République et canton de Genève

Grand Conseil

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Séance extraordinaire

La séance est ouverte à 15h, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assiste à la séance: M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Olivier Baud, Isabelle Brunier, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Christian Dandrès, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Frédéric Hohl, Christina Meissner, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Simone de Montmollin, Philippe Morel et Pierre Ronget, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Christian Decorvet, Patrick Hulliger, Jean-Charles Lathion, Claire Martenot, Nathalie Schneuwly, Charles Selleger, Alexandre de Senarclens et Marion Sobanek.

M 2309
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean Sanchez, Jean-François Girardet, Ronald Zacharias, Pascal Spuhler, André Python, Christian Flury, Sandra Golay, Florian Gander, Eric Stauffer, Patrick Lussi, Michel Baud, Danièle Magnin, Daniel Sormanni, Marc Falquet, Bernhard Riedweg, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros, Christina Meissner, Francisco Valentin, Norbert Maendly, Thomas Bläsi, Eric Leyvraz, Henry Rappaz, André Pfeffer, Stéphane Florey, Jean-Marie Voumard, François Baertschi, Claude Jeanneret pour la création d'une commission d'enquête chargée de faire rapport au Grand Conseil sur les émeutes survenues le samedi 19 décembre 2015, à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 28, 29 janvier et 4 février 2016.

Débat

Le président. Nous passons à l'ordre du jour de notre séance extraordinaire, et nous abordons la M 2309. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur, M. Jean Sanchez.

M. Jean Sanchez (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, un bref rappel des faits. Le samedi 19 décembre à 22h s'est tenu un rassemblement d'environ 500 personnes auxquelles s'est jointe une cinquantaine de personnes cagoulées, disposant de matériel et donnant des directives, directives du style «Masquer les caméras», «Prévoir de brûler les habits à la fin du cortège», ou encore des instructions sur les droits en cas de contrôle par la police. Donc organisation il y avait...

Tout le monde se souvient des ravages de cette manifestation - de ce cortège - qui a traversé la ville - heureusement elle a été bloquée au niveau des Rues-Basses par un fourgon de police - puis qui a emprunté la rue de la Corraterie et qui a causé d'immenses déprédations au Musée Rath et au Grand Théâtre à la place de Neuve. On voit encore aujourd'hui les traces de ces déprédations. Ce cortège s'est ensuite déplacé via Plainpalais au boulevard Carl-Vogt. Un magasin qui vendait notamment des armes blanches a été pillé. Finalement le cortège s'est heurté à un cordon de sécurité de la gendarmerie pour le maintien de l'ordre au niveau de l'hôtel de police. Là des cocktails Molotov ont été jetés contre les policiers... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Heureusement, il n'y a pas de blessés graves à déplorer, ni d'un côté ni de l'autre. Finalement ce cortège se rend à l'Usine, pille un autre magasin, ce qui a fait ricaner certains. Mais je pense que ses employés mis au chômage rigolent moins... Cela finit par un concert sauvage qui a réveillé tout le quartier. A ce stade, toujours pas d'interpellation, pas de contrôle.

Lundi 21 décembre, la presse publie moult photos et quelques témoignages. Par contre silence radio des autorités politiques. Je pense que le public, les commerçants lésés - d'ailleurs certains n'ont jamais été contactés - et les policiers s'attendaient peut-être à une prise de position politique. On a eu une réponse très succincte de la police. Entre-temps, la commission de gestion s'est penchée sur le rapport de la police. Mais je propose plutôt d'examiner ce dossier, cette réponse assez spécifique... Je me pose d'autres questions. J'aimerais que l'on traite d'une problématique plus générale, à savoir la situation de la police aujourd'hui.

En matière de management, ce que l'on trouve dans tous les manuels, c'est qu'il ne faut pas organiser en silos une institution, car on freine la collaboration. Depuis des années, la police souffre de critiques concernant ses heures supplémentaires. On sait que la police est sous-dotée en personnel, puisque l'on évoque un manque de 200 policiers. Certains évoquent même beaucoup plus. On démantèle les acquis sociaux, ce qui est nettement démotivant.

Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.

M. Jean Sanchez. Je serai bref. On privatise des tâches avec une certaine prise de risque.

Donc l'objet de cette motion, que ce soit au moyen d'une CEP ou d'une commission de gestion, c'est qu'il faut examiner l'état des troupes de police qui, à mon avis, sont maltraitées et fragilisées. Il s'agit de notre sécurité et il s'agit d'examiner la problématique dans son ensemble. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). Je ne veux pas interférer avec l'information que la présidente de la commission de contrôle de gestion va donner tout à l'heure... (Exclamations.)

Des voix. Plus fort !

M. Alberto Velasco. Plus fort là-haut ! Mais je tiens à dire que je salue quand même les motions qui ont été déposées, puisque cela a effectivement permis que ce parlement en parle et que notre commission de gestion s'empare du sujet et aille de l'avant. Néanmoins je tiens à dire ici que nous, la gauche, n'avons jamais et n'avons jamais eu intérêt à ce que de tels événements se produisent, surtout après avoir eu une mobilisation, telle que vous la connaissez, de 12 000 ou 15 000 fonctionnaires dans la rue. Il y a bien des années que cela n'était pas arrivé. C'est vrai que chaque fois qu'il y a une forte mobilisation dans ce canton - que ce soient les altermondialistes ou les fonctionnaires - eh bien un événement comme celui dont on parle surgit. Je m'interroge... La gauche n'y avait pas intérêt, alors qui avait intérêt à ce qu'il y ait des débordements ? Qui avait intérêt ? Je me pose la question. Il y a eu de tels débordements en ville de Genève, il y a eu un cocktail Molotov jeté sur le bâtiment du Grand Conseil. A l'époque de grandes manifestations, il y a eu un garage brûlé. On ne sait toujours pas qui a fait cela... A l'heure où je vous parle aujourd'hui, il n'y a toujours pas eu une seule interpellation.

Qui a convoqué la manifestation dont on parle ? Comment se fait-il qu'une manifestation débarque ainsi vers 22h-23h ? Nous la gauche, nous convoquons toujours nos manifestations à 14h l'après-midi. Pas trop tôt le matin et pas trop tard. Cette manifestation qui commence à 22h, c'est vraiment bizarre.

Tous ces éléments m'incitent à dire que j'espère que notre commission va faire son travail comme il faut, parce que, effectivement, il faut faire la lumière sur ce qui s'est passé.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Alberto Velasco. Je termine en disant que la commission de contrôle de gestion a pris la responsabilité d'aller de l'avant. Si jamais cette commission ne faisait pas son travail, je serais le premier à demander une commission d'enquête parlementaire. Mais elle va faire son travail, et je ne sais pas aujourd'hui si vos motions n'ont donc pas déjà rempli les missions qu'elles avaient. Les socialistes se rallieront à la position que la présidente de la commission de contrôle de gestion va vous communiquer.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Effectivement, je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité de présidente de la commission de contrôle de gestion pour vous dire ce que chacun d'entre nous sait déjà, et la presse également, puisque nous ne pouvons malheureusement empêcher cette commission de fuiter par moments. La commission de contrôle de gestion n'a pas attendu le dépôt de ces deux motions pour discuter de cette problématique-là et des événements du 19 décembre. La commission de contrôle de gestion a déjà procédé à un certain nombre d'auditions. Elle va continuer son travail. Elle a même décidé de nommer une sous-commission chargée, en petits groupes, de mener l'enquête, raison pour laquelle il nous paraît aujourd'hui complètement inopportun, à la majorité de la commission de contrôle de gestion, de créer une commission d'enquête parlementaire. Voilà, je crois avoir résumé la position de la commission de contrôle de gestion et je pense qu'il est donc inutile d'accepter ces deux textes. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Eric Bertinat. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR). Les auteurs des motions que nous sommes amenés à étudier aujourd'hui ont évidemment raison. Il s'est passé quelque chose d'inadmissible et d'intolérable à Genève dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015. Comme l'ont dit tous les préopinants, il convient de faire la lumière sur ce qui s'est passé. Non seulement sur ce qui s'est passé - quels sont les potentiels responsables, d'où viennent ces casseurs, qui a pu éventuellement les protéger, est-ce que la police a effectivement suivi la doctrine d'engagement, est-ce que la chaîne de commandement a été respectée, est-ce que la communication s'est faite correctement et raisonnablement ? - mais surtout faire la lumière de telle manière que ce genre d'événements ne puissent plus se reproduire à l'avenir. Je crois que c'est cela le principal.

Comme le disait d'ailleurs la présidente de la commission de contrôle de gestion, les motions qui nous sont proposées ici et leur solution - la création d'une commission d'enquête parlementaire - nous paraissent inutiles et totalement chronophages. Inutiles parce que, et il faut en féliciter et en remercier Mme Forster Carbonnier en tant que présidente de la commission de contrôle de gestion, cette commission a d'ores et déjà justement pris les devants et a montré que nos institutions n'ont pas failli, bien au contraire, et que notre parlement a fait son travail de manière efficace, puisque, et pour aller un peu plus loin dans le résumé des faits, dès le 21 décembre, soit un jour et demi après les événements, la commission de contrôle de gestion a auditionné M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. Il est vrai qu'il était auditionné pour un autre sujet, mais la commission a d'emblée changé son ordre du jour pour écouter le conseiller d'Etat sur ce qui s'est passé. M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet a été transparent et très clair. Il nous a dit qu'il prendrait des mesures tout de suite et produirait un rapport pour comprendre ce qui s'est passé. Il nous a aussi promis de revenir dès la séance suivante pour nous expliquer ce qui s'est passé. Lors de la séance suivante, la première séance de janvier, celle du 11 janvier, M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet est revenu et nous a explicité, en avant-première, ce qui est écrit dans ce rapport. Lors de la séance suivante, celle du 18 janvier, la commission de contrôle de gestion a entendu la cheffe de la police, Mme Monica Bonfanti, qui s'est ouverte à nous de façon transparente et intégrale sur tout ce qui a pu se passer et a répondu à toutes nos questions. Et à l'occasion de la séance suivante, la dernière que nous avons eue, ce lundi même, la commission de contrôle de gestion a d'ores et déjà mis en place une sous-commission déjà nommée - c'est concret, c'est clair, c'est là - pour étudier ce problème. Si, aujourd'hui, on devait créer une commission d'enquête parlementaire, nous perdrions du temps puisqu'il faudrait refaire tout le travail...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Yvan Zweifel. ...et cela serait totalement inutile, puisque ce travail est déjà fait et déjà en cours. C'est pourquoi le groupe PLR vous propose de refuser cette motion, comme d'ailleurs la suivante, et de faire confiance à notre parlement qui a démontré qu'il travaillait sur ce dossier un jour et demi après les événements, en faisant confiance à notre commission de contrôle de gestion et à sa sous-commission. Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Tout le monde sait que, lors de ces émeutes du 19 décembre, un de mes commerces a été touché. Mais je ne m'exprimerai pas ici en tant que commerçant mais en tant que député. Je ferai abstraction de ce qui m'est arrivé, de la manière dont s'est déroulée cette soirée pour moi.

Néanmoins j'aimerais attirer votre attention, chers collègues, sur le fait que dans notre démocratie nous pouvons ne pas être d'accord avec l'Etat. Nous pouvons - quand je dis «nous», c'est tous les citoyens - manifester notre mécontentement même dans la rue. Nous pouvons faire passer ce message aux autorités. Mais ce que nous n'avons pas le droit de faire, chers collègues, c'est de dégrader la ville, le canton, comme cela a été le cas ce 19 décembre. Cela est inacceptable ! Des commerçants ont dû licencier du personnel, dans une situation économique difficile à Genève due à la cherté du franc suisse, qui tire le diable par la queue pour joindre les deux bouts chaque fin de mois, et, en plus de tout cela, on vient faire une atteinte à leur propriété. (Rire.) Oui, vous pouvez rigoler, Monsieur le député socialiste, mais ce n'est absolument pas drôle et, croyez-moi, les gens qui vous regardent sont quelque peu scandalisés. (Exclamations.)

Le président. Laissez l'orateur s'exprimer !

M. Eric Stauffer. Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, il est important que le pouvoir politique donne une réponse politique à la population, que notre parlement puisse, d'une manière neutre et impartiale, donner les explications de ce chaos du 19 décembre 2015.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. Certes, Mme Forster Carbonnier a dit que la commission de contrôle de gestion n'a pas attendu pour traiter ce sujet. Elle a oublié de vous préciser que c'était sous mon impulsion et sur mon insistance. (Exclamations. Applaudissements.) Et la commission de contrôle de gestion, Mesdames et Messieurs les députés, n'a pas moins de vingt-deux objets à traiter en même temps.

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Eric Stauffer. Est-ce que nous allons faire passer la réponse à nos concitoyens après d'autres questions qui concernent l'Etat ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. Alors, je vous le dis, votez cette création de commission d'enquête parlementaire, soyons responsables et donnons une réponse à nos concitoyens, car ils l'attendent.

M. Bertrand Buchs (PDC). Créer une commission d'enquête parlementaire ne servira strictement à rien, parce que ce que la population veut savoir rapidement, c'est ce qui s'est passé dans la nuit du 19 décembre. Elle veut des réponses rapides, et une commission d'enquête parlementaire sera obligatoirement un long processus. On le voit avec celle qui existe actuellement pour l'affaire d'Adeline.

La commission de contrôle de gestion est idéale pour ce genre d'enquêtes, parce qu'elle peut se saisir immédiatement de tout problème et qu'elle peut aller enquêter dans tous les services sans demander la permission à personne. C'est ce qu'elle a fait immédiatement et ce n'est pas vous, Monsieur Stauffer, qui avez demandé quoi que ce soit à la commission de contrôle de gestion. C'est la présidente de cette commission qui a trouvé opportun d'avoir M. Maudet le 21 décembre pour lui poser la question. Et, de toute façon, c'était obligatoire de lui poser cette question.

On a eu des réponses, on a continué à enquêter, vous saurez que l'on va encore auditionner la personne qui était responsable sur le terrain lors des événements du 19 décembre et, en plus, une sous-commission a été créée et elle fera son travail.

Donc vous aurez rapidement des réponses aux questions que vous vous êtes posées. Il est clair, dans cette affaire, que le premier pouvoir, le pouvoir législatif, doit pouvoir enquêter. Il en a l'obligation, parce que toute manifestation de ce genre est un traumatisme pour la population. Et la population, le dimanche matin, était traumatisée. On lui doit des réponses. Mais ces réponses ne peuvent pas venir uniquement du parti de la police qu'est le MCG. Il faut un peu d'objectivité dans cette affaire-là, et je trouve étonnant que ce soit le parti de la police qui ait été renseigné bien mieux que nous et qui pose des questions dont il connaît déjà les réponses.

Une voix. Bravo !

Mme Salika Wenger (EAG). Le premier point sur lequel Ensemble à Gauche souhaite s'exprimer est un point sémantique. Nous voulons définir le mot «émeute». Souvent «émeute», on peut le dire, équivaut à un soulèvement populaire qui explose en violence à l'occasion d'une situation tendue. (Rires.) Je vais vous donner des exemples d'émeutes: celle de Watts en 1992. A cette occasion, il y a eu cinquante-quatre morts, deux mille blessés dont des policiers et des pompiers, cela a coûté 900 millions de dollars de dommages, il y a eu trois mille départs de feu, ça c'était une émeute !

Ce qui s'est passé le 19 décembre, c'est au mieux une manifestation qui a malencontreusement dégénéré. Alors restons calmes ! Restons calmes ! (Exclamations. Commentaires. Huées. Applaudissements.)

Le président. Monsieur Spuhler, Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !

Mme Salika Wenger. A entendre les rires du MCG, j'ai l'impression qu'ils ne prennent pas ce sujet aussi au sérieux qu'ils le prétendent !

Une voix. Que fait la police ?

Mme Salika Wenger. Bien ! Si vous permettez, je vais continuer. Je vous remercie ! Dans les nombreuses thèses de l'organisation des libertés publiques, on distingue des modes d'organisation, notamment le régime d'autorisation considéré comme le plus attentatoire à l'exercice de la liberté, puisque celui-ci est subordonné à la délivrance d'une autorisation de l'administration. Cette dernière - l'administration, donc, que vous critiquez en permanence, me semble-t-il - a un pouvoir discrétionnaire. C'est elle qui décide si oui ou non il y a une manifestation. Nous nous retrouvons donc dans une espèce de régime juridique mis en place à Genève et qui relève d'une volonté de dissuader les manifestations. Quand il y a des tensions, il y a effectivement quelques problèmes parfois. S'en prendre à la police et au rôle répressif qu'elle aurait dû jouer c'est déplacer le problème, car si, comme l'a dit M. Maudet, la première mission d'un Etat démocratique est de protéger les personnes et les biens qui se trouvent sur son territoire - sur «le» territoire, ce n'est pas «son» territoire, mais c'est comme cela qu'il l'exprime - ce n'est certainement pas en limitant les libertés...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Salika Wenger. ...citoyennes que l'on parvient à remplir cette tâche. J'ai bientôt fini, Monsieur le président.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Salika Wenger. Ah d'accord ! Revenons donc au 19 décembre ! Il n'appartient pas à cette assemblée de faire le procès des uns ou des autres, mais de se donner les moyens de comprendre le déroulement de ces fâcheux événements. Dans cette perspective, la commission de contrôle de gestion s'est autosaisie le 21 décembre de cet objet...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Salika Wenger. ...et a effectué un certain nombre d'auditions importantes...

Le président. Je vous remercie, Madame la députée... Merci !

Mme Salika Wenger. ...et nous devons confier à cette commission le rôle de continuer son travail. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Etant donné que je vous abreuverai après avec les propos concernant ma motion, je tenais juste à relever un mot. Je constate que certains pensent que la commission de contrôle de gestion, certainement à raison, est l'organe habilité à faire ce travail. Et le but n'est pas de remettre en cause ni vos compétences ni ce que vous faites. Mais vous me permettrez de soulever un immense bémol: vous savez tous que les travaux de la commission de contrôle de gestion sont confidentiels. Nous demandons, nous, d'avoir un rapport, d'où la différence...

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat porte un regard sévère sur la manifestation sauvage de la nuit du 19 au 20 décembre. Il considère - il l'a dit par ma voix, mais je le répète ici - que ce qui s'est passé est inadmissible. Inadmissible à plus d'un titre. D'abord parce que certains et certaines ont profité de ce déroulement particulier de manifestation pour porter atteinte aux biens voire aux personnes et, en particulier, sur fond de débat culturel, pour porter atteinte au patrimoine de Genève. Certains et certaines ont également profité de cette manifestation pour attenter à l'autorité et, ce faisant, et c'est peut-être en cela que nous relevons, nous le Conseil d'Etat, un élément de particulière gravité, pour rompre le lien de confiance entre une police, qui a donné l'impression de subir plutôt que d'agir, et le corps populaire qui devrait se sentir précisément protégé.

Le Conseil d'Etat le dit ici, on ne peut pas banaliser ce type d'activités, ce type d'occurrences, et on doit s'interroger aussi sur les causes qui y ont mené. On doit s'interroger peut-être autant voire davantage sur celles et ceux qui ont cassé que sur l'action ou l'inaction de la police. Il y a là quelques inversions qui mériteraient une réflexion.

Vous aurez donc, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat avec vous, s'agissant de demander à la police des comptes, et des comptes précis. Elle les a déjà passablement donnés à la faveur d'un rapport qui vous a été remis en primeur, et je comprends peu ici que l'on fasse le reproche à l'exécutif de n'avoir pas parlé là où précisément vous souhaitiez que la commission de contrôle de gestion soit la première informée. C'est valable pour le 21 décembre. C'est valable également pour le 11 janvier. Nous avons chaque fois réservé aux députés, au parlement et à une extraction de celui-ci, à savoir la commission de contrôle de gestion, la primeur des informations. Il me semble que c'est le plus élémentaire respect que l'on vous doit. Je suis un peu surpris ici qu'on nous fasse le reproche inverse aujourd'hui.

J'ai entendu tout à l'heure, mais était-ce une autocritique, le reproche d'une mauvaise organisation de la police. Je ne peux qu'y souscrire. Et précisément, télescopage de l'actualité, nous apprenons aujourd'hui que le Tribunal fédéral a balayé les deux derniers recours qui s'opposaient à la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la police votée par une large majorité de ce parlement et par une majorité plus restreinte, mais une majorité quand même, du peuple. Je me réjouis que nous puissions utiliser les événements du 19 décembre et la lecture qu'il faut en faire pour précisément mettre fin à ce cloisonnement inutile de la police, à ses dysfonctionnements avérés, répétés. Précisément, nous avons là quelques enseignements qu'il faut tirer, et je m'en réjouis. Mais cela risque peut-être d'être une forme de boomerang pour celles et ceux qui lancent, à travers cette motion, une dimension politique sur la question de l'appréciation de la manifestation sauvage du 19 décembre, ceux qui lancent l'anathème sur la police. Un boomerang qui risque de faire mal, parce qu'effectivement nous avons constaté une série de dysfonctionnements. La plupart sont établis, mais je ne suis pas certain que nous soyons allés au fond, et nous nous réjouissons de le faire vis-à-vis de la commission de contrôle de gestion, d'éclairer les faits d'une lumière sans doute un peu crue pour certains, de montrer qu'effectivement, dans la chaîne de commandement, dans la circulation de l'information, dans l'appréhension du renseignement, dans la gestion a posteriori, nous aurions - et quand je dis «nous», je ne veux pas m'extraire de mes responsabilités, parce que je porte la responsabilité politique de la police - pu faire mieux. Et tant mieux, cela tombe bien, la nouvelle loi sur la police qui n'est pas encore entrée en vigueur, qui n'a donc pas pu déployer par anticipation ses effets, précisément pourrait nous permettre de corriger ces défauts.

Mais je vous avertis, et je vous rejoins en cela, Mesdames et Messieurs qui avez déposé ces motions, cela ne se fera pas sans conséquences. C'est bien de parler des effectifs, mais quand, dans le même temps, on demande des effectifs supplémentaires, mais qu'on vote le personal stop, qu'on refuse le projet de budget 2016 qui prévoyait des effectifs supplémentaires, il faut quand même se poser la question de la cohérence. Et je me réjouis de l'heure des comptes. Je me réjouis qu'on sache qui prend réellement fait et cause pour la police. Cela sera un moment assurément intéressant.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici revenir à un propos républicain et institutionnel pour vous dire que ces manifestations, ce type de manifestations, ne doivent pas pouvoir se produire, que nous devons, aux commerçants en premier lieu mais aussi à la population, la garantie de leur protection et de leur sécurité, que cela passe par une remise en question profonde, que l'exécutif s'associe au législatif pour porter ce regard sur la police, qu'on se réjouit de le faire et de continuer de le faire avec la diligence qui caractérise - peut-être un peu moins la confidentialité, quoique ! - la commission de contrôle de gestion et que nous sommes certains qu'il n'y a pas besoin de vos motions pour cela. Nous avons déjà commencé à le faire sous la férule de la dynamique présidente de cette commission, avec le concours de toutes les forces politiques, parce que l'enjeu c'est la confiance dans la police. La police ne souffre pas d'être politisée, la police c'est la police de tout le monde. Elle doit rendre des comptes mais elle doit aussi être reconnue. L'enjeu, c'est la confiance dans ce corps essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous passons donc au vote nominal sur la prise en considération de cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2309 est rejetée par 59 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue et ancien président du Grand Conseil, M. Pierre Losio.

M 2310
Proposition de motion de Mmes et MM. Patrick Lussi, Marc Falquet, Norbert Maendly, Eric Stauffer, Jean Sanchez, Florian Gander, Ronald Zacharias, Michel Baud, Danièle Magnin, Sandra Golay, Daniel Sormanni, Bernhard Riedweg, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros, Christina Meissner, Christian Flury, Francisco Valentin, André Python, Thomas Bläsi, Pascal Spuhler, Eric Leyvraz, Henry Rappaz, Christo Ivanov, André Pfeffer, Jean-François Girardet, Stéphane Florey, Jean-Marie Voumard, François Baertschi, Claude Jeanneret concernant la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée d'étudier les dysfonctionnements qui ont permis le déroulement d'une manifestation sauvage dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 28, 29 janvier et 4 février 2016.

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à l'auteur de cette proposition de motion, M. Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de ne pas redire ce que vous avez entendu précédemment, puisque nous parlons du même sujet et que nous souhaitons tous que de tels événements, s'ils doivent se reproduire, soient traités différemment. En entendant certains préopinants, je remarque que tout semble magnifique, que quelques semaines après c'est comme si rien ne s'était passé, que tout est sous toit, que tout est en main et que l'on va arranger les choses... Je ne le pense pas et je vais vous dire pourquoi. D'abord, Monsieur le conseiller d'Etat, je vous rassure: le groupe UDC n'a pas l'intention, avec cette motion, de se substituer au Conseil d'Etat et d'édicter de nouvelles règles à mettre en place lorsque nous avons ce type de manifestations amenant des dégâts non négligeables. Notre but est simplement d'essayer de comprendre pourquoi la sphère de commandement a connu une telle faillite, parce que l'on peut parler de faillite, et le groupe UDC, dans les considérants de cette motion, pense qu'il ne s'agit pas seulement de clouer au pilori la police, son état-major ou les collaborateurs sur le terrain, parce que les directives pour ces personnes - et je le sais par mon éducation tant militaire que durant les années où j'étais policier - étaient: «Vous obéissez aux ordres !» Donc la question est de savoir comment les ordres sont donnés. Que va-t-il se passer ? Et pourquoi cela se passe-t-il ?

Mesdames et Messieurs les députés, cela m'amène à vous poser une question - c'est peut-être sur ce point que devra se porter notre réflexion: quelle différence peut-on vraiment faire entre la non-intervention et le laisser-faire ? Je pense que c'est le laisser-faire qui a prédominé ce fameux 21 décembre et ce laisser-faire, Mesdames et Messieurs les députés... Oui, M. le conseiller d'Etat va nous répondre, mais ce n'est pas lui qui est en première ligne, c'est nous. C'est nous face au laxisme, à cette forme de lâcheté que nous avons dans notre société. Pensez que des gens viennent dans notre canton avec les intentions que l'on connaît, presque armés, cagoulés, masqués, qui mettent la ville à feu et à sang, enfin... J'ai cru comprendre, en entendant Mme Wenger tout à l'heure, qu'elle était à deux doigts de leur pardonner et de les excuser. Mon Dieu, pourquoi pas ! Mais cela m'amène à poser la question de savoir si nous sommes également responsables de ces états de fait. Alors qu'en serait-il de la suite ? Comme je l'ai dit tout à l'heure, il me semble quand même - mais si ce n'est pas le cas, le groupe UDC n'en fera pas une maladie - qu'il est possible de trouver... Vous pensez qu'une commission d'enquête parlementaire est chronophage, trop lourde...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Patrick Lussi. ...un autre moyen, parce que, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous avons tous le droit, et pas seulement les commissaires qui ont la chance de siéger à la commission de contrôle de gestion, de connaître le détail de ce qui s'est passé. Et ce détail, comme mon expérience parlementaire me l'a appris, on ne peut l'avoir que dans un rapport. J'attends donc les débats à ce sujet.

M. Daniel Sormanni (MCG). J'aimerais bien parfois que l'on rende à César ce qui est à César, à savoir que, effectivement, la commission de contrôle de gestion s'est préoccupée de cette problématique, bien heureusement, d'autant plus que nous recevions, pour un autre sujet, M. le conseiller d'Etat. Il faut tout de même reconnaître que la proposition de créer une commission d'enquête, entre guillemets, à travers la commission de contrôle de gestion a été faite par M. le député Eric Stauffer. Quoi que vous puissiez en dire... Et cela a été fait le 21 décembre. Et la commission a, pardonnez-moi l'expression, blablaté jusqu'à la fin de cette séance, ce qui fait qu'aucune décision n'a été prise, qu'il n'y avait pas de majorité pour la créer ce jour-là. (Exclamations. Le président agite la cloche.) Par conséquent, c'est un peu facile de dire après cela qu'il ne fallait pas demander une séance extraordinaire pour instaurer une commission d'enquête parlementaire. Peut-être que si vous aviez accepté, dès le 21 décembre, que ce soit la commission de contrôle de gestion qui s'occupe de cette affaire, nous n'en serions pas là ce soir. Mais vous ne l'avez pas fait. Cela n'a été fait que lors des séances de 2016.

Monsieur le président, vous transmettrez à Mme Wenger, c'est le procureur général de Genève qui a déclaré que cette soirée du 19 décembre était une émeute. Alors savoir comment cela doit être qualifié n'a pas vraiment beaucoup d'importance. Ce qui est important, c'est que c'était inadmissible de se comporter de telle sorte et que ces faits doivent être condamnés. On doit trouver les coupables et nous prions la justice et la police de tout faire pour les retrouver. Mais nous avons besoin, pour cela, de savoir exactement ce qui s'est passé, comment cela s'est passé, notamment dans la chaîne de commandement. Je vous en remercie.

Mme Salika Wenger (EAG). Evidemment, chacun raconte à sa manière le déroulement de la séance de la commission de contrôle de gestion du 21 décembre. Alors effectivement toutes les personnes qui ont parlé y participaient, mais c'est un peu comme lors d'un accident: chacun voit la chose de son point de vue. Et ce n'est pas toujours la même chose. Voici ce qui s'est passé. La commission de contrôle de gestion s'est autosaisie le 21 décembre de cet objet. Voter aujourd'hui les deux motions présentées par le MCG et créer une commission d'enquête parlementaire, ce serait faire un doublon. Or une commission d'enquête parlementaire, c'est très lourd administrativement, ça coûte très cher. (Exclamations.) Nous avons tous constaté qu'il est difficile d'avoir de véritables renseignements. Si nous voulons réellement faire ce travail, confions-le à la commission de contrôle de gestion, parce que c'est son travail et qu'elle en a toutes les possibilités. Cela me semble plus judicieux que de créer un doublon. Soyons un peu cohérents. Le travail a déjà commencé au sein de la commission de contrôle de gestion. Elle n'a pas décidé de faire une sous-commission, parce qu'elle attendait la décision de notre plénum, ce qui est tout à son honneur, me semble-t-il. Il n'y a pas de raison de critiquer cette mesure. Et je vous invite tous à faire ce que notre groupe va faire, à savoir à ne pas voter ces deux propositions du MCG qui font doublon avec le travail de la commission de contrôle de gestion qui est déjà initié. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Medeiros pour une minute et cinq secondes.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Moi j'ai déjà entendu beaucoup de choses en politique, mais - vous transmettrez à M. Velasco - nous avons atteint aujourd'hui des sommets. Comment M. Velasco peut-il nous dire, la main sur le coeur, qu'il est troublé lorsqu'il constate qu'une manifestation suit certains événements... Mais, Monsieur Velasco, demandez à votre collègue, l'éminent membre du parti socialiste M. Deneys, qui a appelé à faire cette manifestation, qui a publié sur son mur facebook que les gens devaient aller manifester. Alors si vous avez des doutes sur ce qu'il y a derrière, Monsieur, ce n'est sûrement pas ni la droite, ni le MCG, ni qui que ce soit d'autre, mais des groupuscules d'extrême gauche ou de la gauche institutionnelle qui est manipulée et appuyée par une cinquième colonne... (Rires.) ...notamment au Conseil municipal de la Ville de Genève. Cet éminent membre se permet de faire des blogs, d'exciter...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Carlos Medeiros. ...c'est scandaleux. La seule fois où la police a bougé, c'était à propos...

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.

M. Carlos Medeiros. ...des... (Le président coupe la parole à l'orateur.) Monsieur le président, pour terminer, le député socialiste... (Le micro est coupé.) ...vous êtes la cinquième colonne...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole juste pour rectifier une erreur. La commission de contrôle de gestion a nommé une sous-commission qui fera un rapport. Ce rapport sera validé ou pas par la commission de contrôle de gestion, puis il sera discuté dans le cadre de notre plénum comme tous les rapports déposés au Grand Conseil. Ce rapport de la sous-commission et de la commission de contrôle de gestion sera discuté par ce plénum, probablement en urgence, une fois qu'il sera fait. Et je remercie M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet qui a été extrêmement clair, précis et ouvert et qui va nous permettre de faire un excellent travail, parce que - il vient de le dire - il est avec nous pour aller au fond des questions. Mais je crois que certaines réponses ne seront pas très claires, nettes et agréables à entendre pour un certain parti politique. Je vous remercie.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le PLR a été consterné par le saccage de la ville, consterné parce que des commerçants ont été atteints. Ils ont été atteints dans leur outil de travail. Les commerçants paient des impôts, mais ils sont en plus créateurs d'emplois pour notre canton. Le PLR a également été scandalisé que la ville se trouve ainsi prise d'assaut sans qu'il y ait d'autre réaction que de regarder ce qui se passait et, ce soir, le refus de la commission d'enquête parlementaire n'est pas un acte de lâcheté, comme certains du MCG aimeraient le penser ou nous en ont accusés. Au contraire, c'est une conviction, Monsieur le président, que notre parlement a pris ses responsabilités politiques, que la commission de contrôle de gestion, en s'autosaisissant de cet objet avant même que la moindre motion n'existe, a également pris ses responsabilités politiques. C'est important de rappeler que dans cette commission de contrôle de gestion il y a des représentants de chacun des partis de notre parlement. Chacun des partis de notre parlement est donc associé au travail qui est fait actuellement à la commission de contrôle de gestion.

De plus, notre parlement n'a pas été le seul à prendre ses responsabilités politiques dans le cadre des conséquences de cette manifestation, parce que notre magistrat les a prises également en demandant immédiatement qu'un rapport soit rendu, en étant transparent au niveau des conclusions de ce rapport. Je pense dans ce contexte que la commission d'enquête parlementaire, mis à part peut-être octroyer plus de jetons de présence à certains, mis à part peut-être leur laisser la chance d'enquêter sur des choses qui ne seraient pas en lien avec cette manifestation, ne servirait absolument à rien et ne serait pas de nature à rendre la vérité sur ce qui s'est passé, à s'assurer que cela n'arrive plus jamais et, surtout, à assister notre population et nos commerçants dans la suite, pour certains notamment dans les demandes d'indemnisation.

Voilà les raisons pour lesquelles le PLR refuse ce soir également la motion de l'UDC. Par ailleurs, je vous précise que le PLR refusera aussi l'amendement qui va être déposé par l'UDC pour la simple et bonne raison que cet amendement vise, par une motion, à faire en sorte qu'existe ce qui existe déjà ! (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Pour y participer, je peux dire qu'il est vrai qu'une commission d'enquête parlementaire c'est lourd, c'est une grosse machine. Nous nous sommes peut-être un peu emballés en demandant directement une commission d'enquête parlementaire... (Exclamations.) C'est pour cela que nous vous proposons un amendement qui donne une légitimité supplémentaire à la commission de contrôle de gestion. C'est en même temps la garantie d'avoir un rapport sur un objet qui sera consultable en tout temps, également par la population. Comme cela, nous aurons de vraies réponses qui seront formalisées dans un rapport.

Depuis 2007 que je siège dans cette enceinte, je suis désolé mais des rapports de la commission de gestion, je n'en ai pas vu beaucoup ! Alors pour une commission qui siège tous les lundis, parfois des journées entières, qui blablate, qui discute, qui fait des enquêtes, qui fait ci, qui fait ça... Et on n'en voit jamais la couleur ! Laissez-moi vous dire que je veux bien vous croire de bonne foi et qu'il y aura un rapport, mais nous n'en avons aucune garantie. Acceptez l'amendement et finalement renvoyez la motion ainsi amendée. Elle donnera une légitimité à ce rapport. Il sera notifié avec un numéro de référence et sera consultable en tout temps et par tous. La population aura ainsi des réponses et s'en trouvera rassurée. Je vous remercie.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Si ces malheureux événements du 19 décembre ont démontré quelque chose, c'est l'inanité de la loi sur les manifestations, régulièrement durcie par la majorité de droite de ce parlement, avec pour résultat que ceux que nous appellerons les «bons manifestants» ou les manifestants honnêtes - par exemple, les partis politiques, les syndicats qui veulent simplement exercer leurs droits démocratiques - sont noyés sous une masse de démarches administratives et de contraintes. En revanche, ceux que nous appellerons les «mauvais manifestants», les membres du Black Bloc, les casseurs, ne sont absolument pas touchés par cette loi. Jamais ils ne déposeront de demandes d'autorisation, jamais ils ne transmettront l'itinéraire prévu de leurs saccages ou la liste des vitrines qu'ils ont prévu de piller. Aujourd'hui, la loi sur les manifestations n'est pas seulement inutile, elle a des effets néfastes. Le premier c'est de restreindre les libertés démocratiques de l'écrasante majorité de la population qui n'est pas animée de mauvaises intentions. Et le second, c'est de servir d'oreiller de paresse au département, d'une part, qui attend de recevoir des demandes d'autorisation pour agir et, d'autre part, à la police qui, mal renseignée, ne peut pas adapter ses effectifs à la gravité des événements.

Au lendemain des graves déprédations du 19 décembre dont nous parlons aujourd'hui, une des premières justifications émises en réponse aux critiques faites à l'intervention de la police a été d'avancer qu'aucune demande d'autorisation n'avait été déposée. Ce n'est pas très convaincant, vous en conviendrez. Et si nous attendons que les gens déposent une demande d'autorisation avant de commettre un délit, on risque de se retrouver rapidement dans le chaos le plus total.

Foin de polémique ! Aujourd'hui la question principale est celle de l'organisation, des moyens, des possibilités de réaction de la police. Cette question sera examinée dans le cadre des travaux de la commission de contrôle de gestion et donnera lieu à un rapport public, cela a été dit plusieurs fois ce soir. Nous refuserons donc cette motion et nous refuserons également l'amendement, puisque la commission de contrôle de gestion est actuellement en train de fixer un mandat à sa sous-commission sur la base d'auditions et pas seulement sur la base d'articles de journaux. Nous pensons donc que le travail est fait de manière tout à fait sérieuse par la commission de contrôle de gestion et nous lui faisons confiance.

M. Alberto Velasco (S). Je trouve tout de même assez cocasse que le président du Conseil municipal de Genève qui a appelé les citoyens et les citoyennes à descendre armés dans la rue pour s'en prendre, notamment, aux militants de gauche, s'en prenne ainsi à moi et accuse les socialistes d'être le ferment de l'organisation de ces manifestations ! C'est tout de même extraordinaire ! C'est le président du Conseil municipal, Mesdames et Messieurs les députés, qui a appelé à descendre armés dans la rue.

Cela dit, je suis d'accord avec mes préopinants de l'inutilité de faire une commission d'enquête parlementaire. Mais je m'adresse au Conseil d'Etat qui est ici présent. C'est l'occasion de vous rappeler, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il y a eu à Genève une manifestation au cours de laquelle des syndicalistes ont été suivis par la police jusqu'à la gare avant qu'ils prennent le train et qui furent l'objet d'une inculpation et durent se défendre au tribunal.

Je ne comprends pas comment on peut avoir une telle efficacité lorsqu'il s'agit de syndicalistes qui manifestent pour le droit du travail et que, en l'occurrence, pour une manifestation qui se déroule à 23h, il n'y ait eu aucun commissaire de police présent à cette heure-là, qui a attendu, regardé, vu et suivi ces gens jusqu'à la fin. Moi je m'interroge, chers collègues. Lorsque je dis, par exemple, qu'il y a peut-être des commanditaires... Eh bien, oui, peut-être qu'il y a des commanditaires. Et il faudrait qu'on le sache, parce que c'est quand même extraordinaire que personne - personne - n'ait été interpellé. Alors que chaque fois qu'il y a une manifestation, disons à 14h, et qu'il y a une petite incartade, des gens ont toujours été interpellés, poursuivis et se sont retrouvés au tribunal. C'est quand même incroyable, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en l'occurrence on ne sache, à l'heure actuelle, toujours rien.

Je ne sais pas, Monsieur le président du département, si au moment où je vous parle vous avez une information quelconque à ce sujet, parce qu'elle nous rassurerait en montrant qu'effectivement des personnes ont été interpellées, qu'il y a une enquête en cours. Mais actuellement on n'en sait rien. Et j'espère que cette commission-là ira jusqu'au bout dans cette affaire, parce que ce n'est pas la première fois que cela arrive et j'ai peur que cet état d'esprit continue. Monsieur le président, je vous le dis, chaque fois qu'il y a des grandes manifestations, malheureusement, on se trouve dans de telles situations.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Christo Ivanov pour une minute et trente secondes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Cela sera bien suffisant. J'aimerais d'abord répondre à M. le magistrat Pierre Maudet. En effet, lorsque l'UDC Genève a déposé des textes pour augmenter les effectifs de la police, de 500 unités si j'ai bonne mémoire, ce plénum les a refusés. Alors ne venez pas nous reprocher ce que nous avons soutenu, Monsieur le magistrat. C'est une première observation.

En 2003 mais également en 2009, toutes les forces de police étaient prêtes à intervenir, y compris des policiers allemands en 2003. A cette époque, il n'y a pas eu de feu vert politique pour intervenir. Il y a des précédents... Où est la volonté politique ? Où est la stratégie ? Là non plus il n'y a pas eu d'intervention de la police. Il y a donc un véritable problème au niveau de la chaîne de commandement. Enfin, les commerçants qui ont tout perdu et n'ont pas droit aux indemnisations, car lorsqu'il y a des émeutes ils ne sont pas couverts. Est-ce que l'Etat va s'engager à indemniser les commerçants ? Des gens ont tout perdu et d'autres se retrouvent au chômage.

L'UDC a déposé une motion et, comme l'a dit mon collègue Stéphane Florey, nous vous demandons de bien vouloir soutenir l'amendement déposé par l'UDC...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Christo Ivanov. ...pour que la commission de contrôle de gestion puisse se saisir de cette affaire. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Romain pour vingt-cinq secondes.

M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Eh bien on remarque que l'UDC revient un peu sur ce qu'elle qualifie elle-même d'emballement. C'est une bonne chose, mais elle est en train de coudre avec une aiguille sans fil. Elle fait des trous. Elle coud un amendement qui ne tient pas. Oui, la population veut des réponses. Oui, les commerçants veulent des réponses. Les députés de cette assemblée aussi attendent des réponses. Eh bien la commission de contrôle de gestion fera un rapport spécifique sur...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Jean Romain. ...ce problème-là et le diffusera de façon...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jean Romain. ...à dissiper les doutes.

Le président. Je passe la parole à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Florey que je trouve ses propos inadmissibles envers des collègues d'une commission parlementaire. Ce manque de confiance dans le travail d'une commission parlementaire est scandaleux, et cela me touche énormément de penser - selon lui - qu'on perd deux heures tous les lundis, qu'on ne fait strictement rien, qu'on ne fait que blablater. Vous verrez bien ce que fait la commission lorsque vous aurez le rapport sur cet événement du 19 décembre.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Salika Wenger pour cinquante-quatre secondes.

Mme Salika Wenger (EAG). Merci, Monsieur le président. M. Jean Romain a fait l'intervention que je souhaitais faire. Néanmoins, Monsieur le président, j'aimerais que vous transmettiez à M. Ivanov que je trouve qu'appeler la police allemande pour apporter de l'aide à la police genevoise pour une manifestation de cinq cents mômes aurait fait très bon genre !

Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et passe la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je serai très rapide, Monsieur le président, parce que ce que j'ai dit tout à l'heure pour la première motion vaut également pour la seconde. Je veux simplement souligner et rappeler ici, notamment en réponse aux interventions de M. Sormanni et de M. Velasco, que ni le premier ni le deuxième pouvoir ne peuvent et ne veulent se substituer au troisième. Et si vous voulez instituer ici une commission d'enquête parlementaire pour trouver les coupables, de toute évidence vous vous trompez. Ce n'est ni la vocation d'une commission d'enquête parlementaire ni même, institutionnellement, son rôle. Je suis navré de vous décevoir par anticipation, mais ni moi ni le pouvoir judiciaire, j'imagine, ne donnerons de réponse à cette commission sous cet angle-là. Le pouvoir judiciaire fait son travail, la police aussi. Nous traquons les coupables et je me fais fort de les trouver et d'amener des réponses à travers l'action de la police et par la voie du pouvoir judiciaire. Mais, de toute évidence, ce n'est pas la vocation d'une commission d'enquête parlementaire.

La vocation d'une commission, quelle qu'elle soit finalement, c'est d'éclairer les faits de la lumière crue de la vérité, d'en retirer les enseignements et d'organiser les choses en fonction de cela. Je relève à cet égard que celles et ceux qui veulent nous faire ou faire à la police le reproche de l'organisation ne sont même pas capables d'organiser leur propre texte, puisqu'ils le sur-amendent par la suite. Je vous invite de toute évidence à refuser cette motion... (Huées.) ...et à laisser la commission de contrôle de gestion faire son travail. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer aux votes et commençons par l'amendement que je vais vous lire:

«Titre (nouvelle teneur) - Proposition de motion demandant à la commission de contrôle de gestion d'étudier les dysfonctionnements qui ont permis le déroulement d'une manifestation sauvage dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015»

«Mention figurant sur les invites (nouvelle teneur) - Invite la commission de contrôle de gestion»

«Ajout d'une invite nouvelle - à créer une sous-commission ad hoc chargée d'étudier les dysfonctionnements qui ont permis le déroulement d'une manifestation sauvage dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015 et à rendre rapport au Grand Conseil».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 28 oui.

Le président. Je vais vous faire voter maintenant sur la prise en considération de cette proposition de motion.

Une voix. Vote nominal !

Une autre voix. Renvoi en commission !

Le président. Il n'y a pas eu de demande formelle, Madame. (Une oratrice s'exprime hors micro.) Non, il faut... (L'oratrice continue de s'exprimer hors micro.)

Une voix. Je l'ai dit trois fois d'une manière extrêmement claire.

Une autre voix. Oui, je suis témoin.

Le président. Si vous l'avez dit, je vous fais confiance et je vais donc vous faire voter sur cette demande de renvoi à la commission de contrôle de gestion de cette proposition de motion.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous passons donc au vote nominal pour le renvoi en commission de cette proposition de motion.

Mise aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2310 à la commission de contrôle de gestion est rejeté par 63 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal). (Exclamations durant la procédure de vote. Applaudissements.)

Vote nominal

Le président. Je vous fais maintenant voter sur la prise en considération de cette proposition de motion. Le vote nominal a été demandé. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2310 est rejetée par 64 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous avons épuisé l'ordre du jour de cette séance extraordinaire. Je lève la séance et vous retrouve à 17h.

La séance est levée à 15h55.