République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 837-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, François Lefort, Emilie Flamand-Lew, Yves de Matteis, Boris Calame, Frédérique Perler, Sophie Forster Carbonnier, Sarah Klopmann, Mathias Buschbeck, Guillaume Käser, Marc Falquet, Jean Batou, Roger Deneys, Patrick Dimier, Esther Hartmann, Pierre Vanek, Olivier Baud, Christian Zaugg, Jean-Charles Rielle, Salima Moyard, Christian Frey, Cyril Mizrahi, Nicole Valiquer Grecuccio, Caroline Marti, Isabelle Brunier, Lydia Schneider Hausser : En finir avec l'utilisation du glyphosate en Suisse (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 24 et 25 mai 2018.
Rapport de majorité de M. Norbert Maendly (UDC)
Rapport de minorité de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)

Débat

Le président. Pour l'objet suivant, le rapporteur de majorité est remplacé par M. Eric Leyvraz. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Leyvraz - s'il est d'accord.

M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous voilà de nouveau face à une résolution concernant le glyphosate ! Je rappelle quand même que tout ce qui concerne l'utilisation de produits phytosanitaires dépend de la Confédération, de l'OFAC. Donc, habitant en Suisse, ce serait bien que nous respections les règles suisses ! C'est la deuxième fois qu'on a un objet là-dessus: c'était le cas en 2017, on en retrouve un maintenant. Je suis d'accord sur le fait qu'on peut discuter de tous les sujets, malheureusement, là, on perd du temps - par deux fois ! D'abord parce qu'il s'agit de règles fédérales sur lesquelles nous n'avons pas d'influence. Ensuite, 90% des résolutions de Grands Conseils qui arrivent à l'Assemblée fédérale proviennent de Genève... (Commentaires.) Et on sait très bien le sort qui les attend: la poubelle sans même être lues, en général ! C'est donc fort dommage.

Le glyphosate est un désherbant qui a mauvaise réputation pour la simple et bonne raison qu'il est utilisé dans pas mal de pays sur les OGM. Les OGM résistant à ce désherbant sont traités depuis des hélicoptères d'une façon scandaleuse, avec une dérive du produit qui est évidemment énorme. Ce n'est pas du tout le cas en Suisse. En Suisse, ce produit est utilisé de façon extrêmement raisonnable, directement au sol: il n'y a pas de projections dans l'air, et les fruits, les légumes ou les raisins ne sont pas touchés par ce produit ou n'en contiennent pas de résidus. Vous pouvez lire dans le rapport ce que nous a dit le chimiste cantonal à ce sujet, je crois que c'est assez clair. Moi, ce que j'aimerais surtout vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il ne faut pas que vous tombiez dans une manière de voir manichéenne. Aujourd'hui, vous faites du bio, c'est bien ! Vous ne faites pas du bio, c'est mal ! Nous sommes entourés par des docteurs ès Wikipédia, qui savent tout et qui vous expliquent exactement ce qu'il faut faire. Je suis un pionnier de la culture biologique, j'ai eu pendant quinze ans le plus grand domaine suisse en culture biologique pour la vigne, je pense donc que c'est un sujet que je connais bien ! La culture bio, c'est bien, mais ce n'est pas la panacée et elle n'apporte pas toutes les solutions ! Je dois dire que, pour finir, j'ai choisi d'utiliser du désherbant glyphosate parce que, du point de vue environnemental, j'ai fait le calcul; entre passer quatre fois avec des machines entre les ceps pendant quatre jours - un travail extrêmement pénible pour le conducteur de tracteur - ou passer une seule fois, sans tasser le sol, avec 0,5 litre de glyphosate par hectare, j'ai fait mon calcul. Entre l'utilisation de centaines de litres de gazole et l'utilisation de quelques litres de désherbant, je pense que le calcul environnemental est extrêmement vite fait !

Pour ces raisons-là, je pense qu'il ne faut pas accepter cette résolution; elle ne sert strictement à rien. Les chimistes que nous avons à l'OFAG sont des gens de haut niveau qui ne sont pas vendus aux grandes entreprises internationales. L'Office fédéral de la santé publique a aussi des médecins de haut niveau et s'ils nous disent que nous pouvons utiliser ces produits en Suisse comme les utilisent les paysans qui sont formés pour, je pense qu'on peut quand même une fois faire confiance à ces gens-là. Il est bien clair que nous cherchons par tous les moyens à éviter les désherbants et les produits de ce genre, mais actuellement, on n'a rien d'autre. Plein de projets sont en cours, mais, sur le terrain, il n'y a rien d'autre de vraiment valable.

Je vous rappelle aussi que pour les CFF, ne plus avoir recours au glyphosate représentera un immense problème. Je ne connais pas les chiffres pour les CFF, mais en France, l'abandon du glyphosate coûterait 500 millions d'euros par année à la SNCF. Voilà où nous en sommes aujourd'hui dans l'utilisation de ces produits. La plupart des produits alimentaires qui ont été testés et qui contenaient des traces de glyphosate venaient de pays étrangers où on peut utiliser ce produit d'une façon qui n'existe pas en Suisse.

Je vous demande donc de ne pas soutenir cette résolution. Premièrement, elle ne sert à rien. Deuxièmement, soyez conscients que, pour les paysans, ce sont des produits qui coûtent cher; s'ils pouvaient les éviter, ils le feraient volontiers, et ils les utilisent en tout cas avec beaucoup de parcimonie.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, la minorité pense au contraire que la situation est plutôt préoccupante, et cette résolution s'inscrit pleinement dans l'actualité. En effet, la toute récente révision de l'ordonnance sur la protection des eaux révèle que le gouvernement fédéral a l'intention d'augmenter massivement la limite de 25 pesticides dont le glyphosate. En parallèle, le Conseil national a accepté, il y a moins de deux semaines, un postulat des Verts qui demandait d'étudier l'opportunité et les modalités d'une sortie progressive du glyphosate. J'ajoute que, cet été, le Conseil d'Etat vaudois proposait un plan d'action pour réduire l'utilisation du glyphosate sur le territoire cantonal. Le sujet est donc brûlant pour nous et Genève a clairement une carte à jouer ici. Je rappellerai aussi d'entrée de jeu que l'usage du glyphosate ne concerne de loin pas que l'agriculture. Bien au contraire, les privés - souvent en grands amateurs - ou les voiries publiques, notamment pour l'entretien des cimetières, y ont souvent recours.

Alors oui, le glyphosate est un des herbicides les plus vendus en Suisse; on le connaît surtout parce qu'il est l'ingrédient principal du Roundup, ce fameux désherbant commercialisé par la multinationale Monsanto. Le glyphosate n'est pas un produit anodin puisque le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS l'a qualifié de cancérigène probable en mars 2015. La consommation régulière de cet herbicide dans nos aliments nous expose à des effets cumulatifs et chroniques. Bien sûr, il y a tout cet enjeu de santé publique, mais nous risquons aussi avec ce produit la pollution de nos rivières, de nos sols et de notre flore, de manière générale, ainsi que l'empoisonnement de notre faune.

Le principe de précaution, c'est là-dessus qu'il faut insister, est étroitement lié au droit de la santé et au droit de l'environnement, et il devrait ici prévaloir: c'est absolument ce que pense la minorité. Le canton de Genève a déjà appliqué le principe de précaution dans le domaine agricole en inscrivant en 2016 dans la loi sur la promotion de l'agriculture l'interdiction de la culture de plantes génétiquement modifiées. Aujourd'hui, programmer la sortie du glyphosate en Suisse s'inscrit dans cette volonté genevoise d'appliquer le principe de précaution lorsque les risques encourus sont trop élevés. Pour la minorité, il est essentiel de rappeler l'importance de l'accompagnement des transitions parce que - la majorité le disait tout à l'heure - on manque aujourd'hui d'alternatives concrètes. Il faut donc accompagner la sortie de certains produits, il faut organiser une sortie programmée du glyphosate et, en parallèle, soutenir des alternatives en renforçant les recherches agronomiques régulièrement attaquées. C'est précisément ce que demandent les deux amendements que vous pouvez lire sur le tableau et qui sont redéposés aujourd'hui par la minorité. Ces amendements demandent précisément «d'organiser la sortie programmée du glyphosate» et «de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate».

Vu les risques sanitaires et environnementaux que nous encourons avec le glyphosate, vu la volonté citoyenne exprimée aussi à plusieurs reprises, vu également que des alternatives existent mais que nous devons les développer davantage, la minorité vous invite chaleureusement ici à soutenir naturellement cette résolution.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC est conscient de la complexité du problème et des difficultés que rencontrent déjà les agriculteurs au quotidien, de même que leur volonté d'éviter ces produits. Les paysans sont sous pression pour des questions de prix et ils sont soumis aux aléas du climat pour un retour sur investissement qui n'est pas toujours là. Les solutions doivent venir des milieux concernés et l'Etat doit soutenir les recherches qui vont dans ce sens. Dicter au monde agricole sa manière de travailler n'est pas une solution, c'est une condamnation et un manque de respect pour les paysans - toujours moins nombreux - qui aiment leur travail et les produits qu'ils proposent.

Il faut souligner qu'en Suisse, le glyphosate n'est jamais utilisé sur les fruits et légumes. Si nous en mangeons, c'est principalement en consommant des produits importés, car la législation est plus souple ailleurs. Nous devons cependant réfléchir à nos modes de consommation et nous protéger des lobbies de l'industrie qui tendent à minimiser les problèmes liés aux produits phytosanitaires. Le glyphosate n'est pas utilisé que dans l'agriculture, il l'est notamment dans les peintures de façade de nos bâtiments. Nous sommes cependant absolument scandalisés par les déclarations récentes du Conseil fédéral qui veut augmenter les normes de tolérance des pesticides dans l'eau, ce qui va complètement à l'encontre de toute la tendance européenne et minimise totalement la problématique de la santé environnementale pourtant très actuelle. L'urgence se fait sentir et, à terme, sortir du glyphosate est nécessaire car, même en encadrant son utilisation, on en retrouve dans nos sols et dans l'eau, et personne ne dira que ces produits sont complètement inoffensifs ! C'est une question de santé publique que de s'en préoccuper ! Il s'agit aujourd'hui d'envoyer un message clair aux autorités fédérales pour les encourager à prendre des mesures qui débouchent sur des alternatives concrètes à l'utilisation du glyphosate en Suisse. Ne nous laissons pas manipuler par une simplification du problème et, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, pour une fois, soyons ambitieux et penchons-nous dès aujourd'hui sur la question ! C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à soutenir le texte amendé. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a déjà dit ici, il est urgent de légiférer pour abolir ce fléau qu'est le glyphosate et, plus largement, de légiférer sur l'utilisation des pesticides. Il est urgent de le faire ici, sachant que le Conseil fédéral ne voit pas de raison, selon ses propres mots, d'interdire le glyphosate. Au contraire, il voudrait augmenter les valeurs limite des pesticides en Suisse. Or, s'il n'a pas pu le faire jusqu'à présent, c'est bien parce qu'il y a des résistances qui proviennent des cantons. Cela montre bien que le texte dont on parle ici est utile même si les enjeux se trouvent à Berne pour l'essentiel.

Ensuite, selon le Centre international de recherche sur le cancer, le glyphosate est considéré comme un cancérigène probable et il présente des risques réels et sérieux pour la santé. Cela a été rappelé, mais j'aimerais ajouter qu'il s'agit de toute évidence d'un fléau environnemental majeur. Il faut savoir qu'actuellement, qu'il s'agisse de plantes ou d'animaux, ce sont les espèces des milieux agricoles, des campagnes, qui sont le plus menacées et qui ont vu leurs populations s'effondrer le plus massivement. On peut citer l'exemple des oiseaux, dont 25% des individus ont disparu des champs et des prairies suisses ces vingt dernières années; cela revient concrètement à 350 000 oiseaux en moins ces vingt dernières années. (Commentaires.)

Il est donc urgent de légiférer, il est urgent d'accepter ce texte; il ne faudrait pas s'abriter derrière des prérogatives fédérales et attendre que le changement vienne uniquement du Conseil fédéral ou des Chambres: je pense qu'il y a également une marge de manoeuvre à Genève pour développer une agriculture de proximité, une agriculture biologique, et écouter - enfin ! - le signal qui a été envoyé massivement par la population lors des dernières votations.

M. François Baertschi (MCG). Certes, il faut défendre les consommateurs. Certes, il faut obtenir une meilleure qualité par des moyens très divers. Ce n'est pas notre rôle en tant que consommateurs, parce que nous n'en avons pas les compétences - enfin, la plupart des consommateurs ! Même si chacun se prend pour un expert en biologie et en agrochimie et tout ce qu'on veut, ce n'est absolument pas notre domaine, malheureusement ! Envoyer cette résolution à Berne relève de la spéculation, pour ne pas dire la gesticulation, parce que ce n'est pas de notre domaine. Je veux bien entendre les discours de certains partis qui affirment la priorité du droit cantonal en matière de glyphosate: Genève doit avoir la priorité. Bien sûr, on enveloppe cela avec certaines figures de style, mais, à côté de cela, si on va au fond du problème, si on suit les auteurs de la résolution, moi j'ai envie de leur dire: vous êtes pour le droit cantonal, vous êtes pour le droit local ? Vous allez donc voter le 25 novembre en faveur de l'initiative pour la primauté du droit local, du droit suisse ou du droit genevois sur le droit international ! J'aime bien cette vision des choses: vous revenez au local ! Malheureusement, sur ce sujet, vous ne pouvez pas agir ! En revanche, le 25 novembre, vous pourrez agir ! (Rires.) Nous allons refuser ce texte parce qu'il va visiblement finir à la poubelle - malheureusement - ou il recevra en tout cas une écoute très limitée. Le 25 novembre, je vous recommande de voter pour la primauté du droit local. (Applaudissements.)

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et messieurs les députés, oui, des alternatives sont possibles à l'utilisation du glyphosate, tout comme d'ailleurs à celle des autres produits phytosanitaires de synthèse utilisés comme herbicides ou pesticides. La montée en puissance de l'agriculture biologique en Suisse en est bien la preuve; son essor a permis de faire évoluer les recherches dans ce domaine, recherches qu'il faut développer encore et renforcer pour soutenir les agricultrices et agriculteurs souhaitant sortir du cercle vicieux qu'est l'utilisation du glyphosate. «Rester concurrentiel signifie assurer l'évolution constante des produits, développer une forte capacité d'innovation et rediriger le système de production vers des produits sains et responsables, tant au plan social qu'environnemental.» Cette phrase figure dans l'actuel plan directeur de la recherche agronomique et agroalimentaire de l'Office fédéral de l'agriculture. Mesdames et Messieurs les députés, les citoyennes et les citoyens l'ont compris, ils se tournent de plus en plus vers des produits et des aliments cultivés dans le respect de l'environnement. D'ailleurs, certaines et certains ont pris la mesure des risques sanitaires et environnementaux et lancé une initiative fédérale «Pour une Suisse libre de pesticides», initiative sur laquelle le peuple se prononcera.

J'ai lu dans «Le Temps» du 19 septembre dernier une citation de M. Clerc, agronome à l'Institut de recherche de l'agriculture biologique - le FiBL - qui dit: «Les agriculteurs [et les agricultrices] sont des chercheurs [et chercheuses], ils aiment parler de leurs expériences.» En parlant avec un agriculteur genevois dernièrement, j'ai vu s'illuminer ses yeux et s'éclairer son regard lorsqu'il m'a expliqué comment il avait réussi à baisser drastiquement sa consommation d'herbicide. Les agriculteurs et les agricultrices aiment leur métier et les terres qu'ils cultivent, Mesdames et Messieurs. Ils sont soucieux de les préserver et ont besoin que la recherche leur permette de trouver des solutions aux problèmes qu'ils résolvent actuellement par l'utilisation de produits phytosanitaires de synthèse. Alors oui, le groupe socialiste votera en faveur de cette résolution pour en finir une fois pour toutes avec l'utilisation du glyphosate en Suisse et il soutiendra également l'amendement proposé par la rapporteure de minorité. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est pour une minute à M. le député Jacques Blondin.

M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le produit de remplacement du glyphosate existe, c'est le PTB. Le PTB, ça veut dire: prends ta binette ! Donc, travail manuel pour tous les agriculteurs ! Cela dit, cette résolution ne changera rien à la teneur éventuelle en résidus dans les produits alimentaires élaborés en Suisse, puisque en Suisse, il n'y a pas de glyphosate utilisé sur les plantes. Donc, pas de résidus ! Par contre, sachez que quand vous allez faire vos courses dans la périphérie française, le pain que vous allez manger contient vraisemblablement quelques résidus de glyphosate, puisque là, on l'utilise sur la plante pour activer la maturation du grain. Donc, renchérir la Suisse sans rien changer à notre environnement est un non-sens puisque nous consommons «global». Je ne voterai pas cette résolution, car elle ne résout pas ce problème !

Mme Simone de Montmollin (PLR). Chers collègues, le PLR s'est déjà exprimé sur cette question et il ne changera pas d'avis. Sur le plan fédéral, le Conseil fédéral s'est aussi déjà prononcé ces derniers mois de manière réitérée sur l'interdiction et il n'y a pas lieu de penser que cette résolution recevra une autre réponse. Par ailleurs, la deuxième invite du texte est précisément le postulat déposé par les Verts et accepté par le Conseil fédéral, qui reprend exactement les mêmes termes; renvoyer une résolution déjà traitée à Berne avec les mêmes termes n'a aucun sens. Réduire l'utilisation de pesticides: vous avez parlé du canton de Vaud, Genève n'est pas à la traîne, Genève a aussi adopté un plan de réduction ambitieux qui va plus loin que le plan fédéral. Le travail se fait donc déjà, partout où il peut être mené.

Nous n'allons pas accepter les amendements pour les raisons évoquées. Le premier amendement reprend un postulat déjà accepté et, en ce qui concerne le deuxième amendement, si l'on veut renforcer la recherche agronomique, déposons un objet qui aille précisément dans ce sens, mais, à titre personnel, je refuse d'envoyer à Berne une résolution dont l'exposé des motifs est un amalgame entre les produits utilisés par les agriculteurs et ceux utilisés par les militaires américains durant la guerre du Vietnam ! Ce n'est pas faire honneur à la recherche agronomique que d'associer ces deux thématiques. Nous refuserons donc ce deuxième amendement.

Il faut quand même se souvenir que les décisions que prennent les autorités fédérales - elles sont nombreuses - se fondent sur les conclusions des travaux menés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Agence européenne des produits chimiques et divers comités d'experts d'agences onusiennes. Plus de mille études ont été réévaluées pour prendre cette décision, c'est un nombre jamais atteint pour d'autres types de matières actives. Elles aboutissent toutes à la même conclusion: le glyphosate ne peut pas être classé comme cancérigène, nocif pour la reproduction ou nocif pour l'environnement. C'est la raison pour laquelle les autorités suisses jugent qu'une utilisation conforme aux prescriptions suisses ne fait pas courir de risques inacceptables, ni pour les individus ni pour l'environnement. Le Centre international de recherche contre le cancer a, lui, considéré le glyphosate comme cancérigène probable, mais cela au même titre que l'est la viande rouge. Ces évaluations ne tiennent pas compte du risque, à savoir l'exposition et la dose.

En parlant d'exposition, mon préopinant l'a dit, il s'agit de traces trouvées dans les aliments. Or, on trouve ces traces essentiellement dans les produits importés. Une interdiction en Suisse ne préservera donc pas le consommateur d'un contact avec des traces de substances dans les pâtes et dans tous les produits importés faits à base de farine et de blé étranger. Pour toutes ces raisons, je crois qu'il faut garder la mesure et refuser cette résolution.

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Chers collègues, l'Office fédéral de l'agriculture et ma préopinante ne sont pas inquiétés par les résidus de glyphosate. Pour ma part, j'aimerais rappeler trois chiffres qui rappellent l'ampleur du problème. 37% tout d'abord: c'est le pourcentage des Romands testés qui présentent des traces de glyphosate dans leur urine. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Je vous redonnerai les quelques secondes que vous perdez, Madame. Mesdames et Messieurs, j'aimerais que nous terminions cette résolution avant le huis clos; traitons-la avec le plus de silence possible, de façon que Mme la députée puisse s'exprimer. Je vous redonne la parole, Madame.

Mme Isabelle Pasquier. 40% ensuite: c'est le pourcentage d'aliments analysés dans l'étude précitée qui présentent le risque d'une présence de glyphosate. C'est juste, M. Blondin l'a indiqué, les aliments les plus touchés étaient le blé et d'autres produits importés, mais tout de même: 100% des vins ! L'étude ne le précise pas, mais des vins suisses ont probablement aussi été analysés. 100% des vins et des jus de fruits contenaient des traces de glyphosate en quantité moindre.

Troisième chiffre: 70%, c'est selon l'EPFZ le pourcentage de rivières et de cours d'eau qui présentent des traces préoccupantes de pesticides. 20% des eaux de boisson contiennent aussi des taux de pesticides supérieurs au 0,1 mg toléré par litre.

Qu'a fait le Conseil fédéral jusqu'à présent ? Il minimise les risques ! Le glyphosate est cancérigène, mais le Conseil fédéral considère qu'il ne l'est pas à cette dose. Il néglige complètement l'effet cocktail: les normes considèrent les substances indépendamment les unes des autres, alors qu'on sait qu'en consommant ces produits, on a une multitude de résidus qui pose problème, et cela n'est pas étudié. On revient effectivement à un problème lié aux produits importés. Or, on a trouvé jusqu'à quinze résidus de pesticides dans un produit. On ne peut donc pas minimiser ces effets-là.

Que fait encore le Conseil fédéral ? Il révise les normes, cela a aussi été dit précédemment. Par rapport aux taux de pesticides et de résidus trop importants dans l'eau, que fait le Conseil fédéral ? Il rehausse les limites pour ne plus avoir de problème ! C'est pourquoi il est important de donner un signal fort à nos autorités: l'utilisation de glyphosate en Suisse doit continuer à diminuer et la recherche d'alternatives doit être encouragée.

Pour terminer et dire pourquoi il est important de se prononcer sur ce texte, j'aimerais rappeler deux dates. Le 23 septembre dernier, nous avons voté sur deux textes: l'initiative pour la souveraineté alimentaire et celle pour des aliments équitables. C'est à Genève qu'ont été obtenus les meilleurs résultats et cela montre les préoccupations des Genevoises et des Genevois sur ces questions-là. Si nous avons obtenu ces bons résultats, c'est aussi parce que, dans notre canton, nous étions alliés au milieu de la production agricole, aux familles paysannes. C'est dans ce sens que vont les deux amendements d'aujourd'hui; ce que nous voulons, c'est organiser ensemble une sortie programmée, anticiper la sortie programmée du glyphosate et renforcer la recherche. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'un amendement qui remplace l'invite actuelle par deux invites:

«demande à l'Assemblée fédérale

- d'organiser la sortie programmée du glyphosate;

- de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate.

invite le Conseil d'Etat

à soutenir cette initiative cantonale.»

Je vous fais voter sur la première invite: «d'organiser la sortie programmée du glyphosate».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 38 non et 3 abstentions.

Le président. Nous votons à présent sur la deuxième invite: «de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 40 non et 4 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 837 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 45 oui contre 43 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 837

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant traiter à huis clos le RD 1251. En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de bien vouloir se retirer, à la presse et au public de quitter la salle et le bâtiment de l'UIT, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission sur les canaux télévisuels ainsi que sur notre site internet.

La séance publique est levée à 22h15.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.