cette charge. Initialement, l'exécutif prévoyait un amendement au PL 12479 approuvant les états financiers de l'Etat sur lesquels nous voterons demain - amendement qui définissait le préfinancement et se référait aux articles 6A et 6B de la LGAF. Le préfinancement était alors constitué par l'attribution d'un montant de 222 millions de francs, soit l'excédent de revenus de l'exercice 2018. Puis un montant de 599 millions, correspondant au solde de la réserve conjoncturelle au 1er janvier 2018, était rajouté dans un deuxième amendement. Cela représentait un total de 821 millions inscrits dans les fonds propres de l'Etat en vue de la recapitalisation de la caisse de pension de l'Etat de Genève.

La gauche, par la voix de mon voisin de gauche à la table des rapporteurs, présentait alors un amendement indiquant que l'excédent de revenus constaté lors d'un exercice pouvait - le terme est important - être attribué au préfinancement, modulant ainsi le texte du Conseil d'Etat. Par ailleurs, l'amendement maintenait en partie la réserve conjoncturelle, destinée à compenser un déficit budgétaire à hauteur du montant de cette réserve. Pour ce faire, la gauche a déposé un amendement au PL 12479 qui modifiait le montant du préfinancement du Conseil d'Etat mentionné plus haut. Celui-ci était alors constitué des 222 millions de francs représentant l'excédent de revenus de l'exercice 2018, auxquels s'ajoutaient 300 millions de francs pris sur la réserve conjoncturelle. Le solde de la réserve conjoncturelle se montait alors à 299 millions de francs non dotés au 31 décembre 2018. Ce projet de loi, amendé par la gauche, a obtenu l'aval de la majorité de la commission des finances même s'il a été augmenté de 100 millions de francs grâce à la proposition de la gauche. Le montant du préfinancement passait donc à 400 millions, plus l'excédent de revenus, c'est-à-dire 222 millions - soit 622 millions - laissant la réserve conjoncturelle à 199 millions.

Après l'adoption par le peuple de la RFFA et des mesures compensatoires - votées, je le rappelle, dans le cadre du contreprojet à l'IN 170 - le gouvernement considère que le message politique délivré par nos deux Conseils serait catastrophique si on venait à enclencher des mesures d'assainissement. Est-il toutefois judicieux de changer les règles de déclenchement du frein au déficit en fonction des éléments dus à la conjoncture que l'on s'impose à soi-même ou qui nous sont imposés ? Il y a en effet une hausse très importante des charges contraintes et moins de recettes fiscales prévues. Le peuple a voté la RFFA, les mesures du contreprojet à l'IN 170 et le plus coûteux, pour les finances de l'Etat, des projets de recapitalisation de la CPEG. A cela se sont ajoutées des contraintes extérieures telles que la provision très importante en matière de planification hospitalière de 73 millions de francs, millions qui devront être rendus aux cliniques. Le Conseil d'Etat a par ailleurs perdu le recours sur les annuités de la fonction publique; celles de 2016 n'étaient pas provisionnées et il faut donc compter 59 millions de francs supplémentaires. Et puis il y a aussi une augmentation des prestations complémentaires avec un désengagement de la Confédération - un de plus - envers les cantons.

Tout d'un coup, on voit que le filet de sécurité mis en place devient compliqué et qu'il faut le déplacer un peu. Des décisions politiques ont été prises; la minorité pense qu'il faut les assumer et rester dans le cadre légal fixé depuis des années, qui définit des mesures acceptables. La minorité de la commission serait même favorable au vote d'un projet de loi qui reviendrait au statu quo ante de la réserve conjoncturelle. Celle-ci a l'avantage de permettre un certain pilotage sur le moyen terme: on la voit diminuer ou augmenter en fonction des résultats. Cela permet d'anticiper, même si ce n'est pas aussi performant que le plan financier quadriennal qui, lorsqu'il a été présenté - on vous l'a également dit tout à l'heure - ne comprenait pas les effets des objets votés par le peuple et décrits auparavant.

Si le préfinancement fait que l'on s'éloigne de la transparence des comptes, la réserve conjoncturelle est au contraire un bon instrument de politique budgétaire. La réserve conjoncturelle n'impacte pas le résultat des comptes présentés, respectivement les budgets; elle représente simplement une indication, au niveau du budget, du déficit admissible, qui tient compte des éventuelles bonnes années précédentes et qui peut retarder le frein au déficit. Cela permet notamment de prendre en considération des rentrées fiscales extraordinaires; cela a donc du sens.

Le préfinancement a une autre conséquence qui peut poser problème au niveau des comptes. On devrait décider au mois de juin de chaque année, date à laquelle ceux-ci nous sont présentés, de l'affectation des éventuels excédents au budget suivant alors qu'on n'en connaît encore rien ou pas grand-chose. L'autre élément négatif, c'est la possibilité d'attribuer des excédents d'un exercice au préfinancement. Cela voudrait dire qu'on aurait des débats politiques à n'en plus finir, au moment des comptes, pour savoir comment affecter ce montant: sera-t-il attribué à une réserve, à un préfinancement ? A quelle action sera-t-il destiné ?

L'amendement du Conseil d'Etat nous sera présenté tout à l'heure et nous y reviendrons peut-être plus tard, Mesdames et Messieurs les députés, mais d'une manière générale, philosophiquement, il faut quand même se poser un certain nombre de questions. Car si nos soucis financiers ont atteint un niveau tel que nous avons finalement des problèmes d'assainissement, il faut alors constater que l'on est peut-être allé un peu trop loin dans le budget du ménage de l'Etat. Ce n'est pas faute de l'avoir rappelé, ce n'est pas faute non plus d'avoir demandé des mesures structurelles pour ramener le fonctionnement de l'Etat à plus d'efficience et à moins de dépenses. On l'a vu lors des négociations du dernier budget: le Conseil d'Etat n'a malheureusement pas suivi la voix de la raison - il a suivi la gauche, qui a encore augmenté les déficits. Je pense qu'il faut aujourd'hui en tirer les conséquences et prendre les bonnes mesures pour éviter les affres d'un budget 2018 un peu difficile. Pardon, 2020 ! (Rires.) Excusez-moi, je retarde !

Mme Caroline Marti (S). Pour comprendre ce débat, Mesdames et Messieurs les députés, il faut effectivement le remettre un peu dans son contexte et revenir sur le vote de la RFFA. Cette réforme, discutée en commission, a voulu lever le mécanisme du frein au déficit pour couvrir l'ensemble des coûts estimés qu'elle allait engendrer, soit la perte de recettes fiscales et l'augmentation des subsides d'assurance-maladie.

Tout au long de ces débats de commission, mais également au cours des débats autour de la votation populaire sur la RFFA, on a pu entendre le Conseil d'Etat, tout comme le PLR et le PDC, nous promettre que cette réforme se ferait sans baisse de prestations. Ce qu'ils ont omis de nous dire, c'est que cette même réforme prévoyait aussi la dissolution de la réserve conjoncturelle ! Or cette réserve conjoncturelle, c'est ce qui nous permet d'avoir une certaine marge de manoeuvre, lors du vote du budget, pour assumer les coûts financiers d'autres types de prestations liées par exemple à l'augmentation démographique, au vieillissement de la population ou, comme l'a répété le rapporteur de majorité, aux frais induits par la CPEG.

Au moment du vote de la RFFA, quand bien même une majorité de la commission souhaitait alléger le principe du frein au déficit avec la suppression de cette réserve conjoncturelle, on n'a en réalité fait que le renforcer. Or, comme je viens de le dire, le Conseil d'Etat et une partie des défenseurs de la réforme ont pris l'engagement que celle-ci se ferait sans baisse de prestations et ont omis de mentionner la dissolution de la réserve conjoncturelle. C'est donc un mensonge - certes, par omission, mais un mensonge tout de même.

Ensuite, constatant l'ampleur des dégâts causés par cette disposition de la RFFA - la dissolution de la réserve conjoncturelle - le Conseil d'Etat s'est réveillé quelques jours après la votation en proposant un nouveau mécanisme. Ce mécanisme de préfinancement devait permettre, au moment des comptes, de mettre de côté une partie de l'excédent de revenus pour préfinancer une réforme, en l'occurrence celle de la CPEG. Mais, aux yeux de la majorité de la commission des finances, ce processus de préfinancement ne réglait toujours pas le problème de l'absence de réserve conjoncturelle et les risques que cela faisait courir à la pérennité des prestations - pas demain, pas après-demain, mais directement lors du vote du budget 2020 que nous traiterons à la fin de cette année. C'est pourquoi la commission des finances a proposé par la voix du rapporteur de majorité, Christian Dandrès, un amendement qui, en plus de renforcer le mécanisme de préfinancement, vise à maintenir le principe de réserve conjoncturelle en revenant sur sa dissolution.

La situation est devenue complètement ubuesque dès lors que le Conseil d'Etat, à la rentrée, a assuré aux partis son soutien au projet de loi tel que sorti des travaux de commission, avec l'amendement de M. Dandrès, mais dépose aujourd'hui un amendement qui supprime le mécanisme de préfinancement qu'il avait lui-même initié ! Le parti socialiste est conciliant, il peut entrer en matière pour rediscuter des termes; encore faut-il venir vers lui pour en parler. On peut accepter cet amendement dans la mesure où l'essentiel est sauf, c'est-à-dire le maintien de la réserve conjoncturelle - le maintien de notre capacité à financer l'ensemble des prestations dont notre population a besoin. Nous accepterons donc d'entrer en matière et de voter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Eric Leyvraz (UDC). Ce que propose ce projet de loi du Conseil d'Etat a été amendé à la commission des finances, mais toujours avec une forte opposition - la plupart du temps avec une voix d'écart - et il y a maintenant un nouvel amendement du Conseil d'Etat. Cet objet, présenté par l'exécutif, est en effet modifié par son auteur suite à la déclaration de la Cour des comptes, qui n'était pas favorable à un mécanisme de préfinancement. Dans le cadre du MCH2, celui-ci est seulement admis dans une procédure d'investissement. Le Conseil d'Etat a alors proposé d'utiliser le solde de la réserve conjoncturelle de 599 millions pour le préfinancement de la CPEG; il semblerait maintenant qu'il revienne sur sa déclaration.

Je ne vais pas entrer dans les détails de ce projet de loi: beaucoup de choses ont déjà été expliquées. Il est terriblement complexe, et je pense que le public qui nous écoute sera reconnaissant que je n'entre pas dans les détails parce qu'il y a de quoi s'y perdre. Ce que j'aimerais quand même relever, c'est la façon de faire choquante, je dirais, du gouvernement: il nous propose un projet de loi, déposé le 5 juin, qui engage financièrement la république d'une manière très importante. La commission des finances est mise sous pression et doit traiter des amendements jusqu'au dernier moment: on ne sait plus très bien, à un moment donné, où on en est. Il y a ensuite des complications; d'autres lois sont affectées par les changements. Bref, une situation que je trouve tout à fait indigne et qui n'est pas à même de permettre une meilleure vision des finances de l'Etat à moyen terme.

Dans le fond, ce qu'on doit en tirer - il faut le dire - c'est que l'exécutif fait tout ce qu'il peut pour ne jamais enclencher le frein au déficit, que nous avons sagement mis en place parce que la dette de l'Etat est déjà beaucoup trop importante. On fait tout pour éviter ce frein au déficit, ce qui à mon sens n'est pas une solution puisque l'Etat augmente sa dette continuellement ! Nous allons voir le budget 2020, qui ne sera certainement pas bon ! Si malheureusement les prévisions qui portent jusqu'en 2027 se réalisent, on aura encore augmenté la dette de 2 milliards de francs en quatre, cinq ou six ans. L'UDC trouve ça tout à fait inacceptable ! C'est pourquoi nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.

M. Jean Burgermeister (EAG). Le gouvernement a décidé de bricoler pour gommer une boulette de la RFFA aux conséquences désastreuses. La dissolution de la réserve conjoncturelle n'a jamais été annoncée à la population avant le vote sur la RFFA, et cela pose la question des conditions dans lesquelles la loi a été rédigée !

Un élément crucial de la RFFA n'a en effet pas été communiqué à la population: si elle passait, il était impossible de recapitaliser la CPEG - quel que soit le projet de loi accepté par le peuple - ou de procéder à n'importe quelle dépense extraordinaire, sauf à déclencher les mesures d'assainissement. Une information, vous le reconnaîtrez, qui est tout de même de taille et qui aurait mérité d'être annoncée ! Nous avons donc vu le Conseil d'Etat accourir en catastrophe, à la dernière minute, pour atténuer les effets d'une loi qu'il a toujours présentée comme la réforme phare de la législature. Pire encore, l'exécutif en est réduit à bricoler son propre texte quelques heures seulement avant le début des débats. Bien !

Malgré tout cela, Ensemble à Gauche pourrait soutenir l'amendement du gouvernement parce qu'il est indispensable que l'Etat conserve une marge de manoeuvre financière, d'abord pour permettre la recapitalisation de la CPEG qui, n'en déplaise à certaines et certains ici, a été décidée par la population... (Remarque.) ...ensuite pour compenser les pertes engendrées par la RFFA, largement sous-estimées lors de la campagne. C'est d'autant plus nécessaire que les besoins en termes de prestations augmentent massivement sous l'effet des politiques antisociales, qui plongent une partie toujours plus importante de la population dans la précarité.

Le rapporteur de minorité, M. Jean-Luc Forni, a indiqué que c'était peut-être le signe que nous étions allés trop loin dans les dépenses publiques. Mais ce n'est pas ça - ce n'est pas le discours que tenait la droite lors des débats sur la RFFA ! Rappelez-vous: on nous disait alors que la population n'aurait pas à payer cette réforme, que tout avait été calculé, que la croissance - miraculeuse ! - qui en découlerait permettrait d'absorber les déficits causés par les cadeaux fiscaux gigantesques accordés aux plus grandes entreprises et à leurs actionnaires. Il est l'heure maintenant... La gauche, elle, a évidemment toujours mis en garde contre le fait que la population serait probablement amenée à payer cette réforme. Nous espérions que le gouvernement serait capable de temporiser un peu plus longtemps, et c'est visiblement ce qu'il tente de faire. Il faut être très clair: avec ce projet de loi et cet amendement de dernière minute, l'exécutif essaie seulement de gagner un peu de temps ! Il ne fait que peu de doute que nous serons amenés à payer pour la RFFA.

Je vous invite donc à voter cet objet, ainsi que l'amendement du Conseil d'Etat. Néanmoins, je regrette fondamentalement les conditions dans lesquelles se sont tenus les débats autour de la RFFA et la manière dont le gouvernement a bricolé sa réponse à ce qui était vraisemblablement - laissons-lui le bénéfice du doute - une boulette insérée dans l'une des plus grandes réformes de la législature. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). C'est Monsieur Bricolage - ou Madame Bricolage, devrais-je dire à propos du département des finances ! On assiste à quelque chose de très étrange: nous avons étudié ce projet de loi sur le préfinancement à la commission des finances avant l'été, il y a déjà de longs mois, et on nous propose aujourd'hui, quatre heures avant cette séance du Grand Conseil, un amendement qui change complètement le texte qui nous est soumis. Ce n'est pas sérieux ! Ce n'est pas sérieux !

Après tous les problèmes causés par le PLR et le PDC, qui nous disent à la fois blanc et noir et qui créent un trouble, un doute dans la population à tous les niveaux, on se retrouve encore dans une situation très incertaine, qui n'est pas à la hauteur du travail que devrait fournir ce parlement. Je suis dès lors bien emprunté pour vous dire comment nous allons voter, parce qu'il est très difficile de faire un travail sérieux dans ces conditions ! En définitive, le groupe MCG réserve son vote et se décidera en fonction de la suite des débats. Merci.

M. Cyril Aellen (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi parlons-nous ? Il est question de comptabilité et de l'autorisation de dépenser plus que les ressources de l'Etat pour un seul exercice. Dans le contexte de la LGAF, il s'agit uniquement des autorisations, on ne parle pas du tout de la possibilité d'avoir plus ou moins d'argent. Notre discussion d'aujourd'hui n'a strictement aucun impact à ce niveau-là ! Ce qui avait été décidé et soumis au peuple, dans le cadre du projet RFFA, c'était de dire que nous projetions d'avoir des comptes à l'équilibre, sous deux réserves: nous allions subir une perte de 186 millions liée à la mise en oeuvre de la réforme fiscale proprement dite et soumettre dans le même temps à la population une dépense supplémentaire d'un montant équivalent de 186 millions afin d'aider la classe moyenne à payer ses primes LAMal grâce à des subventions. Il s'agit des fameux 372 millions, qui la première année pouvaient être considérés comme un déficit raisonnable dans le budget, tout le reste devant être fait dans le cadre d'un budget équilibré. Voilà ce qui a été soumis à la population, et celui qui a pris la peine de lire le texte - j'espère du reste que dans cette enceinte chacun l'a fait avant d'aller mener campagne - devait pouvoir indiquer ces différents éléments. On acceptait d'avoir au plus 372 millions de déficit la première année, parce que l'on considérait que tout devait être à l'équilibre à l'exception des deux points que je vous ai exposés.

Nous nous rendons compte par ailleurs que ce Grand Conseil dépense beaucoup depuis des années. Pourquoi ? Eh bien parce qu'il y a beaucoup de rentrées. Il pense dès lors qu'il peut continuer à puiser, comme dans un puits sans fond, afin de financer des dépenses inconsidérées. J'aimerais pour ma part citer des chiffres pour répondre à ceux qui parlent de budget d'austérité et, le cas échéant, de baisse des dépenses publiques. Si vous consultez le rapport intitulé «Bilan social de l'Etat et des institutions autonomes», un document qui contient toute la vie de l'Etat, vous constaterez qu'en 2013 il y avait 44 003 personnes au service de l'Etat. Si vous faites le même exercice pour l'année 2018 - ces bilans sociaux d'une vingtaine de pages sont édifiants, j'incite d'ailleurs les députés qui ne siègent pas à la commission des finances à les lire ! - vous verrez qu'il y en avait 49 662, ce qui représente une augmentation de 5659 personnes en l'espace de cinq ans. C'est assez révélateur du train de vie qu'a mené l'Etat ces dernières années ! Et si vous multipliez 5659 par environ 160 000 à 170 000 francs - montant qui ne correspond pas au salaire, mais au coût d'un poste - vous pourrez réaliser quels sont les efforts supplémentaires que notre canton a consentis durant ces années. Voilà ce qui explique, pour l'essentiel, les difficultés que nous connaissons aujourd'hui. En effet, les impôts et les rentrées fiscales ont augmenté - les impôts proprement dits, avec la baisse des déductions. Oui, les rentrées fiscales se sont révélées extraordinaires ces dernières années !

On parle maintenant de constituer une réserve conjoncturelle, Mesdames et Messieurs, mais pensez-vous sérieusement qu'on se trouve dans un cas où la conjoncture est mauvaise et qu'il faut donc puiser dans une réserve qu'on pourrait créer pour assurer notre train de vie actuel ? Non, nous sommes dans une situation où la conjoncture est bonne: le taux de chômage est en baisse, les valeurs boursières sont élevées, les prix de l'immobilier flambent et les revenus qui y sont liés augmentent considérablement pour l'Etat d'année en année. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise structurelle ! Oui, nous avons des petits commerçants qui n'arrivent plus à faire face à la concurrence liée à la proximité de la France, à la concurrence d'internet, mais ça n'a rien de conjoncturel ! C'est structurel ! L'économie souffre dans certains domaines et moins dans d'autres, car nous avons effectivement une économie dynamique. Mais en aucun cas nous n'avons affaire à un problème conjoncturel. Moi je prétends que nous devons dépenser moins que ce que nous gagnons afin de faire des réserves pour le jour où ça ira moins bien, alors qu'actuellement on essaie de trouver des artifices comptables pour dépenser plus.

Et je répondrai à M. Dandrès - vous transmettrez, Monsieur le président - que je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut demander à la population si on doit continuer à dépenser davantage ou si on doit prélever plus dans les poches des citoyens. Si je souhaite cela maintenant, c'est parce qu'en posant cette question, on arrivera peut-être à trouver une réponse mesurable. En revanche, si on attend encore trois ou quatre ans - c'est la durée dont vous avez parlé, Monsieur Dandrès - en se maintenant dans cette situation et qu'on continue à dépenser à crédit sur le dos de nos enfants, eh bien les mesures qui devront être prises, que ce soit pour prélever dans les poches des citoyens ou pour limiter les dépenses, seront totalement insupportables. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Frédérique Perler (Ve). Il est évident que les Verts ont été déconcertés à l'arrivée de ce projet de loi demandant un préfinancement pour la CPEG, tout comme il est clair que ce procédé, qui s'apparente au rattrapage d'une boulette pas très heureuse de la part du Conseil d'Etat, nous laisse un arrière-goût. Il semble qu'il s'agisse d'un bricolage plutôt que d'un vrai pilotage des finances publiques, et nous n'étions bien sûr pas très contents de cette situation, qui nous préoccupe. Sur la forme, pour commencer, il était bien question de notre surprise suite à cet arrière-goût de rattrapage, qui a perduré. Et comme l'a relevé Mme Marti tout à l'heure, on s'est retrouvé ce matin, à quelques heures de la plénière, dans une situation très compliquée, pour ne pas dire ubuesque, avec l'arrivée d'un nouvel amendement de la part du Conseil d'Etat. Nous devons composer avec ces éléments, mais je dois dire que, la rentrée ayant eu lieu lundi, le département des finances, en la personne de Mme Nathalie Fontanet, aurait eu largement le temps d'informer les groupes politiques de ses intentions. La conseillère d'Etat aurait même pu le faire hier, à la commission des finances, ce qui aurait permis de susciter un moins grand étonnement, sauf si son désir était justement de créer la surprise au sein des groupes.

S'agissant du projet de loi qui nous a été soumis, les Verts se sont exprimés ainsi: comment pouvons-nous en mesurer les conséquences ? Ils n'ont pas manqué de faire part de leurs inquiétudes, à travers trois hypothèses différentes, dans la mesure où on creuse la dette - un point sensible pour nous, vous le savez. Ce projet de loi de préfinancement était basé sur une croissance à laquelle les Verts ne croient plus vraiment, mais je ne vais pas répéter les éléments apportés par mes préopinants sur les conséquences de la RFFA et de la disparition de la réserve conjoncturelle. Il n'y avait en outre toujours pas de proposition d'augmentation d'impôts de la part du Conseil d'Etat, alors que le droit fédéral l'exige. C'est tout de même assez malheureux, mais les Verts ne pratiquent pas la politique de la terre brûlée. Oui, c'est vrai, certains aspects n'ont pas forcément été bien révélés à la population, si tant est que l'expression «réserve conjoncturelle» soit très compréhensible pour elle, mais je relève au passage que lors du vote du projet de loi sur la RFFA, personne dans ce Grand Conseil ne s'est insurgé contre la disparition de la réserve conjoncturelle. Cette réserve nous était toutefois chère, car elle avait été mise en place par un ministre Vert. Aussi avons-nous accepté les amendements présentés par le groupe socialiste - en l'occurrence M. Dandrès, rapporteur de majorité - permettant de réintroduire cette réserve conjoncturelle et d'avoir une réserve de préfinancement afin de garantir celui de la CPEG, puisque c'était le voeu du Conseil d'Etat à ce moment-là.

Aujourd'hui, on se retrouve avec une nouvelle donne, à savoir un amendement du Conseil d'Etat qui vise à supprimer du projet de loi le volet du préfinancement et à conserver ou plutôt réintroduire la réserve conjoncturelle, un principe qui était aussi cher aux Verts. Nous pourrons donc vivre avec cet amendement, car il est préférable d'avoir une réserve conjoncturelle qui nous permette de voir venir l'avenir, sachant la complexité des enjeux financiers qui vont prochainement se dessiner. Et si le projet de loi est adopté avec cet amendement, on verra ce que nous réserve le Conseil d'Etat au moment de la présentation du budget, c'est-à-dire comment il introduira le financement de la CPEG, puisqu'il n'existera pas de préfinancement comme initialement prévu.

Voilà pour l'instant le message des Verts. Je me permettrai de reprendre la parole si nécessaire. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais revenir sur le raisonnement mathématique de mon collègue Cyril Aellen. Il parle comme si la société n'évoluait pas, or il se trouve que, d'une année à l'autre, la population augmente. En commission, nous avons pu entendre des réflexions de la part de l'IMAD, et il y a effectivement eu une hausse des postes à l'hôpital, de même qu'aux TPG, dans le social et dans l'enseignement. Non seulement la population augmente, mais la situation sociale se dégrade aussi en partie, et il faut y faire face.

Chers collègues, nous ne sommes pas dans une situation constante, avec une population constante, et il est évident qu'il faut satisfaire ces besoins. Je ne sais pas si vous considérez que les besoins ne doivent pas être satisfaits, cas échéant si vous essayez même de les réduire, auquel cas la question pourrait se poser, mais en ce qui nous concerne, nous estimons que cette demande d'augmentation de postes s'avère justifiée. Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on se retrouve effectivement dans une situation compliquée suite à ce qui s'est passé avec la RFFA, et finalement on veut nous dire que c'est la population qui va devoir payer cette facture. Eh bien non, ça ne joue pas ! Le petit commerce souffre aujourd'hui, en raison de la concurrence - notamment frontalière - mais aussi à cause de toute la problématique du CEVA, qui va amener encore plus de personnes à Genève. Alors du point de vue conjoncturel, peut-être que les grands groupes vont bien, mais tout le petit commerce, lui, ne va pas bien. Il va mal, très mal, et l'Etat ne prend aucune mesure véritable pour soutenir nos petits commerçants. Il ne suffit pas de dire que la concurrence vient des commerces avoisinants: il faut prendre des mesures concrètes pour soutenir le petit commerce à Genève, car il va disparaître si on n'y prend pas garde, ce qui ne sera pas sans conséquence pour les employés, les employés qui habitent notre canton et qui font tourner ces petits commerces. Mesdames et Messieurs, je crois donc qu'on doit savoir raison garder et qu'au final on n'a pas tellement le choix: il faut voter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Il faut que je change de micro, c'est bien ça ? (Remarque.) Non ? Il fonctionne ? Parfait. Mesdames et Messieurs les députés, M. Cyril Aellen a dit que la conjoncture économique était bonne, et j'invite toutes les personnes présentes ici - ainsi que les courageux qui nous écoutent ou nous regardent - à prendre acte de cette déclaration. En réalité, selon toute la presse économique sérieuse, nous sommes au bord d'une crise économique majeure, qui touchera vraisemblablement Genève de plein fouet.

J'aimerais par ailleurs corriger une petite imprécision dans ses propos: nous ne discutons pas de la question de créer une réserve conjoncturelle, mais bien de conserver celle qui existe déjà. Par conséquent, je remercie M. Aellen de m'avoir fourni un argument supplémentaire: il serait absolument irresponsable, dans la conjoncture actuelle, de dissoudre cette réserve conjoncturelle alors que nous sommes à la veille d'une récession majeure. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR). Je ne suis pas Madame Soleil et j'ignore quelles seront les perspectives. Je ne suis pas économiste non plus ! La seule chose dont je suis certain, c'est que ceux qui prétendent que nous sommes au bord d'une crise majeure et d'une baisse massive de la conjoncture admettent implicitement qu'aujourd'hui la conjoncture est bonne.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Bonjour, Mesdames et Messieurs les députés ! Je suis ravie de me retrouver ici avec vous en ces premiers jours de rentrée. Si je comprends bien, je suis passée de Madame Boulette... (Rire.) ...à Madame Bricolage, auteure d'un mensonge à la commission fiscale. Nous allons donc reprendre du début, et dans l'ordre.

Pour commencer, je trouve surprenant que des députés qui siégeaient à la commission fiscale et auxquels l'ensemble des projets de lois a été présenté par des experts et des collaborateurs de l'AFC - la teneur du PL 12007, celui-là même qui supprimait la réserve conjoncturelle, leur a donc été expliquée - puissent aujourd'hui, devant ce cénacle, accuser de mensonge le Conseil d'Etat, en particulier la conseillère d'Etat que je suis. Mesdames et Messieurs, cela n'est pas honnête, cela n'est pas raisonnable. Ce projet vous a été présenté et a ensuite été soumis à votre vote. Vous avez, nous avons une responsabilité lorsque nous votons des projets de lois. Il s'agit là de savoir ce que nous votons ! De même, la responsabilité du Conseil d'Etat était évidemment d'expliquer ce qu'était cette réserve conjoncturelle. Et je vous le confirme, cela a été fait.

En ce qui concerne la suite, Mesdames et Messieurs, nous avons pu constater, dans le cadre de la préparation de notre budget, une très forte hausse des charges. Je ne vais pas ergoter sur les mots utilisés s'agissant du lien avec la RFFA. En tant que telle, cette réforme implique une baisse des revenus. La hausse des charges, quant à elle, est due au contreprojet à l'initiative 170, ainsi qu'à la recapitalisation de la CPEG. Tant la baisse des revenus liée à la RFFA que la hausse des charges découlant du contreprojet à l'IN 170 ont été prévues dans la loi, avec une augmentation du montant du frein au déficit. En revanche, il est exact de dire que la somme supplémentaire liée à la recapitalisation de la CPEG n'a pas été prévue et qu'il n'y a pas eu d'augmentation particulière du frein au déficit ni de mécanisme pour prendre en charge - à court terme tout au moins - ces montants.

C'est dans ce contexte que le Conseil d'Etat a réfléchi en début d'été et s'est proposé de venir devant vous avec un projet de loi de préfinancement. Le préfinancement est un mécanisme que nous ne pouvons pas utiliser dans notre droit genevois, parce que les normes que nous appliquons ne nous le permettent pas, sauf en matière de prévoyance, où il peut être admis. Il avait d'ailleurs été accepté par la Cour des comptes, qui audite nos comptes. C'est un instrument extrêmement pratique, qui est utilisé par de nombreux cantons, car il leur permet non pas de réagir après une votation, mais d'agir en amont, c'est-à-dire de provisionner des montants dans le cadre de financements précis. Nous n'avons pas cette latitude chez nous.

Le Conseil d'Etat vous a donc proposé ce projet de loi, que je suis venue présenter à différentes reprises. Je suis d'ailleurs restée avec vous jusqu'à la fin des travaux de la commission des finances. Au cours des débats, il s'est trouvé que certains ont assez vite avancé l'idée de remettre en service uniquement la réserve conjoncturelle. Finalement, pourquoi avions-nous besoin d'un préfinancement alors qu'il suffisait de réactiver la réserve conjoncturelle ? Le rapport de majorité - de même que le rapport de minorité, sauf erreur - invitait du reste le gouvernement à formuler pendant l'été des suggestions en vue d'une simple remise en service de la réserve conjoncturelle. Le Conseil d'Etat s'est réuni hier et, dans le cadre de ses discussions, il est apparu que certains partis avaient des doutes quant à l'opportunité de maintenir ce projet de loi de préfinancement, nous n'étions donc pas certains de pouvoir rassembler une majorité pour voter en faveur de ce préfinancement. C'est dans ce contexte que je vous ai effectivement proposé ce matin un mécanisme en vue d'une simple réintroduction de la réserve conjoncturelle.

Mesdames et Messieurs, ce point-là a été abordé de long en large à la commission des finances. Nous en avons fait la proposition, il ne s'agissait donc pas d'une surprise pour les commissaires aux finances, parce que nous l'avons évoqué. Cela peut certes être considéré comme inélégant de ma part - et si c'est le cas je vous prie de m'en excuser - mais je n'avais nullement l'intention d'être cavalière à l'égard des membres de la commission des finances ainsi que des députés. Mon but, le but du Conseil d'Etat est de trouver une majorité pour nous donner une petite marge de manoeuvre afin d'assumer les charges qui sont en très nette augmentation suite aux réformes importantes que nous avons adoptées le 19 mai. Quel que soit le mécanisme que vous choisirez, il faut qu'il nous permette de faire face à ces dépenses et à ces charges supplémentaires. Cela a été expliqué brièvement tout à l'heure, si le Conseil d'Etat ne peut pas bénéficier de ce mécanisme, on dépassera le montant du frein au déficit, et des mesures d'assainissement devront alors s'enclencher.

S'agissant de ces mesures d'assainissement, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat proposera des paires: il y aura d'un côté une diminution ou une suppression de prestations, et de l'autre une augmentation d'impôts. Le Grand Conseil aura la possibilité de modifier ces paires, de les adopter ou d'en suggérer d'autres, puis elles seront soumises à la population. Mais ce n'est pas ce à quoi veut arriver le Conseil d'Etat cette année, juste après le vote des réformes importantes que sont la recapitalisation de la CPEG, le contreprojet à l'IN 170 et la RFFA. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter ce projet soit avec l'amendement du Conseil d'Etat proposé ce jour, soit, si vous le refusez, tel qu'il est ressorti de commission. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12534 est adopté en premier débat par 50 oui contre 46 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat sur lequel nous allons voter en deux temps. Il vise en premier lieu à biffer l'article 6B.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 88 oui et 3 abstentions.

Le président. Il propose ensuite de biffer l'alinéa 2 de l'article 68.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 90 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 68, lettres a et c (nouvelle teneur), lettre a bis (nouvelle), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

Le président. La parole est demandée par M. Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Nous nous réjouissons que cet amendement ait été adopté. La politique, c'est parfois aussi une affaire symbolique, et nous apprécions que le Conseil d'Etat ait en quelque sorte accepté d'assumer une responsabilité politique en proposant cet amendement au Grand Conseil, qui l'a accueilli favorablement. Comme nous l'avons dit, nous aurions préféré que cette démarche soit entreprise un peu plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais ! C'est une bonne chose qu'il ait été voté, et nous souhaitons maintenant que ce projet de loi soit adopté par une majorité en troisième débat.

Permettez-moi juste de formuler une remarque - je crois qu'il est important que ce soit dit avant la fin de ce débat - sur la question de la conjoncture, parce que quelques-uns des propos qui ont été tenus montrent qu'il existe une certaine méconnaissance de ces mécanismes. Je dirai notamment que lorsque la conjoncture est bonne... Et peut-être qu'elle l'est encore actuellement, même si une crise s'annonce ! Je pense en effet qu'on peut considérer que la flambée des revenus immobiliers dont a parlé M. Aellen est plutôt le reflet d'une bulle immobilière, qui est elle-même le reflet d'une crise qui s'annonce - tous les économistes s'expriment en ce sens aujourd'hui. Donc précisément si la conjoncture est bonne en ce moment, dans une politique anticyclique, qui est voulue par la constitution genevoise - car ce n'est évidemment pas une coquetterie de l'esprit du rapporteur - il faut maintenant constituer une réserve conjoncturelle pour que l'on puisse l'utiliser lorsque les périodes de vaches maigres arriveront.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'ensemble de ce projet de loi tel qu'amendé.

Mise aux voix, la loi 12534 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 45 non et 1 abstention.

Loi 12534