République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10780-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant des indemnités monétaires et non monétaires aux écoles mandatées pour l'enseignement artistique de base délégué (musique, rythmique, danse et théâtre) pour les années 2011 à 2014 : a) la Fondation Le Conservatoire de Musique de Genève b) la Fondation du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre de Genève c) la Fondation de l'Institut Jaques-Dalcroze d) la Fondation ETM-Ecole des musiques actuelles et des technologies musicales e) l'Association Accademia d'Archi f) l'Association Atelier Danse Manon Hotte g) l'Association Les Cadets de Genève h) l'Association Espace Musical i) l'Association Ecole de Danse de Genève j) l'Association Ondine Genevoise k) l'Association Studio Kodály

Premier débat

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Permettez-moi, Monsieur le président, de rectifier quelques fausses notes, voire des faux-pas dans mon rapport. Je signale d'abord une coquille concernant le patronyme Chavanne, l'ancien conseiller d'Etat, qui ne prend pas de «s».

Par ailleurs, en page 4, je précise que la disparition des listes d'attente constitue un objectif, mais qu'il n'est pas encore atteint.

Et puis, en page 5, l'institution menacée de faillite et mise sous tutelle n'est pas le CPM - Conservatoire populaire de musique - mais bien le CMG - Conservatoire de musique de Genève. Je présente toutes mes excuses à ces institutions.

D'autre part, en page 6, en ce qui concerne les salaires, la classe 24 ne représente pas un objectif à atteindre et aucun budget n'est prévu à cet effet.

Ensuite, en page 7, il convient de rappeler que la reconnaissance des écoles est passée par deux étapes, à savoir la certification selon la norme EDUCA et l'accréditation par le canal du collège d'experts.

Maintenant, en page 8, dans les écoles accréditées règnent actuellement deux modes de facturation des écolages, à savoir la facturation à la pièce et la facturation au forfait.

Enfin, en page 9, s'agissant des montants budgétaires annoncés, ils sont le reflet des intentions du Conseil d'Etat de viser une transition à coût constant. Ainsi, la part économisée dans la subvention des trois grandes institutions est réallouée aux écoles nouvellement accréditées.

En vous priant encore de bien vouloir m'excuser pour ces erreurs, je vous demande, Mesdames et Messieurs, d'accepter ce rapport.

M. Roger Deneys (S). Les socialistes accueillent ce projet de loi, dans un sens, avec plaisir. Car, évidemment, la volonté de favoriser les synergies entre les différentes institutions de musique, danse, théâtre, qui s'adressent à nos enfants - et d'ailleurs aussi aux adultes - nous semble tout à fait souhaitable. De même que la volonté d'égalité de traitement, aussi tout à fait souhaitable. Au-delà de ce principe, auquel nous adhérons entièrement, nous aimerions quand même relever certains problèmes que pose ce projet de loi.

D'une part, les établissements concernés proposent des activités relativement différentes. Entre les écoles de musique, les conservatoires - installés historiquement depuis très longtemps - et les écoles de danse, peut-être plus récentes, les activités sont en effet très différentes. Ces établissements disposent également de moyens très différents - cela est indiqué dans le rapport de Mme von Arx - et les salaires varient aussi beaucoup d'une institution à une autre; les salaires des directeurs peuvent notamment aller du simple au double. Ces disparités dérangent les socialistes.

Autre volet discutable de ce projet de loi: la volonté affirmée par le Conseil d'Etat de profiter de l'occasion pour augmenter la productivité de ces établissements. Alors, d'une part, on leur demande un certain nombre de critères de qualité d'enseignement en répondant à une norme équivalente à la norme EDUCA pour les domaines culturels et, dans le même temps, on leur demande de faire passer le nombre d'élèves, par équivalent plein temps, de 29 à 32, soit une augmentation de l'ordre de 10%, ce qui est loin d'être négligeable, et cela se fait, on va dire, peut-être au détriment de certains enseignements.

Par exemple, on demande davantage de cours collectifs. Si l'on pense à des cours de piano, c'est assez drôle: certains élèves apprendront à jouer de la main droite et d'autres, de la main gauche... Ce sera assez intéressant à observer ! Bref, si cette anecdote prête à rire, en fait, ce n'est pas drôle... Il est quelque peu bizarre de vouloir favoriser les synergies et, en même temps, de demander des efforts de productivité, sans même mesurer les premières synergies entre les établissements !

Un autre problème a aussi été évoqué en commission. En effet, les enfants de moins de 4 ans ne seront plus pris en compte dans ce contrat de prestations et, donc, les écolages risquent fort d'augmenter. Mme von Arx le formule de façon beaucoup plus délicate en indiquant que les écolages seront «ajustés». Mais, bien entendu, s'il n'y a plus de subventionnement pour cette tranche d'âge, on peut s'attendre à ce que ces formations destinées aux petits enfants disparaissent ou que les prix augmentent. C'est un peu ce que nous craignons pour les parents les plus défavorisés, qui risquent de devoir renoncer à donner une formation de ce type à leur enfant, et nous ne le souhaitons pas.

Nous pensons que ce projet de loi est tout à fait souhaitable, or les montants alloués sont insuffisants; certains établissements, qui font partie de cette liste, rencontrent déjà des problèmes financiers aujourd'hui, et il manque certainement un voire deux millions pour pouvoir appliquer ce contrat de prestations dans des conditions correctes - c'est-à-dire sans péjorer les conditions de travail des enseignants qui se donnent à fond dans ces activités - et en permettant à ceux qui le souhaitent de participer à ces activités musicales, théâtrales ou de danse.

Mesdames et Messieurs les députés, nous soutiendrons ce projet de loi. Nous ne déposerons pas d'amendement, parce que, à ce stade, nous pensons qu'il faut attendre de voir ce que cela donne ces prochains mois. Mais, en fonction des appels que ces établissements nous transmettront par rapport à l'évolution de la situation, nous reviendrons très certainement avec une proposition d'augmentation de ces montants à l'occasion du budget 2012. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je tenais à dire.

Les socialistes soutiendront donc ce projet de loi, tout en étant conscients que les montants alloués sont d'ores et déjà insuffisants.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le député danseur Christian Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Comme vous l'annoncez de manière voilée, je vous dirai directement que j'ai présidé l'Association Atelier Danse Manon Hotte, que je ne la préside plus et que je n'ai jamais touché d'argent pour ce mandat. C'est ma collègue Irène Buche qui a repris la présidence de cette association.

Les Verts soutiendront ce projet de loi. Nous saluons le travail du département, qui a voulu harmoniser les écoles de musique et faire en sorte qu'elles répondent à un contrat de prestations. Nous pensons que c'est une bonne chose, comme, d'ailleurs, de clarifier les enjeux. C'est du domaine du souhaitable, et pas du nécessaire; c'est en tout cas une chose à laquelle nous adhérons complètement.

Néanmoins, nous avons remarqué que la transition est difficile - je peux l'affirmer pour avoir vécu la période de préparation en tant que président de l'Association Atelier Danse Manon Hotte. En fait, c'est aujourd'hui un message qui est adressé aux milieux culturels: à savoir que si l'Etat veut un jour reprendre la main sur le domaine culturel au niveau cantonal, les acteurs du milieu culturel doivent faire attention, extrêmement attention ! Parce que l'Association Atelier Danse Manon Hotte est au bord de la faillite. Nous avons reçu une pétition - ici, au Grand Conseil - qui a recueilli 3600 signatures, plus 1400 signatures électroniques; un certain nombre de personnalités du monde de la danse ont décidé de soutenir l'Association Atelier Danse Manon Hotte.

Nous sommes absolument tous d'accord - et je pense que le département l'est aussi - sur la très grande qualité de l'enseignement dispensé par cette école de danse, reconnue jusqu'au Canada dans les universités s'occupant de danse, or la question à se poser - et cela regarde aussi la commission des finances - est la suivante: peut-on faire ce type de réforme avec le même budget ? La réforme a-t-elle un coût ?

Ce type de réforme, qui exige d'une petite structure - dont le budget tourne autour de 300 000 F - de produire un certain nombre de pièces, de faire tout un travail de certification, eh bien, cela représente un coût ! Et faire effectuer ce travail-là peut mettre à genou une structure. Je le dis surtout pour l'avenir, et je le dis particulièrement aux acteurs culturels qui pourraient être tentés de vouloir, par l'école, obtenir une subvention. Certaines personnes, membres du comité, avaient l'habitude de nous mettre en garde, elles disaient qu'il fallait se méfier de l'Etat, car «c'était la gangrène», et que, dès que vous touchiez au monde étatique, «les choses pourrissaient par là même où vous les aviez commencées»... Donc, il faut faire extrêmement attention à ce qui peut se passer !

On dit qu'il faut que les gens se regroupent. Les gens sont d'accord de se regrouper, il faut créer des synergies, et les gens sont d'accord pour cela. Mais, concrètement, lorsqu'il s'agit d'une petite structure, cela veut dire qu'il faut remplacer la directrice lorsque celle-ci doit assister à des séances en vue de monter la plate-forme qui permettra de créer ces synergies... Eh bien, pendant ce temps-là, elle n'enseigne pas, elle doit être remplacée, et cela représente un coût !

Mesdames et Messieurs les députés, nos exigences et notre façon de voir le monde d'un point de vue très administratif ne laisse pas la souplesse que peuvent avoir les petites structures ! Il faut qu'on le sache ! Alors, je ne suis pas opposé à ce qu'on procède à cette réforme, mais il faut annoncer aux acteurs qui pourraient s'engager dans cette galère, que cela va être extrêmement coûteux pour eux et qu'ils doivent savoir s'ils ont les reins suffisamment solides pour aller dans ce sens ou pas. En ce qui me concerne, je préfère, à un certain moment, qu'il soit procédé à des choix, même en devant dire: «Cela ne nous intéresse pas, nous ne financerons pas» - ce que je peux tout à fait entendre. Mais dire à un acteur: «On va vous emmener dans un processus», puis le tuer par le processus mis en place, je trouve cela regrettable, car cela ne correspond pas à un choix politique ! C'est simplement une machine administrative qui broie des acteurs du monde culturel - davantage guidés, c'est vrai, par la passion de leur art que par la rigueur administrative - et c'est tout simplement déplorable ! J'aurais préféré que l'on soit beaucoup plus clairs dès le départ quant aux coûts induits et à l'accompagnement, même si l'on doit se rendre compte, parfois, que certains acteurs ne pourraient pas... Je pense aux gens qui, afin de pouvoir produire de l'art, voudront établir un contrat de prestation avec l'Etat et qui, à un moment donné, se retrouveront avec deux types de subventions - provenant, d'un côté, des communes et, de l'autre, de l'Etat - et je leur souhaite bien du plaisir ! Les normes ne sont pas les mêmes, le fonctionnement n'est pas le même, et tout cela représente un coût exorbitant pour une structure qui n'est pas d'une certaine importance !

Une voix. Bravo !

Le président. Et tout cela sans reprendre son souffle ! (Rires.) Je donne la parole à Mme le rapporteur Anne-Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je voudrais apporter quelques précisions pour éviter tout malentendu.

Les écoles candidates, pour avoir la reconnaissance et la certification, ont acquitté une taxe de 3000 F pour un coût global de 8000 F. Aucun émolument n'a été demandé pour la procédure d'accréditation ! Il est donc extrêmement important de ne pas formuler un montant des dépenses encourues par l'école candidate à l'accréditation, parce qu'il varie en fonction du dispositif préexistant dans l'école en question ! On ne peut pas mettre, évidemment, toutes les écoles sur le même plan, mais on ne peut pas non plus leur laisser croire qu'elles vont devoir payer une fortune pour être accréditées. Voilà, je tenais à apporter cette précision.

Quoi qu'il en soit, la commission, à l'unanimité moins une abstention, a soutenu ce projet de loi, et je vous remercie d'en faire autant.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je serai tenté d'essayer de répondre d'abord en faisant une sorte de portrait robot du député - ou de la députée, car, bien entendu, je ne saurais viser personne à titre individuel. C'est un parlementaire qui fait à la fois des demandes empressantes - sans se préoccuper des conditions pour aider certains ! - mais, lorsqu'il y a une erreur, il demande des comptes en raison du manque de rigueur du Conseil d'Etat, pour une structure que l'on ne connaît pas.

Mesdames et Messieurs, le gouvernement a la responsabilité de trouver une voie, grâce à la LIAF - la loi sur les indemnités et aides financières - issue de votre parlement comme initiative votée par votre parlement, qui impose certains critères. Et j'ai envie de dire que je m'en félicite, car, au moins, même si ceux-ci seront peut-être amenés à évoluer, ils donnent un cadre au subventionnement et nous protègent d'un certain nombre de dérives.

Messieurs les députés, à vous qui avez à coeur, à juste titre, l'enseignement musical de base, à vous qui soutenez ces structures - il s'agit souvent d'une en particulier - j'aimerais dire que je partage complètement votre avis... Il faudrait en effet veiller à ce que nous puissions agir, en matière de réforme, en posant un certain nombre de conditions qui nous permettent d'allier l'ouverture, l'engagement de moyens supplémentaires, les réallocations, en même temps que l'on fixe un certain nombre de critères.

Monsieur le député Bavarel, moi je veux bien tout entendre, mais être soupçonné, accusé, de mettre à mal une structure, une école de musique, qui, hier, ne recevait aucune subvention et qui, demain, recevra 90 000 F, ça je ne le peux pas ! Vous me ferez votre démonstration si vous le pouvez ! Il est faux de prétendre que cette procédure a coûté 90 000 F, et vous le savez pertinemment parce que vous disposez de l'ensemble des éléments !

Et pourquoi ? Parce que la structure en question n'est pas une structure étatisée. Et du reste, fidèle aux engagements que j'ai pris devant ce parlement avec le Conseil d'Etat, depuis trois législatures maintenant, je n'entends pas entreprendre l'étatisation des écoles de musique. Oui, nous agissons pour diversifier l'offre, pour augmenter les places dans les écoles de danse, dans les écoles de musique ! Oui, nous agissons ainsi, car il convient de diversifier les apprentissages ! Mais, non, il ne revient pas à l'Etat de subventionner le personnel administratif des écoles de musique ! Non, il n'appartient pas à l'Etat de supprimer le bénévolat, parce que, tout simplement, cela relève de l'initiative, au sens même associatif de ce terme. Je pense que c'est le garant de la bonne vitalité du tissu social, qui assure à la fois l'accès à la musique et, plus généralement, l'accès à la culture.

Maintenant, lorsqu'une école quelle qu'elle soit perd des écolages, perd des élèves, et que la troupe qui, le cas échéant, la finance, subit un certain nombre de déboires, souhaitez-vous que l'Etat soit la garantie ? Alors il ne faut pas critiquer ce projet de loi ! Déposez un autre projet de loi qui demande une garantie à l'action associative, qui demande que l'on remplace le bénévolat dans les associations par une manne étatique ! Personnellement je ne défends pas cette idée, mais cela peut faire l'objet d'un projet en soi.

Par contre, je ne peux pas accepter, avec les sommes que nous engageons - à savoir des millions supplémentaires, sur quatre ans, pour l'enseignement musical - que vous prétendiez que nous sommes en train de mettre des écoles en péril, écoles qui peuvent, par ailleurs, rencontrer des difficultés !

Distinguons les choses ! Voter le projet de loi, c'est la meilleure des choses à faire pour garantir l'existence de ces écoles de musique. Comme je l'ai déjà dit en commission, pas plus tard qu'avant-hier - puisqu'on multiplie les interventions, j'allais dire «tous azimuts» entre pétitions, commissions parlementaires, plénières, allons-y ! - je regarde les choses à très court terme du point de vue de l'urgence, et, je vous le répète, il faut distinguer ce qui représente une aide à l'enseignement musical de base, d'une garantie étatique au fonctionnement associatif, car cette dernière n'est pas la philosophie de notre action ni celle de la LIAF, qui nous sert de cadre pour notre action. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote... (Commentaires.)

M. Christian Bavarel. J'ai été mis en cause !

Le président. Monsieur le député Bavarel, je vous sais suffisamment intelligent et cultivé pour que vous ne vous sentiez pas mis en cause, lorsqu'un conseiller d'Etat s'adresse à vous, ce qu'il fait à ses risques et périls !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'entrée en matière du projet de loi 10780.

Mis aux voix, le projet de loi 10780 est adopté en premier débat par 66 oui (unanimité des votants).

La loi 10780 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10780 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui (unanimité des votants).

Loi 10780