République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2253
Proposition de motion de Mmes et MM. Guy Mettan, Sophie Forster Carbonnier, François Lefort, Bertrand Buchs, Vincent Maitre, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Luc Forni, Jean-Marc Guinchard, Boris Calame, Béatrice Hirsch, Lisa Mazzone, Sarah Klopmann, François Lance, Jean-Michel Bugnion, Frédérique Perler, Olivier Cerutti, Mathias Buschbeck, Philippe Morel pour l'édification du monument « Les Réverbères de la Mémoire »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 février 2015.

Débat

Le président. Pour la motion 2253 de M. Guy Mettan et consorts, nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à son auteur.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Le sujet qui nous occupe maintenant est bien plus tragique que celui de l'agglomération puisqu'il s'agit du génocide arménien. Je souhaiterais dire pour commencer: cessons de tergiverser et assumons enfin nos responsabilités ! Cela fait maintenant plus de cinq ans qu'on parle à Genève d'ériger un monument à la mémoire de ce génocide. On nous avait proposé dans un premier temps la promenade Saint-Antoine et cet emplacement a été refusé. Ensuite, toutes les démarches ont été menées avec succès pour proposer le parc de l'Ariana; le Municipal a voté, des autorisations de construire ont été obtenues et, comme par hasard, cela ne marche pas non plus. Cessons donc maintenant d'hésiter et de nous voir proposer encore une énième solution ailleurs puisque de toute façon, cela ne marchera pas non plus en raison des oppositions politiques à cette construction.

Or, Mesdames et Messieurs, il est de notre responsabilité maintenant d'aller de l'avant, pour plusieurs raisons. J'aimerais rappeler au Conseil d'Etat qu'il a lui-même accepté le 10 décembre 2001 de reconnaître le génocide arménien. Pourquoi maintenant ne voudrait-il pas qu'on érige un monument pour rappeler ces tragiques événements ? C'est le Conseil d'Etat lui-même qui l'a reconnu en décembre 2001. Le parlement fédéral a reconnu ce génocide en 2003 et on avait assisté à ce moment-là aux mêmes pressions. On nous avait dit que si on reconnaissait le génocide arménien, ce serait une catastrophe pour la Suisse, que la Turquie lui ferait la tête, etc. Il ne s'est strictement rien passé. J'aimerais aussi dire que la sous-commission des Nations Unies a également reconnu le génocide arménien le 29 août 1985 à Genève. Concernant la position de l'Organisation des Nations Unies dont on nous dit qu'elle serait opposée à la construction de ce mémorial à l'Ariana, j'aimerais juste vous lire le passage du courrier que l'ONU a envoyé à la Ville de Genève et qui dit ceci: «Permettez-moi de vous signaler que l'ONUG n'a pris aucune position officielle quant à ce projet porté conjointement comme vous l'indiquez par la communauté arménienne de Suisse et la Ville de Genève. Eu égard aux discussions liées au possible emplacement du mémorial, l'ONUG a toujours maintenu qu'une décision finale sur l'emplacement du mémorial revient aux autorités locales et ne prend pas position sur ce sujet.» Le courrier est signé par Markus Schmidt, conseiller juridique principal. Ainsi, il n'y a aucune pression ou opposition quelconque de la part de l'ONU qui entraverait la construction de ce mémorial à l'Ariana. Il ne faut donc pas venir nous dire que l'ONU serait opposée à cet emplacement.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'il serait honteux que le gouvernement, qui a reconnu le génocide il y a treize ans - nous l'avons fait aussi - et que le Parlement fédéral qui en a fait de même reviennent maintenant en arrière en raison de pures pressions politiques. J'aimerais conclure en soulignant que je comprends le rôle du gouvernement ainsi que le souci de son président, M. Longchamp; il est vrai qu'il n'appartient pas au gouvernement d'appuyer une telle proposition. Je comprends qu'il doit ménager aussi les intérêts au sens large et ce n'est pas à lui de prendre cette décision; c'est dans son rôle de s'opposer à cette motion. Mais nous, c'est notre rôle en tant que députés de la voter; c'est le rôle d'un parlement de faire avancer un peu les choses, comme le parlement fédéral a eu le courage de le faire en 2003, comme nous avons nous-mêmes eu le courage de le faire - mais je ne sais plus en quelle année. C'est le rôle d'un parlement de prendre, entre guillemets, cette «responsabilité» - ou cette irresponsabilité selon certains. Nous sommes en plein dans notre mission de parlementaires. Je vous engage donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je reviendrai tout à l'heure sur l'amendement socialiste. (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). Comme cela vient d'être rappelé, cette histoire est ancienne. Il s'agit d'un projet du Conseil municipal qui est le fruit d'un concours international financé par la Ville de Genève. Ce monument est dédié aux victimes du génocide arménien mais également de tous les génocides, dont ceux des Assyriens et des Grecs pontiques qui eurent lieu à la même époque et dont les massacres perpétrés par les mêmes mains vont être commémorés cette année pour la centième fois. La recherche de l'emplacement - cela a été rappelé par M. Mettan - a fait l'objet de tergiversations, puis, une fois l'endroit enfin trouvé, de pressions diplomatiques, suivies de putatives interventions fédérales auprès de la Ville de Genève pour qu'elle renonce au projet et ensuite du Conseil d'Etat pour que le mémorial ne soit pas implanté dans un site proche de l'ONU. Le Conseil d'Etat nous l'a rappelé, il adhère au principe du mémorial mais estime, comme la Confédération, que la neutralité la plus absolue de la Genève internationale doit être respectée aux abords de l'ONU et des organisations internationales. Il est évident que la neutralité la plus absolue de la Genève internationale doit être respectée sur le territoire de l'ONU et des organisations internationales. Mais pour ce qui est des abords, aussi proches ou distants puissent-ils être, de ces territoires absolument neutres, c'est à la Ville de Genève ou au canton de décider des monuments et des oeuvres d'art qu'on veut y installer ou non. C'est précisément ce que dit l'ONU qui ne s'est jamais opposée à l'installation du mémorial dans les jardins de l'Ariana.

Il n'y a pas d'opposition réellement manifestée. Il y a un très grand mécontentement de la Turquie comme chaque fois que quelqu'un ose parler du génocide arménien. Nous sommes en Suisse, l'Assemblée fédérale a reconnu ce génocide par postulat en 2003 et donc le projet de la Ville de Genève n'est évidemment pas hors la loi. Que certains ne veuillent pas reconnaître le génocide arménien ailleurs, c'est une chose; ici, en Suisse, nous l'avons reconnu, nous savons qu'il a existé, comme de trop nombreux génocides qui lui ont succédé. C'est bien à Genève, ville de paix, que cette mémoire doit être protégée, car au-delà du génocide des Arméniens, des Grecs pontiques ou des Assyriens, ce que signifie ce monument, c'est: plus jamais ça !

La Suisse est neutre, certes. Mais neutre ne signifie pas sans empathie et sans mémoire, ni surtout sans courage. La semaine dernière, la Suisse a renoncé à présenter l'exposition du photographe suisse Jean Mohr prévue à l'UNESCO à Paris et qui était intitulée: «Avec les victimes de la guerre». Le prétexte était que des pays étaient irrités par ces photos et avaient protesté auprès de la Suisse...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. François Lefort. ...pour qu'elle retire cette exposition. Ces photos montrent des victimes de la guerre et des réfugiés. C'est donc bien un manque de courage que de céder à ceux qui ne supportent pas les images de leurs méfaits et qui veulent réviser l'histoire. Alors aujourd'hui, ne manquons pas de courage et renvoyons cette motion directement au Conseil d'Etat, afin que ce monument puisse être rapidement érigé. C'est ce que les Verts vous proposent avec le PDC dans cette motion. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vous rappelle que vous disposez de trois minutes en tout et pour tout, y compris pour les amendements. Je donne la parole à M. Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion nous interpelle car elle fait appel à notre devoir de mémoire, et l'Arménie est un pays cher au coeur des Suisses - je vous rappelle que lors du tremblement de terre de Spitak en 1988, la Suisse a été aux premières loges pour aider à la reconstruction de ce pays. Parce que si vous allez en Arménie - sans être membre de la diaspora, je suis probablement un des rares députés qui connaisse ce pays et qui y soit allé - si vous vous rendez à Etchmiadzin ou au Matenadaran où sont conservés des milliers de manuscrits qui constituent toute la mémoire de la chrétienté, vous ne pouvez qu'être interpellé par cette proposition de motion. Néanmoins, le PLR n'entrera pas en matière sur celle-ci pour une raison très simple, à savoir que Genève est une ville de dialogue, or être une ville de dialogue signifie permettre à des antagonistes, peu importe leurs torts, de pouvoir se parler et trouver des solutions.

Je vais vous parler de l'Arménie contemporaine, car c'est bien beau de parler des 1,5 million de morts, mais il faut parler actuellement de l'Arménie contemporaine. Ce sont 3 millions de gens vivant sous perfusion: perfusion de la Russie et de la diaspora pour ce pays entouré de pays totalement hostiles, comme la Turquie ou l'Azerbaïdjan, et qui n'a comme ouverture que la frontière avec l'Iran, parce que la Géorgie n'est pas très fiable, pour pouvoir se désenclaver. C'est un pays qui connaît un exode de sa population extrêmement important et qui a donc besoin pour sa survie actuelle de retrouver un dialogue avec la Turquie. La Genève internationale a un rôle à jouer à ce niveau-là afin de faciliter le dialogue entre l'Arménie et la Turquie et nous pensons qu'installer ce monument dans le parc de l'Ariana serait contreproductif. C'est la raison pour laquelle le PLR n'entrera pas en matière sur cette proposition de motion, même s'il en comprend tout à fait l'aspect rationnel. (Quelques applaudissements.)

Mme Isabelle Brunier (S). Effectivement, c'est un peu une malheureuse affaire qui nous occupe ce matin. Elle est même bien plus ancienne que ce que M. Guy Mettan a dit tout à l'heure: cela remonte à 2008, avec un vote non pas unanime mais d'une majorité du Conseil municipal de la Ville pour ériger un monument, non pas à la mémoire du génocide mais pour les liens entre Genève et l'Arménie. Beaucoup d'éléments ont donc été transformés entre le moment où ce vote a eu lieu et la motion qui nous est maintenant proposée, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les socialistes ne l'ont pas signée, l'exposé des motifs comportant un certain nombre d'erreurs. Mais passons. Le principal reste qu'en effet une décision a été prise, qu'un concours a été organisé et que le résultat de celui-ci n'a toujours pas trouvé d'emplacement, là aussi pour toutes sortes de raisons qui ne tiennent d'ailleurs pas à des découvertes archéologiques effectuées sur la promenade Saint-Antoine mais à d'autres causes. Mais il est vrai qu'on commémore cette année le centième anniversaire de ce malheureux génocide, et nous avons donc décidé de déposer un amendement pour que la demande soit plus claire, sans non plus imposer à l'Etat d'autoriser quelque chose, car il était question d'autoriser, mais on ne disait pas quoi ni où. Sur ce point, même si c'est bien la Ville de Genève qui a mené ce dossier au départ, nous considérons que l'Etat doit effectivement jouer son rôle de médiateur et de facilitateur, et c'est pourquoi nous avons proposé un amendement que vous avez tous reçu et qui est un peu plus précis, un peu plus clair, mais qui en même temps laisse aussi une ouverture à un éventuel autre emplacement, car je pense que d'autres possibilités pourraient être trouvées. Ainsi, bien que n'ayant pas signé la motion, nous proposons un amendement qui évoque l'Ariana certes, mais qui laisse une possibilité de trouver un autre endroit. Je vous invite à renvoyer cette motion amendée au Conseil d'Etat.

J'ajouterai qu'à titre personnel, je m'étais permis de faire il y a deux ans une proposition à M. Sami Kanaan pour tenter de débloquer la situation en lui signalant qu'en Ville de Genève, il existe un emplacement tout à fait inintéressant tel qu'aménagé pour le moment, et pourtant très central, à savoir le square de la Comédie qui est simplement pavé avec un pressoir au milieu; on se demande bien...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Isabelle Brunier. ...ce qu'un pressoir fait en pleine ville. Il m'avait répondu que c'était malheureusement trop petit, ce dont je ne suis pas si certaine. D'autres emplacements pourraient donc de toute façon être étudiés. (Quelques applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). L'indifférence est l'adversaire le plus redoutable de la morale. C'est ce qu'il faut garder à l'esprit essentiellement. J'ai en mains le Bulletin d'information du Comité des Arméniens de Belgique qui l'avait réservé à la mémoire d'Edouard Jakhian, un bâtonnier très distingué de l'ordre des avocats de Bruxelles, dont j'ai eu le privilège d'être l'ami. Il a consacré une part importante de sa vie à la lutte pour la cause arménienne et pour la reconnaissance du génocide dont ce peuple a été victime. Je pense qu'il est intéressant de souligner l'observation de M. Sarkis Shahinian qui relevait l'importance de la décision du Tribunal fédéral du 12 décembre 2007 condamnant le négationnisme du génocide des Arméniens. Me Edouard Jakhian, dans le prolongement, espérait qu'enfin l'Union européenne prendrait des dispositions pour sanctionner les négationnistes de ce drame. Le vrai combat de l'Arménie, une cause à laquelle je suis très sensible, c'est de faire reconnaître universellement le génocide. Je ne crois pas que l'édification d'un monument réponde à ce désir fondamental. Je dirais que la Suisse, d'une façon générale, a pris fait et cause pour le combat arménien comme d'ailleurs M. Saudan vient de le soulever. Le combat de l'Arménie, c'est la reconnaissance de son génocide. Je me sens très mal à l'aise lorsqu'on vient parler de l'édification d'un monument dont personne ne veut choisir l'emplacement parce qu'il gêne, ce qui est une façon, dans le fond, de dire que l'on ne veut pas de ce monument. S'il devait avoir une place, cela ne pourrait être qu'aux Nations Unies, parce que c'est là que l'universalité des droits est censée s'exprimer, mais nulle part ailleurs. Vous n'allez quand même pas mettre ce monument à la gare Cornavin ou à Cointrin ? En outre, je ne crois pas que l'édification d'un monument spécifique - nonobstant toute la sensibilité que j'ai pour la cause arménienne - soit vraiment le moyen idoine car on ne peut pas faire preuve de discrimination...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Michel Amaudruz. ...dans les souffrances humaines. Si l'on veut construire un monument, il doit être réservé à tous les génocides, qu'ils soient passés ou futurs, parce que l'être humain est un grand prédateur et que les génocides, on en connaîtra encore. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Lussi, vous ne disposez plus de temps de parole. Je donne la parole à M. le député Carlos Medeiros.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je connais très bien l'affaire qui nous concerne car elle a démarré en Ville de Genève - le cumul des mandats sert à quelque chose. Le MCG ne s'exprimera pas sur le fond: y a-t-il eu génocide ou non ? Nous laissons cette question aux historiens; cela ne nous regarde pas. (Commentaires.) J'aimerais quand même rappeler que Genève est une terre d'accueil pour plusieurs communautés, entre autres les communautés turques et arméniennes qui sont en conflit - parce que c'est un conflit ayant cours quand même depuis de nombreuses années - et la seule question qu'il faut se poser c'est de savoir s'il est judicieux d'importer ce conflit parce que des partis, notamment le PDC - vous transmettrez - utilisent... Je me rappelle que certains conseillers municipaux étaient invités par le gouvernement arménien à visiter l'Arménie aux frais de l'Arménie... (Commentaires.) ...qu'ils ont pris des photos dans des hélicoptères, visité le pays. Je veux bien, pourquoi pas ! Mais prendre parti pour un côté contre un autre, cela veut dire opposer une communauté à une autre, et je ne pense pas que ce soit le rôle de Genève ou de cette assemblée. Le MCG refusera donc catégoriquement cette affaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Henry Rappaz, pour une minute quarante.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président. Il est vrai et regrettable que ce mémorial soit à l'origine de controverses alors qu'il devait plutôt amener au rassemblement contre le génocide en général. Le MCG s'étonne pour plusieurs raisons: premièrement, il se demande pourquoi s'entêter à ne pas vouloir le placer dans le parc du musée de l'Ariana, voire dans le parc jouxtant les environs du Palais des Nations. L'ONU l'autorisait dans sa lettre du mois d'octobre 2014 en précisant qu'elle ne prenait aucune position officielle quant à ce projet; l'ONU a toujours maintenu qu'une décision finale sur l'emplacement du mémorial revient aux autorités locales seules. Aussi, pour gain de paix, le MCG suggère de placer définitivement le mémorial des Réverbères de la mémoire face à l'église arménienne de Troinex, une zone résidentielle et calme, qui de ses lumières apaisera toutes ces discussions. Toutefois, je suis d'accord avec mon préopinant, et pour revenir à l'édification d'un mémorial...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Henry Rappaz. ...je suggère qu'à l'avenir un artiste songe à ériger un monument dédié à l'ensemble de tous ces morts. Pour toutes ces raisons, le MCG rejettera cette motion, pour laquelle aucun emplacement définitif n'a été fixé.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à... (Remarque.) Non, vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur Lefort.

M. François Lefort. C'est pour demander le vote nominal.

Le président. Pour le vote nominal, je le demanderai au moment du vote. (Remarque de M. François Lefort.) Je donne la parole à M. Guy Mettan pour une minute quarante.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. C'est exactement ce que je craignais au début: tout le monde dit reconnaître le génocide arménien, tout le monde se dit compatissant avec les Arméniens - j'ai bien entendu les propos de M. Amaudruz, de M. Saudan et du MCG - mais personne ne veut du monument. Ne trouvez-vous pas que vous êtes légèrement en contradiction avec vos propos ? Monsieur Amaudruz, vous nous avez fait tout un cinéma pour exprimer toute votre compassion pour les Arméniens et vous allez voter contre. Ce sont les Arméniens qui veulent ce monument. (Remarque.) C'est la communauté arménienne qui le veut; ce n'est ni le PDC, ni les Verts, ni quiconque. (Commentaires.) Acceptez donc aussi cette réalité ou alors assumez votre contradiction et dites: «non, nous ne reconnaissons pas le génocide arménien», puisque c'est ce que l'opposition à la construction de ce mémorial revient à faire. Vous serez ainsi conséquents avec votre comportement.

Je voulais juste parler de l'amendement socialiste. Celui-ci offre peut-être, si nous arrivons à le faire passer, une solution de sortie pour le gouvernement qui, j'imagine, dans cette cause, doit se trouver mal à l'aise...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Guy Mettan. ...et cela pourrait être une solution à laquelle nous pouvons nous rallier et qui laisse davantage de souplesse - nous remercions Mme Brunier pour cette initiative. Mesdames et Messieurs, je vous invite donc - même si personnellement cela ne m'enchante pas - à accepter cet amendement socialiste de telle manière que le Conseil d'Etat puisse aller de l'avant dans les plus brefs délais, sans se fâcher avec quiconque sur cet objet. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Isabelle Brunier, à qui il reste dix-sept secondes.

Mme Isabelle Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Juste pour préciser qu'au moment des débats au niveau de la Ville de Genève, le concept avait été étendu non pas seulement au génocide arménien mais à tous les génocides. Je pense qu'il faut quand même insister sur ce point: ce génocide-là est peut-être un des premiers du XXe siècle, mais le principe du monument est de les évoquer tous, en tout cas tous ceux reconnus par la communauté internationale.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour une minute.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président, cela sera amplement suffisant. Cela concerne simplement l'amendement de Mme Brunier. Pour les raisons que j'ai déjà mentionnées, le parti radical... Le parti libéral-radical... (Rires. Commentaires.) Eh oui, eh oui ! (Applaudissements. Commentaires.) C'était le bon temps ! Voilà. (Exclamations. L'orateur rit. Applaudissements.) Le parti libéral-radical n'entrera pas en matière sur la proposition de motion, mais au vu du contexte extrêmement douloureux - parce que nous reconnaissons à 100% le génocide arménien - il s'abstiendra sur l'amendement.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas question ici du génocide arménien, et ce pour une raison simple: votre parlement, le gouvernement genevois, le parlement suisse, il y a quelques années, une décennie environ, ont reconnu ce génocide; et sauf à vouloir changer cette décision, elle s'applique aux institutions qui demeurent et qui en héritent. La question ici posée est d'une autre nature. Comme vous le savez, l'édification de ce monument fait l'objet de certaines contestations en raison non pas de sa nature, mais de son emplacement. L'emplacement prévu pour ce monument est celui du parc de l'Ariana. Or ce parc accueille, vous le savez, l'Organisation des Nations Unies. Dans ce cadre-là, la Suisse - je dis bien la Suisse, pas le canton de Genève - a des obligations en qualité d'Etat hôte d'organisations internationales, ce qui lui attribue certaines prérogatives, mais l'engage en contrepartie à certains éléments. Dans ce cadre, le Conseil d'Etat et le Conseil fédéral ont indiqué qu'ils n'étaient, sur le principe, pas opposés à l'édification du monument des Réverbères de la mémoire, et ce malgré les pressions de toute nature contre son édification. Non seulement le Conseil fédéral et le Conseil d'Etat l'ont dit, mais ils l'ont aussi écrit.

En revanche, le Conseil fédéral a indiqué que le choix de l'emplacement relevait de prérogatives fédérales au titre de l'article 54 de la Constitution ainsi que des responsabilités de la Confédération au titre de l'Etat hôte; le Conseil fédéral nous a indiqué, contrairement à ce que vous soutenez, Monsieur Mettan, et je lis ici le courrier du président de la Confédération, que l'ONU n'est pas neutre, loin s'en faut et vous le savez bien - vous dirigez une institution qui lui est proche. Par ailleurs, tant l'ancien directeur général de l'ONUG, M. Kassym-Jomart Tokaïev, que le directeur général actuel, M. Michael Moeller, ont fait part de leurs préoccupations à cet égard, vis-à-vis de plusieurs représentants de l'Etat hôte, c'est-à-dire de la Suisse, aussi bien au niveau fédéral, cantonal, que communal. Le Conseil fédéral nous a donc demandé d'autoriser la construction de ce monument mais de ne pas l'autoriser dans la zone internationale et de n'y autoriser aucun autre monument d'aucune autre nature ayant une connotation politique. C'est la raison pour laquelle nous sommes entrés en discussion avec la Ville de Genève - dont parfois, parfois, le Conseil municipal se préoccupe d'affaires internationales - pour lui indiquer qu'il fallait trouver un autre emplacement. Une rencontre a été organisée il y a encore quelques jours en présence et à l'initiative du maire, M. Kanaan, et en présence de M. Pagani pour proposer à la communauté arménienne d'autres emplacements. Il est fait état d'autres parcs, d'autres promenades - Mme Brunier en a cité un - et d'autres sont possiblement retenus pour ériger ce monument. Mais le Conseil d'Etat, soucieux des prérogatives qui sont les siennes, soucieux de la responsabilité que nous avons d'assurer une neutralité de la Genève internationale, soucieux des prérogatives du Conseil fédéral en matière de politique étrangère, ne pourra pas autoriser l'édification du monument à cet endroit, mais a pris l'engagement, et avec célérité, de l'autoriser à un autre endroit qui serait proposé par la Ville de Genève, et de le faire dans les délais les plus brefs, même cette année si c'était nécessaire. Comme vous le savez, nous fêtons cette année le centenaire de ce génocide, de ces événements tragiques qui ont tant touché le peuple arménien dans sa chair et pour fort longtemps.

Mesdames et Messieurs, je vous invite donc avec circonspection à donner un accueil très mesuré à cette motion, en clair, à la refuser, et si vous veniez à l'accepter, je vous invite à voter l'amendement de fort bon sens de Mme Brunier qui précisément préserve un certain nombre de compétences essentielles qui ne nous appartiennent pas, étant le fait d'autorités autres que nous-mêmes qui, jusqu'à plus ample informé, ont précisément autorité dans ce dossier.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je fais voter l'assemblée d'abord sur l'amendement que vous avez tous reçu, qui se trouve sur vos places et qui remplace l'invite actuelle de la motion par «à favoriser autant que possible la réalisation dans les meilleurs délais du projet des Réverbères de la Mémoire à l'Ariana ou, en cas d'obstacle insurmontable, de prendre toutes les initiatives et décisions nécessaires pour une réalisation rapide dans un endroit adéquat en concertation avec les initiants, la Confédération et la Ville de Genève».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 68 oui contre 10 non et 10 abstentions.

Le président. Le vote nominal demandé par M. Lefort est-il soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Il l'est.

Mise aux voix, la proposition de motion 2253 ainsi amendée est rejetée par 43 non contre 42 oui et 3 abstentions (vote nominal). (Commentaires à l'annonce du résultat.)

Vote nominal