République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2292
Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Deneys, Thomas Wenger, Salima Moyard, Nicole Valiquer Grecuccio, Christian Frey, Isabelle Brunier pour une amélioration de la sécurité des cyclistes et des piétons lors des modifications de circulation liées aux chantiers
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous reprenons notre séance. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Et je passe la parole à l'auteur de cette proposition de motion, M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion part d'un certain nombre de constats que vous toutes et tous pouvez faire à Genève si vous vous déplacez à pied ou à vélo. Effectivement, s'il y a des chantiers, eh bien parfois, les aménagements prévus pour les piétons, c'est-à-dire les trottoirs, ou les aménagements prévus pour les cyclistes, à savoir les pistes cyclables, disparaissent provisoirement pendant la durée des chantiers. Cette question peut sembler anodine a priori, parce que certains chantiers sont de durée limitée. Malheureusement, aujourd'hui à Genève, nous constatons que des chantiers durent suffisamment longtemps pour que nous soyons confrontés à des problèmes d'accidents engendrés par l'absence de signalisations adéquates ou d'aménagements appropriés sur ces chantiers. Parmi ces chantiers qui durent, il y a évidemment le CEVA. Et c'est vrai que sur ces chantiers nous avons pu voir des aménagements provisoires faits en fonction des besoins qui ne permettent pas de garantir le passage sécurisé des piétons et des cyclistes.

Il ne s'agit pas de révolutionner quoi que ce soit, mais simplement de faire en sorte - et ce sont les invites de la motion - que de meilleures mesures de protection des piétons et des cyclistes soient mises en oeuvre sur les chantiers, de mieux informer les entreprises et de les rendre attentives aux dangers courus par les piétons et les cyclistes. Il serait judicieux de renvoyer cette proposition de motion à la commission des travaux, parce que nous proposons, dans une troisième invite, d'avoir un processus de consultation des milieux concernés, par exemple les associations de cyclistes et de piétons ou encore l'ATE et le TCS, dans le but de faire valider les aménagements provisoires des chantiers pour essayer de garantir la sécurité des piétons et des cyclistes.

Je trouve tout à fait inacceptable qu'il y ait encore des morts sur les routes suite à un manque d'aménagements ou de précautions sur les chantiers. Je crois que cette modeste proposition de motion va dans le sens des projets récemment déposés par le conseiller d'Etat Barthassat en matière de mobilité douce. C'est une vision pragmatique pour garantir la sécurité des usagères et des usagers de la route, des trottoirs et des pistes cyclables en faisant un peu plus attention qu'actuellement.

Je vous invite donc à renvoyer cette proposition de motion à la commission des travaux pour étudier si les solutions envisagées ici vous semblent acceptables et susceptibles d'être transmises au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Les chantiers sur l'espace public - de quelque ordre qu'ils soient - sont des éléments perturbateurs par définition mais ils sont provisoires. Dans leur finalité, ces chantiers sur la voie publique profitent à toute la population - à divers degrés - qui se déplace avec les transports publics, en voiture, en motocycle, à vélo ou à pied. En général, les mesures de protection temporaires - signalées d'une manière appropriée - sont inclues dans les cahiers des charges des entreprises mandatées pour effectuer des travaux en profondeur ou de surface, que ceux-ci soient sur les routes, les pistes cyclables ou les trottoirs. La fluidité du trafic motorisé s'en trouve ralentie, ce dont ne souffrent pratiquement pas les cyclistes et, surtout, pas les piétons.

La troisième invite qui demande de prévoir un processus de consultation de divers milieux avant toute modification provisoire de voirie ne fait que compliquer et alourdir le processus de mise en chantier et cela ne ferait que retarder les travaux qui ne durent - en général - que quelques jours dans la plupart des cas.

En ce qui concerne les gros chantiers tels que la gare Cornavin en souterrain, le CEVA ou la pacification du centre et de l'hypercentre, il est inimaginable que des mesures de sécurité et de protection adéquates et dont le coût est élevé ne soient pas prises en considération.

Dans le cadre de la modification de la circulation liée aux chantiers en voirie, la mobilité douce ne doit pas être particulièrement privilégiée par rapport aux autres moyens de déplacement, les cyclistes et les piétons n'étant pas davantage vulnérables. Tous les usagers des divers moyens de transport supportent quotidiennement les nuisances des nombreux chantiers au coeur de l'agglomération et dans ses alentours, et il n'y a pas de raisons pertinentes de donner une priorité aux cyclistes ou aux piétons qui sont des personnes responsables de leur propre sécurité lorsqu'elles se déplacent. Dès lors, il n'est pas nécessaire de compléter le règlement de la loi sur les chantiers qui est suffisamment explicite s'agissant de leur sécurisation.

Sachez qu'il est de la responsabilité du département de l'environnement, des transports et de l'agriculture de prendre les mesures de sécurité nécessaires pour signaler les chantiers et la pose de signaux de circulation en suffisance.

Dans le plan d'actions de la mobilité douce 2015-2018, il est déjà prévu de poursuivre le développement d'aménagements de mobilité douce sécurisés et accessibles à tous.

L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas entrer en matière sur cette motion.

Mme Isabelle Brunier (S). Effectivement, au premier abord ce sujet peut paraître évident, anodin, peu intéressant, et on nous oppose déjà que des règlements et des lois existent. Cependant, je vous rappelle qu'il n'y a pas plus de quinze jours un procès dramatique s'est terminé suite à un accident qui s'est produit sur un chantier de la Ville de Genève, sur la place Longemalle, où une personne âgée qui se rendait chez le médecin a été écrasée par une machine de chantier. C'est un exemple parmi d'autres.

J'ai un autre exemple encore en cours, malheureusement aussi sur un chantier de la Ville de Genève - M. Pagani n'est plus là pour me répondre. Il s'agit de la place du Rhône où actuellement et déjà depuis un certain temps il y a un chantier. Au début, cela avait l'air de se faire relativement rapidement... Mais finalement on s'aperçoit, depuis deux mois environ, que les piétons et les cyclistes en provenance du pont des Bergues - et c'est un itinéraire privilégié et principal pour ces deux catégories d'usagers - en sont réduits, pour traverser cette place en chantier, à passer par un espace de deux mètres, situé qui plus est devant l'entrée du magasin Tiffany. Cet espace est partagé avec difficulté alors que, pour les vélos et les piétons, c'est le seul itinéraire permettant de rejoindre la rue du Rhône depuis le pont des Bergues. Heureusement, pour l'instant, on ne déplore aucun accident à cet endroit. Mais je voudrais rappeler par ces deux exemples, dont l'un est dramatique et l'autre pas encore, que ces questions de sécurité ne sont malheureusement, et même par une municipalité comme celle de la Ville de Genève, pas toujours bien réglées.

Mes propos visent à appuyer la demande de renvoi en commission de mon collègue Roger Deneys, et donc les socialistes voteront évidemment cette motion.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Je me rappelle que notre ex-collègue Lisa Mazzone vous avait dit que les Verts refuseraient la gratuité pour les transports publics pour les jeunes en disant que, pour lutter contre la sédentarité, il était préférable qu'ils aillent à vélo à l'école, et vous aviez tous applaudi. Mais, concrètement, pour que les enfants et les jeunes puissent aller à vélo à l'école, il leur faut des aménagements sécurisés. Très concrètement, que font les parents ? Ils font le chemin avec eux, ils leur trouvent un chemin sécurisé par des pistes cyclables pour se rendre à l'école et, s'ils pensent que, du jour au lendemain, cet itinéraire peut disparaître et mettre ainsi leurs enfants en danger, ils refuseront que leurs enfants continuent à prendre leur vélo pour se rendre à l'école. Pour la sécurité des enfants et des jeunes qui ont étudié leur chemin pour aller à l'école tous les jours, pour se rendre dans leur cycle, leur collège, leur école de commerce, je vous invite à renvoyer ce texte en commission, parce que je suis sûr, au niveau des pratiques, qu'il y a des améliorations possibles lorsqu'il y a des travaux en Ville de Genève et dans le canton concernant les pistes cyclables.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera le renvoi à la commission des travaux. Nous pensions à la commission des transports, mais M. Deneys nous a convaincus du bien-fondé de renvoyer cette motion à la commission des travaux. Cette motion nous semble très logique et elle doit être étudiée, parce que nous pouvons réussir des aménagements, et la preuve c'est l'aménagement de la montée de Vésenaz qui est réussi, puisque le trafic routier, les vélos et les piétons coexistent. Pour de grands travaux, nous pouvons faire attention, et c'est bien de partir des exemples qui sont bons et aussi de prendre les exemples donnés jusqu'à présent qui ne sont pas bons.

M. Serge Hiltpold (PLR). Je pense qu'il est intéressant d'élargir la réflexion sur le chantier et surtout sur les ouvriers qui y travaillent, parce que nous avons de la considération pour les piétons et les cyclistes - et cela est tout à fait normal - mais nous sommes dans une problématique de chantier, et nous devons aussi être attentifs à la protection des travailleurs. En fait, le coeur du problème est la taxe d'empiétement du domaine public. Le problème est là... Lorsqu'une ouverture de chantier est prévue, il y a un cahier des charges lors de la soumission et les entreprises le remplissent mais, finalement, ne savent pas à quelle sauce elles vont être mangées, parce que des tarifications ont changé. Des forfaits d'installations de chantier sont faits, c'est complexe, et la situation n'est pas complètement maîtrisée. Il y a un plan d'aménagement qui est fait, puis une autorisation de police, ensuite une inspection du travail et enfin, parfois, une consultation des TPG. Tout cela pour que, par exemple, une installation que vous aviez prévue avec un passage de 3 mètres se réduise à 2,5 mètres, voire 1,8 mètre ou 1,5 mètre... Et que se passe-t-il ? Comme l'occupation du domaine public est chère, on diminue l'emprise au sol. Et si l'on diminue l'emprise au sol, on diminue la sécurité.

La réflexion de M. Deneys est juste, par rapport aux voies de circulation. Mais, même pour les travailleurs, lorsque vous avez un vélo qui passe, il a droit à la protection, mais quand vous avez des problèmes... Par exemple, cette semaine les SIG ont rencontré des problèmes à la route de Châtelaine avec des bouches qui étaient ouvertes. Vous avez quatre ou cinq collaborateurs qui sont dans ces trous. Cela aussi est problématique.

Je pense que la réflexion mérite d'être menée à la commission des travaux et on peut espérer arriver à un résultat pragmatique sans avoir à nouveau une super structure administrative où il faut quatre semaines pour déposer la moindre autorisation de chantier alors que des travaux urgents doivent être faits. Je pense que cette motion mérite une réflexion mais qui doit aussi être étendue au personnel qui bosse sur les chantiers.

M. Pierre Gauthier (EAG). C'est une excellente motion qui pose une question importante. Notre groupe, Ensemble à Gauche, va la suivre et appuyer son renvoi à la commission des travaux. Tout cycliste urbain vous le confirmera, les chantiers et les travaux empiètent parfois systématiquement sur les voies cyclables, et les deux-roues, qui sont déjà extrêmement peu protégés - à part le casque qu'ils portent la plupart du temps - doivent souvent se déporter sur les voies réservées au trafic automobile motorisé, ce qui induit des risques bien supérieurs à ceux que l'on rencontre lorsque l'on circule sur les bandes cyclables, qui elles-mêmes sont loin d'offrir la sécurité nécessaire... Donc nous soutenons le renvoi de cette motion à la commission des travaux et nous espérons que cette motion va offrir des solutions pour la sécurité des cyclistes qui sont, rappelons-le, la population la plus vulnérable de toute la circulation en ville. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. La sécurité des usagers est une priorité pour le département, pour les entreprises de travaux publics... D'ailleurs, nous avons régulièrement des contacts avec Pro Vélo. Dernièrement, cette association a été invitée à s'exprimer dans le cadre du comité stratégique de la plate-forme chantiers et mobilité. Cet organisme a pu sensibiliser non seulement le département mais aussi les maîtres d'ouvrage principaux comme les SIG, la direction du génie civil, la Ville de Genève, les TPG, à la conduite de ces travaux.

Conscient qu'une amélioration dans ce domaine est toujours possible, le plan directeur de la mobilité douce prévoit dans l'action 3 de renforcer les efforts déjà engagés pour concilier les exigences des chantiers et la sécurité des piétons et des cyclistes.

Dès lors, une modification de la législation comme c'est demandé n'est pas tout à fait souhaitable pour le département, car elle aurait des conséquences graves sur la durée du processus de décision ainsi que sur les mesures de circulation. En revanche, il paraît important de continuer bien entendu à traiter ces questions dans le cadre du prochain plan d'actions en lien avec les différents services concernés.

Donc je ne m'oppose pas au renvoi en commission mais, encore une fois, s'il faut changer la législation, soyons conscients que cela risque de poser plus de problèmes que d'en résoudre, mais ce renvoi en commission nous permettra peut-être de faire un point de situation et de vous expliquer, par rapport au plan d'actions de la mobilité douce, tout ce qui est entrepris et tout ce qui va l'être sur cette question. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons maintenant au vote sur le renvoi en commission de cette proposition de motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2292 à la commission des travaux est adopté par 73 oui et 5 abstentions.