République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2093
Proposition de motion de Mme et MM. Bertrand Buchs, Patrick Saudan, Vincent Maitre, Bernhard Riedweg, Anne Marie von Arx-Vernon, Mauro Poggia, Fabiano Forte, Michel Forni pour un concordat latin sur la formation médicale et la répartition de la médecine de pointe

Débat

Le président. Nous arrivons à la M 2093. Il s'agit d'un deuxième délai de traitement dépassé: il n'y a plus de renvoi en commission possible, la motion doit être acceptée ou refusée. Je passe la parole au premier signataire, M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. C'est vrai, vous n'avez pas le choix... (Rire.) ...cette proposition de motion a été déposée en 2012, et nous sommes en 2016. Elle a pris un certain temps pour revenir devant le plénum, où elle est déjà passée deux fois. Mais c'est bien qu'elle revienne aujourd'hui, car pas mal de choses ont changé ces derniers temps. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Vous avez vu qu'au niveau de la Confédération, on assiste à tout un débat sur l'arrêt proposé du moratoire sur l'installation des cabinets médicaux, et que brusquement, la commission de la santé du Conseil national propose d'étudier une façon de rémunérer différemment les cabinets médicaux, en fonction de leurs spécialisations et des endroits où ils se trouvent. Le but de cette motion était de commencer une réflexion au niveau non pas genevois ou cantonal, mais de la Suisse romande et du Tessin, pour savoir qui on forme, comment on forme, et où ces gens vont pouvoir travailler, car c'est très important de savoir que si on développe dans certains cantons un hôpital purement universitaire, les gens qui vont se former dans cet hôpital vont finir très probablement comme spécialistes et très rarement comme médecins généralistes et de médecine interne. On va donc avoir probablement dans certains cantons-villes, comme Genève, un peu moins dans le canton de Vaud, une augmentation très nette des cabinets de spécialistes; il y a là une pléthore de cabinets de spécialistes, par contre, dans certaines régions qui n'ont pas d'hôpital universitaire, comme le Jura ou Neuchâtel, des déserts médicaux sont en train de se créer, avec un manque patent de certaines spécialités. On aurait bien voulu que cette motion soit discutée et qu'un rapport soit déposé, mais ça n'a pas été le cas; j'ai cru comprendre... Depuis le temps que je l'avais présentée, je ne me rappelle pas de tout, mais je me rappelle que nous attendions le rapport sur la planification sanitaire pour pouvoir en rediscuter, mais malheureusement, le temps des deux fois deux ans a passé et vous devez voter sur ce texte. Je vous propose donc quand même, car c'est quelque chose d'important, de viser à gérer mieux la formation des spécialistes, celle des généralistes et la répartition des services de pointe dans les différents cantons de Suisse romande, en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). L'union fait la force, dit-on: en matière de santé, cela devient indispensable, dans le cadre de nos efforts d'optimisation pour atteindre une masse critique, de regrouper sur deux hôpitaux universitaires en Suisse romande les ressources financières tant pour des investissements importants dans des équipements sophistiqués qu'au niveau de la formation des médecins post-gradués. Cela ne peut être envisagé que si le bassin de population est suffisamment large, voire très large, pour regrouper un potentiel de patients important nécessitant des soins particuliers traités par des spécialistes en médecine avec de très hautes compétences. Les six cantons romands et le Tessin accumulent un bassin de 2,5 millions de patients potentiels, ce qui représente bon an mal an le 30% de la population suisse. Ainsi, certaines personnalités actives dans la médecine de pointe devraient restreindre leur ego en acceptant de se déplacer dans des centres hospitaliers plus éloignés, afin de collaborer étroitement avec une équipe médicale hautement spécialisée dans un domaine spécifique. (Brouhaha.) Il est logique que des cantons qui ne disposent pas d'un hôpital universitaire, vu la taille de leur population, participent aux demandes en infrastructure et en formation des établissements hospitaliers universitaires, car ces cantons doivent obligatoirement confier leurs patients à ces hôpitaux de pointe offrant des compétences particulières pour des soins particuliers. Ainsi, nous augmentons les chances de guérison et de survie de leurs habitants qui ne peuvent pas être traités avec succès dans des hôpitaux régionaux.

Toutefois, le groupe UDC est plus sceptique quant à la participation du canton du Tessin à un concordat, vu son éloignement géographique. Un concordat intercantonal romand nous semble répondre à des préoccupations de rationalisation consistant en un abaissement des coûts tant dans la formation de médecins spécialisés que dans le financement d'infrastructures coûteuses pouvant être utilisées plus intensivement. Soyons favorables à ce concordat intercantonal que notre Conseil d'Etat saura négocier à la mutuelle satisfaction des cantons non dotés de centres universitaires que sont Neuchâtel, Fribourg, le Valais, le Jura et le Tessin. Merci, Monsieur le président.

Des voix. Bravo !

M. Jean-Charles Rielle (S). Monsieur le président, félicitations pour votre élection, puisque c'est la première fois que je prends la parole sous votre présidence ! Le groupe socialiste, comme M. Buchs, préconise le renvoi cette motion au Conseil d'Etat: beaucoup de choses sont actuellement en discussion, il faudra voir aussi les finalités avec la Romandie, le Tessin, voire d'autres régions de Suisse. Il n'y a plus que le Conseil d'Etat qui peut suivre cette affaire, puisque nous ne pouvons pas renvoyer le texte en commission. Nous reviendrons si besoin.

M. Pierre Conne (PLR). Très brièvement, je rappellerai que cette proposition de motion a fait l'objet de travaux à la commission de la santé, et que lors de la dernière séance où nous avons abordé la question, nous avons convenu que le projet de concordat était particulièrement difficile à réaliser et peut-être inadapté; le département nous a informés qu'un rapport sur cette question allait être fourni par le groupement régional des services de santé publique. Nous avions décidé à la commission de la santé de geler ce texte en attendant de recevoir le rapport du GRSP, et pour des questions d'agenda, le délai de traitement étant dépassé, cette motion est revenue aujourd'hui dans notre ordre du jour. Le PLR propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, puisqu'il ne nous est plus possible de la renvoyer là d'où elle vient, c'est-à-dire en commission, et de prier le département de bien vouloir intégrer le rapport du GRSP dans la réponse à cette motion tel que nous l'aurions attendu à la commission de la santé. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion pose une bonne question, c'est-à-dire la relation entre les cantons pour gérer les problèmes médicaux, qui deviennent de plus en plus complexes, demandent des moyens de plus en plus importants, et doivent être de plus en plus partagés entre les divers cantons, en particulier entre les cantons universitaires, mais également avec les autres cantons. C'est donc un élément important, une direction que notre canton a déjà empruntée depuis un certain nombre d'années. Quant au problème du concordat: oui, laissons la porte ouverte à cette possibilité; il est certain qu'il ne faut pas trop se faire d'illusions, parce que la chance d'une réussite risque d'être faible, il faudra d'abord trouver d'autres cantons qui soient d'accord d'entrer dans ce concordat; il y a déjà d'autres structures plus générales qui permettent de régler une partie des problèmes, ou qui sont une structure peut-être suffisante: le danger existe qu'il y ait trop de structures, mais la sagesse pousse le groupe MCG à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il évalue la question et mène d'éventuelles négociations, en cas de possibilité et d'un intérêt d'autres cantons de participer, parce que Genève ne peut pas elle-même décider de ce concordat, cela doit être fait entre plusieurs cantons. Nous soutiendrons donc le renvoi au Conseil d'Etat pour étude.

Mme Sarah Klopmann (Ve). J'aimerais d'abord rappeler que cette proposition de motion parle vraiment de mieux répartir la formation en médecine spécialisée et de s'assurer aussi qu'on ait ensuite une bonne répartition des médecins spécialistes et des médecins généralistes. Finalement, ça n'a rien à voir avec le matériel de médecine de pointe, comme l'a dit M. Riedweg, et comme je l'avais d'ailleurs initialement aussi compris - mais en commission, on m'a expliqué que ce n'était pas du tout le but de cette motion. Se mettre d'accord avec les différents cantons, donc, pour mieux répartir la formation est quelque chose de très intéressant, mais il sera important aussi, à terme, de vraiment trouver une façon de remotiver les gens à devenir médecins généralistes, car c'est ce qui manque dans plusieurs régions de Suisse et de Suisse romande notamment. Le problème est qu'il y a déjà eu une tentative de remotiver les gens à plutôt choisir la filière de médecine générale, avec TARMED. Malheureusement, cela a été un échec assez patent: finalement, tout le monde a profité de TARMED dans son propre intérêt, et cela n'a pas remis à niveau les médecins généralistes; il va donc falloir trouver d'autres solutions. La problématique des déserts médicaux que nous rencontrons ne sera donc pas entièrement réglée par la volonté qu'exprime cette motion, c'est clair; ce sont aussi des débats qui ont lieu à Berne et pour lesquels il sera très difficile de trouver des solutions, car on ne peut pas non plus forcer les gens - en tout cas je trouve qu'on ne devrait pas forcer les gens à s'implanter dans une région dans laquelle ils n'ont pas envie d'aller vivre. Mais nous, les Verts, trouvons intéressant de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que la réponse nous revienne ensuite avec le rapport que nous attendions, comme l'a dit M. Conne.

M. Bertrand Buchs (PDC). La proposition du concordat n'était qu'une proposition. Nous voulions qu'elle soit discutée en commission. Ce n'est probablement pas la panacée, mais nous étions partis du principe que cela marchait très bien pour les autres écoles spécialisées et que cela pouvait donc très bien marcher pour la formation médicale dans les facultés de médecine et les hôpitaux universitaires. Il peut y avoir d'autres solutions: nous en laissons l'initiative à la sagesse du Conseil d'Etat. Quand le rapport reviendra, nous pourrons le renvoyer à la commission de la santé et en rediscuter. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la formation médicale, mais surtout la répartition des spécialités - surtout celle entre spécialistes et généralistes - et enfin la répartition géographique des médecins formés sont au centre des préoccupations nationales. En ce qui concerne la formation des médecins: nous en formons suffisamment à Genève, et même en Romandie. Le problème n'est pas là, le problème est évidemment de convaincre nos futurs médecins que la médecine générale est une discipline de valeur. Nous en sommes tous convaincus ici et Genève travaille dans ce sens bien sûr - vous savez que la faculté de médecine a créé une chaire spéciale de médecine générale et de médecine interne qui a évidemment toute sa valeur. Nous allons donc dans ce sens, mais le problème est ensuite de répartir géographiquement les médecins formés, ceux-ci ayant une tendance à s'installer - j'allais presque dire à s'agglutiner - autour des lieux qui ont assuré leur formation. Il est important qu'il y ait dans le cadre de ces formations un cursus géographique, au moins au sein de l'ensemble de la Suisse romande, car nous constatons qu'il y a peu de passage entre la Romandie et la Suisse alémanique et vice versa. Nous y travaillons, cela n'est pas simple, puisqu'il faut évidemment prévoir des collaborations intercantonales qui sont bien sûr appelées de leurs voeux par l'ensemble des cantons dépourvus d'hôpitaux universitaires. On vous l'a dit, le GRSP étudie la question au sein de la conférence latine des directeurs du domaine des assurances sociales et de la santé; il doit rendre un rapport à la fin de l'année. Nous avions décidé le 5 février dernier en commission de geler cette proposition de motion le temps de recevoir ce rapport, malheureusement le temps nous a rattrapés et cette motion revient en plénière. Je vous demanderai de me la renvoyer, d'autant plus que j'en suis l'un des signataires; j'en ferai bon usage. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 2093 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 82 oui (unanimité des votants).

Motion 2093